Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1903-01-08
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 08 janvier 1903 08 janvier 1903
Description : 1903/01/08 (N11990). 1903/01/08 (N11990).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75723414
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
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No 11990. — Jeudi 8 Janvier 1903
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NOS LEADERS
t Iisir Amlrét.
LECTEUR DU « RAPPEL »
- Mon jeune ami,
( Votre père — vous savez quelle affec-
tueuse estime je professe pour lui— me
demande de vous indiquer les lectures
que, selon moi, vous pourriez faire
pour le plus grand profit de votre intel-
ligence et de votre cœur. Encore que la
confiance ainsi mise en mon jugement
me semble, je l'avoue, un peu excessive,
je ne saurais refuser, tant je trouve lé-
gitime et nécessaire la préoccupation
de votre père.
; Vous avez, si je ne me trompe, dix-
sept ans. C'est l'âge où l'esprit, com-
mençant à se dégager des naïvetés de
l'enfance, est avide de sensations. Vous
êtes à cette période de transformation
où les impressions reçues ont chance
d'avoir d'autant plus de force que le
cerveau est plus malléable. Je vous con-
nais, j'ai eu des lettres de vous, où s'ef-
forçaient de s'exprimer les aspirations
de votre âme généreuse. Que pourrais-
je vous dire, sinon quer si j'avais un
fils, je voudrais qu'il vous ressemblât?
Je sais comment vous avez été élevé :
dans le mépris de toute superstition,
dans le respect de tout ce qui est grand,
pur, désintéressé. Vous souhaitez, je ne
l'ignore point, suivant la voie où votre
père a conquis un juste renom, devenir
un de ces artistes dont les doigts créent,
pour l'enchantement des yeux, de dé-
licats chefs-d'œuvre. Et, en même
temps, vous désirez acquérir des con-
naissances nouvelles, apprendre par les
livres à raisonner, à voir juste ; disons
le mot : vous qui n'avez encore, forcé-
ment, que des idées un peu confuses,
vagues, vous qui êtes à ce moment où
la rêverie tend à s'emparer du jeune
homme, la rêverie souvent pernicieuse
par son défaut de précision, vous vou-
lez apprendre à penser. A la bonne
beure!
Voyons donc, je ne demande pas
mieux, ce que vous pourriez bien, quand
le soir, votre journée de travail et d'étu-
des achevée, vous vous trouvez réuni à
ceux qui vous aiment et que vous aimez,
lire dans le cercle de la lampe de fa-
mille.
***
Nous commencerons, si vous le vou-
'lez bien, par éliminer tout ce qui est
métaphysique et philosophie. Au risque
d'être taxé d'irrévérence, ce qui m'est
d'ailleurs parfaitement égal, je dirai que
tout cela, tout ce que l'on fait avaler aux
jeunes gens de votre âge dans les lycées
et collèges, sous prétexte de philoso-
phie, est viande creuse, nourriture déce-
vante, impropre à construire les mus-
cles, les os et le sang dont vous avez
besoin. Et j'en dirai tout autant des
théories sociologiques auxquelles vous
vous sentiriez peut-être entraîné par les
précieuses notions d'altruisme que vous
possédez déjà. Pas plus de Karl Marx
.que de Victor Cousin pour vous. Lais-
sons tout cela de côté.
Il importe, d'abord,que vous ayez des
idées bien précises sur le rôle et la mis-
sion du pays dont vous êtes citoyen.
Vous lirez donc, pour commencer,
'l'Histoire de France et l'Histoire de la
Révolution de Michelet. Vous continue-
rez cela par les admirables Romans na-
tionaux d'Erckinann-Chatrian et la vi-
brante Jiftstoire de la Révolution de 1870-
71 de Jules Claretie. Si vous avez le
goût des voyages, des descriptions de
terres lointaines, et je trouverais excel-
lent que vous l'eussiez, vous me ferez le
plaisir de repousser résolument toutes
les fictions, à commencer parcelles de
ce fabricant d'erreurs et d'idées fausses
qui s'appelle Jules Verne, et vous irez
droit à la vérité. Lisez, par exemple :
A travers le continent mystérieux, de
Stanley; le voyage de Cameron de Zan-
zibar à Bengliela; le récit de l'expédi-
tion polaire de l'Alert et de la Dis-
covery.
Je vous les indique, entre tant d'au-
tres, non seulement à cause de l'inté-
rêt passionnant de la narration, mais
parce que ces livres de vérité sont, à
proprement parler, de véritables hym-
nes à la gloire de la volonté humaine.
Vous verrez là l'homme aux prises avec
toutes les forces brutales de l'aveugle
nature, triomphant par la pensée, par
l'énergie souveraine que lui donne la
conscience de sa supériorité.
Et alors, si vous avez été ému, comme
j'en suis persuadé, par le spectacle de
tant d'abnégation, de tant d'héroïsme,
je vous mettrai dans les mains les Mé-
inoires dandryane.
Il y a, dans ces JJfémoires, des accès
Se religiosité qui ne sauraient être dan-
gereux pour vous, étant données les
leçons que vous avez déjà reçues. Vous
verrez dans Andryanece qu'il faut y
voir, ce qui s'y trouve seul en réalité,
ce qui fait pour moi de ce livre rayon-
nant quelque chose de comparable à ce
qu'est la Bible pour les protestants, à
ce qu'est l'Imitation parles catoliques :
la lutte sublime de l'homme tout seul
contre les pervers, l'immolation de cet
homme à l'idée de son devoir envers
lui-même et envers les autres, ses
Juttes, ses souffrances, sa victoire.
D'une telle lecture on sort grandi.
Chaque fois que j'ai senti le doute
m'effleurçr. le découragement pes^r syr
moi, le sinistre à-quoi-bon ? mordre ma
chair frémissante, c'est dans Andryane
que j'ai trouvé le réconfort nécessaire,
c'est lui qui m'a fait boire à longs traits
la toute puissante liqueur de vie. Lisez
Andryane, pour devenir un homme.
***
Maintenant, je vois que je ne vous
ai pas encore parlé de ce qui est litté-
rature proprement dite; il vous en faut
pourtant. Eh bien! voilà mon conseil :
rejetez sans pitié tous les simples amu-
seurs, tous les fabricants d'art-pour-
l'art, tous ceux qui ne se sont complus
qu'à décrire les fantaisies de leur ima-
ginaiion, sans avoir une idée, un but.
Dédaignez Alfred de Musset, il ne pour-
rait que vous déprimer; lisez Victor
Hugo, mais lisez-le avec méthode ;
commencez -le à ses débuts pour le voir
monter et monter avec lui. Suivez-le
des Odes et Ballades à Toute la Lyre,
dans cette prodigieuse ascension de
l'erreur à la vérité, de l'obscurité à la
lumière, du royalisme catholiqne à la
conception des Etats-Unis d'Europe.
Lisez Rabelais, mais en sachant bien
que ses énormes farces sont là uniquement
pour servir de manteau protecteur à sa
pensée révolutionnaire ; lisez Molière et
La Fontaine, en voyant en eux les héri-
tiers directs de Rabelais. Apprenez à
connaître Voltaire, en lisant le Voltaire
d'Eugène Noël. Lisez Beaumarchais,
comme avant-propos à la prise de la
Bastille.
Mais en voilà beaucoup, n'est-ce pas?
mon jeune ami; le champ est si vaste.
Vous avez devant vous tous les trésors
de l'esprit humain. Ce qu'il y a de sûr,
c'est qu'en suivant ce hàtif programme,
vous ne perdez pas votre temps. C'est
l'essentiel.
Et là-dessus, je vous serre la main
bien affectueusement.
Lucien Victor-Meunier.
LE COM MERCE FRANÇAIS EN BOHÊME
La feuille d'informations de
l'Office national du commerce
extérieur publie un fragment
du rapport rédigé par M.Alfred
de Valois, consul général de
France à Prague, sur « la situa-
tion économique de la Bohême
et de la Moravie en 1901 ».
M. de Valois écrit notamment :
Si l'on compare l'approvisionnement en
marchandises existant aujourd'hui dans les
magasins de Prague à celui qui s'y trouvait il
y a cinq ans, et si l'on considère, d'antre
part, qu'aucun effort sérieux n'a été fait en vue
du développement de nos rentes sur cette
place. on no peut qu'être frappé des progrès
réalisés depuis cette époque. Quel n'eût Z3 pas
été, on se le demande, le chiffre d'affaires à
inscrire à notre actif s'il avait été tenu compte
dos indications par lesquelles le consulat de
Prague s'était flatté d'attirer l'attention du
commerce français sur ce marché.
Certes, la consommation do nos produits a
notablement augmenté et comprend une quan-
tité d'articles qui ne s'importaient pas autre-
fois, mais est-ce à dire qu'il faille se contenter
de ces résultats exclusivement dus tant à l'es-
prit d'initiative de quelques négociants autri-
chiens, qu'au concours do l'administration
française, et no devrait-on pas plutôt y voir,
par la confirmation d'avis répétés, un encou-
ragement à rentrer sans plus tarder en con-
currence avec des rivaux qui n'ont déjà que
trop proûté de notre inaction.
Ce passage accuse une fois de plus la
tiédeur — déjà si souvent incriminée — de
nos commerçants. Quoi, les deux éléments
de prosélytisme commercial de la France
sont précisément ceux surlesquels on n'est
jamais en droit de compter? Quoi, nous
attendons que les nations étrangères nous
ouvrent bénévolement leur marché ? Mais
notre rôle serait d'en forcer les portes.
Quoi, si une initiative française semanifeste,
elle émane de l'administration des chan-
celleries ? Alors, il suffft qu'un fonction-
naire soit négligent ou incapable, pour que
nos négociants voient naître, pour leurs
affaires, une période « de vaches mai-
gres ) ?
Allons, ce n'est pas sérieux. Le principal
ressort du développement commercial, à
l'extérieur du pays, doit être l'activité des
commerçants eux-mêmes.
Seulement, les commerçants sont-ils
aussi coupables qu'on se plaît à l'affirmer?
Voilà qui nous amène à une question que
nous avons traitée il y a quelque temps, et
sur laquelle nous nous sommes trouvés
d'accord avec nos lecteurs — comme beau-
coup d'entre eux ont tenu à nous le faire
savoir.
Nos négociants pêchent surtout par igno-
rance. Et cette ignorance est imputable en
grande partie à l'indifférence de la majeure
partie de la presse en matière de questions
économiques.
Nous n'avons jamais consenti à nous dé-
sintéresser des grands intérêts matériaux
— non plus que des grands intérêts mo-
raux-du pays.Et quand l'éducation du pu-
blic sera vraiment achevée, il faudra bien
que tous nos confrères se résignent à se
préoccuper de problèmes qui sont vitaux
pour une grande nation. — Ch. B.
L'INSURRECTION AU MAROC
Gibraltar, 5 janvier.
Suivant des informations du Maroc parve-
nues ici, les tribus insurgées se soumettent au
sultan.
Le malaise général décroît.
Madrid, 6 janvier.
On mande de Ceula que le pacha a réuni les
principaux Maures de la ville, qui ont décidé
d'acheter aux puissances finies des armes et
des munitions, pour le cas où les Kabyles
Beni Der et Ouadrass attaqueraient la ville.
Des saints mahométans parcourent plusieurs
tribus kabyles, prêchant les miracles du pré-
tendant.
Tangor, 6 janvier.
Les courriers officiels viennent d'arriver aux
légations étrangères. Ils déclarent que la situa-
tion ne s'est pas modifiée,
On est inquiot de savoir ici si l'oxpédilion
contre les rebelles est partie.
Le caïd d'origine écossaise, sir Harry Mac
LeD, est avec le sultan..
'; 1:
LE RAPPEL
ARTISTIQUE ET LITTÉRAIRE
Manifestes littéraires. - Les deux
écoles poétiques. — Symbolistes,
naturistes et romans. — Les poètes
indépendants. — Les revues. —
M. Mathias Morhardt. — Un
monument à Léon Duvau-
chel. — Petites expositions.
Les jeunes poètes ont recommencé ces temps
derniers le petit jeu des manifestes, parfois très
littéraires,d'autres simplement amusants.Créer
« une école » est le rêve de chacun. Se rappe-
lant que j'ai jadis, moi-même, publié un poème
intitulé Le Sage Empereur avec une préface
sur la liberté poétique, des camarades m'ont
prié de dire mon mot. Je veux bien, quoique
ce me semble inutile, et que j'aie la plume as-
sez malheureuse dans les questions de dogmes.
D'ailleurs ce vocable « école » me semble im
propre, et ce n'est que faute d'un meilleur
qu'il peut désigner certains courants littéraires
et do fugitifs groupements d'individus.
Jo me reporte par la pensée au commence-
ment du siècle dernier. Nous sommes dans la
même atmosphère d'attente. Rien ne fait devi-
ner Victor Hugo, les romantiques no clâment
pas encore, les poètes à la mode sont de pâles
imitateurs de l'abbé Delille et de Bernardin de
Saint-Pierre, des adorateurs de la nature qui a
créé le melon à tranches pour qu'on puisse le
manger on famille ; l'effort de Jean-Jacques,
celui de Chateaubriand n'ont pas développé
toute leur action, l'un est trop philosophique,
l'autre encore trop inconnu, Chénier est mort
jeune. On se traîne dans les clichés du Par-
nasse, pourtant on pressent l'apparition d'un
soleil au firmament littéraire. Aujourd'hui,
chaque matin, surgit une Déclaration. Est-ce
le Messie, le dieu promis ? D'où viendra-t-il,
et quelle sera son œuvre?
Les deux courants poétiques
Faire le dénombrement de nos forces lyriques
serait vain. Il reste beaucoup de Parnassiens,
leur' influence est encore considérable, José-
Maria do Ilérédia s'y dresse, chef de famille et
de clan, brandissant ses Trophées; Léon Dierx,
« prince des poètes » y flâne en amateur. Il y
eut les Décadents, avec Anatole Baju, qui
tenta d'envelopper Rimbaud et Verlaine. Il y a
les Symbolistes, dont Amiel, qui a dit : « Un
paysage est un état d'âme » s'érige en précur-
seur, les Naturistes, dans les sentiers de Jean-
Jacques, l'école Romane, biberonnant l'am-
broisie gréco-latine. Enfin voici les indépen-
dants, les isolés, la grande foule, les rêveurs,
les rimours, les bardes, les enthousiastes, et
tous ceux-là comptent pour quelque chose,
croyez-le.
En réalité, il n'y a que deux écoles dont il
faille tenir compte, non pas la bonne et la
mauvaise, comme dirait l'autre, mais corres-
pondant à deux courants distincts qui se co-
toient sans se confondre : la poétique indivi-
duelle, de « tempérament », de sensation,
qui va do Villon à Verlaine, en passant par
Mathurin Régnier, les fades, les grivois et les
grotesques du XVIIe siècle, jusqu'aux roman
tiques ; et la poétique normale, de race, de
tradition, coulant à pleins bords de Ronsard à
Chénier par Mallïerbe, Racine, La Fontaine.
Ce sont deux faces de l'âme intellectuelle, deux
génies qui se heurtent, se distancent, se rat-
trapent, tantôt vainqueurs, tantôt vaincus et
que nous retrouvons ici dans le Symbolisme,
dernier avatar du Romantisme, et dans l'école
romane, petite fille do la grand'mère classi-
que.
Les bannières
Différents de nature et de tempérament,mêmo
de races, car on y rencontre Gustave Kahn,sé-
mite,Francis Viélé-Griffir. et Start-Merrill, an-
glo-saxons, Maeterlincket Verhaeren, flamands,
on y trouva Moréas, hellène, les symbolistes
ont de commun le mépris des règles; leurs vers
déchaînés dédaignent la syntaxe, et leur lexi-
que est fantaisiste. Henri de Régnier lui même,
le plus supportable pour une oreille française,
cultive les barbarismes. Gustave Kahn, artiste
avéré, éducateur hors ligne, on est le porte-
fanion, Rémy de Gourmont l'historiographe.
Le talent ne leur manque pas, ils l'ont prouvé,
ils ont tenté d'édifier des monuments durables,
sans toutefois émouvoir le grand public.
L'école romane revient au souci de la règle ot
revendique la pureté originelle delà langue; par
cette tendance incontestablement elle a séduit
plus de lecteurs, fait plus d'élèves, embrigadé
plus d'imitateurs que ses congénères. L'Ecolo
Naturiste n'en est qu'une édition plus hardie.
Ici comme là il ne s'agit que d'épurer, de reve-
nir à la règle et à la tradition. Cependant les
poètes naturistes, Maurice Magre, avec la
Chanson de l'flomme, de Saint-Georges Bouhé-
lier, avec Eglé, Eugène Monfort, Jean Viollis,
tout intéressants qu'ils sont, n'ont pas dis-
tancé leurs prédécesseurs romans. Ceux-ci ont
subi do dures attaques, des assauts de mo-
queries, dès leur Déclaration. Charles Maurras
s'en fit le défenseur et l'allôtre. Jean Moréas
se souvint que les frères Chénier n'étaient pas
plus Français que lui, et que la source grecque
coulait notre onde latine. Il s'y rallia, ses amis
suivirent, avec quel enthousiasme 1 Et j9 con-
viens qu'un groupement qui compte Jean Mo-
réas, Charles Maurras, Ernest Raynaud, Ray-
mond de la Tailhède, Maurice du Pleyssis,
Lionel des Rieux, Dauphin Meunier, des livres
comme les Stances, la Tour d'icoire et le Bo-
cage; le Chemin de Paradis, la Métamorphose
des Fontaines, les Eludes lyriques, le Chœur
des Muses, est à considérer.
Les indépendants. — Le génie de
demain.
On ne peut cataloguer ceux qui ne veulent
pas s'associer, car la matière poétique n'est à
nulle antre semblable. Est-ce l'esprit romanti-
que ou classiqne qui l'emportera pour le siècle
naissant ? Tout le monde est au travail. Nous
attendons. Mais le génie ne pourra se mani-
fester qu'en se mêlant à la vie sociale. Lau-
rent Tailhade, écrivain parnassien, aux rimes
impeccables, aux strophes pures et nobles,
grand satirique qui s'approche de la politique
alors que presque tous les autres s'en éloi-
gnent, est un exemple à remarquer. Voici
Adolphe Retté, remueur d'idées, poète plus
humain et plus pasloure, d'une saine violence,
Pierre Quillard, amant de l'Arménie, Paul
Roinard qui s'attarde. Louis Gregh qu'il faut
citer pour sa Maison de l'Enfance et sa mé-
trique libérale, Henry de Braisne, Michel
Abadie, panthéiste, Henry Degron dont les
Poèmes de Chevreuse ont la pureté du cristal ot
la douceur d'une main amie, André Ibels, édi-
ficateur des Cités futures.
Pleurer avec le peuple, le suivre dans ses
mansardes et dans ses geôles, Jehan Rictus l'a
essayé ; flageller la ploutocratie, éplucher la
vie au jour le jour et rire, Aimé Passereau, le
narquois, le spirituel Aimé Passereau l'avait
commencé dans le Sagittaire, palpiter et respi-
rer dans son époque, n'est-ce pas une des beau-
tés de l'Art? Un mouvement dans ce sens
s'opère parmi les jeunes. La Nature fut de tous
temps la fervente maîtresse des lyriques et des
rêveurs, dispensatrice d'intarissables ivresses à
ses amants, l'Humanité en trqvail peut et doit
procurer les mêmes joies, associer les efforts et
faire vibrer les lyres.
L'« Epreuve » le « Mercure de France »
LTpreMpe, revue d'art mensuelle, avait
iAAuguré sa oubiiçaUoa aVQg Rçea&taïuH et
renfermait huit planches dont la Lecon d'ana-
tomie, la Ronde de nuit, le portrait du calli-
graphè Coppenol, et Jésus guérissant les mala-
des, la célèbre Pièce aux cent florins. du Mu-
sée d'Amsterdam. Le deuxième numéro consa-
cré à l'Art primitif flamand, contient un texte
documenté de M. Louis de Schuker et des
planches en beau tirage, de Hans Memling, le
Porlrait de Guillaume Mortels,si pur de lignes,
qui se trouve au Musée de Bruxelles, le Ma-
riage mystique de sainte Catherine, que les
touristes vont admirer sous les petits rideaux
de l'hôpital Saint-Jean à Bruges, le Quentin
Malsys, l'Ensevelissement du Christ, du Musée
d'Anvers, et de Jean Van Eyck un porlrait de
femme.
Dans le numéro de janvier du Mercure de
France, d'un collaborateur érudit et folâtre; un
petit Traité de journalisme, qui vaut son pe-
sant de canard. Il y a toujours quelque pé-
danterie à faire semblable épluchage parce
qu'il ne faut pas oublier l'apologue de la paille
et la poutre, et que pour être Mercure, on n'en
est pas moins homme. Mais Loyson-Bridet,que
je soupçonne d'être un fervent duSpicilège,
s'en est tiré avec une malice clémente. J'aime
moins la liste des «Cent bons livres », qui
détonne un peu dans celte « essence » de plu-
me, avec trop d'à peu près faciles.
-- « A la gloire d'aimer.
M. Mathias Morhardt publie une pièce en
trois actes, A la gloire d'aimer, qui vaut cer-
tainement par la pensée. Que donnerait-elle à
la scène, je n'en augure rien, et le genre où la
cataloguer n'oxiste guère. Du Shakespeare,
pourquoi pas ? De l'Ibsen, peut être bien. J'y
trouve de l'esprit, des théories sociales, de
l'amour, de la poésie, une haute philosophie.
Le prince, dernier-né d'une dynastie de
trente-huit empereurs, renonce à son titre, à
sa lignée, à ses apanages, abandonne son
épouse légale, pour devenir lo simple amant
d'une femme qu'il aime. Ce n'est plus du do-
maine de la fiction, car les Habsbourg ont vécu
et vivent encore ces romans.
Ils los ont vécus avec toute la fougue d'une
humanité qui ne connaît pas de limites à ses
désirs. Mais cette descente vers le peuple est
encore de l'orgueil impérial, même lorsque le
drame s'achève au tombeau, comme Rodolphe
à Meyerling, comme le prince Robert de A la
gloire d'aimer, auquel ses conseillers, poètes,
philosophes, capitaines n'ont inculqué que des
théories vides, le mépris des devoirs et de
l'existence.
M. Mathias Morhardt, qui a combattu pour
des idées, s'est-il rendu compte de la fumée où
se débattent ces hommes, do l'inutilité de leur
science et de leur esprit ? et a-t-il cherché à
les justifier par le défi do son titre ?
Oui, c'est une histoire d'amour, narrée en
œuvre d'art, et cela doit suffire pour l'instant.
Ainsi le dit l'étudiant philosophe, ami du
Prince « le centre du monde est partout où
nous sommes ». Qu'importe lo restai
Un disparu
Dans cette forêt de Compiègne, si chère au
promeneur solitaire, Saint-Jean-au-Boisest une
oasis dans cette oasis, c'est le nid charmant des
chênes et des saulaies, c'est le tusculum de
l'esprit rongé par le tumulte des villes. C'est
là que Léon Duvauchel avait édifié la maison
de ses rêves, là qu'il vivait l'été au chant de
mille oiseaux, là qu'il dort sous le tertre verdi
où ses amis, De Braisne. Troubat, Boutet, Le
Ctollenx, Thorel, Vautroy veulent commémo-
rer sa tranquille mémoire. '-
Poète, il fut l'ami des choses simples et bon-
nes. Ses l'ecueils, La clé des champs, les Ho-
rizons de Paris, les Poèmes de Picardie, respi-
rent un charme tranquille, empreint d'air pur
et de silence, ses romans, la Moussiêre, l'aor-
tillonne, le Tourbier, M'selle, ont pour héros
des bûcherons, dos gars rustiques, des âmes
sans noirceur. Tout le petit monde des forêts,
des hameaux perdus, des sentiers et des venel-
les s'y meut. Et le lecteur sent combien il
l'aimait, ce monde-là.
Duvauchel était un « Parisien de Paris »,
mais sa dilection le ramenait sans cesse à
la Picardie féconde et nourricièro. C'est ainsi
qu'il connut Puvis do Chavannes et les fres-
ques immortelloâ d'Amiens, Puvis, dont il mit
un croquis en frontispice de.son Tourbier, Pu-
vis, dont la mort brusquo fut un coup terrible
pour l'adorateur de l'Aue Picardia nutrix.
J'ai connu Duvauchel voici vingt ans, et je
le retrouvai souvent. Il me souvient même
d'un poème scénique que nous entreprîmes
pour les frères Lointier, à la création du Nou-
veau-Théâtre. Mais notre poème resta en
roule, les frères Lointier pàssèrent et Duvau-
chel est allé rejoindre la plupart des poètes et
des amis de ce temps-là, Charles Buet, Antony
Valabrègue et d'autres, sous la douce prairie
essaimée de fleurettes, dans la grande nature,
aimante et caressante, couche parfumée du
définitif repos. Adieu, ami.
Une exposition qui ne prouve rien
A la Galerie Weill, de la rue Victor-Massé,
une exposition de dessins, aquarelles, pastels,
des noms les plus connus, où on retrouve de
tout, des croquis d'affiches, dos ébauches de
tableaux, des illustrations do journaux. Tous
ces hommes ont prouvé leur talent, et il n'y a
pas à y revenir, d'aucuns sont de véritables
artistes. Voici Abel Faivre, Bollini, Boutet,
Camara, Cappiello, Caran d'Ache, Chéret, De-
paquit, Forain, Gottiob, Grûn, Guillaume,
Helleu, Hermann-Paul, Huard, Léandre, Mi-
rande, Louis Morin, Henri Pille, Rouveyre,
Rassenfosse, Som, Steinlen, Weiluc, Widhopf,
Willette, dans l'ordre alphabétique. Alors
qu'est-ce que cela prouve? C'est pour la vente?
Il n'y a rien à voir, à étudior, à découvrir?
Si, pourtant, çà et là : à s'étonner combien ces
dessinateurs à réputation d'esprit se battent quel-
quefois les flancs pour ne rien dire, sinon des
sottises. Le crayon malicieux entraîne dans son
ridicule la main qui le dirige.
Léon Hiotor.
Memento. — La Société populaire des sourds-
muets, organisée par Marcel Mauduit sous le pa-
tronage de MM. Ferdinand Buisson et Gabriel
Séailles, professeurs à la Faculté des lettres ; Cheys-
son, de l'Institut; Gustave Geoffroy, Léon Riotor,
Victor Cbarbonnel, Ch. de Méritons, Albert Tanger,
hommes de lettres, donne sa conférence d'ouver-
ture le dimanche 11 janvier 1903, à 2 h. 1[2, à la
mairie du IVe arrondissement, place Baudoyer.
L'allocution d'ouverture sera faite par M le doc-
teur Meslir, député. Puis, M. Henri Gaillard,
bomme de lettres, mimera avec l'éloquence qu'on
lui connaît : L'Alcoolisme, ses causes, ses effets et
ses remèdes, tandis que la Ligue contre l'alcoo-
lisme fera défiler sous nos yeux d'intéressantes
projections lumineuses.
Auguste Varenne, le mime merveilleux, repré-
sentera ensuite quelques scènes, pour transformer
cette cérémonie philanthropique en un spectacle
attrayant pour tous- 4>
-— 1 - 0 ■
LA QUESTION DU SIMPLON
(De noire correspondant patliculierf
Berne, 6 janvier.
Les négociations ouvertes pour régler entre
l'Italie et la Suisse la question du chemin de
fer du Simplon se sont heurtées à des difficultés
considérables. La Compagnie du Jura-Simplon
devrait faire passer une partie de la voie ferrée
entre les mains du gouvernement fédéral, mais
elle ne peut faire cette cession sans le consen-
tement de l'Italie. Or, le ministre de la guerre
italien fait des difficultés pour des raisons stra-
tégiques. Il demande que la ligne Iselle-Domo-
dossola soit aDDe au rfëfiau des çhemius 40
fçr iteljeasf,
LE PERCEMENT
DU SIMPLON
L'état des travaux. — L'aération du
tunnel. - L'intérêt économique. —
Les projets à examiner par
les Chambres. — Solution
à adopter.
Une nouvelle voie de communication va
bientôt relier les pays de l'Europe centrale à
l'Italie : en effet, les travaux do percement du
Simplon, un dos plus hauts massifs de la
Suisse (3.000 mètres), avancent rapidement, et
on peut prévoir qu'ils seront terminés à la fin
de 1904.
Tous les perfectionnements de la science
(emploi de :a dynamite, des forces hydrauli-
ques et de l'électricité) ont été utilisés pour
réaliser cette difficile entreprise qui consiste à
percer un tunnel de 20 kilomètres de long (le
Gothard en avait 15) à des profondeurs d'au-
tant plus considérables que l'entrée est seule-
ment à 687 mètres au-dessus du niveau de la
mer du côté suisse et à 634 mètres du côté ita-
lien : le sommet de la montagne est ainsi à
certains points à plus de 2,000 mètres au-des
sns de la voie ferrée (le maximum est 2,135 mè-
tres), et dans ces parties 11\ température arrive
à 40 degrés.
La ventilation du tunnel
Pour rendre supportable le séjour du tun-
nel, il a fallu trouver des moyens pratiques
de ventilation : l'un d'eux est fort ingénieux
et a été décrit par M. Cerbelaud (n° de l'Illus-
tration du 21 juillet 1901), dans un passage
intéressant que je reproduis :
Au lieu d'un tunnel à double voie, comme au
Mont-Ceuis ou au Gothard, on a prévu pour le
Simplon deux tunnels à simple voie, parallèles et
distants de 17 mètres d'axe en axe. Cette solution
a l'avantage non seulement de permettre d'ajour-
ner l'exécution du second tunnel jusqu'au moment
où le trafic l'aura rendue nécessaire, mais elle
fournit, comme nous allons le voir, un moyen de
construction commode et économique pour le pre-
mier tunnel, et elle facilite en mémo temps la ven-
tilation.
Dans les travaux actuellement entrepris, on perce
les deux gâteries d'avancement correspondant à
chacun des deux tunnels et ou les réunit entre el-
les, tous les 200 mètres, par des galeries transver-
sales. Mais on n'élargit à ses dimensions définiti.
tives (51 sur Sm90) qu'une seule des deux galeries
pour constituer le tunnel à simple voie c* 1, tan
disque l'autre galerie, destinée à devenir, plus
tard le tunnel n- 2, servira jusque-là, sous ses di-
mensions réduites (31 sur 2150), de galerie d'aé-
ration.
L'intérêt de la France
A côté de l'intérêt scientifique quo présente
l'accomplissement d'un tel travail, il y a aussi
et surtout à considérer l'intérêt économique
qui s'attache à l'établissement de toute nou-
velle voie de communication. Le percement du
Gothard a enlevé en grande partie à notre pays
le transport des marchandises qui se faisait au-
trefois par le Mont-Cenis : la voie du Simplon
peut rendra à la France presque tout le trafic
perdu et créer de nouveaux courants avanta-
geux pour nous, si nous construisons en temps
utile des lignes d'accès au nouveau tunnel sus-
ceptibles de réduire au minimum la distance
ou la durée du trajet de Paris à Milan.
Les divers projets
Comme il fallait s'y attendre, de nombreux
tracés ont été proposés, des enquêtes ont été
ouvertes, et cependant, depuis plus de 4 ans
que le percement du Simplon est commencé,
aucune décision n'a été prise. Jo dois dire
d'ailleurs qu'on va enfin se résoudre à agir, et
que les pouvoirs publics sont sur le point d'a-
dopter un des 3 projets suivants :
1° rectification de la ligne Paris-Dijon-Lau-
sanne par l'exécution d'une voie qui relierait
Frasno à Vallorbe en évitant Pontarlier et di-
minuerait de 17 kilomètres le parcours Paris-
Lausanne; la distance de Paris à Milan par le
Simplon serait réduite à 830 kilomètres, tandis
qu'elle est de 944 kil. par le Cenis et de 897
par la Gothard.
2' projet: exécution d'une ligne directe de
Saint-Amour à Bellegarde, raccourcissant de
68 kilomètres le parcours actuel de Paris à Ge-
nève par Saint-Amour, Ambérieu, Culoz. et
rectification de la ligne actuelle de Bellegarde
à Saint-Gingolph pour la rendre accessible à
un trafic important : 894 kilomètres de Paris à
Milan.
3' projet : exécution d'une ligne directe de
Lons-Ie-Sauluier à Genève, dite « ligne de la
Faucille » qui raccourcirait la ligne actuelle
de Paris à Genève de H4 kilomètres: en tout
853 kilomètres de Paris à Milan.
L'établissement de cette ligne coûterait 120
millions et exigerait des travaux considéra-
bles : sur les 85 kilomètres qui séparent Ge-
nève de Loos-le-Saulnier, il faudrait percer
15 tunnels d'une longueur totale de 42 kilo-
mètres : trois de ces tunnels mesureraient
respectivement 15 kilomètres 200, 11 kilo-
mètres 200 et 6 kilomètres 400 ; même en mul-
tipliant les équipes, il faudrait un minimum
de 4 ou 5 ans pour que la ligne fût achevée,
et le Simplon sera livré à l'exploitation en
1905.
La meilleure solution
Il faut donc, avant celte date, construire le
petit tronçon de Frasne à Vallorbe (projet
n-1); l'itinéraire de Paris à Milan sera ainsi
réduit de 67 kilomètres (830 au lieu de 897 par
le Gothard). Mais cette solution ne doit être
que provisoire ; cette ligne atteint en effet une
altitude de 896 mètres au-dessus du niveau de
la mer à Vallorbe, et elle présente des rampes
maxima de 20 010 que ne pourraient pas abor-
der des trains rapides et lourds.
Au contraire, la ligne de la Faucille n'aura
pas de rampes supérieures à 12 ou 13 OjO, et
son point le plus élevé sera à 700 ou 705 mè-
tres, à peu près à la hauteur du tunnel du
Simplon ; les trains pourront ainsi avoir des
vitesses commerciales plus grandes, ot l'ex-
ploitation sera beaucoup moins coûteuse.
De plus la distance de Paris à Genève serait
raccourcie de 137 kilomètres : et il serait juste
que Genève, bénéficiant de la construction de
la nouvelle ligne, puisqu'elle serait ainsi une
étape naturelle sur ia route de France en Italie,
payât une partie de la dépense.
Le Parlement, tout en adoptant provisoire-
ment le premier projet (établissement de la li-
gne Frasne-Vallorbe) devrait décider aussi le
percement de la Faucille (projet n° 3) ; en agis-
sant ainsi il suivrait l'indication des conseils
généraux et des chambres de commerce des ré-
gions intéressées ; la très grande majorité de
ces assemblées (36 conseils généraux et 63
chambres de commerce) s'est prononcée en
faveur du 3e projet.
Quelle que soit d'ailleurs la solution adoptée,
il faut agir immédiatement pour que la France
ne laisse pas échapper l'occasion de regagner
une partie du trafic qu'elle a perdu, et pour
que le percement du Simplon constitue pour
citê une nouvelle source de richesse.— F. Viel.
UN RÉVOLTÉ AU VATICAN
(Dt noire correspondant particulier)
Rome, 6 janvier.
Il n'y a pas que l'affaire de la princesse
Louise de Saxe qui crée des ennuis au Saint-
Siège. Un autre cas du mêowp genre préoccupe
le Vatican encore davantage. Le prince Pop-
pino Rospigliosi, frère aîné du chef de la
gardj Doble du pape, YÜ à ppffie &yec une
-
————————————""————'—————-— ,
femme avec laquelle il « n'est marié que civi.
lement » ce qui est considéré comme un CODCU.
binage. ;
Le prince voudrait bien « régulariser sa s!-
tuation » mais sa femme est l'épouse divorcée
d'un certain M. Parkhurst. On a donc fait des
démarches pour annuler ce premier mariage. .,
La Propaganda Fide n'attend que l'avis de l'é-
vêque O'Connel, du Portland, dans le diocèse
duquel M. et Mme Parkhurst ont vécu.
Voir à la 39 page
les Dernières Dépêches
de la nuit et
la Revue des Journaux
du matin
LA VICTOIRE ÉLECTORALE DE DIMANCHE
M. Combes, président du conseil, a reçu de-
puis dimanche dernier un très grand nombre
de lettres et de dépêches félicitant le gouverne-
ment de la victoire des républicains aux élec-
tions sénatoriales du 4 janvier.
Les signataires félicitent également le prési-
dent du conseil de son succès personnel dans
la Charente-Inférieure et en Corse.
La plupart des municipalités de Corse ont fait
parvenir leurs félicitations à M. Combes le
« nouveau sénateur de la Corse ».
«0.-
BRAVO l
Nous devons faire, cette semaine encore, l'é-
loge du général Pedoya. Nous avons récem-
ment loué cet officier d'avoir supprimé les dé-
légations militaires commandées pour les cé-
rémonies du culte.
Cette mesure était empreinte d'un large es-
prit républicain et visiblement inspirée par le
respset de la liberté de conscience. Le général
Pedoya vient de montrer qu'il n'a pas moins
de souci de la santé du soldat que de sa di-
gnité morale.
Je lis, en effet, dans sa dernière circulaire :
Tous les hommes n'ont pas la même résistance
physique et ne peuvent donner la même somme
d'efforts; on ne doit donc pas imposer à tous les
mêmes fatigues à leur arrivée au' régiment.
Les officiers et sous-officiers, après avoir con-
sulté les docteurs, doivent connaître le degré de
résistance dont chaque homme est capable ; suivre
de près, pour lui donner durant les exercices la
repos nécessaire afin d'éviter chez lui le surme-
nage.
Voilà de judicieuses paroles, et de saines
idées.
Le général Podoya veut qu'on respecte dans
le soldat l'homme. Il se fait pour un moment
hygiéniste. Il demande que les exercices d'en-
traînement soient exécutés progressivement,
que pendant les grands froids ils soient suivi*
de distributions de vin chaud, etc.
Après l'hygiène physique, l'hygiène morale.
Citons le document dans son texte ;
Les chefs de corps donneront les ordres les plu.
formels pour que les gradés et les soldats iustruc-
teurs n'aient aucun mouvement do brusquerie,
n'emploient aucune expression grossière et même
un juron, pour si peu important qu'il paraisse.
Cette manière de faire devra être réprimée avec
sévérité et définitivement bannie du vocabulaire
de l'instructeur. Il faut, au contraire, faire preuve
de patience et traiter l'homme avec douceur, sans
quoi on l'abrutit et on lui enlève une grande par-
tie de ses moyens.
Il est regrettable que de telles vérités aient
besoin d'être dites. C'est pourtant fort néces.
saire. Le général Hoche punissait les gradés
qui traitaient grossièrement les soldats : « L'of-
ficier, disait-il, ne doit jamais se permettra
d'insuller ses subordonnés, eussent-ils de
grands torts. Il doit considérer que tous les
Français sont égaux en droits, quelque grade
qu'ils occupent. »
Si les principes du général Pedoya deve-
naient d'une application courante,on ne verrait
point des officiers abuser de leur situation pour
humilier et injurier des soldats qui ne peuvent
leur répondre. et, — soyez en certains — la
discipline n'aurait rien à y perdre. — I. Arm*
bruster.
— ♦
POUR LES DÉSERTEURS ET INSOUMIS ROUMAINS
Une amnistie
Le consulat général de Roumanie à Paris nous
prie d'insérer la note suivante :
Le consulat général de Roumanie à Paris a
l'honneur d'informer les intéressés qu'à l'oc-
casion du 25a anniversaire de la prise da
Plevna, une amnistie générale est accordée à
tous les déserteurs et insoumis de l'armée rou-
maine.
Pour bénéficier de cette mesure, ils devront.
s'être mis en règle avant le 31 mars pro-
chain.
Les fiançailles du krospristz Prussien
(De notre correspondant particulierl
Berlin, 6 janvier.
Dans les cercles de la cour, on affirme de
nouveau que le prince Guillaume, 01s aîné de
l'empereur, sera fiancé à la princesse Alice
d'Albany et que les fiançailles seront célébrées
le 6 mai, anniversaire du prince. D'après la
même source, cette alliance serait un mariage
d'amour.
On avait beaucoup remarqué que, lors du
dernier bal de la cour, le kronprintz avait fré-
quemment dansé avec la princesse Alice.
ODYSSÉE DE FORÇATS
(De notre correspondant particulierl
Saïgon, 5 janvier.
L'administration coloniale fait procéder à
d'activés recherches en vue de retrouver la
trace de deux Français,Charles Comme,54 ans,
et Joseph Goin, 38 ans, que l'on suppose être
des forçais évadés de la Nouvelle-Calédonie.
Ces individus sont arrivés à Singapore le
5 juin 1902 par le vapeur allemand Tanglin.
Conduits devant le consul de France, ils décla-
rèrent faire partie de l'équipage du cutter n'a-
falgar, affrété par M. Perier pour la pècho des
perles aux îles Salomon. Le Trafalgar s'étant
perdu au large de Poum, Comme et Goin se
rendirent en Nouvelle-Guinée et de là à Singa-
pore. Le consul de France les fit alors, sur leur
demande, diriger sur Saigon. où ils se trouvent
peut-être encore actuellement.
.—————————— •» -
UNE CRISE A LA COUR DP BERLIN
(De notre correspondant partiCutierl
Berlin, 6 janvier.
Deux coteries se combattent depuis quelque
temps à la cour avec un acharnement rare.
La plus importante est connue sous le nom
de « groupe Eulenbourg-Wedell » et passait -
jusqu'ici pour toute-puissante. Mais le prince
Eulenbourg a dû quitter la carrière diplomati-
que et le ministre de la maison royale, M. le
comte Wedell, qu'il ne faut pas confondre avec
l'ambassadeur de ce nom, est sur le point ae
donner sa démission. Il sera remplacé par M.
von Windheim, l'ancien président de police de
Berlin. Mais ces déplacements ne pourront -
guère rétablir le calme. *
La veuve d'un tynçl&Qpaire de la coup 4%
:
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No 11990. — Jeudi 8 Janvier 1903
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ADMINISTRATION ; 14, rue du Mail
Adresser lettres et mandats à l'administrateur
NOS LEADERS
t Iisir Amlrét.
LECTEUR DU « RAPPEL »
- Mon jeune ami,
( Votre père — vous savez quelle affec-
tueuse estime je professe pour lui— me
demande de vous indiquer les lectures
que, selon moi, vous pourriez faire
pour le plus grand profit de votre intel-
ligence et de votre cœur. Encore que la
confiance ainsi mise en mon jugement
me semble, je l'avoue, un peu excessive,
je ne saurais refuser, tant je trouve lé-
gitime et nécessaire la préoccupation
de votre père.
; Vous avez, si je ne me trompe, dix-
sept ans. C'est l'âge où l'esprit, com-
mençant à se dégager des naïvetés de
l'enfance, est avide de sensations. Vous
êtes à cette période de transformation
où les impressions reçues ont chance
d'avoir d'autant plus de force que le
cerveau est plus malléable. Je vous con-
nais, j'ai eu des lettres de vous, où s'ef-
forçaient de s'exprimer les aspirations
de votre âme généreuse. Que pourrais-
je vous dire, sinon quer si j'avais un
fils, je voudrais qu'il vous ressemblât?
Je sais comment vous avez été élevé :
dans le mépris de toute superstition,
dans le respect de tout ce qui est grand,
pur, désintéressé. Vous souhaitez, je ne
l'ignore point, suivant la voie où votre
père a conquis un juste renom, devenir
un de ces artistes dont les doigts créent,
pour l'enchantement des yeux, de dé-
licats chefs-d'œuvre. Et, en même
temps, vous désirez acquérir des con-
naissances nouvelles, apprendre par les
livres à raisonner, à voir juste ; disons
le mot : vous qui n'avez encore, forcé-
ment, que des idées un peu confuses,
vagues, vous qui êtes à ce moment où
la rêverie tend à s'emparer du jeune
homme, la rêverie souvent pernicieuse
par son défaut de précision, vous vou-
lez apprendre à penser. A la bonne
beure!
Voyons donc, je ne demande pas
mieux, ce que vous pourriez bien, quand
le soir, votre journée de travail et d'étu-
des achevée, vous vous trouvez réuni à
ceux qui vous aiment et que vous aimez,
lire dans le cercle de la lampe de fa-
mille.
***
Nous commencerons, si vous le vou-
'lez bien, par éliminer tout ce qui est
métaphysique et philosophie. Au risque
d'être taxé d'irrévérence, ce qui m'est
d'ailleurs parfaitement égal, je dirai que
tout cela, tout ce que l'on fait avaler aux
jeunes gens de votre âge dans les lycées
et collèges, sous prétexte de philoso-
phie, est viande creuse, nourriture déce-
vante, impropre à construire les mus-
cles, les os et le sang dont vous avez
besoin. Et j'en dirai tout autant des
théories sociologiques auxquelles vous
vous sentiriez peut-être entraîné par les
précieuses notions d'altruisme que vous
possédez déjà. Pas plus de Karl Marx
.que de Victor Cousin pour vous. Lais-
sons tout cela de côté.
Il importe, d'abord,que vous ayez des
idées bien précises sur le rôle et la mis-
sion du pays dont vous êtes citoyen.
Vous lirez donc, pour commencer,
'l'Histoire de France et l'Histoire de la
Révolution de Michelet. Vous continue-
rez cela par les admirables Romans na-
tionaux d'Erckinann-Chatrian et la vi-
brante Jiftstoire de la Révolution de 1870-
71 de Jules Claretie. Si vous avez le
goût des voyages, des descriptions de
terres lointaines, et je trouverais excel-
lent que vous l'eussiez, vous me ferez le
plaisir de repousser résolument toutes
les fictions, à commencer parcelles de
ce fabricant d'erreurs et d'idées fausses
qui s'appelle Jules Verne, et vous irez
droit à la vérité. Lisez, par exemple :
A travers le continent mystérieux, de
Stanley; le voyage de Cameron de Zan-
zibar à Bengliela; le récit de l'expédi-
tion polaire de l'Alert et de la Dis-
covery.
Je vous les indique, entre tant d'au-
tres, non seulement à cause de l'inté-
rêt passionnant de la narration, mais
parce que ces livres de vérité sont, à
proprement parler, de véritables hym-
nes à la gloire de la volonté humaine.
Vous verrez là l'homme aux prises avec
toutes les forces brutales de l'aveugle
nature, triomphant par la pensée, par
l'énergie souveraine que lui donne la
conscience de sa supériorité.
Et alors, si vous avez été ému, comme
j'en suis persuadé, par le spectacle de
tant d'abnégation, de tant d'héroïsme,
je vous mettrai dans les mains les Mé-
inoires dandryane.
Il y a, dans ces JJfémoires, des accès
Se religiosité qui ne sauraient être dan-
gereux pour vous, étant données les
leçons que vous avez déjà reçues. Vous
verrez dans Andryanece qu'il faut y
voir, ce qui s'y trouve seul en réalité,
ce qui fait pour moi de ce livre rayon-
nant quelque chose de comparable à ce
qu'est la Bible pour les protestants, à
ce qu'est l'Imitation parles catoliques :
la lutte sublime de l'homme tout seul
contre les pervers, l'immolation de cet
homme à l'idée de son devoir envers
lui-même et envers les autres, ses
Juttes, ses souffrances, sa victoire.
D'une telle lecture on sort grandi.
Chaque fois que j'ai senti le doute
m'effleurçr. le découragement pes^r syr
moi, le sinistre à-quoi-bon ? mordre ma
chair frémissante, c'est dans Andryane
que j'ai trouvé le réconfort nécessaire,
c'est lui qui m'a fait boire à longs traits
la toute puissante liqueur de vie. Lisez
Andryane, pour devenir un homme.
***
Maintenant, je vois que je ne vous
ai pas encore parlé de ce qui est litté-
rature proprement dite; il vous en faut
pourtant. Eh bien! voilà mon conseil :
rejetez sans pitié tous les simples amu-
seurs, tous les fabricants d'art-pour-
l'art, tous ceux qui ne se sont complus
qu'à décrire les fantaisies de leur ima-
ginaiion, sans avoir une idée, un but.
Dédaignez Alfred de Musset, il ne pour-
rait que vous déprimer; lisez Victor
Hugo, mais lisez-le avec méthode ;
commencez -le à ses débuts pour le voir
monter et monter avec lui. Suivez-le
des Odes et Ballades à Toute la Lyre,
dans cette prodigieuse ascension de
l'erreur à la vérité, de l'obscurité à la
lumière, du royalisme catholiqne à la
conception des Etats-Unis d'Europe.
Lisez Rabelais, mais en sachant bien
que ses énormes farces sont là uniquement
pour servir de manteau protecteur à sa
pensée révolutionnaire ; lisez Molière et
La Fontaine, en voyant en eux les héri-
tiers directs de Rabelais. Apprenez à
connaître Voltaire, en lisant le Voltaire
d'Eugène Noël. Lisez Beaumarchais,
comme avant-propos à la prise de la
Bastille.
Mais en voilà beaucoup, n'est-ce pas?
mon jeune ami; le champ est si vaste.
Vous avez devant vous tous les trésors
de l'esprit humain. Ce qu'il y a de sûr,
c'est qu'en suivant ce hàtif programme,
vous ne perdez pas votre temps. C'est
l'essentiel.
Et là-dessus, je vous serre la main
bien affectueusement.
Lucien Victor-Meunier.
LE COM MERCE FRANÇAIS EN BOHÊME
La feuille d'informations de
l'Office national du commerce
extérieur publie un fragment
du rapport rédigé par M.Alfred
de Valois, consul général de
France à Prague, sur « la situa-
tion économique de la Bohême
et de la Moravie en 1901 ».
M. de Valois écrit notamment :
Si l'on compare l'approvisionnement en
marchandises existant aujourd'hui dans les
magasins de Prague à celui qui s'y trouvait il
y a cinq ans, et si l'on considère, d'antre
part, qu'aucun effort sérieux n'a été fait en vue
du développement de nos rentes sur cette
place. on no peut qu'être frappé des progrès
réalisés depuis cette époque. Quel n'eût Z3 pas
été, on se le demande, le chiffre d'affaires à
inscrire à notre actif s'il avait été tenu compte
dos indications par lesquelles le consulat de
Prague s'était flatté d'attirer l'attention du
commerce français sur ce marché.
Certes, la consommation do nos produits a
notablement augmenté et comprend une quan-
tité d'articles qui ne s'importaient pas autre-
fois, mais est-ce à dire qu'il faille se contenter
de ces résultats exclusivement dus tant à l'es-
prit d'initiative de quelques négociants autri-
chiens, qu'au concours do l'administration
française, et no devrait-on pas plutôt y voir,
par la confirmation d'avis répétés, un encou-
ragement à rentrer sans plus tarder en con-
currence avec des rivaux qui n'ont déjà que
trop proûté de notre inaction.
Ce passage accuse une fois de plus la
tiédeur — déjà si souvent incriminée — de
nos commerçants. Quoi, les deux éléments
de prosélytisme commercial de la France
sont précisément ceux surlesquels on n'est
jamais en droit de compter? Quoi, nous
attendons que les nations étrangères nous
ouvrent bénévolement leur marché ? Mais
notre rôle serait d'en forcer les portes.
Quoi, si une initiative française semanifeste,
elle émane de l'administration des chan-
celleries ? Alors, il suffft qu'un fonction-
naire soit négligent ou incapable, pour que
nos négociants voient naître, pour leurs
affaires, une période « de vaches mai-
gres ) ?
Allons, ce n'est pas sérieux. Le principal
ressort du développement commercial, à
l'extérieur du pays, doit être l'activité des
commerçants eux-mêmes.
Seulement, les commerçants sont-ils
aussi coupables qu'on se plaît à l'affirmer?
Voilà qui nous amène à une question que
nous avons traitée il y a quelque temps, et
sur laquelle nous nous sommes trouvés
d'accord avec nos lecteurs — comme beau-
coup d'entre eux ont tenu à nous le faire
savoir.
Nos négociants pêchent surtout par igno-
rance. Et cette ignorance est imputable en
grande partie à l'indifférence de la majeure
partie de la presse en matière de questions
économiques.
Nous n'avons jamais consenti à nous dé-
sintéresser des grands intérêts matériaux
— non plus que des grands intérêts mo-
raux-du pays.Et quand l'éducation du pu-
blic sera vraiment achevée, il faudra bien
que tous nos confrères se résignent à se
préoccuper de problèmes qui sont vitaux
pour une grande nation. — Ch. B.
L'INSURRECTION AU MAROC
Gibraltar, 5 janvier.
Suivant des informations du Maroc parve-
nues ici, les tribus insurgées se soumettent au
sultan.
Le malaise général décroît.
Madrid, 6 janvier.
On mande de Ceula que le pacha a réuni les
principaux Maures de la ville, qui ont décidé
d'acheter aux puissances finies des armes et
des munitions, pour le cas où les Kabyles
Beni Der et Ouadrass attaqueraient la ville.
Des saints mahométans parcourent plusieurs
tribus kabyles, prêchant les miracles du pré-
tendant.
Tangor, 6 janvier.
Les courriers officiels viennent d'arriver aux
légations étrangères. Ils déclarent que la situa-
tion ne s'est pas modifiée,
On est inquiot de savoir ici si l'oxpédilion
contre les rebelles est partie.
Le caïd d'origine écossaise, sir Harry Mac
LeD, est avec le sultan..
'; 1:
LE RAPPEL
ARTISTIQUE ET LITTÉRAIRE
Manifestes littéraires. - Les deux
écoles poétiques. — Symbolistes,
naturistes et romans. — Les poètes
indépendants. — Les revues. —
M. Mathias Morhardt. — Un
monument à Léon Duvau-
chel. — Petites expositions.
Les jeunes poètes ont recommencé ces temps
derniers le petit jeu des manifestes, parfois très
littéraires,d'autres simplement amusants.Créer
« une école » est le rêve de chacun. Se rappe-
lant que j'ai jadis, moi-même, publié un poème
intitulé Le Sage Empereur avec une préface
sur la liberté poétique, des camarades m'ont
prié de dire mon mot. Je veux bien, quoique
ce me semble inutile, et que j'aie la plume as-
sez malheureuse dans les questions de dogmes.
D'ailleurs ce vocable « école » me semble im
propre, et ce n'est que faute d'un meilleur
qu'il peut désigner certains courants littéraires
et do fugitifs groupements d'individus.
Jo me reporte par la pensée au commence-
ment du siècle dernier. Nous sommes dans la
même atmosphère d'attente. Rien ne fait devi-
ner Victor Hugo, les romantiques no clâment
pas encore, les poètes à la mode sont de pâles
imitateurs de l'abbé Delille et de Bernardin de
Saint-Pierre, des adorateurs de la nature qui a
créé le melon à tranches pour qu'on puisse le
manger on famille ; l'effort de Jean-Jacques,
celui de Chateaubriand n'ont pas développé
toute leur action, l'un est trop philosophique,
l'autre encore trop inconnu, Chénier est mort
jeune. On se traîne dans les clichés du Par-
nasse, pourtant on pressent l'apparition d'un
soleil au firmament littéraire. Aujourd'hui,
chaque matin, surgit une Déclaration. Est-ce
le Messie, le dieu promis ? D'où viendra-t-il,
et quelle sera son œuvre?
Les deux courants poétiques
Faire le dénombrement de nos forces lyriques
serait vain. Il reste beaucoup de Parnassiens,
leur' influence est encore considérable, José-
Maria do Ilérédia s'y dresse, chef de famille et
de clan, brandissant ses Trophées; Léon Dierx,
« prince des poètes » y flâne en amateur. Il y
eut les Décadents, avec Anatole Baju, qui
tenta d'envelopper Rimbaud et Verlaine. Il y a
les Symbolistes, dont Amiel, qui a dit : « Un
paysage est un état d'âme » s'érige en précur-
seur, les Naturistes, dans les sentiers de Jean-
Jacques, l'école Romane, biberonnant l'am-
broisie gréco-latine. Enfin voici les indépen-
dants, les isolés, la grande foule, les rêveurs,
les rimours, les bardes, les enthousiastes, et
tous ceux-là comptent pour quelque chose,
croyez-le.
En réalité, il n'y a que deux écoles dont il
faille tenir compte, non pas la bonne et la
mauvaise, comme dirait l'autre, mais corres-
pondant à deux courants distincts qui se co-
toient sans se confondre : la poétique indivi-
duelle, de « tempérament », de sensation,
qui va do Villon à Verlaine, en passant par
Mathurin Régnier, les fades, les grivois et les
grotesques du XVIIe siècle, jusqu'aux roman
tiques ; et la poétique normale, de race, de
tradition, coulant à pleins bords de Ronsard à
Chénier par Mallïerbe, Racine, La Fontaine.
Ce sont deux faces de l'âme intellectuelle, deux
génies qui se heurtent, se distancent, se rat-
trapent, tantôt vainqueurs, tantôt vaincus et
que nous retrouvons ici dans le Symbolisme,
dernier avatar du Romantisme, et dans l'école
romane, petite fille do la grand'mère classi-
que.
Les bannières
Différents de nature et de tempérament,mêmo
de races, car on y rencontre Gustave Kahn,sé-
mite,Francis Viélé-Griffir. et Start-Merrill, an-
glo-saxons, Maeterlincket Verhaeren, flamands,
on y trouva Moréas, hellène, les symbolistes
ont de commun le mépris des règles; leurs vers
déchaînés dédaignent la syntaxe, et leur lexi-
que est fantaisiste. Henri de Régnier lui même,
le plus supportable pour une oreille française,
cultive les barbarismes. Gustave Kahn, artiste
avéré, éducateur hors ligne, on est le porte-
fanion, Rémy de Gourmont l'historiographe.
Le talent ne leur manque pas, ils l'ont prouvé,
ils ont tenté d'édifier des monuments durables,
sans toutefois émouvoir le grand public.
L'école romane revient au souci de la règle ot
revendique la pureté originelle delà langue; par
cette tendance incontestablement elle a séduit
plus de lecteurs, fait plus d'élèves, embrigadé
plus d'imitateurs que ses congénères. L'Ecolo
Naturiste n'en est qu'une édition plus hardie.
Ici comme là il ne s'agit que d'épurer, de reve-
nir à la règle et à la tradition. Cependant les
poètes naturistes, Maurice Magre, avec la
Chanson de l'flomme, de Saint-Georges Bouhé-
lier, avec Eglé, Eugène Monfort, Jean Viollis,
tout intéressants qu'ils sont, n'ont pas dis-
tancé leurs prédécesseurs romans. Ceux-ci ont
subi do dures attaques, des assauts de mo-
queries, dès leur Déclaration. Charles Maurras
s'en fit le défenseur et l'allôtre. Jean Moréas
se souvint que les frères Chénier n'étaient pas
plus Français que lui, et que la source grecque
coulait notre onde latine. Il s'y rallia, ses amis
suivirent, avec quel enthousiasme 1 Et j9 con-
viens qu'un groupement qui compte Jean Mo-
réas, Charles Maurras, Ernest Raynaud, Ray-
mond de la Tailhède, Maurice du Pleyssis,
Lionel des Rieux, Dauphin Meunier, des livres
comme les Stances, la Tour d'icoire et le Bo-
cage; le Chemin de Paradis, la Métamorphose
des Fontaines, les Eludes lyriques, le Chœur
des Muses, est à considérer.
Les indépendants. — Le génie de
demain.
On ne peut cataloguer ceux qui ne veulent
pas s'associer, car la matière poétique n'est à
nulle antre semblable. Est-ce l'esprit romanti-
que ou classiqne qui l'emportera pour le siècle
naissant ? Tout le monde est au travail. Nous
attendons. Mais le génie ne pourra se mani-
fester qu'en se mêlant à la vie sociale. Lau-
rent Tailhade, écrivain parnassien, aux rimes
impeccables, aux strophes pures et nobles,
grand satirique qui s'approche de la politique
alors que presque tous les autres s'en éloi-
gnent, est un exemple à remarquer. Voici
Adolphe Retté, remueur d'idées, poète plus
humain et plus pasloure, d'une saine violence,
Pierre Quillard, amant de l'Arménie, Paul
Roinard qui s'attarde. Louis Gregh qu'il faut
citer pour sa Maison de l'Enfance et sa mé-
trique libérale, Henry de Braisne, Michel
Abadie, panthéiste, Henry Degron dont les
Poèmes de Chevreuse ont la pureté du cristal ot
la douceur d'une main amie, André Ibels, édi-
ficateur des Cités futures.
Pleurer avec le peuple, le suivre dans ses
mansardes et dans ses geôles, Jehan Rictus l'a
essayé ; flageller la ploutocratie, éplucher la
vie au jour le jour et rire, Aimé Passereau, le
narquois, le spirituel Aimé Passereau l'avait
commencé dans le Sagittaire, palpiter et respi-
rer dans son époque, n'est-ce pas une des beau-
tés de l'Art? Un mouvement dans ce sens
s'opère parmi les jeunes. La Nature fut de tous
temps la fervente maîtresse des lyriques et des
rêveurs, dispensatrice d'intarissables ivresses à
ses amants, l'Humanité en trqvail peut et doit
procurer les mêmes joies, associer les efforts et
faire vibrer les lyres.
L'« Epreuve » le « Mercure de France »
LTpreMpe, revue d'art mensuelle, avait
iAAuguré sa oubiiçaUoa aVQg Rçea&taïuH et
renfermait huit planches dont la Lecon d'ana-
tomie, la Ronde de nuit, le portrait du calli-
graphè Coppenol, et Jésus guérissant les mala-
des, la célèbre Pièce aux cent florins. du Mu-
sée d'Amsterdam. Le deuxième numéro consa-
cré à l'Art primitif flamand, contient un texte
documenté de M. Louis de Schuker et des
planches en beau tirage, de Hans Memling, le
Porlrait de Guillaume Mortels,si pur de lignes,
qui se trouve au Musée de Bruxelles, le Ma-
riage mystique de sainte Catherine, que les
touristes vont admirer sous les petits rideaux
de l'hôpital Saint-Jean à Bruges, le Quentin
Malsys, l'Ensevelissement du Christ, du Musée
d'Anvers, et de Jean Van Eyck un porlrait de
femme.
Dans le numéro de janvier du Mercure de
France, d'un collaborateur érudit et folâtre; un
petit Traité de journalisme, qui vaut son pe-
sant de canard. Il y a toujours quelque pé-
danterie à faire semblable épluchage parce
qu'il ne faut pas oublier l'apologue de la paille
et la poutre, et que pour être Mercure, on n'en
est pas moins homme. Mais Loyson-Bridet,que
je soupçonne d'être un fervent duSpicilège,
s'en est tiré avec une malice clémente. J'aime
moins la liste des «Cent bons livres », qui
détonne un peu dans celte « essence » de plu-
me, avec trop d'à peu près faciles.
-- « A la gloire d'aimer.
M. Mathias Morhardt publie une pièce en
trois actes, A la gloire d'aimer, qui vaut cer-
tainement par la pensée. Que donnerait-elle à
la scène, je n'en augure rien, et le genre où la
cataloguer n'oxiste guère. Du Shakespeare,
pourquoi pas ? De l'Ibsen, peut être bien. J'y
trouve de l'esprit, des théories sociales, de
l'amour, de la poésie, une haute philosophie.
Le prince, dernier-né d'une dynastie de
trente-huit empereurs, renonce à son titre, à
sa lignée, à ses apanages, abandonne son
épouse légale, pour devenir lo simple amant
d'une femme qu'il aime. Ce n'est plus du do-
maine de la fiction, car les Habsbourg ont vécu
et vivent encore ces romans.
Ils los ont vécus avec toute la fougue d'une
humanité qui ne connaît pas de limites à ses
désirs. Mais cette descente vers le peuple est
encore de l'orgueil impérial, même lorsque le
drame s'achève au tombeau, comme Rodolphe
à Meyerling, comme le prince Robert de A la
gloire d'aimer, auquel ses conseillers, poètes,
philosophes, capitaines n'ont inculqué que des
théories vides, le mépris des devoirs et de
l'existence.
M. Mathias Morhardt, qui a combattu pour
des idées, s'est-il rendu compte de la fumée où
se débattent ces hommes, do l'inutilité de leur
science et de leur esprit ? et a-t-il cherché à
les justifier par le défi do son titre ?
Oui, c'est une histoire d'amour, narrée en
œuvre d'art, et cela doit suffire pour l'instant.
Ainsi le dit l'étudiant philosophe, ami du
Prince « le centre du monde est partout où
nous sommes ». Qu'importe lo restai
Un disparu
Dans cette forêt de Compiègne, si chère au
promeneur solitaire, Saint-Jean-au-Boisest une
oasis dans cette oasis, c'est le nid charmant des
chênes et des saulaies, c'est le tusculum de
l'esprit rongé par le tumulte des villes. C'est
là que Léon Duvauchel avait édifié la maison
de ses rêves, là qu'il vivait l'été au chant de
mille oiseaux, là qu'il dort sous le tertre verdi
où ses amis, De Braisne. Troubat, Boutet, Le
Ctollenx, Thorel, Vautroy veulent commémo-
rer sa tranquille mémoire. '-
Poète, il fut l'ami des choses simples et bon-
nes. Ses l'ecueils, La clé des champs, les Ho-
rizons de Paris, les Poèmes de Picardie, respi-
rent un charme tranquille, empreint d'air pur
et de silence, ses romans, la Moussiêre, l'aor-
tillonne, le Tourbier, M'selle, ont pour héros
des bûcherons, dos gars rustiques, des âmes
sans noirceur. Tout le petit monde des forêts,
des hameaux perdus, des sentiers et des venel-
les s'y meut. Et le lecteur sent combien il
l'aimait, ce monde-là.
Duvauchel était un « Parisien de Paris »,
mais sa dilection le ramenait sans cesse à
la Picardie féconde et nourricièro. C'est ainsi
qu'il connut Puvis do Chavannes et les fres-
ques immortelloâ d'Amiens, Puvis, dont il mit
un croquis en frontispice de.son Tourbier, Pu-
vis, dont la mort brusquo fut un coup terrible
pour l'adorateur de l'Aue Picardia nutrix.
J'ai connu Duvauchel voici vingt ans, et je
le retrouvai souvent. Il me souvient même
d'un poème scénique que nous entreprîmes
pour les frères Lointier, à la création du Nou-
veau-Théâtre. Mais notre poème resta en
roule, les frères Lointier pàssèrent et Duvau-
chel est allé rejoindre la plupart des poètes et
des amis de ce temps-là, Charles Buet, Antony
Valabrègue et d'autres, sous la douce prairie
essaimée de fleurettes, dans la grande nature,
aimante et caressante, couche parfumée du
définitif repos. Adieu, ami.
Une exposition qui ne prouve rien
A la Galerie Weill, de la rue Victor-Massé,
une exposition de dessins, aquarelles, pastels,
des noms les plus connus, où on retrouve de
tout, des croquis d'affiches, dos ébauches de
tableaux, des illustrations do journaux. Tous
ces hommes ont prouvé leur talent, et il n'y a
pas à y revenir, d'aucuns sont de véritables
artistes. Voici Abel Faivre, Bollini, Boutet,
Camara, Cappiello, Caran d'Ache, Chéret, De-
paquit, Forain, Gottiob, Grûn, Guillaume,
Helleu, Hermann-Paul, Huard, Léandre, Mi-
rande, Louis Morin, Henri Pille, Rouveyre,
Rassenfosse, Som, Steinlen, Weiluc, Widhopf,
Willette, dans l'ordre alphabétique. Alors
qu'est-ce que cela prouve? C'est pour la vente?
Il n'y a rien à voir, à étudior, à découvrir?
Si, pourtant, çà et là : à s'étonner combien ces
dessinateurs à réputation d'esprit se battent quel-
quefois les flancs pour ne rien dire, sinon des
sottises. Le crayon malicieux entraîne dans son
ridicule la main qui le dirige.
Léon Hiotor.
Memento. — La Société populaire des sourds-
muets, organisée par Marcel Mauduit sous le pa-
tronage de MM. Ferdinand Buisson et Gabriel
Séailles, professeurs à la Faculté des lettres ; Cheys-
son, de l'Institut; Gustave Geoffroy, Léon Riotor,
Victor Cbarbonnel, Ch. de Méritons, Albert Tanger,
hommes de lettres, donne sa conférence d'ouver-
ture le dimanche 11 janvier 1903, à 2 h. 1[2, à la
mairie du IVe arrondissement, place Baudoyer.
L'allocution d'ouverture sera faite par M le doc-
teur Meslir, député. Puis, M. Henri Gaillard,
bomme de lettres, mimera avec l'éloquence qu'on
lui connaît : L'Alcoolisme, ses causes, ses effets et
ses remèdes, tandis que la Ligue contre l'alcoo-
lisme fera défiler sous nos yeux d'intéressantes
projections lumineuses.
Auguste Varenne, le mime merveilleux, repré-
sentera ensuite quelques scènes, pour transformer
cette cérémonie philanthropique en un spectacle
attrayant pour tous- 4>
-— 1 - 0 ■
LA QUESTION DU SIMPLON
(De noire correspondant patliculierf
Berne, 6 janvier.
Les négociations ouvertes pour régler entre
l'Italie et la Suisse la question du chemin de
fer du Simplon se sont heurtées à des difficultés
considérables. La Compagnie du Jura-Simplon
devrait faire passer une partie de la voie ferrée
entre les mains du gouvernement fédéral, mais
elle ne peut faire cette cession sans le consen-
tement de l'Italie. Or, le ministre de la guerre
italien fait des difficultés pour des raisons stra-
tégiques. Il demande que la ligne Iselle-Domo-
dossola soit aDDe au rfëfiau des çhemius 40
fçr iteljeasf,
LE PERCEMENT
DU SIMPLON
L'état des travaux. — L'aération du
tunnel. - L'intérêt économique. —
Les projets à examiner par
les Chambres. — Solution
à adopter.
Une nouvelle voie de communication va
bientôt relier les pays de l'Europe centrale à
l'Italie : en effet, les travaux do percement du
Simplon, un dos plus hauts massifs de la
Suisse (3.000 mètres), avancent rapidement, et
on peut prévoir qu'ils seront terminés à la fin
de 1904.
Tous les perfectionnements de la science
(emploi de :a dynamite, des forces hydrauli-
ques et de l'électricité) ont été utilisés pour
réaliser cette difficile entreprise qui consiste à
percer un tunnel de 20 kilomètres de long (le
Gothard en avait 15) à des profondeurs d'au-
tant plus considérables que l'entrée est seule-
ment à 687 mètres au-dessus du niveau de la
mer du côté suisse et à 634 mètres du côté ita-
lien : le sommet de la montagne est ainsi à
certains points à plus de 2,000 mètres au-des
sns de la voie ferrée (le maximum est 2,135 mè-
tres), et dans ces parties 11\ température arrive
à 40 degrés.
La ventilation du tunnel
Pour rendre supportable le séjour du tun-
nel, il a fallu trouver des moyens pratiques
de ventilation : l'un d'eux est fort ingénieux
et a été décrit par M. Cerbelaud (n° de l'Illus-
tration du 21 juillet 1901), dans un passage
intéressant que je reproduis :
Au lieu d'un tunnel à double voie, comme au
Mont-Ceuis ou au Gothard, on a prévu pour le
Simplon deux tunnels à simple voie, parallèles et
distants de 17 mètres d'axe en axe. Cette solution
a l'avantage non seulement de permettre d'ajour-
ner l'exécution du second tunnel jusqu'au moment
où le trafic l'aura rendue nécessaire, mais elle
fournit, comme nous allons le voir, un moyen de
construction commode et économique pour le pre-
mier tunnel, et elle facilite en mémo temps la ven-
tilation.
Dans les travaux actuellement entrepris, on perce
les deux gâteries d'avancement correspondant à
chacun des deux tunnels et ou les réunit entre el-
les, tous les 200 mètres, par des galeries transver-
sales. Mais on n'élargit à ses dimensions définiti.
tives (51 sur Sm90) qu'une seule des deux galeries
pour constituer le tunnel à simple voie c* 1, tan
disque l'autre galerie, destinée à devenir, plus
tard le tunnel n- 2, servira jusque-là, sous ses di-
mensions réduites (31 sur 2150), de galerie d'aé-
ration.
L'intérêt de la France
A côté de l'intérêt scientifique quo présente
l'accomplissement d'un tel travail, il y a aussi
et surtout à considérer l'intérêt économique
qui s'attache à l'établissement de toute nou-
velle voie de communication. Le percement du
Gothard a enlevé en grande partie à notre pays
le transport des marchandises qui se faisait au-
trefois par le Mont-Cenis : la voie du Simplon
peut rendra à la France presque tout le trafic
perdu et créer de nouveaux courants avanta-
geux pour nous, si nous construisons en temps
utile des lignes d'accès au nouveau tunnel sus-
ceptibles de réduire au minimum la distance
ou la durée du trajet de Paris à Milan.
Les divers projets
Comme il fallait s'y attendre, de nombreux
tracés ont été proposés, des enquêtes ont été
ouvertes, et cependant, depuis plus de 4 ans
que le percement du Simplon est commencé,
aucune décision n'a été prise. Jo dois dire
d'ailleurs qu'on va enfin se résoudre à agir, et
que les pouvoirs publics sont sur le point d'a-
dopter un des 3 projets suivants :
1° rectification de la ligne Paris-Dijon-Lau-
sanne par l'exécution d'une voie qui relierait
Frasno à Vallorbe en évitant Pontarlier et di-
minuerait de 17 kilomètres le parcours Paris-
Lausanne; la distance de Paris à Milan par le
Simplon serait réduite à 830 kilomètres, tandis
qu'elle est de 944 kil. par le Cenis et de 897
par la Gothard.
2' projet: exécution d'une ligne directe de
Saint-Amour à Bellegarde, raccourcissant de
68 kilomètres le parcours actuel de Paris à Ge-
nève par Saint-Amour, Ambérieu, Culoz. et
rectification de la ligne actuelle de Bellegarde
à Saint-Gingolph pour la rendre accessible à
un trafic important : 894 kilomètres de Paris à
Milan.
3' projet : exécution d'une ligne directe de
Lons-Ie-Sauluier à Genève, dite « ligne de la
Faucille » qui raccourcirait la ligne actuelle
de Paris à Genève de H4 kilomètres: en tout
853 kilomètres de Paris à Milan.
L'établissement de cette ligne coûterait 120
millions et exigerait des travaux considéra-
bles : sur les 85 kilomètres qui séparent Ge-
nève de Loos-le-Saulnier, il faudrait percer
15 tunnels d'une longueur totale de 42 kilo-
mètres : trois de ces tunnels mesureraient
respectivement 15 kilomètres 200, 11 kilo-
mètres 200 et 6 kilomètres 400 ; même en mul-
tipliant les équipes, il faudrait un minimum
de 4 ou 5 ans pour que la ligne fût achevée,
et le Simplon sera livré à l'exploitation en
1905.
La meilleure solution
Il faut donc, avant celte date, construire le
petit tronçon de Frasne à Vallorbe (projet
n-1); l'itinéraire de Paris à Milan sera ainsi
réduit de 67 kilomètres (830 au lieu de 897 par
le Gothard). Mais cette solution ne doit être
que provisoire ; cette ligne atteint en effet une
altitude de 896 mètres au-dessus du niveau de
la mer à Vallorbe, et elle présente des rampes
maxima de 20 010 que ne pourraient pas abor-
der des trains rapides et lourds.
Au contraire, la ligne de la Faucille n'aura
pas de rampes supérieures à 12 ou 13 OjO, et
son point le plus élevé sera à 700 ou 705 mè-
tres, à peu près à la hauteur du tunnel du
Simplon ; les trains pourront ainsi avoir des
vitesses commerciales plus grandes, ot l'ex-
ploitation sera beaucoup moins coûteuse.
De plus la distance de Paris à Genève serait
raccourcie de 137 kilomètres : et il serait juste
que Genève, bénéficiant de la construction de
la nouvelle ligne, puisqu'elle serait ainsi une
étape naturelle sur ia route de France en Italie,
payât une partie de la dépense.
Le Parlement, tout en adoptant provisoire-
ment le premier projet (établissement de la li-
gne Frasne-Vallorbe) devrait décider aussi le
percement de la Faucille (projet n° 3) ; en agis-
sant ainsi il suivrait l'indication des conseils
généraux et des chambres de commerce des ré-
gions intéressées ; la très grande majorité de
ces assemblées (36 conseils généraux et 63
chambres de commerce) s'est prononcée en
faveur du 3e projet.
Quelle que soit d'ailleurs la solution adoptée,
il faut agir immédiatement pour que la France
ne laisse pas échapper l'occasion de regagner
une partie du trafic qu'elle a perdu, et pour
que le percement du Simplon constitue pour
citê une nouvelle source de richesse.— F. Viel.
UN RÉVOLTÉ AU VATICAN
(Dt noire correspondant particulier)
Rome, 6 janvier.
Il n'y a pas que l'affaire de la princesse
Louise de Saxe qui crée des ennuis au Saint-
Siège. Un autre cas du mêowp genre préoccupe
le Vatican encore davantage. Le prince Pop-
pino Rospigliosi, frère aîné du chef de la
gardj Doble du pape, YÜ à ppffie &yec une
-
————————————""————'—————-— ,
femme avec laquelle il « n'est marié que civi.
lement » ce qui est considéré comme un CODCU.
binage. ;
Le prince voudrait bien « régulariser sa s!-
tuation » mais sa femme est l'épouse divorcée
d'un certain M. Parkhurst. On a donc fait des
démarches pour annuler ce premier mariage. .,
La Propaganda Fide n'attend que l'avis de l'é-
vêque O'Connel, du Portland, dans le diocèse
duquel M. et Mme Parkhurst ont vécu.
Voir à la 39 page
les Dernières Dépêches
de la nuit et
la Revue des Journaux
du matin
LA VICTOIRE ÉLECTORALE DE DIMANCHE
M. Combes, président du conseil, a reçu de-
puis dimanche dernier un très grand nombre
de lettres et de dépêches félicitant le gouverne-
ment de la victoire des républicains aux élec-
tions sénatoriales du 4 janvier.
Les signataires félicitent également le prési-
dent du conseil de son succès personnel dans
la Charente-Inférieure et en Corse.
La plupart des municipalités de Corse ont fait
parvenir leurs félicitations à M. Combes le
« nouveau sénateur de la Corse ».
«0.-
BRAVO l
Nous devons faire, cette semaine encore, l'é-
loge du général Pedoya. Nous avons récem-
ment loué cet officier d'avoir supprimé les dé-
légations militaires commandées pour les cé-
rémonies du culte.
Cette mesure était empreinte d'un large es-
prit républicain et visiblement inspirée par le
respset de la liberté de conscience. Le général
Pedoya vient de montrer qu'il n'a pas moins
de souci de la santé du soldat que de sa di-
gnité morale.
Je lis, en effet, dans sa dernière circulaire :
Tous les hommes n'ont pas la même résistance
physique et ne peuvent donner la même somme
d'efforts; on ne doit donc pas imposer à tous les
mêmes fatigues à leur arrivée au' régiment.
Les officiers et sous-officiers, après avoir con-
sulté les docteurs, doivent connaître le degré de
résistance dont chaque homme est capable ; suivre
de près, pour lui donner durant les exercices la
repos nécessaire afin d'éviter chez lui le surme-
nage.
Voilà de judicieuses paroles, et de saines
idées.
Le général Podoya veut qu'on respecte dans
le soldat l'homme. Il se fait pour un moment
hygiéniste. Il demande que les exercices d'en-
traînement soient exécutés progressivement,
que pendant les grands froids ils soient suivi*
de distributions de vin chaud, etc.
Après l'hygiène physique, l'hygiène morale.
Citons le document dans son texte ;
Les chefs de corps donneront les ordres les plu.
formels pour que les gradés et les soldats iustruc-
teurs n'aient aucun mouvement do brusquerie,
n'emploient aucune expression grossière et même
un juron, pour si peu important qu'il paraisse.
Cette manière de faire devra être réprimée avec
sévérité et définitivement bannie du vocabulaire
de l'instructeur. Il faut, au contraire, faire preuve
de patience et traiter l'homme avec douceur, sans
quoi on l'abrutit et on lui enlève une grande par-
tie de ses moyens.
Il est regrettable que de telles vérités aient
besoin d'être dites. C'est pourtant fort néces.
saire. Le général Hoche punissait les gradés
qui traitaient grossièrement les soldats : « L'of-
ficier, disait-il, ne doit jamais se permettra
d'insuller ses subordonnés, eussent-ils de
grands torts. Il doit considérer que tous les
Français sont égaux en droits, quelque grade
qu'ils occupent. »
Si les principes du général Pedoya deve-
naient d'une application courante,on ne verrait
point des officiers abuser de leur situation pour
humilier et injurier des soldats qui ne peuvent
leur répondre. et, — soyez en certains — la
discipline n'aurait rien à y perdre. — I. Arm*
bruster.
— ♦
POUR LES DÉSERTEURS ET INSOUMIS ROUMAINS
Une amnistie
Le consulat général de Roumanie à Paris nous
prie d'insérer la note suivante :
Le consulat général de Roumanie à Paris a
l'honneur d'informer les intéressés qu'à l'oc-
casion du 25a anniversaire de la prise da
Plevna, une amnistie générale est accordée à
tous les déserteurs et insoumis de l'armée rou-
maine.
Pour bénéficier de cette mesure, ils devront.
s'être mis en règle avant le 31 mars pro-
chain.
Les fiançailles du krospristz Prussien
(De notre correspondant particulierl
Berlin, 6 janvier.
Dans les cercles de la cour, on affirme de
nouveau que le prince Guillaume, 01s aîné de
l'empereur, sera fiancé à la princesse Alice
d'Albany et que les fiançailles seront célébrées
le 6 mai, anniversaire du prince. D'après la
même source, cette alliance serait un mariage
d'amour.
On avait beaucoup remarqué que, lors du
dernier bal de la cour, le kronprintz avait fré-
quemment dansé avec la princesse Alice.
ODYSSÉE DE FORÇATS
(De notre correspondant particulierl
Saïgon, 5 janvier.
L'administration coloniale fait procéder à
d'activés recherches en vue de retrouver la
trace de deux Français,Charles Comme,54 ans,
et Joseph Goin, 38 ans, que l'on suppose être
des forçais évadés de la Nouvelle-Calédonie.
Ces individus sont arrivés à Singapore le
5 juin 1902 par le vapeur allemand Tanglin.
Conduits devant le consul de France, ils décla-
rèrent faire partie de l'équipage du cutter n'a-
falgar, affrété par M. Perier pour la pècho des
perles aux îles Salomon. Le Trafalgar s'étant
perdu au large de Poum, Comme et Goin se
rendirent en Nouvelle-Guinée et de là à Singa-
pore. Le consul de France les fit alors, sur leur
demande, diriger sur Saigon. où ils se trouvent
peut-être encore actuellement.
.—————————— •» -
UNE CRISE A LA COUR DP BERLIN
(De notre correspondant partiCutierl
Berlin, 6 janvier.
Deux coteries se combattent depuis quelque
temps à la cour avec un acharnement rare.
La plus importante est connue sous le nom
de « groupe Eulenbourg-Wedell » et passait -
jusqu'ici pour toute-puissante. Mais le prince
Eulenbourg a dû quitter la carrière diplomati-
que et le ministre de la maison royale, M. le
comte Wedell, qu'il ne faut pas confondre avec
l'ambassadeur de ce nom, est sur le point ae
donner sa démission. Il sera remplacé par M.
von Windheim, l'ancien président de police de
Berlin. Mais ces déplacements ne pourront -
guère rétablir le calme. *
La veuve d'un tynçl&Qpaire de la coup 4%
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