Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-06-22
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 22 juin 1908 22 juin 1908
Description : 1908/06/22 (N13982). 1908/06/22 (N13982).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
TT 1308S. —3 Messidor An lie
CINQ CENTIMES ZJB KCMEHO
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--- Lundi 2S Juin 1808. — W 139SS
Lundi 2S UiD 2808. - X. IS9se. ;
LE XIX'SIECLE
ANNONCES
ICI BUREAUX DU JOURNAL
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- - TRIBUNE LIBRE
-
Politique incertaine
- <
Le débat d'avant-hier ne
rassurera pas l'opinion pu-
isque qu'inquiète de plus en
plus l'aventure marocaine.
Certes, l'ordre du jour
Gervais, qui reproduit à peu
pextuellement le premier ordre du
jour Dubief, exprime à nouveau la vo-
lonté déjà manifestée par la Chambre,
de pratiquer, dans les questions inté-
rieures du Maroc, une politique d'abso-
lue neutralité. »
D'autre part, M. Pichon a pris hier
un engagement formel, en ce qui con-
cerne l'évacuation progressive de la
Chaouia enfin pacifiée, paraît-il. Mais
ces promesses seront-elles tenues ?
Il est évident que le premier ordre
du jour Duoief, qui a été voté à nou-
veau, n'a pas été respecté par le gou-
vernement. Il est évident que le gouver-
nement, malgré eet ordre du jour, a pris
parti, même militairement, en faveur
d'Abd el Aziz contre Moulay Haficl.
Qui nous dit que les excitations colo-
nialistes, dont M. Pichon lui-même a
avoué la violence, n'entraîneront pas
encore une fois le ministère ?
:' Les déclarations faites-par M. Pichon
autorisent au moins des inquiétudes.
Elles manquent de netteté. Les instruc-
tions au général d'Amade marquent la
volonté de continuer la politique de pro-
tection envers Abd el Aziz. Le système
préconisé pour l'évacuation dei la
Chaouie paraît tellement impraticable,
qu'il semble avoir été imaginé tout
exprès pour permettre au gouvernement
d'ajourner indéfiniment l'évacuation
slle-même.
M. Jaurès, dans une forte démonstra-
tion dont certaine apostrophe vraiment
inadmissible, a plutôt augmenté la por-
tée, a fait la critique de ce système.
Il est évident que le retrait de nos
troupes est d'autant moins facile à exé-
cuter, que nous sommes allés plus loin
dans l'expédition.
On a cédé aux sommations des colo-
niaux, aux injonctions du Temps, on a
rappelé le général Drude, trop prudent,
afin d'aller jusqu'au fond de la Chaouia,
pour couper la route de Fez à Moulay
Hafid ; maintenant on hésite, et je le
comprends, à abandonner à elles-mêmes
les tribus domptées, mais frémissantes
sous notre joug.
On hésite, telle est la caractéristique
ide la politique marocaine du gouverne-
ment, qu'il s'agisse de la question de la
Chaouia ou de l'attitude générale à ob-
server dans le conflit des deux sultans.
Cette hésitation, nous avons été nom-
breux à la sentir, à la Chambre, dens
la séanoe de vendredi..
Le pays la sent lui aussi. Ce serait
faire injure au bon sens populaire de
le nier. L'opinion publique a très bien
démêlé toutes les contradictions du mi-
nistère sur cette question.
C'est pourquoi l'expédition marocai-
ne, impopulaire dès l'origine, irrite de
plus en plus les esprits.
Certes, on admire le courage des
troupes françaises ; mais l'expédition
elle-même est détestée. Elle ne peut en
effet servir les intérêts généraux du
pays, et chacun comprend combien elle
est dangereuse..
Le scrutin de vendredi montre assez
que ce malaise est partagé par un
grand nombre d'élus.
Plus de cent cinquante députés de
gauche, radicaux et socialistes, ont
manifesté ou leur désapprobation, ou
leur inquiétude.
Il y a là un fait d'une incontestable
importance, que le gouvernement ferait
bien de ne pas négliger.
Sa tâche est difficile, mais c'est lui
qui a créé la situation actuelle, en obéis-
sant à certaines impatiences.
Rien ne l'obligeait à occuper toute
ette province de la Chaouia.
Rien, surtout, ne l'obligeait à inter-
venir en faveur de l'un des sultans
contre fautre.,
Pour ma part, au lendemain même
de la révolte de Moulay Hafid, alors
qu'il venait de se faire proclamer à Ma-
rakech, j'ai montré le péril de l'inter-
vention.
Il eût été bien facile, l'incident de
Casablanca ayant été réglé par le gé-
néral Drude au mieux des intérêts
français, de pratiquer ufce politique
d'attente.
Le gouvernement ne l'a /oas voulu. II
a préféré se lancer on avant, et il a est
savé de résoudre le problème en acca-
parant Abd el Aziz.
Aujourd'hui, Abd el Aziz n'est plus
qu'un débris, et nous ne savons ni si
nous reconnaîtrons son frère ni surtout
comment nous pourrons le reconnaîtra.
Nous nous sommes appuyés sur- un
froseau : il s'est brisé
La situation est donc plus compli-
quée, plus incertaine que jamais au
Maroc.
Il ne m'a pas paru possible d'approu-
ver ceux qui l'ont créée.
René RENOULT,
Député de la Haute-Saône.
LA POLITIQUE
AU NOM DE LA FRANCE
M. le ministre des affaires
étrangères joue de malheur.
Quand il garde le silence, il
ferait bien de parler, et lors-
qu'il parle, il ferait mieux de
se taire.
Son apostrophe d'hier à M. Jaurès est
tout à fait pitoyable.
On rechercherait en vain un autre
exemple d'un, tel oubli des convenances
parlementaires et diplomatiques de la
part d'un ministre des* affaires étrangè-
res dont l'habileté, la pondération, la
modération et la prudence doivent être
les qualités essentielles.
Or, M. Pichon a été supérieurement
imprudent, et violemment maladroit.
Son incartade s'excuse d'autant moins
que M. Jaurès venait de prononcer, aux
applaudissements « vifs et répétés sur
un grand nombre de bancs » (ainsi que
le constate l'Officiel) les paroles sui-
vantes :
« Non, je n'apporterai pas de paroles
de panique, et je ne prononcerai pas'
non plus de paroles d'abdication. -
« Nous voulons, la France veut pas-
sionnément la paix; mais, elle ne li-
vrerait à personne la moindre parcelle
de la liberté intérieure de son action, de
la liberté extérieure de ses alliances. »
A un tel langage,il est vraiment inouï
d'avoir opposé une interruption outra-
geante, dans le seul but de provoquer
la diversion hervéiste qui succède —
dams les procédés ministériels — auto-
matiquement à la diversion révolution-
naire-
Les paroles de M. Pichon : « Parlez-
vous au nom de l'Allemagne ? » étaient
non seulement une injure gratuite à un
député français qui exerçait courageuse-
ment son droit de critique et de contrôle
et qui proclamait tout haut ce que tant
d'autres ne cessent de penser tout bas,
mais une maladresse à l'égard d'une
puissance étrangère qu'il était pour le
moins inutile de jeter — et de cette fa-
çon surtout — dans le débat.
M. Pichon est comme le général Roget
dont M. de Galliffet disait « qu'il par-
lait bien, mais qu'il parlait trop ».
Un ministre des affaires étrangères
qui. se laisse aller à de telles boutades
et qui est si peu maître de ses paroles
et de ses nerfs, peut devenir un danger
national.
Avant 'de demander à ses contradic-
teurs s'ils parlent au nom d'une puis-
sance étrangère, M. Pichon devrait bien
se souvenir qu'il a, lui, le grand honneur
de parler — momentanément - au nom
de la France,,
LES O-N-Dl:
-
NOTRE AGENDA
Aujourd'hui dimanche :
Lever du soleil, à 3 h. 58 ; coucher, à
8 h. 5.
Dernier quartier de la lune.
Matinées. — Dans tous les théâtres ou-
verts sauf à l'Opéra et aux Nouveautés.
Courses au Bois de Boulogne.
Aux cyclistes 1.
Les fervents de la pédale seront cer-
tainement curieux d'apprendre com-
ment le « vélo » a été baptisé par les
pays étrangers.
Les Italiens disent « vélociféro » ; les
Espagnols « bicicleta » ; les Anglais
« cycle » ou « weel » ; les Allemands
« farrad » ; les Chinois - « gàngma »
(cheval étranger) ou « feicha » (machine:
volante) ; les Japonais « tzun » (voiture
sans cheval).
Mais l'interprétation la plus originale,
sinon la plus pratique, est certainement
Celle des Hollandais. A La Haye, ce mot
si court et si précis se traduit :
« Govielsnelrijvaettrappendneusdreder-
gestel ».
On a calculé qu'un cycliste entraîné
pourrait couvrir, sans se- hâter, -au
moins deux cents mètres, pendant le
temps quo'il faut pour le prononcer.
L'art de mourir eh dix ISQéfta -,,'
L' une des principales actrices dAn-
gleterre, mistress Bernard Beere, vient
de donner à un journaliste d'intéres-
sants renseigneoments sur une partie
importante de l'art du comédien,l'art de i
tomber mort sur la scène. Cet art-là,
parait-il, ne s'apprend pas dans les
conservatoires : c'est un clown qu'il
faut prendre pour professeur si l'on dé-
sire acquérir la vraie science. Une lon-
gue expérience permet à mistress Ber-
nard Beere d'affirmer que rien n'émeut
aussi violemment le public que de voir
tomber l'acteur à terre tout d'un coup.
Mais cette opération est, en elle-même,
assez malaisée à accomplir.
Pour y parvenir, mistress Bernard
Beere s'adressa à un acrobate renommé,
qui lui apprit à tenir sa tête, à creuser
ses reins de telle façon que tout le poids
de sa chute portât exclusivement sur
les omoplates. - Les premières expérien-
ces se firent sur des matelas, puis sur
d'épais tapis, enfin sur le parquet. Il ne
fallut pas plus de dix séances à mistress
Bernard Beere pour savoir mourir à
merveille (et surtout sans se faire de
mal). L'actrice anglaise termine son
récit en engageant toutes ses rivales à
apprendre, ainsi qu'elle, « J'art de mou-
rir en dix leçons D.
- <.
AUTREFOIS
Rappel du 22 juin 1872. — Les députés
royalistes ont tenté hier une démarche au-
près de M. Thiers. Ils lui ont envoyé des
délégués. Leurs remontrances n'ont pas eu
de succès. M. Thiers s'est placé sur le ter-
rain du centre gauche républicain. Les
droitiers n'ont pu rien obtenir.
M. Thiers a fait des propositions défini-
tives pour la Ibération anticipée du terri-
toire. Le comte d'Arnim, délégué de l'Alle-
magne, a annoncé que les points essentiels
étaient dès à présent acceptés.
Mort de Mme Lambquin, l'excellente
duègne de la Comédie-Française et de 1'0-
déo.
Mort du maréchal Forey.
On commence, à l'angle de la rue de Ri-
voli et du boulevard Sébastopol, les tra-
vaux d'établissement de l'un des futurs
tramways parisiens. Il s'agit d'un simple
essai, s
Le steamer City of Paris vient de som-
brer sur la côte anglaise : 250 victimes.
Trop de néoloqismes ; on a créé récem-
ment ; assement qui est bien laid ; voilà
qu'on invente le mot : volontariat à propos
de la loi militaire ; d'ici peu, à propos de
la loi scolaire, on inventera ; obligatoire-
ment.
Etre sur son trente-et-urr
Au moyen âge, les corps de métiers
étaint réglementés avec tant de sévéri-
té que, par exemple, la matière avec
laquelle ils devaient fabriquer chaque
étoffe était désignée, sa qualité, etc.
Pour les tissus, on fixait le nombre de
fils que devait contenir la largeur.
Les étoffes de première qualité con-
tenaient trente fois soixante fils, d'où
le nom de trentain donné aux étoffes
légères..
Par conséquent, dire de quelqu'un
qu'il portait du trentain, c'était dire
qu'il était riche, qu'il portait des vête-
ments de cérémonie.-
- De ce terme technique, le peuple a
fait trente-un, et comme l'usage, dans
les adjectifs numéreaux, est de. dire
maintenant « trente et un j), on a con-
servé cette expression pour' indiquer
que quelqu'un a mis ses plus beaux
habits.
Par les pieds
Ce n'est pas seulement au langage,
mais aussi au pied qu'on peut recon-
naître la nationalité des hommes.
En général, le Français a le pied
long et étroit ; les Russes ont souvent
les orteils palmés à la première pha-
lange.
L'Espagnol est fier de la hauteur de
son coup de pied ; grâce au sang mau-
re, il a le pied petit et bien cambré. Le
pied de* l'Arabe est à ce point prover-
bial pour sa cambrure élevée, que le
Coran dit qu'un ruisseau peut couler
sous le pied d'un Arabe de race pure,
sans le mouiller.
Quoi qu'on ait dit, le pied de l'An-
glais est ordinairement court et dodu,
celui de l'Ecossais est épais et haut ;
celui de l'Irlandais plat et large.
- Les Grecs gardent de l'ancienne
splendeur la beauté de leurs pieds.
Les plus grands pieds appartiennent
aux Suédois, aux Norvégiens et aux
Allemands, les plus petits aux Améri-
cains.:
Le comité de salut public
Se trouvant à Paris en 1793, le violo-
niste Peppo fut appelé au Comité de
Salut Public comme suspect, et on lui
fit subir l'interrogatoire suivant ;
- Ton nom 7
Peppo.
- Ta profession? •
- Je joue du violon.
— Que faisais-tu du temps du t.
ran ?
- Je jouais du violon.
- Que fais-tu maintenant ?
- Jé joue du violon.
- Que feras-tu pour la nation ?
— Je jouerai du violon.
Et, chose extraordinaire, Peppo fut
acquitté..
Un acquittement non moins curieux
par le même Comité de Salut Public
fut celui du marquis de Saint-Cyr.
— Ton nom ? demanda le président
au ci-devant.
— Marquis de Saint-Cyr.
— Il n'y a plus de marquis.
— Soit. Je m'appellerai donc de
Saint-Cyr tout court.
— Il n'y a plus de nobles, plus do
particule. - -
- Saint-Cyr, si vous voulez., -
— Il n'y a plus de saint..
- Alors, Cyr ! fit le marquis avec
impatience.
- Il n'y a plus de sire.
— .! jura M, de Saint-Cyr qui, com-
me plus tard Cambronne, eut le der-
nier mot, et cette interjection le sauva
par les rires qu'elle souleva..
, En passant..*
Un homme qui peut se vanter d'avoir eu
la main heureuse, c'est l'honnete et paisi-
ble M. Fleury, rentier. de son état et Orléa"
nais de naissance.
M. Fleury, qui venait de recueillir, un
très bel héritage. résolut aussitôt de - venir
manger ses bonnes rentes à Paris, et de
s'y amuser décemment avec sa petite la-
mille.
Son premier soin [ut de s'enquérir d'un
appartement confortable dans une maison
Il bourgeoisement habitée » et par-dessus
tout bienv tranquille.
Il trouva, après. de longues et laborieu-
ses recherches, le « home » rêvé, rua Bois-
sy-d'Anglas. Appartement « modem style .»,
eau, électricité, ascenseur, premier ëlage
e-ur la rue, soleil et poussière à discrétion.
Il y avait bien au-dessous de l'apparte-
ment un restaurant-bar ; mais on assura d
M. Fleury, en lui faisant signer le bail, que
cet établissement était un modèle de silen-
ce et de tranquillité.
De fait, après avoir passé — à litre d'es-
sai — toute une journée, de sept heures du
matin à onze heures du soir, dans l'appar-
tement, M. Fleury ne constata aucun bruit
insolite.
Vite il s'en fut chercher sa « dame » c,
ses « demoiselles » et, ravie, toute la petite
famille débarqua un beau soir à Paris, el
s'en fut paisiblement coucher dans sa nou-
velle demeure.
- « Quel calme ! » murmura le nouveau
locataire, en fermant les yeux vers onze
heures et demie : « Quel calme ! » répéta
langoureusement Madame.» Quel calme ! »
soupiraient presque à regret ces demoisel-
les.
Mais à minuit ': Ah ! mes enfants !
Un tintamarre formidable, une cacopho-
nie effroyable, un chahut invraisemblable
firent tressauter toute la famille Fleury.
Le bar-restaurant, en effet possède une
clientèle exclusivement composée de fê-
tards et de demi-mondaines, qui n'apparait
qu'après la sortie des théâtres ; et c'était
une bande joyeuse qui faisait son entrée.
Atlolé, consterné, stupéfait, abruti,sidéré
— si j'ose dire, — M. Fleury dut chaque
nuit entendre le même chambard. Il se ré-
signa à faire instrumenter un huissier,
dont voici le constat :
A ininuit, l'orchestre joue un morceau
que plusieurs personnes, hommes et fem-
mes, chantent en même temps, puis de
nombreuse voix crient : « Ah ! ah ! »
L'air est repris en chœur par de nombreu-
ses voix.
A tout instant on entend 3e bruit d'une
porte violemment ouverte et refermée. A
minuit dix, une femme chante un couplet
de la romance Nous avons tous eu vingt
ans. Le piano l'accompagne. A minuit
vingt-cinq, les consommateurs deviennent
de plus en plus nombreux, les conversa-
tions se font à plus haute voix et l'orches-
tre continue à jouer, mais à intervalles un
peu moins rapprochés.
A une heure cinq. valse lente, chantée
par un homme.
A une heure dix, explosion de cris : « Ah!
ah ! àh i » -
A un heure quinze, chaises violemment
remuées, cris perçants comme en poussenf
habituellement les femmes pincées ou vio-
lemment chatouitllées, bruit de verres bri-
sés.
A une heure vingt, l'orchestre joue une
chanson et le refrain : Non, je ne marche
pas ! Non, je ne marche pas ! est repris en
chœur par de nombreuses voix d'hommes
et de femmes avec accompagnement de
coups de talons sur le plancher.
A une heure vingt-cinq, un homme se
met à chanter le Père la Victoire;
A une heure et demie, l'orchestre joue la
danse du ventre, Travadia la mouquère.
Hommes et femmes poussent des cris per-
çants. Devant la porte,des clfauffeurs et co-
chers en groupe, causent à haute voix.
M. Fleury plaide contre son propriétaire.
Mais en attendant >il voit avec terreur la
bonne Mme Fleury fredonner à la moindre
observation : « Non, je ne marche pas !
Non, je ne marche pas ! » Et Mesdemoisel-
les Fleury elles-mêmes, onduler les han-
ches en chantant à lue-tête : d Travadja la
mouquère, travadja eh papa ! ». tandis que
la petite bonne d'Orléans — oublieuse de
Jeanne d'Arc — écorne toute la vaisselle en
dansant la Mattchich.
Le Chemineau.
i
LA LEC, ON
L'émoi produit par les belliqueuses paro-
les de Guillaume II fait ressortir les incon-
vénients du pouvoir personnel.
Si un président de la République ou un
ministre parlementaire avait prononcé les
mots Qu'on prête à l'empereur allemand,
l'opinion et les Chambres pourraient les
désavouer énergiquement et leur rendre
leur véritable signification.
.- En Allemagne, au contraire, il n'existe
aucun correctif. La harangue impériale con-
serve donc, toute sa gravité. Nous croyons
qu'ilconvicnt toutefois de ne pas en exagé-
rer Ja portée. Ces mots en fanfare ont dû
être prononcés soit à la fin d'un banquet
copieux soit à la suite d'une parade de ca-
valerie qui a dû mettre en relief les incom-
parables qualités d'entraînement de l'ar-
mée allemande.
Guillaums II a voulu galvaniser le chau-
vinisme teuton en chatouillant l'amour-pro-
prc. national .11 a réussi.
Aujourd'hui, l'effet est produit. Le. calme
succMe à la tempête. Guillaume II est sa-
tisfait de sa rentrée en scène et de son ges-
te impressionnant- Laissons-lui le plaisir
d'un si facile succès ; mais ne perdons pas
- de vue la leçon qui se dégage de cette nou-
velle incartade de l'impulsif empereur.
- Aussi longtemps que notre armée sera
forte, nous pouvons envisager l'avenir sans
appréhension. Il n'en sera plus .de même
.le jour où nous commettrons la folie de ré-
duire notre Duissance. militaire.
Ce jour-là. une nouvelle harangue -. de
GmMvhnKi II aura peur conséquence immé-
diate l'invasion de notre territoire.
Qu'on se le tienne pour dit.
Jean Clerval.
EN PLEIN M YSTÈRE
lit li vittWnir f mit,
L'émotion au Palais. — Bruits de démissions et de disgrâces:
- Quelques questions à M. Leydet. — Les raisons
d'un ministre.
La disgrâce qui a été infligée à M. Le
Poittevin par M. le garde des sceaux a
produit au Palais une émotion considé-
rable et qui n'est pas encore calmée.
Elle l'est d'autant moins que l'on s'at-
tend, d'un moment à l'autre, à ce
qu'une mesure analogue soit prise à
l'égard d'un des juges qui instruisent
les fameux crimes mystérieux dont l'o-
pinion publique attend le dénouement
avec une si légitima impatience.
La sanction qui a frappe m. Le Poit-
tevin a jeté l'épouvante parmi de vieux
juges qui s'étaient cru jusque-là intan-
gibles en leur tour d'ivoire, et l'on prê-
tait même à d'aucuns, dont la mentalité
ne correspondrait plus avec l'idée que
doit se faire de la justice une démocra-
tie, l'intention de donner leur démis-
sion, en manière de protestation écla-
tante. Qu'ils démissionnent en faisant
claquer derrière eux les portes du pré-
toire de Thémis; ceux que bouleverse
l'idée de voir s'introduire des mœurs
nouvelles dans la magistrature. de la
République, ceux qui rebutent à la
pensée que la justice, pour ,-,re saine,
vraie et éternelle, doit être égale pour
tous, ce ne sont pas les défenseurs et
les véritables amis de la démocratie qui
regretteront leur départ.
Rendant compte de - l'émotion soule-
vée au Palais par la disgrâce de M. Le
Poittevin, Le Matin écrivait hier :
, On racontait que la façon de procéder de cer-
tain juge d'instruction chargé d'une retentis-
sante affaire avait extrêmement déplu en haut
lieu. Et les gens « bien informés » précisaient,
disant que l'on s'était fort étonné, qu'en raison
des relations d'amitié qu'il entretenait avec des
personnages touchant t-e près à l'affaire, le ma-
gistrat en question ne se fût point récusé dès
qu'il avait été commis.
On ajoutait qu'un autre juge d'instruction se
trouvait également en fâcheuse posture et que
ses qualités professionnelles avaient été mises
en doute sans qu'il se fût agi cependant de sé-
vir contre lui.
- Et tout le monde judiciaire s'agitait, dans un
état d'extraordinaire nervosité, d '-
Ajoutons que .contrairement à ce qUêcer-
tains ont prétendu, M. Le Poittevin n'a pas
été frappé sans avoir été entendu. Il avait été
appelé à. fournir des explications au procureuT
général. Ces explications furent jugées insuffi-
santes. C'est alors que M. Briand prit la mesure
que l'on sait.
- De son côté, le Journal s'exprimait
en ces termes : ,
î)'aiileurs, l'émotion, déjà très intense, s'est
accrue encore quand on a su, par les confiden-
ces mêmes d'un de ceux qui se sont employés
à provoquer la disgrâce de M. Le Poittevin; que
d'autres « exécutions » étaient imminentes. Il
paraît, en effet, que le Parquet général, très
affecté de l'insuccès des enquêtes ouvertes au
sujet des crimes récents aurait décidé de sévir.
Un des magistrats chargés 'de l'instruction au-
rait entretenu des relations d'amitié avec une
des personnes mêlées à l'une de ces affaires.
Bien que des relations semblables aient existé
entre cette personne et de très nombreux magis-
trats de la Seine. le Parquet général estime que
ce juge d'instruction aurait dû décliner l'affaire
et, sans doute, va-t-il essayer d'obtenir contre lui
une mesure analogue à celle qui vient de frap-
per M. Le Poittevin.
Enfin, la Libre ParoLt, accentuant la
note, écrivait :
On nous affirme que la disgrâce dont M. Le
Poittevin vient d'être frappé va être suivie d'une
autre. Celui qui en seraIL victime n'est autre que
M. Leydet, chargé de l'instruction du drame, de
l'impasse Ronsin. Sur un rapport du procureur
général, le garde des sceaux doit signer, au-
jourd'hui même, un décret relevant M. Leydet
de ses fonctions pour ne s'être pas récusé « en
faisant connaître ses relations particulières avec
le principal témoin ».
Il va sans dire que nous faisons, en
ce qui concerne les motifs indiqués par
nos confrères comme devant provoquer
la disgrâce de M. Leydet, toutes les ré-
serves d'usage en matière d'informa-
tions.
A l'heure où nous écrivons ces lignes,
M. Leydet étant encore en fonctions,
nous en concluons "que la mesure an-
noncée était tout au moins prématurée,
et cela nous permet de demander à M.
Leydet, en même temps qu'à M. Ha-
mard, quelle impression leur a pro-
duite 'la découverte qu'ils auraient faite
— paraît-il — dans la chambre du
troisième étage où Rémy Couillard
prétend avoir couché la nuit du crime,
de draps de lit et de linges, dont la
finesse a dû les frapper, et de tout un
attirail de toilette et de parfumerie
qu'il est plutôt rare de rencontrer dans
une chambre de domestique ?
En présence de cette découverte, les
magistrats ont-ils été amenés à se de-
mander pour quelles raisons un tel raf-
finement existait dans cette chambre,
et ont-ils élucidé ces questions ?
Nous poserons encore une question à
M Leydet. Ce magistrat est-il bien sûr
de toute la sincérité des déclarations qui
lui ont été faites ? Les a-t-il vérifiées et
contrôlées comme il convenait qu'elles
le fussent en pareille circonstance, el
pourrait-il affirmer que certain jour, c.u
cours d'un de ses interrogatoires, il
n'eut pas l'impression que des aveux
allaient lui être faits, qui pourraient le
mettre sur la trace des coupables, s'il
serrait de plus près ses questions i
Nous voulons encore espérer que M.
Leydet saura aboutir a autre chose
qu'un classement de l'affaire. Il le peut
et il le doit s'il un était autrement, si
mm_ en supposant qu'il se trouve des-
saisi, un autre magistrat aboutissait au
même résultat, nous avons de sérieuses
raisons de croire que — malgré tout el
malgré tous — la vérité sera connue..
En. toute cette affaire, nous l'avons
déjà dit, et nous ne saurions trop l £
répéter, nous ne poursuivons aucun au*
tre but que celui de vouloir que la jus.
tice soit égale pour tous, pour les hum*;
bles comme pour les riches, ceux-ci
pussenfrils mettre dans la balance dt
cette justice les relations les plus bril*
Jantes et les protections les plus hau-
tes.
Nou avons nlaisir à constater quef
ion ne pense pas autremont que nona
au ministère de la justice, si noua noua
en rapportons aux déclarations qui ont
été faites à notre confrère le Tempsi
par un des collaborateurs de M. Briand
— en même temps que son ami le plus
intime, — à propos de la disgrâce de:
M. Le PoKtevin : -
Tenez pour certain,. a dit ce fraut fonction*
naire, que l'émoi qui s'est emparé du Palais. si
vraiment il atteint lé degré "que l'on dit, ne tar-
dera pas à se dissiper. Il ne restera bientôt plus.
de. la mesure prise nar le garde des sceaux dans
cette affaire, où tant de choses inexactes ontéla.
dites ou écrites, qu'une indication qu'il était né-
cessaire, même indispensable, de donner danis
J'intérét de la justice : à savoir que "instruction;
des affaires criminelles est chose grave et gé--
rieuse qui doit se proposer pour effet et pour
but, non de donner la comédié au public, mais
d'assurer la répression des délits et des crimes
et le châtiment des coupables. Veuillez noter fi
ce propos que les journaux oui s'étonnent et
qui s'indignent de la mesure prise contre M. Le
Poittevin sont les mêmes qui la veille faisaient
des gorges chaudes sur la façon dont ce m agis-»
trat conduisait son instruction.
.:. Maîntenant, je crois pouvoir dire que cet
n'est pas sans peine que le garde des sceaux
a pris cette mesure contre M. Le Poittevfn, qu'il
considère comme un magistrat distingué et un
jurisconsulte de valeur. Il n'a pas voulu brisesl
la carrière de M. Le Poittevin en agissant com-
me il l'a fait. Il a jugé que dans l'intérêt. de la
justice, un exemple était indispensab'e, et il est
convaincu que cet exemple portera ses fruits.
Nous voulons espérer que le minis-
tre de la justice, qui n'a pas hésité à
faire son devoir, aura donné là uir
exemple dont il sera tenu compte.
+
Enquêtes et instructions
LA FUITE DE LEMOINE" '•
On est toujours sans nouvelles de la (i
rection qu'a pu prendre Lemoine en quit-
tant Paris.
Deux inspecteurs de la sûreté se sont
rendus à Hendaye où l'on pense que Le-
moine a pu se cacher sous un faux nom
en attendant de pouvoir s'embarquer pour
la République Argentine.
M. LEMOINE
'- - <
Le bruit ayant couru également que La.
moine s'était réfugié à Vienne, la police
viennoise a fait aussitôt de minutieuses re-
cherches dans tous les hôtels où il avait
pu descendre. Elle n'a trouvé nulle part
de voyageur dont le signalement pût ré-
pondre à celui de Lemoine et croit pou-
voir affirmer que celui-ci n'est pas à
Vienne.
M. Saumande, le juge de la 6e chambrei
remplaçant à l'instruction M. Le Poitte-
vin. a été installé, l'après-midi, au cours
de l'audience de la lre chambre.
Le président, M. Tassard, a simplement
donné lecture de l'arrêté du garde dclt
sceaux, M. Saumande n'ayant pas besoit
de prêter serment, puisqu'il a fait déjà par-
tie du tribunal civil de la Seine.
Après cette installation, M. Saumandtf
s'est rendu au cabinet n° 1 qu'il occuperai
désormais. Il l'a, du reste, quitté presqua
aussitôt. Il ne commencera effectivement
son service que lundi. :
LE CRIME DE LA PEPINIERE
M. Ogier directeur du laboratoire de to*
xicolocie à procédé à l'examen chimique
de la chemise d'homme trouvée à l'hôtel
Rémy et sur une des manches de laquelle
on avait remarqué des traces rougeàtres.,
Il est désormais démontrée que ces tàcbetr
ont été produites par de l'oxyde de fer.
Cette chemise appartenait au conciergejle
la maison qui exerce, pendant la journée,,
la nrofession de graisseur a ascenseur.
M. Albanel, juge d'instruction, poursui-
vant son enquêtefa interrogé, l'a.près-miŒ',
le maitre d'hôtel Renard et un des neveu*
de M. Rérny.
M. Albanel suit une piste très intére
santé dont il espère beaucoup et il aurait
CINQ CENTIMES ZJB KCMEHO
.- - :: # -. -.,,- 0_,., .-.,
--- Lundi 2S Juin 1808. — W 139SS
Lundi 2S UiD 2808. - X. IS9se. ;
LE XIX'SIECLE
ANNONCES
ICI BUREAUX DU JOURNAL
M, rae da Mail, Pari.
81 «fc« MM. LAGRANGE, CERF et O
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Départements î L 12 L 2t
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RÉDACTION : 14, RUE OU MAIL, PARIS. - TÉLÉPHONE 108.82
Qe4è 8 hturet du soir etdt iO heurtt du teir à 4 keurt du matin
FONDATEUR: EDMOND ABOUT
AOMINtSTRATlOW : 14* RUE-DIX-MAIL* - TfLEPDGNB- 108 89
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- - TRIBUNE LIBRE
-
Politique incertaine
- <
Le débat d'avant-hier ne
rassurera pas l'opinion pu-
isque qu'inquiète de plus en
plus l'aventure marocaine.
Certes, l'ordre du jour
Gervais, qui reproduit à peu
pextuellement le premier ordre du
jour Dubief, exprime à nouveau la vo-
lonté déjà manifestée par la Chambre,
de pratiquer, dans les questions inté-
rieures du Maroc, une politique d'abso-
lue neutralité. »
D'autre part, M. Pichon a pris hier
un engagement formel, en ce qui con-
cerne l'évacuation progressive de la
Chaouia enfin pacifiée, paraît-il. Mais
ces promesses seront-elles tenues ?
Il est évident que le premier ordre
du jour Duoief, qui a été voté à nou-
veau, n'a pas été respecté par le gou-
vernement. Il est évident que le gouver-
nement, malgré eet ordre du jour, a pris
parti, même militairement, en faveur
d'Abd el Aziz contre Moulay Haficl.
Qui nous dit que les excitations colo-
nialistes, dont M. Pichon lui-même a
avoué la violence, n'entraîneront pas
encore une fois le ministère ?
:' Les déclarations faites-par M. Pichon
autorisent au moins des inquiétudes.
Elles manquent de netteté. Les instruc-
tions au général d'Amade marquent la
volonté de continuer la politique de pro-
tection envers Abd el Aziz. Le système
préconisé pour l'évacuation dei la
Chaouie paraît tellement impraticable,
qu'il semble avoir été imaginé tout
exprès pour permettre au gouvernement
d'ajourner indéfiniment l'évacuation
slle-même.
M. Jaurès, dans une forte démonstra-
tion dont certaine apostrophe vraiment
inadmissible, a plutôt augmenté la por-
tée, a fait la critique de ce système.
Il est évident que le retrait de nos
troupes est d'autant moins facile à exé-
cuter, que nous sommes allés plus loin
dans l'expédition.
On a cédé aux sommations des colo-
niaux, aux injonctions du Temps, on a
rappelé le général Drude, trop prudent,
afin d'aller jusqu'au fond de la Chaouia,
pour couper la route de Fez à Moulay
Hafid ; maintenant on hésite, et je le
comprends, à abandonner à elles-mêmes
les tribus domptées, mais frémissantes
sous notre joug.
On hésite, telle est la caractéristique
ide la politique marocaine du gouverne-
ment, qu'il s'agisse de la question de la
Chaouia ou de l'attitude générale à ob-
server dans le conflit des deux sultans.
Cette hésitation, nous avons été nom-
breux à la sentir, à la Chambre, dens
la séanoe de vendredi..
Le pays la sent lui aussi. Ce serait
faire injure au bon sens populaire de
le nier. L'opinion publique a très bien
démêlé toutes les contradictions du mi-
nistère sur cette question.
C'est pourquoi l'expédition marocai-
ne, impopulaire dès l'origine, irrite de
plus en plus les esprits.
Certes, on admire le courage des
troupes françaises ; mais l'expédition
elle-même est détestée. Elle ne peut en
effet servir les intérêts généraux du
pays, et chacun comprend combien elle
est dangereuse..
Le scrutin de vendredi montre assez
que ce malaise est partagé par un
grand nombre d'élus.
Plus de cent cinquante députés de
gauche, radicaux et socialistes, ont
manifesté ou leur désapprobation, ou
leur inquiétude.
Il y a là un fait d'une incontestable
importance, que le gouvernement ferait
bien de ne pas négliger.
Sa tâche est difficile, mais c'est lui
qui a créé la situation actuelle, en obéis-
sant à certaines impatiences.
Rien ne l'obligeait à occuper toute
ette province de la Chaouia.
Rien, surtout, ne l'obligeait à inter-
venir en faveur de l'un des sultans
contre fautre.,
Pour ma part, au lendemain même
de la révolte de Moulay Hafid, alors
qu'il venait de se faire proclamer à Ma-
rakech, j'ai montré le péril de l'inter-
vention.
Il eût été bien facile, l'incident de
Casablanca ayant été réglé par le gé-
néral Drude au mieux des intérêts
français, de pratiquer ufce politique
d'attente.
Le gouvernement ne l'a /oas voulu. II
a préféré se lancer on avant, et il a est
savé de résoudre le problème en acca-
parant Abd el Aziz.
Aujourd'hui, Abd el Aziz n'est plus
qu'un débris, et nous ne savons ni si
nous reconnaîtrons son frère ni surtout
comment nous pourrons le reconnaîtra.
Nous nous sommes appuyés sur- un
froseau : il s'est brisé
La situation est donc plus compli-
quée, plus incertaine que jamais au
Maroc.
Il ne m'a pas paru possible d'approu-
ver ceux qui l'ont créée.
René RENOULT,
Député de la Haute-Saône.
LA POLITIQUE
AU NOM DE LA FRANCE
M. le ministre des affaires
étrangères joue de malheur.
Quand il garde le silence, il
ferait bien de parler, et lors-
qu'il parle, il ferait mieux de
se taire.
Son apostrophe d'hier à M. Jaurès est
tout à fait pitoyable.
On rechercherait en vain un autre
exemple d'un, tel oubli des convenances
parlementaires et diplomatiques de la
part d'un ministre des* affaires étrangè-
res dont l'habileté, la pondération, la
modération et la prudence doivent être
les qualités essentielles.
Or, M. Pichon a été supérieurement
imprudent, et violemment maladroit.
Son incartade s'excuse d'autant moins
que M. Jaurès venait de prononcer, aux
applaudissements « vifs et répétés sur
un grand nombre de bancs » (ainsi que
le constate l'Officiel) les paroles sui-
vantes :
« Non, je n'apporterai pas de paroles
de panique, et je ne prononcerai pas'
non plus de paroles d'abdication. -
« Nous voulons, la France veut pas-
sionnément la paix; mais, elle ne li-
vrerait à personne la moindre parcelle
de la liberté intérieure de son action, de
la liberté extérieure de ses alliances. »
A un tel langage,il est vraiment inouï
d'avoir opposé une interruption outra-
geante, dans le seul but de provoquer
la diversion hervéiste qui succède —
dams les procédés ministériels — auto-
matiquement à la diversion révolution-
naire-
Les paroles de M. Pichon : « Parlez-
vous au nom de l'Allemagne ? » étaient
non seulement une injure gratuite à un
député français qui exerçait courageuse-
ment son droit de critique et de contrôle
et qui proclamait tout haut ce que tant
d'autres ne cessent de penser tout bas,
mais une maladresse à l'égard d'une
puissance étrangère qu'il était pour le
moins inutile de jeter — et de cette fa-
çon surtout — dans le débat.
M. Pichon est comme le général Roget
dont M. de Galliffet disait « qu'il par-
lait bien, mais qu'il parlait trop ».
Un ministre des affaires étrangères
qui. se laisse aller à de telles boutades
et qui est si peu maître de ses paroles
et de ses nerfs, peut devenir un danger
national.
Avant 'de demander à ses contradic-
teurs s'ils parlent au nom d'une puis-
sance étrangère, M. Pichon devrait bien
se souvenir qu'il a, lui, le grand honneur
de parler — momentanément - au nom
de la France,,
LES O-N-Dl:
-
NOTRE AGENDA
Aujourd'hui dimanche :
Lever du soleil, à 3 h. 58 ; coucher, à
8 h. 5.
Dernier quartier de la lune.
Matinées. — Dans tous les théâtres ou-
verts sauf à l'Opéra et aux Nouveautés.
Courses au Bois de Boulogne.
Aux cyclistes 1.
Les fervents de la pédale seront cer-
tainement curieux d'apprendre com-
ment le « vélo » a été baptisé par les
pays étrangers.
Les Italiens disent « vélociféro » ; les
Espagnols « bicicleta » ; les Anglais
« cycle » ou « weel » ; les Allemands
« farrad » ; les Chinois - « gàngma »
(cheval étranger) ou « feicha » (machine:
volante) ; les Japonais « tzun » (voiture
sans cheval).
Mais l'interprétation la plus originale,
sinon la plus pratique, est certainement
Celle des Hollandais. A La Haye, ce mot
si court et si précis se traduit :
« Govielsnelrijvaettrappendneusdreder-
gestel ».
On a calculé qu'un cycliste entraîné
pourrait couvrir, sans se- hâter, -au
moins deux cents mètres, pendant le
temps quo'il faut pour le prononcer.
L'art de mourir eh dix ISQéfta -,,'
L' une des principales actrices dAn-
gleterre, mistress Bernard Beere, vient
de donner à un journaliste d'intéres-
sants renseigneoments sur une partie
importante de l'art du comédien,l'art de i
tomber mort sur la scène. Cet art-là,
parait-il, ne s'apprend pas dans les
conservatoires : c'est un clown qu'il
faut prendre pour professeur si l'on dé-
sire acquérir la vraie science. Une lon-
gue expérience permet à mistress Ber-
nard Beere d'affirmer que rien n'émeut
aussi violemment le public que de voir
tomber l'acteur à terre tout d'un coup.
Mais cette opération est, en elle-même,
assez malaisée à accomplir.
Pour y parvenir, mistress Bernard
Beere s'adressa à un acrobate renommé,
qui lui apprit à tenir sa tête, à creuser
ses reins de telle façon que tout le poids
de sa chute portât exclusivement sur
les omoplates. - Les premières expérien-
ces se firent sur des matelas, puis sur
d'épais tapis, enfin sur le parquet. Il ne
fallut pas plus de dix séances à mistress
Bernard Beere pour savoir mourir à
merveille (et surtout sans se faire de
mal). L'actrice anglaise termine son
récit en engageant toutes ses rivales à
apprendre, ainsi qu'elle, « J'art de mou-
rir en dix leçons D.
- <.
AUTREFOIS
Rappel du 22 juin 1872. — Les députés
royalistes ont tenté hier une démarche au-
près de M. Thiers. Ils lui ont envoyé des
délégués. Leurs remontrances n'ont pas eu
de succès. M. Thiers s'est placé sur le ter-
rain du centre gauche républicain. Les
droitiers n'ont pu rien obtenir.
M. Thiers a fait des propositions défini-
tives pour la Ibération anticipée du terri-
toire. Le comte d'Arnim, délégué de l'Alle-
magne, a annoncé que les points essentiels
étaient dès à présent acceptés.
Mort de Mme Lambquin, l'excellente
duègne de la Comédie-Française et de 1'0-
déo.
Mort du maréchal Forey.
On commence, à l'angle de la rue de Ri-
voli et du boulevard Sébastopol, les tra-
vaux d'établissement de l'un des futurs
tramways parisiens. Il s'agit d'un simple
essai, s
Le steamer City of Paris vient de som-
brer sur la côte anglaise : 250 victimes.
Trop de néoloqismes ; on a créé récem-
ment ; assement qui est bien laid ; voilà
qu'on invente le mot : volontariat à propos
de la loi militaire ; d'ici peu, à propos de
la loi scolaire, on inventera ; obligatoire-
ment.
Etre sur son trente-et-urr
Au moyen âge, les corps de métiers
étaint réglementés avec tant de sévéri-
té que, par exemple, la matière avec
laquelle ils devaient fabriquer chaque
étoffe était désignée, sa qualité, etc.
Pour les tissus, on fixait le nombre de
fils que devait contenir la largeur.
Les étoffes de première qualité con-
tenaient trente fois soixante fils, d'où
le nom de trentain donné aux étoffes
légères..
Par conséquent, dire de quelqu'un
qu'il portait du trentain, c'était dire
qu'il était riche, qu'il portait des vête-
ments de cérémonie.-
- De ce terme technique, le peuple a
fait trente-un, et comme l'usage, dans
les adjectifs numéreaux, est de. dire
maintenant « trente et un j), on a con-
servé cette expression pour' indiquer
que quelqu'un a mis ses plus beaux
habits.
Par les pieds
Ce n'est pas seulement au langage,
mais aussi au pied qu'on peut recon-
naître la nationalité des hommes.
En général, le Français a le pied
long et étroit ; les Russes ont souvent
les orteils palmés à la première pha-
lange.
L'Espagnol est fier de la hauteur de
son coup de pied ; grâce au sang mau-
re, il a le pied petit et bien cambré. Le
pied de* l'Arabe est à ce point prover-
bial pour sa cambrure élevée, que le
Coran dit qu'un ruisseau peut couler
sous le pied d'un Arabe de race pure,
sans le mouiller.
Quoi qu'on ait dit, le pied de l'An-
glais est ordinairement court et dodu,
celui de l'Ecossais est épais et haut ;
celui de l'Irlandais plat et large.
- Les Grecs gardent de l'ancienne
splendeur la beauté de leurs pieds.
Les plus grands pieds appartiennent
aux Suédois, aux Norvégiens et aux
Allemands, les plus petits aux Améri-
cains.:
Le comité de salut public
Se trouvant à Paris en 1793, le violo-
niste Peppo fut appelé au Comité de
Salut Public comme suspect, et on lui
fit subir l'interrogatoire suivant ;
- Ton nom 7
Peppo.
- Ta profession? •
- Je joue du violon.
— Que faisais-tu du temps du t.
ran ?
- Je jouais du violon.
- Que fais-tu maintenant ?
- Jé joue du violon.
- Que feras-tu pour la nation ?
— Je jouerai du violon.
Et, chose extraordinaire, Peppo fut
acquitté..
Un acquittement non moins curieux
par le même Comité de Salut Public
fut celui du marquis de Saint-Cyr.
— Ton nom ? demanda le président
au ci-devant.
— Marquis de Saint-Cyr.
— Il n'y a plus de marquis.
— Soit. Je m'appellerai donc de
Saint-Cyr tout court.
— Il n'y a plus de nobles, plus do
particule. - -
- Saint-Cyr, si vous voulez., -
— Il n'y a plus de saint..
- Alors, Cyr ! fit le marquis avec
impatience.
- Il n'y a plus de sire.
— .! jura M, de Saint-Cyr qui, com-
me plus tard Cambronne, eut le der-
nier mot, et cette interjection le sauva
par les rires qu'elle souleva..
, En passant..*
Un homme qui peut se vanter d'avoir eu
la main heureuse, c'est l'honnete et paisi-
ble M. Fleury, rentier. de son état et Orléa"
nais de naissance.
M. Fleury, qui venait de recueillir, un
très bel héritage. résolut aussitôt de - venir
manger ses bonnes rentes à Paris, et de
s'y amuser décemment avec sa petite la-
mille.
Son premier soin [ut de s'enquérir d'un
appartement confortable dans une maison
Il bourgeoisement habitée » et par-dessus
tout bienv tranquille.
Il trouva, après. de longues et laborieu-
ses recherches, le « home » rêvé, rua Bois-
sy-d'Anglas. Appartement « modem style .»,
eau, électricité, ascenseur, premier ëlage
e-ur la rue, soleil et poussière à discrétion.
Il y avait bien au-dessous de l'apparte-
ment un restaurant-bar ; mais on assura d
M. Fleury, en lui faisant signer le bail, que
cet établissement était un modèle de silen-
ce et de tranquillité.
De fait, après avoir passé — à litre d'es-
sai — toute une journée, de sept heures du
matin à onze heures du soir, dans l'appar-
tement, M. Fleury ne constata aucun bruit
insolite.
Vite il s'en fut chercher sa « dame » c,
ses « demoiselles » et, ravie, toute la petite
famille débarqua un beau soir à Paris, el
s'en fut paisiblement coucher dans sa nou-
velle demeure.
- « Quel calme ! » murmura le nouveau
locataire, en fermant les yeux vers onze
heures et demie : « Quel calme ! » répéta
langoureusement Madame.» Quel calme ! »
soupiraient presque à regret ces demoisel-
les.
Mais à minuit ': Ah ! mes enfants !
Un tintamarre formidable, une cacopho-
nie effroyable, un chahut invraisemblable
firent tressauter toute la famille Fleury.
Le bar-restaurant, en effet possède une
clientèle exclusivement composée de fê-
tards et de demi-mondaines, qui n'apparait
qu'après la sortie des théâtres ; et c'était
une bande joyeuse qui faisait son entrée.
Atlolé, consterné, stupéfait, abruti,sidéré
— si j'ose dire, — M. Fleury dut chaque
nuit entendre le même chambard. Il se ré-
signa à faire instrumenter un huissier,
dont voici le constat :
A ininuit, l'orchestre joue un morceau
que plusieurs personnes, hommes et fem-
mes, chantent en même temps, puis de
nombreuse voix crient : « Ah ! ah ! »
L'air est repris en chœur par de nombreu-
ses voix.
A tout instant on entend 3e bruit d'une
porte violemment ouverte et refermée. A
minuit dix, une femme chante un couplet
de la romance Nous avons tous eu vingt
ans. Le piano l'accompagne. A minuit
vingt-cinq, les consommateurs deviennent
de plus en plus nombreux, les conversa-
tions se font à plus haute voix et l'orches-
tre continue à jouer, mais à intervalles un
peu moins rapprochés.
A une heure cinq. valse lente, chantée
par un homme.
A une heure dix, explosion de cris : « Ah!
ah ! àh i » -
A un heure quinze, chaises violemment
remuées, cris perçants comme en poussenf
habituellement les femmes pincées ou vio-
lemment chatouitllées, bruit de verres bri-
sés.
A une heure vingt, l'orchestre joue une
chanson et le refrain : Non, je ne marche
pas ! Non, je ne marche pas ! est repris en
chœur par de nombreuses voix d'hommes
et de femmes avec accompagnement de
coups de talons sur le plancher.
A une heure vingt-cinq, un homme se
met à chanter le Père la Victoire;
A une heure et demie, l'orchestre joue la
danse du ventre, Travadia la mouquère.
Hommes et femmes poussent des cris per-
çants. Devant la porte,des clfauffeurs et co-
chers en groupe, causent à haute voix.
M. Fleury plaide contre son propriétaire.
Mais en attendant >il voit avec terreur la
bonne Mme Fleury fredonner à la moindre
observation : « Non, je ne marche pas !
Non, je ne marche pas ! » Et Mesdemoisel-
les Fleury elles-mêmes, onduler les han-
ches en chantant à lue-tête : d Travadja la
mouquère, travadja eh papa ! ». tandis que
la petite bonne d'Orléans — oublieuse de
Jeanne d'Arc — écorne toute la vaisselle en
dansant la Mattchich.
Le Chemineau.
i
LA LEC, ON
L'émoi produit par les belliqueuses paro-
les de Guillaume II fait ressortir les incon-
vénients du pouvoir personnel.
Si un président de la République ou un
ministre parlementaire avait prononcé les
mots Qu'on prête à l'empereur allemand,
l'opinion et les Chambres pourraient les
désavouer énergiquement et leur rendre
leur véritable signification.
.- En Allemagne, au contraire, il n'existe
aucun correctif. La harangue impériale con-
serve donc, toute sa gravité. Nous croyons
qu'ilconvicnt toutefois de ne pas en exagé-
rer Ja portée. Ces mots en fanfare ont dû
être prononcés soit à la fin d'un banquet
copieux soit à la suite d'une parade de ca-
valerie qui a dû mettre en relief les incom-
parables qualités d'entraînement de l'ar-
mée allemande.
Guillaums II a voulu galvaniser le chau-
vinisme teuton en chatouillant l'amour-pro-
prc. national .11 a réussi.
Aujourd'hui, l'effet est produit. Le. calme
succMe à la tempête. Guillaume II est sa-
tisfait de sa rentrée en scène et de son ges-
te impressionnant- Laissons-lui le plaisir
d'un si facile succès ; mais ne perdons pas
- de vue la leçon qui se dégage de cette nou-
velle incartade de l'impulsif empereur.
- Aussi longtemps que notre armée sera
forte, nous pouvons envisager l'avenir sans
appréhension. Il n'en sera plus .de même
.le jour où nous commettrons la folie de ré-
duire notre Duissance. militaire.
Ce jour-là. une nouvelle harangue -. de
GmMvhnKi II aura peur conséquence immé-
diate l'invasion de notre territoire.
Qu'on se le tienne pour dit.
Jean Clerval.
EN PLEIN M YSTÈRE
lit li vittWnir f mit,
L'émotion au Palais. — Bruits de démissions et de disgrâces:
- Quelques questions à M. Leydet. — Les raisons
d'un ministre.
La disgrâce qui a été infligée à M. Le
Poittevin par M. le garde des sceaux a
produit au Palais une émotion considé-
rable et qui n'est pas encore calmée.
Elle l'est d'autant moins que l'on s'at-
tend, d'un moment à l'autre, à ce
qu'une mesure analogue soit prise à
l'égard d'un des juges qui instruisent
les fameux crimes mystérieux dont l'o-
pinion publique attend le dénouement
avec une si légitima impatience.
La sanction qui a frappe m. Le Poit-
tevin a jeté l'épouvante parmi de vieux
juges qui s'étaient cru jusque-là intan-
gibles en leur tour d'ivoire, et l'on prê-
tait même à d'aucuns, dont la mentalité
ne correspondrait plus avec l'idée que
doit se faire de la justice une démocra-
tie, l'intention de donner leur démis-
sion, en manière de protestation écla-
tante. Qu'ils démissionnent en faisant
claquer derrière eux les portes du pré-
toire de Thémis; ceux que bouleverse
l'idée de voir s'introduire des mœurs
nouvelles dans la magistrature. de la
République, ceux qui rebutent à la
pensée que la justice, pour ,-,re saine,
vraie et éternelle, doit être égale pour
tous, ce ne sont pas les défenseurs et
les véritables amis de la démocratie qui
regretteront leur départ.
Rendant compte de - l'émotion soule-
vée au Palais par la disgrâce de M. Le
Poittevin, Le Matin écrivait hier :
, On racontait que la façon de procéder de cer-
tain juge d'instruction chargé d'une retentis-
sante affaire avait extrêmement déplu en haut
lieu. Et les gens « bien informés » précisaient,
disant que l'on s'était fort étonné, qu'en raison
des relations d'amitié qu'il entretenait avec des
personnages touchant t-e près à l'affaire, le ma-
gistrat en question ne se fût point récusé dès
qu'il avait été commis.
On ajoutait qu'un autre juge d'instruction se
trouvait également en fâcheuse posture et que
ses qualités professionnelles avaient été mises
en doute sans qu'il se fût agi cependant de sé-
vir contre lui.
- Et tout le monde judiciaire s'agitait, dans un
état d'extraordinaire nervosité, d '-
Ajoutons que .contrairement à ce qUêcer-
tains ont prétendu, M. Le Poittevin n'a pas
été frappé sans avoir été entendu. Il avait été
appelé à. fournir des explications au procureuT
général. Ces explications furent jugées insuffi-
santes. C'est alors que M. Briand prit la mesure
que l'on sait.
- De son côté, le Journal s'exprimait
en ces termes : ,
î)'aiileurs, l'émotion, déjà très intense, s'est
accrue encore quand on a su, par les confiden-
ces mêmes d'un de ceux qui se sont employés
à provoquer la disgrâce de M. Le Poittevin; que
d'autres « exécutions » étaient imminentes. Il
paraît, en effet, que le Parquet général, très
affecté de l'insuccès des enquêtes ouvertes au
sujet des crimes récents aurait décidé de sévir.
Un des magistrats chargés 'de l'instruction au-
rait entretenu des relations d'amitié avec une
des personnes mêlées à l'une de ces affaires.
Bien que des relations semblables aient existé
entre cette personne et de très nombreux magis-
trats de la Seine. le Parquet général estime que
ce juge d'instruction aurait dû décliner l'affaire
et, sans doute, va-t-il essayer d'obtenir contre lui
une mesure analogue à celle qui vient de frap-
per M. Le Poittevin.
Enfin, la Libre ParoLt, accentuant la
note, écrivait :
On nous affirme que la disgrâce dont M. Le
Poittevin vient d'être frappé va être suivie d'une
autre. Celui qui en seraIL victime n'est autre que
M. Leydet, chargé de l'instruction du drame, de
l'impasse Ronsin. Sur un rapport du procureur
général, le garde des sceaux doit signer, au-
jourd'hui même, un décret relevant M. Leydet
de ses fonctions pour ne s'être pas récusé « en
faisant connaître ses relations particulières avec
le principal témoin ».
Il va sans dire que nous faisons, en
ce qui concerne les motifs indiqués par
nos confrères comme devant provoquer
la disgrâce de M. Leydet, toutes les ré-
serves d'usage en matière d'informa-
tions.
A l'heure où nous écrivons ces lignes,
M. Leydet étant encore en fonctions,
nous en concluons "que la mesure an-
noncée était tout au moins prématurée,
et cela nous permet de demander à M.
Leydet, en même temps qu'à M. Ha-
mard, quelle impression leur a pro-
duite 'la découverte qu'ils auraient faite
— paraît-il — dans la chambre du
troisième étage où Rémy Couillard
prétend avoir couché la nuit du crime,
de draps de lit et de linges, dont la
finesse a dû les frapper, et de tout un
attirail de toilette et de parfumerie
qu'il est plutôt rare de rencontrer dans
une chambre de domestique ?
En présence de cette découverte, les
magistrats ont-ils été amenés à se de-
mander pour quelles raisons un tel raf-
finement existait dans cette chambre,
et ont-ils élucidé ces questions ?
Nous poserons encore une question à
M Leydet. Ce magistrat est-il bien sûr
de toute la sincérité des déclarations qui
lui ont été faites ? Les a-t-il vérifiées et
contrôlées comme il convenait qu'elles
le fussent en pareille circonstance, el
pourrait-il affirmer que certain jour, c.u
cours d'un de ses interrogatoires, il
n'eut pas l'impression que des aveux
allaient lui être faits, qui pourraient le
mettre sur la trace des coupables, s'il
serrait de plus près ses questions i
Nous voulons encore espérer que M.
Leydet saura aboutir a autre chose
qu'un classement de l'affaire. Il le peut
et il le doit s'il un était autrement, si
mm_ en supposant qu'il se trouve des-
saisi, un autre magistrat aboutissait au
même résultat, nous avons de sérieuses
raisons de croire que — malgré tout el
malgré tous — la vérité sera connue..
En. toute cette affaire, nous l'avons
déjà dit, et nous ne saurions trop l £
répéter, nous ne poursuivons aucun au*
tre but que celui de vouloir que la jus.
tice soit égale pour tous, pour les hum*;
bles comme pour les riches, ceux-ci
pussenfrils mettre dans la balance dt
cette justice les relations les plus bril*
Jantes et les protections les plus hau-
tes.
Nou avons nlaisir à constater quef
ion ne pense pas autremont que nona
au ministère de la justice, si noua noua
en rapportons aux déclarations qui ont
été faites à notre confrère le Tempsi
par un des collaborateurs de M. Briand
— en même temps que son ami le plus
intime, — à propos de la disgrâce de:
M. Le PoKtevin : -
Tenez pour certain,. a dit ce fraut fonction*
naire, que l'émoi qui s'est emparé du Palais. si
vraiment il atteint lé degré "que l'on dit, ne tar-
dera pas à se dissiper. Il ne restera bientôt plus.
de. la mesure prise nar le garde des sceaux dans
cette affaire, où tant de choses inexactes ontéla.
dites ou écrites, qu'une indication qu'il était né-
cessaire, même indispensable, de donner danis
J'intérét de la justice : à savoir que "instruction;
des affaires criminelles est chose grave et gé--
rieuse qui doit se proposer pour effet et pour
but, non de donner la comédié au public, mais
d'assurer la répression des délits et des crimes
et le châtiment des coupables. Veuillez noter fi
ce propos que les journaux oui s'étonnent et
qui s'indignent de la mesure prise contre M. Le
Poittevin sont les mêmes qui la veille faisaient
des gorges chaudes sur la façon dont ce m agis-»
trat conduisait son instruction.
.:. Maîntenant, je crois pouvoir dire que cet
n'est pas sans peine que le garde des sceaux
a pris cette mesure contre M. Le Poittevfn, qu'il
considère comme un magistrat distingué et un
jurisconsulte de valeur. Il n'a pas voulu brisesl
la carrière de M. Le Poittevin en agissant com-
me il l'a fait. Il a jugé que dans l'intérêt. de la
justice, un exemple était indispensab'e, et il est
convaincu que cet exemple portera ses fruits.
Nous voulons espérer que le minis-
tre de la justice, qui n'a pas hésité à
faire son devoir, aura donné là uir
exemple dont il sera tenu compte.
+
Enquêtes et instructions
LA FUITE DE LEMOINE" '•
On est toujours sans nouvelles de la (i
rection qu'a pu prendre Lemoine en quit-
tant Paris.
Deux inspecteurs de la sûreté se sont
rendus à Hendaye où l'on pense que Le-
moine a pu se cacher sous un faux nom
en attendant de pouvoir s'embarquer pour
la République Argentine.
M. LEMOINE
'- - <
Le bruit ayant couru également que La.
moine s'était réfugié à Vienne, la police
viennoise a fait aussitôt de minutieuses re-
cherches dans tous les hôtels où il avait
pu descendre. Elle n'a trouvé nulle part
de voyageur dont le signalement pût ré-
pondre à celui de Lemoine et croit pou-
voir affirmer que celui-ci n'est pas à
Vienne.
M. Saumande, le juge de la 6e chambrei
remplaçant à l'instruction M. Le Poitte-
vin. a été installé, l'après-midi, au cours
de l'audience de la lre chambre.
Le président, M. Tassard, a simplement
donné lecture de l'arrêté du garde dclt
sceaux, M. Saumande n'ayant pas besoit
de prêter serment, puisqu'il a fait déjà par-
tie du tribunal civil de la Seine.
Après cette installation, M. Saumandtf
s'est rendu au cabinet n° 1 qu'il occuperai
désormais. Il l'a, du reste, quitté presqua
aussitôt. Il ne commencera effectivement
son service que lundi. :
LE CRIME DE LA PEPINIERE
M. Ogier directeur du laboratoire de to*
xicolocie à procédé à l'examen chimique
de la chemise d'homme trouvée à l'hôtel
Rémy et sur une des manches de laquelle
on avait remarqué des traces rougeàtres.,
Il est désormais démontrée que ces tàcbetr
ont été produites par de l'oxyde de fer.
Cette chemise appartenait au conciergejle
la maison qui exerce, pendant la journée,,
la nrofession de graisseur a ascenseur.
M. Albanel, juge d'instruction, poursui-
vant son enquêtefa interrogé, l'a.près-miŒ',
le maitre d'hôtel Renard et un des neveu*
de M. Rérny.
M. Albanel suit une piste très intére
santé dont il espère beaucoup et il aurait
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