Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1902-08-10
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 10 août 1902 10 août 1902
Description : 1902/08/10 (N11839). 1902/08/10 (N11839).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7572008g
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
GICTQ CENTIMES le iMuméro:
PAPfS & DÉPARTEMENTS
e Numéro: CINO CENTIME"
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No 11839. — Dimanche 10 Août 1902 n
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ADMINISTRATION: 131, rue Montmartre, 131
Adresser lettres et mandats à l'administrateur
A partir du ter septembre pro-
chain nos bureaux seront trans-
férés 14, rue du Mail (2" ar.).
NOS LEADERS
M la Pain
Encore un drame * passionnel » !
Encore un homme qui, parce qu'il n'é-
tait plus aimé, a essayé de tuer !
La chose s'est passée l'autre matin,
rue Fontaine. Il s'agit d'une dame C.,
qui, détournée de ses devoirs — n'est-
ce pas l'expression consacrée ? — par
de mauvaises connaissances, avait
abandonné le domicile conjugal.
Que son mari en ait été désespéré,
qu'il ait continué d'aimer l'infidèle, qui
ne le comprendrait? On raconte qu'il
lui écrivit de nombreuses lettres, qu'il
s'arrangea pour la rencontrer plusieurs
fois dans la rue, la suppliant de revenir,
lui promettant ce pardon et cet oubli
qui sont choses si faciles quand on aime
vraiment. Elle refusa ; et, prenant les
faits tels qu'ils sont relatés, j'ai sous les
yeuxle récitfort détaillé fait parle Cour-
rier du Soir, je demande s'il est possi-
ble, vraiment, de ne pas éprouver une
sympathie fraternelle pour ce malheu-
reux uni à une créature évidemment
indigne de lui. *
Pourquoi faut-il que par un acte sau-
vage, de vraie bestialité, il ait rendu
impossible cette sympathie, il se soit
fait coupable aux yeux de tous les gens
de bien ?
L'autre matin, donc, il est arrivé chez
sa femme. Lors de leur dernière entre-
vue, elle lui avait, à ce qu'on assure, dit,
non sans cynisme : « Je préfère l'exis-
tence que je mène actuellement à la
vie mesquine et monotone que je mè-
nerais avec toi. » Car, en effet, l'homme
en question est un travailleur qui gagne
modestement sa vie, et il est des fem-
mes, hélas ! qui préfèrent les plaisirs et
le luxe à l'honneur.
Alors, ce mari, cette fois, s'était muni
d'un revolver. « Suis-moi, dit-il à sa
femme, ou je te tue. » Elle voulut ap-
peler au secours, s'enfuir. Il lui a logé
une balle dans l'épaule. De sorte que le
voilà maintenant avec les mains rouges
et que moi, juré, je n'hésiterais pas à
répondre: Oui, à la question : Est-il
coupable?—de quelque pitié que pùt
être empli mon cœur.
***
Il y a là un devoir ; il est nécessaire
de réagir contre l'abominable tendance
de régler par le fer ou par le feu les dif-
férends d'amour; il faut - je l'ai tou-
jours dit et je ne laisserai échapper au-
cune occasion de le répéter — faire ces-
ser la scandaleuse et funeste impunité
dont jouissent les « passionnels ».
Si 1 on descendait dans la conscience
de l'homme à propos de qui j'écris ces
lignes — et certes, on a le droit de
vouloir le faire — n'y trouverait-on
pas, tapie tout au fond, cette pensée
qu'il est le maître après tout, qu'il a des
droits, qu'en raison de l'indignité de
sa femme, le jury, très vraisemblable-
ment, l'acquittera. Pensée mauvaise,
basse, qui le rend indigne decette sym-
pathie émue dont je parlais tout à
l'heure.
Mais il dira, sans doute: Je souffrais.
Hé! monsieur, êtes-VDUS le seul ? Est-
ce que la souffrance, si aiguë, si into-
lérable soit-elle, peut conférer le droit
de vengeance? Jamais!. Ignorez-vous
qu'il existe des moyens légaux de rom-
pre le lien conjugal ?
Je vous eusse dit, monsieur, si je
vous avais connu : — Allez au Palais
de justice, traversez la salle des Pas-
Perdus. montez l'escalier sur le mur
J ~1 A/inlfr. nno mrtfe* II HîVAPPftG
UUqUtH SU Ut ovi i to tuij uivw • «
conciliations, enquêtes » ; allez frapper
à la porte du magistrat qui est là pour
écouter les plaintes de ceux dont la
chaîne du mariage a meurtri la chair et
déchiré le cœur.
Ce juge, M. Brossard-Marsillac, vous
écoutera ; habitué à voir saigner devant
lui les douleurs inguérissables, il sait
trouver pour les affligés des paroles se-
courables, et la claire sérénité de son
regard apaise et console ; car le spec-
tacle quotidien des misères humaines,
loin de l'avoir rendu insensible, a mis
en lui une douceur attendrie ; allez vers
lui; il vous écoutera, il vous parleia ;
peut-être, profondément ému, lui di-
rez-vous cette phrase qu'il a déjà en-
tendue: «Monsieur,dans les rudes épreu-
ves que je subis, la sympathie et l'es-
time des gens de bien me sont un
puissant réconfort » ; — et vous sorti-
rez do là plus fort pour lutter contre
les pervers, meilleur ; et vous rejetterez
loin de vous. comme d'autres l'ont fait,
avec horreur, avec dégoût, l'arme ho-
micide que peut-être, déjà, vous aviez
regardée avec des yeux égarés.
.**
Au lieu de cela, pauvre homme, vous
vous êtes jeté dans le crime, et vous
voilà sali maintenant, ayant sur vos
mains, sur vos mains que je ne voudrais
plus toucher, ce stigmate sanglant que
nulles larmes, désormais, ne sauraient
plus effacer.
Peut-être, quand il comparaitra de-
vant les assises, la plaidoirie de son
défenseur arrachera-t-elle encore poui
lui aux jurés un de ces acquittements
dont souffre la conscience publique.
Soit. Il n'est assurément ni dans mes
habitudes ni dans mon caractère de de-
mander la condamnation d'un accusé,
quel qu'il soit ; mais je le déclare : je
ne l'acquitterais pas, moi.
Il a mal agi ; il est coupable ; jamais,
sous aucun prétexte, en aucune cir-
constance, on n'a le droit de tuer.
J'admettrais encore un moment de
colère quand celui des époux qui veut
rompre le lien trouve chez l'autre une
résistance que seul l'amour pourrait
justifier et que rien n'excuse, l'amour
n'existant plus, quand il se heurte à des
manœuvres dilatoires ; mais cette co-
lère même est blâmable, il convient de
la réprouver.
Sommes-nous des bêtes brutes que la
passion domine ? Non ; êtres pensants,
raisonnants, nous devons savoir com-
mander à nos impulsions, réprimer les
battements de nos cœurs et jeter sui-
nos blessures un voile pudique.
Et je dirai à celui qui souffre : Pense
aux autres ; guéris-toi de ton infortune
en tâchant de faire du bien à d'autres ;
que la souffrance des autres te fasse
oublier la tienne ; donne aux autres,
donne à tous, à tous les malheureux,
ton cœur crucifié ; et réfugie-toi, pau-
vre ami, dans le travail austère qui lave,
qui purifie, qui sauve, dans le saint tra-
vail.
Lucien Victor-Meunier.
el
LES MANIFESTATIONS
EXTÉRIEURES DU CULTE
Notre confrère Louis Paras-
sols, maire de Sainte-Florine,
résume en une intéressante
brochure les batailles judiciai-
res qu'il dut engager contre
divers curés pour affirmer le
droit d'interdiction - de - toutes
les manifestations extérieures du culte. Ce
droit appartient-il vraiment aux municipa-
lités ? Parassols, naturellement, affirmait
que oui ; les curés, non moins naturelle-
ment, juraient que non.
Le 14 juin 1900, le maire de Sainte Flo-
rine prenait un arrêté dont voici les articles
principaux :
Article premier. — Les processions religieu-
ses sont et demeurent interdites sur le terri-
toire de la commune de Sainte-Florine.
Article 2. — Il est formellement interdit
aux prêtres desservants de revêtir leurs orne-
ments sacerdotaux, de se faire précéder d'un
porteur de flambeau ou de eierge muni d'une
sonnette pour se rendre auprès des malades
pour porter le viatique.
Article 3. — Sont interdits sur la voie pu-
blique les chants et insignes religieux et l'u-
sage d'instruments de musique quelconques à
l'occasion des services mortuaires.
Article 4. — A l'avenir, le clergé requis d'ac-
compagner un convoi ne pourra effectuer le
trajet de la maison mortuaire à l'église et de
celle-ci au cimetière revêtu d'ornements sa-
cerdotaux tels que surplis, aube, étole,
etc., etc.
Article 5. — Le stationnement des convois
funèbres sur le parcours de la maison mortuaire
à l'église et de celle-ci au cimetière communal
devant les croix et autres emblèmes religieux
actuellement exposés devant la voie publique,
est et demeure interdit.
Les prêtres ne tinrent aucun compte de
cet arrêté. Aussitôt, ils furent appelés de-
vant le juge de paix.
Cure et vicaire se hâtèrent de demander
au Conseil d'Etat de déclarer abusives les
mesures prises par le maire.
I.P. 18 mare inni. le Conseil c\'Rtt reieta
-- -- --»-- - - ":JI" -;" -.----- - _w_- --,_w-
le recours pour abus.
Les curés furent alors condamnés par le
juge de paix de Sainte-Florine ; ils appelè-
rent du jugement et trouvèrent le moyen de
se faire absoudre en appel par le tribunal
de Brioude, qui se permettait ainsi de re-
nier l'autorité du Conseil d'Etat.
Le scandale était si criant que, sur la ré-
clamation de Louis Parassols, le garde des
sceaux soumit à la cour de cassation le
fantastique jugement du tribunal de
Brioude.
La cour suprême déclara que le tribunal
de Brioude avait excédé ses pouvoirs et violé
la loi. Le jugement de Brioude fut donc
cassé.
De cette façon, Louis Parassols était par-
venu à donner au droit d'interdiction de
toutes les manifestations extérieures du
culte la sanction de la plus haute juridic-
tion administrative et du plus haut tribu-
nal judiciaire. Ce droit est désormais établi
d'une façon irréfutable.
Aux maires républicains et socialistes
d'user de l'arme qui leur est donnée. Pour
supplément d'information, qu'ils lisent la
brochure que nous venons de discuter. Ils
la trouveront à la librairie de propagande
socialiste que tient, 60, boulevard de Cli-
chy, cet apôtre de tant d'idées généreuses,
f.-B. Clément.
- Car vous savez que le poète des uertses
s'est fait marchand de livres, pour monter
une bibliothèque à Marianne.
LA JEUNESSE REPUBLICAINE
On nous communique l'ordre du jour suivant :
La Jeunesse républicaine du 28 arrondisse-
ment de Paris, réunie en assemblée obligatoire,
le jeudi 7 août 1902, après avoir entendu l'ex-
posé de la doctrine républicaine par le citoyen
Maître, s'engage à organiser une action métho-
dique contre la réaction clérico-nationaliste et
à lutter énergiquement pour faire triompher
dans le 2* arrondissement la politique d'union
républicaine.
NOUVELLE CATASTROPHE IMMINENTE
(De notre correspondant particulier)
Venise, 8 août.
On sait qu'ona deserieuses inquiéludes au su-
jet du campanile de Santo-Stefano,qui menace,
lui aussi, de s'écrouler. On annonce qu'une
commission présidée par le maire vient de visi-
ter de nouveau le campanile, espérant pouvoir
calmer les appréhensions de la population qui
s'étaient transformées en une véritable panique.
Cette visite a montré la nécessité absolue d'é-
vacuer immédiatement les maisons avoisi-
I nant le campanile. On va commneer 1® démo-
li UUOD de ces maison"
PARMI LES GLACIERS
ET LES LACS
Pontresina (fin). — Le Morteratsch. —
Promenade sous et sur la glace.
L'hospice de Bernina. — L'hiver
en haut, l'été en bas.
(De notre, correspondant particulier)
III
L'excursion qu'il serait impardonnable de
ne pas faire, lorsqu'on séjourne à Pontresina,
est celle du glacier de Morteratsch ; encore
faut-il l'entreprendre par un ciel à peu près
dépourvu de nuages. Ce ciel-là doit être par-
fois attendu plusieurs jours, quand ce n'est
pas plusieurs semaines; j'ai eu la chance re-
lative de n'avoir à compter que les journées.
Au reste, je serais coupable de me plaindre,
le mauvais temps depuis mon départ est la ra-
rissime exception.
A Pontresina on parle du Morteratsch, com-
me à Paris des Champs-Elysées ou des boule-
vards (et dans les deux cas, point de réputa-
tion usurpée — nous nous éloignons de plus
en plus de Saint-Moritz.) Le splendide quadri-
latère vous impressionne , dès sa première ap-
parition. Je n'en suis plus à compter les pics
neigeux, et je serais fort embarrassé d'en éta-
blir une véridique nomenclature. Jesuis pour-
tant certain de n'avoir jamais vu un carré de
neige aussi compact, aussi imposant. Sans
doute, le Mont-Blanc, la Jungfrau sont plus
élevés, plus fiers ; ils n'ont pas cette forme ro-
busto, ils perdent en largeur ce que la hauteur
leur a fait obtenir. Ici la largeur l'emporterait
s'il était possible. Ce qui la rend plus mani-
feste encore, ce sont ses arètes verticales, il
semble qu'on ait devant soi un gâteau fantas-
tique où les tranches sont déjà figurées.
Ce premier aspect tend à disparaître au fur
et à mesure qu'on approche de la masse géante.
Est-ce à dire que le détail ne vaut pas le bloc ?
En aucune façon. Ce sont deux tableaux quel-
que peu différents, voilà tout. Aperçu du point
de vue de Montebello, le carré, encaissé entre
le piz Chalchang et le Mont-Pers, et composé
des piz Patü, Bernina, Morteratsch et Tschierva,
avec deux glaciers pour socles, est inoubliable.
On l'a comparé avec raison à une cascade d'ou-
tre-monde gelée subitement.
Les glaciers de Morteratsch et de Pers
L'approche des glaciers n'apporte aucun
élément nouveau à l'admiration. On la prati-
que plutôt pour se vanter d'avoir pénétré
sous la glace et d'avoir marché dessus. Sans
doute, les voûtes et les piliers de la grotte,
leurs teintes vertes et soyeuses, sont d'un
très curieux effet ; mais le moyen d'admirer
Lilliput après les étoiles ! Pour ce qui est de la
promenade sur le glacier et de l'ascension ro-
cailleuse qui la suit, elles sont quelque peu
pénibles (on y glisse pas mal et l'on est par-
fois obligé d'accepter le bras de son guide). En
fin de compte, on n'a rien vu. que ses .pieds.
Mais la glace est un tapis peu banal à la fin de
juillet, et c'est un luxe qu'on se paye somme
toute à bon compte.
Laissons le guide, on Autrichien d'une
éducation et d'une adresse extrêmes, bondir
comme un chamois pour aller nous chercher
les livres et les manteaux déposés à l'entrée de
la grotte, déjeunons rapidement à la restaura-
tion de la vallée, et profitons du beau temps
pour pousser jusqu'à l'hospice de Bernina.
Changement de décor
Personne ne se douterait quecette dénomina-
tion d' « hospice », appliquée au Bernina,
comme d'ailleurs au « Julier », renferme un
sens différent de celui que nous lui assignons
d'ordinaire. Chez nous, l'hospice éveille l'idée
d'un établissement de charité (laïque ou ecclé-
siastique) destiné à nourrir ou à soigner les
pauvres, les malheureux. Avec l'altitude suisse,
il signifio simplement « hôtel et restaurant ».
C'est le « hospitium » antique, de « hospes »
l'hôte, le tenancier d'auberge.
La route du Morteratsch au Bernina rap-
pelle celle de Muhlen au col du Julier, même
végétation décroissante puis nulle, mêmes pics,
même désert. Pourtant, nous avons ici, en
plus, la glace et le froid intense. La différence
d'altitude — au profit du col de Bernina — ne
suffirait toutefois pas à en donner une explica-
tion satisfaisante; il faut, selon moi, l'attri-
buer à ce fait que, au moins du côté de l'Ita-
lie, la route est exposée à tous les vents. Cela
semble si vrai que les ponts et chaussées ont
pris soin d'établir, sur ce versant, des refuges
destinés à protéger l'hiver les voyageurs con-
tre les intempéries. L'un de ces refuges est
très long et se transforme en tunnel dans sa
nnrtiA P.P-nLralA- J'ai- voulu le traverser. fût-CB
à là nage, vu son humidité ; j'ai dû rebrous-
ser chemin : il était obstrué par toute une
banquise. Et le thermomètre devait y être bien
au-dessou3 de zéro.
J'ai donc passé par la route de plein air et
d'été. J'ai retrouvé dehors mon amas de glace
qui tentait de se réchauffer au soleil. Quel con-
traste 1 Ce froid sibérien qui vous enserre et,à
vos pieds, à une lieue tout au plus, en contre-
bas, la végétation méridionale, chaude et bron-
zée, qui paraît ignorer les neiges et les glaces
dont elle est ceinte. Quand vous revenez sur
vos pas, vous contemplez mieux le cadre de
l'hospice de Bernina, qu'à l'aller vous n'aviez
fait qu'entrevoir.
Vous percevez distinctemsnt les trois nuan-
ces, bien tranchées, bien caractéristiques, des
trois lacs que vous dominez : le Lago Minore,
le Lago Bianco, le Lago Nero. Lequel préférer ?
Celui dont les eaux sont vertes, celui qui a
des refltes d'albâtre, ou « l'encrier » ? Con-
traste permanent qui, s'il vient à cesser pour
la montagne elle-même, se reporte sur ses
eaux. Là encore, un glacier — celui de Cam-
brena - nous provoque ou nous attire. Il n'a
plus l'envergure de ceux de Tschierva, de
Roseg, de Morteratsch ou de Pers : il est plus
sévère et sans doute plus redoutable. On di-
rait une planète éternelle dont les taches de
neige passagère seraient les éphémères satelli-
tes. Les montagnes qui l'entourent semblenl
des fresaues où l'œil discerne des - visages - hu-
mains.
Et, dans ce paysage quasi-chimérique que
nuages et gens traversent à la hâte, dans la
calme imposant de ce site désolé, la nuit dé-
ploie bientôt ses ailes sombres qui soudain
vont imposer silence au chant lointain des
pAtres, aux clochettes de leurs troupeaux.
(A suivre) Fernand Gendrier
LE COURONNEMENT D'ÉDOUA RD VII
Le message royal. — Les princes
étrangers. - Nouvelle protesta-
tion des Irlandais.
Londres. 8 août.
Edouard VII vient d'adresser à la nation le
message suivant entièrement composé psr lui :
A mon peuple,
A la veille de mon couronnement, événement
que je considère comme l'un des plus solennels et
des plus importants de ma vie, je tiens à exprimer
à tous mes sujets mes remerciements les plus cor-
diaux pour la profonde sympathie qu'ils ont mani-
festée à mon égard au moment où ma vie était en
si grand danger.
L'ajournement de la cérémonie provoqué * par ma
maladie a été, je le crains, une cause d ennuis
considérables pour tous ceux qui avaient l'inten-
tioiLfetfMlvw eet éYèqsiaçat ; vis» ils iw*
porté leur désapointement avec une bonne humeur
et une confiance remarquables. Les prières de mon
peuple pour mon rétablissement ont été entendues
et j'offre maintenant ma plus profonde reconnais-
sance à la divine Providence pour m'avoir conservé
l'existenoe et donné la force de remplir les devoirs
importants qui me sont dévolus comme souverain
de ce grand empire. Signé : EDOUARD.
Avant les fêtes
Les princes étrangers, parents d'Edouard VII,
commencent à arriver.
Le prince Georges, commissaire des puis-
sances en Crète, le prince André de Grèce, son
frère, ont quitté Copenhague, pour se rendre à
Londres.
Le prince de Saxe-Cobourg-Gotha et sa fa-
mille sont arrivés hier. Le duc de Sparte
(prince héritier de Grèce) et la duchesse sont
arrivés hier matin, ainsi que le prince Albert-
Victor de Sleswig-Holstein.
Le ras Makonnen est allé hier à Windsor.
Après avoir placé une couronne sur la tombe
de la reine Victoria, il a visité le château.
Aujourd'hui, a eu lieu la cérémonie d'in-
vestiture, demain le couronnement, lundi le
conseil privé, mardi revue des troupes colonia-
les, mercredi revue des troupes indiennes,
jeudi départ pour la mer.
Lo prix des places pour assister au défilé a
augmenté, mais les chiffres anciens n'ont pas
été atteints. Il y a beaucoup moins de monde
à Londres que lors de la dernière semaine de
juin. Les hôtels ne sont plus bondés.
Les membres du parti irlandais ont quitté
Londres, afin d'assister à la réunion qui aura
lieu demain à Dublin dans le but de protester
contre le couronnement.
En province, la fêle sera peu célébrée. Dans
beaucoup de villes, les solennités ont déjà eu
lieu.
Voir à la 3° page
les DERNIERES DEPECHES
TRAINS SUPPRIMÉS
(De notre correspondant particulier)
Bologne, 8 août.
On est douloureusement impressionné par la
nouvelle qu'une des principales sociétés de che-
mins de fer de l'Italie & l'intention de suppri-
mer deux trains uniquement institués dans le
but de permettre aux étrangers de se rendre, le
plus directement possible, de leurs lieux de ré-
sidence à nos grandes villes. C'est là faire jus-
tement le contraire de ce que conseillerait un
intérêt bien entendu du pays.
BUREAU DE POSTE A 3,020 MÈTRES
(De notre correspondant particulier)
Genève, 8 août.
Le bureau de poste le plus élevé de la Suisse
est celui de la station terminus du chemin de
fer Zermatt- Geornergratt (3,020 mètres). Il
reçoit la correspondance que les touristes ex-
pédient après avoir contemplé le superbe pa-
norama qui forme à Zermatt une si élincelante
couronne.
Le nombre de cartes postales illustrées je-
tées à la botte de Goernergrat est colossal, on
l'évalue à plusieurs milliers les jours de beau
temps. Le chef de gare qui est en môme temps
buraliste postal, a fort à faire de timbrer tous
ces carrés de carton agrémentés des élucubra-
tions plus ou moins poétiques ou enthousias-
tes des visiteurs.
La bière et le tabac imposés en Allemagne
(De notre correspondant particulier)
Borlin, 8 août.
Souvent déjà les journaux se sont demande
où le gouvernement allemand trouverait les
fonds nécessaires pour faire face aux besoins
toujours croissants de l'empire. - A cette ques-
tion, les économistes ont toujours répondu
qu'il fallait frapper d'un impét la bière et le
tabac.
On préférerait généralement voir frapper
d'abord la bière, en raison de l'importance
considérable qu'a prise l'industrie du tabac.
Mais il parait certain que le tabac sera lui
aussi imposé sous peu de temps.
Nous plaignons sincèrement les pauvres
Teutons qui ont la douce habitude d'ingurgi-
ter des bock-bier en abondance, tout enfumant
leurs énormes pipes à fourneaux de porce-
laino l
UN PRÊTRE MEURTRIER
(De notre correspondant particulier)
Edimbourg, 8 août.
La cour d'Edimbourg vient de juger un
ecclésiastique appartenant à cel'Eglise libre unie
d'Ecosse» accusé d'avoir assassiné sa proprié-
taire. Les médecins ont reconnu qu'il était fou
et le tribunal l'a envoyé dans un asile d'aliénés.
On dit qu'il avait jusqu'alors été un prêtre
très populair e.
UN DRAME AFRICAIN
La mort d'un brave. — Un ordre du
jour.
Le 18 avril aernier, au cours a un engage-
ment, en opérant une reconnaissance sur le
torritoire des Cognaguis, le lieutenant Mon-
corgé fut tué par les indigènes.
Le général Houry a adressé l'ordre du jour
suivant aux troupes do l'Afrique occidentale
française :
Dans le courant du mois d'avril, le lieutenant
Moncorgé, commandant le cercle de Boussourah,
crut, sur des renseignements inexacts, pouvoir
entreprendre une tournée chez les Cognaguis
qui n'avaient jusqu'alors jamais reconnu notre au-
torité.
Parti le 15 avril, avec un détachement composé
de 1 sergent européen. 1 sergent indigène et 24 ca-
poraux et tirailleurs et une centaine d'auxiliaires,
il arriva le lendemain près du village d'Itiou, et se
trouva en présence d'une population nombreuse en
armes qui, malgré ses avances amicales, ne tarda
pas à l'attaquer.
i.a nrnnnrtinn des forces en nrésence obligea le
lieutenant à ordonner la retraite, qui se fit sous un
feu violent : en très peu do temps, plusieurs tirail-
leurs et le sergent Raveau furent tués; le lieute-
nant ne tarda pas à être blessé, puis fut atteint
mortellement.
A ce moment, les tirailleurs survivants se trou-
vèrent sans chef : ils auraient pu, jetant leurs ar-
mes et leurs effets militaires, s'enfuir et échap-
per aux coups des Cognaguis, comme le firent
quelques-uns des auxiliaires, mais aucun d'eux ne
songea à ce moyen de salut ; tous se serrèrent au-
tour du corps do leur lieutenant et le défendirent
jusqu'à leur dernière cartouche, puis se laissèrent
tuer sur place.
Le général commandant supérieur des troupes
accomplit un devoir de reconnaissance en citant
à l'ordre du jour des troupes de l'Afrique occiden-
tale française les noms des militaires composant le
détachement du lieutenant Moncorgé qui a donné
un si bel exemple de fidélité et de dévouement.
Les cadres - européens des divers corps de tirail-
leurs peuvent êtra tiers ae commander a ues trou-
pes indigènes chez lesquelles se développent d'aussi
nobles sentiments.
Ils doivent ne jamais cesser de se montrer di-
gnes, et pour cela être toujours fidèles aux princi-
pes de justice qui, depuis 70 ans, forment le prolo-
gue de notre règlement l'if 10 seïYioe intérieur
des tjroupot.
LES CONGREGATIONS
Chez les Bretons. — La résistance con-
tinue. — Les chouans établissent
des barricades. — Les derniè-
res fermetures. — Les in-
cidents en province.
M. André, juge d'instruction, a ouvert une
instruction contre les congrégations insoumi-
ses. Il s'est occupé hier du cas de la congréga-
tion des Camiliens, de la rue Ordener. Il a
entendu plusieurs témoins,entre autres la con-
cierge et quelques employés de la congréga-
tion.
LA RÉSISTANCE EN BRETAGNE
Lesnoven, 7 août.
La nouvelle de l'expulsion des religieuses de
Landerneau et des incidents auxquels cette
opération a donné lieu s'est répandue hier dans
toute la région de Lesneven, Saint-Méen, le
Folgoët, Ploudaniel. Le récit de ce qui s'était
passé le matin à Landerneau a encore surexcité
les esprits et une résistance énergique a été
déoidée dans la région.
La supérieure de l'école du Folgoêt a déclaré
qu'elletésislerait jusqu'au bout. Les portes de
l'école seront closes à l'intérieur ; toute la po-
pulation, hommes, femmes, enfants, serviront
de rempart aux religieuses qui ne se laisseront
expulser que manu militari. Elles se retireront
ensuite chez les habitants.
A Folgoët, le vice-amiral de Cuvervllle a
couché dans une auberge. Toute la nuit, plus
de 300 personnes, hommes et femmes, sont de-
meurées assises sur des bancs; les lanternes
sont restées allumées, certains ont joué aux
cartes, d'autres ont causé; les femmes ont ré-
cité des prières. Des cyclistes et des oavaliers
veillaient à la gare de Folgoët et aux points
suivants : Plabennec, Dronnec et Lenavilly. Ce
matin vers 2 heures, 200 femmes se sont réu-
nies sur la place du Général-Le-Flo, à Les-
venen, d'où elles se sont rendues à Folgoët.
La mêmeanimation a régné toute la nuit à
Ploudaniel; les deux roules conduisant à l'école
des sœurs ont été barricadées avec plusieurs
camions reliés entre eux par de grosses chaî-
nes de fer soudées. Les habitants sont armés
de bâtons. M Soubigou, conseiller général du
canton et maire de Lesneven, est à leur tête.
Le maire de Ploudaniel a informé, hier soir,
les autorités que les manifestants ont barri-
cadé les deux routes conduisant à l'école des
sœurs, en renversant des charrettes et des
tombereaux.
La supérieure de l'école da Ploudaniel a
fait des déclarations identiques à celle du
Folgoêt.
Il en est de même à Saint-Héen où une alerte
s'est produite, le bruit ayant couru que la
troupe arrivait par Trémaouezan.
Les cultivateurs, bien que ce soit l'époque de
la moisson, ne travaillent pas et veillent en
permanence.
L'abbé Gayraud, député, déclare qu'au mo-
ment de l'expulsion il sera à la tête des habi-
tants de Saint-Méen et protestera contre l'exé-
cution des décrets.
A Saint-Eloi des cavaliers munis de cornes
guettent.
A Saint-Méen, la population est sur le qui-
vive; la route menant à l'école des sœurs est,
comme à Ploudaniel, barricadée à l'aide de
camions et de charrettes reliés par de grosses
barres de fer ; les barricades sont surmontées
de ronces et d'épines. Les habitants de Plou-
daniel et de Saint-Méen disent que pendant
que les gendarmes détruiront les barrica-
des, ils auront le temps de donner l'alarme
dans les communes avoisinantes. Quoique l'on
ait commencé la coupe du blé, les travaux
des champs sont de nouveau abandonnés.
Ce malin, l'abbé Gayraud a dit la messe à
Saint-Méen.
Plusieurs ensoutanés de diverses paroisses
voisines se sont rendus à Saint-Méen, où ils
vont prêter leur concours à l'abbé Gayraud.
Les soldats qui se trouvaient en permission
dans les communes de Folgoêt, Ploudaniel et
Saint-Méen, ont reçu l'ordre de regagner im-
médiatement leur corps. Ils sont partis aujour-
d'hui par le train du malin.
Les voyageurs de commerce se plaignent de
l'arrêt des affaires dans le Finistère, il leur
est impossible de trouver leurs clients chez
eux.
Les scellés qui avaient été apposés sur l'école
de Kerfeunteun ont été arrachés par la popu-
lation.
bl M, Lefebvi e et MarUo,commissaireil à Brest,
sont parlis, avec des ordres du préfet, pour
fermer les écoles libres de l'arrondissement de
Châteaulio.
A Ouimner
Quimpor, 8 août.
Hier soir, M. de Chamaillard, sénateur clé-
rical a brisé les scellés apposés mercredi sur
l'école Sainte-Anne, rue des DQuves. à Quim-
per. Cette nouvelle n'a surpris personne, M. de
Chamaillard, en effet, terminait une conférence
faite par lui, salle du musée, il y a environ
trois semaines, annonçant que si les scellés
étaient apposés sur l'établissement qui appar-
tient à la société civile dont il fait partie, on
pouvait être sûr qu'il les briserait. Le sénateur
du Finistère étant un des membres de la so-
ciété civile à qui appartient l'école Ste-Anae, a
tenu parole.
C'est accompagné de MM. Jacquolot et de
Servigny que M. de Chaimaillard s'est rendu,
hier, rue des Douves, pour briser les scellés.
Un agent de police, qui se trouvait devant l'é-
tablissement, n'a pu s'opposer à cet acte. Après
avoir brisé les scellés M. de Chamaillard s'est
présenté au commissariat de police. Il a fait
le récit de ce qui venait de se passer, a excusé
l'agent qui n'était pas de force, a-t-il dit, à ré-
sister à trois personnes.
Procès-verbal a été dressé par le commissaire
de police contre M. de Chamaillard.
A Ploërmel
PloêrmeI, 8 août,
Le sous-préfet de Ploêrmel s'est rendu hier,
pour la seconde fois, à Missiriac, où il a signi-
fié le décret d'expulsion qui les visait aux Fil-
les du Saint-Esprit.
La gendarmerie a dû procéder à l'expulsion
de 200 calotins environ qui se pressaient dans
le local occupé par les religieuses et qui n'ont
cessé de faire entendre des cris hostiles, tandis
qu'au dehors le tocsin sonnait.
L'établissement évacué, les scellés ont été
apposés.
Quelques arrestations pour cris et rébellion
envers la gendarmerie ont été opérées.
Fermetures opérées
Brest, 8 août.
Les décrets de fermeture des écoles et d'ex-
pulsion des sœurs ont été exécutés ce matin
dans les communes suivantes du sud du Finis-
tère : Le Guilvinec (canton de Pont l'Abbé),
Treffiagat (mêma canton), Saint-Yvi (canton de
Rosporden), Plogonnec (canton de Douarne-
nez), Cast (près de Chàleaulio) ,Saint-Nic (mô-
me canton). Ils ont également été exécutés dans
l'arrondissement da Morlaix à Sizuo ; et au
Huolgoat, chef-lieu de canton de l'arrondisse-
ment do Châteaulin.
A Le Guilvinec, le commissaire de police de
Quimper arriva à cinq heures du matin avec
une brigade de gendarmerie. La population
était surexcitée. Deux mille calotins protestent
contre l'expulsion des sœurs, criant. « Vive la
liberté! à bas Le BJ, députôt à bas Combes t»
Le propriétaire de l'école a prolaalé contre l'ap-
position des scellés.
M. Plouzanot, conseiller municipal, a été
constitué gardien des scellés, à défaut du maire
et de l'adjoint.
A Sizun, ce sont MM. Moerdès et Saigland,
commissaires de police,qui ont opéré à quatre
heures. Il a fallu crocheter les portes. Trois
brigades de gendarmerie ont maintenu la foule
qui protestait en criant: « Vive la libertél Vi-
vent les sœurs I »
Pendant que M. Moerdès, expulsait les sœurs
de Sizuo, des pierres furent lancées sur les
gendarmes, L'un d'eux fut atteint à la figure
et blessé.
A Crozon, l'école a été gardéa pendant la
nuit par une centaine de personnes décidées
à la résistance.
Saint-Brieuc, 8 août.
L'école et le pensionnat des sœurs dt Créheo
à Ploubezre avaient été licenciés il y a quel-
ques jours mais les sœurs étaient restées dans
l'établissement qui est la propriété de Mme de
Kergariou. Elles l'ont quitté pour rejoindre ce
matin la maison-mère de Créhen. Il ne reste
plus à Ploubezre que les sœurs gardes-mala-
des qui ne tombent pas sous le coup du dé-
cret.
Le tribunal correctionnel de Dinan a con-
damné à dix jours do prison un manifestant
de Hénanbihen, nommé D6pagne, ancien fac-
teur des postes révoqué, qui, le jour de l'ex-
pulsion des scellrs, avait lancé un morceau de
bois à la tête du sous-préfet de Dinan.
DANS LES DÉPARTEMENTS
Tours, 8 août.
Une pétition des femmes cléricales de le
ville de Tours, tendant à la réouverture des
écoles fermées par le gouvernement, et revé-
tae de 7,000 signatures, a été transmise au
président du conseil par M. Drake, dépaté
d'Indre-et-Loire.
Castres, 8 août.
Les affiches de l'Action libérale ayant été
déchirées dans l'arrondissement de Castres, le
baron Reille a protesté par affiche et a adressé
une plainte à l'administration.
Les sœurs d'Albine qui avaient refusé do
fermer leurs écoles, étaient appelées devant la
tribunal correctionnel. Le procureur de la Ré-
publique de Castres, après enquête, a aban-
donné les poursuites.
Avranches, 8 août.
M. Foisil, fils du conseiller général d'Isi-
gny-Ie-Buat, a oomparu devant le tribunal
correctionnel d'Avranches, sous l'inculpation
d'outrage au commissaire de police lors d'une
manifestation en faveur des sœurs. Il a été
acquitté.
Rodez, 8 août.
Les scellés, qui avaient été apposés dimanche
dernier sur les portes du couvent de la Présent
talion de Marie, à Saint-Georges-de-Luzençon,
ont été brisés et les portes rouvertes.
Un maire révoqné
Périgueux, 8 août.
Le marquis de Chevigné, maire de Berbi-
gnières, qui avait été suspendu pour un moi..
vient d'être révoqué.
Dans le nord
Lille, 8 août,
M. Delaté, juge d'instruction, a terminémer-
credi l'enquête relative aux incidents survenus
à Frelin, lors de la fermeture de l'école. Le
curé, M. Charles Goeman, et neuf de ses pa-
roissiens sont renvoyés devant la police cor-
rectionnelle sous l'inculpation de violences eD*
vers un magistrat dans l'exercice de ses fonc-
tions.
L'abbé Herbaux, curé de Mazinghien, a com.
paru devant le tribunal correctionnel à l'oc-
casion des incidents qui se sont produits lors
de la fermeture de l'école de sa paroisse. n:
était accusé d'avoir outragé .par paroles et pat ;
gestes le commissaire spécial Baldini dans,
l'exercice de ses fonctions en lui disant : ,
Voas faites une besogne illégale, antifrançaise et,
contraire aux intérêts de la commune. Vous êtes
l'agent de Combes le proscripteur. La populatiô8
est indignée. Allez-vous-en 1 1
M. Herbaux a expliqué que quand M. Bal.
dini est entré dans l'école des sœurs, il n'avait
pas d'insigne et qu'il n'a vu en lui qu'un sim-
ple particulier, Comme le président lui fait re-
marquer qu'il n'avait pas à intervenir, l'abbé
Herbaux a répondu :
J'avais à intervenir comme représentant de 1*
propriétaire de l'immeuble, Mlle Wyart, dont je
suis le neveu, d comme parent du fondateur -
l'école, le général Hugo.
Le tribunal a condamné M. Herbaux à 30 fr.
d'amende.
Hazebrouck, 8 août.
Hier a comparu devant le tribunal correc-
tionnel l'abbé Loonet, vicaire à Nieppe, inculpé
d'outrages par paroles à un commissaire de
police.
Ce frocard, lors de la fermeture de l'école
libre de sa commune, avait été appelé par le
commissaire qui lui demanda des renseigne- •
ments au sujet de religieuses dirigeant l'école,
il aurait répondu au commissaire :
Vous vous rendez ridicule avec votr e manlt
d'interroger et de persécuter ainsi tout le monde.
L'abbé Loonet, dé fendu par M. Degroote,
maire d'Hazebrouctc et conseiller général do
Nord, a été condamné à 50 fr. d'amende ave.
sursis.
A la même audience ont comparu deax in'
dustriels de Bailleul inculpés d'avoir pénétré
de force dans la gare de Bailleul lors de l'es-
Pulsion des religieuses. Ils ont été condamnés
un à 8 jours, l'autre à 6 jours de prison, avec
sursis.
Arras, 8 août.
Le commissaire spécial de police d'Arras
s'est présenté, avec cinq gendarmes, & l'école
libre tenue à Hauteville-Caumont par la sœur
Noémie. de la Sainte-Famille d'Amiens, pour
l'expulser.
Le propriétaire de l'immeuble et du mobilier,
M. Bondoux d'Haulefeuille, ancien juge sup-
pléant près le tribunal civil de Vervins, a pro-
testé contre cette mesure qu'il a qualifiée de
révolutionnaire. Il s'est retiré ensuite, décla-
rant au commissaire qu'il briserait de pareils
scellés. Ce qu'il a fait immédiatement. ,
Privas, 8 août.
Tous les établissements congréganistes sont
maintenant fermés dans l'Ardèche, mais dans
toutes les communes où il y a des jeunes filles
catholiques pourvueq du brevet, ces jeunes
filles ouvrent des écoles et prennent commti
adjointes les religieuses précédemment expul-
sées.
Dans sa dernière séance la commissionllé"
partementale a rejeté une motion de blàau
contre le ministère.
Agen, 8 août.
Les sœurs de Nevers qui tenaient l'école con-
gréganiste de Mirainont-de-Lauzun, sont par-
ties, mais seulement après notification par le
commissaire spécial du décret les expulsant.
A l'étranger
Barcelone, 8 août.
Le conseil municipal discute la question des
subventions à accorder aux associations reli-
gieuses. Les républicains combattent énergi-
quement ces subventions, disant que les asso-
ciations visées refusent des secours aux per-
sonnes qui n'appartiennent pas à la religion
catholique. Ils ajoutent que ces associations
ont un caractère politique, puisqu'elles ont
publié des documents contre les hbéfaut,
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férés 14, rue du Mail (2" ar.).
NOS LEADERS
M la Pain
Encore un drame * passionnel » !
Encore un homme qui, parce qu'il n'é-
tait plus aimé, a essayé de tuer !
La chose s'est passée l'autre matin,
rue Fontaine. Il s'agit d'une dame C.,
qui, détournée de ses devoirs — n'est-
ce pas l'expression consacrée ? — par
de mauvaises connaissances, avait
abandonné le domicile conjugal.
Que son mari en ait été désespéré,
qu'il ait continué d'aimer l'infidèle, qui
ne le comprendrait? On raconte qu'il
lui écrivit de nombreuses lettres, qu'il
s'arrangea pour la rencontrer plusieurs
fois dans la rue, la suppliant de revenir,
lui promettant ce pardon et cet oubli
qui sont choses si faciles quand on aime
vraiment. Elle refusa ; et, prenant les
faits tels qu'ils sont relatés, j'ai sous les
yeuxle récitfort détaillé fait parle Cour-
rier du Soir, je demande s'il est possi-
ble, vraiment, de ne pas éprouver une
sympathie fraternelle pour ce malheu-
reux uni à une créature évidemment
indigne de lui. *
Pourquoi faut-il que par un acte sau-
vage, de vraie bestialité, il ait rendu
impossible cette sympathie, il se soit
fait coupable aux yeux de tous les gens
de bien ?
L'autre matin, donc, il est arrivé chez
sa femme. Lors de leur dernière entre-
vue, elle lui avait, à ce qu'on assure, dit,
non sans cynisme : « Je préfère l'exis-
tence que je mène actuellement à la
vie mesquine et monotone que je mè-
nerais avec toi. » Car, en effet, l'homme
en question est un travailleur qui gagne
modestement sa vie, et il est des fem-
mes, hélas ! qui préfèrent les plaisirs et
le luxe à l'honneur.
Alors, ce mari, cette fois, s'était muni
d'un revolver. « Suis-moi, dit-il à sa
femme, ou je te tue. » Elle voulut ap-
peler au secours, s'enfuir. Il lui a logé
une balle dans l'épaule. De sorte que le
voilà maintenant avec les mains rouges
et que moi, juré, je n'hésiterais pas à
répondre: Oui, à la question : Est-il
coupable?—de quelque pitié que pùt
être empli mon cœur.
***
Il y a là un devoir ; il est nécessaire
de réagir contre l'abominable tendance
de régler par le fer ou par le feu les dif-
férends d'amour; il faut - je l'ai tou-
jours dit et je ne laisserai échapper au-
cune occasion de le répéter — faire ces-
ser la scandaleuse et funeste impunité
dont jouissent les « passionnels ».
Si 1 on descendait dans la conscience
de l'homme à propos de qui j'écris ces
lignes — et certes, on a le droit de
vouloir le faire — n'y trouverait-on
pas, tapie tout au fond, cette pensée
qu'il est le maître après tout, qu'il a des
droits, qu'en raison de l'indignité de
sa femme, le jury, très vraisemblable-
ment, l'acquittera. Pensée mauvaise,
basse, qui le rend indigne decette sym-
pathie émue dont je parlais tout à
l'heure.
Mais il dira, sans doute: Je souffrais.
Hé! monsieur, êtes-VDUS le seul ? Est-
ce que la souffrance, si aiguë, si into-
lérable soit-elle, peut conférer le droit
de vengeance? Jamais!. Ignorez-vous
qu'il existe des moyens légaux de rom-
pre le lien conjugal ?
Je vous eusse dit, monsieur, si je
vous avais connu : — Allez au Palais
de justice, traversez la salle des Pas-
Perdus. montez l'escalier sur le mur
J ~1 A/inlfr. nno mrtfe* II HîVAPPftG
UUqUtH SU Ut ovi i to tuij uivw • «
conciliations, enquêtes » ; allez frapper
à la porte du magistrat qui est là pour
écouter les plaintes de ceux dont la
chaîne du mariage a meurtri la chair et
déchiré le cœur.
Ce juge, M. Brossard-Marsillac, vous
écoutera ; habitué à voir saigner devant
lui les douleurs inguérissables, il sait
trouver pour les affligés des paroles se-
courables, et la claire sérénité de son
regard apaise et console ; car le spec-
tacle quotidien des misères humaines,
loin de l'avoir rendu insensible, a mis
en lui une douceur attendrie ; allez vers
lui; il vous écoutera, il vous parleia ;
peut-être, profondément ému, lui di-
rez-vous cette phrase qu'il a déjà en-
tendue: «Monsieur,dans les rudes épreu-
ves que je subis, la sympathie et l'es-
time des gens de bien me sont un
puissant réconfort » ; — et vous sorti-
rez do là plus fort pour lutter contre
les pervers, meilleur ; et vous rejetterez
loin de vous. comme d'autres l'ont fait,
avec horreur, avec dégoût, l'arme ho-
micide que peut-être, déjà, vous aviez
regardée avec des yeux égarés.
.**
Au lieu de cela, pauvre homme, vous
vous êtes jeté dans le crime, et vous
voilà sali maintenant, ayant sur vos
mains, sur vos mains que je ne voudrais
plus toucher, ce stigmate sanglant que
nulles larmes, désormais, ne sauraient
plus effacer.
Peut-être, quand il comparaitra de-
vant les assises, la plaidoirie de son
défenseur arrachera-t-elle encore poui
lui aux jurés un de ces acquittements
dont souffre la conscience publique.
Soit. Il n'est assurément ni dans mes
habitudes ni dans mon caractère de de-
mander la condamnation d'un accusé,
quel qu'il soit ; mais je le déclare : je
ne l'acquitterais pas, moi.
Il a mal agi ; il est coupable ; jamais,
sous aucun prétexte, en aucune cir-
constance, on n'a le droit de tuer.
J'admettrais encore un moment de
colère quand celui des époux qui veut
rompre le lien trouve chez l'autre une
résistance que seul l'amour pourrait
justifier et que rien n'excuse, l'amour
n'existant plus, quand il se heurte à des
manœuvres dilatoires ; mais cette co-
lère même est blâmable, il convient de
la réprouver.
Sommes-nous des bêtes brutes que la
passion domine ? Non ; êtres pensants,
raisonnants, nous devons savoir com-
mander à nos impulsions, réprimer les
battements de nos cœurs et jeter sui-
nos blessures un voile pudique.
Et je dirai à celui qui souffre : Pense
aux autres ; guéris-toi de ton infortune
en tâchant de faire du bien à d'autres ;
que la souffrance des autres te fasse
oublier la tienne ; donne aux autres,
donne à tous, à tous les malheureux,
ton cœur crucifié ; et réfugie-toi, pau-
vre ami, dans le travail austère qui lave,
qui purifie, qui sauve, dans le saint tra-
vail.
Lucien Victor-Meunier.
el
LES MANIFESTATIONS
EXTÉRIEURES DU CULTE
Notre confrère Louis Paras-
sols, maire de Sainte-Florine,
résume en une intéressante
brochure les batailles judiciai-
res qu'il dut engager contre
divers curés pour affirmer le
droit d'interdiction - de - toutes
les manifestations extérieures du culte. Ce
droit appartient-il vraiment aux municipa-
lités ? Parassols, naturellement, affirmait
que oui ; les curés, non moins naturelle-
ment, juraient que non.
Le 14 juin 1900, le maire de Sainte Flo-
rine prenait un arrêté dont voici les articles
principaux :
Article premier. — Les processions religieu-
ses sont et demeurent interdites sur le terri-
toire de la commune de Sainte-Florine.
Article 2. — Il est formellement interdit
aux prêtres desservants de revêtir leurs orne-
ments sacerdotaux, de se faire précéder d'un
porteur de flambeau ou de eierge muni d'une
sonnette pour se rendre auprès des malades
pour porter le viatique.
Article 3. — Sont interdits sur la voie pu-
blique les chants et insignes religieux et l'u-
sage d'instruments de musique quelconques à
l'occasion des services mortuaires.
Article 4. — A l'avenir, le clergé requis d'ac-
compagner un convoi ne pourra effectuer le
trajet de la maison mortuaire à l'église et de
celle-ci au cimetière revêtu d'ornements sa-
cerdotaux tels que surplis, aube, étole,
etc., etc.
Article 5. — Le stationnement des convois
funèbres sur le parcours de la maison mortuaire
à l'église et de celle-ci au cimetière communal
devant les croix et autres emblèmes religieux
actuellement exposés devant la voie publique,
est et demeure interdit.
Les prêtres ne tinrent aucun compte de
cet arrêté. Aussitôt, ils furent appelés de-
vant le juge de paix.
Cure et vicaire se hâtèrent de demander
au Conseil d'Etat de déclarer abusives les
mesures prises par le maire.
I.P. 18 mare inni. le Conseil c\'Rtt reieta
-- -- --»-- - - ":JI" -;" -.----- - _w_- --,_w-
le recours pour abus.
Les curés furent alors condamnés par le
juge de paix de Sainte-Florine ; ils appelè-
rent du jugement et trouvèrent le moyen de
se faire absoudre en appel par le tribunal
de Brioude, qui se permettait ainsi de re-
nier l'autorité du Conseil d'Etat.
Le scandale était si criant que, sur la ré-
clamation de Louis Parassols, le garde des
sceaux soumit à la cour de cassation le
fantastique jugement du tribunal de
Brioude.
La cour suprême déclara que le tribunal
de Brioude avait excédé ses pouvoirs et violé
la loi. Le jugement de Brioude fut donc
cassé.
De cette façon, Louis Parassols était par-
venu à donner au droit d'interdiction de
toutes les manifestations extérieures du
culte la sanction de la plus haute juridic-
tion administrative et du plus haut tribu-
nal judiciaire. Ce droit est désormais établi
d'une façon irréfutable.
Aux maires républicains et socialistes
d'user de l'arme qui leur est donnée. Pour
supplément d'information, qu'ils lisent la
brochure que nous venons de discuter. Ils
la trouveront à la librairie de propagande
socialiste que tient, 60, boulevard de Cli-
chy, cet apôtre de tant d'idées généreuses,
f.-B. Clément.
- Car vous savez que le poète des uertses
s'est fait marchand de livres, pour monter
une bibliothèque à Marianne.
LA JEUNESSE REPUBLICAINE
On nous communique l'ordre du jour suivant :
La Jeunesse républicaine du 28 arrondisse-
ment de Paris, réunie en assemblée obligatoire,
le jeudi 7 août 1902, après avoir entendu l'ex-
posé de la doctrine républicaine par le citoyen
Maître, s'engage à organiser une action métho-
dique contre la réaction clérico-nationaliste et
à lutter énergiquement pour faire triompher
dans le 2* arrondissement la politique d'union
républicaine.
NOUVELLE CATASTROPHE IMMINENTE
(De notre correspondant particulier)
Venise, 8 août.
On sait qu'ona deserieuses inquiéludes au su-
jet du campanile de Santo-Stefano,qui menace,
lui aussi, de s'écrouler. On annonce qu'une
commission présidée par le maire vient de visi-
ter de nouveau le campanile, espérant pouvoir
calmer les appréhensions de la population qui
s'étaient transformées en une véritable panique.
Cette visite a montré la nécessité absolue d'é-
vacuer immédiatement les maisons avoisi-
I nant le campanile. On va commneer 1® démo-
li UUOD de ces maison"
PARMI LES GLACIERS
ET LES LACS
Pontresina (fin). — Le Morteratsch. —
Promenade sous et sur la glace.
L'hospice de Bernina. — L'hiver
en haut, l'été en bas.
(De notre, correspondant particulier)
III
L'excursion qu'il serait impardonnable de
ne pas faire, lorsqu'on séjourne à Pontresina,
est celle du glacier de Morteratsch ; encore
faut-il l'entreprendre par un ciel à peu près
dépourvu de nuages. Ce ciel-là doit être par-
fois attendu plusieurs jours, quand ce n'est
pas plusieurs semaines; j'ai eu la chance re-
lative de n'avoir à compter que les journées.
Au reste, je serais coupable de me plaindre,
le mauvais temps depuis mon départ est la ra-
rissime exception.
A Pontresina on parle du Morteratsch, com-
me à Paris des Champs-Elysées ou des boule-
vards (et dans les deux cas, point de réputa-
tion usurpée — nous nous éloignons de plus
en plus de Saint-Moritz.) Le splendide quadri-
latère vous impressionne , dès sa première ap-
parition. Je n'en suis plus à compter les pics
neigeux, et je serais fort embarrassé d'en éta-
blir une véridique nomenclature. Jesuis pour-
tant certain de n'avoir jamais vu un carré de
neige aussi compact, aussi imposant. Sans
doute, le Mont-Blanc, la Jungfrau sont plus
élevés, plus fiers ; ils n'ont pas cette forme ro-
busto, ils perdent en largeur ce que la hauteur
leur a fait obtenir. Ici la largeur l'emporterait
s'il était possible. Ce qui la rend plus mani-
feste encore, ce sont ses arètes verticales, il
semble qu'on ait devant soi un gâteau fantas-
tique où les tranches sont déjà figurées.
Ce premier aspect tend à disparaître au fur
et à mesure qu'on approche de la masse géante.
Est-ce à dire que le détail ne vaut pas le bloc ?
En aucune façon. Ce sont deux tableaux quel-
que peu différents, voilà tout. Aperçu du point
de vue de Montebello, le carré, encaissé entre
le piz Chalchang et le Mont-Pers, et composé
des piz Patü, Bernina, Morteratsch et Tschierva,
avec deux glaciers pour socles, est inoubliable.
On l'a comparé avec raison à une cascade d'ou-
tre-monde gelée subitement.
Les glaciers de Morteratsch et de Pers
L'approche des glaciers n'apporte aucun
élément nouveau à l'admiration. On la prati-
que plutôt pour se vanter d'avoir pénétré
sous la glace et d'avoir marché dessus. Sans
doute, les voûtes et les piliers de la grotte,
leurs teintes vertes et soyeuses, sont d'un
très curieux effet ; mais le moyen d'admirer
Lilliput après les étoiles ! Pour ce qui est de la
promenade sur le glacier et de l'ascension ro-
cailleuse qui la suit, elles sont quelque peu
pénibles (on y glisse pas mal et l'on est par-
fois obligé d'accepter le bras de son guide). En
fin de compte, on n'a rien vu. que ses .pieds.
Mais la glace est un tapis peu banal à la fin de
juillet, et c'est un luxe qu'on se paye somme
toute à bon compte.
Laissons le guide, on Autrichien d'une
éducation et d'une adresse extrêmes, bondir
comme un chamois pour aller nous chercher
les livres et les manteaux déposés à l'entrée de
la grotte, déjeunons rapidement à la restaura-
tion de la vallée, et profitons du beau temps
pour pousser jusqu'à l'hospice de Bernina.
Changement de décor
Personne ne se douterait quecette dénomina-
tion d' « hospice », appliquée au Bernina,
comme d'ailleurs au « Julier », renferme un
sens différent de celui que nous lui assignons
d'ordinaire. Chez nous, l'hospice éveille l'idée
d'un établissement de charité (laïque ou ecclé-
siastique) destiné à nourrir ou à soigner les
pauvres, les malheureux. Avec l'altitude suisse,
il signifio simplement « hôtel et restaurant ».
C'est le « hospitium » antique, de « hospes »
l'hôte, le tenancier d'auberge.
La route du Morteratsch au Bernina rap-
pelle celle de Muhlen au col du Julier, même
végétation décroissante puis nulle, mêmes pics,
même désert. Pourtant, nous avons ici, en
plus, la glace et le froid intense. La différence
d'altitude — au profit du col de Bernina — ne
suffirait toutefois pas à en donner une explica-
tion satisfaisante; il faut, selon moi, l'attri-
buer à ce fait que, au moins du côté de l'Ita-
lie, la route est exposée à tous les vents. Cela
semble si vrai que les ponts et chaussées ont
pris soin d'établir, sur ce versant, des refuges
destinés à protéger l'hiver les voyageurs con-
tre les intempéries. L'un de ces refuges est
très long et se transforme en tunnel dans sa
nnrtiA P.P-nLralA- J'ai- voulu le traverser. fût-CB
à là nage, vu son humidité ; j'ai dû rebrous-
ser chemin : il était obstrué par toute une
banquise. Et le thermomètre devait y être bien
au-dessou3 de zéro.
J'ai donc passé par la route de plein air et
d'été. J'ai retrouvé dehors mon amas de glace
qui tentait de se réchauffer au soleil. Quel con-
traste 1 Ce froid sibérien qui vous enserre et,à
vos pieds, à une lieue tout au plus, en contre-
bas, la végétation méridionale, chaude et bron-
zée, qui paraît ignorer les neiges et les glaces
dont elle est ceinte. Quand vous revenez sur
vos pas, vous contemplez mieux le cadre de
l'hospice de Bernina, qu'à l'aller vous n'aviez
fait qu'entrevoir.
Vous percevez distinctemsnt les trois nuan-
ces, bien tranchées, bien caractéristiques, des
trois lacs que vous dominez : le Lago Minore,
le Lago Bianco, le Lago Nero. Lequel préférer ?
Celui dont les eaux sont vertes, celui qui a
des refltes d'albâtre, ou « l'encrier » ? Con-
traste permanent qui, s'il vient à cesser pour
la montagne elle-même, se reporte sur ses
eaux. Là encore, un glacier — celui de Cam-
brena - nous provoque ou nous attire. Il n'a
plus l'envergure de ceux de Tschierva, de
Roseg, de Morteratsch ou de Pers : il est plus
sévère et sans doute plus redoutable. On di-
rait une planète éternelle dont les taches de
neige passagère seraient les éphémères satelli-
tes. Les montagnes qui l'entourent semblenl
des fresaues où l'œil discerne des - visages - hu-
mains.
Et, dans ce paysage quasi-chimérique que
nuages et gens traversent à la hâte, dans la
calme imposant de ce site désolé, la nuit dé-
ploie bientôt ses ailes sombres qui soudain
vont imposer silence au chant lointain des
pAtres, aux clochettes de leurs troupeaux.
(A suivre) Fernand Gendrier
LE COURONNEMENT D'ÉDOUA RD VII
Le message royal. — Les princes
étrangers. - Nouvelle protesta-
tion des Irlandais.
Londres. 8 août.
Edouard VII vient d'adresser à la nation le
message suivant entièrement composé psr lui :
A mon peuple,
A la veille de mon couronnement, événement
que je considère comme l'un des plus solennels et
des plus importants de ma vie, je tiens à exprimer
à tous mes sujets mes remerciements les plus cor-
diaux pour la profonde sympathie qu'ils ont mani-
festée à mon égard au moment où ma vie était en
si grand danger.
L'ajournement de la cérémonie provoqué * par ma
maladie a été, je le crains, une cause d ennuis
considérables pour tous ceux qui avaient l'inten-
tioiLfetfMlvw eet éYèqsiaçat ; vis» ils iw*
porté leur désapointement avec une bonne humeur
et une confiance remarquables. Les prières de mon
peuple pour mon rétablissement ont été entendues
et j'offre maintenant ma plus profonde reconnais-
sance à la divine Providence pour m'avoir conservé
l'existenoe et donné la force de remplir les devoirs
importants qui me sont dévolus comme souverain
de ce grand empire. Signé : EDOUARD.
Avant les fêtes
Les princes étrangers, parents d'Edouard VII,
commencent à arriver.
Le prince Georges, commissaire des puis-
sances en Crète, le prince André de Grèce, son
frère, ont quitté Copenhague, pour se rendre à
Londres.
Le prince de Saxe-Cobourg-Gotha et sa fa-
mille sont arrivés hier. Le duc de Sparte
(prince héritier de Grèce) et la duchesse sont
arrivés hier matin, ainsi que le prince Albert-
Victor de Sleswig-Holstein.
Le ras Makonnen est allé hier à Windsor.
Après avoir placé une couronne sur la tombe
de la reine Victoria, il a visité le château.
Aujourd'hui, a eu lieu la cérémonie d'in-
vestiture, demain le couronnement, lundi le
conseil privé, mardi revue des troupes colonia-
les, mercredi revue des troupes indiennes,
jeudi départ pour la mer.
Lo prix des places pour assister au défilé a
augmenté, mais les chiffres anciens n'ont pas
été atteints. Il y a beaucoup moins de monde
à Londres que lors de la dernière semaine de
juin. Les hôtels ne sont plus bondés.
Les membres du parti irlandais ont quitté
Londres, afin d'assister à la réunion qui aura
lieu demain à Dublin dans le but de protester
contre le couronnement.
En province, la fêle sera peu célébrée. Dans
beaucoup de villes, les solennités ont déjà eu
lieu.
Voir à la 3° page
les DERNIERES DEPECHES
TRAINS SUPPRIMÉS
(De notre correspondant particulier)
Bologne, 8 août.
On est douloureusement impressionné par la
nouvelle qu'une des principales sociétés de che-
mins de fer de l'Italie & l'intention de suppri-
mer deux trains uniquement institués dans le
but de permettre aux étrangers de se rendre, le
plus directement possible, de leurs lieux de ré-
sidence à nos grandes villes. C'est là faire jus-
tement le contraire de ce que conseillerait un
intérêt bien entendu du pays.
BUREAU DE POSTE A 3,020 MÈTRES
(De notre correspondant particulier)
Genève, 8 août.
Le bureau de poste le plus élevé de la Suisse
est celui de la station terminus du chemin de
fer Zermatt- Geornergratt (3,020 mètres). Il
reçoit la correspondance que les touristes ex-
pédient après avoir contemplé le superbe pa-
norama qui forme à Zermatt une si élincelante
couronne.
Le nombre de cartes postales illustrées je-
tées à la botte de Goernergrat est colossal, on
l'évalue à plusieurs milliers les jours de beau
temps. Le chef de gare qui est en môme temps
buraliste postal, a fort à faire de timbrer tous
ces carrés de carton agrémentés des élucubra-
tions plus ou moins poétiques ou enthousias-
tes des visiteurs.
La bière et le tabac imposés en Allemagne
(De notre correspondant particulier)
Borlin, 8 août.
Souvent déjà les journaux se sont demande
où le gouvernement allemand trouverait les
fonds nécessaires pour faire face aux besoins
toujours croissants de l'empire. - A cette ques-
tion, les économistes ont toujours répondu
qu'il fallait frapper d'un impét la bière et le
tabac.
On préférerait généralement voir frapper
d'abord la bière, en raison de l'importance
considérable qu'a prise l'industrie du tabac.
Mais il parait certain que le tabac sera lui
aussi imposé sous peu de temps.
Nous plaignons sincèrement les pauvres
Teutons qui ont la douce habitude d'ingurgi-
ter des bock-bier en abondance, tout enfumant
leurs énormes pipes à fourneaux de porce-
laino l
UN PRÊTRE MEURTRIER
(De notre correspondant particulier)
Edimbourg, 8 août.
La cour d'Edimbourg vient de juger un
ecclésiastique appartenant à cel'Eglise libre unie
d'Ecosse» accusé d'avoir assassiné sa proprié-
taire. Les médecins ont reconnu qu'il était fou
et le tribunal l'a envoyé dans un asile d'aliénés.
On dit qu'il avait jusqu'alors été un prêtre
très populair e.
UN DRAME AFRICAIN
La mort d'un brave. — Un ordre du
jour.
Le 18 avril aernier, au cours a un engage-
ment, en opérant une reconnaissance sur le
torritoire des Cognaguis, le lieutenant Mon-
corgé fut tué par les indigènes.
Le général Houry a adressé l'ordre du jour
suivant aux troupes do l'Afrique occidentale
française :
Dans le courant du mois d'avril, le lieutenant
Moncorgé, commandant le cercle de Boussourah,
crut, sur des renseignements inexacts, pouvoir
entreprendre une tournée chez les Cognaguis
qui n'avaient jusqu'alors jamais reconnu notre au-
torité.
Parti le 15 avril, avec un détachement composé
de 1 sergent européen. 1 sergent indigène et 24 ca-
poraux et tirailleurs et une centaine d'auxiliaires,
il arriva le lendemain près du village d'Itiou, et se
trouva en présence d'une population nombreuse en
armes qui, malgré ses avances amicales, ne tarda
pas à l'attaquer.
i.a nrnnnrtinn des forces en nrésence obligea le
lieutenant à ordonner la retraite, qui se fit sous un
feu violent : en très peu do temps, plusieurs tirail-
leurs et le sergent Raveau furent tués; le lieute-
nant ne tarda pas à être blessé, puis fut atteint
mortellement.
A ce moment, les tirailleurs survivants se trou-
vèrent sans chef : ils auraient pu, jetant leurs ar-
mes et leurs effets militaires, s'enfuir et échap-
per aux coups des Cognaguis, comme le firent
quelques-uns des auxiliaires, mais aucun d'eux ne
songea à ce moyen de salut ; tous se serrèrent au-
tour du corps do leur lieutenant et le défendirent
jusqu'à leur dernière cartouche, puis se laissèrent
tuer sur place.
Le général commandant supérieur des troupes
accomplit un devoir de reconnaissance en citant
à l'ordre du jour des troupes de l'Afrique occiden-
tale française les noms des militaires composant le
détachement du lieutenant Moncorgé qui a donné
un si bel exemple de fidélité et de dévouement.
Les cadres - européens des divers corps de tirail-
leurs peuvent êtra tiers ae commander a ues trou-
pes indigènes chez lesquelles se développent d'aussi
nobles sentiments.
Ils doivent ne jamais cesser de se montrer di-
gnes, et pour cela être toujours fidèles aux princi-
pes de justice qui, depuis 70 ans, forment le prolo-
gue de notre règlement l'if 10 seïYioe intérieur
des tjroupot.
LES CONGREGATIONS
Chez les Bretons. — La résistance con-
tinue. — Les chouans établissent
des barricades. — Les derniè-
res fermetures. — Les in-
cidents en province.
M. André, juge d'instruction, a ouvert une
instruction contre les congrégations insoumi-
ses. Il s'est occupé hier du cas de la congréga-
tion des Camiliens, de la rue Ordener. Il a
entendu plusieurs témoins,entre autres la con-
cierge et quelques employés de la congréga-
tion.
LA RÉSISTANCE EN BRETAGNE
Lesnoven, 7 août.
La nouvelle de l'expulsion des religieuses de
Landerneau et des incidents auxquels cette
opération a donné lieu s'est répandue hier dans
toute la région de Lesneven, Saint-Méen, le
Folgoët, Ploudaniel. Le récit de ce qui s'était
passé le matin à Landerneau a encore surexcité
les esprits et une résistance énergique a été
déoidée dans la région.
La supérieure de l'école du Folgoêt a déclaré
qu'elletésislerait jusqu'au bout. Les portes de
l'école seront closes à l'intérieur ; toute la po-
pulation, hommes, femmes, enfants, serviront
de rempart aux religieuses qui ne se laisseront
expulser que manu militari. Elles se retireront
ensuite chez les habitants.
A Folgoët, le vice-amiral de Cuvervllle a
couché dans une auberge. Toute la nuit, plus
de 300 personnes, hommes et femmes, sont de-
meurées assises sur des bancs; les lanternes
sont restées allumées, certains ont joué aux
cartes, d'autres ont causé; les femmes ont ré-
cité des prières. Des cyclistes et des oavaliers
veillaient à la gare de Folgoët et aux points
suivants : Plabennec, Dronnec et Lenavilly. Ce
matin vers 2 heures, 200 femmes se sont réu-
nies sur la place du Général-Le-Flo, à Les-
venen, d'où elles se sont rendues à Folgoët.
La mêmeanimation a régné toute la nuit à
Ploudaniel; les deux roules conduisant à l'école
des sœurs ont été barricadées avec plusieurs
camions reliés entre eux par de grosses chaî-
nes de fer soudées. Les habitants sont armés
de bâtons. M Soubigou, conseiller général du
canton et maire de Lesneven, est à leur tête.
Le maire de Ploudaniel a informé, hier soir,
les autorités que les manifestants ont barri-
cadé les deux routes conduisant à l'école des
sœurs, en renversant des charrettes et des
tombereaux.
La supérieure de l'école da Ploudaniel a
fait des déclarations identiques à celle du
Folgoêt.
Il en est de même à Saint-Héen où une alerte
s'est produite, le bruit ayant couru que la
troupe arrivait par Trémaouezan.
Les cultivateurs, bien que ce soit l'époque de
la moisson, ne travaillent pas et veillent en
permanence.
L'abbé Gayraud, député, déclare qu'au mo-
ment de l'expulsion il sera à la tête des habi-
tants de Saint-Méen et protestera contre l'exé-
cution des décrets.
A Saint-Eloi des cavaliers munis de cornes
guettent.
A Saint-Méen, la population est sur le qui-
vive; la route menant à l'école des sœurs est,
comme à Ploudaniel, barricadée à l'aide de
camions et de charrettes reliés par de grosses
barres de fer ; les barricades sont surmontées
de ronces et d'épines. Les habitants de Plou-
daniel et de Saint-Méen disent que pendant
que les gendarmes détruiront les barrica-
des, ils auront le temps de donner l'alarme
dans les communes avoisinantes. Quoique l'on
ait commencé la coupe du blé, les travaux
des champs sont de nouveau abandonnés.
Ce malin, l'abbé Gayraud a dit la messe à
Saint-Méen.
Plusieurs ensoutanés de diverses paroisses
voisines se sont rendus à Saint-Méen, où ils
vont prêter leur concours à l'abbé Gayraud.
Les soldats qui se trouvaient en permission
dans les communes de Folgoêt, Ploudaniel et
Saint-Méen, ont reçu l'ordre de regagner im-
médiatement leur corps. Ils sont partis aujour-
d'hui par le train du malin.
Les voyageurs de commerce se plaignent de
l'arrêt des affaires dans le Finistère, il leur
est impossible de trouver leurs clients chez
eux.
Les scellés qui avaient été apposés sur l'école
de Kerfeunteun ont été arrachés par la popu-
lation.
bl M, Lefebvi e et MarUo,commissaireil à Brest,
sont parlis, avec des ordres du préfet, pour
fermer les écoles libres de l'arrondissement de
Châteaulio.
A Ouimner
Quimpor, 8 août.
Hier soir, M. de Chamaillard, sénateur clé-
rical a brisé les scellés apposés mercredi sur
l'école Sainte-Anne, rue des DQuves. à Quim-
per. Cette nouvelle n'a surpris personne, M. de
Chamaillard, en effet, terminait une conférence
faite par lui, salle du musée, il y a environ
trois semaines, annonçant que si les scellés
étaient apposés sur l'établissement qui appar-
tient à la société civile dont il fait partie, on
pouvait être sûr qu'il les briserait. Le sénateur
du Finistère étant un des membres de la so-
ciété civile à qui appartient l'école Ste-Anae, a
tenu parole.
C'est accompagné de MM. Jacquolot et de
Servigny que M. de Chaimaillard s'est rendu,
hier, rue des Douves, pour briser les scellés.
Un agent de police, qui se trouvait devant l'é-
tablissement, n'a pu s'opposer à cet acte. Après
avoir brisé les scellés M. de Chamaillard s'est
présenté au commissariat de police. Il a fait
le récit de ce qui venait de se passer, a excusé
l'agent qui n'était pas de force, a-t-il dit, à ré-
sister à trois personnes.
Procès-verbal a été dressé par le commissaire
de police contre M. de Chamaillard.
A Ploërmel
PloêrmeI, 8 août,
Le sous-préfet de Ploêrmel s'est rendu hier,
pour la seconde fois, à Missiriac, où il a signi-
fié le décret d'expulsion qui les visait aux Fil-
les du Saint-Esprit.
La gendarmerie a dû procéder à l'expulsion
de 200 calotins environ qui se pressaient dans
le local occupé par les religieuses et qui n'ont
cessé de faire entendre des cris hostiles, tandis
qu'au dehors le tocsin sonnait.
L'établissement évacué, les scellés ont été
apposés.
Quelques arrestations pour cris et rébellion
envers la gendarmerie ont été opérées.
Fermetures opérées
Brest, 8 août.
Les décrets de fermeture des écoles et d'ex-
pulsion des sœurs ont été exécutés ce matin
dans les communes suivantes du sud du Finis-
tère : Le Guilvinec (canton de Pont l'Abbé),
Treffiagat (mêma canton), Saint-Yvi (canton de
Rosporden), Plogonnec (canton de Douarne-
nez), Cast (près de Chàleaulio) ,Saint-Nic (mô-
me canton). Ils ont également été exécutés dans
l'arrondissement da Morlaix à Sizuo ; et au
Huolgoat, chef-lieu de canton de l'arrondisse-
ment do Châteaulin.
A Le Guilvinec, le commissaire de police de
Quimper arriva à cinq heures du matin avec
une brigade de gendarmerie. La population
était surexcitée. Deux mille calotins protestent
contre l'expulsion des sœurs, criant. « Vive la
liberté! à bas Le BJ, députôt à bas Combes t»
Le propriétaire de l'école a prolaalé contre l'ap-
position des scellés.
M. Plouzanot, conseiller municipal, a été
constitué gardien des scellés, à défaut du maire
et de l'adjoint.
A Sizun, ce sont MM. Moerdès et Saigland,
commissaires de police,qui ont opéré à quatre
heures. Il a fallu crocheter les portes. Trois
brigades de gendarmerie ont maintenu la foule
qui protestait en criant: « Vive la libertél Vi-
vent les sœurs I »
Pendant que M. Moerdès, expulsait les sœurs
de Sizuo, des pierres furent lancées sur les
gendarmes, L'un d'eux fut atteint à la figure
et blessé.
A Crozon, l'école a été gardéa pendant la
nuit par une centaine de personnes décidées
à la résistance.
Saint-Brieuc, 8 août.
L'école et le pensionnat des sœurs dt Créheo
à Ploubezre avaient été licenciés il y a quel-
ques jours mais les sœurs étaient restées dans
l'établissement qui est la propriété de Mme de
Kergariou. Elles l'ont quitté pour rejoindre ce
matin la maison-mère de Créhen. Il ne reste
plus à Ploubezre que les sœurs gardes-mala-
des qui ne tombent pas sous le coup du dé-
cret.
Le tribunal correctionnel de Dinan a con-
damné à dix jours do prison un manifestant
de Hénanbihen, nommé D6pagne, ancien fac-
teur des postes révoqué, qui, le jour de l'ex-
pulsion des scellrs, avait lancé un morceau de
bois à la tête du sous-préfet de Dinan.
DANS LES DÉPARTEMENTS
Tours, 8 août.
Une pétition des femmes cléricales de le
ville de Tours, tendant à la réouverture des
écoles fermées par le gouvernement, et revé-
tae de 7,000 signatures, a été transmise au
président du conseil par M. Drake, dépaté
d'Indre-et-Loire.
Castres, 8 août.
Les affiches de l'Action libérale ayant été
déchirées dans l'arrondissement de Castres, le
baron Reille a protesté par affiche et a adressé
une plainte à l'administration.
Les sœurs d'Albine qui avaient refusé do
fermer leurs écoles, étaient appelées devant la
tribunal correctionnel. Le procureur de la Ré-
publique de Castres, après enquête, a aban-
donné les poursuites.
Avranches, 8 août.
M. Foisil, fils du conseiller général d'Isi-
gny-Ie-Buat, a oomparu devant le tribunal
correctionnel d'Avranches, sous l'inculpation
d'outrage au commissaire de police lors d'une
manifestation en faveur des sœurs. Il a été
acquitté.
Rodez, 8 août.
Les scellés, qui avaient été apposés dimanche
dernier sur les portes du couvent de la Présent
talion de Marie, à Saint-Georges-de-Luzençon,
ont été brisés et les portes rouvertes.
Un maire révoqné
Périgueux, 8 août.
Le marquis de Chevigné, maire de Berbi-
gnières, qui avait été suspendu pour un moi..
vient d'être révoqué.
Dans le nord
Lille, 8 août,
M. Delaté, juge d'instruction, a terminémer-
credi l'enquête relative aux incidents survenus
à Frelin, lors de la fermeture de l'école. Le
curé, M. Charles Goeman, et neuf de ses pa-
roissiens sont renvoyés devant la police cor-
rectionnelle sous l'inculpation de violences eD*
vers un magistrat dans l'exercice de ses fonc-
tions.
L'abbé Herbaux, curé de Mazinghien, a com.
paru devant le tribunal correctionnel à l'oc-
casion des incidents qui se sont produits lors
de la fermeture de l'école de sa paroisse. n:
était accusé d'avoir outragé .par paroles et pat ;
gestes le commissaire spécial Baldini dans,
l'exercice de ses fonctions en lui disant : ,
Voas faites une besogne illégale, antifrançaise et,
contraire aux intérêts de la commune. Vous êtes
l'agent de Combes le proscripteur. La populatiô8
est indignée. Allez-vous-en 1 1
M. Herbaux a expliqué que quand M. Bal.
dini est entré dans l'école des sœurs, il n'avait
pas d'insigne et qu'il n'a vu en lui qu'un sim-
ple particulier, Comme le président lui fait re-
marquer qu'il n'avait pas à intervenir, l'abbé
Herbaux a répondu :
J'avais à intervenir comme représentant de 1*
propriétaire de l'immeuble, Mlle Wyart, dont je
suis le neveu, d comme parent du fondateur -
l'école, le général Hugo.
Le tribunal a condamné M. Herbaux à 30 fr.
d'amende.
Hazebrouck, 8 août.
Hier a comparu devant le tribunal correc-
tionnel l'abbé Loonet, vicaire à Nieppe, inculpé
d'outrages par paroles à un commissaire de
police.
Ce frocard, lors de la fermeture de l'école
libre de sa commune, avait été appelé par le
commissaire qui lui demanda des renseigne- •
ments au sujet de religieuses dirigeant l'école,
il aurait répondu au commissaire :
Vous vous rendez ridicule avec votr e manlt
d'interroger et de persécuter ainsi tout le monde.
L'abbé Loonet, dé fendu par M. Degroote,
maire d'Hazebrouctc et conseiller général do
Nord, a été condamné à 50 fr. d'amende ave.
sursis.
A la même audience ont comparu deax in'
dustriels de Bailleul inculpés d'avoir pénétré
de force dans la gare de Bailleul lors de l'es-
Pulsion des religieuses. Ils ont été condamnés
un à 8 jours, l'autre à 6 jours de prison, avec
sursis.
Arras, 8 août.
Le commissaire spécial de police d'Arras
s'est présenté, avec cinq gendarmes, & l'école
libre tenue à Hauteville-Caumont par la sœur
Noémie. de la Sainte-Famille d'Amiens, pour
l'expulser.
Le propriétaire de l'immeuble et du mobilier,
M. Bondoux d'Haulefeuille, ancien juge sup-
pléant près le tribunal civil de Vervins, a pro-
testé contre cette mesure qu'il a qualifiée de
révolutionnaire. Il s'est retiré ensuite, décla-
rant au commissaire qu'il briserait de pareils
scellés. Ce qu'il a fait immédiatement. ,
Privas, 8 août.
Tous les établissements congréganistes sont
maintenant fermés dans l'Ardèche, mais dans
toutes les communes où il y a des jeunes filles
catholiques pourvueq du brevet, ces jeunes
filles ouvrent des écoles et prennent commti
adjointes les religieuses précédemment expul-
sées.
Dans sa dernière séance la commissionllé"
partementale a rejeté une motion de blàau
contre le ministère.
Agen, 8 août.
Les sœurs de Nevers qui tenaient l'école con-
gréganiste de Mirainont-de-Lauzun, sont par-
ties, mais seulement après notification par le
commissaire spécial du décret les expulsant.
A l'étranger
Barcelone, 8 août.
Le conseil municipal discute la question des
subventions à accorder aux associations reli-
gieuses. Les républicains combattent énergi-
quement ces subventions, disant que les asso-
ciations visées refusent des secours aux per-
sonnes qui n'appartiennent pas à la religion
catholique. Ils ajoutent que ces associations
ont un caractère politique, puisqu'elles ont
publié des documents contre les hbéfaut,
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