Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1903-01-27
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32757974m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 68249 Nombre total de vues : 68249
Description : 27 janvier 1903 27 janvier 1903
Description : 1903/01/27 (N12009). 1903/01/27 (N12009).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7572360g
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
CSIINQ CENTIMES te Nûmr
PARJSI DÉPARTEMENTS
J:.;e pa-tinaé^tS "CINO CENTIME®
LE XIX" SIECLE
ANNONCES
AUX BUREAUX DU JOURNAL ','
14, rue du Mail, Paris.
-fit chez MM. LAGRANGE, CERir & ait
6, place de la Bourse, 6.
paresse Télégraphia : xxx- SIÈCLE « PARIS
Pôt
Pàfîifra TiWéois 6f. Six-mois 11 f. Un an 20 f*
0 DspnTtnmpn } s -4- 7 f. - 12 f. — 24 f.
•Ufîio© Ç$stale —4 9f. - 16 f. — 32 &
Les Abonnements sont reçus sans fraia
dans tous les Bureaux de Posté
RÉDACTION: 14, rue du Mail
De à à 8 heures du soit- et de 10 heures du soir à 1 heure du matin
No 12009. — Mardi 27 Janvier 1903
8 PLUVIOSE AN 111
ADMINISTRATION; 14, rue du Mail
Adresser lettres el mandats à l'administrateur
NOS LEADERS
ntre les "Jeune Eglise"
et te lie Eglise"
Ce matin l'évêque Tolérant était re-
marquablement triste, d'une tristesse
dont les plus sceptiques n'avaient pas
le courage de rire, car ou sentait
qu'elle était due à des causes graves.
Lui,d'ordinaire,si doucement gai,sionc-
tueux en face des mille difficultés de la
vie, onctueux, doux et calme comme
l'était Renan, lui qui toujours s'em-
pressait à calmer les nerfs de quelques-
uns de nos amis, il était nerveux lui-
même à un incroyable degré.
LE PHILOSOPHE. — Qu'avez-vous donc,
mon cher Tolérant ? Je ne vous recon-
nais pas, aujourd'hui. Vous est-il ar-
rivé quelque malheur ? Partagez-le avec
nous, de grâce ; vous en serez soulagé
d'autant.
LE DÉPUTÉ. — Il est inutile d'imposer
à notre cher évêque la douleur d'une
confession. Je connais le motif de son
chagrin et je veux lui épargner la peine
de nous le révéler lui-même. Il est en-
core, j'en suis certain, sous l'impression
du chagrin qu'a dû lui faire éprouver
la lutte que viennent d'engager, en pu-
blic et bruyamment, les « vieille Eglise »
contre les « jeune Eglise ».
LE MAITRE DE LA MAISON. — Qu'enlen-
dez-vous par là ? De quoi s'agit-il ?
LE DÉPUTÉ. — Vous n'avez donc pas lu
la prose du cardinal-archevêque de
Paris contre le livre de l'abbé Loisy?
Vous ne savez donc pas que cet abbé est
une des lumières et des gloires de la
jeune Eglise? Eh bien ! le cardinal Ri-
chard vient de publier une ordonnance
par laquelle il « réprouve » un livre de
l'abbé Loisy, -intitulé l'Évangile et
l'Eglise, en « interdisant sa lecture au
clergé et aux fidèles de son diocèse ».
J'avoue, du reste, que j'ai appris l'exis-
tence de l'ouvrage par l'ordonnance qui
ie condamne, car je n'ai point l'habitude
de ces sortes de lectures.
N'est-il pas vrai, mon cher Tolérant.
que j'ai mis le doigt dans votre plaie?
Sans méchanceté, du reste, vous n'en
doutez point; mais non sans quelque
malice, je l'avoue, car il ne me déplaît
pas de voir les clercs se battre entre eux
sous les yeux des laïques.
L'ÉVÊQUE TOLÉRANT. — Moi, cela m'at-
triste profondément. J'avais rêvé d'une
Eglise catholique s'adaptant petit à pe-
tit aux nécessités de notre temps, se
faisant, dans la société moderne, la
place dont elle est digne par ia culture
et les sentiments de ses prélats et de ses
prêtres. Je voyais se former, sous l'œil
de quelques uns de nos évêques, et avec
les encouragements du souverain pon-
tife, une pépinière de jeunes curés ré-
publicains, auxquels ne craignaient pas
de se mêler un petit nombre de vieil-
lards. Je pensais quo les jeunes fini-
raient par entraîner tous les vieux à
leur suite, dans une marche en avant
qui aurait valu à notre sainte Eglise un
regain de popularité.
LE PHILOSOPHE. — Et il vous déplaît, à
votre âge, dans la haute situation mo-
rale quo vous occupez si dignement, de
jouer le rôle des Perrette. Je conçois
sans peine que vous en soyez pénible-
ment affecté. Mais, tout n'est peut-être
pas fini. Et puis, je voudrais bien savoir
ce qui, dans le livre de l'abbé Loisy, a
provoqué les sévérités, justes ou injus-
tes, — cela n'est point mon affaire, —
du cardinal Richard.
LE DÉPUTÉ. — Si je suis bien infor-
mé, la gravité de l'événement tiendrait
surtout à la manière dont il s'est pro-
duit, on dit que l'ordonnance de l'ar-
chevêque de Paris aurait été provoquée
par une campagne en règle d'un certain
nombre do « vieille Eglise » contre les
« curés démocrates ». Les partisans du
staln quo seraient à la fois mécontents
et jaloux de ces derniers : mécontents,
parce qu'ils ont peur du progrès; jaloux,
parce que les jeunes font un peu trop
parler d'eux.
LE MAITRE DE LA MAISON. — J'ignore si
la jalousie est pour quelque chose dans
l'attitude des « vieille Eglise » à l'égard
des jeunes réformateurs, mais je sais,
depuis longtemps déjà, que ceux-ci sont
vus par ceux-là d'un fort mauvais œil.
On accuse les partisans du progrès reli-
gieux de compromettre les intérêts de
l'Eglise, de porter atteinte à la foi ca-
tholique, de désorganiser le corps ec-
clésiastique, d'être, en un mot, des ré-
volutionnaires dangereux.
LE DÉPUTÉ. — Révolutionnaires ! des
curés, des évêques, voilà un terme dont
je n'aurais jamais osé me servir.
LE PHILOSOPHE. — On est toujours le
révolutionnaire de quelqu'un, cher ami,
et le réactionnaire de quelque autre.
Vous n'échappez pas vous-même à la
loi commune. Mais tout cela ne dit pas
ce qu'il y a dans le livre de l'abbé Loisy,
ni sous quel prétexte on l'a condamné.
LE DÉPUTÉ. - Le pretexte, comme
vous dites, est exposé tout au long dans
l'ordonnance du cardinal Richard, que
voici. D'abord, il y est dit que le livre a
été publié sans « Yimprimalur exigé
par les lois de l'Eglise », e'est-à-diie
sans l'autorisation l'a r ûqlle.
LEMULosoraE. - Il n'est pas douteux
qu'il y a là un acte de rébellion à l'é-
gard de l'autorité ecclésiastique, et vo-
tre abbé Loisy pourrait bien n'être, en
effet, qu'un affreux révolutionnaire.
Excusez l'interruption et continuez, je
vous prie.
LE DÉPUTÉ. — Le deuxième considé-
rant de l'ordonnance affirme que ce li-
vre « est de nature à troubler grave-
ment la foi des fidèles sur les dogmes
fondamentaux de l'enseignement catho-
lique, notamment sur l'autorité des
Ecritures et de la tradition, sur la divi-
nité de Jésus-Christ, sur sa science in-
faillible, sur la Rédemption opérée par
sa mort, sur sa Résurrection, sur l'Eu-
charistie, sur l'institution divine du
souverain pontificat et de l'épiscopat ».
LE PHILOSOPHE. — Voilà un abbé qui,
si je ne me trompe, sent son héré-
siarque d'une lieue. Qu'en dites-vous,
mon cher Tolérant?
L'ÉVÊQUE TOLÉRANT. — Je l'aime trop
pour qu'il me soit possible d'être impar-
tial en parlant de lui. Il me suffira, pour
toute réponse, de vous dire qu'il a été
appelé à Rome par le pape, et que ses
amis espèrent voir la Commission bi-
blique infirmer le jugement rendu par
l'archevêque de Paris.
LE PHILOSOPHE. — Un archevêque, un
cardinal, désavoué par la cour pontifi-
cale, au sujet d'un acte public, d'une or-
donnance solennelle ! mais, mon cher
Tolérant, est-ce que vous ne vous ren-
dez pas compte des conséquences qu'il
en pourrait résulter ?
L'ÉVÊQUE TOLÉRANT. — Elles ne se-
raient pas bien graves. La discipline est
la base même de l'Eglise catholique.
Qnand le pape se sera prononcé, tout le
monde s'inclinera. Du reste, Léon XIII
lui-mêmo est préoccupé de la question
traitée par l'abbé Loisy, car il a chargé
récemment une commission d'étudier,
dans tous leurs détails, les Ecritures
saintes afin, sans doute, de préciser
l'emploi qui doit être fait de leurs di-
verses parties dans l'enseignement de
l'Eglise catholique. C'est, en somme,
ce qu'a tenté de faire, pour son propre
compte, l'abbé Loisy.
LE MAITRE DE LA MAISON. — J'ai lu son
livre ; je l'ai là. Il ne m'avait point pa-
ru si révolutionnaire que le dit l'arche-
vêque do Paris; c'est une réponse à un
professeur protestant d'Allemagne,
nommé Harnack, qui a fait beaucoup
parler de lui, en ces derniers temps, qui
même est devenu, dit-on, un familier de
l'empereur Guillaume, et qui a entre-
pris un examen de la Bible et de l'his-
toire du christianisme, en prenant pour
point de départ l'idée que l'essence de
l'Evangile consiste uniquement dans la
foi au Dieu Père dont Jésus n'aurait été
que le révélateur.
LE PHILOSOPHE. — Co réformé a bien
fait de ne venir au monde que trois siè-
cles après le fondateur de la Réforme.
Il aurait eu quelque chance d'être traité
comme Muncer et ses paysans, dont le
zèle exagéré faisait dire à Luther, si j'ai
bonne mémoire : « Pas de grâce pour
eux; qu'on les traite comme des chiens
enragés! » Mais revenez à votre abbé,
s'il vous plaît. p..-
LE MAITRE DE LA MAISON. — Le livre de
l'abbé Loisy a précisément pour objet
de réfuter les doctrines du protestant
Harnack, au nom du catholicisme. Il lui
est arrivé, toutefois, ce qui advient à la
plupart des esprits qui se livrent à ce
genre d'études: à force de lire Harnack,
il a fini par s'en imprégner au point
qu'en beaucoup de pages de son livre,
on ne sait trop si c'est lui-même qui
tient la plume ou s'il ne l'a pas cédée à
celui qu'il commente et discute.
LE DÉPUTÉ.— Il déclare lui-même, dans
une interview, qu'il a étudié la Bible
surtout en historien désireux « de re-
constituer le sens primitif des textes,
sans se préoccuper de leur adaptation à
l'enseignement actuel de l'Eglise ». Et
il reconnaît qu'en se plaçant à ce point
de vue, « il a été amené ne voir, dans
les premiers chapitres de la Genèse, que
des vieilles légendes mytliiqties » -
LE PHILOSOPHE. — Ce « jeune Eglise »
sent la réforme d'une lieue. Il me pa-
raît négliger un peu la révélation.
LE MAITRE DE LA MAISON.— Il n'en parle
pas. Mais je trouve en son livre des
choses comme celle-ci : « Le départ, il
faut bien l'avouer, est souvent difficile
à faire entre la religion personnelle de
Jésus et la façon dont ses disciples l'ont
comprise, entre la pensée du maître.
LE DÉPUTÉ. — Jésus qualifié simple-
ment de « maître ! » mais c'est du Renan
tout pur, cela ! Votre abbé commence
à m'intéresser.
LE MAlTRE DE LA MAISON. — «. entre
la pensée du maître et les interprétations
de la tradition apostolique. Si le Christ
avait rédigé lui-même un exposé de sa
doctrine et un résumé de sa prédication,
un traité methodique de son Oeuvre, de
son rôle, de ses espérances, l'historien
soumettrait cet écrit à l'examen le plus
attentif et déterminerait, d'après un té-
moignage indiscutable, l'essence de
l'Evangile.
LE PHILOSOPHE. — Le malheur est que
les Dieux, voire même les fils des Dieux,
n'ont jamais écrit eux-mêmes ni leurs
mémoires ni leurs doctrines religieuses.
Il a fallu toujours qu'une main d'homma
tînt la plume ou le pinceau, ou le bu-
rin. Votre abbé ne fait pas mal de
mettre en lumière ce fait, mais n'y a-
t-il point mis quelque malicieuse inten-
tion ?
LE MAITRE DE LA MAISON. — Lisez-moj
continuer : « Jamais, remarque l'abbé
Loisy, un tel écrit n'a existé et rien ne
peut suppléer à son absence. Il ne reste,
dans les Evangiles, qu'un écho, néces-
sairement affaibli et un peu mêlé, de la
parole de Jésus. quoique l'on pense,
théologiquement, de la tradition, que
l'on s'y fie et que l'on s'en défie, on ne
connaît le Christ que par la tradition, à
travers la tradition.
LE PHILOSOPHE. — C'est-à-dire à tra-
vers ce qu'il y a de moins scientifique.
Qui dit tradition, dit légende, quatre-
vingt-dix neuf fois sur cent. Je com-
mence à comprendre que ce livre ait
désagréablement chatouillé l'épiderme
des « Vieille Eglise ». Que dit-il de
Jésus lui-même, du Christ ? Ce qu'il
en dit est-il réellement de nature à faire
douter de sa divinité, ainsi que l'af-
firme l'archevêque de Paris, dans l'or-
donnance qui nous a été lue tout à
l'heure?
LE MAITRE DE LA MAISON. — Jugez-en
vous-même. Parlant du dogme de la
divinité du Christ, il dit textuellement :
« Même quand on ne veut pas recon-
naître dans l'Evangile les premiers
linéaments de la christologie.)
LE PHILOSOPHE. — Christologie a dû
paraître au cardinal Richard un terme
bien scientifique et bien peu respectueux
dans la bouche de l'un de ses clercs.
LE UAITRE DE LA MAISON. — Je conti-
nue : « On est du moins contraint de les
retrouver dans saint Paul. L'apôtre qui
a rendu à la religion chrétienne le ser-
vice éminent de la détacher du ju-
daïsme. a jeté aussi les bases du dogme
chrétien. S'il n'a point formulé de
dogme, il a orienté l'Eglise sur la pente
du développement dogmatique. » Il
montre ensuite le christianisme obligé,
lorsqu'il pénétra parmi les Grecs, de
donner des lois à ce qui n'avait été en-
core que des idées pures et notamment
d'incarner le Verbe, le Logos, la Parole
de Dieu dans le Christ. « Jean, dit-il,
avait bien écrit que Jésus était le Lo-
gos Après lui vinrent des docteurs
enseignant que Jésus-Christ avait été
l'apparition corporelle du Logos, et
cette idée remplaça la notion intangible
du Messie. »
LE PHILOSOPHE. — J'émettais, dans un
de nos précédents entretiens, l'idée que
l'Eglise se rendrait un fort grand service
à elle-même, si elle consentait à jeter
un voile sur ses dogmes inintelligibles,
à rationnaliser sa doctrine ; je ne sa-
vais pas qu'il y eût, au moment même
où j'exprimais cette opinion, des prê-
tres assez audacieux pour penser comme
moi, et surtout pour traduire leur pen-
sée d'une façon aussi nette.
Si j'en juge, en effet, par les quelques
lignes dont vous venez de nous faire
part, le but de l'abbé Loisy serait d'ex-
pliquer par l'évolution naturelle des
doctrines, sous l'influence du milieu
ethnologique et social, la formation
graduelle des dogmes et des rites du ca-
tholicisme.
LE LUTRE DE LA MAISON. — C'est bien
ainsi que j'interprète son œuvre qui,
à beaucoup d'égards, est absolument re-
marquable. Personne, par exemple,
n'a mieux mis en lumière les concessions
que le christianisme, religion purement
idéaliste comme le judaïsme, dût faire
à l'esprit païen des Aryens pour substi-
tuer ses saints et ses saintes aux dieux
et aux déesses du paganisme occidental.
11 me paraît être surtout évolutionniste.
LE PHILOSOPHE. - Je félicite votre abbé
de n'avoir vécu ni à l'époque d'Inno-
cent 111, ni au temps de Luther ou de
Calvin ; et je vais lire son Evangile. D'a-
près ce que vous en dites et grâce au
zèle intempestif des « vieille Eglise » il
pourrait bien marquer une date dans
l'histoire du catholicisme français.
J.-L. de Lanessan.
ÉLECTION LÉGISLATIVE DES BASSES-ALPES
Digne, 25 janvier.
Election législative à Castellane.
M. Boni do Castellane a, jusqu'ici,une majo-
rité de 500 voix.
Il manque les résultats de 20 communes.
»' —■—
ITALIENS ET ANGLAIS AU SOALlLAND
(De notre correspondant particulier)
Rome, 25 janvier.
Il paraît que le concours que le gouverne-
ment italien a accordé à l'expédition anglaise
dans le Somaliland est beaucoup plus impor-
tant qu'on no l'avoue. Dans le plus grand
silence, on a envoyé deux compagnies de bas-
chi-bozouks de la colonie italienne renforcer
les troupes anglaises. De plu" le colonel Lova-
telli a été attaché au service de l'état-major de
l'expédition.
Un député se proposa d'interpeller le gouver-
nement italien à ce sujet.
—-—"■
LA LlBlBTÉ DE PORTÉR
LA BARBE POUR LES PRÊTRES
(De notre correspondant particulierI
Vienne, 25 janvier.
Le clergé de la Basse-Autriche a adressé à
l'archevêque de Vienne une pétition demandant
que l'obligation pour les prêtres, de se raser le
visage, fût abolie. Les signataires invoquent
comme principal argument « qu'on con-
fond trop facilement le prêtre avec le cabotin »
ce qui a certains inconvénients.
gen
LA CHARITÉ DE GUILLAUME Il
(De noIre correspondant particulier)
Berlin, 2a janvier.
L'emperour Guillaume, devant la grande mi-
sèro qui règne en Allemagne, a exprimé le de-
sir que les conseils municipaux de diverses vil-
les voulussent bien affecter à un but de bien-
faisance les fonds destinés i* couvrir tes frais
de la îôto do l'empereur..
CflUSERIEPËDftGOGIQUE
LES LETTRES ANONYMES
Le fléau des administrations. — Une
protestation des instituteurs. — Un
éloquent porte-parole. — Une cir-
culaire attendue. — Les destina-
taires.- Délateurs et délations.
— La suppression des dossiers
secrets.
Les lettres anonymes, c'est le fléau do toutes
les administrations. Elles empoisonnent l'exis-
tencd des fonctionnaires. Avec leurs grands
airs de vertu effarouchée, ces hypocrites ont
la prétention de dévoiler aux chefs de service
les manquements de leurs subordonnés.
Toujours odieuses et malfaisantes, elles sont
fatales dans certaines circonstances. Elles en-
combrent les dossiers, retardent les avance-
ments, compromettent les carrières. Elles tour-
mentent, martyrisent. Leurs victimes reçoivent
leurs coups sans pouvoir distinguer le fantôme
qui les leur assène. Elles ont provoqué des
folies, des suicides. Elles font, en tout cas, ou-
vrir des enquêtes. Leurs auteurs jouissent
ainsi tranquillement des fruits de leur mé-
chanceté.
On les régale vraiment trop volontiers de ce
friand plaisir. On les autorise trop aisément à
faire le mal. Aussi approuvons-nous sans ré-
serve la protestation que les instituteurs vien-
nent de faire entendre directement à M. Chau-
mié contre la bon accueil ordinairement ré-
servé aux dénonciations anonymes dont ils
sont l'objet.
C'est M. Comte, directeur d'école primaire à
Paris, membre du Conseil supérieur de l'ins-
truclion publique, qui a été leur éloquent
porte-parole.
Il a profilé de la belle fête organisée derniè-
rement par la « Société pédagogique des direc-
teurs et directrices des écoles de la ville do
Paris » pour demander au ministre présent de
vouloir bien dans une circulaire inviter les
recteurs, les préfets et les inspecteurs d'acadé-
mie « à ne plus tenir compte des lettres ano-
nymes ».
Une courageuse requête
Cette courageuse requête honore grandement
celui qui l'a faite. C'est l'acte d'unhomma droit.
Tout le monde l'approuvera, même ceux qui
devraient protester, s'ils mettaient leurs senti-
monts d'accord avec leur conduite.
Ce qu'on fait des lettres anonymes
Une remarque à faire, en effet, à propos des
lettres anonymes, c'est qu'il y a une profonde
différence entre ce que l'on en pénse, ce qu'on
en dit et l'usage qu'on en fait.
Tout le monde les condamne. Ce n'est pas
douteux. Le moyen de faite autrement ? Ce-
pendant rares sont les personnes qui en font fi.
Parmi les adwinistratenri, leurs destinatai-
res peuvent être classés en trois catégories.
La première se compose d'une élite. Ceux
qui sont dignes d'en faire partie expriment
leur opinion, à l'égard des lettres anonymes,
en les jetant au feu.
Ceux de la deuxième catégorie, beaucoup
pins nombreuse, cèdent â la tentation de les
lire et d'en examiner l'écriture contrefaite.
En toute sincérité, ils ne veulent leur accor-
der aucune espèce de créance. Toutefois, ils les
conservent pour que si, par hasard, éclate un
des scandales qui y sont annoncés, ils puissent
dire à leur supérieur : « J'étais prévenu, je
veillais. « C'est l'aveu qu'ils n'oublient pas
les confidences reçues et que les lettres ano-
nymes ne restent pas sans action sur eux.
Du moins ne les écoutent-ils pas avec intérêt,
comme certains autres qui ont une tendance
à admettre qu'elles constituent le puits d'où sort
la vérité. Ces derniers sont des pessimistes qui
doutent fortement du bien et croient facilement
au mal. Ils organisent des enquêtes sur les plus
faibles présomptions. Ils les poursuivent en
catimini, môme après qu'elles sont closes. lis
sont tout disposés à les rouvrir. Ils croient à la
culpabilité de tout inculpé. Ce sont des gens
qui approuvent et regrettent les moyens tor-
tionnaires d'autrefois, capables de faire avouer
les délits qu'on n'avait pas commis. Avec un
pareil état d'esprit, ces hommes aggravont le
mal causé par les lettres anonymes. Les déla-
teurs étant les bienvenus auprès d'eux, les dé-
lations, encouragées, deviennent plus fréquen-
tes.
Les dossiers secrets
Lo mal empire encore par suite d'une très
mauvaise habitude contractée par certains
chefs de service. Les accusations, même si-
gnées, sont transformées par eux en dossiers
mystérieux et secrets. Les intéressés se débat-
tent, dans leur défense, contre des ennemis
qu'on s'obstine à ne pas vouloir leur faire con-
naître.
Franchement nous nous demandons pour-
quoi. Ce n'est ni habile, ni honnête. M. Comte
a donc raison de demander « le droit absolu
pour tout fonctionnaire incriminé de se faire
entendre, après avoir pris connaissance de son
dossier ».
Un certain nombre d'inspecteurs de l'ensei-
gnement public communiquent déjà spontané-
ment aux instituteurs et aux institutrices les
plaintes qui leur parviennent sur le compte de
chacun d'eux.
Cette initiative fort louable mérite d'être gé-
néralisée. L'ordre ministériel est peut-être à ce
sujet sur le point d'être envoyé. En effet, dans
la réunion pédagogique où M. Comte a pro-
noncé les paroles que nous venons de rappor-
ter, M. Chaumié a déclaré que les discours
qu'il avait entendus étaient « des actes de
loyauté et de courage » Et il a ajouté :
Oui, ce que vous avez dit, ce qui est dans vos
cœurs, il était bon do le dire, et j'ai été heureux de
l'entendre.
C'est là un arrêt de mort pour les lettres
anonymes. Elles ne feront plus de victimes
dans l'Université, car il faut espérer que la me-
sure prise à leur égard ne sera pas spéciale à
l'enseignemant primaire. -
Ce sera, pour les autres administrations, un
bel exemple à suivre.
ARMAND DEPPER
L'ÉTAT ET L'ENSEIGNEMENT
C'est encore la question des rapports de l'Etat
et do l'Ecole qui est posée par MM. Jules Ga-
riel, directeur du Petit Méridional et Pierre
Brun, docteur ès-leltres, dans leur brochure:
Quelques notes sur le monopole de l'Enseigne-
ment (Ed. Cornély, éditeur, 101, rue de Vaugi-
rard).
Voilà un ouvrage de propagande qui a toutes
les qualités qu'on peut exiger d'un semblable
travail ; il est concis, complot et clair.
Il présente un autre titre à notre approba-
tion : il est original. Il ne résume pas les ou-
vrages antérieurs consacrés au même sujet : il
ajoute une pierre au monument que tant de
républicains laborieux édifient en collabora-
tion.
C'est peut-être la partie historique qui est la
plus intéressante. Elle est concentrée dans deux
chapitres-intitulés : De Richelieu à Falloux et
de Falloux à M. Combes.
MM. Jules Gariel et Pierre Brun nous prou-
vent que la doctrine de l'enseignement consi-
déré comme service public n'est pas une nou-
veauté due à l'imagination "surchauffée des
"liasseurs de chimères. Celle conception est au
contraire traditionnelle; l'esprit qui l'anime est
l'esprit môme de l'Etat français.
Sur ce point, l'ancien régime et la Révolution
sont tombés d'accord.
Le cardinal de Richelieu refusait de cr com-
mettre l'éducation des jeunes gens aux jésui-
tes », préoccupation indiquée par son Testa-
ment politique, de peur « de s'exposer à leur
donner une puissance d'autant plus suspecte
aux Eslats que toutes les charges et les grades
qui en donnent le maniement seraient enfin
remplis de leurs disciples, et que ceux qui, de
bonne heure, ont pris un ascendant sur des
esprits, le retinssent, quelquefois toute leur
vie ».
Prévisions auxquelles l'avenir devait donner
trop complètement raison 1
Et comme avait raison aussi le président La
Chalotais qui écrivait ;
Comment a-t-on pu penser que des hommes qui
ne tiennent pas à l'Estat, qui sont accoutumés à
mettre un religieux au-dessus des chefs des Estats,
leur Ordre au-dessus de la Patrie, leurs Instituts
et leurs Constitutions au-dessus des lois, seraient
capables d'eslever et d'instruire la jeuaesse du
roïaume. L'enseignement de la nation entière.
peut-il rester sous la direction d'un régime ultra-
montain, nécessairement ennemi de nos lois ?
Quelle inconséquence et quel scandale !
Ainsi pensait la vieille France. Et la France
nouvelle ne ponse pas autrement.
Maintenant, puisque cortains des défenseurs
de la « liberté de l'enseignement » — que Vic-
tor Hugo appelait la « liberté de ne pas ensei-
gner » — osent se recommander des noms de
certains grands républicains, prions-les de lire
les lignes suivantes.
Elles sont extraites du discours prononcé à
Saint-Quentin, le 17 novembre 1872, par Gam-
bella :
Je désire, de toute la puissance de mon âme,
qu'on sépare non seulement les Eglises de l'Etat,
mais qu'on sépare les écoles de l'Eglise. C'est pour
moi une nécessité d'ordre politique, j'ajoute d'ordre
social.
Et, à Chambéry, le 12 septembre de la même
année, Gambetta s'était écrié :
Il est impossible que des hommes qui ont fait
vœu de célibat et de chasteté soient compétents
pour instruire des enfants destinés à vivre dans
nos sociétés humaines; il est impossible que des
hommes qui n'ont jamais eu un cœur de père con-
tinuent à s'arroger le droit de pourvoir à l'éduca-
tion de la France moderne. Cela est impossible,
parce que cela est un danger perpétuel pour la so-
ciété, qui ne vit pas d'aspirations mystiques,
mais des sévères et hautes leçons de la science.
La loi Falloux devrait être répudiée par tous
les partis, sauf par ceux qui se réclament ou-
vertement de la pensée cléricale qui anima la
monarchie de la Restauration. — H. D.
Voir à la 33 page
les Dernières Dépêches
de la nuit et
la Revue des Journaux
du matin
Sort d'u commanda nt garibaldien
(De notre correspondant particulier]
Rome, 25 janvier.
On mande de Terni la mort de M. Edouard
Barberini, ancien commandant garibaldien.
qui prit part à l'expédition des Mille et qui en
1867 prépara la fuile de Garibaldi de l'île de
Caprera.
M. Barberini, né en 1827, d'une très riche
famille do Parme, avait sacrifié toute sa for-
tune à la cause de la délivrance de l'Ilalie.
Ces dernières années, il gagnait sa viecomme
ouvrier dans la manufacture d'armes de Terni.
La Franc-Maçonnerie, dont M. Barberini
était un fervent adepte, et les sociétés patrioti-
ques lui préparent des funérailles solennelles.
Menotti Garibaldi, fils du grand patriote, s'est
rendu à Terni pour assister aux obsèques de
l'ancien garibaldien.
;:.-: *0 ————————————
LES FORTERESSES ALLEMANDES
(De notre correspondant particulier)
Mayence, 25 janvier.
Un congrès de délégués des villes fortifiées de
l'Allemagne s'est réuni sous la présidence de
M. Gassner, maire do MaYbnce.
Le but de la réunion est de délibérer sur les
démarches nécessaires pour obtenir le déclas-
sement des grandes villes demeurées places
fortes.
Renan et le « Journal des Débats »
Parmi ceux de nos confrères qui approuvent
el appuient le projet d'érection d'un monu-
ment à Ernest Renan, dans sa ville natale,
Tréguier, ne figure pas le Journal des Débats.
Est-ce la timidité; est-ce la modestie qui en-
gage la vieille gazette à observer une réserve
si complète et si singulière ? Les Débets sont-ils
devenus si réactionnaires qu'ils no consentent
plus à voir dans Ernest Renan qu'un « exagé-
rateur » et qu'un « sectaire » ? Ou bien crai-
gnent-ils de témoigner trop d'amour-propre
en vantant eux-mêmes un de leurs anciens col-
laborateurs?
Naguère, le journal modéré mottait moins
de pudeur à revendiquer pour un des siens
l'auteur de la Vie de Jésus. Il inscrivait le
nom de Renan dans la « table générale des
collaborateurs du journaldes Débats» et signa-
lait complaisamment sa « collaboration très
suivie », ses « nombreux articles sur les reli-
gions, les littératures de l'Orient, les questions
philologiques, ainsi que plusieurs variétés lit
téraires ».
De même, dans le Livre du Centenaire du
Journal des Débats est insérée une longue étude
de Renan, relative au « Journal des Débats
sous le second empire ».
Ces pages sont intéressantes à relire aujour-
d'hui. Honan raconte quelles leçons il tira de
la fréquentation de M. Ustozade Silvestre de
Sacy.
«Le Journal les Débats, écrit-il,était pour M.
Ustozade une vraie religion, et il ne négligeait
rien pour me l'inculquer.C'est à lui que je dois
cette idée, profondément enracinée en moi,
que, pour aucune raison du monde, on ne
quitte le Journaldes Débais.»
Plus bas, Renan insiste : « Un des princi-
pes fondamentaux de ma vie fut : on ne quillo
pas le Journal des Débats. Arrivé à la fin de
mes jours, je reconnais combien il (M. Usto-
zade) avait raison, et je liens à transmettre
cette bonne doctrine à ceux qui viendront après
moi. L'amitié que je trouve dans cette excel-
lente maison est une des joies de ma vieillesse,
des consolations de mon déclin. »
Hélas, nous apprenons aujourd'hui ce que
Ronan, comme M. Ustozade, ignora toujours;
nous voyons que si « on ne quille pas le Jour-
nal des Débats, il vous lâche, lui, quelquefois :
et nous constatons que «l'amitié qu'on trouve
dans cette excellente maison a ne survit point
aux effusions des obsèques.
L'aventure dégage une ironie suffisante pour
venger celui qui eut trop d'esprit pour garder
jamais beaucoup do rancune. Mais, s'il est au
ciel une demeure dernière, M. Usiczade l'ha-
bite, car il fut pieux. Eh bien, il ne doit pas
être très content do M. do Nalèche ; et proba-
blement il lui reproche la désuétude de la
«boano. doctrine ». — Hugues Deurem,
LA MISERE
ENBRETJtGNE
Ce que nous disions en 1901. — Pour
remplacer la rogue. — Une industrie
française. — L'alcoolisme. — Le
remède. — Aujourd'hui. — Les se-
cours. — Nos lycéens. — La
Comédie Française.
Ce n'est pas en vain qu'on fait appel, chez nous,
au cœur du peuple, à ses sentiments de pitié et da
solidarité. Avec un élan et une promptitude vrai-
ment admirables, des secours ont été organisés da,
toutes parts pour 'Ooulager la misère des popula-
tions bretonnes. C'est très bien ; mais n'est-il pas
indispensable, avant tout, d'éviter le retour de pa-
reille misère ; d'y remédier, tout au moins, ew
éclairant les pêcheurs bretons, en les arrachant1
à de déplorables routines ?
Hélas! la misère actuelle n'était que trop pré-i
vue. Voici ce que M. Georges Hamon, s'inspirant
de l'Enseignement professionnel et technique des:
Pêches maritimes, reconnu d'utilité publique,
écrivait dans notre journal portant la date du.
3 juillet 1901.
Peut-on éviter la rogue?
Etant donné que là pêche à la sardine est
souvent aléatoire, et qu'avec elle il faut compter
sur les années d'abondance et sur celles de di- ,
selte, que souvent le poisson est vendu à vil'
prix et que la rogue est très coûteuse, n'est-il
pas un moyen d'élever le prix du rendement ?
Pourquoi ne pas chercher d'autres moyens da
capture ? En Espagne par exemple on pêche la
sardine sans rogue ; dans ce pays, les marinssa
servent d'armançons ou de madragues, ces
mêmes filets dont nous avons déjà parlé dans
notre précédente étude sur le thon.
Dans ces conditions de pêche, les Espagnols
peuvent vendre la sardine à très bon marché,
et leurs poissons pressés ou salés (procédés que
nous employions en 1747) inondent le Midi da
la France et même la Bretagne, où pourtant
existent de nombreuses usines de conserves à
l'huile.
Mais,sans dresser de compliquées madragues,
ne serait-il pas possible d'employer en France
sur nos côtes de Bretagne et du Poitou, des
sennes françaises perfectionnées, comme il co
existe déjà, mais contre l'usage desquelles s'est
élevée toute une population d'intéressés et
même les ordonnances officielles — celle de
1886-1887 notamment ?
Et cependant, avec ce procédé,c'est la résur-
rection de l'industrie sardinière, qui combattra
la rogue sur toutes ses formes naturelles ou
artificielles, les bateaux pontés destructeurs du
golfe de Gascogne et les madragues et armac-
çons espagnols.
La production annuelle de la sardine s'élève
actuellement de 10 à 12 millions de francs,
ceci, d'après les statistiques,qui sont naturelle-
ment inexactes puisque entre Penmarck et
Douarnenez on pêche 360 millions de sardines
en moyenne par an, représentant une valeur
de 9 millions de francs. Au total, il s'en pécha
plus do 2 milliards, et, pour les prendre, on
dépense près de 2 millions de rogue par an.
Chez les usiniers
La conserve à l'huile pour la sardine est une
industrie éminemment française, et c'est sur
les côtes de la basse-Bretagne et du bas-Poitou
qu'elle règne avec une puissance sans égale ;
de tous côtés l'agglomération ouvrière peine
sans relâche pour un salaire plus qu'insuffi-
sant.
E artons pour un instant la poésie, l'idéal
dont les poètes ont entouré les sardiniers et
sardinières et levons ce voile épinglé d'or et de
couleur du temps qui nous masque les yeux.
Que voyons-nous ?
L'alcool est le plus terrible fléau qui pèse
sur la population maritime adonnée à la pêche
à la sardine, laquelle Cilt facile et sans dangers,
car la côte est voisine et on atterrit parfois deux
ou trois fois par jour.
Or, ces visites à la côte sont les pires étapes*
En Bretagne, dès la première pêche du ma-
tin, vers 8 ou 9 heures, lorsque les pêcheurs
arrivent à terre, une matinale distribution da
boisson a lieu. (
On fait ce qu'on nomme la Cotériade, sorte
de soupe au poisson que l'on arrose plus que
largement ; à la seconde pêche, nouvelle dis-
tribution de vin.d'eau-de-vie, d'absinthe et pas
suite d'un effet naturel à la loi de l'offre et da
la demande, le poisson arrivant en quantité la
prix baisse !. Pour là troisième pêche la bois-
son est abondante, toujours plus abondante ;
c'est une fraternité touchante où le patron,
c'est-à-diro le mareyeur et l'usinier, les rois
du marché, rivalisent de libéralité ; aussi la
marin revenu, malgré tout, avec un lot consi-
dérable do sardines la vend-il à vil prix —
50 centimesle 1,000 — ou bien dégoûtë,écœuré,
la jette à la mer ou la laisse aux paysans pour
l'engrais des terres.
Mais l'usine est pleine à bon compte, elle
gémit sous le feu des chaudières, c'est une
ruche en travail, où l'ouvrier et l'ouvrière sont
d'ailleurs peu payés et alors on voit s'étaler
orgueilleuse cette prospérité débordante qui
semble insulter aux misères enfermées sous la
chaume!
Que faire'?
Le syndicat de pêcheurs, l'enseignement nau-
tique sous toutes ses formes et les débouchés à
créer, seront les agents de rénovation qui arra-
cheront les pêcheurs sardiniers et autres aux
monopoleurs. — Georges Ramon,
LES SECOURS AUX PÊCHEURS
Nos coufrères le Matin et le Français vien-
nent de clore leur souscription en faveur des
pêcheurs; cette souscription dépasse 50.000 fr.
Suivant le touchant exemple donné par les
élèves du lycée Condorcet, les lauréats du lycée
Henri-IV qui devaient assister au banquet da
la Sainl-Charlemllglle ont spontanément offert;
à M. Berlagne, proviseur, de renoncer à ce re-
pas et d'en affecter les fonds à l'œuvre des sar*
diniors bretons. M. Bertagne a accepté et c'est
700 fr. environ qui iront grossir la souscrip-
tion.
Dans une réunion tenue sous la présidence
de M. Jules Clarelie, le conseil d'ad^n'iuislra- 1
tion du Théâtre-Français a décidé que la Mai-
son de Molière donnerait une i*:: 'iûée au béné-
fice des pêcheurs bretons.
Un comité qui s'est formé à SaiDt-Manu
décidé d'organiser pour le 31 janvier una
grande soirée musicale et littéraire. De soit
côté, le conseil municipal de cette commune,'
a voté une somme de 500 francs et le çomil9
des Dames françaises 100 francs.
Brest, 25 Janvier.
Les dames de Brest ont expédié^ plusieurs
colis de vêtements pour les enfants ^de3 pè-
cheurs. La chambre de commerce de Dunker-
que a envoyé 500 francs à Brest pour les pô-,
cheurs.
La misère est toujours très grande à Au-
dierne; sur 4,600 habitants, on compte 3,500
indigents ; à Ploubioec, sur 7,000 habitants, il
y a 4.500 indigents. Los autorités de Saint-
Pabu signalent que de nombreux pêcheurs
n'ont plus de pain à donner à leurs familles.
Saint-Maixent, 25 janvier.
La Société d'instruction populaire organise
un grand concert au profit des pêcheurs
bretons et des pauvres de la ville, avec le con-
cours de la municipalité et des autorités mi-
litaires.
Le succès de la fête, qui aura lieu probable-
ment dans le manège de l'école militaire, est
assuré. i
Cherbourg, 25 janvier.
Conformément à l'autorisation donnée pat
PARJSI DÉPARTEMENTS
J:.;e pa-tinaé^tS "CINO CENTIME®
LE XIX" SIECLE
ANNONCES
AUX BUREAUX DU JOURNAL ','
14, rue du Mail, Paris.
-fit chez MM. LAGRANGE, CERir & ait
6, place de la Bourse, 6.
paresse Télégraphia : xxx- SIÈCLE « PARIS
Pôt
Pàfîifra TiWéois 6f. Six-mois 11 f. Un an 20 f*
0 DspnTtnmpn } s -4- 7 f. - 12 f. — 24 f.
•Ufîio© Ç$stale —4 9f. - 16 f. — 32 &
Les Abonnements sont reçus sans fraia
dans tous les Bureaux de Posté
RÉDACTION: 14, rue du Mail
De à à 8 heures du soit- et de 10 heures du soir à 1 heure du matin
No 12009. — Mardi 27 Janvier 1903
8 PLUVIOSE AN 111
ADMINISTRATION; 14, rue du Mail
Adresser lettres el mandats à l'administrateur
NOS LEADERS
ntre les "Jeune Eglise"
et te lie Eglise"
Ce matin l'évêque Tolérant était re-
marquablement triste, d'une tristesse
dont les plus sceptiques n'avaient pas
le courage de rire, car ou sentait
qu'elle était due à des causes graves.
Lui,d'ordinaire,si doucement gai,sionc-
tueux en face des mille difficultés de la
vie, onctueux, doux et calme comme
l'était Renan, lui qui toujours s'em-
pressait à calmer les nerfs de quelques-
uns de nos amis, il était nerveux lui-
même à un incroyable degré.
LE PHILOSOPHE. — Qu'avez-vous donc,
mon cher Tolérant ? Je ne vous recon-
nais pas, aujourd'hui. Vous est-il ar-
rivé quelque malheur ? Partagez-le avec
nous, de grâce ; vous en serez soulagé
d'autant.
LE DÉPUTÉ. — Il est inutile d'imposer
à notre cher évêque la douleur d'une
confession. Je connais le motif de son
chagrin et je veux lui épargner la peine
de nous le révéler lui-même. Il est en-
core, j'en suis certain, sous l'impression
du chagrin qu'a dû lui faire éprouver
la lutte que viennent d'engager, en pu-
blic et bruyamment, les « vieille Eglise »
contre les « jeune Eglise ».
LE MAITRE DE LA MAISON. — Qu'enlen-
dez-vous par là ? De quoi s'agit-il ?
LE DÉPUTÉ. — Vous n'avez donc pas lu
la prose du cardinal-archevêque de
Paris contre le livre de l'abbé Loisy?
Vous ne savez donc pas que cet abbé est
une des lumières et des gloires de la
jeune Eglise? Eh bien ! le cardinal Ri-
chard vient de publier une ordonnance
par laquelle il « réprouve » un livre de
l'abbé Loisy, -intitulé l'Évangile et
l'Eglise, en « interdisant sa lecture au
clergé et aux fidèles de son diocèse ».
J'avoue, du reste, que j'ai appris l'exis-
tence de l'ouvrage par l'ordonnance qui
ie condamne, car je n'ai point l'habitude
de ces sortes de lectures.
N'est-il pas vrai, mon cher Tolérant.
que j'ai mis le doigt dans votre plaie?
Sans méchanceté, du reste, vous n'en
doutez point; mais non sans quelque
malice, je l'avoue, car il ne me déplaît
pas de voir les clercs se battre entre eux
sous les yeux des laïques.
L'ÉVÊQUE TOLÉRANT. — Moi, cela m'at-
triste profondément. J'avais rêvé d'une
Eglise catholique s'adaptant petit à pe-
tit aux nécessités de notre temps, se
faisant, dans la société moderne, la
place dont elle est digne par ia culture
et les sentiments de ses prélats et de ses
prêtres. Je voyais se former, sous l'œil
de quelques uns de nos évêques, et avec
les encouragements du souverain pon-
tife, une pépinière de jeunes curés ré-
publicains, auxquels ne craignaient pas
de se mêler un petit nombre de vieil-
lards. Je pensais quo les jeunes fini-
raient par entraîner tous les vieux à
leur suite, dans une marche en avant
qui aurait valu à notre sainte Eglise un
regain de popularité.
LE PHILOSOPHE. — Et il vous déplaît, à
votre âge, dans la haute situation mo-
rale quo vous occupez si dignement, de
jouer le rôle des Perrette. Je conçois
sans peine que vous en soyez pénible-
ment affecté. Mais, tout n'est peut-être
pas fini. Et puis, je voudrais bien savoir
ce qui, dans le livre de l'abbé Loisy, a
provoqué les sévérités, justes ou injus-
tes, — cela n'est point mon affaire, —
du cardinal Richard.
LE DÉPUTÉ. — Si je suis bien infor-
mé, la gravité de l'événement tiendrait
surtout à la manière dont il s'est pro-
duit, on dit que l'ordonnance de l'ar-
chevêque de Paris aurait été provoquée
par une campagne en règle d'un certain
nombre do « vieille Eglise » contre les
« curés démocrates ». Les partisans du
staln quo seraient à la fois mécontents
et jaloux de ces derniers : mécontents,
parce qu'ils ont peur du progrès; jaloux,
parce que les jeunes font un peu trop
parler d'eux.
LE MAITRE DE LA MAISON. — J'ignore si
la jalousie est pour quelque chose dans
l'attitude des « vieille Eglise » à l'égard
des jeunes réformateurs, mais je sais,
depuis longtemps déjà, que ceux-ci sont
vus par ceux-là d'un fort mauvais œil.
On accuse les partisans du progrès reli-
gieux de compromettre les intérêts de
l'Eglise, de porter atteinte à la foi ca-
tholique, de désorganiser le corps ec-
clésiastique, d'être, en un mot, des ré-
volutionnaires dangereux.
LE DÉPUTÉ. — Révolutionnaires ! des
curés, des évêques, voilà un terme dont
je n'aurais jamais osé me servir.
LE PHILOSOPHE. — On est toujours le
révolutionnaire de quelqu'un, cher ami,
et le réactionnaire de quelque autre.
Vous n'échappez pas vous-même à la
loi commune. Mais tout cela ne dit pas
ce qu'il y a dans le livre de l'abbé Loisy,
ni sous quel prétexte on l'a condamné.
LE DÉPUTÉ. - Le pretexte, comme
vous dites, est exposé tout au long dans
l'ordonnance du cardinal Richard, que
voici. D'abord, il y est dit que le livre a
été publié sans « Yimprimalur exigé
par les lois de l'Eglise », e'est-à-diie
sans l'autorisation l'a r ûqlle.
LEMULosoraE. - Il n'est pas douteux
qu'il y a là un acte de rébellion à l'é-
gard de l'autorité ecclésiastique, et vo-
tre abbé Loisy pourrait bien n'être, en
effet, qu'un affreux révolutionnaire.
Excusez l'interruption et continuez, je
vous prie.
LE DÉPUTÉ. — Le deuxième considé-
rant de l'ordonnance affirme que ce li-
vre « est de nature à troubler grave-
ment la foi des fidèles sur les dogmes
fondamentaux de l'enseignement catho-
lique, notamment sur l'autorité des
Ecritures et de la tradition, sur la divi-
nité de Jésus-Christ, sur sa science in-
faillible, sur la Rédemption opérée par
sa mort, sur sa Résurrection, sur l'Eu-
charistie, sur l'institution divine du
souverain pontificat et de l'épiscopat ».
LE PHILOSOPHE. — Voilà un abbé qui,
si je ne me trompe, sent son héré-
siarque d'une lieue. Qu'en dites-vous,
mon cher Tolérant?
L'ÉVÊQUE TOLÉRANT. — Je l'aime trop
pour qu'il me soit possible d'être impar-
tial en parlant de lui. Il me suffira, pour
toute réponse, de vous dire qu'il a été
appelé à Rome par le pape, et que ses
amis espèrent voir la Commission bi-
blique infirmer le jugement rendu par
l'archevêque de Paris.
LE PHILOSOPHE. — Un archevêque, un
cardinal, désavoué par la cour pontifi-
cale, au sujet d'un acte public, d'une or-
donnance solennelle ! mais, mon cher
Tolérant, est-ce que vous ne vous ren-
dez pas compte des conséquences qu'il
en pourrait résulter ?
L'ÉVÊQUE TOLÉRANT. — Elles ne se-
raient pas bien graves. La discipline est
la base même de l'Eglise catholique.
Qnand le pape se sera prononcé, tout le
monde s'inclinera. Du reste, Léon XIII
lui-mêmo est préoccupé de la question
traitée par l'abbé Loisy, car il a chargé
récemment une commission d'étudier,
dans tous leurs détails, les Ecritures
saintes afin, sans doute, de préciser
l'emploi qui doit être fait de leurs di-
verses parties dans l'enseignement de
l'Eglise catholique. C'est, en somme,
ce qu'a tenté de faire, pour son propre
compte, l'abbé Loisy.
LE MAITRE DE LA MAISON. — J'ai lu son
livre ; je l'ai là. Il ne m'avait point pa-
ru si révolutionnaire que le dit l'arche-
vêque do Paris; c'est une réponse à un
professeur protestant d'Allemagne,
nommé Harnack, qui a fait beaucoup
parler de lui, en ces derniers temps, qui
même est devenu, dit-on, un familier de
l'empereur Guillaume, et qui a entre-
pris un examen de la Bible et de l'his-
toire du christianisme, en prenant pour
point de départ l'idée que l'essence de
l'Evangile consiste uniquement dans la
foi au Dieu Père dont Jésus n'aurait été
que le révélateur.
LE PHILOSOPHE. — Co réformé a bien
fait de ne venir au monde que trois siè-
cles après le fondateur de la Réforme.
Il aurait eu quelque chance d'être traité
comme Muncer et ses paysans, dont le
zèle exagéré faisait dire à Luther, si j'ai
bonne mémoire : « Pas de grâce pour
eux; qu'on les traite comme des chiens
enragés! » Mais revenez à votre abbé,
s'il vous plaît. p..-
LE MAITRE DE LA MAISON. — Le livre de
l'abbé Loisy a précisément pour objet
de réfuter les doctrines du protestant
Harnack, au nom du catholicisme. Il lui
est arrivé, toutefois, ce qui advient à la
plupart des esprits qui se livrent à ce
genre d'études: à force de lire Harnack,
il a fini par s'en imprégner au point
qu'en beaucoup de pages de son livre,
on ne sait trop si c'est lui-même qui
tient la plume ou s'il ne l'a pas cédée à
celui qu'il commente et discute.
LE DÉPUTÉ.— Il déclare lui-même, dans
une interview, qu'il a étudié la Bible
surtout en historien désireux « de re-
constituer le sens primitif des textes,
sans se préoccuper de leur adaptation à
l'enseignement actuel de l'Eglise ». Et
il reconnaît qu'en se plaçant à ce point
de vue, « il a été amené ne voir, dans
les premiers chapitres de la Genèse, que
des vieilles légendes mytliiqties » -
LE PHILOSOPHE. — Ce « jeune Eglise »
sent la réforme d'une lieue. Il me pa-
raît négliger un peu la révélation.
LE MAITRE DE LA MAISON.— Il n'en parle
pas. Mais je trouve en son livre des
choses comme celle-ci : « Le départ, il
faut bien l'avouer, est souvent difficile
à faire entre la religion personnelle de
Jésus et la façon dont ses disciples l'ont
comprise, entre la pensée du maître.
LE DÉPUTÉ. — Jésus qualifié simple-
ment de « maître ! » mais c'est du Renan
tout pur, cela ! Votre abbé commence
à m'intéresser.
LE MAlTRE DE LA MAISON. — «. entre
la pensée du maître et les interprétations
de la tradition apostolique. Si le Christ
avait rédigé lui-même un exposé de sa
doctrine et un résumé de sa prédication,
un traité methodique de son Oeuvre, de
son rôle, de ses espérances, l'historien
soumettrait cet écrit à l'examen le plus
attentif et déterminerait, d'après un té-
moignage indiscutable, l'essence de
l'Evangile.
LE PHILOSOPHE. — Le malheur est que
les Dieux, voire même les fils des Dieux,
n'ont jamais écrit eux-mêmes ni leurs
mémoires ni leurs doctrines religieuses.
Il a fallu toujours qu'une main d'homma
tînt la plume ou le pinceau, ou le bu-
rin. Votre abbé ne fait pas mal de
mettre en lumière ce fait, mais n'y a-
t-il point mis quelque malicieuse inten-
tion ?
LE MAITRE DE LA MAISON. — Lisez-moj
continuer : « Jamais, remarque l'abbé
Loisy, un tel écrit n'a existé et rien ne
peut suppléer à son absence. Il ne reste,
dans les Evangiles, qu'un écho, néces-
sairement affaibli et un peu mêlé, de la
parole de Jésus. quoique l'on pense,
théologiquement, de la tradition, que
l'on s'y fie et que l'on s'en défie, on ne
connaît le Christ que par la tradition, à
travers la tradition.
LE PHILOSOPHE. — C'est-à-dire à tra-
vers ce qu'il y a de moins scientifique.
Qui dit tradition, dit légende, quatre-
vingt-dix neuf fois sur cent. Je com-
mence à comprendre que ce livre ait
désagréablement chatouillé l'épiderme
des « Vieille Eglise ». Que dit-il de
Jésus lui-même, du Christ ? Ce qu'il
en dit est-il réellement de nature à faire
douter de sa divinité, ainsi que l'af-
firme l'archevêque de Paris, dans l'or-
donnance qui nous a été lue tout à
l'heure?
LE MAITRE DE LA MAISON. — Jugez-en
vous-même. Parlant du dogme de la
divinité du Christ, il dit textuellement :
« Même quand on ne veut pas recon-
naître dans l'Evangile les premiers
linéaments de la christologie.)
LE PHILOSOPHE. — Christologie a dû
paraître au cardinal Richard un terme
bien scientifique et bien peu respectueux
dans la bouche de l'un de ses clercs.
LE UAITRE DE LA MAISON. — Je conti-
nue : « On est du moins contraint de les
retrouver dans saint Paul. L'apôtre qui
a rendu à la religion chrétienne le ser-
vice éminent de la détacher du ju-
daïsme. a jeté aussi les bases du dogme
chrétien. S'il n'a point formulé de
dogme, il a orienté l'Eglise sur la pente
du développement dogmatique. » Il
montre ensuite le christianisme obligé,
lorsqu'il pénétra parmi les Grecs, de
donner des lois à ce qui n'avait été en-
core que des idées pures et notamment
d'incarner le Verbe, le Logos, la Parole
de Dieu dans le Christ. « Jean, dit-il,
avait bien écrit que Jésus était le Lo-
gos Après lui vinrent des docteurs
enseignant que Jésus-Christ avait été
l'apparition corporelle du Logos, et
cette idée remplaça la notion intangible
du Messie. »
LE PHILOSOPHE. — J'émettais, dans un
de nos précédents entretiens, l'idée que
l'Eglise se rendrait un fort grand service
à elle-même, si elle consentait à jeter
un voile sur ses dogmes inintelligibles,
à rationnaliser sa doctrine ; je ne sa-
vais pas qu'il y eût, au moment même
où j'exprimais cette opinion, des prê-
tres assez audacieux pour penser comme
moi, et surtout pour traduire leur pen-
sée d'une façon aussi nette.
Si j'en juge, en effet, par les quelques
lignes dont vous venez de nous faire
part, le but de l'abbé Loisy serait d'ex-
pliquer par l'évolution naturelle des
doctrines, sous l'influence du milieu
ethnologique et social, la formation
graduelle des dogmes et des rites du ca-
tholicisme.
LE LUTRE DE LA MAISON. — C'est bien
ainsi que j'interprète son œuvre qui,
à beaucoup d'égards, est absolument re-
marquable. Personne, par exemple,
n'a mieux mis en lumière les concessions
que le christianisme, religion purement
idéaliste comme le judaïsme, dût faire
à l'esprit païen des Aryens pour substi-
tuer ses saints et ses saintes aux dieux
et aux déesses du paganisme occidental.
11 me paraît être surtout évolutionniste.
LE PHILOSOPHE. - Je félicite votre abbé
de n'avoir vécu ni à l'époque d'Inno-
cent 111, ni au temps de Luther ou de
Calvin ; et je vais lire son Evangile. D'a-
près ce que vous en dites et grâce au
zèle intempestif des « vieille Eglise » il
pourrait bien marquer une date dans
l'histoire du catholicisme français.
J.-L. de Lanessan.
ÉLECTION LÉGISLATIVE DES BASSES-ALPES
Digne, 25 janvier.
Election législative à Castellane.
M. Boni do Castellane a, jusqu'ici,une majo-
rité de 500 voix.
Il manque les résultats de 20 communes.
»' —■—
ITALIENS ET ANGLAIS AU SOALlLAND
(De notre correspondant particulier)
Rome, 25 janvier.
Il paraît que le concours que le gouverne-
ment italien a accordé à l'expédition anglaise
dans le Somaliland est beaucoup plus impor-
tant qu'on no l'avoue. Dans le plus grand
silence, on a envoyé deux compagnies de bas-
chi-bozouks de la colonie italienne renforcer
les troupes anglaises. De plu" le colonel Lova-
telli a été attaché au service de l'état-major de
l'expédition.
Un député se proposa d'interpeller le gouver-
nement italien à ce sujet.
—-—"■
LA LlBlBTÉ DE PORTÉR
LA BARBE POUR LES PRÊTRES
(De notre correspondant particulierI
Vienne, 25 janvier.
Le clergé de la Basse-Autriche a adressé à
l'archevêque de Vienne une pétition demandant
que l'obligation pour les prêtres, de se raser le
visage, fût abolie. Les signataires invoquent
comme principal argument « qu'on con-
fond trop facilement le prêtre avec le cabotin »
ce qui a certains inconvénients.
gen
LA CHARITÉ DE GUILLAUME Il
(De noIre correspondant particulier)
Berlin, 2a janvier.
L'emperour Guillaume, devant la grande mi-
sèro qui règne en Allemagne, a exprimé le de-
sir que les conseils municipaux de diverses vil-
les voulussent bien affecter à un but de bien-
faisance les fonds destinés i* couvrir tes frais
de la îôto do l'empereur..
CflUSERIEPËDftGOGIQUE
LES LETTRES ANONYMES
Le fléau des administrations. — Une
protestation des instituteurs. — Un
éloquent porte-parole. — Une cir-
culaire attendue. — Les destina-
taires.- Délateurs et délations.
— La suppression des dossiers
secrets.
Les lettres anonymes, c'est le fléau do toutes
les administrations. Elles empoisonnent l'exis-
tencd des fonctionnaires. Avec leurs grands
airs de vertu effarouchée, ces hypocrites ont
la prétention de dévoiler aux chefs de service
les manquements de leurs subordonnés.
Toujours odieuses et malfaisantes, elles sont
fatales dans certaines circonstances. Elles en-
combrent les dossiers, retardent les avance-
ments, compromettent les carrières. Elles tour-
mentent, martyrisent. Leurs victimes reçoivent
leurs coups sans pouvoir distinguer le fantôme
qui les leur assène. Elles ont provoqué des
folies, des suicides. Elles font, en tout cas, ou-
vrir des enquêtes. Leurs auteurs jouissent
ainsi tranquillement des fruits de leur mé-
chanceté.
On les régale vraiment trop volontiers de ce
friand plaisir. On les autorise trop aisément à
faire le mal. Aussi approuvons-nous sans ré-
serve la protestation que les instituteurs vien-
nent de faire entendre directement à M. Chau-
mié contre la bon accueil ordinairement ré-
servé aux dénonciations anonymes dont ils
sont l'objet.
C'est M. Comte, directeur d'école primaire à
Paris, membre du Conseil supérieur de l'ins-
truclion publique, qui a été leur éloquent
porte-parole.
Il a profilé de la belle fête organisée derniè-
rement par la « Société pédagogique des direc-
teurs et directrices des écoles de la ville do
Paris » pour demander au ministre présent de
vouloir bien dans une circulaire inviter les
recteurs, les préfets et les inspecteurs d'acadé-
mie « à ne plus tenir compte des lettres ano-
nymes ».
Une courageuse requête
Cette courageuse requête honore grandement
celui qui l'a faite. C'est l'acte d'unhomma droit.
Tout le monde l'approuvera, même ceux qui
devraient protester, s'ils mettaient leurs senti-
monts d'accord avec leur conduite.
Ce qu'on fait des lettres anonymes
Une remarque à faire, en effet, à propos des
lettres anonymes, c'est qu'il y a une profonde
différence entre ce que l'on en pénse, ce qu'on
en dit et l'usage qu'on en fait.
Tout le monde les condamne. Ce n'est pas
douteux. Le moyen de faite autrement ? Ce-
pendant rares sont les personnes qui en font fi.
Parmi les adwinistratenri, leurs destinatai-
res peuvent être classés en trois catégories.
La première se compose d'une élite. Ceux
qui sont dignes d'en faire partie expriment
leur opinion, à l'égard des lettres anonymes,
en les jetant au feu.
Ceux de la deuxième catégorie, beaucoup
pins nombreuse, cèdent â la tentation de les
lire et d'en examiner l'écriture contrefaite.
En toute sincérité, ils ne veulent leur accor-
der aucune espèce de créance. Toutefois, ils les
conservent pour que si, par hasard, éclate un
des scandales qui y sont annoncés, ils puissent
dire à leur supérieur : « J'étais prévenu, je
veillais. « C'est l'aveu qu'ils n'oublient pas
les confidences reçues et que les lettres ano-
nymes ne restent pas sans action sur eux.
Du moins ne les écoutent-ils pas avec intérêt,
comme certains autres qui ont une tendance
à admettre qu'elles constituent le puits d'où sort
la vérité. Ces derniers sont des pessimistes qui
doutent fortement du bien et croient facilement
au mal. Ils organisent des enquêtes sur les plus
faibles présomptions. Ils les poursuivent en
catimini, môme après qu'elles sont closes. lis
sont tout disposés à les rouvrir. Ils croient à la
culpabilité de tout inculpé. Ce sont des gens
qui approuvent et regrettent les moyens tor-
tionnaires d'autrefois, capables de faire avouer
les délits qu'on n'avait pas commis. Avec un
pareil état d'esprit, ces hommes aggravont le
mal causé par les lettres anonymes. Les déla-
teurs étant les bienvenus auprès d'eux, les dé-
lations, encouragées, deviennent plus fréquen-
tes.
Les dossiers secrets
Lo mal empire encore par suite d'une très
mauvaise habitude contractée par certains
chefs de service. Les accusations, même si-
gnées, sont transformées par eux en dossiers
mystérieux et secrets. Les intéressés se débat-
tent, dans leur défense, contre des ennemis
qu'on s'obstine à ne pas vouloir leur faire con-
naître.
Franchement nous nous demandons pour-
quoi. Ce n'est ni habile, ni honnête. M. Comte
a donc raison de demander « le droit absolu
pour tout fonctionnaire incriminé de se faire
entendre, après avoir pris connaissance de son
dossier ».
Un certain nombre d'inspecteurs de l'ensei-
gnement public communiquent déjà spontané-
ment aux instituteurs et aux institutrices les
plaintes qui leur parviennent sur le compte de
chacun d'eux.
Cette initiative fort louable mérite d'être gé-
néralisée. L'ordre ministériel est peut-être à ce
sujet sur le point d'être envoyé. En effet, dans
la réunion pédagogique où M. Comte a pro-
noncé les paroles que nous venons de rappor-
ter, M. Chaumié a déclaré que les discours
qu'il avait entendus étaient « des actes de
loyauté et de courage » Et il a ajouté :
Oui, ce que vous avez dit, ce qui est dans vos
cœurs, il était bon do le dire, et j'ai été heureux de
l'entendre.
C'est là un arrêt de mort pour les lettres
anonymes. Elles ne feront plus de victimes
dans l'Université, car il faut espérer que la me-
sure prise à leur égard ne sera pas spéciale à
l'enseignemant primaire. -
Ce sera, pour les autres administrations, un
bel exemple à suivre.
ARMAND DEPPER
L'ÉTAT ET L'ENSEIGNEMENT
C'est encore la question des rapports de l'Etat
et do l'Ecole qui est posée par MM. Jules Ga-
riel, directeur du Petit Méridional et Pierre
Brun, docteur ès-leltres, dans leur brochure:
Quelques notes sur le monopole de l'Enseigne-
ment (Ed. Cornély, éditeur, 101, rue de Vaugi-
rard).
Voilà un ouvrage de propagande qui a toutes
les qualités qu'on peut exiger d'un semblable
travail ; il est concis, complot et clair.
Il présente un autre titre à notre approba-
tion : il est original. Il ne résume pas les ou-
vrages antérieurs consacrés au même sujet : il
ajoute une pierre au monument que tant de
républicains laborieux édifient en collabora-
tion.
C'est peut-être la partie historique qui est la
plus intéressante. Elle est concentrée dans deux
chapitres-intitulés : De Richelieu à Falloux et
de Falloux à M. Combes.
MM. Jules Gariel et Pierre Brun nous prou-
vent que la doctrine de l'enseignement consi-
déré comme service public n'est pas une nou-
veauté due à l'imagination "surchauffée des
"liasseurs de chimères. Celle conception est au
contraire traditionnelle; l'esprit qui l'anime est
l'esprit môme de l'Etat français.
Sur ce point, l'ancien régime et la Révolution
sont tombés d'accord.
Le cardinal de Richelieu refusait de cr com-
mettre l'éducation des jeunes gens aux jésui-
tes », préoccupation indiquée par son Testa-
ment politique, de peur « de s'exposer à leur
donner une puissance d'autant plus suspecte
aux Eslats que toutes les charges et les grades
qui en donnent le maniement seraient enfin
remplis de leurs disciples, et que ceux qui, de
bonne heure, ont pris un ascendant sur des
esprits, le retinssent, quelquefois toute leur
vie ».
Prévisions auxquelles l'avenir devait donner
trop complètement raison 1
Et comme avait raison aussi le président La
Chalotais qui écrivait ;
Comment a-t-on pu penser que des hommes qui
ne tiennent pas à l'Estat, qui sont accoutumés à
mettre un religieux au-dessus des chefs des Estats,
leur Ordre au-dessus de la Patrie, leurs Instituts
et leurs Constitutions au-dessus des lois, seraient
capables d'eslever et d'instruire la jeuaesse du
roïaume. L'enseignement de la nation entière.
peut-il rester sous la direction d'un régime ultra-
montain, nécessairement ennemi de nos lois ?
Quelle inconséquence et quel scandale !
Ainsi pensait la vieille France. Et la France
nouvelle ne ponse pas autrement.
Maintenant, puisque cortains des défenseurs
de la « liberté de l'enseignement » — que Vic-
tor Hugo appelait la « liberté de ne pas ensei-
gner » — osent se recommander des noms de
certains grands républicains, prions-les de lire
les lignes suivantes.
Elles sont extraites du discours prononcé à
Saint-Quentin, le 17 novembre 1872, par Gam-
bella :
Je désire, de toute la puissance de mon âme,
qu'on sépare non seulement les Eglises de l'Etat,
mais qu'on sépare les écoles de l'Eglise. C'est pour
moi une nécessité d'ordre politique, j'ajoute d'ordre
social.
Et, à Chambéry, le 12 septembre de la même
année, Gambetta s'était écrié :
Il est impossible que des hommes qui ont fait
vœu de célibat et de chasteté soient compétents
pour instruire des enfants destinés à vivre dans
nos sociétés humaines; il est impossible que des
hommes qui n'ont jamais eu un cœur de père con-
tinuent à s'arroger le droit de pourvoir à l'éduca-
tion de la France moderne. Cela est impossible,
parce que cela est un danger perpétuel pour la so-
ciété, qui ne vit pas d'aspirations mystiques,
mais des sévères et hautes leçons de la science.
La loi Falloux devrait être répudiée par tous
les partis, sauf par ceux qui se réclament ou-
vertement de la pensée cléricale qui anima la
monarchie de la Restauration. — H. D.
Voir à la 33 page
les Dernières Dépêches
de la nuit et
la Revue des Journaux
du matin
Sort d'u commanda nt garibaldien
(De notre correspondant particulier]
Rome, 25 janvier.
On mande de Terni la mort de M. Edouard
Barberini, ancien commandant garibaldien.
qui prit part à l'expédition des Mille et qui en
1867 prépara la fuile de Garibaldi de l'île de
Caprera.
M. Barberini, né en 1827, d'une très riche
famille do Parme, avait sacrifié toute sa for-
tune à la cause de la délivrance de l'Ilalie.
Ces dernières années, il gagnait sa viecomme
ouvrier dans la manufacture d'armes de Terni.
La Franc-Maçonnerie, dont M. Barberini
était un fervent adepte, et les sociétés patrioti-
ques lui préparent des funérailles solennelles.
Menotti Garibaldi, fils du grand patriote, s'est
rendu à Terni pour assister aux obsèques de
l'ancien garibaldien.
;:.-: *0 ————————————
LES FORTERESSES ALLEMANDES
(De notre correspondant particulier)
Mayence, 25 janvier.
Un congrès de délégués des villes fortifiées de
l'Allemagne s'est réuni sous la présidence de
M. Gassner, maire do MaYbnce.
Le but de la réunion est de délibérer sur les
démarches nécessaires pour obtenir le déclas-
sement des grandes villes demeurées places
fortes.
Renan et le « Journal des Débats »
Parmi ceux de nos confrères qui approuvent
el appuient le projet d'érection d'un monu-
ment à Ernest Renan, dans sa ville natale,
Tréguier, ne figure pas le Journal des Débats.
Est-ce la timidité; est-ce la modestie qui en-
gage la vieille gazette à observer une réserve
si complète et si singulière ? Les Débets sont-ils
devenus si réactionnaires qu'ils no consentent
plus à voir dans Ernest Renan qu'un « exagé-
rateur » et qu'un « sectaire » ? Ou bien crai-
gnent-ils de témoigner trop d'amour-propre
en vantant eux-mêmes un de leurs anciens col-
laborateurs?
Naguère, le journal modéré mottait moins
de pudeur à revendiquer pour un des siens
l'auteur de la Vie de Jésus. Il inscrivait le
nom de Renan dans la « table générale des
collaborateurs du journaldes Débats» et signa-
lait complaisamment sa « collaboration très
suivie », ses « nombreux articles sur les reli-
gions, les littératures de l'Orient, les questions
philologiques, ainsi que plusieurs variétés lit
téraires ».
De même, dans le Livre du Centenaire du
Journal des Débats est insérée une longue étude
de Renan, relative au « Journal des Débats
sous le second empire ».
Ces pages sont intéressantes à relire aujour-
d'hui. Honan raconte quelles leçons il tira de
la fréquentation de M. Ustozade Silvestre de
Sacy.
«Le Journal les Débats, écrit-il,était pour M.
Ustozade une vraie religion, et il ne négligeait
rien pour me l'inculquer.C'est à lui que je dois
cette idée, profondément enracinée en moi,
que, pour aucune raison du monde, on ne
quitte le Journaldes Débais.»
Plus bas, Renan insiste : « Un des princi-
pes fondamentaux de ma vie fut : on ne quillo
pas le Journal des Débats. Arrivé à la fin de
mes jours, je reconnais combien il (M. Usto-
zade) avait raison, et je liens à transmettre
cette bonne doctrine à ceux qui viendront après
moi. L'amitié que je trouve dans cette excel-
lente maison est une des joies de ma vieillesse,
des consolations de mon déclin. »
Hélas, nous apprenons aujourd'hui ce que
Ronan, comme M. Ustozade, ignora toujours;
nous voyons que si « on ne quille pas le Jour-
nal des Débats, il vous lâche, lui, quelquefois :
et nous constatons que «l'amitié qu'on trouve
dans cette excellente maison a ne survit point
aux effusions des obsèques.
L'aventure dégage une ironie suffisante pour
venger celui qui eut trop d'esprit pour garder
jamais beaucoup do rancune. Mais, s'il est au
ciel une demeure dernière, M. Usiczade l'ha-
bite, car il fut pieux. Eh bien, il ne doit pas
être très content do M. do Nalèche ; et proba-
blement il lui reproche la désuétude de la
«boano. doctrine ». — Hugues Deurem,
LA MISERE
ENBRETJtGNE
Ce que nous disions en 1901. — Pour
remplacer la rogue. — Une industrie
française. — L'alcoolisme. — Le
remède. — Aujourd'hui. — Les se-
cours. — Nos lycéens. — La
Comédie Française.
Ce n'est pas en vain qu'on fait appel, chez nous,
au cœur du peuple, à ses sentiments de pitié et da
solidarité. Avec un élan et une promptitude vrai-
ment admirables, des secours ont été organisés da,
toutes parts pour 'Ooulager la misère des popula-
tions bretonnes. C'est très bien ; mais n'est-il pas
indispensable, avant tout, d'éviter le retour de pa-
reille misère ; d'y remédier, tout au moins, ew
éclairant les pêcheurs bretons, en les arrachant1
à de déplorables routines ?
Hélas! la misère actuelle n'était que trop pré-i
vue. Voici ce que M. Georges Hamon, s'inspirant
de l'Enseignement professionnel et technique des:
Pêches maritimes, reconnu d'utilité publique,
écrivait dans notre journal portant la date du.
3 juillet 1901.
Peut-on éviter la rogue?
Etant donné que là pêche à la sardine est
souvent aléatoire, et qu'avec elle il faut compter
sur les années d'abondance et sur celles de di- ,
selte, que souvent le poisson est vendu à vil'
prix et que la rogue est très coûteuse, n'est-il
pas un moyen d'élever le prix du rendement ?
Pourquoi ne pas chercher d'autres moyens da
capture ? En Espagne par exemple on pêche la
sardine sans rogue ; dans ce pays, les marinssa
servent d'armançons ou de madragues, ces
mêmes filets dont nous avons déjà parlé dans
notre précédente étude sur le thon.
Dans ces conditions de pêche, les Espagnols
peuvent vendre la sardine à très bon marché,
et leurs poissons pressés ou salés (procédés que
nous employions en 1747) inondent le Midi da
la France et même la Bretagne, où pourtant
existent de nombreuses usines de conserves à
l'huile.
Mais,sans dresser de compliquées madragues,
ne serait-il pas possible d'employer en France
sur nos côtes de Bretagne et du Poitou, des
sennes françaises perfectionnées, comme il co
existe déjà, mais contre l'usage desquelles s'est
élevée toute une population d'intéressés et
même les ordonnances officielles — celle de
1886-1887 notamment ?
Et cependant, avec ce procédé,c'est la résur-
rection de l'industrie sardinière, qui combattra
la rogue sur toutes ses formes naturelles ou
artificielles, les bateaux pontés destructeurs du
golfe de Gascogne et les madragues et armac-
çons espagnols.
La production annuelle de la sardine s'élève
actuellement de 10 à 12 millions de francs,
ceci, d'après les statistiques,qui sont naturelle-
ment inexactes puisque entre Penmarck et
Douarnenez on pêche 360 millions de sardines
en moyenne par an, représentant une valeur
de 9 millions de francs. Au total, il s'en pécha
plus do 2 milliards, et, pour les prendre, on
dépense près de 2 millions de rogue par an.
Chez les usiniers
La conserve à l'huile pour la sardine est une
industrie éminemment française, et c'est sur
les côtes de la basse-Bretagne et du bas-Poitou
qu'elle règne avec une puissance sans égale ;
de tous côtés l'agglomération ouvrière peine
sans relâche pour un salaire plus qu'insuffi-
sant.
E artons pour un instant la poésie, l'idéal
dont les poètes ont entouré les sardiniers et
sardinières et levons ce voile épinglé d'or et de
couleur du temps qui nous masque les yeux.
Que voyons-nous ?
L'alcool est le plus terrible fléau qui pèse
sur la population maritime adonnée à la pêche
à la sardine, laquelle Cilt facile et sans dangers,
car la côte est voisine et on atterrit parfois deux
ou trois fois par jour.
Or, ces visites à la côte sont les pires étapes*
En Bretagne, dès la première pêche du ma-
tin, vers 8 ou 9 heures, lorsque les pêcheurs
arrivent à terre, une matinale distribution da
boisson a lieu. (
On fait ce qu'on nomme la Cotériade, sorte
de soupe au poisson que l'on arrose plus que
largement ; à la seconde pêche, nouvelle dis-
tribution de vin.d'eau-de-vie, d'absinthe et pas
suite d'un effet naturel à la loi de l'offre et da
la demande, le poisson arrivant en quantité la
prix baisse !. Pour là troisième pêche la bois-
son est abondante, toujours plus abondante ;
c'est une fraternité touchante où le patron,
c'est-à-diro le mareyeur et l'usinier, les rois
du marché, rivalisent de libéralité ; aussi la
marin revenu, malgré tout, avec un lot consi-
dérable do sardines la vend-il à vil prix —
50 centimesle 1,000 — ou bien dégoûtë,écœuré,
la jette à la mer ou la laisse aux paysans pour
l'engrais des terres.
Mais l'usine est pleine à bon compte, elle
gémit sous le feu des chaudières, c'est une
ruche en travail, où l'ouvrier et l'ouvrière sont
d'ailleurs peu payés et alors on voit s'étaler
orgueilleuse cette prospérité débordante qui
semble insulter aux misères enfermées sous la
chaume!
Que faire'?
Le syndicat de pêcheurs, l'enseignement nau-
tique sous toutes ses formes et les débouchés à
créer, seront les agents de rénovation qui arra-
cheront les pêcheurs sardiniers et autres aux
monopoleurs. — Georges Ramon,
LES SECOURS AUX PÊCHEURS
Nos coufrères le Matin et le Français vien-
nent de clore leur souscription en faveur des
pêcheurs; cette souscription dépasse 50.000 fr.
Suivant le touchant exemple donné par les
élèves du lycée Condorcet, les lauréats du lycée
Henri-IV qui devaient assister au banquet da
la Sainl-Charlemllglle ont spontanément offert;
à M. Berlagne, proviseur, de renoncer à ce re-
pas et d'en affecter les fonds à l'œuvre des sar*
diniors bretons. M. Bertagne a accepté et c'est
700 fr. environ qui iront grossir la souscrip-
tion.
Dans une réunion tenue sous la présidence
de M. Jules Clarelie, le conseil d'ad^n'iuislra- 1
tion du Théâtre-Français a décidé que la Mai-
son de Molière donnerait une i*:: 'iûée au béné-
fice des pêcheurs bretons.
Un comité qui s'est formé à SaiDt-Manu
décidé d'organiser pour le 31 janvier una
grande soirée musicale et littéraire. De soit
côté, le conseil municipal de cette commune,'
a voté une somme de 500 francs et le çomil9
des Dames françaises 100 francs.
Brest, 25 Janvier.
Les dames de Brest ont expédié^ plusieurs
colis de vêtements pour les enfants ^de3 pè-
cheurs. La chambre de commerce de Dunker-
que a envoyé 500 francs à Brest pour les pô-,
cheurs.
La misère est toujours très grande à Au-
dierne; sur 4,600 habitants, on compte 3,500
indigents ; à Ploubioec, sur 7,000 habitants, il
y a 4.500 indigents. Los autorités de Saint-
Pabu signalent que de nombreux pêcheurs
n'ont plus de pain à donner à leurs familles.
Saint-Maixent, 25 janvier.
La Société d'instruction populaire organise
un grand concert au profit des pêcheurs
bretons et des pauvres de la ville, avec le con-
cours de la municipalité et des autorités mi-
litaires.
Le succès de la fête, qui aura lieu probable-
ment dans le manège de l'école militaire, est
assuré. i
Cherbourg, 25 janvier.
Conformément à l'autorisation donnée pat
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.31%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.31%.
- Auteurs similaires Fonds régional : Rhône-Alpes Fonds régional : Rhône-Alpes /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "RhoneAlp1"Bibliothèque Francophone Numérique Bibliothèque Francophone Numérique /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "RfnEns0"
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k7572360g/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k7572360g/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k7572360g/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k7572360g/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k7572360g
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k7572360g
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k7572360g/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest