Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1903-01-13
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
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Description : 13 janvier 1903 13 janvier 1903
Description : 1903/01/13 (N11995). 1903/01/13 (N11995).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
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L;e--l"iîrn.éro; CINO CENTIMES
1
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NOS LEADERS
lE ( JEUNE GU )
Après avoir roulé sur les manifesta-
tions oratoires assez peu correctes aux-
quelles se livrèrent certains prélats le
premier jour de l'an, la conversation
se porta sur un sujet non moins actuel
et beaucoup plus intéressant, celui des
curés qui s'intitulent « démocrates »
et que l'un des membres de la société
appelait, sans ironie, les « jeune
Eglise », quoique plusieurs d'entre eux
aient, depuis longtemps, dépassé les li-
mites de la jeunesse.
L'ÉVÊQUE TOLÉRANT. — Je ne vois, dans
cette appellation, rien qui les puisse
blesser. Quelque soit leur âge, fort va-
riable, du reste, ils ont toutes les qua-
lités de la jeunesse; l'enthousiasme
pour des idées qu'ils croient être justes,
l'ardeur à les répandre, le désintéresse-
ment et une loyauté indiscutable. Ils
veulent être de leur temps, comme le
veulent tous les jeunes, et ils acceptent
sans hésitation le régime républicain
qu'il a plu au peuple de se donner. Is-
sus, en majorité, des couches les plus
profondes du peuple, ils sont démo-
crates de sentiments comme d'origine,
st c'est dans l'intérêt du progrès démo-
cratique qu'ils prétendent travailler.
Est-ce que vous les en blâmeriez ?
LE PHILOSOPHE. — Pas le moins du
monde. J'estime, au contraire, qu'il
faut les encourager. L'église rendrait à
la tranquillité publique et à elle-même
un bien grand service si elle voulait re-
noncer à son opposition systématique
et opiniâtre aux progrès modernes. De-
puis la Restauration elle a eu le temps
de reconnaître l'erreur qu'elle commit
lorsqu'elle se fit contre-révolutionnaire
à la suite des ducs et des pairs. Depuis
le Coup d'Etat de Louis Napoléon, elle a
eu aussi le temps de réfléchir à la faute
que lui firent commettre ses évêques et
les jésuites en l'associant au crime de
décembre. S'il lui plaisait de devenir
sage, enfin, de comprendre les nécessi-
tés du temps, de s'incliner loyalement
devant la volonté du peuple, tous les
hommes qui ont le souci de la paix pu-
blique, sans distinction de croyances,
)'en loueraient, comme je le fais très
sincèrement devant nous.
LE DÉPUTÉ. — Sans doute ; mais il fau-
drait être certain que la conversion fût
sincère.
L'ÉVÊQUE TOLÉRANT. — Elle l'est, sans
conteste, en ce qui concerne ceux que
vous appelez les « jeune Eglise ». Le
nom de « curés démocrates » qu'ils se
plaisent à se donner eux-mêmes le
prouve surabondamment.
, LE MAITRE DE LA MAISON. — Je suis avec
beaucoup d'attention, depuis quelques
années, le mouvement dont il s'agit. Il
fut, si je ne me trompe, provoqué par
Léon XIII lui-même, effrayé des dan-
gers auxquels les politiciens de droite
exposaient l'Eglise, en la compromet-
tant, par l'exagération de leur prétendu
zèle religieux et par les efforts qu'ils
faisaient pour l'entraîner dans toutes les
entreprises dirigées contre la Républi-
que et les républicains.
LE DÉPUTÉ. — Ajoutez, pour être com-
plet, que les efforts auxquels vous faites
allusion ne furent jamais stériles. Sous
le boulangisme, l'Eglise était associée
aux monarchistes, aux bonapartistes et
auxkésariens dans leur attentat contre
la République, comme elle avait été
associée à Bonaparte dans le coup
d'Etat de décembre. Le nationalisme,
en 1898, quand il rêvait la conquête de
l'Elysée, n'avait-il pas aussi la compli-
cité de l'Eglise ?
L'ÉVÊQUE TOLÉRANT — Dites d'une par-
tie de l'Eglise, si vous tenez à être juste.
Je connais bien des prélats qui ne pri-
rent part à aucune de ces aventures.
LE DÉPUTÉ. — En connaissez-vous
beaucoup qui protestèrent publiquement
contre elles? En avez-vous vu beaucoup
les flétrir, comme ils tentent, en ce
moment, de flétrir la loi sur les associa-
tions ?
L'ÉVÊQUE TOLÉRANT - J'admets, si
vous le voulez, que l'Eglise avait, dans
son ensemble, besoin de la leçon qui
lui a été donnée par ces événements,
Ce qui n'est point douteux, c'est qu une
notable partie du clergé séculier fran-
çais en a compris la signification
LE IJIIILOSOPUE — On pourrait même
citer quelques membres du clergé ré-
gulier pour lesquels la leçon n'a pas
été perdue. N'est-ce pas un dominicain
qui écrivait, il y a deux ans: « il faut
faire cesser l'antagonisme entre l'Eglise
et la société moderne » ?
LE MAITRE DE LA MAISON. - II consta-
tait aussi, très justement, que le peuple
ne veut plus « tolérer l'ingérence du
prêtre dans la direction des affaires pu-
bliques » et il disait que la mission du
clergé « n'est pas de faire élire des dé-
putés », qu'il ne doit pas « aspirer à la
domination dans rordre politique ))
Il protestait contre les curés, et les
moines qui « abaissent la dignité de
leur sacerdoce en le mettant au service
d'hommes qui voudraient l'exploiter au
profit d'une cause humaine ».
11 déplorait le préjugé si répandu
parmi les catholiques et dans le clergé
régulier ou séculier, d'après lequel il y
aurait « entre l'Eglise et la forme ac-
tuelle du gouvernement de la Franco un
antagonisme irréconciliable", nco un
Et permettez-moi de vous lire tex-
tuellement ce qui suit : « On ne déplo-
rera jamais assez les malheurs causés
par cette idée, tellement fausse qu'elle
ne supporte même pas l'examen. Et ce-
pendant, c'est cette idée fausse qui a di-
visé la France en deux camps, d'un côté
les catholiques, de l'autre les républi-
cains. Quand donc reviendrons-nous à
cette notion si simple et si catholique :
l'Eglise n'est hostile à aucune forme de
gouvernement. Les catholiques des
Etats-Unis ne sont-ils pas tous républi-
cains ? Ce ne serait pas évidemment
s'accommoder au temps que de persis-
ter dans une aberration qui a coûté si
cher à l'Eglise. »
LE DÉPUTÉ. — C'est fort bien dit, et ce
dominicain me paraît être un homme de
sens ; mais ce n'est pas à nous, républi-
cains, qu'il faut dire cela ; c'est aux ca-
tholiques, c'est aux curés et aux moines
qui nous combattent avec la dernière
violence, avec les pires injures et ca-
lomnies, dans chacune de nos élections.
L'ÉVÊQUE TOLÉRANT. — C'est bien à
ceux-là, en effet, que le père Maumus
adressait les conseils auxquels vous vou-
lez bien donner votre approbation, mon
cher représentant. Mais il n'est pas inu-
tile non plus que les républicains les
entendent. Il faut qu'ils sachent qu'il y
a dans les deux clergés des hommes
clairvoyants et sages.
LE DÉPUTÉ. — Eh bien ! que ceux-là
parlent plus haut, s'ils veulent qu'on
les entende ; qu'ils ne laissent pas étouf-
fer leurs voix par les sermons séditieux
de leurs confrères, et leurs écrits par
les pétitions illégales de leurs évêques !
L'ÉVÊQUE TOLÉRANT. — Ils étaient sept
cents au congrès de Bourges, au mois
d'août 1900, qui tinrent un langage
analogue à celui qu'on vient de rap-
peler.
LE DÉPUTÉ. — Sept cents « jeune
Eglise », c'est évidemment quelque
chose ; mais n'oubliez pas qu'il y a en
France quarante mille prêtres séculiers
et un nombre au moins égal de mem-
bres des diverses congrégations d'hom-
mes. Sept cents en face de ces quatre-
vingt mille « vieille Eglise », ce n'est
peut-être pas assez pour me convaincre
que l'Eglise de France a compris enfin
la nécessité « d'être de son temps » et
de s'incliner devant les institutions que
le pays s'est données librement. Qu'en
dites-vous, mon cher philosophe ?
LE PHILOSOPHE. — Je dis que vous êtes
un excellent mathématicien, mais, en
même temps, un homme quelque peu
injuste. Si j'avais l'honneur de porter la
robe de notre cher Tolérant, je vous
rappellerais le mot de l'Evangile : « Il
y aura plus de joie au ciel pour un in-
fidèle qui reconnaîtra son erreur que
pour cent justes qui persévéreront dans
la vérité. » Ce ne sont peut-être pas
exactement les termes, mais c'est la
pensée; et je crois qu'il la faut appli-
quer aux sept cents prêtres qui ont osé
dire, en public, à la contre-révolution
« ne comptez plus sur nous, il nous plaît
de nous enorgueillir de notre origine
démocratique, d'être républicains avec
nos pères, nos frères et nos amis, et de
nous conduire en hommes de notre
temps ».
Pour nous, c'est très facile de tenir
ce langage Mais si vous aviez lu les
feuilles cléricales et monarchiques de
l'époque, vous reconnaîtriez qu'il a
fallu quelque courage à ces prêtres pour
renier ainsi, à la face du parti de réac-
tion, les traditions réactionnaires qu'ils
avaient trouvées dans l'Eglise le jour où
ils y entrèrent et qui fleurissent encore
dans tant d'évêchés.
LE DÉPUTÉ. — Je m'incline devant vo-
tre sagesse. Mais avant de passer aux
éloges que notre cher Tolérant réclame
pour ses amis les « jeune Eglise » —
car il est manifeste que ce sont ses
amis, — je désirerais apprendre ce
qu'ils comptent faire et, en quoi, dans
la pratique, ils se séparent des « vieille
Eglise ».
LE MAITRE DE LA MAISON. — Si j'osais,
je vous lirais quelques lignes dans les-
quelles un de vos collègues à la Cham-
bre, M. l'abbé Lemire, exposait le but
des organisateurs du congrès de ce que
vous appelez les «jeune Eglise ».
LE DÉPUTÉ. — Lisez, cher ami. Nous
vous écoulerons et nous apprécierons
ensuite.
LE MAITRE DF. LA MAISON — Après avoir
dit que l'objet du congrès no pouvait
être de tracer un programme définitif
« d'action sacerdotale », votre collègue
ajoutait : « La principale utilité, le but
primordial du congrès de Bourges,
était de manifester un courant de sym-
pathie entre les prêtres qui en étaient
les membres, et de grossir et d'orienter
ce courant en même temps qu'on on
apportait le témoignage. C'était de
montrer au public laïque, spectateur en
somme bienveillant, qu'une sève nou-
velle gonflait les veines du clergé,qu'on
était las do se borner à des récrimina-
tions souvent stériles, et qu'on avait un
désir loyal do travailler, le mieux pos-
sible, au service social s
LE JJÉPUTÉ. — Certes, je n'ai rien à dire
contre ce langage C'est celui d'hommes
avisés qui reconnaissent les erreurs du
passé et veulent se les faire pardonner;
mais cela ne me dit point quels procé"
dés compte employer la nouvelle "ole
pour regagner les sympathies ue l'E -
glise à légitimement perdue et pour tra-
vailler utilement à cç qu'elle dénomme
« le service » Est-ce qu'elle
i eouiflte sa mêler des oeuvres sociales.
concurremment avec les laïques, avec
l'Etat, avec les pouvoirs publics?
L'ÉVÊQUE TOLÉRANT. — Vous l'avez dit,
et nous pourrons en parler un autre
jour.
LE PHILOSOPHE. — Bien volontiers;
mais en attendant, permettez-moi de
livrer à votre méditation quelques lignes
de Montesquieu qui seront ici, je crois,
bien à leur place.
Dans une de ses Lettres persanes, Us-
bek raconte sa rencontre, dans l'église
Notre-Dame, avec un prêtre qui lui fait
l'aveu suivant : « Une certaine envie
d'attirer les autres dans nos opinions
nous tourmente sans cesse, et est pour
ainsi dire attachée à notre profession.
Cela est aussi ridicule que si on voyatt
les Européens travailler, en faveur de la
nature humaine, à blanchir le visage
des Africains. Nous troublons l'Etat;
nous nous tourmentons nous-mêmes,
pour faire recevoir des points de reli-
gion qui ne sont point fondamentaux;
et nous ressemblons à ce conquérant de
la Chine qui poussa ses sujets à une
révolte générale, pour les avoir voulu
obligèr à se rogner les cheveux ou les
ongles. »
L'ÉVÊQUE TOLÉRANT.— Et vous concluez
de cette aimable raillerie?
LE PHILOSOPHE. — Que si j'avais l'hon-
neur d'être « jeune Eglise », je laisse-
rais à mes compatriotes le son de déci-
der eux-même!:, en toute indépendance,
comment ils porteront leurs cheveux ou
leurs ongles, ce qu'ils mangeront le
vendredi, ce qu'ils penseront de la Tri-
nité ou de l'Eucharistie, s'ils fréquen-
teront l'église ou s'ils passeront devant
sa porte sans s'y arrêter ; je n'irais
point prendre les gens par le bras pour
les mener entendre ma messe ou mon
sermon ; je ne ferais, en un mot, aucun
effort pour « blanchir les Africains ».
LE MAITRE DE LA MAISON. — Et en cela
vous prouveriez, une fois de plus, jus-
qu'à quel point vous êtes philosophe.
Mais il ne suffit pas d'être « jeune
Eglise » pour devenir philosophe.
J.-L. de Lanessan.
UN ARGUMENT
Il est écrit que les congrégations ne nous
épargnerons aucune surprise. Nous les voyons
depuis deux ans employer tous les moyens di-
latoires, épuiser toutes les juridictions, se réfu-
gier à chaque instant dans le maquis de la
procédure, produire les interprétations les plus
fantastiques de la loi, essayer de créer les équi-
voques les plus imprévues.
Je ne connais pourtant rien de plus extrava-
gant que l'argument que présentent à la Cham-
bre S dans un laborieux mémoire, les Frères de
Ploermel, les Frères de la Doctrine Chrétienne
de Nancy, les Frères de Sainte-Croix-de-Saint-
Gabriel, de Saint-Joseph, de Marie, etc., etc.
Ces coagréganistes récalcitrants prétendent
démontrer l'illégalité du refus d'autorisation
dont i!s se sentent menacés. Ils disent avoir été
autorisés par des ordonnances et des décrets
intervenus au cours du dernier siècle, avoir
vécu 30, 50, "75 ans et plus au vu et au su de
tous les gouvernements, avoir même à certai-
nes époques enseigné au nom de l'Etat. Ils en
concluent, et par quels artifices de raisonne-
ment,que la loi de 1901 ne leur est point appli-
cable, et que c'est à tort que le Parlement exa-
minerait leur cas.
Cet argument vaut-il la peine d'être réfuté?
Ne tombe-t-il pas de lui-môme ? Si les singu-
liers moines dont s'agit jugeaient qu'ils ne tom-
bent point sous le coup de la loi des associa
lions, pourquoi se sont-ils conformés à ses dis-
positions en sollicitant, dans les formes éta-
blies, l'autorisation des Chambres?
Voici à quoi se réduit, en somme, leur rai-
sonnement, « Vous avez décidé, disent-ils aux
députés, que toutes les associations religieuses
devaient vous demanderla permission d'exister
Vous avez voté une loi qui organise la procé-
dure à suivre. Nous nous réclamons de cette
loi, et nous venons vous demander do nous
autoriser. Mais cette loi dont nous nous récla-
mons ne nous concerne point, nous ne vou-
lons pas la connaître et vous ne pouvez nous
l'appliquer, »
Est-ce de l'incohérence ou de la mauvaise
foi ? On demeure confondu devant cette argu -
mentation jésuitique. La Chambre, nous n'en
doutons pas, lui fera l'accueil qu'elle mérite,
elle l'écartera sans vouloir même l'examiner.
Ce serait du temps gâché en pure perte. — A.
VICTOR HUGO ET LE CONSEIL MUNICIPAL
DE PRAGUE
-
Après le centenaire
Nous recevons du maire de Prague, repré-
sentant le conseil municipal de la capitale
royale, un exemplaire de la relation que le
conseil municipal vient de publier, en langue
bohème, des fêtes du centenaire de Victor Hugo
à Paris.
Cette relation, qui est intitulée Oslava Vic-
tora Huga v. Parizi t'oku 1902,mémoires ré-
digés par M. de Cankov, secrétaire de la délé-
gation du conseil, est destinée, dit la lettre
d'envoi, à perpétuer le souvenir du glorieux
centenaire de Victor Hugo et à marquer la
profonde reconnaissance de la ville de Prague
pour l'accueil chaleureux fait à Paris aux dé-
légués tchèques à l'occasion des fêtes du cente-
naire.
Cette publication, dit encore la lettre du
conseil municipal de Prague, doit « faire con-
naître aux Bohèmes quelles sympathies sincè-
res et amicales leurs envoyés ont rencontrées
en Franco auprès de la population tout entière
et de la presse française, et contribuer ainsi,
grâce à Victor Hugo, à augmenter encore les
sympathies et l'amour de la Bohême pour la
France ».
Nous remercions ici le conseil municipal de
Prague do ce cordial envoi.
———————————— »
LA TOURNÉE DU TSAR
(De noire correspondant varticulierl
Saint-Pétersbourg, 11 janvier.
L'itinéraire du prochain voyage du tsar n'a
été Gxé que tout récemment. Le tsar, accompa-
gné de la tsarine, s'embarquora au mois de
février à Odessa et non pas à Cronstadt. Il
partira directement pour un port de l'Adriati-
que, d'où il continuera son voyago par terre,
en prenant le train de Rome.
Après avoir fait sa visite au Quirinal, il ira
à Athènes et à Cettigne. Pendant son séjour
dans la capitale monténégrine, Nicolas II on..
verra le grand-duc Vlaçliiair, aves UttQ aUMiOB
sûficiale. à Belgrade,
CAUSERIE PEDAGOGIQUE
- - L'EDUCATION PAÇtFIQU £
Le droit et la paix. — Une heureuse
évolution. — L'esprit cocardier et
la solidarité humaine. — Deux
apôtres. — Une réforme ur-
gente. — Au congrès des
Amicales. — A l'é.
tranger.
Depuis quelque temps l'amour du droit et de
la paix envahit nos écoles, pénètre l'enseigne-
ment, le purifie, et lui imprime une orienta-
tion nouvelle. Un très grand nombre d'institu-
teurs et d'institutrices se font un devoir de sup-
primer, dans leurs classes et dans leurs leçons,
tout ce qui pourrait faire admirer les triom-
phes de la force brutale. la gloire des armées et
des nations conquérantes.
L'importance de cette heureuse évolution pé-
dagogique n'échappera à personne. Elle est
grosse de conséquences. C'est un changement
d'idéal qui s'opère. C'est l'éducation pacifique
qui tend à supplanter l'éducation guerrière,
militariste,d autrefois,
C'est une réaction contre les bataillons sco-
laires et autres jeux militaires, contre les ma-
nuels d'histoire uniquement remplis des récits
de batailles, contre les chants belliqueux de
Déroulède, contre l'imagerie sanglante des
combats. Après s'être plu à développer l'esprit
cocardier chez les enfants, les éducateurs se
ravisent. Ils veulent désormais cultiver avant
tout les sentiments de solidarité humaine, ca-
pables d'assurer la paix dans le monde. Les
voilà gagnés à la saino doctrine de M. Léon
Bourgeois et à la noble cause de M. Frédéric
Passy. Le courant sera irrésistible.
La paix perpétuelle
Le règne de la paix perpétuelle par l'arbi-
trage arriverait-il ? Rêvé déjà par Henri IV
comme par le tsar Nicolas II. annoncé par le
bon abbé de St-Pierre au début du 18e siècle,
et institué en théorie par les diplomates de la
conférence de la Haye, il pourrait parfaitement
devenir une réalité, et plus vite qu'on ne pense,
si partout, les enfants étaient élevés dans l'hor-
reur de la guerre.
Le mouvement actuel qui se dessine en ce
sens dans les écoles, est européen. En France,
l'impulsion est donnée par deux apôtres, deux
grands coeurs, les deux fondatrices de la so-
ciété l'Education Pacifique: Mme Marie-Made-
leine Carlier et Mlle Marguerite Bodin, deux
noms maintenant bien connus.
C'est en juillet 1901 que ces deux nobles fem-
mes jetèrent les fondements de leur société.
Elles en fixèrent le siège chez l'une d'elles,
Mme Catlier, à Croisilles (Pas-de-Calais). Elles
rédigèrent un manifeste court, simple et clair
que j'ai sous les yeux. Elles y signalent, sans
insister, que si la grande majorité des gens ne
comprennent pas les idées pacifiques, ou si, les
comprenant, ils ua s'y attachent pas, c'est
parce que leur éducation première, à tendances
militaristes, a obscurci leur conscience. Cette
vérité avait besoin, ce me semble, d'être mise
en pleine lumière, puisqu'elle justifie la néces-
sité de la société et l'urgence d'une réforme
dans la manière d'élever les enfants. Elle est
évidente pour les amis de la paix, mais ce ne
sont pas ceux-ci qu'il faut convaincre, ce sont
les autres.
Dans une brochure de propagande elle de-
vrait, je crois, être développée avec toutes les
considérations qui n'ont pas manqué d'être
faites à son sujet dans les congrès annuels et
inlernationaux de la paix tenus à Paris, à
Londres, à Rome, à Berne, à Chicago, à An-
vers, à Budapest, à Hambourg, à Glasgow, à
Monaco. Ma critique n'a d'autre but, Mme
Carlier et Mlle Bodin le saisiront sans peine,
que de favoriser le succès de leur campagne.
Un programme à appliquer
Le programme dont elles réclament l'appli-
cation à l'école est d'une nelte concision. Il est
ainsi conçu i
Nous demandons qu'on fasse comprendre à l'en-
fant qu'il n'y a pas deux morales, une pour les na-
tions et une pour les individus :
Qu'on le pénètre du sentiment de la fraternité
humaine envers tous les peuples de la terre, sans
distinction de race ni de couleur;
Qu'on lui inculque le respect de la Vie, non seu-
ment de la vie humaine, mais même de celle des
animaux, cherchant ainsi à abolir l'instinct de la
destruction.
Dans le choix de l'imagerie, dans la direction
des jeux, comme dans tout son enseignement,
l'éducateur ne perdra jamais de vue qu'il veut for-
mer des cœurs pacifiques ; mais par des cœurs pa-
cifiques on n'entend point des cœurs pusillanimes.
Nous désirons que l'cufant ait le sentiment de ses
droits et de sa dignité, en même temps que le res-
pect des droits et de la dignité des autres. Nous ne
renions pas l'héroïsme du passé; nous ne saurions
trop admirer le courage de ceux qui défendent la
patrie envahie; mais nous demandons qu'on ensei-
gne aux enfants que la guerre n'est plus dans
l'ordre du progrès actuel. L'humanité a aujour-
d'hui devant elle des champs d'action illimités, où
son énergie peut et doit se déployer, non plus des-
tructive, mais créatrice.
En outre, l'éducateur démontrera que la guerre
n'est point un mal inévitable et que les discordes
des gouvernements peuvent être réglées par l'arbi
trage, comme celles des particuliers le sont par les
tribunaux.
De la sorte, pénétré de l'idée de justice, l'enfant
comprendra que l'amour de la patrie n'est pas op-
posé à l'amour de l'humanité, et le patriotisme de
haine fera place au patriotisme d'amour.
Une si belle déclaration no pouvait qu'être
acclamée par une réunion d'instituteurs.
Quand Mlle Bodin en donna lecture au Con-
grès des Amicales réuni à Bordeaux, en aoûl
1901, la Société de VEducation pactfique avait
seulement 15 jours d'existence. Elle trouva
de suite 1.500 adhérents parmi les 1.500 con-
gressistes.
Le vœu suivant fut émis et voté d'enthou-
siasme. Il dégage les trois principaux points
du programme qu'on vient de lire. Il demande:
1° Qu'on fasse désormais une place moins grande
à l'histoire-bataille, enseignant de préférence aux
enfants la marche de la civilisation à travers les
siècles.
2° Au lieu d'enseigner à l'enfant un chauvi-
nisme belliqueux, qu'on s'efforce à lui inspirer le
respect du droit de quelque côte qu'il se trouve et
qu'on le convainque fortement de la nécessité du
remplacer les guerres barbares et ruineuses, qui ne
règlent jamais définitivement un différend, par
l'institution d'un tribunal d'arbitrage
3° Que les tableaux représentant des scènes de
carnage ne soit pas affichés sur les murs des éco-
les. Qu'à l'appui des leçons on montre pourtant
quelques scènes véridiques de carnage, mais en les
faisant suivre immédiatement des images du tra-
vail et de la paix.
Les adhésions
Depuis, la Société de l'éducation pacifique a
reçu d'innombrables adhésions Les universi-
taires, les Amicales d'instituteurs, n'hésitent
jamais à envoyer la leur, les associations répu-
blicaines non plus. Aucune cotisation n'est de
mandée, mais naturellement les plus minimes
sont accueillies avec plaisir. Le versement
d'une somme de 20 francs vous fait inscrire
dans la liste des membres bienfaiteurs. 11 y a
des adhésions touchantes comme celles de ce
brave ouvrier allemand qui, apprenant l'exis
tence de la société par son journal, s'empressa
d'écrire aux fondatrices : « Les humbles sont
avec vous, dans votre effort de fraternité, ils
vous applaudissent et vous rémercienL. »
La société française rayonne ainsi à l'étran-
ger. Elle a une section italienne à Turin, que
dirige avec dévouement M, AOKÇIQ Foa, secré-
taire de la Société de T-urin pour la paix et
l'arbitrage. De vifs encouragements ont été
adressés à Mme Cartier et à Mlle Bodin, d'Al-
magne et d'Angleterre.
Au dernier: congrès international tenu à Mo-
naco, en avril 1902, Mme Cartier a été l'objet
de chaleureux témoignages de sympathie de ia
part des présidents ou représentants des socié-
tés de paix étrangères. Ce n'était que justice.
Nous nous réjouissons du développement
constant et rapide de la Société de l'éducation
pacifique, car sa prospérité nous semble avoir
des rapports étroits avec les progrès de la mo-
ralité publique.
Nous engageons vivement nos lecteurs à en-
voyer leurs adhésions, avec, si posbible, une
obole. Il serait bon que cette société s'étendit
partout et devint une immense ligue du bien
public.
ARMAND DEPPER
£LECTION LtGISLATIVE DU PAS-DE-CALAIS
4U circonscription de Béthune
Inscrits : 17.067. — Votants : 15.026
Suffrages exprimés : 14.952
MM. Detelis, rïpublicàln - - - 7.869 voix ELU
Dard, réactionnaire. 7.083
Il s'agissait de remplacer M. Dard, dont
l'élection avait été invalidée. Siège gagné.
Voir à la 3° page
les Dern ières Dépêches
de la nuit, et
la Revue des Journaux
du matin
A CHALONS-SUR-MARNE
Hier, a eu lieu au cirque, en présence de
plus de trois mille citoyens, une conférence du
citoyen A. Gervais, député de la Seine, sur
« officiers et soldats », organisée par le Cercle
démocratique de la Marne.
La séance était présidée par le citoyen Pozzi,
adjoint au maire de Reims,délégué de la Marne
au comité exécutif du parti raaical-socialiste,
assisté des citoyens Plot, président du cercle, et
Mencier, directeur de l'Union républicaine. Le
président, dans un discours très applaudi, a
montré combien nécessaires étaient certaines
réformes, notamment en ce qui concerne
l'armée.
Le citoyen Gervais a ensuite pris la parole
et dans une conférence, interrompue par de
nombreux applaudissements, a traité des rap-
ports de l'armée et de la République, et dans
l'armée des relations entre officiers et soldats ;
il a préconisé la transformation de la disci-
pline qui dovrait être basée sur une mutuelle
confiance et sur un mutuel respect. Il s'est dé-
claré partisan du service de 2 ans, de la réduc-
tion des effectifs et d'économies sur le budget
de la guerre.
Il a terminé en déclarant que la, véritable
patriotisme ne consistait pas à se répandre en
cris et en effusions, mais en rendant plus forte
et plus républicaine notre armée.
Sa péroraison a été couverte d'applaudisse-
ments et une véritable ovation a été faite au
conférencier.
Une réception a eu lieu ensuite dans Je Jocal
du Cercle démocratique, les citoyens Plot,
Pozzi, Lefèvre ont pris la parole et le citoyen
Gervais a prononcé un discours sur la nécessité
pour les démocrates de se grouper, de s'unir
pour faire triompher partout les candidats de
la République, et assurer au pays les réformes
qu'il attend.
Bonne journée pour la République.
———————————- -
LES CONDAMNÉS DE LA HAUTE-COUR
L'agence Paris-Nouvelles communique la note
suivante :
Contrairement à une information publiée par un
journal du matin, M. le ministre de l'intérieur,
président du conseil, n'a jamais songé à déposer
un projet d'amnistie en faveur des condamnés de
la Haute-Cour.
————————————— —————————————
Les Coulisses des Chambres
Les groupes de la majorité
Nous avons dit, hier, que la réunion des
groupes de la majorité de la Chambre avait ré-
solu de maintenir la composition du bureau de
la dernière session et d'attribuer au groupa so-
cialiste — qui a désigné M. Jaurès — le poste
de vice-président rendu vacant par l'élection de
M. Maurice Faure au Sénat.
Il a été, de plus, entendu que le premier
siège de vice-président qui deviendra vacant
sera attribué au groupe radical-socialiste, en
vertu du roulement établi.
A la commission du budget
La commission du budget se propose, dans
une prochaine séance, d'examiner le contre-
projet de M. Jaurès sur l'organisation du mo-
nopole de l'alcool.
Elle a décidé aussi la prochaine audition du
ministre de la marine et du ministre des finan-
ces, au sujet du décret relatif aux administra-
teurs de rînscription maritime.
4>
UNE PROPRIETE HISTORIQUE
(De notre correspondant pariiculierl
Berlin, 11 janvier.
Avec le consentement du ministre des culles,
la fondation Klosterberg, de Magdebourg, a
acheté la vaste propriété féodale de Tannen-
berg, dans le district d'Osterode.
C'est là que le 15 juillet 1410, les Polonais,
alliés aux Tartares, écrasèrent complètement
les troupes de l'Ordre teutonique.
Cette propriété historique sera divisée en lots
et peuplée par des colons allemands.
L'ÉCOLE DU GÉNIE MARITIME EN ALLEMAGNE
(De notre correspondant particulier)
Kiol, 11 janvier.
L'école des ingénieurs de constructions na-
vales sera transportée de Wilhelmshaven à
Dantzig, où elle fera partie de la nouvelle
école polytechnique. Cette dernière ne sera ou-
verle qu'en 1904
——————————— 4b ———————————-
Le testament de l'explorateur Andrée
(De noire correspondant particulierl
Copenhague, 11 janvier.
On vient d'ouvrir le testament de l'explora.
teur Andrée. Le document est daté du 18 mai
1891, et est ainsi conçu :
Je soussigné, Salomon-Auguste Andrée, dis-
pose comme dernière volonté que tous les biens
que je laisse passent à mon frère le capitaine de
vaisseau Ernest-Guillaume Andrée et qu'il en use
conformément aux intentions que je lut ai fait
connaître verbalement ou que je pourrais lui faire
savoir ultérieurement Mon frère est donc le seul
autorisé à prendre les mesurcs nécessaires pour la
liquidation de ma succession :s tg ré: S,-A. Andree.
Il ressort de la teneur de ce testament que
l'explorateur espérait revenir sain et sauf de
son voyago au Pôle Nord: autrement,il aurait
été plus précis en rédigeaut ses dtfrutëres vo-
IODtél.
LES OBSEQUES
DE PIERRE LAFFITTE
-
De la rue d'Assas à la rue Monsieur
le-Prince. —• Les. couronnes. - L'as-
sistance. — Le cortège. — Au
Pere-Lachaise. — Les dis-
cours
Les funérailles de Pierre Laffilte ont eu lieu,
hier au milieu d'une affluence ccnsidérable de
Français et d'étrangers, adeptes des théories
positivistes.
A 10 b., le corps de M. Fierre Laffille, qui
était exposé dans le salon du modeste apparte-
ment qu'occupait depuis 40 ans le philosophe,
rue d'Assas, avait été transporté par quelques
amis dans la maison d'Auguste Comte, siège
et propriété de la Société positiviste, 10, ruf.
Monsieur-le-Prince. e avait été déposé sous la
porche orné de tentures noires et de très nom-
breuses couronnes, parmi lesquelles on remar-
quait celle de M. Charles Jeannolle, désigné
par M. Laffltle pouî lui succéder à la direction
du positivisme, et portant l'inscription : a A
mon vénéré maître », et celles de la Société
positiviste du Cercle des prolétaires positivis-
tes, de la Revue occidentale, organe du positi-,
visme, de la Société positiviste de Londres, du'
groupe mexicain, des Suédois, des Brésiliens,
du félibrige de Paris, dont M. Pierre Laffitta
était le vice-président, de la Coopération des
Idées, de la loge « la Philosophie positive », de
la Petite Gironde, etc. Sur le devant du cer-
cueil, une large draperie verte portait, en
lettres d'or, l'inscription : a Vivre pour au-
trui. »
Des deux côtés de la porte cochère, avaient
été disposés en faisceaux des drapeaux voilés
de crêpe des principaux pays où existent des
groupes positivistes : Grande-Bretagne, Brésil.
Mexique, Turquie, Suède, Allemagne, Belgique,
Hongrie.
Dès 11 h., l'étroite rue Monsieur-le-Prince'
était encombrée de plusieurs centaines d'invi-
tés, dont le nombre augmente d'instant en ins-
tant. Arrivent successivement : le général
André, ministre de la guerre ; Réveillaud,
cbef-adjoint du cabinet du président du con-
seil, représentant M. Combes ; Liard, vice-rec-
teur de l'académie ; abier, directeur de l'en-
seignement au ministère de l'instruction publi-
que, représentant le ministre ; Levasseur, du
Collège de France, représentant M. Gaston
Paris, empêché par cause dlndisposilion ; Gas-
ton Deschamps ; le docleur J.-H. Briges, délé-
gué par M. Frédéric Harisson, président de la
Société positiviste de. Londres, pour représenter
les positivistes anglais ; Léon Simon, représen-
tant les positivistes brésiliens ; Ahmed Riza:,"
directeur du Mechveret, organe de la Jeuneir,
Turquie et rallié à la Société positiviste déi
Paris ; Hector Denis, député au Partemenf
belge, etc.
La levée du corps
A midi, le cortège s'est formé. Le eercueili
avait été déposé sur un corbillard très simple,!
que les couronnes recouvraient. Les cordons!
du poêle étaient tenus par le général ADdré.et
MM. Rabier, Bridges, Keufer, président dm"
Cercle des prolétaiies positivistes, Best, Ana
tole France, Tournier, député, Simon, Ahmed-v
RUa et Mass.illon Colcon, chargé d'affaires, pars
intérim, de la République d'Haïti.
Un millier de personnes environ suivaient le
cortège.
Remarqué au hasard dans l'assistance :
MM. Camille Monier, suppléant de M. Laffitte
au collège de France ; Emile Corra, vice-président
de la Société positiviste ; Grinnanelli, directeur aa:
ministère de l'intérieur ; A.-M. Auzende, profes-
seur au Conservatoire de musique : Injalbert,
statuaire, auteur du monument élevé à Auguste
Comte, sur la place de la Sorboane.
MM. Lévy Bruhl, professeur à la faculté des let-,
tres de Paris; le D' Paul Segond ; Adolphe Vail-'
lact, chef de division à l'Assistance publique;
Deherme, directeur de la « Coopération des idées »;
Antonin Dubost, sénateur, le Dr Dubuisson, mé-,
decin en chef à l'asile Sainte-Anne; G. Hubbard,
député; le Dr A. Ritti, médecin en chef de Cba-
renton; Louis Tinayre, artiste-peintre, Trarieux,
ancien ministre de la justice; Deluns-Montaud, an-
cien ministre; MM. Charles Ferry, Cazot, sénateur;
Joseph Reinach, Lampué, etc.
Puis, de nombreuses délégations. i,
Le cortège, par les rues Casimir-Delayigne,
Corneille, de Médicis et par le boulevard Saint-
Michel, a gagné la place de la Sorbonne, où il
a défilé devant le monument d'Auguste Comte.
Après être passé devant le Collège de France,
il s'est dirigé, par les boulevards Saint-Ger-
main et Henri-lV, et la rue de la Roquette,
vers le cimetière du Père-Lachaise.
Discours de M. Levasseur
Au cimetière, des discours ont été pronon-
cés au rond-point Casimir-Perier.
M. Levasseur a pris le premier la parole au
nom du Collège de France. Après avoir rappelé
l'œu,vre de Pierre Laffitte, il a ajouté ;
M. Laffitte était professeur au Collège de France
quand il a publié le troisième volume. Un mints-i
tre, Jules Ferry, lui avait, dit-il, ouvert la salle'
Gersou , un autre ministre M. Léon Bourgeois, l'aj
fait entrer dans l'enseignement publie en oréanr
pour lui, en janvier 1692, au Collège de France-,
une chaire d'histoire générale des sciences.
Il y est venu tout entier, savant et apôtre, ap-;
portant le fruit de ses longues méditations sur les
mathématiques et sur la sociologie et sa foi dans
le culte positiviste. Sa foi n'était pas de notre do-
maine. Le Collège de France n'est pas une église ;
c'est une école, une grande école qui ne craint pasi
les nouveautés, qui les patronne même quand el*
les ont une haute portée scientifique. i
D'autres discours ont été prononcés, par MM.i
E. Corra, au nom des positivistes français;.
Bridges, de Londres, au nom des positivistew
étrangers ; A. Keiifer, au nom des prolétaires)
positivistes do tous pays ; Massillon Coicou,*
d'Haïti, au nom de la race noire.
Discours de M. Anatole France
Enfin, M. Anatole France, au nom des amis
personnels de M. Pierre Laffitte, a prononcé
un important discours dont voici les principaux
passages :
L'honneur qui m'est fait de prendre la parole sur
cette tombe, je le dois au sentiment largement bu
main des positivistes, qui ont agréé, pour porter à
Pierre Laffitte l'adieu de ses amis, uu homma
étranger a leur doctrine, si toutefois il est possible,
aujourd'hui, à quiconque mène une vie pensante,
d'être vraiment étranger au positivismu Est ce
que tous les esprits cultivés de ce temps ne sont
pas pénétrés de ces grandes idées qu'Auguste
Comte a renouvelées ou créées et mises dans un
ordre qui les fortille ? N'est-ce pas ce grand philo-
sophe qui nous a détournés des vaines construc.,
tions dd la métaphysique ? N'est-ce pas de lui plus;
que d'aucun autre que nous tenons notre connanca;
dans la methode expérimentale ? N'avons-nous pas,
appris de lui la généalogie des sciences et les épo..
ques du genre humain? Ne lui devons-nous pas, en-,
fin, l'ilée heureuse d'une morale fondée sur la so-
lidarité humaine? Le positivisme est entré dès:
aujourd'hui profondément dans la conscience uni.
verselle, et l'on ne trouverait pas sur la face du
monde un esprit libre qui ne soit tributaire en
quelque chose du fondateur de votre philosophie et
de ses premiers disciples.
Ce directeur du positivisme ne demandait pas les
adhésions des lèvres Il se faisait une trop haute
idée de la doctrine dont il était le dépositaire, pour
croire qu'on pût y atteindre par un élan tumul.,
tueux ou par une illumination soudaine Ses lar-
ges sympathies aiiaiem volontiers aux esprits qu'il1
savait affranchis de toute servitude théologIque.,
qui vivaient en état positiviste sans trop le savok,
eux mômes et qui sauvaient leur pensée commal
l'empereur Trajan sauva son âme seUin la bfille
tegeode, qu'il aimait à conter.
L;e--l"iîrn.éro; CINO CENTIMES
1
ANNONCES -
AUX BUREAUX DU JCVJRNAL
14. rue du Mail, Paris.
Bt chez MM. LAGRANGE, CERF ci CJ-
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De 1 à 8 heures du soir et de 40 heures du soir à 1 heure du matin
we 11995. - Mardi 13 Janvier 1903
24 NIVOSE AN 111 -
ADMINISTRATION ; 14, rue du Mail
Adresser lettres et mandats à ftldministrateur
NOS LEADERS
lE ( JEUNE GU )
Après avoir roulé sur les manifesta-
tions oratoires assez peu correctes aux-
quelles se livrèrent certains prélats le
premier jour de l'an, la conversation
se porta sur un sujet non moins actuel
et beaucoup plus intéressant, celui des
curés qui s'intitulent « démocrates »
et que l'un des membres de la société
appelait, sans ironie, les « jeune
Eglise », quoique plusieurs d'entre eux
aient, depuis longtemps, dépassé les li-
mites de la jeunesse.
L'ÉVÊQUE TOLÉRANT. — Je ne vois, dans
cette appellation, rien qui les puisse
blesser. Quelque soit leur âge, fort va-
riable, du reste, ils ont toutes les qua-
lités de la jeunesse; l'enthousiasme
pour des idées qu'ils croient être justes,
l'ardeur à les répandre, le désintéresse-
ment et une loyauté indiscutable. Ils
veulent être de leur temps, comme le
veulent tous les jeunes, et ils acceptent
sans hésitation le régime républicain
qu'il a plu au peuple de se donner. Is-
sus, en majorité, des couches les plus
profondes du peuple, ils sont démo-
crates de sentiments comme d'origine,
st c'est dans l'intérêt du progrès démo-
cratique qu'ils prétendent travailler.
Est-ce que vous les en blâmeriez ?
LE PHILOSOPHE. — Pas le moins du
monde. J'estime, au contraire, qu'il
faut les encourager. L'église rendrait à
la tranquillité publique et à elle-même
un bien grand service si elle voulait re-
noncer à son opposition systématique
et opiniâtre aux progrès modernes. De-
puis la Restauration elle a eu le temps
de reconnaître l'erreur qu'elle commit
lorsqu'elle se fit contre-révolutionnaire
à la suite des ducs et des pairs. Depuis
le Coup d'Etat de Louis Napoléon, elle a
eu aussi le temps de réfléchir à la faute
que lui firent commettre ses évêques et
les jésuites en l'associant au crime de
décembre. S'il lui plaisait de devenir
sage, enfin, de comprendre les nécessi-
tés du temps, de s'incliner loyalement
devant la volonté du peuple, tous les
hommes qui ont le souci de la paix pu-
blique, sans distinction de croyances,
)'en loueraient, comme je le fais très
sincèrement devant nous.
LE DÉPUTÉ. — Sans doute ; mais il fau-
drait être certain que la conversion fût
sincère.
L'ÉVÊQUE TOLÉRANT. — Elle l'est, sans
conteste, en ce qui concerne ceux que
vous appelez les « jeune Eglise ». Le
nom de « curés démocrates » qu'ils se
plaisent à se donner eux-mêmes le
prouve surabondamment.
, LE MAITRE DE LA MAISON. — Je suis avec
beaucoup d'attention, depuis quelques
années, le mouvement dont il s'agit. Il
fut, si je ne me trompe, provoqué par
Léon XIII lui-même, effrayé des dan-
gers auxquels les politiciens de droite
exposaient l'Eglise, en la compromet-
tant, par l'exagération de leur prétendu
zèle religieux et par les efforts qu'ils
faisaient pour l'entraîner dans toutes les
entreprises dirigées contre la Républi-
que et les républicains.
LE DÉPUTÉ. — Ajoutez, pour être com-
plet, que les efforts auxquels vous faites
allusion ne furent jamais stériles. Sous
le boulangisme, l'Eglise était associée
aux monarchistes, aux bonapartistes et
auxkésariens dans leur attentat contre
la République, comme elle avait été
associée à Bonaparte dans le coup
d'Etat de décembre. Le nationalisme,
en 1898, quand il rêvait la conquête de
l'Elysée, n'avait-il pas aussi la compli-
cité de l'Eglise ?
L'ÉVÊQUE TOLÉRANT — Dites d'une par-
tie de l'Eglise, si vous tenez à être juste.
Je connais bien des prélats qui ne pri-
rent part à aucune de ces aventures.
LE DÉPUTÉ. — En connaissez-vous
beaucoup qui protestèrent publiquement
contre elles? En avez-vous vu beaucoup
les flétrir, comme ils tentent, en ce
moment, de flétrir la loi sur les associa-
tions ?
L'ÉVÊQUE TOLÉRANT - J'admets, si
vous le voulez, que l'Eglise avait, dans
son ensemble, besoin de la leçon qui
lui a été donnée par ces événements,
Ce qui n'est point douteux, c'est qu une
notable partie du clergé séculier fran-
çais en a compris la signification
LE IJIIILOSOPUE — On pourrait même
citer quelques membres du clergé ré-
gulier pour lesquels la leçon n'a pas
été perdue. N'est-ce pas un dominicain
qui écrivait, il y a deux ans: « il faut
faire cesser l'antagonisme entre l'Eglise
et la société moderne » ?
LE MAITRE DE LA MAISON. - II consta-
tait aussi, très justement, que le peuple
ne veut plus « tolérer l'ingérence du
prêtre dans la direction des affaires pu-
bliques » et il disait que la mission du
clergé « n'est pas de faire élire des dé-
putés », qu'il ne doit pas « aspirer à la
domination dans rordre politique ))
Il protestait contre les curés, et les
moines qui « abaissent la dignité de
leur sacerdoce en le mettant au service
d'hommes qui voudraient l'exploiter au
profit d'une cause humaine ».
11 déplorait le préjugé si répandu
parmi les catholiques et dans le clergé
régulier ou séculier, d'après lequel il y
aurait « entre l'Eglise et la forme ac-
tuelle du gouvernement de la Franco un
antagonisme irréconciliable", nco un
Et permettez-moi de vous lire tex-
tuellement ce qui suit : « On ne déplo-
rera jamais assez les malheurs causés
par cette idée, tellement fausse qu'elle
ne supporte même pas l'examen. Et ce-
pendant, c'est cette idée fausse qui a di-
visé la France en deux camps, d'un côté
les catholiques, de l'autre les républi-
cains. Quand donc reviendrons-nous à
cette notion si simple et si catholique :
l'Eglise n'est hostile à aucune forme de
gouvernement. Les catholiques des
Etats-Unis ne sont-ils pas tous républi-
cains ? Ce ne serait pas évidemment
s'accommoder au temps que de persis-
ter dans une aberration qui a coûté si
cher à l'Eglise. »
LE DÉPUTÉ. — C'est fort bien dit, et ce
dominicain me paraît être un homme de
sens ; mais ce n'est pas à nous, républi-
cains, qu'il faut dire cela ; c'est aux ca-
tholiques, c'est aux curés et aux moines
qui nous combattent avec la dernière
violence, avec les pires injures et ca-
lomnies, dans chacune de nos élections.
L'ÉVÊQUE TOLÉRANT. — C'est bien à
ceux-là, en effet, que le père Maumus
adressait les conseils auxquels vous vou-
lez bien donner votre approbation, mon
cher représentant. Mais il n'est pas inu-
tile non plus que les républicains les
entendent. Il faut qu'ils sachent qu'il y
a dans les deux clergés des hommes
clairvoyants et sages.
LE DÉPUTÉ. — Eh bien ! que ceux-là
parlent plus haut, s'ils veulent qu'on
les entende ; qu'ils ne laissent pas étouf-
fer leurs voix par les sermons séditieux
de leurs confrères, et leurs écrits par
les pétitions illégales de leurs évêques !
L'ÉVÊQUE TOLÉRANT. — Ils étaient sept
cents au congrès de Bourges, au mois
d'août 1900, qui tinrent un langage
analogue à celui qu'on vient de rap-
peler.
LE DÉPUTÉ. — Sept cents « jeune
Eglise », c'est évidemment quelque
chose ; mais n'oubliez pas qu'il y a en
France quarante mille prêtres séculiers
et un nombre au moins égal de mem-
bres des diverses congrégations d'hom-
mes. Sept cents en face de ces quatre-
vingt mille « vieille Eglise », ce n'est
peut-être pas assez pour me convaincre
que l'Eglise de France a compris enfin
la nécessité « d'être de son temps » et
de s'incliner devant les institutions que
le pays s'est données librement. Qu'en
dites-vous, mon cher philosophe ?
LE PHILOSOPHE. — Je dis que vous êtes
un excellent mathématicien, mais, en
même temps, un homme quelque peu
injuste. Si j'avais l'honneur de porter la
robe de notre cher Tolérant, je vous
rappellerais le mot de l'Evangile : « Il
y aura plus de joie au ciel pour un in-
fidèle qui reconnaîtra son erreur que
pour cent justes qui persévéreront dans
la vérité. » Ce ne sont peut-être pas
exactement les termes, mais c'est la
pensée; et je crois qu'il la faut appli-
quer aux sept cents prêtres qui ont osé
dire, en public, à la contre-révolution
« ne comptez plus sur nous, il nous plaît
de nous enorgueillir de notre origine
démocratique, d'être républicains avec
nos pères, nos frères et nos amis, et de
nous conduire en hommes de notre
temps ».
Pour nous, c'est très facile de tenir
ce langage Mais si vous aviez lu les
feuilles cléricales et monarchiques de
l'époque, vous reconnaîtriez qu'il a
fallu quelque courage à ces prêtres pour
renier ainsi, à la face du parti de réac-
tion, les traditions réactionnaires qu'ils
avaient trouvées dans l'Eglise le jour où
ils y entrèrent et qui fleurissent encore
dans tant d'évêchés.
LE DÉPUTÉ. — Je m'incline devant vo-
tre sagesse. Mais avant de passer aux
éloges que notre cher Tolérant réclame
pour ses amis les « jeune Eglise » —
car il est manifeste que ce sont ses
amis, — je désirerais apprendre ce
qu'ils comptent faire et, en quoi, dans
la pratique, ils se séparent des « vieille
Eglise ».
LE MAITRE DE LA MAISON. — Si j'osais,
je vous lirais quelques lignes dans les-
quelles un de vos collègues à la Cham-
bre, M. l'abbé Lemire, exposait le but
des organisateurs du congrès de ce que
vous appelez les «jeune Eglise ».
LE DÉPUTÉ. — Lisez, cher ami. Nous
vous écoulerons et nous apprécierons
ensuite.
LE MAITRE DF. LA MAISON — Après avoir
dit que l'objet du congrès no pouvait
être de tracer un programme définitif
« d'action sacerdotale », votre collègue
ajoutait : « La principale utilité, le but
primordial du congrès de Bourges,
était de manifester un courant de sym-
pathie entre les prêtres qui en étaient
les membres, et de grossir et d'orienter
ce courant en même temps qu'on on
apportait le témoignage. C'était de
montrer au public laïque, spectateur en
somme bienveillant, qu'une sève nou-
velle gonflait les veines du clergé,qu'on
était las do se borner à des récrimina-
tions souvent stériles, et qu'on avait un
désir loyal do travailler, le mieux pos-
sible, au service social s
LE JJÉPUTÉ. — Certes, je n'ai rien à dire
contre ce langage C'est celui d'hommes
avisés qui reconnaissent les erreurs du
passé et veulent se les faire pardonner;
mais cela ne me dit point quels procé"
dés compte employer la nouvelle "ole
pour regagner les sympathies ue l'E -
glise à légitimement perdue et pour tra-
vailler utilement à cç qu'elle dénomme
« le service » Est-ce qu'elle
i eouiflte sa mêler des oeuvres sociales.
concurremment avec les laïques, avec
l'Etat, avec les pouvoirs publics?
L'ÉVÊQUE TOLÉRANT. — Vous l'avez dit,
et nous pourrons en parler un autre
jour.
LE PHILOSOPHE. — Bien volontiers;
mais en attendant, permettez-moi de
livrer à votre méditation quelques lignes
de Montesquieu qui seront ici, je crois,
bien à leur place.
Dans une de ses Lettres persanes, Us-
bek raconte sa rencontre, dans l'église
Notre-Dame, avec un prêtre qui lui fait
l'aveu suivant : « Une certaine envie
d'attirer les autres dans nos opinions
nous tourmente sans cesse, et est pour
ainsi dire attachée à notre profession.
Cela est aussi ridicule que si on voyatt
les Européens travailler, en faveur de la
nature humaine, à blanchir le visage
des Africains. Nous troublons l'Etat;
nous nous tourmentons nous-mêmes,
pour faire recevoir des points de reli-
gion qui ne sont point fondamentaux;
et nous ressemblons à ce conquérant de
la Chine qui poussa ses sujets à une
révolte générale, pour les avoir voulu
obligèr à se rogner les cheveux ou les
ongles. »
L'ÉVÊQUE TOLÉRANT.— Et vous concluez
de cette aimable raillerie?
LE PHILOSOPHE. — Que si j'avais l'hon-
neur d'être « jeune Eglise », je laisse-
rais à mes compatriotes le son de déci-
der eux-même!:, en toute indépendance,
comment ils porteront leurs cheveux ou
leurs ongles, ce qu'ils mangeront le
vendredi, ce qu'ils penseront de la Tri-
nité ou de l'Eucharistie, s'ils fréquen-
teront l'église ou s'ils passeront devant
sa porte sans s'y arrêter ; je n'irais
point prendre les gens par le bras pour
les mener entendre ma messe ou mon
sermon ; je ne ferais, en un mot, aucun
effort pour « blanchir les Africains ».
LE MAITRE DE LA MAISON. — Et en cela
vous prouveriez, une fois de plus, jus-
qu'à quel point vous êtes philosophe.
Mais il ne suffit pas d'être « jeune
Eglise » pour devenir philosophe.
J.-L. de Lanessan.
UN ARGUMENT
Il est écrit que les congrégations ne nous
épargnerons aucune surprise. Nous les voyons
depuis deux ans employer tous les moyens di-
latoires, épuiser toutes les juridictions, se réfu-
gier à chaque instant dans le maquis de la
procédure, produire les interprétations les plus
fantastiques de la loi, essayer de créer les équi-
voques les plus imprévues.
Je ne connais pourtant rien de plus extrava-
gant que l'argument que présentent à la Cham-
bre S dans un laborieux mémoire, les Frères de
Ploermel, les Frères de la Doctrine Chrétienne
de Nancy, les Frères de Sainte-Croix-de-Saint-
Gabriel, de Saint-Joseph, de Marie, etc., etc.
Ces coagréganistes récalcitrants prétendent
démontrer l'illégalité du refus d'autorisation
dont i!s se sentent menacés. Ils disent avoir été
autorisés par des ordonnances et des décrets
intervenus au cours du dernier siècle, avoir
vécu 30, 50, "75 ans et plus au vu et au su de
tous les gouvernements, avoir même à certai-
nes époques enseigné au nom de l'Etat. Ils en
concluent, et par quels artifices de raisonne-
ment,que la loi de 1901 ne leur est point appli-
cable, et que c'est à tort que le Parlement exa-
minerait leur cas.
Cet argument vaut-il la peine d'être réfuté?
Ne tombe-t-il pas de lui-môme ? Si les singu-
liers moines dont s'agit jugeaient qu'ils ne tom-
bent point sous le coup de la loi des associa
lions, pourquoi se sont-ils conformés à ses dis-
positions en sollicitant, dans les formes éta-
blies, l'autorisation des Chambres?
Voici à quoi se réduit, en somme, leur rai-
sonnement, « Vous avez décidé, disent-ils aux
députés, que toutes les associations religieuses
devaient vous demanderla permission d'exister
Vous avez voté une loi qui organise la procé-
dure à suivre. Nous nous réclamons de cette
loi, et nous venons vous demander do nous
autoriser. Mais cette loi dont nous nous récla-
mons ne nous concerne point, nous ne vou-
lons pas la connaître et vous ne pouvez nous
l'appliquer, »
Est-ce de l'incohérence ou de la mauvaise
foi ? On demeure confondu devant cette argu -
mentation jésuitique. La Chambre, nous n'en
doutons pas, lui fera l'accueil qu'elle mérite,
elle l'écartera sans vouloir même l'examiner.
Ce serait du temps gâché en pure perte. — A.
VICTOR HUGO ET LE CONSEIL MUNICIPAL
DE PRAGUE
-
Après le centenaire
Nous recevons du maire de Prague, repré-
sentant le conseil municipal de la capitale
royale, un exemplaire de la relation que le
conseil municipal vient de publier, en langue
bohème, des fêtes du centenaire de Victor Hugo
à Paris.
Cette relation, qui est intitulée Oslava Vic-
tora Huga v. Parizi t'oku 1902,mémoires ré-
digés par M. de Cankov, secrétaire de la délé-
gation du conseil, est destinée, dit la lettre
d'envoi, à perpétuer le souvenir du glorieux
centenaire de Victor Hugo et à marquer la
profonde reconnaissance de la ville de Prague
pour l'accueil chaleureux fait à Paris aux dé-
légués tchèques à l'occasion des fêtes du cente-
naire.
Cette publication, dit encore la lettre du
conseil municipal de Prague, doit « faire con-
naître aux Bohèmes quelles sympathies sincè-
res et amicales leurs envoyés ont rencontrées
en Franco auprès de la population tout entière
et de la presse française, et contribuer ainsi,
grâce à Victor Hugo, à augmenter encore les
sympathies et l'amour de la Bohême pour la
France ».
Nous remercions ici le conseil municipal de
Prague do ce cordial envoi.
———————————— »
LA TOURNÉE DU TSAR
(De noire correspondant varticulierl
Saint-Pétersbourg, 11 janvier.
L'itinéraire du prochain voyage du tsar n'a
été Gxé que tout récemment. Le tsar, accompa-
gné de la tsarine, s'embarquora au mois de
février à Odessa et non pas à Cronstadt. Il
partira directement pour un port de l'Adriati-
que, d'où il continuera son voyago par terre,
en prenant le train de Rome.
Après avoir fait sa visite au Quirinal, il ira
à Athènes et à Cettigne. Pendant son séjour
dans la capitale monténégrine, Nicolas II on..
verra le grand-duc Vlaçliiair, aves UttQ aUMiOB
sûficiale. à Belgrade,
CAUSERIE PEDAGOGIQUE
- - L'EDUCATION PAÇtFIQU £
Le droit et la paix. — Une heureuse
évolution. — L'esprit cocardier et
la solidarité humaine. — Deux
apôtres. — Une réforme ur-
gente. — Au congrès des
Amicales. — A l'é.
tranger.
Depuis quelque temps l'amour du droit et de
la paix envahit nos écoles, pénètre l'enseigne-
ment, le purifie, et lui imprime une orienta-
tion nouvelle. Un très grand nombre d'institu-
teurs et d'institutrices se font un devoir de sup-
primer, dans leurs classes et dans leurs leçons,
tout ce qui pourrait faire admirer les triom-
phes de la force brutale. la gloire des armées et
des nations conquérantes.
L'importance de cette heureuse évolution pé-
dagogique n'échappera à personne. Elle est
grosse de conséquences. C'est un changement
d'idéal qui s'opère. C'est l'éducation pacifique
qui tend à supplanter l'éducation guerrière,
militariste,d autrefois,
C'est une réaction contre les bataillons sco-
laires et autres jeux militaires, contre les ma-
nuels d'histoire uniquement remplis des récits
de batailles, contre les chants belliqueux de
Déroulède, contre l'imagerie sanglante des
combats. Après s'être plu à développer l'esprit
cocardier chez les enfants, les éducateurs se
ravisent. Ils veulent désormais cultiver avant
tout les sentiments de solidarité humaine, ca-
pables d'assurer la paix dans le monde. Les
voilà gagnés à la saino doctrine de M. Léon
Bourgeois et à la noble cause de M. Frédéric
Passy. Le courant sera irrésistible.
La paix perpétuelle
Le règne de la paix perpétuelle par l'arbi-
trage arriverait-il ? Rêvé déjà par Henri IV
comme par le tsar Nicolas II. annoncé par le
bon abbé de St-Pierre au début du 18e siècle,
et institué en théorie par les diplomates de la
conférence de la Haye, il pourrait parfaitement
devenir une réalité, et plus vite qu'on ne pense,
si partout, les enfants étaient élevés dans l'hor-
reur de la guerre.
Le mouvement actuel qui se dessine en ce
sens dans les écoles, est européen. En France,
l'impulsion est donnée par deux apôtres, deux
grands coeurs, les deux fondatrices de la so-
ciété l'Education Pacifique: Mme Marie-Made-
leine Carlier et Mlle Marguerite Bodin, deux
noms maintenant bien connus.
C'est en juillet 1901 que ces deux nobles fem-
mes jetèrent les fondements de leur société.
Elles en fixèrent le siège chez l'une d'elles,
Mme Catlier, à Croisilles (Pas-de-Calais). Elles
rédigèrent un manifeste court, simple et clair
que j'ai sous les yeux. Elles y signalent, sans
insister, que si la grande majorité des gens ne
comprennent pas les idées pacifiques, ou si, les
comprenant, ils ua s'y attachent pas, c'est
parce que leur éducation première, à tendances
militaristes, a obscurci leur conscience. Cette
vérité avait besoin, ce me semble, d'être mise
en pleine lumière, puisqu'elle justifie la néces-
sité de la société et l'urgence d'une réforme
dans la manière d'élever les enfants. Elle est
évidente pour les amis de la paix, mais ce ne
sont pas ceux-ci qu'il faut convaincre, ce sont
les autres.
Dans une brochure de propagande elle de-
vrait, je crois, être développée avec toutes les
considérations qui n'ont pas manqué d'être
faites à son sujet dans les congrès annuels et
inlernationaux de la paix tenus à Paris, à
Londres, à Rome, à Berne, à Chicago, à An-
vers, à Budapest, à Hambourg, à Glasgow, à
Monaco. Ma critique n'a d'autre but, Mme
Carlier et Mlle Bodin le saisiront sans peine,
que de favoriser le succès de leur campagne.
Un programme à appliquer
Le programme dont elles réclament l'appli-
cation à l'école est d'une nelte concision. Il est
ainsi conçu i
Nous demandons qu'on fasse comprendre à l'en-
fant qu'il n'y a pas deux morales, une pour les na-
tions et une pour les individus :
Qu'on le pénètre du sentiment de la fraternité
humaine envers tous les peuples de la terre, sans
distinction de race ni de couleur;
Qu'on lui inculque le respect de la Vie, non seu-
ment de la vie humaine, mais même de celle des
animaux, cherchant ainsi à abolir l'instinct de la
destruction.
Dans le choix de l'imagerie, dans la direction
des jeux, comme dans tout son enseignement,
l'éducateur ne perdra jamais de vue qu'il veut for-
mer des cœurs pacifiques ; mais par des cœurs pa-
cifiques on n'entend point des cœurs pusillanimes.
Nous désirons que l'cufant ait le sentiment de ses
droits et de sa dignité, en même temps que le res-
pect des droits et de la dignité des autres. Nous ne
renions pas l'héroïsme du passé; nous ne saurions
trop admirer le courage de ceux qui défendent la
patrie envahie; mais nous demandons qu'on ensei-
gne aux enfants que la guerre n'est plus dans
l'ordre du progrès actuel. L'humanité a aujour-
d'hui devant elle des champs d'action illimités, où
son énergie peut et doit se déployer, non plus des-
tructive, mais créatrice.
En outre, l'éducateur démontrera que la guerre
n'est point un mal inévitable et que les discordes
des gouvernements peuvent être réglées par l'arbi
trage, comme celles des particuliers le sont par les
tribunaux.
De la sorte, pénétré de l'idée de justice, l'enfant
comprendra que l'amour de la patrie n'est pas op-
posé à l'amour de l'humanité, et le patriotisme de
haine fera place au patriotisme d'amour.
Une si belle déclaration no pouvait qu'être
acclamée par une réunion d'instituteurs.
Quand Mlle Bodin en donna lecture au Con-
grès des Amicales réuni à Bordeaux, en aoûl
1901, la Société de VEducation pactfique avait
seulement 15 jours d'existence. Elle trouva
de suite 1.500 adhérents parmi les 1.500 con-
gressistes.
Le vœu suivant fut émis et voté d'enthou-
siasme. Il dégage les trois principaux points
du programme qu'on vient de lire. Il demande:
1° Qu'on fasse désormais une place moins grande
à l'histoire-bataille, enseignant de préférence aux
enfants la marche de la civilisation à travers les
siècles.
2° Au lieu d'enseigner à l'enfant un chauvi-
nisme belliqueux, qu'on s'efforce à lui inspirer le
respect du droit de quelque côte qu'il se trouve et
qu'on le convainque fortement de la nécessité du
remplacer les guerres barbares et ruineuses, qui ne
règlent jamais définitivement un différend, par
l'institution d'un tribunal d'arbitrage
3° Que les tableaux représentant des scènes de
carnage ne soit pas affichés sur les murs des éco-
les. Qu'à l'appui des leçons on montre pourtant
quelques scènes véridiques de carnage, mais en les
faisant suivre immédiatement des images du tra-
vail et de la paix.
Les adhésions
Depuis, la Société de l'éducation pacifique a
reçu d'innombrables adhésions Les universi-
taires, les Amicales d'instituteurs, n'hésitent
jamais à envoyer la leur, les associations répu-
blicaines non plus. Aucune cotisation n'est de
mandée, mais naturellement les plus minimes
sont accueillies avec plaisir. Le versement
d'une somme de 20 francs vous fait inscrire
dans la liste des membres bienfaiteurs. 11 y a
des adhésions touchantes comme celles de ce
brave ouvrier allemand qui, apprenant l'exis
tence de la société par son journal, s'empressa
d'écrire aux fondatrices : « Les humbles sont
avec vous, dans votre effort de fraternité, ils
vous applaudissent et vous rémercienL. »
La société française rayonne ainsi à l'étran-
ger. Elle a une section italienne à Turin, que
dirige avec dévouement M, AOKÇIQ Foa, secré-
taire de la Société de T-urin pour la paix et
l'arbitrage. De vifs encouragements ont été
adressés à Mme Cartier et à Mlle Bodin, d'Al-
magne et d'Angleterre.
Au dernier: congrès international tenu à Mo-
naco, en avril 1902, Mme Cartier a été l'objet
de chaleureux témoignages de sympathie de ia
part des présidents ou représentants des socié-
tés de paix étrangères. Ce n'était que justice.
Nous nous réjouissons du développement
constant et rapide de la Société de l'éducation
pacifique, car sa prospérité nous semble avoir
des rapports étroits avec les progrès de la mo-
ralité publique.
Nous engageons vivement nos lecteurs à en-
voyer leurs adhésions, avec, si posbible, une
obole. Il serait bon que cette société s'étendit
partout et devint une immense ligue du bien
public.
ARMAND DEPPER
£LECTION LtGISLATIVE DU PAS-DE-CALAIS
4U circonscription de Béthune
Inscrits : 17.067. — Votants : 15.026
Suffrages exprimés : 14.952
MM. Detelis, rïpublicàln - - - 7.869 voix ELU
Dard, réactionnaire. 7.083
Il s'agissait de remplacer M. Dard, dont
l'élection avait été invalidée. Siège gagné.
Voir à la 3° page
les Dern ières Dépêches
de la nuit, et
la Revue des Journaux
du matin
A CHALONS-SUR-MARNE
Hier, a eu lieu au cirque, en présence de
plus de trois mille citoyens, une conférence du
citoyen A. Gervais, député de la Seine, sur
« officiers et soldats », organisée par le Cercle
démocratique de la Marne.
La séance était présidée par le citoyen Pozzi,
adjoint au maire de Reims,délégué de la Marne
au comité exécutif du parti raaical-socialiste,
assisté des citoyens Plot, président du cercle, et
Mencier, directeur de l'Union républicaine. Le
président, dans un discours très applaudi, a
montré combien nécessaires étaient certaines
réformes, notamment en ce qui concerne
l'armée.
Le citoyen Gervais a ensuite pris la parole
et dans une conférence, interrompue par de
nombreux applaudissements, a traité des rap-
ports de l'armée et de la République, et dans
l'armée des relations entre officiers et soldats ;
il a préconisé la transformation de la disci-
pline qui dovrait être basée sur une mutuelle
confiance et sur un mutuel respect. Il s'est dé-
claré partisan du service de 2 ans, de la réduc-
tion des effectifs et d'économies sur le budget
de la guerre.
Il a terminé en déclarant que la, véritable
patriotisme ne consistait pas à se répandre en
cris et en effusions, mais en rendant plus forte
et plus républicaine notre armée.
Sa péroraison a été couverte d'applaudisse-
ments et une véritable ovation a été faite au
conférencier.
Une réception a eu lieu ensuite dans Je Jocal
du Cercle démocratique, les citoyens Plot,
Pozzi, Lefèvre ont pris la parole et le citoyen
Gervais a prononcé un discours sur la nécessité
pour les démocrates de se grouper, de s'unir
pour faire triompher partout les candidats de
la République, et assurer au pays les réformes
qu'il attend.
Bonne journée pour la République.
———————————- -
LES CONDAMNÉS DE LA HAUTE-COUR
L'agence Paris-Nouvelles communique la note
suivante :
Contrairement à une information publiée par un
journal du matin, M. le ministre de l'intérieur,
président du conseil, n'a jamais songé à déposer
un projet d'amnistie en faveur des condamnés de
la Haute-Cour.
————————————— —————————————
Les Coulisses des Chambres
Les groupes de la majorité
Nous avons dit, hier, que la réunion des
groupes de la majorité de la Chambre avait ré-
solu de maintenir la composition du bureau de
la dernière session et d'attribuer au groupa so-
cialiste — qui a désigné M. Jaurès — le poste
de vice-président rendu vacant par l'élection de
M. Maurice Faure au Sénat.
Il a été, de plus, entendu que le premier
siège de vice-président qui deviendra vacant
sera attribué au groupe radical-socialiste, en
vertu du roulement établi.
A la commission du budget
La commission du budget se propose, dans
une prochaine séance, d'examiner le contre-
projet de M. Jaurès sur l'organisation du mo-
nopole de l'alcool.
Elle a décidé aussi la prochaine audition du
ministre de la marine et du ministre des finan-
ces, au sujet du décret relatif aux administra-
teurs de rînscription maritime.
4>
UNE PROPRIETE HISTORIQUE
(De notre correspondant pariiculierl
Berlin, 11 janvier.
Avec le consentement du ministre des culles,
la fondation Klosterberg, de Magdebourg, a
acheté la vaste propriété féodale de Tannen-
berg, dans le district d'Osterode.
C'est là que le 15 juillet 1410, les Polonais,
alliés aux Tartares, écrasèrent complètement
les troupes de l'Ordre teutonique.
Cette propriété historique sera divisée en lots
et peuplée par des colons allemands.
L'ÉCOLE DU GÉNIE MARITIME EN ALLEMAGNE
(De notre correspondant particulier)
Kiol, 11 janvier.
L'école des ingénieurs de constructions na-
vales sera transportée de Wilhelmshaven à
Dantzig, où elle fera partie de la nouvelle
école polytechnique. Cette dernière ne sera ou-
verle qu'en 1904
——————————— 4b ———————————-
Le testament de l'explorateur Andrée
(De noire correspondant particulierl
Copenhague, 11 janvier.
On vient d'ouvrir le testament de l'explora.
teur Andrée. Le document est daté du 18 mai
1891, et est ainsi conçu :
Je soussigné, Salomon-Auguste Andrée, dis-
pose comme dernière volonté que tous les biens
que je laisse passent à mon frère le capitaine de
vaisseau Ernest-Guillaume Andrée et qu'il en use
conformément aux intentions que je lut ai fait
connaître verbalement ou que je pourrais lui faire
savoir ultérieurement Mon frère est donc le seul
autorisé à prendre les mesurcs nécessaires pour la
liquidation de ma succession :s tg ré: S,-A. Andree.
Il ressort de la teneur de ce testament que
l'explorateur espérait revenir sain et sauf de
son voyago au Pôle Nord: autrement,il aurait
été plus précis en rédigeaut ses dtfrutëres vo-
IODtél.
LES OBSEQUES
DE PIERRE LAFFITTE
-
De la rue d'Assas à la rue Monsieur
le-Prince. —• Les. couronnes. - L'as-
sistance. — Le cortège. — Au
Pere-Lachaise. — Les dis-
cours
Les funérailles de Pierre Laffilte ont eu lieu,
hier au milieu d'une affluence ccnsidérable de
Français et d'étrangers, adeptes des théories
positivistes.
A 10 b., le corps de M. Fierre Laffille, qui
était exposé dans le salon du modeste apparte-
ment qu'occupait depuis 40 ans le philosophe,
rue d'Assas, avait été transporté par quelques
amis dans la maison d'Auguste Comte, siège
et propriété de la Société positiviste, 10, ruf.
Monsieur-le-Prince. e avait été déposé sous la
porche orné de tentures noires et de très nom-
breuses couronnes, parmi lesquelles on remar-
quait celle de M. Charles Jeannolle, désigné
par M. Laffltle pouî lui succéder à la direction
du positivisme, et portant l'inscription : a A
mon vénéré maître », et celles de la Société
positiviste du Cercle des prolétaires positivis-
tes, de la Revue occidentale, organe du positi-,
visme, de la Société positiviste de Londres, du'
groupe mexicain, des Suédois, des Brésiliens,
du félibrige de Paris, dont M. Pierre Laffitta
était le vice-président, de la Coopération des
Idées, de la loge « la Philosophie positive », de
la Petite Gironde, etc. Sur le devant du cer-
cueil, une large draperie verte portait, en
lettres d'or, l'inscription : a Vivre pour au-
trui. »
Des deux côtés de la porte cochère, avaient
été disposés en faisceaux des drapeaux voilés
de crêpe des principaux pays où existent des
groupes positivistes : Grande-Bretagne, Brésil.
Mexique, Turquie, Suède, Allemagne, Belgique,
Hongrie.
Dès 11 h., l'étroite rue Monsieur-le-Prince'
était encombrée de plusieurs centaines d'invi-
tés, dont le nombre augmente d'instant en ins-
tant. Arrivent successivement : le général
André, ministre de la guerre ; Réveillaud,
cbef-adjoint du cabinet du président du con-
seil, représentant M. Combes ; Liard, vice-rec-
teur de l'académie ; abier, directeur de l'en-
seignement au ministère de l'instruction publi-
que, représentant le ministre ; Levasseur, du
Collège de France, représentant M. Gaston
Paris, empêché par cause dlndisposilion ; Gas-
ton Deschamps ; le docleur J.-H. Briges, délé-
gué par M. Frédéric Harisson, président de la
Société positiviste de. Londres, pour représenter
les positivistes anglais ; Léon Simon, représen-
tant les positivistes brésiliens ; Ahmed Riza:,"
directeur du Mechveret, organe de la Jeuneir,
Turquie et rallié à la Société positiviste déi
Paris ; Hector Denis, député au Partemenf
belge, etc.
La levée du corps
A midi, le cortège s'est formé. Le eercueili
avait été déposé sur un corbillard très simple,!
que les couronnes recouvraient. Les cordons!
du poêle étaient tenus par le général ADdré.et
MM. Rabier, Bridges, Keufer, président dm"
Cercle des prolétaiies positivistes, Best, Ana
tole France, Tournier, député, Simon, Ahmed-v
RUa et Mass.illon Colcon, chargé d'affaires, pars
intérim, de la République d'Haïti.
Un millier de personnes environ suivaient le
cortège.
Remarqué au hasard dans l'assistance :
MM. Camille Monier, suppléant de M. Laffitte
au collège de France ; Emile Corra, vice-président
de la Société positiviste ; Grinnanelli, directeur aa:
ministère de l'intérieur ; A.-M. Auzende, profes-
seur au Conservatoire de musique : Injalbert,
statuaire, auteur du monument élevé à Auguste
Comte, sur la place de la Sorboane.
MM. Lévy Bruhl, professeur à la faculté des let-,
tres de Paris; le D' Paul Segond ; Adolphe Vail-'
lact, chef de division à l'Assistance publique;
Deherme, directeur de la « Coopération des idées »;
Antonin Dubost, sénateur, le Dr Dubuisson, mé-,
decin en chef à l'asile Sainte-Anne; G. Hubbard,
député; le Dr A. Ritti, médecin en chef de Cba-
renton; Louis Tinayre, artiste-peintre, Trarieux,
ancien ministre de la justice; Deluns-Montaud, an-
cien ministre; MM. Charles Ferry, Cazot, sénateur;
Joseph Reinach, Lampué, etc.
Puis, de nombreuses délégations. i,
Le cortège, par les rues Casimir-Delayigne,
Corneille, de Médicis et par le boulevard Saint-
Michel, a gagné la place de la Sorbonne, où il
a défilé devant le monument d'Auguste Comte.
Après être passé devant le Collège de France,
il s'est dirigé, par les boulevards Saint-Ger-
main et Henri-lV, et la rue de la Roquette,
vers le cimetière du Père-Lachaise.
Discours de M. Levasseur
Au cimetière, des discours ont été pronon-
cés au rond-point Casimir-Perier.
M. Levasseur a pris le premier la parole au
nom du Collège de France. Après avoir rappelé
l'œu,vre de Pierre Laffitte, il a ajouté ;
M. Laffitte était professeur au Collège de France
quand il a publié le troisième volume. Un mints-i
tre, Jules Ferry, lui avait, dit-il, ouvert la salle'
Gersou , un autre ministre M. Léon Bourgeois, l'aj
fait entrer dans l'enseignement publie en oréanr
pour lui, en janvier 1692, au Collège de France-,
une chaire d'histoire générale des sciences.
Il y est venu tout entier, savant et apôtre, ap-;
portant le fruit de ses longues méditations sur les
mathématiques et sur la sociologie et sa foi dans
le culte positiviste. Sa foi n'était pas de notre do-
maine. Le Collège de France n'est pas une église ;
c'est une école, une grande école qui ne craint pasi
les nouveautés, qui les patronne même quand el*
les ont une haute portée scientifique. i
D'autres discours ont été prononcés, par MM.i
E. Corra, au nom des positivistes français;.
Bridges, de Londres, au nom des positivistew
étrangers ; A. Keiifer, au nom des prolétaires)
positivistes do tous pays ; Massillon Coicou,*
d'Haïti, au nom de la race noire.
Discours de M. Anatole France
Enfin, M. Anatole France, au nom des amis
personnels de M. Pierre Laffitte, a prononcé
un important discours dont voici les principaux
passages :
L'honneur qui m'est fait de prendre la parole sur
cette tombe, je le dois au sentiment largement bu
main des positivistes, qui ont agréé, pour porter à
Pierre Laffitte l'adieu de ses amis, uu homma
étranger a leur doctrine, si toutefois il est possible,
aujourd'hui, à quiconque mène une vie pensante,
d'être vraiment étranger au positivismu Est ce
que tous les esprits cultivés de ce temps ne sont
pas pénétrés de ces grandes idées qu'Auguste
Comte a renouvelées ou créées et mises dans un
ordre qui les fortille ? N'est-ce pas ce grand philo-
sophe qui nous a détournés des vaines construc.,
tions dd la métaphysique ? N'est-ce pas de lui plus;
que d'aucun autre que nous tenons notre connanca;
dans la methode expérimentale ? N'avons-nous pas,
appris de lui la généalogie des sciences et les épo..
ques du genre humain? Ne lui devons-nous pas, en-,
fin, l'ilée heureuse d'une morale fondée sur la so-
lidarité humaine? Le positivisme est entré dès:
aujourd'hui profondément dans la conscience uni.
verselle, et l'on ne trouverait pas sur la face du
monde un esprit libre qui ne soit tributaire en
quelque chose du fondateur de votre philosophie et
de ses premiers disciples.
Ce directeur du positivisme ne demandait pas les
adhésions des lèvres Il se faisait une trop haute
idée de la doctrine dont il était le dépositaire, pour
croire qu'on pût y atteindre par un élan tumul.,
tueux ou par une illumination soudaine Ses lar-
ges sympathies aiiaiem volontiers aux esprits qu'il1
savait affranchis de toute servitude théologIque.,
qui vivaient en état positiviste sans trop le savok,
eux mômes et qui sauvaient leur pensée commal
l'empereur Trajan sauva son âme seUin la bfille
tegeode, qu'il aimait à conter.
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