Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-06-08
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 08 juin 1908 08 juin 1908
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
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Lundi 8 juin 1908. — N. 13988
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Départements Tl 12 t 24
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ICDACTION : 14, RUE OU MAIL, PARIS. - TÉLÉPHONÉ IOS.88
Dt 4 d 8 heures du toit et de 40 Iatw du soir à i heure du maiim
FONDATEUR: EDMOND ABOUT
ADMINISTRATION : 14' RUE DU MAIL. - TÉLEPHONE 102 69
Adresser lettres il mandait à l'Administrateur
RÉDACTION POLITIQUE
MM. DELPECH, GAUTHIER, LEYDET, MONIS, Sénateurs;
MM. Paul BOURELY, Jean CODET, Emile CONSTANT,
de KEROUEZEC, MASSÉ, Louis PUECH, Marcel REGNIER,
René RENOULT, Th. STEEO, Députés;
MM. Jules HENAFFE, Henri ROUSSELLE, Conseillers
municipaux de Paris.
TRIBUNE LIBRE
CoalBSiop, PésprlfrB et Granflciir Militaires
Lorsque sous la pression
d'événements extérieurs, des
défectuosités sont relevées
idiis l'organisation de la dé-
pense nationale, on en rend
responsable - tout le - monde,
ruyanmment, de façon à émou-
v v i upinion publique, la minorité
ioouse la majorité de sacrifier aux
oesoins de sa politique les millions du
patriotisme. La majorité, msuiiisam-
ment ou complaisamment renseignée,
peu sûre de ses actes, hésitante, ne sa-
chant jamais se dégager carrément des
étreintes perfides réactionnaires, donne
prise. il faut l'avouer, à l'accusation.
Lorsqu'il est question de manque-
ments dans l'organisation de la défense
nationale, les responsabilités effraient
à un tel point le Parlement, que, dans
la crainte d'en avoir à assumer, crainte
iustillée, il estompe les fautes com-
mises avant d'en rechercher les auteurs.
C'est lui-même qui met la lumière sous
le boisseau, et lorsqu'il songe à s'a-
dresser à l'Administration militaire,
son auxiliaire compromettante, ce n'est
pas pour exiger d'elle des explications,
c'est pour lui confier ses embarras et
lui demander les moyens d'en sortir.
L'Administration militaire sort finale-
ment de toutes ces aventures avec une
auréole nouvelle et des pouvoirs tou-
jours plus grands pour réorganiser la
défense nationale et veiller à sa sécu-
rité. -
L'état psychologique des membres du
Parlement permet donc à l'Administra-
tion militaire de puiser largement et à
discrétion dans les poches des contri-
buables. « Fachoda, le Maroc » 1 A
chaque occasion elle encaisse et la dé-
fense nationale n'est jamais assurée.—
C'est tant pis pour l'armée et pour la
République. C'est tant pis aussi pour
les malheureux officiers qui escomp-
tent une amélioration de leur solde et
de leur retraite.
Le mal n'est donc pas là où la réac-
tion l'y voit complaisamment. Le
mal est chez le médecin, son ami et
allié ; c'est lai qui l'a inoculé et c'est
son contact qui l'entretient. Le Parle-
ment, au lie ude s'engager à fond, par
respect humain, derrière l'Administra-
tion militaire, ferait donc oeuvre beau-
coup plus utile et plus saine en s'em-
ployant d'abord à extirper chez elle les
germes infectieux qui rendent son in-
tervention dangereuse. Telle elle est or-
gministration militair n'offre pas plus de
garanties aux contribuables qu'aux
vrais p*tiiolos.
L'Administration militaire entretient
&n permanence et à profusion, pour
.justifier ses cadres exagérés d'officiers,
des services accessoires aux attribu-
tions multiplies et confuses, pour ies-
quels sont insuffisants les crédits énor-
mes que le Parlement met chaque an-
née à sa disposition. Lorsqu'elle a épui-
sé ses ressources ordinaires et extra-
ordinaires, puis ses ressources irrégu-
lières d'à-côté, tel le produit de la vente
des canons en bronze pour en citer
iUne, elle paie ses frais généraux et dé-
penses diverses avec les crédits votés
pour le remplacement des munitions
de réserve prélevées chaque année pour
l'instruction des troupes. A raison de
iVingt millions par an, c'est, en dix ans,
un déficit de deux cent millions dans
les approvisionnements de réserve.
Lorsque sa situation financière devient
impossible, qu'il faut combler le déficit
DU sombrer, le parti réactionnaire ren-
tre en ligne. A son appel, les ministres
sont traités d'abrutis, d'ivrognes, de
aésorganisateurs, de dilapidateurs, de
voleurs ,d'antimilitaristes, etc., etc. ; le
terrain est prêt ! A la première occa-
sion, on le met en valeur.
L'exploitation du patriotisme n'est
pas le seul expédient de l'Administra-
tion militaire, — En 1898, devant la
forte dépense qu'elle devait entraîner,
les pouvoirs publics hésitaient à trans-
former l'artillerie de campagne de Ban-
ge en artillerie à tir rapide, et cela,
avec d'autant plus de raison, qu'en Al-
lemagne, on ne paraissait pas pressé
S'entrer dans cette voie. Pour vaincre
toutes les résistances, l'Administration
militaire proposa d'effectuer cette trans-
fromiation sans qu'elle coûtât un sou
à l'Etat. La plus-value financière du dé-
classement et de l'aliénation des ter-
rains militaires de l'enceinte de Paris
devait en payer tours les frais. La pro-
position était alléchante ; plus de ser-
vitudes autour de Paris et des canons a
11r rapide, à l'œil ; elle fut acceptée 1
Les ressonr.ps trouvées ou tout au
moins le principe, .comme les négocia-
tions entre l'Etat et les tiers intéressés
dans l'affaire devaient demander un
certain temps, et surtout qu'il fallait
profiter de l'occasion qui s'offrait de
distancer l'Allemagne dans la voie des
armements, le ministre des finances
obtint du Parlement l'autorisation d'é-
mettre 260 millions d'obligations à
court terme qui permettraient de com-
mencer immédiatement les travaux. Ce
fut la pâle noce. L'Administration mi-
litaire mit aussitôt en chantier, con-
curremment avec l'artillerie de campa-
gne à tir rapide, une artillerie lourde
de campagne - absolument supérieure
— on l'a vu à Madagascar. Elle vient,
du reste, d'être classée aux riblons.
A" ce train d'enfer, les 250 millions
ne firent qu'une bouchée. En 1900, ils
étaient complètement dépensés et le
matériel à tir rapide était loin d'être
terminé. Des gens mal intentionnés pré-
tendent même que tout le secret de la
batterie à 4 pièces est là. Pour l'ache-
ver, il fallut demander au Parlement
110 millions de crédits extraordinaires
qu'il accorda sans protestations sérieu-
ses.Sa condescendance pour l'Adminis-
tration militaire ne se ralentit pas, du
reste, les années qui suivirent ; de i903
à 1907, il mit à nouveau à sa disposi-
tion 386 millions de crédits extraordi-
naires et supplémentaires pour complé-
ter les approvisionnements de réserve
et pour la création d'une deuxième ar-
tillerie lourde en remplacement de la
première. - -- .n.L'
Présentement, les 250 mimons d ODU-
gations à court terme sont donc dépen.
sés, justifiés et régularisés, ainsi que
beaucoup d'autres, dans les écritures
du ministère de la guerre ; mais les
terrains militaires des fortifications de
Paris ne sont ni déclassés, ni aliénés,
raccord ayant cessé de se manifestp;.'
sur l'à-propos de cette opération Quf.
tôt l'administration militaire en posses-
sion de son argent. Il en résulte que le
ministre des finances paie encore, à un
chapitre spécial, en dehors du budget
de la guerre, cinq millions d'intérêts
annuels aux obligataires de l'émission
de 1898.
La conclusion de celte affaire très
adroite, c'est que la transformation,
sans dépenses, de l'artillerie de campa-
gne de Bange en artillerie à tir rapide,
proposé par l'Administration militaire,
a coûté : 1° 250 millions qu'il faudra
rembourser, l'artillerie et le génie ne
lâcheront plus leurs fortifications ;
2° 60 millions d'intérêts payés depuis
dix ans par le ministère des finances ;
3° 76 millions d'artillerie lourde jetée
aux riblons ; 4° des batteries de 4 piè-
ces au lieu de 6 ; 5° tout ce qu'on ne
connaît pas : en somme, plus du dou-
ble que si elle n'avait pas été promise
gratis et qn'oh l'ait faite régulièrement.
L'Administration militaire a la folie
des grandeurs. En l'espèce, l'Adminis-
x -u militaire, c'est l'artillerie. C'est
cette combinaison, pour ne pas dire
confusion, de bureaux, de comités, de
commissions et d'inspections, qui pré-
;ide, 3vec autant d'omnipotence que
d'irresponsabilité, aux destinées du ma-
tériel et de l'armement en France. L'ar-
tillerie, depuis trente ans, emploie tous
les moyens possibles pour élargir sa
place et son influence dans l'armée au
détriment des autres armes ; elle veut
l'étreindre et la dominer afin de lui
imposer le culte de ses conceptions
étroites et rétrogrades. Avec le matériel
de 75, elle s'imagine toucher au but.
Grâce à la mansuétude du Parlement,
elle a déjà doublé et même triplé l'im-
portance de ses services, elle compte
certainement encore sur lui, son projet
de loi des cadres aidant, pour l'aider à
donner à la France une nuée d'artil-
leurs.
La folie de l'artillerie est d'origine mi-
crobienne. Son microbe, c'est l'unité de
l'arme ; c'est cette puissance extraordi-
naire qu'elle détient. de l'ensemble de
ses pouvoirs divers et qui lui permet
d'intervenir en tout et pour tout ; e'est
l'argent qu'elle manipule. Si on ne veut
pas qu'elle dévore la France, il est
grandement temps qu'on songe à ar-
rêter ses élans inconscients par des me-
sures préservatrices. C'est de la tradi-
tion et non de la logique qu'elle détient
ses pouvoirs ; elle n'a pas plus qualité
et compétence pour fabriquer le maté-
riel de guerre et l'administrer, qu'aucu-
ne autre arme. Qu'on réserve ces fonc-
tions à des spécialistes, à des profes-
sionnels, qui obéiront, eux, jaux ordres
donnés, qui n'auront pas à s'employer
au bénéfice d'une arme plutôt que
d'une autre, on verra s'ils utiliseront les
crédits destinés aux approvisionne-
ments de guerre, à construire des bat-
teries entières de canons pour les mar-
chands de ferraille. Et si on le leur to-
lérera, le cas échéant 1
X. X. X.
LA POLITIQUE
A PROPOS OU DIVORCE
Réactionnaires- et conserva-
teurs grincent des dents : le
Parlement vient de donner
une extension nouvelle au di-
vorce.
Dans la séance de vendredi,
la Chambre a voté un texte qui lui re-
tenait du Sénat. « Lorsque la sépara-
tion de corps aura duré trois ans, le
jugement sera de droit converti en juge-
ment de divorce, sur la demande formée
par l'un des époux. » Ainsi beaucoup de
gens pourront faire cesser une situation
dont le caractère normal est d'être tran-
sitoire.
« Maintenir, a très bien dit le ministre
de la justice, dans les liens du mariage
un époux séparé de corps, contre son
gré, comme par une sorte de peine cor-
porelle, cela vraiment n'était plus pos-
sible- »
Cependant, il y a vingt ans que l'on
bataille pour obtenir le résultat qui
vient d'être acquis. La résistance du Sé-
nat avait cessé. La Chambre a adopté
presque sans discussion le texte que lui
renvoyait la Haute Assemblée.
Les progressistes de M. Ribot et de
M. Briadeau, joints à la droite réaction-
naire et cléricale, n'ont esquissé qu'une
contre-manifestation platoniquè. Les
temps sont durs pour les défenseurs de
l'ancien régime social. L'esprit d'huma-
nité et l'esprit laïque éroitement rap-
prochés font lentement évoluer les lois
dans le sens de la mentalité générale et
des mœurs.
C'est un nouveau progrès qu'il faut
enregistrer dans la modification de l'ar-
ticle 331 du Code civil. « Désormais, les
enfants nés hors du mariage pourront
être légitimés par le mariage subséquent
de leurs père et mère, lorsque ceux-ci les
auront légalement reconnus avant leur
mariage ou qu'ils les reconnaîtront dans
l'acte même de la célébration. »
Les gens de la droite n'en reviennent
pas. La suppression de toute distinction
entre les enfants adultérins et les au-
tres les met en rage.
rourquoi donc ces messieurs ne pro-
posent-ils pas- qu'on marque toute leur
vie les enfants adultérins d'un signe
particulier et qu'on les fouette en place
publique pourv leur faire expier les pé-
chés de leurs parents? Pieds nus, la
corde au cou, en chemise. Messieurs,
cela vous va-t-il ?
LES ON-DIT
Du « Cri de Parte » :
On n prend jamais M. Clemenceau
sans vert. Pour éviter la fâcheuse inter-
pellation, à la suite des résultats plutôt
médiocres de la grande consultation
municipale, notre Premier a usé d'un
« truc » qu'il nous pardonnera de « dé-
biner », car il fait honneur à son génie
inventif.
Pour chaque département, il a com-
mandé à ses préfets un double jeu de
statistiques. Les premières constatent
des gains nombreux à l'actif des radi-
caux et des radicaux-socialistes. Elles
annoncent le chambardement des séna-
teurs progressistes aux élections séna-
toriales prochaines et même éloignées.
Ces bulletins de victoire ont été remis à
M. Bonnet, le secrétaire général du
grand cominté exécutif, qui s'est em-
prf>cc;é de les communiquer aux jour-
naux.J
viais les slataistiques vraies ne sont
pas sorties du cabinet de M. Clemen-
ceau. A l'occasion, il les montre très
confidentiellement aux « amis du cen-
tre » qui viennent, place Beauvau, "})lus
nombreu qu'on ne froif. ,-
Ainsi. le grand Exécutif rassuré, l'in-
terpellation combiste est renvoyée aux
calendes. Quant aux « amis du centre »,
Si longtemps habitués à la défaite, ils
se félicitent des petits succès dont ils
ont secrètement la confirmation offi-
cielle.
De « Cil Blas n 1
« De l'action, encore de l'actron, et i
toujours de l'action ! » s'écriait (para-
phrasant dix-huit siècles à l'avance, la
mot de Danton), ce vieux bavard et ce
vieux poltron de Cicéron.Par « action »,
il entendait, d'ailleurs, la gesticulation
oratoire.
Un sociologue italien vient de faire, à
Rome, une conférence sur les rapports
de la pensée et du geste, et les moyens
d'apprécier la sincérité des orateurs.
Il prétend que si la parole trompe, le
geste est un indice assuré des senti-
ments et des pensées, car nos mouve-
ments sont, le plus souvent, involontai-
res. -'
Méfions-nous donc des orateurs « qui
égrènent machinalement, à la manière
d'un chapelet, les anneaux de leur chaî-
ne de montre.Ce tic atteste un homme
sur la réserve, qui ne se livre pas entiè-
rement et garde une arrière-pens^
Les orateurs qui se dandinent de droi-
te à gauche et de gauche à droite, tan-
tôt sur un pied, tantôt sur l'autre, sont
des hommes versatiles, dont les opi-
nions sont sujettes à changer selon les
circonstances. Avec eux on ne sait ja-
mais sur quel pied danser.
Quand vous verrez, à la tribune, un
orateur répéter le même geste du bras,
de la main ou du doigt d'une façon
identique et monotone, ayez confiance
en lui. C'est un homme plein de son
sujet, inspiré par une émotion sincère,
qu'il exprime spontanément.
Mais le geste qui indique le comble
de la sincérité et du désintéressement,
est celui des orateurs qui ouvrent large-
ment les deux bras et découvrent com-
plètement leur poitrine.
Par contre, méfiez-vous de ceux qui
se frappent fréquemment la poitrine du
poing. Ceux-là sont des cabotins. »
Tout cela est parfait, et, muni de ces
renseignements, vous connaissez main-
tenant MM. Jaurès, de Mun, Clemen-
ceau et Ribot, comme si vous les aviez
pondus.
Mais qui nous dira 1e$ gestes que fai-
sait le conférencier italien pendant qu'il
^év^IormaB ses arguments.
-,'- ■—
En passaut.
- Adolphe!.
- Voila, monsieur, Voilà !.
Et Maujan passa son visage inquiet à
travers le tambour vert entTcbdillé.
- Mais entrez donc, nom de D., cria
M. le président du Conseil.
Connaisez vos classiques, s'pas ?. -porte.
ouverte ou fermée. Ouvrez., entrez.,
fermez., bien. Ecoutez-moi.Fait chaud.
Temps splendide. Ribot m'assomme. Le
Maroc m'en. mdekra. Allez me chercher
mon petit canotier chaouia, mes souliers
de peau de daim blanc,ma canne à pêche,
mes asticots, vers de vase, vers de farine,
blé cuit, boule de son. veux aller pécher,
à la ligne. Allez. ouste !
— Si M. le président voulait me permet-
tre un seul mot, hasarda timidement Adol-
phe.
- Un mot. quel mot. allez pas me di-
re m. je suppose, hein !
- Ait ! sainte Vierge, murmura Mauiaih
Dieu m'en garde. seulement voilà.
— V'la quoi ?
— J'ai un petit manoir au bord de la
Marne, à SuLnt-Maur. On il serait à mer-
veille pour taquiner le goujon. Et si M. le
président voulait me faire l'honneur.
— Compris. accepté. -ça va. vais pê-
cher chez vous. rendez-vous gare Vincen-
nés dans une demi-heure, allez. hop.
Cinq minutes après, M. le président du
Conseil, le canotier sur l'oreille, leste et
preste comme à vingt ans, sauta dans sa
tuijnifique H. P. H;.
Derrière lui, avec un bruit de ferrailles,
de zinc el de vaisselle, Maujan s'avançait
dans un modeste auto-taxi.
U était vêtu d'une chemise de flanelle
verd-âtre à cordelière et d'un petit complet
en toile à carreaux lilas ; chaussé de buins
de mer gris et coillé d'un chapeau cloche
at )?c une petite pointe en cône surmontée
d une plume de poulet.
Il portait dans les mains, sous les bras,
sur les épaules, en bandoulière, en cein-
turon, dès pliants, des cannes, des épui-
se lies, des seaux, des boîtes en zinc, en
fer-blanc, des scions, des hameçons, des
bouchons, si bien qu'en descendant devant
la gare de Vincennes, il se prit les jambes
dans une courroie et s'étala tout du lona
sur le trottoir, dans un granê bntit de
boîtes bosselées et ouvertes.
— Le train qui part. le train qui part,
criait M. le président du Conseil en haut
de l'escalier. Mais qu'est-ce qu'il 1. donc
cet animal à quatre pattes sur le trot-
toir.
Et Maujan, lamentable, de murmurer
d'une vaix éteinte : « J'ramasse mes asti-
cots qui se sont sauvés, M. le président. »
Enfin on arriva à Saint-Maur. Site chôm-
ant. Prop-riélé superbe.
— Compliments, lit le président satisfait.
Vous avez dû toujours sertfr dans de bon-
nes maisons Adolphe, pour pouvoir vous
offrir ce manoir sur vos économies ; mais
suis pas venu pur contempler des monu-
ments historiques. dépêchons et péchons.
Us s'installèrent sous un vieux saule, au
bord d'un étang alimenté par un petit ca-
nal donnant Accès sur la Marne.
— Très chic, votre petit canal, Adolphe,
dit le président badin.
Vraiment très chic, il semble réunir la
Méditerranée à l'Océan. C'est sans doute
Vavant-projet du canal des Deux-Mers,
ajouta-t-il narquois, en allongeant une
grande tape sur le chapeau de Maujan. Le
chapeau entra brusquement d'un seul coup
jusqu'aux oreilles d'Adolphe qui devint
rouge comme une tomate.
Mais soudain, M. le président du Conseil
avait cessé de plaisanter. Il devenait al-
tentii. ça mordait.
Successivement, il prit un, deux, trois,
dix, quinze ,cinquante goujons et gardons.
Il rayonnait.
lIlàuian, l'œil rivé sur son bouchon, le
regard fixe, la bouche bée, gobant les
mouches, ne prenait rien, rien, rien.
— Ça va donc pas, mon pauvre vieux ?
lit le président compatissant et ravi.
Au même instant le bouchon de Maujan
lit un plongeon effroyable et disparut sous
l'eau avec la moitié de la ligne. Adolphe
avait failli être entraîné, et j gissait sur
l'herbe, le derrière tout vert de chiendent
écrasé. Le président le rattrapa tant bien
que mal par les glands de sa cordelière
et le remit d'aplomb.
— Bon Dieu, quelle secousse, gémit Mau-
jan. ça doit être au moins un brochet.
— Un brocget ! pourquoi pas un re-
quin ! et le président se précipita sur la li-
gne qui ployait à se rompre. Aidé d'Adol-
phe il lira si bien qu'il finit ar sortir de
'eau un cochon. d'Inde ÿ!utrétié.
- Eh ! bien, mon vieil Adolphe, dit en
.s'en retournant iortal et familier M. le pré-
sident du coÚ.eil., la propriété est vrai-
mail charmante. Tsmps exquis. ombre
adorable. eau pur?, poissons abondants.
.Je me .silis très bien amusé., seulement
ton petit canal des Deusc-Mers me dégoûte,
lu devrais lo filter.. à cause des cada-
vres l
Le Cheluineau.
TRIBUNE CORPORATIVE
Vaines promesses
Le quatrième congrès national
des professeurs-adjoints et répétiteurs
des lycées vient d'avoir lieu à Paris
pendant les vacances de Pâques. En des
débats d'où la passion n'excluait pas la
plus fraternelle courtoisie, il a mis au
point et précisé avec la plus grande vi-
gueur nos revendications essentielles.
Parce que ces revendications ont fait
l'objet de nombreux articles dans la
presse et de discussions au Parlement,
le grand public croit volontiers qu'elles
ont reçu satisfaction. Il se dit : « Depuis
lo temps qu'on parle des répétiteurs,
ils doivent avoir obtenu de sérieuses
améliorations ».
La vérité, c'est qu'ils sont, comme
tous les petits fonctionnaires, victimes
de la politique actuelle qui consiste à
promettre beaucoup et à tenir le moins
possible I - - -
En possession, de 1801 à 1905, de Vas-
similation, à grade égal, aux profes-
seurs de collège, ils ont su, en 1906, fai-
re consacrer par un vote unanime de
la Chambre ce que le vénéré premier-
président Manau a appelé leur^« pro-
priété légale ». Récemment une com-
mission extra parlementaire,où domina
une majorité de bureaucrates a virtuel.
lement détruit l'œuvr.e de Léon Bour-
geois.
Il est vrai qu'en compensation cette
commission nous a voté de sérieux re-
lèvements de traitements. Malheureuse
ment, bien qu'elle ait terminé ses tra-
vaux en novembre 1907, ni le budget de
1908 ni celui de 1909 ne portent trace
de ces augmentations. La parole des dif-
férents ministres de l'instruction publi-
que et du ministre des finances nous
garantit que nous serons rasés gratis.
Seulement il paraît que ce n'est pas
pour demain.
Ce n'est pas non plus demain que pa-
raissent devoir êfrp rbalisbpq les con-
clusions 'de l'enquête parlementaire
1898 et aue le professorat-adjoint cesse-
ra d'êtse la caricature de la réforme pré-
conisée par ces grands révolutionnaires
qui s'appellent Ribot, Bourgeois el
Georges Leygues.
Cependant les timides essais qui en
ont été tentés ont parfaitement réusst
et au témoignage de:) inspecteurs géné-
raux, enregistré par les divers rappor-
teurs du budget de l'instruction publi-
que, MM. Lintilhac, Maurice Faure,
Massé et Steeg, n'ont donné que de
bons résultats. Qu'attend-on pour géné-
raliser ces essais et mettre en pratique)
l'ordre du jour que le Parlement votait
en 1902 ?
Je pourrais allonger indéfiniment la»
liste des déceptions qu'ont éprouvées*
les répétiteurs. Qu'il me suffise, en ter-
minant, de rappeler l'une des plus an-
ciennes. Elle remonte à 1897. En ce
temps-là, M. Méline était président du;
ConseiJ; le grand-maître de runiversité,
Alfred Rambaud, résolut de supprimer;
notre association générale. Les crimes
qu'avait commis la malheureuse, je,
vous les conterai peut-être quelque
jour pour l'édification de ceux des ré-
publicains qui sont enclins à oublier le
passé le plus récent. Mais l'opération'
n'allait pas sans quelque difficulté.
Queîcpie réactionnaire que fût la Cham-
bre, çlle risquait de ne pas laisser s'ac-
complir un pareil acte d'arbitraire.
C'est alors que, pour calmer les scrupu-
les des députés, le ministre Rambaud
promit solennellement à la tribune d'ac-
corder aux répétiteurs des représen-
tants au conseil supérieur et dans les
conseils académiques.
Dix ans ont passé 'et la parole de M.
Rambaud n'a pas encore été tenue !
M. Gaston Doumergue. qui a le souri-
re si aimable et l'accueil si sympathi-
que, ne voudra-t-il pas que son passage
au ministère de l'instruction publiquâ
coïncide avec la réalisation de quelques-
unes de ces promesses ?
F. GUKKARO.
Président d'honneur de la Fédé-
ration nationale des Prof es*
seurs, Adjoinlst Répétiteurs et
Répétitrices.
Les événements de Draveil-Vigneux
On connaît les tragiques événements
qui ont coûté la vie à deux malheureux
ouvriers grévistes des sablières de VJgneux-
Draveil." ,.
r On connaît aussi les regrettables inci-
dents qui se sont produits à la suite des
obsèques des deux victimes..
Surexcités par la mort de leurs camara-
des et par la présence de la gendarmerie
et de la troupe sur les lieux de la grève,
les ouvriers, auxquels s'étaient mêlés, com-
me toujours en pareil cas, des éléments
étrangers de désordre, ont commis des ac-
tes de violence qui font craindre que tout
sang-froid les ait abandonnés, et qu'à se
conduire comme ils viennent de le faire
durant deux jours, ils n'arrivent à provo-
quer une sanglante catastrophe.
Il est prouvé, à l'heure actuelle, en dé-
pit de toutes les tentatives faites pour ex-
cuser l'horrible fusiillade qui a couché dans
la tombe deux victimes, que c'est sans pro-
vocation et au mépris de tout droit et de
toute prudence que les gendarmes ont tiré
sur les grévistes, peut-être menaçants mais
sans annes, sans maircna -d'attaque pou
vanî être considérés comme dangereux.
Et l'on comprend que la colère, en mê-
me temps que la douleur, ait trouvé asile
dans le cœur des grévistes.
Mais la violence inqualifiable des gendar-
mes qui s'est traduite par des balles meur-
trières ne saurait excuser les actes de vio-
lence qui viennent d'avoir lieu : les outra-
ges aux agents des pouvoirs publics, les
brutalités exercées contre de malheureux
ouvriers non grévistes, la destruction des
engins de travail, la terreur semée parmi
la population.
En se livrant à ces excès, les grévistes
de Vigneux-Draveil ont déjà compromis
une cause qui était digne de toutes les
sympathies, parce qu'aux souffrances déjà
endurées par eux du fait du chômage, était
venue s'ajouter l'horreur d'une fusillade
que rien ne saurait justifier. Ils risque-
raient de compromettre irrémédiablement
cette cause s'ils continuaient à se conduire
comme ils viennent de le faire et à se met-
tre en révolte contre la loi dans le même
temps quHs en invoquent la sauvegarde.
Nous les adjurons, dans leur propre in-
térêt, de revenir à d'autres sentiments, de
se ressaisir, de ne pas donner au gouver-
nement qui a manqué de prévoyance et
de soUicitude à leur égard, prétexte à un
amoindrissement des responsabilités en-
courues par les détenteurs de la force pu-
blique dans la tragique soirée du 2 juin.
— P. G.
La situation est tendue, mais calme
Il n'y a pas eu d'incident sérieux à si-
gnaler pour la matinée autour de Yigneux-
Draveil. La. région a gardé sa physionomie
ordinaire.
A onze heures, les chômeurs se rendent
aux soupes communistes, puis rentrent
chez eux ou se dispersent chez les mar-
chand de vins. Dans les groupes, on com-
mente les événements de ces jours der-
niers ; d'aucuns les réprouvent, mais d'au-
tres les approuvent, et il en est même qui
trouvent qu'on n'est pas allé « assez loin »
dans la voie de la violence 1
A deux heures, des groupes de grévistes
se dirigent vers la salle Ranque, à Vi-
gneux, où doit se tenir une réunion.
— On a quelque peu exagéré les inci-
dents de vendredi soir. a dit M. Autrand.
Et la raieon en (,si simple : les meneurs de
la grève, pour donner le change aux auto-
rités et au service d'ordre, simulèrent de
faux déearts, annonçaient des intentions
qu'ils n'avaient- pas, lançaient des bruits
tendancieux ; ils ont raconté, par exemple, «
qu'une colonne était partie vers Ris-Oran*
gis pour commettre des déprédations,,
qu'une autre s'était rendue sous le viaduc-
de Brunoy pour le faire sauter & la dyna-
mite., Autant d'inexactitudes. »
Hier matin, on a constaté que l'élévateur.;
qui avait été envahi par des grévistes as,
sulu des dégâts importants.- Si le feu, allu- j
mé par les manifestants, ne s'est pas pro-
pagé et n'a pas provoqué l'immersion du.
bateau, il a cependant détruit des parties.
essentielles au fonctionnement de l'appa-,
reil.
Le préfet a pris des précautions pour.,
empêcher le renouvellement d'attentatsi
semblables. Outre les détachements placés
à proximité des Il fouilles » et des carrières.
pour empêcher les grévistes d'y pénétrer,-,
il a décidé. d'installer sur chacun des élé-,
valeurs des postes de soldats.
On craint que les grévistes ne provo-
quent quelques incidents nouveaux au
cours des manifestations qu'ils organise- ,
ront à l'issue de la réunipn de l'hôtel dw
Ppegpèss à Vigneux.
Les autorités vont prendre des mesures.
spéciales en vue d'empêcher les troubles
que pourrait provoquer la présence dans
la région, pendant les jours fériés de chô-
meurs venus de Paris.
Les bruits qui avaient couru d'incidents
de grève à Ris-Orangis et à Juvisy sonv,
inexacts.
Les grévistes se sont réunis, hier après-
midi, dans la salle du Comité de grève de
Vigneux. Ils étaient peu nombreux ; une
centaine environ. -
Afin d'éviter le renouvellement des der-
nières scènes, les sablières de Vigneux
étaient gardées militairement par un poste
de quatre gendarmes et de neuf dragons.
sous les ordres d'un sous-offcier de gen-
darmerie.
Les autres fouiMes ont reçu également
des postes militaires.
On a constaté que les parois d'un cha-
Jand où. sont installées les machines de l'é-
lévateur, avaient été endtcs d'huile, que
des chiffons imbibés de pétrole avaient étà
disposés en tas sur divers points du cha-
land qu'on avait, à l'aide de pioches, tenté
de percer la carêne et qu'un demi-mètre
cube ae charbon avait été alterné.
Si le bateau n'a pas été détruit par les
flammes, on le doit à ce fait que le char-
bon auquel les manifestants ont mis le feu
était place non sur 'le plancher du bateau.
mais sur un fond de briques qui, au mo-
ment où elles ont été retirées, étaient en-
core en ignition.
En outre, la machine, le tuyautage, lés
bielles ont été brisées à coups de marteau
et toutes les pièces de rechange ont été je-
tées à l'eau.
Les grévistes ont loué, à Vilieneuvc-
Saint-Georges, la salle du Casino pour y,
tenir aujourd'hui une réunion. ,
A 3 heures, le travail a été repris dans:,
les fouilles de Vigneux, à l'aide d'ouvriers
embauchés ce matin.
Une vingtaine de tombereaux chargés d6
sable ont pu sortir sous la protection des
dragons. ,."
LA JOURNÉE POLITIQUE ,'r
Le rendement des impôts
Le rendement des impôts pour le moja
de mai 1908 s'élève à la somme da
242,413 400 fr. accusant une plus-value de
U 492100 fr. sur les évaluations budgets
ONQ CENT1IHB8 lE NVMERO
Lundi 8 juin 1908. — N. 13988
E Sén IwEwt C^ Lw Eins
«mvoivcRs
êtJX BUREAUX OU J0URNA&
* Mt r. da lIalà, Pula.
Et «fefte MM. LAGRANGE. OERPetO»
place dt la Bourie, 6
MMMt félégrspbffu: XIX* SIÈCLB- PA&IS
-. -. ABONMESifilVTS 0- 'r
irois mois aix malt wm atf
e 7t. u L soie
Départements Tl 12 t 24
Union Postale 0 1 îfi f, 33
1m Abonnements sont reçus sss.5 !'::J8
daIUI tout les Bureaux de F os te
ICDACTION : 14, RUE OU MAIL, PARIS. - TÉLÉPHONÉ IOS.88
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FONDATEUR: EDMOND ABOUT
ADMINISTRATION : 14' RUE DU MAIL. - TÉLEPHONE 102 69
Adresser lettres il mandait à l'Administrateur
RÉDACTION POLITIQUE
MM. DELPECH, GAUTHIER, LEYDET, MONIS, Sénateurs;
MM. Paul BOURELY, Jean CODET, Emile CONSTANT,
de KEROUEZEC, MASSÉ, Louis PUECH, Marcel REGNIER,
René RENOULT, Th. STEEO, Députés;
MM. Jules HENAFFE, Henri ROUSSELLE, Conseillers
municipaux de Paris.
TRIBUNE LIBRE
CoalBSiop, PésprlfrB et Granflciir Militaires
Lorsque sous la pression
d'événements extérieurs, des
défectuosités sont relevées
idiis l'organisation de la dé-
pense nationale, on en rend
responsable - tout le - monde,
ruyanmment, de façon à émou-
v v i upinion publique, la minorité
ioouse la majorité de sacrifier aux
oesoins de sa politique les millions du
patriotisme. La majorité, msuiiisam-
ment ou complaisamment renseignée,
peu sûre de ses actes, hésitante, ne sa-
chant jamais se dégager carrément des
étreintes perfides réactionnaires, donne
prise. il faut l'avouer, à l'accusation.
Lorsqu'il est question de manque-
ments dans l'organisation de la défense
nationale, les responsabilités effraient
à un tel point le Parlement, que, dans
la crainte d'en avoir à assumer, crainte
iustillée, il estompe les fautes com-
mises avant d'en rechercher les auteurs.
C'est lui-même qui met la lumière sous
le boisseau, et lorsqu'il songe à s'a-
dresser à l'Administration militaire,
son auxiliaire compromettante, ce n'est
pas pour exiger d'elle des explications,
c'est pour lui confier ses embarras et
lui demander les moyens d'en sortir.
L'Administration militaire sort finale-
ment de toutes ces aventures avec une
auréole nouvelle et des pouvoirs tou-
jours plus grands pour réorganiser la
défense nationale et veiller à sa sécu-
rité. -
L'état psychologique des membres du
Parlement permet donc à l'Administra-
tion militaire de puiser largement et à
discrétion dans les poches des contri-
buables. « Fachoda, le Maroc » 1 A
chaque occasion elle encaisse et la dé-
fense nationale n'est jamais assurée.—
C'est tant pis pour l'armée et pour la
République. C'est tant pis aussi pour
les malheureux officiers qui escomp-
tent une amélioration de leur solde et
de leur retraite.
Le mal n'est donc pas là où la réac-
tion l'y voit complaisamment. Le
mal est chez le médecin, son ami et
allié ; c'est lai qui l'a inoculé et c'est
son contact qui l'entretient. Le Parle-
ment, au lie ude s'engager à fond, par
respect humain, derrière l'Administra-
tion militaire, ferait donc oeuvre beau-
coup plus utile et plus saine en s'em-
ployant d'abord à extirper chez elle les
germes infectieux qui rendent son in-
tervention dangereuse. Telle elle est or-
g
garanties aux contribuables qu'aux
vrais p*tiiolos.
L'Administration militaire entretient
&n permanence et à profusion, pour
.justifier ses cadres exagérés d'officiers,
des services accessoires aux attribu-
tions multiplies et confuses, pour ies-
quels sont insuffisants les crédits énor-
mes que le Parlement met chaque an-
née à sa disposition. Lorsqu'elle a épui-
sé ses ressources ordinaires et extra-
ordinaires, puis ses ressources irrégu-
lières d'à-côté, tel le produit de la vente
des canons en bronze pour en citer
iUne, elle paie ses frais généraux et dé-
penses diverses avec les crédits votés
pour le remplacement des munitions
de réserve prélevées chaque année pour
l'instruction des troupes. A raison de
iVingt millions par an, c'est, en dix ans,
un déficit de deux cent millions dans
les approvisionnements de réserve.
Lorsque sa situation financière devient
impossible, qu'il faut combler le déficit
DU sombrer, le parti réactionnaire ren-
tre en ligne. A son appel, les ministres
sont traités d'abrutis, d'ivrognes, de
aésorganisateurs, de dilapidateurs, de
voleurs ,d'antimilitaristes, etc., etc. ; le
terrain est prêt ! A la première occa-
sion, on le met en valeur.
L'exploitation du patriotisme n'est
pas le seul expédient de l'Administra-
tion militaire, — En 1898, devant la
forte dépense qu'elle devait entraîner,
les pouvoirs publics hésitaient à trans-
former l'artillerie de campagne de Ban-
ge en artillerie à tir rapide, et cela,
avec d'autant plus de raison, qu'en Al-
lemagne, on ne paraissait pas pressé
S'entrer dans cette voie. Pour vaincre
toutes les résistances, l'Administration
militaire proposa d'effectuer cette trans-
fromiation sans qu'elle coûtât un sou
à l'Etat. La plus-value financière du dé-
classement et de l'aliénation des ter-
rains militaires de l'enceinte de Paris
devait en payer tours les frais. La pro-
position était alléchante ; plus de ser-
vitudes autour de Paris et des canons a
11r rapide, à l'œil ; elle fut acceptée 1
Les ressonr.ps trouvées ou tout au
moins le principe, .comme les négocia-
tions entre l'Etat et les tiers intéressés
dans l'affaire devaient demander un
certain temps, et surtout qu'il fallait
profiter de l'occasion qui s'offrait de
distancer l'Allemagne dans la voie des
armements, le ministre des finances
obtint du Parlement l'autorisation d'é-
mettre 260 millions d'obligations à
court terme qui permettraient de com-
mencer immédiatement les travaux. Ce
fut la pâle noce. L'Administration mi-
litaire mit aussitôt en chantier, con-
curremment avec l'artillerie de campa-
gne à tir rapide, une artillerie lourde
de campagne - absolument supérieure
— on l'a vu à Madagascar. Elle vient,
du reste, d'être classée aux riblons.
A" ce train d'enfer, les 250 millions
ne firent qu'une bouchée. En 1900, ils
étaient complètement dépensés et le
matériel à tir rapide était loin d'être
terminé. Des gens mal intentionnés pré-
tendent même que tout le secret de la
batterie à 4 pièces est là. Pour l'ache-
ver, il fallut demander au Parlement
110 millions de crédits extraordinaires
qu'il accorda sans protestations sérieu-
ses.Sa condescendance pour l'Adminis-
tration militaire ne se ralentit pas, du
reste, les années qui suivirent ; de i903
à 1907, il mit à nouveau à sa disposi-
tion 386 millions de crédits extraordi-
naires et supplémentaires pour complé-
ter les approvisionnements de réserve
et pour la création d'une deuxième ar-
tillerie lourde en remplacement de la
première. - -- .n.L'
Présentement, les 250 mimons d ODU-
gations à court terme sont donc dépen.
sés, justifiés et régularisés, ainsi que
beaucoup d'autres, dans les écritures
du ministère de la guerre ; mais les
terrains militaires des fortifications de
Paris ne sont ni déclassés, ni aliénés,
raccord ayant cessé de se manifestp;.'
sur l'à-propos de cette opération Quf.
tôt l'administration militaire en posses-
sion de son argent. Il en résulte que le
ministre des finances paie encore, à un
chapitre spécial, en dehors du budget
de la guerre, cinq millions d'intérêts
annuels aux obligataires de l'émission
de 1898.
La conclusion de celte affaire très
adroite, c'est que la transformation,
sans dépenses, de l'artillerie de campa-
gne de Bange en artillerie à tir rapide,
proposé par l'Administration militaire,
a coûté : 1° 250 millions qu'il faudra
rembourser, l'artillerie et le génie ne
lâcheront plus leurs fortifications ;
2° 60 millions d'intérêts payés depuis
dix ans par le ministère des finances ;
3° 76 millions d'artillerie lourde jetée
aux riblons ; 4° des batteries de 4 piè-
ces au lieu de 6 ; 5° tout ce qu'on ne
connaît pas : en somme, plus du dou-
ble que si elle n'avait pas été promise
gratis et qn'oh l'ait faite régulièrement.
L'Administration militaire a la folie
des grandeurs. En l'espèce, l'Adminis-
x -u militaire, c'est l'artillerie. C'est
cette combinaison, pour ne pas dire
confusion, de bureaux, de comités, de
commissions et d'inspections, qui pré-
;ide, 3vec autant d'omnipotence que
d'irresponsabilité, aux destinées du ma-
tériel et de l'armement en France. L'ar-
tillerie, depuis trente ans, emploie tous
les moyens possibles pour élargir sa
place et son influence dans l'armée au
détriment des autres armes ; elle veut
l'étreindre et la dominer afin de lui
imposer le culte de ses conceptions
étroites et rétrogrades. Avec le matériel
de 75, elle s'imagine toucher au but.
Grâce à la mansuétude du Parlement,
elle a déjà doublé et même triplé l'im-
portance de ses services, elle compte
certainement encore sur lui, son projet
de loi des cadres aidant, pour l'aider à
donner à la France une nuée d'artil-
leurs.
La folie de l'artillerie est d'origine mi-
crobienne. Son microbe, c'est l'unité de
l'arme ; c'est cette puissance extraordi-
naire qu'elle détient. de l'ensemble de
ses pouvoirs divers et qui lui permet
d'intervenir en tout et pour tout ; e'est
l'argent qu'elle manipule. Si on ne veut
pas qu'elle dévore la France, il est
grandement temps qu'on songe à ar-
rêter ses élans inconscients par des me-
sures préservatrices. C'est de la tradi-
tion et non de la logique qu'elle détient
ses pouvoirs ; elle n'a pas plus qualité
et compétence pour fabriquer le maté-
riel de guerre et l'administrer, qu'aucu-
ne autre arme. Qu'on réserve ces fonc-
tions à des spécialistes, à des profes-
sionnels, qui obéiront, eux, jaux ordres
donnés, qui n'auront pas à s'employer
au bénéfice d'une arme plutôt que
d'une autre, on verra s'ils utiliseront les
crédits destinés aux approvisionne-
ments de guerre, à construire des bat-
teries entières de canons pour les mar-
chands de ferraille. Et si on le leur to-
lérera, le cas échéant 1
X. X. X.
LA POLITIQUE
A PROPOS OU DIVORCE
Réactionnaires- et conserva-
teurs grincent des dents : le
Parlement vient de donner
une extension nouvelle au di-
vorce.
Dans la séance de vendredi,
la Chambre a voté un texte qui lui re-
tenait du Sénat. « Lorsque la sépara-
tion de corps aura duré trois ans, le
jugement sera de droit converti en juge-
ment de divorce, sur la demande formée
par l'un des époux. » Ainsi beaucoup de
gens pourront faire cesser une situation
dont le caractère normal est d'être tran-
sitoire.
« Maintenir, a très bien dit le ministre
de la justice, dans les liens du mariage
un époux séparé de corps, contre son
gré, comme par une sorte de peine cor-
porelle, cela vraiment n'était plus pos-
sible- »
Cependant, il y a vingt ans que l'on
bataille pour obtenir le résultat qui
vient d'être acquis. La résistance du Sé-
nat avait cessé. La Chambre a adopté
presque sans discussion le texte que lui
renvoyait la Haute Assemblée.
Les progressistes de M. Ribot et de
M. Briadeau, joints à la droite réaction-
naire et cléricale, n'ont esquissé qu'une
contre-manifestation platoniquè. Les
temps sont durs pour les défenseurs de
l'ancien régime social. L'esprit d'huma-
nité et l'esprit laïque éroitement rap-
prochés font lentement évoluer les lois
dans le sens de la mentalité générale et
des mœurs.
C'est un nouveau progrès qu'il faut
enregistrer dans la modification de l'ar-
ticle 331 du Code civil. « Désormais, les
enfants nés hors du mariage pourront
être légitimés par le mariage subséquent
de leurs père et mère, lorsque ceux-ci les
auront légalement reconnus avant leur
mariage ou qu'ils les reconnaîtront dans
l'acte même de la célébration. »
Les gens de la droite n'en reviennent
pas. La suppression de toute distinction
entre les enfants adultérins et les au-
tres les met en rage.
rourquoi donc ces messieurs ne pro-
posent-ils pas- qu'on marque toute leur
vie les enfants adultérins d'un signe
particulier et qu'on les fouette en place
publique pourv leur faire expier les pé-
chés de leurs parents? Pieds nus, la
corde au cou, en chemise. Messieurs,
cela vous va-t-il ?
LES ON-DIT
Du « Cri de Parte » :
On n prend jamais M. Clemenceau
sans vert. Pour éviter la fâcheuse inter-
pellation, à la suite des résultats plutôt
médiocres de la grande consultation
municipale, notre Premier a usé d'un
« truc » qu'il nous pardonnera de « dé-
biner », car il fait honneur à son génie
inventif.
Pour chaque département, il a com-
mandé à ses préfets un double jeu de
statistiques. Les premières constatent
des gains nombreux à l'actif des radi-
caux et des radicaux-socialistes. Elles
annoncent le chambardement des séna-
teurs progressistes aux élections séna-
toriales prochaines et même éloignées.
Ces bulletins de victoire ont été remis à
M. Bonnet, le secrétaire général du
grand cominté exécutif, qui s'est em-
prf>cc;é de les communiquer aux jour-
naux.J
viais les slataistiques vraies ne sont
pas sorties du cabinet de M. Clemen-
ceau. A l'occasion, il les montre très
confidentiellement aux « amis du cen-
tre » qui viennent, place Beauvau, "})lus
nombreu qu'on ne froif. ,-
Ainsi. le grand Exécutif rassuré, l'in-
terpellation combiste est renvoyée aux
calendes. Quant aux « amis du centre »,
Si longtemps habitués à la défaite, ils
se félicitent des petits succès dont ils
ont secrètement la confirmation offi-
cielle.
De « Cil Blas n 1
« De l'action, encore de l'actron, et i
toujours de l'action ! » s'écriait (para-
phrasant dix-huit siècles à l'avance, la
mot de Danton), ce vieux bavard et ce
vieux poltron de Cicéron.Par « action »,
il entendait, d'ailleurs, la gesticulation
oratoire.
Un sociologue italien vient de faire, à
Rome, une conférence sur les rapports
de la pensée et du geste, et les moyens
d'apprécier la sincérité des orateurs.
Il prétend que si la parole trompe, le
geste est un indice assuré des senti-
ments et des pensées, car nos mouve-
ments sont, le plus souvent, involontai-
res. -'
Méfions-nous donc des orateurs « qui
égrènent machinalement, à la manière
d'un chapelet, les anneaux de leur chaî-
ne de montre.Ce tic atteste un homme
sur la réserve, qui ne se livre pas entiè-
rement et garde une arrière-pens^
Les orateurs qui se dandinent de droi-
te à gauche et de gauche à droite, tan-
tôt sur un pied, tantôt sur l'autre, sont
des hommes versatiles, dont les opi-
nions sont sujettes à changer selon les
circonstances. Avec eux on ne sait ja-
mais sur quel pied danser.
Quand vous verrez, à la tribune, un
orateur répéter le même geste du bras,
de la main ou du doigt d'une façon
identique et monotone, ayez confiance
en lui. C'est un homme plein de son
sujet, inspiré par une émotion sincère,
qu'il exprime spontanément.
Mais le geste qui indique le comble
de la sincérité et du désintéressement,
est celui des orateurs qui ouvrent large-
ment les deux bras et découvrent com-
plètement leur poitrine.
Par contre, méfiez-vous de ceux qui
se frappent fréquemment la poitrine du
poing. Ceux-là sont des cabotins. »
Tout cela est parfait, et, muni de ces
renseignements, vous connaissez main-
tenant MM. Jaurès, de Mun, Clemen-
ceau et Ribot, comme si vous les aviez
pondus.
Mais qui nous dira 1e$ gestes que fai-
sait le conférencier italien pendant qu'il
^év^IormaB ses arguments.
-,'- ■—
En passaut.
- Adolphe!.
- Voila, monsieur, Voilà !.
Et Maujan passa son visage inquiet à
travers le tambour vert entTcbdillé.
- Mais entrez donc, nom de D., cria
M. le président du Conseil.
Connaisez vos classiques, s'pas ?. -porte.
ouverte ou fermée. Ouvrez., entrez.,
fermez., bien. Ecoutez-moi.Fait chaud.
Temps splendide. Ribot m'assomme. Le
Maroc m'en. mdekra. Allez me chercher
mon petit canotier chaouia, mes souliers
de peau de daim blanc,ma canne à pêche,
mes asticots, vers de vase, vers de farine,
blé cuit, boule de son. veux aller pécher,
à la ligne. Allez. ouste !
— Si M. le président voulait me permet-
tre un seul mot, hasarda timidement Adol-
phe.
- Un mot. quel mot. allez pas me di-
re m. je suppose, hein !
- Ait ! sainte Vierge, murmura Mauiaih
Dieu m'en garde. seulement voilà.
— V'la quoi ?
— J'ai un petit manoir au bord de la
Marne, à SuLnt-Maur. On il serait à mer-
veille pour taquiner le goujon. Et si M. le
président voulait me faire l'honneur.
— Compris. accepté. -ça va. vais pê-
cher chez vous. rendez-vous gare Vincen-
nés dans une demi-heure, allez. hop.
Cinq minutes après, M. le président du
Conseil, le canotier sur l'oreille, leste et
preste comme à vingt ans, sauta dans sa
tuijnifique H. P. H;.
Derrière lui, avec un bruit de ferrailles,
de zinc el de vaisselle, Maujan s'avançait
dans un modeste auto-taxi.
U était vêtu d'une chemise de flanelle
verd-âtre à cordelière et d'un petit complet
en toile à carreaux lilas ; chaussé de buins
de mer gris et coillé d'un chapeau cloche
at )?c une petite pointe en cône surmontée
d une plume de poulet.
Il portait dans les mains, sous les bras,
sur les épaules, en bandoulière, en cein-
turon, dès pliants, des cannes, des épui-
se lies, des seaux, des boîtes en zinc, en
fer-blanc, des scions, des hameçons, des
bouchons, si bien qu'en descendant devant
la gare de Vincennes, il se prit les jambes
dans une courroie et s'étala tout du lona
sur le trottoir, dans un granê bntit de
boîtes bosselées et ouvertes.
— Le train qui part. le train qui part,
criait M. le président du Conseil en haut
de l'escalier. Mais qu'est-ce qu'il 1. donc
cet animal à quatre pattes sur le trot-
toir.
Et Maujan, lamentable, de murmurer
d'une vaix éteinte : « J'ramasse mes asti-
cots qui se sont sauvés, M. le président. »
Enfin on arriva à Saint-Maur. Site chôm-
ant. Prop-riélé superbe.
— Compliments, lit le président satisfait.
Vous avez dû toujours sertfr dans de bon-
nes maisons Adolphe, pour pouvoir vous
offrir ce manoir sur vos économies ; mais
suis pas venu pur contempler des monu-
ments historiques. dépêchons et péchons.
Us s'installèrent sous un vieux saule, au
bord d'un étang alimenté par un petit ca-
nal donnant Accès sur la Marne.
— Très chic, votre petit canal, Adolphe,
dit le président badin.
Vraiment très chic, il semble réunir la
Méditerranée à l'Océan. C'est sans doute
Vavant-projet du canal des Deux-Mers,
ajouta-t-il narquois, en allongeant une
grande tape sur le chapeau de Maujan. Le
chapeau entra brusquement d'un seul coup
jusqu'aux oreilles d'Adolphe qui devint
rouge comme une tomate.
Mais soudain, M. le président du Conseil
avait cessé de plaisanter. Il devenait al-
tentii. ça mordait.
Successivement, il prit un, deux, trois,
dix, quinze ,cinquante goujons et gardons.
Il rayonnait.
lIlàuian, l'œil rivé sur son bouchon, le
regard fixe, la bouche bée, gobant les
mouches, ne prenait rien, rien, rien.
— Ça va donc pas, mon pauvre vieux ?
lit le président compatissant et ravi.
Au même instant le bouchon de Maujan
lit un plongeon effroyable et disparut sous
l'eau avec la moitié de la ligne. Adolphe
avait failli être entraîné, et j gissait sur
l'herbe, le derrière tout vert de chiendent
écrasé. Le président le rattrapa tant bien
que mal par les glands de sa cordelière
et le remit d'aplomb.
— Bon Dieu, quelle secousse, gémit Mau-
jan. ça doit être au moins un brochet.
— Un brocget ! pourquoi pas un re-
quin ! et le président se précipita sur la li-
gne qui ployait à se rompre. Aidé d'Adol-
phe il lira si bien qu'il finit ar sortir de
'eau un cochon. d'Inde ÿ!utrétié.
- Eh ! bien, mon vieil Adolphe, dit en
.s'en retournant iortal et familier M. le pré-
sident du coÚ.eil., la propriété est vrai-
mail charmante. Tsmps exquis. ombre
adorable. eau pur?, poissons abondants.
.Je me .silis très bien amusé., seulement
ton petit canal des Deusc-Mers me dégoûte,
lu devrais lo filter.. à cause des cada-
vres l
Le Cheluineau.
TRIBUNE CORPORATIVE
Vaines promesses
Le quatrième congrès national
des professeurs-adjoints et répétiteurs
des lycées vient d'avoir lieu à Paris
pendant les vacances de Pâques. En des
débats d'où la passion n'excluait pas la
plus fraternelle courtoisie, il a mis au
point et précisé avec la plus grande vi-
gueur nos revendications essentielles.
Parce que ces revendications ont fait
l'objet de nombreux articles dans la
presse et de discussions au Parlement,
le grand public croit volontiers qu'elles
ont reçu satisfaction. Il se dit : « Depuis
lo temps qu'on parle des répétiteurs,
ils doivent avoir obtenu de sérieuses
améliorations ».
La vérité, c'est qu'ils sont, comme
tous les petits fonctionnaires, victimes
de la politique actuelle qui consiste à
promettre beaucoup et à tenir le moins
possible I - - -
En possession, de 1801 à 1905, de Vas-
similation, à grade égal, aux profes-
seurs de collège, ils ont su, en 1906, fai-
re consacrer par un vote unanime de
la Chambre ce que le vénéré premier-
président Manau a appelé leur^« pro-
priété légale ». Récemment une com-
mission extra parlementaire,où domina
une majorité de bureaucrates a virtuel.
lement détruit l'œuvr.e de Léon Bour-
geois.
Il est vrai qu'en compensation cette
commission nous a voté de sérieux re-
lèvements de traitements. Malheureuse
ment, bien qu'elle ait terminé ses tra-
vaux en novembre 1907, ni le budget de
1908 ni celui de 1909 ne portent trace
de ces augmentations. La parole des dif-
férents ministres de l'instruction publi-
que et du ministre des finances nous
garantit que nous serons rasés gratis.
Seulement il paraît que ce n'est pas
pour demain.
Ce n'est pas non plus demain que pa-
raissent devoir êfrp rbalisbpq les con-
clusions 'de l'enquête parlementaire
1898 et aue le professorat-adjoint cesse-
ra d'êtse la caricature de la réforme pré-
conisée par ces grands révolutionnaires
qui s'appellent Ribot, Bourgeois el
Georges Leygues.
Cependant les timides essais qui en
ont été tentés ont parfaitement réusst
et au témoignage de:) inspecteurs géné-
raux, enregistré par les divers rappor-
teurs du budget de l'instruction publi-
que, MM. Lintilhac, Maurice Faure,
Massé et Steeg, n'ont donné que de
bons résultats. Qu'attend-on pour géné-
raliser ces essais et mettre en pratique)
l'ordre du jour que le Parlement votait
en 1902 ?
Je pourrais allonger indéfiniment la»
liste des déceptions qu'ont éprouvées*
les répétiteurs. Qu'il me suffise, en ter-
minant, de rappeler l'une des plus an-
ciennes. Elle remonte à 1897. En ce
temps-là, M. Méline était président du;
ConseiJ; le grand-maître de runiversité,
Alfred Rambaud, résolut de supprimer;
notre association générale. Les crimes
qu'avait commis la malheureuse, je,
vous les conterai peut-être quelque
jour pour l'édification de ceux des ré-
publicains qui sont enclins à oublier le
passé le plus récent. Mais l'opération'
n'allait pas sans quelque difficulté.
Queîcpie réactionnaire que fût la Cham-
bre, çlle risquait de ne pas laisser s'ac-
complir un pareil acte d'arbitraire.
C'est alors que, pour calmer les scrupu-
les des députés, le ministre Rambaud
promit solennellement à la tribune d'ac-
corder aux répétiteurs des représen-
tants au conseil supérieur et dans les
conseils académiques.
Dix ans ont passé 'et la parole de M.
Rambaud n'a pas encore été tenue !
M. Gaston Doumergue. qui a le souri-
re si aimable et l'accueil si sympathi-
que, ne voudra-t-il pas que son passage
au ministère de l'instruction publiquâ
coïncide avec la réalisation de quelques-
unes de ces promesses ?
F. GUKKARO.
Président d'honneur de la Fédé-
ration nationale des Prof es*
seurs, Adjoinlst Répétiteurs et
Répétitrices.
Les événements de Draveil-Vigneux
On connaît les tragiques événements
qui ont coûté la vie à deux malheureux
ouvriers grévistes des sablières de VJgneux-
Draveil." ,.
r On connaît aussi les regrettables inci-
dents qui se sont produits à la suite des
obsèques des deux victimes..
Surexcités par la mort de leurs camara-
des et par la présence de la gendarmerie
et de la troupe sur les lieux de la grève,
les ouvriers, auxquels s'étaient mêlés, com-
me toujours en pareil cas, des éléments
étrangers de désordre, ont commis des ac-
tes de violence qui font craindre que tout
sang-froid les ait abandonnés, et qu'à se
conduire comme ils viennent de le faire
durant deux jours, ils n'arrivent à provo-
quer une sanglante catastrophe.
Il est prouvé, à l'heure actuelle, en dé-
pit de toutes les tentatives faites pour ex-
cuser l'horrible fusiillade qui a couché dans
la tombe deux victimes, que c'est sans pro-
vocation et au mépris de tout droit et de
toute prudence que les gendarmes ont tiré
sur les grévistes, peut-être menaçants mais
sans annes, sans maircna -d'attaque pou
vanî être considérés comme dangereux.
Et l'on comprend que la colère, en mê-
me temps que la douleur, ait trouvé asile
dans le cœur des grévistes.
Mais la violence inqualifiable des gendar-
mes qui s'est traduite par des balles meur-
trières ne saurait excuser les actes de vio-
lence qui viennent d'avoir lieu : les outra-
ges aux agents des pouvoirs publics, les
brutalités exercées contre de malheureux
ouvriers non grévistes, la destruction des
engins de travail, la terreur semée parmi
la population.
En se livrant à ces excès, les grévistes
de Vigneux-Draveil ont déjà compromis
une cause qui était digne de toutes les
sympathies, parce qu'aux souffrances déjà
endurées par eux du fait du chômage, était
venue s'ajouter l'horreur d'une fusillade
que rien ne saurait justifier. Ils risque-
raient de compromettre irrémédiablement
cette cause s'ils continuaient à se conduire
comme ils viennent de le faire et à se met-
tre en révolte contre la loi dans le même
temps quHs en invoquent la sauvegarde.
Nous les adjurons, dans leur propre in-
térêt, de revenir à d'autres sentiments, de
se ressaisir, de ne pas donner au gouver-
nement qui a manqué de prévoyance et
de soUicitude à leur égard, prétexte à un
amoindrissement des responsabilités en-
courues par les détenteurs de la force pu-
blique dans la tragique soirée du 2 juin.
— P. G.
La situation est tendue, mais calme
Il n'y a pas eu d'incident sérieux à si-
gnaler pour la matinée autour de Yigneux-
Draveil. La. région a gardé sa physionomie
ordinaire.
A onze heures, les chômeurs se rendent
aux soupes communistes, puis rentrent
chez eux ou se dispersent chez les mar-
chand de vins. Dans les groupes, on com-
mente les événements de ces jours der-
niers ; d'aucuns les réprouvent, mais d'au-
tres les approuvent, et il en est même qui
trouvent qu'on n'est pas allé « assez loin »
dans la voie de la violence 1
A deux heures, des groupes de grévistes
se dirigent vers la salle Ranque, à Vi-
gneux, où doit se tenir une réunion.
— On a quelque peu exagéré les inci-
dents de vendredi soir. a dit M. Autrand.
Et la raieon en (,si simple : les meneurs de
la grève, pour donner le change aux auto-
rités et au service d'ordre, simulèrent de
faux déearts, annonçaient des intentions
qu'ils n'avaient- pas, lançaient des bruits
tendancieux ; ils ont raconté, par exemple, «
qu'une colonne était partie vers Ris-Oran*
gis pour commettre des déprédations,,
qu'une autre s'était rendue sous le viaduc-
de Brunoy pour le faire sauter & la dyna-
mite., Autant d'inexactitudes. »
Hier matin, on a constaté que l'élévateur.;
qui avait été envahi par des grévistes as,
sulu des dégâts importants.- Si le feu, allu- j
mé par les manifestants, ne s'est pas pro-
pagé et n'a pas provoqué l'immersion du.
bateau, il a cependant détruit des parties.
essentielles au fonctionnement de l'appa-,
reil.
Le préfet a pris des précautions pour.,
empêcher le renouvellement d'attentatsi
semblables. Outre les détachements placés
à proximité des Il fouilles » et des carrières.
pour empêcher les grévistes d'y pénétrer,-,
il a décidé. d'installer sur chacun des élé-,
valeurs des postes de soldats.
On craint que les grévistes ne provo-
quent quelques incidents nouveaux au
cours des manifestations qu'ils organise- ,
ront à l'issue de la réunipn de l'hôtel dw
Ppegpèss à Vigneux.
Les autorités vont prendre des mesures.
spéciales en vue d'empêcher les troubles
que pourrait provoquer la présence dans
la région, pendant les jours fériés de chô-
meurs venus de Paris.
Les bruits qui avaient couru d'incidents
de grève à Ris-Orangis et à Juvisy sonv,
inexacts.
Les grévistes se sont réunis, hier après-
midi, dans la salle du Comité de grève de
Vigneux. Ils étaient peu nombreux ; une
centaine environ. -
Afin d'éviter le renouvellement des der-
nières scènes, les sablières de Vigneux
étaient gardées militairement par un poste
de quatre gendarmes et de neuf dragons.
sous les ordres d'un sous-offcier de gen-
darmerie.
Les autres fouiMes ont reçu également
des postes militaires.
On a constaté que les parois d'un cha-
Jand où. sont installées les machines de l'é-
lévateur, avaient été endtcs d'huile, que
des chiffons imbibés de pétrole avaient étà
disposés en tas sur divers points du cha-
land qu'on avait, à l'aide de pioches, tenté
de percer la carêne et qu'un demi-mètre
cube ae charbon avait été alterné.
Si le bateau n'a pas été détruit par les
flammes, on le doit à ce fait que le char-
bon auquel les manifestants ont mis le feu
était place non sur 'le plancher du bateau.
mais sur un fond de briques qui, au mo-
ment où elles ont été retirées, étaient en-
core en ignition.
En outre, la machine, le tuyautage, lés
bielles ont été brisées à coups de marteau
et toutes les pièces de rechange ont été je-
tées à l'eau.
Les grévistes ont loué, à Vilieneuvc-
Saint-Georges, la salle du Casino pour y,
tenir aujourd'hui une réunion. ,
A 3 heures, le travail a été repris dans:,
les fouilles de Vigneux, à l'aide d'ouvriers
embauchés ce matin.
Une vingtaine de tombereaux chargés d6
sable ont pu sortir sous la protection des
dragons. ,."
LA JOURNÉE POLITIQUE ,'r
Le rendement des impôts
Le rendement des impôts pour le moja
de mai 1908 s'élève à la somme da
242,413 400 fr. accusant une plus-value de
U 492100 fr. sur les évaluations budgets
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