Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-06-20
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32757974m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 20 juin 1908 20 juin 1908
Description : 1908/06/20 (N13980). 1908/06/20 (N13980).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7571230p
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
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TRIBUNE LIBRE i
MISE A JOUR
Est-ce sérieusement la vé-
rité, qu'en prévision el'J dé-
bat imminent sur les affaires
du Maroc, on nous adresse,
de côté et d'autre, je ne sais
quelle oiseuse tarière d'ou-
blier, avant de juger, tout esprit de
parti, tioute querelle particulière et
toute préoccupation personnelle ? —
Franchement, l'invite est presque inju-
rieuse. Il n'est personne ici, il n'est pas
un républicain à la Chambre qui songe,
en des questions où se discute et se joue
la destinée, l'avenir du pays, à aigrir,
à dévoyer le débat, au profit de ses
ambitions ou de ses rancunes. Le temps
- est loin, où tout incident fâcheux pour
- la patrie, n'apparaissait à certains
parlementaires que comme un excellent
prétexte, ardemment, hâtivement saisi,
pour abattre, sans phrases, le gouver-
nement qu'ils détestaient. Notre patrio-
tisme a pris de ses droits, de ses de-
voirs, une conscience un peu plus
claire. En pareille matière, une seule
passion a le droit de subsister : celle du
bien public et de la dignité du pays.
Elle seule, demain, dictera nôtre ju-
gement. Elle seule, en dehors de toute
considération individuelle, imposera
notre vote. L'heure est sérieuse : toute
attitude hypocritement égoïste ne trou-
verait personne pour l'excuser ou l'ab-
soudre.
Mais, pour se refuser à jeter dans
l'examen de nos affaires extérieures,
l'élément hétérogène et troublant de
nos différends quotidiens, la Chambre
doit-elle réduire sa tâche à l'enregis-
trement machinal de déclarations mi-
nistérielles, à l'élaboration docile d'un
ordre du jour de confiance — ou de
résignation ? — Un scrupule de discré-
tion systématique doit-il ^sceller éter-
nellement ses lèvres, y réprimer les
questions pressantes d'une curiosité lé-
gitimement anxieuse ? Non, son devoir
n'est point là. Comprendre ainsi son
rôle, serait souscrire à l'abdication dé-
finitive, et par l'abolition de sa mis-
sion de contrôle, rétablir, dans un régi-
me démocratique, les pratiques con-
damnées du pouvoir personnel. C'est le
droit du pays de savoir ce qu'on fait de
lui, où on le mène. C'est son droit
- d'exiger des explications. Et l'on trahit
ses intérêts aussi sûrement par une ré-
serve pusillanime, que par une témé-
Taire curiosité.
Il ne semble point que la Chambre
soit jusqu'ici tombée dans ce dernier
excès. Sa foi dans la bonne volbnté et
dans l'habileté du gouvernement s'est
affirmée par le vote de blancs seings
réitérés, où se traduisait parfois moins
3e satisfaction présente que d'espéran-
ces en l'avenir. Elle n'a songé ni à met-
Ire en doute les affirmations optimistes
'!Ii au 'on lui prodiguait de la tribune, ni
à donner un corps à certain malaise
!jont elle ne pouvait se défendre, en
présence de l'allure toujours plus dé-
concertante que prenaient les événe-
ments marocains.
Il paraît qu'elle n'a pas encore assez
fait. Ge n'est pas sans stupeur que nous
avons pu lire hier, dans le journal le
Temps, une Philippique inattendue, où
le Parlement était dénoncé publique-
ment comme il obstacle à l'accomplis-
sement des vastes desseins de notre di-
plomatie. Oui, quand, sourdement ou
vien ouvertement, une campagne tena-
ce, dont on sait les (origines et les ten-
dances, s'efforce de discréditer le seul
organe constitutionnel par lequel la
République existe, il se trouve des es-
prits graves, pondérés, pour crier haro
sur la Chambre, pour s'associer aux
criailleries nationalistes et réactionnai-
res, et la placer, aux yeux du public,
dans une posture bassement antipatrio-
- tique. « La Chambre pourra se rendre
cette justice, dit le Temps, qu'elle a
rarement servi à la réalisation des pro-
jets du ministère des. affaires étrangè-
res, et qu'elle les a tout au contraire,
le plus souvent, gcnés. » — En vérité !
Où sont-elles, ces combinaisons sa-
vantes, où sont-ils, ces plaijs merveil-
leux, au travers desquels la Chambre,
maladroite et touche à tout, a jeté sa
contradiction turbulente ? — Quand
'ionc a-t-elle limité les splendides hori-
tons où nous conduisait le geste éner-
gique et hardi de notre diplomatie i —
Quand donc a-t-elle garrotté son geste:
'on action, sa volonté ?
Un seul jour elle a formellement ex-
primé son désir de voir respecter un
pacte qu'elle avait solennellement ap-
prouvé. Va-t-on lui en fa:rv> g-^f ? Es-
pérait-on d'elle, par hasard, qu'une in-
consciente mégalomanie, qu'un soudain
Délire d'aventures la pousseraient à
sanctionner des espérances subreptices
~t d'inavouables aspirations ? Pensait-
on obtenir d'elle, après son approba-
tion des déclarations officielles, je ne
sais quels encouragements à les violer ?
Non, le Parlement a rempli sa tâche.
Il a manifesté à larges traits ses inten-
tions. Il a fait, pour le reste, oonfianee
au gouvernement.
De cette confiance, quel usage le
gouvernement a-t-il fait ? C'est la ques-
tion qui se pose aujourd'hui. Et ce n'est
point de notre faute si la réponse des
événements n'apparaît ni satisfaisante,
ni conforme à l'importance des intérêts
engagés. M. le ministre des affaires
étrangères clôturait un de ses discours
en nous affirmant que nous sortirions
« à notre honneur 1) de l'affaire maro-
caine. Nous sommes sur le point d'en
sortir, parait-il. Est-ce à notre honneur
que nous en sortons ? Voilà ce que l'on
va sans doute nous faire connaître.
Notre action marocaine s'inspirait de
diverses raisons légitimes, péremptoi-
res : ,
Puissance musulmane, la France
avait à faire respecter devant le mionde
musulman, sa dignité, son autorité et
son prestige ; puissance commerciale.
la France devait ouvrir à ses nationaux
des champs d'activité nouvelle.
Elle a guerroyé héroïquement. Elle a
semé par le sable et les champs son or
et ses soldats. L'œuvre militaire est
accomplie. Ses troupes se replient sur
leur base d'opérations.
- Que rapportent-elle de leurs expédi-
tions sanglantes ? De la gloire, sans
doute. Mais, vis-à-vis de ceux qu'elle a
combattus, la France rallie-t-elle Casa-
blanca plus grande ou diminuée ? Voilà
ce que nous voudrions annrendre.
Soumis à un régime d'anarchie et
d'incohérence, le Maroc a senti le be-
soin de se donner un chef et un maître.
C'était son droit. Nous l'avons procla-
mé. En solidarisant notre action avec
la légitimité déchue, en prenant, plus
ou moins intentionnellement, figure
d'adversaire vis-à-vis du pouvoir nou-
veau, avons-nous fait preuve de clair-
voyance et de prudence ? Voilà ce que
nous nous demandons. -
Et quand l'usurpateur triomphe,
quand son avènement trop prévu coïn-
cide avec notre retraite, quand de
l'est à l'ouest du pays maghzen, on ac-
clame le sultan nouveau comme un li-
bérateur, quand nos partisans sont
prisonniers, nos protégés molestés, nos
nationaux contraints à se cacher ou à
fuir devant les bandes du vainqueur,
est-ce notre prestige ou notre expansion
commerciale qui se trouve raffermi ?
Est-ce pour de telles fins que la Cham-
bre avait fait crédit au gouvernement ?
Voilà ce que nous saurons demain, et
ce que nous avons le droit de savoir.
T. STEEG,
Député de Paris.
LA POLITIQUE
ENTRE HAFID ET AZIZ
La politique marocaine revien-
dra devant la Chambre au-
jourd'hui, à moins gu'un nou-
vel ajournement ne soit récla-
mé par M. Pichon — ce qui
serait la preuve réitérée de
son embarras.
Le ministre des Affaires Etrangères
aura donc l'occasio.n d'expliquer sa po-
litique. Il nous dira comment,, entre les
deux sultans, il a pratiqué la neutralité.
Est-ce en essayant d'arrêter les mehal-
las hafidiistes à travers le pays chaouïa?
Est-ce en fournissant des instructeurs
aux mehallas azizistes? Est-ce en auto-
risant le général d'Amade à n'accorder
l'aman qu'aux seuls chefs chaouïas qui
promettaient de reconnaître Abd el Aziz
et lui rendre hommage dans Rabat ?
La politique du quai d'Orsay s'est en-
gagée si visiblement à fond dans la cau-
se aziziste que la victoire de Moulay
Band fut la défaite même du ministre
des Affaires Etrangères.
Ce n'est pas là la seule 'disgrâce de
hotre ministre. Sa politique fut à la fois
si équivoque et si maladroite qu'il ne
saurait désormais prendre une décision
heureuse. S'il reconnaît Hafid, il aban-
donna les Marocains qui, sur la foi de
la légation de Tanger, se sont engagés
en faveur d'Abd el Aziz, avec l'espoir
d être soutenus par la France. S'il per-
sévère à défendre Abd el Aziz, il ouvre
à nouveau l'ère des sacrifices d'argent et
de sang, l'ère des collisions aiplomati-
ques, des échanges de notes méfiantes
entre chancelleries hostiles.
La politique du gouvernement se ré-
srnne en trois mots : elle a échoué,
Ne pouvoir maintenir le sukan qu'on
défend, ne pouvoir écarter le sultan
qu'on redoute; organiser un plan d'oc-
cupation dans la Chaouïa, basé sur tout
un système de postes et de fortins et
évacuer d'une façon inopinée, mysté-
rieuse et rapide, vers le littoral ; préten-
dre que l'on « pacifie » un territoire
lorsqu'on y dévaste les moissons et que
'na fauche les moissonneurs, c'est à
chaque coup réussir feffet contraire.
Que le gouvernement ait été docile aux
indications de la majoribé, qu'il ait prou-
vé dans le passé, sa capacité de faresau
Majroc, à l'avenir, une politique de clarté,
d'habileté, d'humanité, une politique di-
gne de la France, ce sera une thèse dif-
ficile à soutenir.
Nous suivrons attentivement hs dis-
cours des ministres.
.—————————— ————'
tES ON-DIT
NOTRE AGENDA
'Aui'ourd'hui vendredi :
Lever du soileil, à 3 h. 58 ; couchent à
8 h. 4.
Courses à Maisons-Laffitte.
A propos de bottes
La princesse Louise de Saxe adorait
jouer la comédie.
Un jour, ayant à remplir dans une
pièce un rôle de femme de chambre,
elle voulut apprendre consciencieuse-
ment l'art de cirer les chaussures, et
s'acquitta de cette partie de sa tâche
avec un talent magistral qui excita l'ad-
miration des spectateurs.
Le vieux roi Albert, indigné de cette
infraction à toutes les règles de réti-
quette, adressa à sa nièce une admo-
nestation sévère pour avoir exécuté, en
public, une besogne impossible à con-
cilier avec le décorum de la souverai-
neté.
De cette querelle à propos de bottines
trop bien cirées, sont nées les premiè-
res discordes qui devaient, dans la sui-
te, aboutir à un dénouement pénible.
A quoi tiennent les destinées !.,*
Les poules baromètres
On sait que beaucoup d'éleveurs de
canaris ajoutent à la nourriture de ces
oiseaux un peu de poivre de Cayenne,
ce qui a pour effet de donner à leur
plumage une teinte plus foncée, rou-
geàtre. Ce phénomène curieux n'est ce-
pendant pas particulier aux canaris.
Les poules blanches auxquelles on en
donne à manger prennent une couleur
rose pâle.
Or, cette couleur rose peut servir à
prédire la .pluie, tout comme un baro-
mètre !
En effet, la composition chimique de
cette couleur veut qu'elle attire avide-
ment l'humidité qui se trouve dans
l'air, et oue, sous l'influence progres-
sive de cette humidité, elle devienne de
plus en plus rouge, jusqu'au plus in-
tense écarlate. Cette transformation se
fait avec une régularité telle, que le
degré de coloration donne une notion
exacte du temps ou'il va faire. Et
quand la basse-cour est peuplée de pou-
les écarlates, on peut être sûr que, quel-
ques heures après, il tombera une forte
ondée.
AUTREFOIS
Rappel du 20 juin 1872. - Le centre
droit a fait une nouvelle tentative pour at-
tirer le centre gauche et pour le décider a
agir avec lui sur M. Thiers. L'entrevue qui
a eu lieu hier à ce sujet a eu un résultat
négatif.
Aujourd'huwi, l'Assemblée 'de Versailles
verra arriver les pétitions pour l'enseigne-
ment gratuit, obligatoire et laïque ; les si-
gnatures s'élèvent au nombre énorme de
un million.
Le f (mieux thermomètre de Vingénieur
Chevalier, que les Parisiens consultaient
depuis près d'un siècle sur le Pont Neul, a
été détruit, hier, par une voiture qui, tour-
nant trop court, a brisé toute la devanture
de l'ingénieur.
Le baron d'Empeaux, qui avait engagé
le pari d'arriver premier à Lyon, en vélo-
cipède, est arrivé en effet premier. Il a
mis huit fours à se rendre à Lyon.,
Eogrit pontifical
Les plus fervents admirateurs du
pape ne disconviennent pas que son
prédécesseur Léon XIII avait plus d'es-
prit que lui. Les traits spirituels et les
jolis mots de Léon XIII abondent, et les
jeunes « monsignori » se consolent de
la rigueur def¡ temps actuels en contant
des anecdotes du temps passé.
Ainsi, vers 1880, il y avait à Rome
un cardinal, Mgr JacobLni, qui s'était
acquis une véritable célébrité, aussi
bien par la coupe exquise de ses souta-
nes, que par les soins minutieux qu'il
donnait à sa chevelure.
Le cardinal était ichauve ; mais il
avait fait confectionner par le meilleur
des artistes capillaires, trois, perruques
d'inégales longueurs, encore qu'elles
fussent toutes les trois d'un blond ar-
dent, qui réjouissait tout à la fois le
Meur et les yeux. Il portait la première,
très courte, au commencement du mois;
vers le 10, il arborait la seconde, dont
les cheveux se roulaient en légers fri-
sons ; enfin, dans les-derniers jours "du
mois, il coiffait la troisième, dont les
mèches réclamaient si manifestement
l'intervention du coiffeur, qu'on ne s'é
tonnait point, dans la semaine suivan-
te, cle retrouver le cardinal tondu de
frais et rajeuni.
Bien que ce léger travers, ne fit de
mal à personne, il finit cependant par
impatienter Léon XIII. Mais comment
avertir le pauvre cardinal, sans lui
causer trop de peine pour une-faute
vénielle ? L'occasion. '5fl présenta enfin.
Un jour que Jacobini prenait congé du
pape et le félicitait de rester toujours
jeune : - - jours
— Eh ! eh l'Eminence, répondit en
souriante le Souverain Pontife, — en dé-
signant la blonde perruque du doigt —
il serait *tout-de même temps de nous
décider à blanchir un peu 1
L'originel das boucles d'oreilles
Abraham -aimait sa servante Agar, à
qui la belle Sara avait voué une haine
mortelle. Un jour, dans tlnparoxysme
de fureur, elle avait juré de défigurer
Agar. Abraham épuisa, pour la détour-
ner de ce projet, toutes les ressources
de la diplomatie. Il finit paar obtenir
que le visage d'Agar serait épargné,
sauf un point ou plutôt deux : Agar
eut les oreilles percées. Abraham, pouf
calmer la douleur de son esclave, intro-
duisit dans chaque blessure un anneau
d'or. Juste retour des choses d'ici-bas,
Sara n'eut pas plutôt jugé de l'effet de
ce nouveau remède, qu'elle se blessa, à
sdji tour pour se le faire appliquer. Les
esclaves l'imitèrent. Les pendants d'o-
reilles étaient inventés I
Une boutade de Renan
Ernest Renan avait parfois des ironies
sournoises et des gaietés de pince sans
rire.
Il dînait un soir chez Mme Aubernon.
Les dîners de Mme Aubernon étaient
célèbres à Paris. Ce n'étail que des séan-
ces littéraires que la maîtresse de mai-
son présidait avec autorité. Ce soir-là,
Jules Simon commençait avec un char-
me onctueux une théorie sociale, quand
Renan ouvrit la bouche comme pour
parler. Mme Aubernon s'en aperçut et
lui dit à mi-voix par-dessus la table :
— Tout à l'heure, M. Renan, nous
serons bien heureux de vous entendre.
Renan resta coi. Le service continua,
les plats succédant aux plats ; Jules Si-
mon, abondant avec agrément, conti-
nuait. Enfin, il cessa.
— Je crois, M. Renan, dit alors Mme
Aubernon, que vous vouliez dire quel-
que chose ?
— Oui, madame, répondit Renan,
mais il est trop tard maintenant ; je
voulais simplement redemander des pe-
tits pois.
Voir à la 3e page
les DERNIÈRES DÉPÊCHES
L'Eglise militante
va manifester
S'il arrive-à Fie X de passer-des nuits
en extase devant les Manches apparitions
de la Vierge, — qui lui dicte sa conduite a
l'égard du gouvernement de la Républi-
que, — il lui arrive aussi de faire des rê-
ves où Bellone, la rouge déesse des com-
bats, vient lui inspirer des sentiments bel-
liqueux.
Le chef de l'Eglise catholique n'ignore
pas que toutes les fois que ses fidèles or-
ganisent des manifestations religieuses sur
la place Saint-Pierre, des coups sont
échangés, que parfois même du sang est
versé dans les bagarres qui se produisent
entre cléricaux et libres penseurs, et qile
là cause du catholicisme ne peut que per-
dre de son prestige sous les coups de poing
et les horions de la rue.
Peu lui importe, il a le tempérament ba-
tailleur et il aime à le prouver.
C'est ainsi qu'il vient de se mettre en
tête de préparer, pour le premier diman-
che de juillet, avec le concours des asso-
ciations paroissiales et des cercles catho-
liques de Home, une grande manifestation
en son honneur.
On annonce déjà; qu.e les dispositions
sont prises pour recevoir plus de 60,000
personnes dans la grande cour du Belvé-
dère, où sera erécuté l'hymne papal, avec
accompagnement de fanfare.
IJ est à peu près certain que les anti-
cléricaux, qui sont nombreux à Rome, ne
laisseront pas se produire sans protesta-
tion une manifestation de cette importan-
ce. Pie X le sait parfaitement, mais il s'en
moque, du moment que ce n'est pas lui
qui recevra les coups. Il veut avant tout
que son Eglise soit militante et il poursuit
son but par tous les moyens. - P. G.
-
VOYAGE D'ETUDE
Les journaux monarchistes annoncent,
avec componction, que le duc d'Orléans va
effeettiei- - en compagnie du généra! Do-
nop — un voyage d'étude en Bavière et en
Autriche.
Ce voyage a pour objet l'étude de la cam-
pagne de 1809.
« Ce sera, disent les journaux royalistes,
« avec une émotion profonde et en son-
« géant à ses devoirs futurs, que le duc
« d'Orléans poursuivra ce voyage, très pro-
« pre à achever de le préparer à l'accom-
M plissement de la grande tache que l'ave-
» nir lui réserve. »
Ce couplet fera sourire ceux qui connais-
sent liptelligence transcendante du duc
d'Orléans. Il provoquera, en outre, un im-
perceptible haussement d'épaules chez ceux
qui vont se demander eà et quand le duc
de la Gamelle a appris le métier de général
d'état-major.
La France semble peu se soucier des ca-
pacités militaires du duc d'Orléans.
Aussi croyons-nous que le voyage d'étu-
de entrepris par le prétendant aura sur-
tout pour résultat de rendre plus piquante
et surtout plus suggestive la rencontre du
chef des nationalistes d.e France avec ses
proches parents de Bavière et d'Autriche,
c'est-à-dire avec les adversaires de notre
pays 1 - -
Jean CIorvaK
'-. .--
,
1. ,: EN PLEIN MYSTÈRE -
Et les reciieroDes 0 illi nuent
A la recherche des bijoux. - Une déclaration qui reste à
vérifier. — La piste des popes abandonnée. — Conflits
entre les enquêtes et les instructions.
Rue de la Pépinière, où M. Rémy lut
assassiné avec un couteau à dessert-, et
de façon si discrète que successive-
ment, trois médecins appelés à consta-
ter le décès déclarèrent qu'il y avait
mort naturelle, il semble établi par les
déclarations du concierge et de sa fem-
me, qu'au moment où le cadavre fut
découvert par le valet de chambre,
vers huit heures et demie du matin,
rien n'avait été dérangé dans l'apparte-
ment, alors que vers onze heures, la
justice qui venait de se transporter sur
les lieux, constatait qu'il y avait eu as-
sassinat et par-dessus le marché, cam-
briolage nettement caractérisé. Une
certaine somme d'argent et des bijoux
de valeur avaient disparu et les meu-
blés qui les contenaient avaient été
ouverts à l'aide d'une clef que la vic-
time portait habituellement sur elle.
Impasse Ronsin, ie 1er juin, lende-
main du crime, vers midi et demieà
des journalistes qui l'interrogeaient,
M. Hamard, qui venait de constater un-
double crime acompagné de cambrio-
lage et de vol d'argent, jurait ses grands
dieux qu'aucun bijou n'avait disparu. -,
« M. Hamard, dit la Libre Parole, fai-
sait les déclarations suivantes :
\Si Mme Sleinheil dit que fôs bijoux lui ont été
volés, vous pouvez lui répondre qu'elle en a
menti (sic). Je les lui ai représentés tous : il n'en
manque pas un seul.
Mme SteinhéiJ, qui est une femme de tête, sa-
vait fort bien où elle les avait placés !
« Ces propos ont été. tenus, ajoute
notre confrère, devant dix personnes,
la plupart des journaux les ont repro-
duits, sans provoquer le moindre dé-
menti.
« Aujourd'hui, M. Hamard déclare
tranquillement qu'une foule de bijoux
qu'il décrit et spécifie, ont été volés à
Mme Steinheil !
« Qu'est-ce que cela signifie ? M. Ha-
mard serait-il à ce point troublé par les
complications inextricables de cette
affaire, qu'il en perdrait jusqu'à la mé-
moire ?
« Voilà, dans tous les cas, un mys-
tère qu'il serait bien intéressant d'é-
claircir. »
Nous sommes entièrement de -. cet
avis.
Il résulte de tout ce qui précède que
si l'on faisait appel à là logique du rai-
sonnement dans ces deux affaires, on
serait amené à conclure que les bijoux
de Mme Steinheil furent dérobés en-
tre le 1er juin et le 16, puisqu'ils ne l'é-
taient pas au lendemain du crime, .;'t
que M. Rémy, trouvé mort de sa bonne
mort naturelle à huit heures et demie
du matin, aurait été lardé de coups de
couteau entre huit heures et demie et
onze heures, pendant que, dans le
même intervalle, son appartement au-
rait été cambriolé.
Et ce qui ne paraîtra pas moins
étrange, c'est que M. Hamard ait fait
fouiller avant-hier les réduits à bois et
à charbon de l'hôtel Rémy, pour voir
si les bijoux dérobés n'y avaient point
été cachés.
Cette perquisition, demeurée d'ail-
leurs infructueuse, semblerait donc in-
diquer que M. Hamard s'est formé !a
conviction que les bijoux n'ont pas
quitté la maison du crime.
On voit dans quels marécages patau-
gent à la fois et l'enquête et l'instruc-
tion de ces deux affaires.
Au milieu de toutes les invraisem-
blances qui ne font que s'accumuler, il
ne serait pas plus invraisemblable de
demander à M. Hamard si quelque mys-
térieux personnage n'a pas fourni à Le-
moine qui est en fuite, les bijoux de
l'impasse Ronsin et ceux de la rue ch,
la Pépinière, pour fabriauer son fameux
diamant. Ne sommes-nous pas en plein
domaine de la fantaisie ?
***
Nous avons signalé hier les exercices
auxquels se sont livrés les agents de M.
Hamard dans la villa Steinheil, pour
se faire une opinion décisive sur les
déclarations du valet de chambre Rémy
Couillard.
Au début, celui-ci avait déclaré -
c'est du moins ce qui fut annoncé à la
presse par la Sûreté, — qu'étant cou-
ché, la nuit du crime, dans une cham-
bre du troisième ét-age. contrairement
à son habitude, qui était, depuis quel-
que temps, de coucher sur un canapé
que temps, d'hiver, pour veiller sur la
du jardin
sécurité de ses maîtres, il avait entendu
des bruits suspects, qu'il avait même
saisi son revolver, mais que la pbur
l'avait empêché de descendre dans l'ap-
partement de ses maîtres ; plus tard. le
valet de chambre aurait déclaré qu'il
n'avait absolument rien entendu, et
c'est pour vérifier l'exactitude de cette
déclaration que M. Hamard a fait cou-
cher un de ses agents dans le lit. du do-
mestique, ce pendant que d'autres
agents se sont livrés à un simulacre de
lutte dans l'appartement où couchaient
les victimes. Cette expérience aurait dé-
montré qu'en effet, on ne peut percevoir
aucun bruit dans la chambre où repo-
sait Rémy Couillard. Nous voulons
croire que, pour cette expérience, M.
Ilamard" n'a pas fait choix d'un agent
atteint de surdité mais bien d'un limier
à l'ouïe délicate. Mais il est une ques-
tion que M. Hamard ne s'est peut-être
pas posée et que nous nous permettons.
de lui soumettre. Rémy * Couillard a dé-
claré avoir couchét lanuit du crime,
dans une chambre du troisième étage..
M. Hamard a-t-il fait la preuve do
l'exactitude de cette déclaration ? M.
Hamard a-t-il la preuve que le valet de
chambre était bien couché dans cette
chambre et qu'il n'a pu ni entendre ni
voir ce qui se passait dans l'apparte-
ment de ses maîtres ? C'est un fjoint de
la plus haute importance et qui vanl
la peine d'être éclairci.
M. Hamard, qui avait voulu voir, tout
d'abord, dans le crime de l'impasse
Ronsin, un « crime crapuleux » dont les
auteurs appartenaient à la « basse pè-
gre », semble avoir maintenant changé
d'avis. Avant-hier, aux journalistes qui
l'interrogeaient, il a* fait la déclaration
suivantè ; - >
Plus que jamais, je suis convaincu que ce cri.
me monstrueux est, Jloeuvre de cambrioleurs.
Mais je suis ù peu près certain que ces cam-
brioleurs appartiennent - à un monde plus re-
levé que celui dont font partie les professionnels
de la pince-monseigneur.
C'est déjà une concession faite à la
vérité en marche, et aussi à M. Leydet,
qui se trouve, dit-on, en contlit d'opi-
nion avec le chef de la Sûreté.
La Libre Parole, faisant allusion 8
ce conflit, ajoute :
On dit que la descente de M. Monnier, pro-
cureur de la Hépublique, dans la villa Steinheil
n'avait d'autre but que « d'arborer » le diffé-
rend. M. Monnier, en effet, fatigué de ees dis-
cussions sans cesse renouvelées, où les mêmes
arguments étaient toujours opposés les uns aux'
autres, a voulu aller y voir lui-même sur place,
afin de se faire une opinion personnelle.
On .d't enfin, qu'à la suite de cette enquête,
M. Monnier aurait opiné dans le même sens
oue Al. Leydet.
Si tout cela est exact, il se pourrait que nous
assistions, avant peu, et sérieusement cette
fois, à du nouveau.
»*#
De son côté, Messidor, qui dit avoil
reçu d'un « personnage très officiel »
de nombreuses et très précises déclara-
tions, incline à penser que M. Hamard
ne tardera pas à épouser une autre ver-
sion que celle qui lui parut si-chère dès
le lendemain; même du crime. Et notre
confrère rapporte en ces termes le der-
nier entretien qu'il a eu avec le person-
nage en question, sur le drame de Vau-
girard :
D'après les renseignements recueillis sur pla-
ce, d'aptes les propos par moi entendus dons
des Circonstances particulières, et d'après, au s-,
si, les multiples contradictions relevees au cou: s
de l'enquête. j'ai erl' pouvoir reconstituer eu
grande partie la vérité, nous a-t-il dit.
La « xxmquiue » n'existerait pas. J'ajoute :
elle ne peut pas exister.
On objectera que Mme Steinheil l'a vue, l'a
entendue parler.
A cela je répondrai catégoriquement : Mme
Steinheilt j'a vue, en rêve, dans- un cauche-
mar. si !ton préfère.
Et ce qui le démontre, c'est qu'elle a fait te-
nir ii cette femme des propos que n'aurait ja-
mais pu tenir une 'UiCfl'euse. une « faubourienne.
au parler gras ».
Les mots d'argot rapportés par la rescapée
sont des mots d'argot que, fatalement — peut-
être même à son insu — Mme Steinheil connais-
sait ; c'est du mauvais argot d'atelier. Ce sont
d-es mots que 'es gens les mieux élevés coinnais-
sent,que l'on entend sur les champs de ~osuses,
au théâtre, au concert, partout, hormis chez les
apaches, hormis chez les filles.
Quand elle a fait sa déposition, lime Steio.
heii était absolument sincère.
11 suffit, un instant, d'imaginer l:affreusa-
scène vécue par cUe pour s'en convaincre.
Les cambrioleurs connaissaient la disposition
des lieux aussi bien que les habitants de -la
villa.
D'autre part, tout démontre qu'un des visi-,
teurs nocturnes, tout au moins, étaiL. connu des
victimes.
On a parlé du modèle. On parie maintenant
d'une autre histoire, très intime, très ooulou-
reuse..
Peut-être la vérité est-elle là ! Je ne puis,
Quant à présent, eu dire davantage. Je nie con-
tente donc d'enregistrer avec plaisir la déclara-
tion si inattendue de M. Hamard — qui vient à
l'appui de ma thèse — en tirant des faits main-
tenant connus, cette conclusion qui s'impose :
La vérité, pour peu qu'on y melle un peu de
bonne volonté, éclatera sous peu.
Cette conclusion sera également la
nôtre : la vérité doit éclater fatalement
si les magistrats enquêteurs et instruc-,
teurs sont résolus à faire leur devoir.,
Ils n'ont, pour cela, qu'à serrer d'un
peu près toutes les questions posées et -
toutes les vérifications de déclarations
reçues par eux.
L'opinion publique n'admettra ja- ,
mais que l'action de la justice puisse
être paralysée dans les deux afra'res
mystérieuses qu'elle instruit en ce mo.
ment.
- j
LE CRIME .,-'
DE LA RUE DE LA PEPINIERE *
M. Albanel vient d'explorer les caves de
l'hôtel de la rue de la Pépinière, espérant
y découvrir les bijoux dont Mme Rémy a
constaté la disparition.
Le juge d'instruction n'a rien trouvé et
son enquête reste stationnaire. Il a placé
son dernier espoir de découvrir enfin fin-;
trouvablc assassin, dans l'examen du linge
sale saisi à l'hôtel. La perquisition nnu-.
vclle opérée par M. AJbanel prouve que
les soupçons du juge se portent toujours
sur les domestiques.
Il peut paraître déjà étrange quun do-
mestique qui avnit maintes occasions de
cambrioler tout à son aise, sans avoir A
commettre un assassinat, ait choisi pour
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TRIBUNE LIBRE i
MISE A JOUR
Est-ce sérieusement la vé-
rité, qu'en prévision el'J dé-
bat imminent sur les affaires
du Maroc, on nous adresse,
de côté et d'autre, je ne sais
quelle oiseuse tarière d'ou-
blier, avant de juger, tout esprit de
parti, tioute querelle particulière et
toute préoccupation personnelle ? —
Franchement, l'invite est presque inju-
rieuse. Il n'est personne ici, il n'est pas
un républicain à la Chambre qui songe,
en des questions où se discute et se joue
la destinée, l'avenir du pays, à aigrir,
à dévoyer le débat, au profit de ses
ambitions ou de ses rancunes. Le temps
- est loin, où tout incident fâcheux pour
- la patrie, n'apparaissait à certains
parlementaires que comme un excellent
prétexte, ardemment, hâtivement saisi,
pour abattre, sans phrases, le gouver-
nement qu'ils détestaient. Notre patrio-
tisme a pris de ses droits, de ses de-
voirs, une conscience un peu plus
claire. En pareille matière, une seule
passion a le droit de subsister : celle du
bien public et de la dignité du pays.
Elle seule, demain, dictera nôtre ju-
gement. Elle seule, en dehors de toute
considération individuelle, imposera
notre vote. L'heure est sérieuse : toute
attitude hypocritement égoïste ne trou-
verait personne pour l'excuser ou l'ab-
soudre.
Mais, pour se refuser à jeter dans
l'examen de nos affaires extérieures,
l'élément hétérogène et troublant de
nos différends quotidiens, la Chambre
doit-elle réduire sa tâche à l'enregis-
trement machinal de déclarations mi-
nistérielles, à l'élaboration docile d'un
ordre du jour de confiance — ou de
résignation ? — Un scrupule de discré-
tion systématique doit-il ^sceller éter-
nellement ses lèvres, y réprimer les
questions pressantes d'une curiosité lé-
gitimement anxieuse ? Non, son devoir
n'est point là. Comprendre ainsi son
rôle, serait souscrire à l'abdication dé-
finitive, et par l'abolition de sa mis-
sion de contrôle, rétablir, dans un régi-
me démocratique, les pratiques con-
damnées du pouvoir personnel. C'est le
droit du pays de savoir ce qu'on fait de
lui, où on le mène. C'est son droit
- d'exiger des explications. Et l'on trahit
ses intérêts aussi sûrement par une ré-
serve pusillanime, que par une témé-
Taire curiosité.
Il ne semble point que la Chambre
soit jusqu'ici tombée dans ce dernier
excès. Sa foi dans la bonne volbnté et
dans l'habileté du gouvernement s'est
affirmée par le vote de blancs seings
réitérés, où se traduisait parfois moins
3e satisfaction présente que d'espéran-
ces en l'avenir. Elle n'a songé ni à met-
Ire en doute les affirmations optimistes
'!Ii au 'on lui prodiguait de la tribune, ni
à donner un corps à certain malaise
!jont elle ne pouvait se défendre, en
présence de l'allure toujours plus dé-
concertante que prenaient les événe-
ments marocains.
Il paraît qu'elle n'a pas encore assez
fait. Ge n'est pas sans stupeur que nous
avons pu lire hier, dans le journal le
Temps, une Philippique inattendue, où
le Parlement était dénoncé publique-
ment comme il obstacle à l'accomplis-
sement des vastes desseins de notre di-
plomatie. Oui, quand, sourdement ou
vien ouvertement, une campagne tena-
ce, dont on sait les (origines et les ten-
dances, s'efforce de discréditer le seul
organe constitutionnel par lequel la
République existe, il se trouve des es-
prits graves, pondérés, pour crier haro
sur la Chambre, pour s'associer aux
criailleries nationalistes et réactionnai-
res, et la placer, aux yeux du public,
dans une posture bassement antipatrio-
- tique. « La Chambre pourra se rendre
cette justice, dit le Temps, qu'elle a
rarement servi à la réalisation des pro-
jets du ministère des. affaires étrangè-
res, et qu'elle les a tout au contraire,
le plus souvent, gcnés. » — En vérité !
Où sont-elles, ces combinaisons sa-
vantes, où sont-ils, ces plaijs merveil-
leux, au travers desquels la Chambre,
maladroite et touche à tout, a jeté sa
contradiction turbulente ? — Quand
'ionc a-t-elle limité les splendides hori-
tons où nous conduisait le geste éner-
gique et hardi de notre diplomatie i —
Quand donc a-t-elle garrotté son geste:
'on action, sa volonté ?
Un seul jour elle a formellement ex-
primé son désir de voir respecter un
pacte qu'elle avait solennellement ap-
prouvé. Va-t-on lui en fa:rv> g-^f ? Es-
pérait-on d'elle, par hasard, qu'une in-
consciente mégalomanie, qu'un soudain
Délire d'aventures la pousseraient à
sanctionner des espérances subreptices
~t d'inavouables aspirations ? Pensait-
on obtenir d'elle, après son approba-
tion des déclarations officielles, je ne
sais quels encouragements à les violer ?
Non, le Parlement a rempli sa tâche.
Il a manifesté à larges traits ses inten-
tions. Il a fait, pour le reste, oonfianee
au gouvernement.
De cette confiance, quel usage le
gouvernement a-t-il fait ? C'est la ques-
tion qui se pose aujourd'hui. Et ce n'est
point de notre faute si la réponse des
événements n'apparaît ni satisfaisante,
ni conforme à l'importance des intérêts
engagés. M. le ministre des affaires
étrangères clôturait un de ses discours
en nous affirmant que nous sortirions
« à notre honneur 1) de l'affaire maro-
caine. Nous sommes sur le point d'en
sortir, parait-il. Est-ce à notre honneur
que nous en sortons ? Voilà ce que l'on
va sans doute nous faire connaître.
Notre action marocaine s'inspirait de
diverses raisons légitimes, péremptoi-
res : ,
Puissance musulmane, la France
avait à faire respecter devant le mionde
musulman, sa dignité, son autorité et
son prestige ; puissance commerciale.
la France devait ouvrir à ses nationaux
des champs d'activité nouvelle.
Elle a guerroyé héroïquement. Elle a
semé par le sable et les champs son or
et ses soldats. L'œuvre militaire est
accomplie. Ses troupes se replient sur
leur base d'opérations.
- Que rapportent-elle de leurs expédi-
tions sanglantes ? De la gloire, sans
doute. Mais, vis-à-vis de ceux qu'elle a
combattus, la France rallie-t-elle Casa-
blanca plus grande ou diminuée ? Voilà
ce que nous voudrions annrendre.
Soumis à un régime d'anarchie et
d'incohérence, le Maroc a senti le be-
soin de se donner un chef et un maître.
C'était son droit. Nous l'avons procla-
mé. En solidarisant notre action avec
la légitimité déchue, en prenant, plus
ou moins intentionnellement, figure
d'adversaire vis-à-vis du pouvoir nou-
veau, avons-nous fait preuve de clair-
voyance et de prudence ? Voilà ce que
nous nous demandons. -
Et quand l'usurpateur triomphe,
quand son avènement trop prévu coïn-
cide avec notre retraite, quand de
l'est à l'ouest du pays maghzen, on ac-
clame le sultan nouveau comme un li-
bérateur, quand nos partisans sont
prisonniers, nos protégés molestés, nos
nationaux contraints à se cacher ou à
fuir devant les bandes du vainqueur,
est-ce notre prestige ou notre expansion
commerciale qui se trouve raffermi ?
Est-ce pour de telles fins que la Cham-
bre avait fait crédit au gouvernement ?
Voilà ce que nous saurons demain, et
ce que nous avons le droit de savoir.
T. STEEG,
Député de Paris.
LA POLITIQUE
ENTRE HAFID ET AZIZ
La politique marocaine revien-
dra devant la Chambre au-
jourd'hui, à moins gu'un nou-
vel ajournement ne soit récla-
mé par M. Pichon — ce qui
serait la preuve réitérée de
son embarras.
Le ministre des Affaires Etrangères
aura donc l'occasio.n d'expliquer sa po-
litique. Il nous dira comment,, entre les
deux sultans, il a pratiqué la neutralité.
Est-ce en essayant d'arrêter les mehal-
las hafidiistes à travers le pays chaouïa?
Est-ce en fournissant des instructeurs
aux mehallas azizistes? Est-ce en auto-
risant le général d'Amade à n'accorder
l'aman qu'aux seuls chefs chaouïas qui
promettaient de reconnaître Abd el Aziz
et lui rendre hommage dans Rabat ?
La politique du quai d'Orsay s'est en-
gagée si visiblement à fond dans la cau-
se aziziste que la victoire de Moulay
Band fut la défaite même du ministre
des Affaires Etrangères.
Ce n'est pas là la seule 'disgrâce de
hotre ministre. Sa politique fut à la fois
si équivoque et si maladroite qu'il ne
saurait désormais prendre une décision
heureuse. S'il reconnaît Hafid, il aban-
donna les Marocains qui, sur la foi de
la légation de Tanger, se sont engagés
en faveur d'Abd el Aziz, avec l'espoir
d être soutenus par la France. S'il per-
sévère à défendre Abd el Aziz, il ouvre
à nouveau l'ère des sacrifices d'argent et
de sang, l'ère des collisions aiplomati-
ques, des échanges de notes méfiantes
entre chancelleries hostiles.
La politique du gouvernement se ré-
srnne en trois mots : elle a échoué,
Ne pouvoir maintenir le sukan qu'on
défend, ne pouvoir écarter le sultan
qu'on redoute; organiser un plan d'oc-
cupation dans la Chaouïa, basé sur tout
un système de postes et de fortins et
évacuer d'une façon inopinée, mysté-
rieuse et rapide, vers le littoral ; préten-
dre que l'on « pacifie » un territoire
lorsqu'on y dévaste les moissons et que
'na fauche les moissonneurs, c'est à
chaque coup réussir feffet contraire.
Que le gouvernement ait été docile aux
indications de la majoribé, qu'il ait prou-
vé dans le passé, sa capacité de faresau
Majroc, à l'avenir, une politique de clarté,
d'habileté, d'humanité, une politique di-
gne de la France, ce sera une thèse dif-
ficile à soutenir.
Nous suivrons attentivement hs dis-
cours des ministres.
.—————————— ————'
tES ON-DIT
NOTRE AGENDA
'Aui'ourd'hui vendredi :
Lever du soileil, à 3 h. 58 ; couchent à
8 h. 4.
Courses à Maisons-Laffitte.
A propos de bottes
La princesse Louise de Saxe adorait
jouer la comédie.
Un jour, ayant à remplir dans une
pièce un rôle de femme de chambre,
elle voulut apprendre consciencieuse-
ment l'art de cirer les chaussures, et
s'acquitta de cette partie de sa tâche
avec un talent magistral qui excita l'ad-
miration des spectateurs.
Le vieux roi Albert, indigné de cette
infraction à toutes les règles de réti-
quette, adressa à sa nièce une admo-
nestation sévère pour avoir exécuté, en
public, une besogne impossible à con-
cilier avec le décorum de la souverai-
neté.
De cette querelle à propos de bottines
trop bien cirées, sont nées les premiè-
res discordes qui devaient, dans la sui-
te, aboutir à un dénouement pénible.
A quoi tiennent les destinées !.,*
Les poules baromètres
On sait que beaucoup d'éleveurs de
canaris ajoutent à la nourriture de ces
oiseaux un peu de poivre de Cayenne,
ce qui a pour effet de donner à leur
plumage une teinte plus foncée, rou-
geàtre. Ce phénomène curieux n'est ce-
pendant pas particulier aux canaris.
Les poules blanches auxquelles on en
donne à manger prennent une couleur
rose pâle.
Or, cette couleur rose peut servir à
prédire la .pluie, tout comme un baro-
mètre !
En effet, la composition chimique de
cette couleur veut qu'elle attire avide-
ment l'humidité qui se trouve dans
l'air, et oue, sous l'influence progres-
sive de cette humidité, elle devienne de
plus en plus rouge, jusqu'au plus in-
tense écarlate. Cette transformation se
fait avec une régularité telle, que le
degré de coloration donne une notion
exacte du temps ou'il va faire. Et
quand la basse-cour est peuplée de pou-
les écarlates, on peut être sûr que, quel-
ques heures après, il tombera une forte
ondée.
AUTREFOIS
Rappel du 20 juin 1872. - Le centre
droit a fait une nouvelle tentative pour at-
tirer le centre gauche et pour le décider a
agir avec lui sur M. Thiers. L'entrevue qui
a eu lieu hier à ce sujet a eu un résultat
négatif.
Aujourd'huwi, l'Assemblée 'de Versailles
verra arriver les pétitions pour l'enseigne-
ment gratuit, obligatoire et laïque ; les si-
gnatures s'élèvent au nombre énorme de
un million.
Le f (mieux thermomètre de Vingénieur
Chevalier, que les Parisiens consultaient
depuis près d'un siècle sur le Pont Neul, a
été détruit, hier, par une voiture qui, tour-
nant trop court, a brisé toute la devanture
de l'ingénieur.
Le baron d'Empeaux, qui avait engagé
le pari d'arriver premier à Lyon, en vélo-
cipède, est arrivé en effet premier. Il a
mis huit fours à se rendre à Lyon.,
Eogrit pontifical
Les plus fervents admirateurs du
pape ne disconviennent pas que son
prédécesseur Léon XIII avait plus d'es-
prit que lui. Les traits spirituels et les
jolis mots de Léon XIII abondent, et les
jeunes « monsignori » se consolent de
la rigueur def¡ temps actuels en contant
des anecdotes du temps passé.
Ainsi, vers 1880, il y avait à Rome
un cardinal, Mgr JacobLni, qui s'était
acquis une véritable célébrité, aussi
bien par la coupe exquise de ses souta-
nes, que par les soins minutieux qu'il
donnait à sa chevelure.
Le cardinal était ichauve ; mais il
avait fait confectionner par le meilleur
des artistes capillaires, trois, perruques
d'inégales longueurs, encore qu'elles
fussent toutes les trois d'un blond ar-
dent, qui réjouissait tout à la fois le
Meur et les yeux. Il portait la première,
très courte, au commencement du mois;
vers le 10, il arborait la seconde, dont
les cheveux se roulaient en légers fri-
sons ; enfin, dans les-derniers jours "du
mois, il coiffait la troisième, dont les
mèches réclamaient si manifestement
l'intervention du coiffeur, qu'on ne s'é
tonnait point, dans la semaine suivan-
te, cle retrouver le cardinal tondu de
frais et rajeuni.
Bien que ce léger travers, ne fit de
mal à personne, il finit cependant par
impatienter Léon XIII. Mais comment
avertir le pauvre cardinal, sans lui
causer trop de peine pour une-faute
vénielle ? L'occasion. '5fl présenta enfin.
Un jour que Jacobini prenait congé du
pape et le félicitait de rester toujours
jeune : - - jours
— Eh ! eh l'Eminence, répondit en
souriante le Souverain Pontife, — en dé-
signant la blonde perruque du doigt —
il serait *tout-de même temps de nous
décider à blanchir un peu 1
L'originel das boucles d'oreilles
Abraham -aimait sa servante Agar, à
qui la belle Sara avait voué une haine
mortelle. Un jour, dans tlnparoxysme
de fureur, elle avait juré de défigurer
Agar. Abraham épuisa, pour la détour-
ner de ce projet, toutes les ressources
de la diplomatie. Il finit paar obtenir
que le visage d'Agar serait épargné,
sauf un point ou plutôt deux : Agar
eut les oreilles percées. Abraham, pouf
calmer la douleur de son esclave, intro-
duisit dans chaque blessure un anneau
d'or. Juste retour des choses d'ici-bas,
Sara n'eut pas plutôt jugé de l'effet de
ce nouveau remède, qu'elle se blessa, à
sdji tour pour se le faire appliquer. Les
esclaves l'imitèrent. Les pendants d'o-
reilles étaient inventés I
Une boutade de Renan
Ernest Renan avait parfois des ironies
sournoises et des gaietés de pince sans
rire.
Il dînait un soir chez Mme Aubernon.
Les dîners de Mme Aubernon étaient
célèbres à Paris. Ce n'étail que des séan-
ces littéraires que la maîtresse de mai-
son présidait avec autorité. Ce soir-là,
Jules Simon commençait avec un char-
me onctueux une théorie sociale, quand
Renan ouvrit la bouche comme pour
parler. Mme Aubernon s'en aperçut et
lui dit à mi-voix par-dessus la table :
— Tout à l'heure, M. Renan, nous
serons bien heureux de vous entendre.
Renan resta coi. Le service continua,
les plats succédant aux plats ; Jules Si-
mon, abondant avec agrément, conti-
nuait. Enfin, il cessa.
— Je crois, M. Renan, dit alors Mme
Aubernon, que vous vouliez dire quel-
que chose ?
— Oui, madame, répondit Renan,
mais il est trop tard maintenant ; je
voulais simplement redemander des pe-
tits pois.
Voir à la 3e page
les DERNIÈRES DÉPÊCHES
L'Eglise militante
va manifester
S'il arrive-à Fie X de passer-des nuits
en extase devant les Manches apparitions
de la Vierge, — qui lui dicte sa conduite a
l'égard du gouvernement de la Républi-
que, — il lui arrive aussi de faire des rê-
ves où Bellone, la rouge déesse des com-
bats, vient lui inspirer des sentiments bel-
liqueux.
Le chef de l'Eglise catholique n'ignore
pas que toutes les fois que ses fidèles or-
ganisent des manifestations religieuses sur
la place Saint-Pierre, des coups sont
échangés, que parfois même du sang est
versé dans les bagarres qui se produisent
entre cléricaux et libres penseurs, et qile
là cause du catholicisme ne peut que per-
dre de son prestige sous les coups de poing
et les horions de la rue.
Peu lui importe, il a le tempérament ba-
tailleur et il aime à le prouver.
C'est ainsi qu'il vient de se mettre en
tête de préparer, pour le premier diman-
che de juillet, avec le concours des asso-
ciations paroissiales et des cercles catho-
liques de Home, une grande manifestation
en son honneur.
On annonce déjà; qu.e les dispositions
sont prises pour recevoir plus de 60,000
personnes dans la grande cour du Belvé-
dère, où sera erécuté l'hymne papal, avec
accompagnement de fanfare.
IJ est à peu près certain que les anti-
cléricaux, qui sont nombreux à Rome, ne
laisseront pas se produire sans protesta-
tion une manifestation de cette importan-
ce. Pie X le sait parfaitement, mais il s'en
moque, du moment que ce n'est pas lui
qui recevra les coups. Il veut avant tout
que son Eglise soit militante et il poursuit
son but par tous les moyens. - P. G.
-
VOYAGE D'ETUDE
Les journaux monarchistes annoncent,
avec componction, que le duc d'Orléans va
effeettiei- - en compagnie du généra! Do-
nop — un voyage d'étude en Bavière et en
Autriche.
Ce voyage a pour objet l'étude de la cam-
pagne de 1809.
« Ce sera, disent les journaux royalistes,
« avec une émotion profonde et en son-
« géant à ses devoirs futurs, que le duc
« d'Orléans poursuivra ce voyage, très pro-
« pre à achever de le préparer à l'accom-
M plissement de la grande tache que l'ave-
» nir lui réserve. »
Ce couplet fera sourire ceux qui connais-
sent liptelligence transcendante du duc
d'Orléans. Il provoquera, en outre, un im-
perceptible haussement d'épaules chez ceux
qui vont se demander eà et quand le duc
de la Gamelle a appris le métier de général
d'état-major.
La France semble peu se soucier des ca-
pacités militaires du duc d'Orléans.
Aussi croyons-nous que le voyage d'étu-
de entrepris par le prétendant aura sur-
tout pour résultat de rendre plus piquante
et surtout plus suggestive la rencontre du
chef des nationalistes d.e France avec ses
proches parents de Bavière et d'Autriche,
c'est-à-dire avec les adversaires de notre
pays 1 - -
Jean CIorvaK
'-. .--
,
1. ,: EN PLEIN MYSTÈRE -
Et les reciieroDes 0 illi nuent
A la recherche des bijoux. - Une déclaration qui reste à
vérifier. — La piste des popes abandonnée. — Conflits
entre les enquêtes et les instructions.
Rue de la Pépinière, où M. Rémy lut
assassiné avec un couteau à dessert-, et
de façon si discrète que successive-
ment, trois médecins appelés à consta-
ter le décès déclarèrent qu'il y avait
mort naturelle, il semble établi par les
déclarations du concierge et de sa fem-
me, qu'au moment où le cadavre fut
découvert par le valet de chambre,
vers huit heures et demie du matin,
rien n'avait été dérangé dans l'apparte-
ment, alors que vers onze heures, la
justice qui venait de se transporter sur
les lieux, constatait qu'il y avait eu as-
sassinat et par-dessus le marché, cam-
briolage nettement caractérisé. Une
certaine somme d'argent et des bijoux
de valeur avaient disparu et les meu-
blés qui les contenaient avaient été
ouverts à l'aide d'une clef que la vic-
time portait habituellement sur elle.
Impasse Ronsin, ie 1er juin, lende-
main du crime, vers midi et demieà
des journalistes qui l'interrogeaient,
M. Hamard, qui venait de constater un-
double crime acompagné de cambrio-
lage et de vol d'argent, jurait ses grands
dieux qu'aucun bijou n'avait disparu. -,
« M. Hamard, dit la Libre Parole, fai-
sait les déclarations suivantes :
\Si Mme Sleinheil dit que fôs bijoux lui ont été
volés, vous pouvez lui répondre qu'elle en a
menti (sic). Je les lui ai représentés tous : il n'en
manque pas un seul.
Mme SteinhéiJ, qui est une femme de tête, sa-
vait fort bien où elle les avait placés !
« Ces propos ont été. tenus, ajoute
notre confrère, devant dix personnes,
la plupart des journaux les ont repro-
duits, sans provoquer le moindre dé-
menti.
« Aujourd'hui, M. Hamard déclare
tranquillement qu'une foule de bijoux
qu'il décrit et spécifie, ont été volés à
Mme Steinheil !
« Qu'est-ce que cela signifie ? M. Ha-
mard serait-il à ce point troublé par les
complications inextricables de cette
affaire, qu'il en perdrait jusqu'à la mé-
moire ?
« Voilà, dans tous les cas, un mys-
tère qu'il serait bien intéressant d'é-
claircir. »
Nous sommes entièrement de -. cet
avis.
Il résulte de tout ce qui précède que
si l'on faisait appel à là logique du rai-
sonnement dans ces deux affaires, on
serait amené à conclure que les bijoux
de Mme Steinheil furent dérobés en-
tre le 1er juin et le 16, puisqu'ils ne l'é-
taient pas au lendemain du crime, .;'t
que M. Rémy, trouvé mort de sa bonne
mort naturelle à huit heures et demie
du matin, aurait été lardé de coups de
couteau entre huit heures et demie et
onze heures, pendant que, dans le
même intervalle, son appartement au-
rait été cambriolé.
Et ce qui ne paraîtra pas moins
étrange, c'est que M. Hamard ait fait
fouiller avant-hier les réduits à bois et
à charbon de l'hôtel Rémy, pour voir
si les bijoux dérobés n'y avaient point
été cachés.
Cette perquisition, demeurée d'ail-
leurs infructueuse, semblerait donc in-
diquer que M. Hamard s'est formé !a
conviction que les bijoux n'ont pas
quitté la maison du crime.
On voit dans quels marécages patau-
gent à la fois et l'enquête et l'instruc-
tion de ces deux affaires.
Au milieu de toutes les invraisem-
blances qui ne font que s'accumuler, il
ne serait pas plus invraisemblable de
demander à M. Hamard si quelque mys-
térieux personnage n'a pas fourni à Le-
moine qui est en fuite, les bijoux de
l'impasse Ronsin et ceux de la rue ch,
la Pépinière, pour fabriauer son fameux
diamant. Ne sommes-nous pas en plein
domaine de la fantaisie ?
***
Nous avons signalé hier les exercices
auxquels se sont livrés les agents de M.
Hamard dans la villa Steinheil, pour
se faire une opinion décisive sur les
déclarations du valet de chambre Rémy
Couillard.
Au début, celui-ci avait déclaré -
c'est du moins ce qui fut annoncé à la
presse par la Sûreté, — qu'étant cou-
ché, la nuit du crime, dans une cham-
bre du troisième ét-age. contrairement
à son habitude, qui était, depuis quel-
que temps, de coucher sur un canapé
que temps, d'hiver, pour veiller sur la
du jardin
sécurité de ses maîtres, il avait entendu
des bruits suspects, qu'il avait même
saisi son revolver, mais que la pbur
l'avait empêché de descendre dans l'ap-
partement de ses maîtres ; plus tard. le
valet de chambre aurait déclaré qu'il
n'avait absolument rien entendu, et
c'est pour vérifier l'exactitude de cette
déclaration que M. Hamard a fait cou-
cher un de ses agents dans le lit. du do-
mestique, ce pendant que d'autres
agents se sont livrés à un simulacre de
lutte dans l'appartement où couchaient
les victimes. Cette expérience aurait dé-
montré qu'en effet, on ne peut percevoir
aucun bruit dans la chambre où repo-
sait Rémy Couillard. Nous voulons
croire que, pour cette expérience, M.
Ilamard" n'a pas fait choix d'un agent
atteint de surdité mais bien d'un limier
à l'ouïe délicate. Mais il est une ques-
tion que M. Hamard ne s'est peut-être
pas posée et que nous nous permettons.
de lui soumettre. Rémy * Couillard a dé-
claré avoir couchét lanuit du crime,
dans une chambre du troisième étage..
M. Hamard a-t-il fait la preuve do
l'exactitude de cette déclaration ? M.
Hamard a-t-il la preuve que le valet de
chambre était bien couché dans cette
chambre et qu'il n'a pu ni entendre ni
voir ce qui se passait dans l'apparte-
ment de ses maîtres ? C'est un fjoint de
la plus haute importance et qui vanl
la peine d'être éclairci.
M. Hamard, qui avait voulu voir, tout
d'abord, dans le crime de l'impasse
Ronsin, un « crime crapuleux » dont les
auteurs appartenaient à la « basse pè-
gre », semble avoir maintenant changé
d'avis. Avant-hier, aux journalistes qui
l'interrogeaient, il a* fait la déclaration
suivantè ; - >
Plus que jamais, je suis convaincu que ce cri.
me monstrueux est, Jloeuvre de cambrioleurs.
Mais je suis ù peu près certain que ces cam-
brioleurs appartiennent - à un monde plus re-
levé que celui dont font partie les professionnels
de la pince-monseigneur.
C'est déjà une concession faite à la
vérité en marche, et aussi à M. Leydet,
qui se trouve, dit-on, en contlit d'opi-
nion avec le chef de la Sûreté.
La Libre Parole, faisant allusion 8
ce conflit, ajoute :
On dit que la descente de M. Monnier, pro-
cureur de la Hépublique, dans la villa Steinheil
n'avait d'autre but que « d'arborer » le diffé-
rend. M. Monnier, en effet, fatigué de ees dis-
cussions sans cesse renouvelées, où les mêmes
arguments étaient toujours opposés les uns aux'
autres, a voulu aller y voir lui-même sur place,
afin de se faire une opinion personnelle.
On .d't enfin, qu'à la suite de cette enquête,
M. Monnier aurait opiné dans le même sens
oue Al. Leydet.
Si tout cela est exact, il se pourrait que nous
assistions, avant peu, et sérieusement cette
fois, à du nouveau.
»*#
De son côté, Messidor, qui dit avoil
reçu d'un « personnage très officiel »
de nombreuses et très précises déclara-
tions, incline à penser que M. Hamard
ne tardera pas à épouser une autre ver-
sion que celle qui lui parut si-chère dès
le lendemain; même du crime. Et notre
confrère rapporte en ces termes le der-
nier entretien qu'il a eu avec le person-
nage en question, sur le drame de Vau-
girard :
D'après les renseignements recueillis sur pla-
ce, d'aptes les propos par moi entendus dons
des Circonstances particulières, et d'après, au s-,
si, les multiples contradictions relevees au cou: s
de l'enquête. j'ai erl' pouvoir reconstituer eu
grande partie la vérité, nous a-t-il dit.
La « xxmquiue » n'existerait pas. J'ajoute :
elle ne peut pas exister.
On objectera que Mme Steinheil l'a vue, l'a
entendue parler.
A cela je répondrai catégoriquement : Mme
Steinheilt j'a vue, en rêve, dans- un cauche-
mar. si !ton préfère.
Et ce qui le démontre, c'est qu'elle a fait te-
nir ii cette femme des propos que n'aurait ja-
mais pu tenir une 'UiCfl'euse. une « faubourienne.
au parler gras ».
Les mots d'argot rapportés par la rescapée
sont des mots d'argot que, fatalement — peut-
être même à son insu — Mme Steinheil connais-
sait ; c'est du mauvais argot d'atelier. Ce sont
d-es mots que 'es gens les mieux élevés coinnais-
sent,que l'on entend sur les champs de ~osuses,
au théâtre, au concert, partout, hormis chez les
apaches, hormis chez les filles.
Quand elle a fait sa déposition, lime Steio.
heii était absolument sincère.
11 suffit, un instant, d'imaginer l:affreusa-
scène vécue par cUe pour s'en convaincre.
Les cambrioleurs connaissaient la disposition
des lieux aussi bien que les habitants de -la
villa.
D'autre part, tout démontre qu'un des visi-,
teurs nocturnes, tout au moins, étaiL. connu des
victimes.
On a parlé du modèle. On parie maintenant
d'une autre histoire, très intime, très ooulou-
reuse..
Peut-être la vérité est-elle là ! Je ne puis,
Quant à présent, eu dire davantage. Je nie con-
tente donc d'enregistrer avec plaisir la déclara-
tion si inattendue de M. Hamard — qui vient à
l'appui de ma thèse — en tirant des faits main-
tenant connus, cette conclusion qui s'impose :
La vérité, pour peu qu'on y melle un peu de
bonne volonté, éclatera sous peu.
Cette conclusion sera également la
nôtre : la vérité doit éclater fatalement
si les magistrats enquêteurs et instruc-,
teurs sont résolus à faire leur devoir.,
Ils n'ont, pour cela, qu'à serrer d'un
peu près toutes les questions posées et -
toutes les vérifications de déclarations
reçues par eux.
L'opinion publique n'admettra ja- ,
mais que l'action de la justice puisse
être paralysée dans les deux afra'res
mystérieuses qu'elle instruit en ce mo.
ment.
- j
LE CRIME .,-'
DE LA RUE DE LA PEPINIERE *
M. Albanel vient d'explorer les caves de
l'hôtel de la rue de la Pépinière, espérant
y découvrir les bijoux dont Mme Rémy a
constaté la disparition.
Le juge d'instruction n'a rien trouvé et
son enquête reste stationnaire. Il a placé
son dernier espoir de découvrir enfin fin-;
trouvablc assassin, dans l'examen du linge
sale saisi à l'hôtel. La perquisition nnu-.
vclle opérée par M. AJbanel prouve que
les soupçons du juge se portent toujours
sur les domestiques.
Il peut paraître déjà étrange quun do-
mestique qui avnit maintes occasions de
cambrioler tout à son aise, sans avoir A
commettre un assassinat, ait choisi pour
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