Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1910-05-03
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Description : 03 mai 1910 03 mai 1910
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
N4 14662. - 16 FLORÉAL-, AS H». „ ™ <" .- ", .';"';" ClNQ CENTIMES LE NUMERO
MARDI 3 MAI 1918. — ttf
LE XGC SIECLE
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Adresser lettres et mandat* à rAdministrateur
ADMINISTRATIQN & RÉDACTION : 53, rue du Château-d'Eau : Téléphone 438-14. - De 9 heures du soir à 2 heures du matin, 123, rue Montmartre: Téléphone 143-93
TRIBUNE UBRB :.
- esstdfcfcr»
COMME CHEZ NOUS
>■>!!■ I -
La semaine nous a apporté
une glorieuse moisson de dé-
vouements civiques. Nombre
de braves gens radicaux, de
nuances diverses, et socialis-
tes un peu panachés ont fait
litière de leurs personnelles ambitions
et de grands labeurs personnels ; ils ont
Oublié tout ce qu'ils avaient espéré pour
ne regarder que la « voie étoite » qui
mène au salut démocratique. Pour par-
ler la langue électorale, les désistements
se sont faits et se font encore, suivant
les principes sains de la discipline ré-
publicaine.
Le pays, qui a repoussé les agres-
sions du 16 mai, du boulangisme. du na-
tionalisme ne tolèrerait pas une fantai-
sie déplacée des candidats pour le se-
cond tour. Les républicains n'ont pas
bataillé quarante ans pour se déjuger.
Puis l'école laîque fait son œuvre ; la-
eune génération ne se laisse pas entraî-
ner hors du bon chemin. Quelques exa-
gérations, quelques déviations, ne dimi-
nuent en rien l'unité de volonté et d'ef-
fort de la masse.
Pour quiconque analyse les program-
mées variés des démocrates où tant d'op-
positions se marquent entre les concep-
tions des « individualistes » et des « col-
lectivistes », tout cela paraît, théorique-
ment, incompréhensible. Beaucoup d'ad-
versaires de la politique du Bloc de gau-
che — beaucoup de ceux-qui la croyaient
morte et l'espéraient enterrée déjà —
ne comprennent pas, après les démêlés
(doctrinaux des radicaux et des socia-
listes, ces soudaines réconciliations et
ces rapprochements qui ne semblaient
plus réalisables. -'--
Mais il suffit de peu de choses pour
rallier subitement ces chamailleurs .e n-
ragés de la veille : il suffit de voir le
candidat de droite en tête de la liste,
Jout simplement.
Le « candidat de droite 1 '55 La pro-
vince éprouvée, tracassée jusqu'au der-
nier des villages s'efforce soigneuse-
ment de prévenir le retour de son in-
fluence et de sa domination. Evidem-
ment, le candidat de droite s'est moder-
pisé ; il n'a plus l'aspect qu'il présen-
tait sous la Restauration, lorsque noTfè
fougueux Béranger le dépeignait sous
l'habit du marquis de Carabas et escor-
té des honunes noirs qui sortaient « de
dessous terre M. Mais le candidat de
droite n'en paraît pas moins redoutable
aux démocrates des villes et des cam-
pagnes. L'investiture de l'Action libé-
rale produit un effet irrésistible, et les
radicaux, comme les socialistes, se
tiennent pour avertis.
C'est que l'on n'a pas oublié rattl-
Inde des prédécesseurs de nos adver-
saires ! C'est que l'on entend encore
la voix de Montalembert acclamer Thiers
qui fonçait contre la « vile multitude M,
3a voix de Montalembert criant la né-
cessité de châtrer le suffrage universel
et glorifiant la loi de 185"0 qui l'abolis-
sait. « En faisant cela, disait le chef
ijn parti clérical, nous ne faisons que
Continuer la bataille des journées de
uin dans les rue de Paris »'.■
« La bataille dans les rues », voilà ce
ïpii fait redouter le candidat de la droite
et ce qui réunit les démocrates, parfois
Bésunis par de passagères polémiques,
Souvent ardentes jusqu'à la fureur.
A l'heure actuelle, et parce que Ta
droite est maîtresse du gouvernement
les radicaux et les socialistes, en Bel-
gique comme chez nous, font un effort
commun au grand scandale des minis-
tres. ,
Vanaewelde , lë leaÕer socialiste, vient
de dire, accentuant ses déclarations pré-
cédentes : « Libéraux et socialîstes sont
;unis aujourd'hui par un commun désir
kles programmes Îifférfillt. Il faut donc
[que le danger soit grand pour que vous
nous troiivie2 unis».:
Ce qu'ils veulent, les Coalisés, c'est
Supprimer la domination des droits qui
ne se maintiennent que par le suffrage
plural. Il y a des citoyens belges qui
bnt une vouï* d'autres trois, système
JI qui écrase, 1a volonté populaires. Le
cabint qui est au pouvoir, fera bien de
S'y ftïainVtînir, car s'il est balayé par les
'élections prochaines, le parti qu'il re-
J>réÍlte ne retrouvera plus son heure,
ïïj ga majorité.
'Chez nous, quand « l'ordre moral »
Jfrut achevé sa carrière, l'électeur n'é-
prouva plus qu'un désir : éviter son
rétablissement. De je ne sais quel pro-
duit un réclamiste habile a ait: Ti Le
goûter, c'est l'adopter ». Hélas ! 1' « Or-
dre moral » n'a été nullement adopté en
France, quand on l'eut goûté. §on sous-
produit belge ne semble pas captiver
non plus la faveur des foules wallonnes
et brabançonnes.
M. Woeste, le conservateur, a beau
dire aux libéraux : « Si vous arriviez au
pouvoir, votre embarras serait profond ;
vous vous trouveriez pris entre deux
feux », et ajouter : « Le parti libéral su-
bit un véritable vent de folie »,ses adver-
saires, MM. Hymans et Janson savent
bien que le « feu » de gauche serait aus-
sitôt éteint- Les socialistes s'associe-
raient aux radicaux pour créer un nou-
veau régime d'instruction publique.
« Vous voulez provoquer la guerre sco-
laire et mettre le pays sens dessus des-
sous », ajoute le même M. Woeste, in-
quiet. ,
Ainsi donc, en Belgique, on Voit se
préparer les mêmes formations de com-
bat que chez nous, pour J'école et le
suffrage universel, ou contre l'école et
le suffrage universel, comme chez nous.
Et le Bloc se constitue chez les Belges,
comme il s'est constitué chez nous.
Et voilà des gens qui s'invectivaient
au nom de la lutte des classes, radicaux
et socialistes, qui, brusquement, déser-
tent leur conflit doctrinal, se tendent les
mains, s'unissent et se groupent pour!
l'action. -,
C'est que 3e sombres masses se 'dés-
sinent à l'horizon et qu'une armée s'a-
vance d'une marche processionnelle. El
cette apparition produit le même effet
en Belgique que chez nous.;
Albert MILHAUD.
LA POLITIQUE
JOURNÉE CALME
Il fauï reconnaître que la
?< manière forte » a merveilleux
semerit - réussi à M, Je Prési-
dent du Conseil. ," - ,
1 Et oe er mai qui s'annon-
çait gros de menaces et qu'on - craignait
être marqué de quelques malheureuses'
et sanglantes tragédies s'est déroulé le
glus paisiblement du monde.
tTout étonnés du. frais accueil réservé
par M, Huart à leurs tardifs délégués,
les farouches meneurs de la C. G. (f.,
ont Rapidement réfléchi.
Les rodomontades n'étant plu's de
mise, on les a f entré. On a. remis sans
bruit les; fameux 11 Browning îî dans
les tiroirs et repoussé à des temps plus
propices, le plaisir d'embêter Je bour-
geois.
Et vraiment, il 'faut constater la piè-
tre attitude des farouches, révolution-
naires de la C. G. T,.
Hier, parce qu'ils avaient la croyance
qu'on n'oserait pas empêcher leur ma-
nifestation, ils affirmaient orgueilleuse-
ment leur volonté, avec bu sans l'ac-
quiesœment gouvernemental, d'amener
jusqu'à la place de la, Concorde leur
armée mobilisée.:
Aujourd'hui, parce que fermement, le
gouvernement a affirmé, à son tour, sa
.volonté d'empêcher dans les rues de
Paris tout cortège, toute manifestation
non autorisée, bonsoir Messieurs, il n'y
a plus personne. -
Les uns s'en vont conférencier tran-
quillefment eni province, Leg autres
S'aperçoivent avec M. Thuilier, qu'au
lieu d'être cent mille, ils n'auraient pas
été dix mille, et qu'après tout, un bon
meeting est suffisant pour l'affirmation
toujours énergique des revendications
tiè la, C. G. œJ:
Ils paraissent avoir un peu la peur
des coups, quand il s'agit de leurs per-
sonnes. M. Briand les connaît bien.
Néanmoins, nous ne pouvons que ma-
nifester notre joie de voir ainsi se ter-
miner une journée qui aurait pu être
sanglante.
C'est une victoire du bon sens, et chez
tious il finit toujours par l'emporter.
- Ces grandes manifestations sont-elles
utiles, doivent-elles être autorisées 2 Ce
n'est point l'heure de le décider.:
lIieï aéj' TioB> ïnanifefctionf pofre
peu d'enthousiasme pour ces énormes
rassemblements, sans utilité immédiate,
et qui peuvent toujours tourner au tra-
gique.,
Toujouïs est-il que Ta population pa-
risienne a très tranquillement et avec
bonne humeur fêté ce ,1er mai. Sur les
boulevards, c'était: l'animation coutu-
mière ;; on fêtait sous Je ciel gris le mu-
guet printanier
Mais que de forces policières, Que de
soldatsil
Les ruel et les places en étaienf plei-
nes
On cherchait les manifestants , car ja-
mais on aurait pu se douter que dès le
matin, M. Je Préfet de police avait la
certitude qu'aucune manifestation n'au-
rait lieu.
Vraime'nt, on aurait pu1, s'il parais-
sait nécessaire de prendre, malgré tout,
quelques précautions, le faire plus dis-
crètement.
A quoi boti chercher à impressionner
le Knn Knurgfeoîd par comblaLlc ctaliL'e Succès est suffisant, il était inutile
ae chercher à lè grossie
i—,—,i » ■ t —
f LUS ON-VlTi
f <-
NOTRE AGENDA
'Aujourd'hui lundi j •
Lever du soleil- à 4 h. 41 <3u maSS*
Coucher du soleil à 7. h. 14 du soir.,
Lever de la lune à 1 h. 20 du matin.
Courses à Saint-Cloud.,
AUTREFOIS
Le Rappel du 3 mai 1874 :
Le Moniteur de la Meurthe et des Vos-
ges dit que le froid qui sévit toutes les
nuits a déjà fait éprouver dft grands dé,
gâts aux vignobles des environs de Nœn..
cy. On écrit de fJavigny, de Liverdun, de
Saint-Nicolas. ejA; que la gelée a détruit
une partie des espérances de la proc/Wine
récolte..
Les journaux alsaciens annoncent éga*
lement que les gelées ont causé des dé*
gâts dans les vignobles du Haut-Rhin.
— La vente des diamants et joyaux du
duc de Brunswick est terminée.
\EHe a dépassé de 200,000 francs le chif-
fre de Vestimation. Elle a produit 968.555
francs.
A ce prix il faut ajouter encore 35.000
francs d'or vendu au poids, dje sorte que
la somme réalisée jusqu'ici sur les bijoux
et diamants du legs Brunswick est d'en
viron un million.
La ville de Genève reste en possession
des pièces invendues, dont la valeur doit
être de 800.000 francs environ.
'— Le ministre de la guerre a visité hier,
i Ecole Polytechnique. Il a passé les élè-
ves en rewe^ et est revenu fort satisfait
fil. ù.'BJÇpE!F
t— -+-= _uJ
Le scandale qui défraie en ce moment la
curiosité publique devait éclater tôt ou tard.
il soulève un coin du voile derrirèe lequel se
tient d'ordinaire le bas clergcelui qui ne dé-
passe point les de-grés inférieurs de l'autel
de Thémis. L'opinion est saisie ; elle s'é-
meut, elle veut savoir. Essayons de la ren-
seigner sans parti pris ni réticences.
Dans un agglomération comme Paris où
les contestations de toute nature affluent par
milliers; des organismes auxiliaires ont édos
peu à peu autour des tribunaux civils et ré-
pressifs. Ces organismes répondent à un be-
soin ; qu'on les supprime, la plupart d'entre
eux reparaîtront bientôt sous des noms dif-
férents. Toutefois, et c'est là qu'est le mal,
ils vivent et se développent à l'aventure en
l'absence de tout statut précis ; parfois une
•t histoire » vient démontrer la nécessité de
ce statut, mais comme l'écho n'en dépasse
généralement pas le seuil du temple, c'est à
oeine si les dirigeants prêtent à l'affaire
quelques minutes d'une attention bientôt
évanouie.
M. le liquidateur — S tout seigneur tout
bonneur — tient parmi ses frères convers
du culte de la Justice, une place importante.
D'où vient-il, quels sont ses titres et ses ca-
pacités ? On l'ignore. L'arbitraire souverain
du Tribunal lui vaut un véritable fief ; in-
vesti de la mission délicate autant que né-
cessaire qui consiste à gérer les patrimoines
à l'abandon, il ne relève guère que de sa
conscience s'il en a une ce qui, hâtons-nous
de le dire, est souvent le cas. Jaloux de son
autorité sans partage,le tribunal tolère à pei-
ne la formation parmi les liquidateurs,d'une
chambre de discipline dont le rôle, on l'a
vu récemment, est des plus restreints. Voilà
dans quelles conditions, peu rassurantes, on
l'avouera, au point de vue des principes,
est assurée l'administration, puis la liquida-
tion de patrimoines souvent énormes qui
peuvent se volatiliser sous les yeux mêmes
des ayants droit impuissants. Ei il arrive
que les aptitudes administratives des per-
sonnages honorés d'un tel choix provoquent
cette juste remarque de M. Jaurès : Com-
ment un homme chargé de dresser les comp-
tes d'autrui peut-il se trouver incapable
d'établir les siens propres ?
C'est qu'en effet, ici-bas tout se traduit
par des comptes. Nous voici naturellement
conduits à dire un mot de M. l'expert ; il
ne s'agit pas de ce citoyen momentanément
arraché à ses occupations courantes pour
donner son avis sur l'authenticité d'un ta-
bleau ou la feoliaité d'un mur mitoyen ; nous
voulons parler de M. l'expert comptable,
docteur ès-détournements, abus de coriTîïïn-
oe, escroqueries, banqueroutes et règlements
de compte de toute nature. Dégager nette-
ment les faits, en réunir les preuves maté-
rielles, éliminer ce fatras d'allégations con-
tradictoires' qui submerge la vérité au seuil
de tout procès civil ou criminel, telle est sa
mission, pour l'accomplissement de laquelle
science et conscience sont également indis-
pensables. Comme pour le recrutement des
administrateurs provisoires, c'est le bon
plaisir du Tribunal qui décide des choix ; et
ceux-ci sont peut-être moins encore entourés
de garanties véritables surtout en ce qui
concerne les aptitudes professionnelles, la
liste s'allonge d'année en année par des ins-
criptions professionnelles ; elle comprend
à l'heure présente 67 noms. Or, si la chan-
cellerie avait, d'aventure, la curiosité de
sonder, par un examen quelconque, les com-
pétences ainsi réunies, bien des défaillances
apparaîtraient sans doute. Les uns, juris-
consultes ou praticiens de quelque valeur
feraient, on nous l'affirme, triste mine s'ils
étaient poussés à fond sur la technique
comptable ; d'autres, comptables conscien-
cieux pourraient bien rester bouche béante
devant tels problèmes juridiques élémentai-
res. Il peut se trouver des experts compta-
bles inférieurs à leur tâche comme on a dé-
couvert jadis des traducteurs incapables de
traduire. Mais qu'importe. A quoi bon trou-
bler le petit train-train de la vie quotidienne;
il sera toujours assez tôt d'y penser le jour
où quelque scandale bruyant rendra la chose
inévitable. En attendant, les affaires sont
distribuées à la faveur des relations per-
sonnelles. sans qu'on perçoive aucune direc-
tion générale susceptible d'encourager les
uns, et de maintenir les autres dans le sen-
tier du devoir. Bien mieux, toutes les fois
que des initiatives isolées ont voulu mettre
un peu de méthode dans ce chaos par la
création d'un groupement, d'une chambre
ou d'un conseil de discipline, un discret aver-
tissement leur faisait bientôt percevoir l'ina-
nité d'un pareil projet. Les experts compta-
bles, malgré l'importance de leur mission,
demeurent en quelque sorte les parias du
Palais, bien au-dessous des sténographes et
des journalistes judiciaires depuis longtemps
admis au « jus civitatis ».
On conçoit donc qu'ils s'émeuvent tout
particulièrement d'incidents scandaleux, tels
que le. cas de M. Charles-Désiré Dufour, et
qu'ils se préoccupent eux aussi d'éviter la
contamination de la « gangrène ».
Ils sont — à un autre titre que les justi-
ciables — intéressés à une épuration éner-
gique, et ils se demandent comment le passé
de M. Charles-Désiré Dufour a pu le désigner
aux fonctions qu'il occupe aujourd'hui. Est-
ce grâce à la légèreté, la complaisance, ou
la complicité de certains magistrats , Ces
protecteurs et ces complioes de M. Charles-
Désiré Dufour, il est temps d'ailleurs de les
faire connaître.
, Nous nous proposons de nous y employer
de notrè mieux.
» i » -
Le jMeiqeijÈ Véll)iqi¡te
i—♦ 1
[Notne excellent collaborateur et ami
Jean Clerval nous adresse au sujet du
mouvement féministe les lignes suivan-
tes, que nous publions d'autant plus vo-.
lontiers qu'elles nous vaudront certaine-
ment une intéressante contreverse.
Nous nous ferons, en effet, non seule-
ment un devoir, mais un plaisir d'insérer
les réponses des partisans du féminisme,
étant entendu que Jean Clerval s'exprime
ici, librement, en son nom personnel et
sans engager la ligne de conduite du jour-
DaJJ
D'après un de nos lecteurs — M. René
Leiber — nous exagérons l'influence que
peut exercer, sur les opinions des femmes,
l'action du clergé. -
M. René Leiber - comme beaucoup
d'autres esprits généreux — voit la Prance
au fond partie comprise entre Montmartre et Mont-
rouge. Il confond une admirable minorité
intellectuelle féminine avec la majorité. Il
assimile le mouvement féministe français
à celui de la Norvège, de la Finlande et de
l'Angleterre, en paraissant oublier que ces
Etats sont des pays protestants absolu-
ment dégagés de la tenaille du çCinlesion
nat.
Les féministes parisiens semblent ne pas
savoir, qu'à partir de dix lieues - de Paris,
il n'existe pas un village de huit cents ha-
bitants qui n'ait, son école libre, son pa-
tronage, son ouvroir ou son vestiaire fé-
minin. Ces institutions sont de véritables
officines de. réaction où le. cerveau de Ja.
paysanne française reçoit l'empreinte
d'une mentalité qu'il. sera difficile de sup-
primer dans un pays de souche latine.
Les élections, nous objectera-t-onv dé-
mentent votre assertion.;
En aucune façon.
L'influence de la femme sur le mari et
de la mère sur le fils sont neutralisées par
celle de l'atelier, de la camaraderie, du
cabaret. L'homme pour avoir la paix pro-
met à la femme de v(jter pour un « bien
pensant » ; mais une fois hors de la mai-
son, il modifie ses dispositions et, grâce
au secret du bulletin de vote, ne tient pas
la promesse faite : de là, les résultats
heureux que nous enregistrons aujour-
d'hui.
Il n'en sera plus de même quand la
femme sera elle-même électeur. Ce jour-
là, le clergé disposera de forces considé-
rables, dont nos idéologues parisiens —
qui ne connaissent pas la paysanne et la
petite provinciale — n'ont aucune idée.
Ce jour-là, la femme n'aura plus besoin
d'influencer un mari, un fils ou un frère :
elle agira elle-même sous l'impulsion en-i
veloppante du confessionnal, des patrona-
ges, des ouvroirs, des vestiaires, etc.
Les féministes parisiens nous opposent
des statistiques tendant à démontrer que
la femme française est irreligieuse ; eh
bien ! nous les invitons à faire le relevé
des femmes qui ne remplissent pas leurs
devoirs religieux et ne fréquentent pas
J'église. Nous les attendons à ce tournant,
qui leur réserve encore plus de déception
que de surprise.
Il ne faut pas confondre la paysanne ca-
tholique, française avec une norvégienne
protestante, Messieurs les féministes pa-
risiens.
Toute la question çsjt lA'
.JeD Clerval*
r LE PREMIER MAI ,>
PAS DE MANIFESTATION
-
• - f- ; - :
La C. G. T. ne va plus au Bois. --- Paris soos les Armes.
, Quelques arrestations, mais aucun incident sérieux.
Paris ressembla* hier, à une ville en état
de siège.
Plus particulièrement sur toute l'étendue
du Bois, et de la Madeleine à la place de
la République, un formidable attirail mi-
litaire — gardes républicains, fantassins et
cuirassiers en tenue de campagne — avait
été ostensiblement disposé.
Jusqu'à cinq heures de l'après-midi, le
calme fut parfait. Mais à partir de ce mo-
ment-là, un peu d'agitation commença à se
manifester, et, aux alentours du Bois, la
troupe dut intervenir sur divers points
En somme, aucun incident grave.
LA MATINÉE
La manifestation est décommandU
Nous avons raconté. hier, l'accueil fait,
la veille au soir, par le président du con-
seil à la délégation de l'Union des Syndi-
cats de la Seine. Les délégués, en quittant
la place Beauvau, allèrent délibérer à la
Bourse du Travail ; dans la nuit, ils com-
muniquèrent une note invitant les travail-
leurs à se rendre en masse aux meetinigs
organisés pour hier matin. — et à y atten-
dre ds ordres.
La nuit porte conseil. Hier matin, après
avoir lancé quelques ballons d'essai et
propagé quelques nouvelles disant que les
manifestants se donnaient rendez-vous au
bois de Vincennes, les meneurs décidèrent
brusquement de décommander toute mani-
festation.
• Voici la note officielle faisant connaître
cette résolution ;
- Comme tous les ans, l'Union des Syndicats
avait décidé de célébrer le 1er mai et, cette fois,
s'inspirant de ce qui se fait couramment en An-
gleterre, inotamment à Trafalgar-Square et Hy-
de-Park, elle avait pensé qu'une manifestation
semblable pourrit avoir lieu au Bois de Bou-
logne.
Mais elle avait compté sans le gouvernement
actuel, dans lequel trois de ses anciens cama-
rades, élus des mares stagnantes, échappés du
socialisme et adeptes de la bourgeoisie, regnent
en maîtres. ♦
En effet, sous le ministère Briand, ce qui est
permis dans les pays monarchiques est rigou-
reusement interdit sous le régime républicain.
Cette constatation résulte précisément des dé-
clarations que M. Briand, par l'organe de son
rous-ordre, M. Huart, a faites hier soir aiu dé-
sous-ordre, l'Union des Syndicats.
légués de
De cette entrevue, il ressort une façon évi-
dente pour tous ceux qui y assistaient :
1° Que les soldats ont reçu l'ordre de tirer
sous le moindre prétexte et même sans aucun
prétexte ;
2" Que M. Briand, voulant il toute force s&u-
ver la société d'un péril imaginaire, veut aussi
avoir son Draveil-Villeneuve-Saint-Georges.
Dans ces conditions, l'Union des Syndicats
a décidé de ne pas tomber dans le piège meur-
trier que lui tend le gouvernement.
Elle décide que la manifestation de Boulogne
n'aura pas lieu et engage tous les travailleurs
à ne pas s'y rendre, mais à aller simplement sg
promener sur les boulevards.
Mais, de ce fait, elle tTégage aussi Un enseh
gnemeni. •
Ellé Se souviendra !
Les travailleurs, outragés et violentés,auront
leur revanche, les principes 4i iUJTrté * l'exi-
gent.
A fa Bourse du travail
De bonne heure,. la Bourse du Travail
est envahie par les syndicalistes., qui se
réunissent dans les bureaux de leurs syn-
dicats respectifs. Les allées et venues des
quelques militants restés à Paris sem-
blaient indiquer qu'il y avait peut-être
quelque chose de nouveau et qu'on allait
répondre par dés actes aux décisions du
gouvernement.
Il n'en était rien, et la note dont on vient
de lire le texte fut distribuée aux syndica-
ïistea assistant aux meetings qui étaient
tenus dans Paris.
A la Bourse du Travail, tout l'intérêt
{¡'est concentré autour de la 'réunion te-
nue dans la grande salle. Il y a là près de
deux mille syndicalistes appartenant VU
ll'eu à toutes les organisations.
A neuf heures, la séance est ouverte
sous la présidence de MM. Blanchet mûr
çon, assisté de MM Martin et Géry.
Ç Les quelques orateurs qui défilent d'a-
bord à" la tribune prononcent des discours
très violents contre le gouvernement et la
préfecture de police. « Il fallait, disent-ils,
relever le défi et se rendre au Bois pour
manifester, i) - -
Mais voici M. Thuillier, secrétaire de
l'Union des Syndicats, qui vient fournir,
des explications intéressantes.
Les premières paroles, où l'on sent pas-
ser le découragement de la défaite, tom-
bent au milieu d'un grand silence, inter-
rompu par des murmures hostiles..
« J'étais, dit-il, au nombre des délégués
des travailleurs qui se sont rendus ,hier
soir placé Beauvau pour demander au pré-
sident du conseil ce qu'il y avait de vrai
dans les communiqués faits aux journa.ux.»
--Il ne fallait pas y aller !
- Le renégat qui est à la tête du gou-
vernement, continue M. Thuillier, ne nous
reçut pas, et ce fut par l'intermédiaire de
son secrétaire général, M. Huart, qu'il
nous fit connaître sa réponse. M. Huart,
qui tout d'abord nous prodigua de bonnes
paroles, fut très net après avoir conféré
cinq minutes avec le président du conseil.
cc Il ne sera, nous dit-il, rien toléré de-
main ; ni meeting, ni manifestations. » .11
ajouta-même î «-Et Quant -à oos( les mi-
«litants, je ne vous conseille pâs/d'aller
« vous promener au Bois. Toutes les me-
cc sures sont prises pour que l'ordre ne soit
« pas troublé et que la loi soit respectée. n
» On ne pouvait pas être plus net. En
face d'une situation semblable, je me suis
demandé, moi, secrétaire de l'Union des
Syndicats, si je pouvais prendre la respon-
sabilité des « massacres » qu'on nous pro-
mettait. J'ai trouvé que cette responsabi-
lité était trop lourde. Ce n'est pas les dix
ou quinze ans de prison que l'aurais pu
personnellement encourir qui m'ont fait hé
siter ce sont les « roilUtn ,c.amD"J:
compris femme et enfants » que nous au-
rions eu à pleurer demain. »
, L'auditoire paraissant un peu crédule
l'orateur, après une pause, reprend :
- « Et ce fait est tellement vrai que, pen-
dant que nous tenions cette nuit une rêne! *■
nion avec les secrétaires des syndicats pré-
sents à Paris, convoqués d'urgence pan
moi, je reçus la visite d'un individu qui
vint me le confirmer. « Je sais, me dit-il;
« de source certaine, que les soldats ont
» reçu l'ordre de tirer. Vous ne serez pas
cc demain, leur a-t-on dit, en présence do,
If travailleurs qui manifestent paisible-
ii anentr mais bien en face de revoüé!J ar-
fe més qui tireront sur vous ; vous pourrez
!fVOUS défendre. »
« Dans ces conditions, c'était le massai
cre assuré et prémédité par le gouverne-
ment. Voilà pourquoi nous avons décidé'
qu il n'y avait pas lieu d'aller au Bois. Mais!
au lieu de cent mille, nous pouvons nous
grouper dix mille militants et « faire quel-
que chose si nous le voulons. »
Ce discours est froidement accueilli.
< Ia salle se vide peu à peu, tandis qu'on
lance de tous côtés des bulletins intitulés :
« Evitons le massacre ! jà
Enfin, on vote l'ordre du jour reproduit
ces jours derniers par la presse, et la sor-
tie s'effectue sans incident. On ne chante
même pas l'Internationale
Le service d'ordre est presque nul. L'es' j
calés environnants .sont à peu près dês-erts",
Le principal même, celui de M. Châtel, est
fermé Sur un écriteau ces mots un part
ironiques dans la circonstance r « 1er mal.
Fermée à causa du repos des travailleurs.
L'APRÈS-MIDI -.
Sur les grands boulevards — Ces forcer,
militaires et la police
A partir de une heure, les dimpositions
arrêtées d'un commun accord ,par le pré-
fet de ipodice et l'autorité militaire reçoi-
vent un commencement d'exécution. Suu.
la ligne des grands boulevards .tes troupest
Pirennenl possession des points les ptlua
importants.
A la MadeSeine, un peloton de gardes
républicains à pied surveille la direction
de la Concorde, oit sont massés le Sge- ré-
giment dinfanterie et le 8° régiment da
cuirassiers.
L'Opéra est gardé (par le 46e d'infan-
terie.
Un bataillon du 104e d'infanterie 'S.ta;Uon:..
ne à l'ange de la rue Montmartre et du
boulevard. Vers deux heures, ce bataillon'
est renforcé par un bataillon du 239 cor
îcaii-al et par un bataillon du 103e d'infan-
terie qm est massé à l'angle de la rua
Saint-Marc. Les soldats ont mis sac à ter;"
re et formé les faisceaux.
SrÚl. le tbawlevard Poissonnière, deux os*
cadrons du 1er régiment de cuirassàftm.;
Lès cavaliers ont mis pied à terre e~~ „
tiennent à la tête de leurs chevaux. -
La e de la République 'est ooeujpéer
ipar deux sections du. 519 d'infanterie, uint
peloton de cuirassiers et une cinquantaine
d'agents de police.
Les fantassins- ont formé tes - faisceaux.
et tes. paivaliers se tiennent à la tte d.
lèrârs chevaux. La circulation il"æt pétff
interrompue éV n les passants circulent li-
brement.
A la porte Saint-Denis, au carrefours
fanmé par les grands boulevards et lesf
boulevards Sôbastospoi et de St:r.aISbO'Ul'g,
est massé un bataillon du 318 d'infante-
rie, -
Il y a aussi des gardes à cîîevaJ. ,
La .pjréifeeture de policn, craigwaart mv*
manifestation de cheminots dans le 12e ar-
rondissement, y a envoyé dieux escadrons
de gardes à cheval.
Vers deux heures, une certaine anima'*
tion commence à se manifester sur les;
bouievards. C'est la foule ordinaire d'es'
dimanches qui envahit les langes tratîtoira
et. parait prendre un très vil pgaiair <.bl
spectacle des troupes en tenue de camfEt-*
gniC.
Les syndicalistes ne se montrent
encore. On n'aperçoit que de rares ven-
odeurs de la Guerre Sociate, l'églantin
rouge à la boutonnière. Mais la foitîc n'en-
tend pas leurs cris ; elle écoute les phono'
graphes qui, à rentrée des cinémas, se
mettent en frais d'un .concert gratuit
Au Bois de Boulogne
A trois heures au carrefour formé par.
l'avenue des Acacias et la route des Lacs
prenjnent place un escadron de cuirassiers,
la garde rèpuiblicaine et les agjents du cin-
quième arrondissement, avec M. Fauvet,
.otfwier. de paix. Les cavaliers mettent
pied à teirre. Aucun incident à la Cascade
et allée de Langchamip.
A la Cascade, li quatre .heure, la foula
augmente sans cesse ; l'hippodrome de
Longochamp que l'on aperçoit de la Cas-
cade est noir de monde ; du côlé du Lie
aux ipigems.. les porteurs dégkmtinea
sont nombreux.
Le déploiement de fdrœs à cet endroit
est des plus importants : voitures et pié-
tons (passent entw deux haies de cava-
liers.
La porte MaMïof est occupéc mB.itaj.rc-
ment ; un peleton de la garde républicain
ne à cheval garde toute, leg portes du
Bois.
Entre la porte Maillet et NenilTy oMiC
échelonnés des gendarmes a -
La porte de Madrid et les reutes qui yt
mènent ainsi que les points de concentra-
tion sont gardés par des gardiens de 1%
paix et des soldats d '.infanterie.
"M Lépine visttc iea posles.
Tous les cafés dans le Bois sont ouverte
Collisions et arrestations
Mais Jtlnais craé dans Paris, r non»
MARDI 3 MAI 1918. — ttf
LE XGC SIECLE
AfBNOÏVCES
HB «BBKACX OU JOUBNAft
8, Me 4o Ot'o-cl'Elu - Pttrifc
lit. rr ,MM. liAGRANGE, CfitRF et
f, ptee* de e tBêvrse, S
MNM félfeWhlflM; m*8IÈCLl«- PAU»
&BON.NEM.3 -*-
tub mob tub un
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> 1
Wrfi' • aw» rrm 9 f. im. ^9 U
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ADMINISTRATIQN & RÉDACTION : 53, rue du Château-d'Eau : Téléphone 438-14. - De 9 heures du soir à 2 heures du matin, 123, rue Montmartre: Téléphone 143-93
TRIBUNE UBRB :.
- esstdfcfcr»
COMME CHEZ NOUS
>■>!!■ I -
La semaine nous a apporté
une glorieuse moisson de dé-
vouements civiques. Nombre
de braves gens radicaux, de
nuances diverses, et socialis-
tes un peu panachés ont fait
litière de leurs personnelles ambitions
et de grands labeurs personnels ; ils ont
Oublié tout ce qu'ils avaient espéré pour
ne regarder que la « voie étoite » qui
mène au salut démocratique. Pour par-
ler la langue électorale, les désistements
se sont faits et se font encore, suivant
les principes sains de la discipline ré-
publicaine.
Le pays, qui a repoussé les agres-
sions du 16 mai, du boulangisme. du na-
tionalisme ne tolèrerait pas une fantai-
sie déplacée des candidats pour le se-
cond tour. Les républicains n'ont pas
bataillé quarante ans pour se déjuger.
Puis l'école laîque fait son œuvre ; la-
eune génération ne se laisse pas entraî-
ner hors du bon chemin. Quelques exa-
gérations, quelques déviations, ne dimi-
nuent en rien l'unité de volonté et d'ef-
fort de la masse.
Pour quiconque analyse les program-
mées variés des démocrates où tant d'op-
positions se marquent entre les concep-
tions des « individualistes » et des « col-
lectivistes », tout cela paraît, théorique-
ment, incompréhensible. Beaucoup d'ad-
versaires de la politique du Bloc de gau-
che — beaucoup de ceux-qui la croyaient
morte et l'espéraient enterrée déjà —
ne comprennent pas, après les démêlés
(doctrinaux des radicaux et des socia-
listes, ces soudaines réconciliations et
ces rapprochements qui ne semblaient
plus réalisables. -'--
Mais il suffit de peu de choses pour
rallier subitement ces chamailleurs .e n-
ragés de la veille : il suffit de voir le
candidat de droite en tête de la liste,
Jout simplement.
Le « candidat de droite 1 '55 La pro-
vince éprouvée, tracassée jusqu'au der-
nier des villages s'efforce soigneuse-
ment de prévenir le retour de son in-
fluence et de sa domination. Evidem-
ment, le candidat de droite s'est moder-
pisé ; il n'a plus l'aspect qu'il présen-
tait sous la Restauration, lorsque noTfè
fougueux Béranger le dépeignait sous
l'habit du marquis de Carabas et escor-
té des honunes noirs qui sortaient « de
dessous terre M. Mais le candidat de
droite n'en paraît pas moins redoutable
aux démocrates des villes et des cam-
pagnes. L'investiture de l'Action libé-
rale produit un effet irrésistible, et les
radicaux, comme les socialistes, se
tiennent pour avertis.
C'est que l'on n'a pas oublié rattl-
Inde des prédécesseurs de nos adver-
saires ! C'est que l'on entend encore
la voix de Montalembert acclamer Thiers
qui fonçait contre la « vile multitude M,
3a voix de Montalembert criant la né-
cessité de châtrer le suffrage universel
et glorifiant la loi de 185"0 qui l'abolis-
sait. « En faisant cela, disait le chef
ijn parti clérical, nous ne faisons que
Continuer la bataille des journées de
uin dans les rue de Paris »'.■
« La bataille dans les rues », voilà ce
ïpii fait redouter le candidat de la droite
et ce qui réunit les démocrates, parfois
Bésunis par de passagères polémiques,
Souvent ardentes jusqu'à la fureur.
A l'heure actuelle, et parce que Ta
droite est maîtresse du gouvernement
les radicaux et les socialistes, en Bel-
gique comme chez nous, font un effort
commun au grand scandale des minis-
tres. ,
Vanaewelde , lë leaÕer socialiste, vient
de dire, accentuant ses déclarations pré-
cédentes : « Libéraux et socialîstes sont
;unis aujourd'hui par un commun désir
[que le danger soit grand pour que vous
nous troiivie2 unis».:
Ce qu'ils veulent, les Coalisés, c'est
Supprimer la domination des droits qui
ne se maintiennent que par le suffrage
plural. Il y a des citoyens belges qui
bnt une vouï* d'autres trois, système
JI qui écrase, 1a volonté populaires. Le
cabint qui est au pouvoir, fera bien de
S'y ftïainVtînir, car s'il est balayé par les
'élections prochaines, le parti qu'il re-
J>réÍlte ne retrouvera plus son heure,
ïïj ga majorité.
'Chez nous, quand « l'ordre moral »
Jfrut achevé sa carrière, l'électeur n'é-
prouva plus qu'un désir : éviter son
rétablissement. De je ne sais quel pro-
duit un réclamiste habile a ait: Ti Le
goûter, c'est l'adopter ». Hélas ! 1' « Or-
dre moral » n'a été nullement adopté en
France, quand on l'eut goûté. §on sous-
produit belge ne semble pas captiver
non plus la faveur des foules wallonnes
et brabançonnes.
M. Woeste, le conservateur, a beau
dire aux libéraux : « Si vous arriviez au
pouvoir, votre embarras serait profond ;
vous vous trouveriez pris entre deux
feux », et ajouter : « Le parti libéral su-
bit un véritable vent de folie »,ses adver-
saires, MM. Hymans et Janson savent
bien que le « feu » de gauche serait aus-
sitôt éteint- Les socialistes s'associe-
raient aux radicaux pour créer un nou-
veau régime d'instruction publique.
« Vous voulez provoquer la guerre sco-
laire et mettre le pays sens dessus des-
sous », ajoute le même M. Woeste, in-
quiet. ,
Ainsi donc, en Belgique, on Voit se
préparer les mêmes formations de com-
bat que chez nous, pour J'école et le
suffrage universel, ou contre l'école et
le suffrage universel, comme chez nous.
Et le Bloc se constitue chez les Belges,
comme il s'est constitué chez nous.
Et voilà des gens qui s'invectivaient
au nom de la lutte des classes, radicaux
et socialistes, qui, brusquement, déser-
tent leur conflit doctrinal, se tendent les
mains, s'unissent et se groupent pour!
l'action. -,
C'est que 3e sombres masses se 'dés-
sinent à l'horizon et qu'une armée s'a-
vance d'une marche processionnelle. El
cette apparition produit le même effet
en Belgique que chez nous.;
Albert MILHAUD.
LA POLITIQUE
JOURNÉE CALME
Il fauï reconnaître que la
?< manière forte » a merveilleux
semerit - réussi à M, Je Prési-
dent du Conseil. ," - ,
1 Et oe er mai qui s'annon-
çait gros de menaces et qu'on - craignait
être marqué de quelques malheureuses'
et sanglantes tragédies s'est déroulé le
glus paisiblement du monde.
tTout étonnés du. frais accueil réservé
par M, Huart à leurs tardifs délégués,
les farouches meneurs de la C. G. (f.,
ont Rapidement réfléchi.
Les rodomontades n'étant plu's de
mise, on les a f entré. On a. remis sans
bruit les; fameux 11 Browning îî dans
les tiroirs et repoussé à des temps plus
propices, le plaisir d'embêter Je bour-
geois.
Et vraiment, il 'faut constater la piè-
tre attitude des farouches, révolution-
naires de la C. G. T,.
Hier, parce qu'ils avaient la croyance
qu'on n'oserait pas empêcher leur ma-
nifestation, ils affirmaient orgueilleuse-
ment leur volonté, avec bu sans l'ac-
quiesœment gouvernemental, d'amener
jusqu'à la place de la, Concorde leur
armée mobilisée.:
Aujourd'hui, parce que fermement, le
gouvernement a affirmé, à son tour, sa
.volonté d'empêcher dans les rues de
Paris tout cortège, toute manifestation
non autorisée, bonsoir Messieurs, il n'y
a plus personne. -
Les uns s'en vont conférencier tran-
quillefment eni province, Leg autres
S'aperçoivent avec M. Thuilier, qu'au
lieu d'être cent mille, ils n'auraient pas
été dix mille, et qu'après tout, un bon
meeting est suffisant pour l'affirmation
toujours énergique des revendications
tiè la, C. G. œJ:
Ils paraissent avoir un peu la peur
des coups, quand il s'agit de leurs per-
sonnes. M. Briand les connaît bien.
Néanmoins, nous ne pouvons que ma-
nifester notre joie de voir ainsi se ter-
miner une journée qui aurait pu être
sanglante.
C'est une victoire du bon sens, et chez
tious il finit toujours par l'emporter.
- Ces grandes manifestations sont-elles
utiles, doivent-elles être autorisées 2 Ce
n'est point l'heure de le décider.:
lIieï aéj' TioB> ïnanifefctionf pofre
peu d'enthousiasme pour ces énormes
rassemblements, sans utilité immédiate,
et qui peuvent toujours tourner au tra-
gique.,
Toujouïs est-il que Ta population pa-
risienne a très tranquillement et avec
bonne humeur fêté ce ,1er mai. Sur les
boulevards, c'était: l'animation coutu-
mière ;; on fêtait sous Je ciel gris le mu-
guet printanier
Mais que de forces policières, Que de
soldatsil
Les ruel et les places en étaienf plei-
nes
On cherchait les manifestants , car ja-
mais on aurait pu se douter que dès le
matin, M. Je Préfet de police avait la
certitude qu'aucune manifestation n'au-
rait lieu.
Vraime'nt, on aurait pu1, s'il parais-
sait nécessaire de prendre, malgré tout,
quelques précautions, le faire plus dis-
crètement.
A quoi boti chercher à impressionner
le Knn Knurgfeoîd par comblaLlc ctal
ae chercher à lè grossie
i—,—,i » ■ t —
f LUS ON-VlTi
f <-
NOTRE AGENDA
'Aujourd'hui lundi j •
Lever du soleil- à 4 h. 41 <3u maSS*
Coucher du soleil à 7. h. 14 du soir.,
Lever de la lune à 1 h. 20 du matin.
Courses à Saint-Cloud.,
AUTREFOIS
Le Rappel du 3 mai 1874 :
Le Moniteur de la Meurthe et des Vos-
ges dit que le froid qui sévit toutes les
nuits a déjà fait éprouver dft grands dé,
gâts aux vignobles des environs de Nœn..
cy. On écrit de fJavigny, de Liverdun, de
Saint-Nicolas. ejA; que la gelée a détruit
une partie des espérances de la proc/Wine
récolte..
Les journaux alsaciens annoncent éga*
lement que les gelées ont causé des dé*
gâts dans les vignobles du Haut-Rhin.
— La vente des diamants et joyaux du
duc de Brunswick est terminée.
\EHe a dépassé de 200,000 francs le chif-
fre de Vestimation. Elle a produit 968.555
francs.
A ce prix il faut ajouter encore 35.000
francs d'or vendu au poids, dje sorte que
la somme réalisée jusqu'ici sur les bijoux
et diamants du legs Brunswick est d'en
viron un million.
La ville de Genève reste en possession
des pièces invendues, dont la valeur doit
être de 800.000 francs environ.
'— Le ministre de la guerre a visité hier,
i Ecole Polytechnique. Il a passé les élè-
ves en rewe^ et est revenu fort satisfait
fil. ù.'BJÇpE!F
t— -+-= _uJ
Le scandale qui défraie en ce moment la
curiosité publique devait éclater tôt ou tard.
il soulève un coin du voile derrirèe lequel se
tient d'ordinaire le bas clergcelui qui ne dé-
passe point les de-grés inférieurs de l'autel
de Thémis. L'opinion est saisie ; elle s'é-
meut, elle veut savoir. Essayons de la ren-
seigner sans parti pris ni réticences.
Dans un agglomération comme Paris où
les contestations de toute nature affluent par
milliers; des organismes auxiliaires ont édos
peu à peu autour des tribunaux civils et ré-
pressifs. Ces organismes répondent à un be-
soin ; qu'on les supprime, la plupart d'entre
eux reparaîtront bientôt sous des noms dif-
férents. Toutefois, et c'est là qu'est le mal,
ils vivent et se développent à l'aventure en
l'absence de tout statut précis ; parfois une
•t histoire » vient démontrer la nécessité de
ce statut, mais comme l'écho n'en dépasse
généralement pas le seuil du temple, c'est à
oeine si les dirigeants prêtent à l'affaire
quelques minutes d'une attention bientôt
évanouie.
M. le liquidateur — S tout seigneur tout
bonneur — tient parmi ses frères convers
du culte de la Justice, une place importante.
D'où vient-il, quels sont ses titres et ses ca-
pacités ? On l'ignore. L'arbitraire souverain
du Tribunal lui vaut un véritable fief ; in-
vesti de la mission délicate autant que né-
cessaire qui consiste à gérer les patrimoines
à l'abandon, il ne relève guère que de sa
conscience s'il en a une ce qui, hâtons-nous
de le dire, est souvent le cas. Jaloux de son
autorité sans partage,le tribunal tolère à pei-
ne la formation parmi les liquidateurs,d'une
chambre de discipline dont le rôle, on l'a
vu récemment, est des plus restreints. Voilà
dans quelles conditions, peu rassurantes, on
l'avouera, au point de vue des principes,
est assurée l'administration, puis la liquida-
tion de patrimoines souvent énormes qui
peuvent se volatiliser sous les yeux mêmes
des ayants droit impuissants. Ei il arrive
que les aptitudes administratives des per-
sonnages honorés d'un tel choix provoquent
cette juste remarque de M. Jaurès : Com-
ment un homme chargé de dresser les comp-
tes d'autrui peut-il se trouver incapable
d'établir les siens propres ?
C'est qu'en effet, ici-bas tout se traduit
par des comptes. Nous voici naturellement
conduits à dire un mot de M. l'expert ; il
ne s'agit pas de ce citoyen momentanément
arraché à ses occupations courantes pour
donner son avis sur l'authenticité d'un ta-
bleau ou la feoliaité d'un mur mitoyen ; nous
voulons parler de M. l'expert comptable,
docteur ès-détournements, abus de coriTîïïn-
oe, escroqueries, banqueroutes et règlements
de compte de toute nature. Dégager nette-
ment les faits, en réunir les preuves maté-
rielles, éliminer ce fatras d'allégations con-
tradictoires' qui submerge la vérité au seuil
de tout procès civil ou criminel, telle est sa
mission, pour l'accomplissement de laquelle
science et conscience sont également indis-
pensables. Comme pour le recrutement des
administrateurs provisoires, c'est le bon
plaisir du Tribunal qui décide des choix ; et
ceux-ci sont peut-être moins encore entourés
de garanties véritables surtout en ce qui
concerne les aptitudes professionnelles, la
liste s'allonge d'année en année par des ins-
criptions professionnelles ; elle comprend
à l'heure présente 67 noms. Or, si la chan-
cellerie avait, d'aventure, la curiosité de
sonder, par un examen quelconque, les com-
pétences ainsi réunies, bien des défaillances
apparaîtraient sans doute. Les uns, juris-
consultes ou praticiens de quelque valeur
feraient, on nous l'affirme, triste mine s'ils
étaient poussés à fond sur la technique
comptable ; d'autres, comptables conscien-
cieux pourraient bien rester bouche béante
devant tels problèmes juridiques élémentai-
res. Il peut se trouver des experts compta-
bles inférieurs à leur tâche comme on a dé-
couvert jadis des traducteurs incapables de
traduire. Mais qu'importe. A quoi bon trou-
bler le petit train-train de la vie quotidienne;
il sera toujours assez tôt d'y penser le jour
où quelque scandale bruyant rendra la chose
inévitable. En attendant, les affaires sont
distribuées à la faveur des relations per-
sonnelles. sans qu'on perçoive aucune direc-
tion générale susceptible d'encourager les
uns, et de maintenir les autres dans le sen-
tier du devoir. Bien mieux, toutes les fois
que des initiatives isolées ont voulu mettre
un peu de méthode dans ce chaos par la
création d'un groupement, d'une chambre
ou d'un conseil de discipline, un discret aver-
tissement leur faisait bientôt percevoir l'ina-
nité d'un pareil projet. Les experts compta-
bles, malgré l'importance de leur mission,
demeurent en quelque sorte les parias du
Palais, bien au-dessous des sténographes et
des journalistes judiciaires depuis longtemps
admis au « jus civitatis ».
On conçoit donc qu'ils s'émeuvent tout
particulièrement d'incidents scandaleux, tels
que le. cas de M. Charles-Désiré Dufour, et
qu'ils se préoccupent eux aussi d'éviter la
contamination de la « gangrène ».
Ils sont — à un autre titre que les justi-
ciables — intéressés à une épuration éner-
gique, et ils se demandent comment le passé
de M. Charles-Désiré Dufour a pu le désigner
aux fonctions qu'il occupe aujourd'hui. Est-
ce grâce à la légèreté, la complaisance, ou
la complicité de certains magistrats , Ces
protecteurs et ces complioes de M. Charles-
Désiré Dufour, il est temps d'ailleurs de les
faire connaître.
, Nous nous proposons de nous y employer
de notrè mieux.
» i » -
Le jMeiqeijÈ Véll)iqi¡te
i—♦ 1
[Notne excellent collaborateur et ami
Jean Clerval nous adresse au sujet du
mouvement féministe les lignes suivan-
tes, que nous publions d'autant plus vo-.
lontiers qu'elles nous vaudront certaine-
ment une intéressante contreverse.
Nous nous ferons, en effet, non seule-
ment un devoir, mais un plaisir d'insérer
les réponses des partisans du féminisme,
étant entendu que Jean Clerval s'exprime
ici, librement, en son nom personnel et
sans engager la ligne de conduite du jour-
DaJJ
D'après un de nos lecteurs — M. René
Leiber — nous exagérons l'influence que
peut exercer, sur les opinions des femmes,
l'action du clergé. -
M. René Leiber - comme beaucoup
d'autres esprits généreux — voit la Prance
au fond
rouge. Il confond une admirable minorité
intellectuelle féminine avec la majorité. Il
assimile le mouvement féministe français
à celui de la Norvège, de la Finlande et de
l'Angleterre, en paraissant oublier que ces
Etats sont des pays protestants absolu-
ment dégagés de la tenaille du çCinlesion
nat.
Les féministes parisiens semblent ne pas
savoir, qu'à partir de dix lieues - de Paris,
il n'existe pas un village de huit cents ha-
bitants qui n'ait, son école libre, son pa-
tronage, son ouvroir ou son vestiaire fé-
minin. Ces institutions sont de véritables
officines de. réaction où le. cerveau de Ja.
paysanne française reçoit l'empreinte
d'une mentalité qu'il. sera difficile de sup-
primer dans un pays de souche latine.
Les élections, nous objectera-t-onv dé-
mentent votre assertion.;
En aucune façon.
L'influence de la femme sur le mari et
de la mère sur le fils sont neutralisées par
celle de l'atelier, de la camaraderie, du
cabaret. L'homme pour avoir la paix pro-
met à la femme de v(jter pour un « bien
pensant » ; mais une fois hors de la mai-
son, il modifie ses dispositions et, grâce
au secret du bulletin de vote, ne tient pas
la promesse faite : de là, les résultats
heureux que nous enregistrons aujour-
d'hui.
Il n'en sera plus de même quand la
femme sera elle-même électeur. Ce jour-
là, le clergé disposera de forces considé-
rables, dont nos idéologues parisiens —
qui ne connaissent pas la paysanne et la
petite provinciale — n'ont aucune idée.
Ce jour-là, la femme n'aura plus besoin
d'influencer un mari, un fils ou un frère :
elle agira elle-même sous l'impulsion en-i
veloppante du confessionnal, des patrona-
ges, des ouvroirs, des vestiaires, etc.
Les féministes parisiens nous opposent
des statistiques tendant à démontrer que
la femme française est irreligieuse ; eh
bien ! nous les invitons à faire le relevé
des femmes qui ne remplissent pas leurs
devoirs religieux et ne fréquentent pas
J'église. Nous les attendons à ce tournant,
qui leur réserve encore plus de déception
que de surprise.
Il ne faut pas confondre la paysanne ca-
tholique, française avec une norvégienne
protestante, Messieurs les féministes pa-
risiens.
Toute la question çsjt lA'
.JeD Clerval*
r LE PREMIER MAI ,>
PAS DE MANIFESTATION
-
• - f- ; - :
La C. G. T. ne va plus au Bois. --- Paris soos les Armes.
, Quelques arrestations, mais aucun incident sérieux.
Paris ressembla* hier, à une ville en état
de siège.
Plus particulièrement sur toute l'étendue
du Bois, et de la Madeleine à la place de
la République, un formidable attirail mi-
litaire — gardes républicains, fantassins et
cuirassiers en tenue de campagne — avait
été ostensiblement disposé.
Jusqu'à cinq heures de l'après-midi, le
calme fut parfait. Mais à partir de ce mo-
ment-là, un peu d'agitation commença à se
manifester, et, aux alentours du Bois, la
troupe dut intervenir sur divers points
En somme, aucun incident grave.
LA MATINÉE
La manifestation est décommandU
Nous avons raconté. hier, l'accueil fait,
la veille au soir, par le président du con-
seil à la délégation de l'Union des Syndi-
cats de la Seine. Les délégués, en quittant
la place Beauvau, allèrent délibérer à la
Bourse du Travail ; dans la nuit, ils com-
muniquèrent une note invitant les travail-
leurs à se rendre en masse aux meetinigs
organisés pour hier matin. — et à y atten-
dre ds ordres.
La nuit porte conseil. Hier matin, après
avoir lancé quelques ballons d'essai et
propagé quelques nouvelles disant que les
manifestants se donnaient rendez-vous au
bois de Vincennes, les meneurs décidèrent
brusquement de décommander toute mani-
festation.
• Voici la note officielle faisant connaître
cette résolution ;
- Comme tous les ans, l'Union des Syndicats
avait décidé de célébrer le 1er mai et, cette fois,
s'inspirant de ce qui se fait couramment en An-
gleterre, inotamment à Trafalgar-Square et Hy-
de-Park, elle avait pensé qu'une manifestation
semblable pourrit avoir lieu au Bois de Bou-
logne.
Mais elle avait compté sans le gouvernement
actuel, dans lequel trois de ses anciens cama-
rades, élus des mares stagnantes, échappés du
socialisme et adeptes de la bourgeoisie, regnent
en maîtres. ♦
En effet, sous le ministère Briand, ce qui est
permis dans les pays monarchiques est rigou-
reusement interdit sous le régime républicain.
Cette constatation résulte précisément des dé-
clarations que M. Briand, par l'organe de son
rous-ordre, M. Huart, a faites hier soir aiu dé-
sous-ordre, l'Union des Syndicats.
légués de
De cette entrevue, il ressort une façon évi-
dente pour tous ceux qui y assistaient :
1° Que les soldats ont reçu l'ordre de tirer
sous le moindre prétexte et même sans aucun
prétexte ;
2" Que M. Briand, voulant il toute force s&u-
ver la société d'un péril imaginaire, veut aussi
avoir son Draveil-Villeneuve-Saint-Georges.
Dans ces conditions, l'Union des Syndicats
a décidé de ne pas tomber dans le piège meur-
trier que lui tend le gouvernement.
Elle décide que la manifestation de Boulogne
n'aura pas lieu et engage tous les travailleurs
à ne pas s'y rendre, mais à aller simplement sg
promener sur les boulevards.
Mais, de ce fait, elle tTégage aussi Un enseh
gnemeni. •
Ellé Se souviendra !
Les travailleurs, outragés et violentés,auront
leur revanche, les principes 4i iUJTrté * l'exi-
gent.
A fa Bourse du travail
De bonne heure,. la Bourse du Travail
est envahie par les syndicalistes., qui se
réunissent dans les bureaux de leurs syn-
dicats respectifs. Les allées et venues des
quelques militants restés à Paris sem-
blaient indiquer qu'il y avait peut-être
quelque chose de nouveau et qu'on allait
répondre par dés actes aux décisions du
gouvernement.
Il n'en était rien, et la note dont on vient
de lire le texte fut distribuée aux syndica-
ïistea assistant aux meetings qui étaient
tenus dans Paris.
A la Bourse du Travail, tout l'intérêt
{¡'est concentré autour de la 'réunion te-
nue dans la grande salle. Il y a là près de
deux mille syndicalistes appartenant VU
ll'eu à toutes les organisations.
A neuf heures, la séance est ouverte
sous la présidence de MM. Blanchet mûr
çon, assisté de MM Martin et Géry.
Ç Les quelques orateurs qui défilent d'a-
bord à" la tribune prononcent des discours
très violents contre le gouvernement et la
préfecture de police. « Il fallait, disent-ils,
relever le défi et se rendre au Bois pour
manifester, i) - -
Mais voici M. Thuillier, secrétaire de
l'Union des Syndicats, qui vient fournir,
des explications intéressantes.
Les premières paroles, où l'on sent pas-
ser le découragement de la défaite, tom-
bent au milieu d'un grand silence, inter-
rompu par des murmures hostiles..
« J'étais, dit-il, au nombre des délégués
des travailleurs qui se sont rendus ,hier
soir placé Beauvau pour demander au pré-
sident du conseil ce qu'il y avait de vrai
dans les communiqués faits aux journa.ux.»
--Il ne fallait pas y aller !
- Le renégat qui est à la tête du gou-
vernement, continue M. Thuillier, ne nous
reçut pas, et ce fut par l'intermédiaire de
son secrétaire général, M. Huart, qu'il
nous fit connaître sa réponse. M. Huart,
qui tout d'abord nous prodigua de bonnes
paroles, fut très net après avoir conféré
cinq minutes avec le président du conseil.
cc Il ne sera, nous dit-il, rien toléré de-
main ; ni meeting, ni manifestations. » .11
ajouta-même î «-Et Quant -à oos( les mi-
«litants, je ne vous conseille pâs/d'aller
« vous promener au Bois. Toutes les me-
cc sures sont prises pour que l'ordre ne soit
« pas troublé et que la loi soit respectée. n
» On ne pouvait pas être plus net. En
face d'une situation semblable, je me suis
demandé, moi, secrétaire de l'Union des
Syndicats, si je pouvais prendre la respon-
sabilité des « massacres » qu'on nous pro-
mettait. J'ai trouvé que cette responsabi-
lité était trop lourde. Ce n'est pas les dix
ou quinze ans de prison que l'aurais pu
personnellement encourir qui m'ont fait hé
siter ce sont les « roilUtn ,c.amD"J:
compris femme et enfants » que nous au-
rions eu à pleurer demain. »
, L'auditoire paraissant un peu crédule
l'orateur, après une pause, reprend :
- « Et ce fait est tellement vrai que, pen-
dant que nous tenions cette nuit une rêne! *■
nion avec les secrétaires des syndicats pré-
sents à Paris, convoqués d'urgence pan
moi, je reçus la visite d'un individu qui
vint me le confirmer. « Je sais, me dit-il;
« de source certaine, que les soldats ont
» reçu l'ordre de tirer. Vous ne serez pas
cc demain, leur a-t-on dit, en présence do,
If travailleurs qui manifestent paisible-
ii anentr mais bien en face de revoüé!J ar-
fe més qui tireront sur vous ; vous pourrez
!fVOUS défendre. »
« Dans ces conditions, c'était le massai
cre assuré et prémédité par le gouverne-
ment. Voilà pourquoi nous avons décidé'
qu il n'y avait pas lieu d'aller au Bois. Mais!
au lieu de cent mille, nous pouvons nous
grouper dix mille militants et « faire quel-
que chose si nous le voulons. »
Ce discours est froidement accueilli.
< Ia salle se vide peu à peu, tandis qu'on
lance de tous côtés des bulletins intitulés :
« Evitons le massacre ! jà
Enfin, on vote l'ordre du jour reproduit
ces jours derniers par la presse, et la sor-
tie s'effectue sans incident. On ne chante
même pas l'Internationale
Le service d'ordre est presque nul. L'es' j
calés environnants .sont à peu près dês-erts",
Le principal même, celui de M. Châtel, est
fermé Sur un écriteau ces mots un part
ironiques dans la circonstance r « 1er mal.
Fermée à causa du repos des travailleurs.
L'APRÈS-MIDI -.
Sur les grands boulevards — Ces forcer,
militaires et la police
A partir de une heure, les dimpositions
arrêtées d'un commun accord ,par le pré-
fet de ipodice et l'autorité militaire reçoi-
vent un commencement d'exécution. Suu.
la ligne des grands boulevards .tes troupest
Pirennenl possession des points les ptlua
importants.
A la MadeSeine, un peloton de gardes
républicains à pied surveille la direction
de la Concorde, oit sont massés le Sge- ré-
giment dinfanterie et le 8° régiment da
cuirassiers.
L'Opéra est gardé (par le 46e d'infan-
terie.
Un bataillon du 104e d'infanterie 'S.ta;Uon:..
ne à l'ange de la rue Montmartre et du
boulevard. Vers deux heures, ce bataillon'
est renforcé par un bataillon du 239 cor
îcaii-al et par un bataillon du 103e d'infan-
terie qm est massé à l'angle de la rua
Saint-Marc. Les soldats ont mis sac à ter;"
re et formé les faisceaux.
SrÚl. le tbawlevard Poissonnière, deux os*
cadrons du 1er régiment de cuirassàftm.;
Lès cavaliers ont mis pied à terre e~~ „
tiennent à la tête de leurs chevaux. -
La e de la République 'est ooeujpéer
ipar deux sections du. 519 d'infanterie, uint
peloton de cuirassiers et une cinquantaine
d'agents de police.
Les fantassins- ont formé tes - faisceaux.
et tes. paivaliers se tiennent à la tte d.
lèrârs chevaux. La circulation il"æt pétff
interrompue éV n les passants circulent li-
brement.
A la porte Saint-Denis, au carrefours
fanmé par les grands boulevards et lesf
boulevards Sôbastospoi et de St:r.aISbO'Ul'g,
est massé un bataillon du 318 d'infante-
rie, -
Il y a aussi des gardes à cîîevaJ. ,
La .pjréifeeture de policn, craigwaart mv*
manifestation de cheminots dans le 12e ar-
rondissement, y a envoyé dieux escadrons
de gardes à cheval.
Vers deux heures, une certaine anima'*
tion commence à se manifester sur les;
bouievards. C'est la foule ordinaire d'es'
dimanches qui envahit les langes tratîtoira
et. parait prendre un très vil pgaiair <.bl
spectacle des troupes en tenue de camfEt-*
gniC.
Les syndicalistes ne se montrent
encore. On n'aperçoit que de rares ven-
odeurs de la Guerre Sociate, l'églantin
rouge à la boutonnière. Mais la foitîc n'en-
tend pas leurs cris ; elle écoute les phono'
graphes qui, à rentrée des cinémas, se
mettent en frais d'un .concert gratuit
Au Bois de Boulogne
A trois heures au carrefour formé par.
l'avenue des Acacias et la route des Lacs
prenjnent place un escadron de cuirassiers,
la garde rèpuiblicaine et les agjents du cin-
quième arrondissement, avec M. Fauvet,
.otfwier. de paix. Les cavaliers mettent
pied à teirre. Aucun incident à la Cascade
et allée de Langchamip.
A la Cascade, li quatre .heure, la foula
augmente sans cesse ; l'hippodrome de
Longochamp que l'on aperçoit de la Cas-
cade est noir de monde ; du côlé du Lie
aux ipigems.. les porteurs dégkmtinea
sont nombreux.
Le déploiement de fdrœs à cet endroit
est des plus importants : voitures et pié-
tons (passent entw deux haies de cava-
liers.
La porte MaMïof est occupéc mB.itaj.rc-
ment ; un peleton de la garde républicain
ne à cheval garde toute, leg portes du
Bois.
Entre la porte Maillet et NenilTy oMiC
échelonnés des gendarmes a -
La porte de Madrid et les reutes qui yt
mènent ainsi que les points de concentra-
tion sont gardés par des gardiens de 1%
paix et des soldats d '.infanterie.
"M Lépine visttc iea posles.
Tous les cafés dans le Bois sont ouverte
Collisions et arrestations
Mais Jtlnais craé dans Paris, r non»
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