Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-06-05
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Description : 05 juin 1908 05 juin 1908
Description : 1908/06/05 (N13965). 1908/06/05 (N13965).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
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- Adretur lettres et mandate A l'Administrateur „
.,. J::}i( f < a .J. "., ;- -.,: ..: "- -''-'
RÉDACTION POLITIQUE
MM. DELPECH, GAUTHIER, LEYDET, MONIS, Sénateurs;
Am. Paul BOURELY, Jean CODET, Emile CONSTANT,
de KEROfcJEZBC, MASSÉ, Louis PUECH, Marcel REGNIER,
RENOULT, Th. STEEO, Députés;
MM. Jettes HENAFFE, Henri ROUSSELLE, Conseillers
mmricipaux de Paris.
- ., TRIBUNE LIBRE
Situation politique
., , - --'--"-. - V
L'étrangeté de la situa-
tion politique actuelle s'ac-
centue tous les jours et la
discussion de rimpôt sur le
revenu q:uf se puarsuîra la
Chambre en fournit chaque
jour des exemples nouveaux.
Les adversaires de cet impôt, les
meilleurs amis du ministère, avaient
thoisi deux terrains de combat : l'im-
pôt sur la rente et l'impôt sur les béné-
fices agricoles. ,-.
Ils viennent de subir un premier
échec, mais ils n'ont pas désarmé et je
ae sais pas si leur foi ministérielle-en
A été diminuée.
Ils espéraient pourtant bien avec le
rejet de l'impôt sur la rente porter un
coup mortel à la réforme et l'envoyer
rejoindre dans les paperasses parle-
mentaires nombre d'autres projets
d'impôts sur le revenu, savamment
étouffés par eux avant d'avoir vu le
jour de la
Leur espoir vient d'être cruellement
décu et les 179 voix de majorité lui ont
porté un rude coup. -
Mais ils ne veulent encore, ni les uns
ni les autres, avouer leur défaite et,
pendant que leurs complices tentent à
a Bourse une campagne de panique et
tie baisse destinée à peser sur la Cham-
bre, lesplus ardents d'entre eux mè-
nent toujours la bataille.
C'est le démocrate Théodore Jftei-
nach qui, avec une ardeur violente, ad-
jurait hier la Chambre de revenir- sur
son vote.
C'est M. Jules Roohe lui-même ve-
nant, sans rire, proposer, à l'Etal de
rembourser, - dans les vingt-cinq jours,
plus de vingt-cinq milliards.
C'est toute la meute des intérêts lut-
tant pied à pied, retardant par tous les
moyens la déroute, mais vaincue tout
de même et forcée de reculer.
De cela, nous félicitons M. Caillaux
qui a su forcer le gouvernement à po-
ser la question de confiance et. du mê-
me coup, a démontré qu'il ne fallait que
vouloir pour dégager une majorité uni-
quement composée de républicains
nettement, résolument réformateurs.
Mais si nous avons obtenu ce premier
résultat, si nous avons pu frapper les
rentiers, comme les industriels et les
commerçants, tout n'est pas fini et de-
main nous livrerons la seconde batailla
sur le bénéfice agricole ; elle sera aussi
âpre, aussi violente et plus dangereuse.
On cherchera à exciter tous les inté-
rêts électoraux, à fausser les textes ;
tout sera tenté.
Déjà, on a préludé à cette discussion
par une escarmouche qui, dans J'esprit
de certains, veut être un avertissement
.'au gouvernement et qui, si elle consti-
tue un premier avantage pour les ad-
versaires de la réforme, n'en est que
plus sûrement une trahison.
Battus lundi, les adversaires de l'im-
pôt sur le revenu envoyaient mardi à la
commission du budget les plus notoires
adversaires de l'impôt sur la rente et
par la complicité de certains ceux-là
s'empressaient d'élire M. Doumer rap-
porteur général du budget de 1909.
Or, pendant que M. Aimond, Jules
Roche et d'autres menaient la bataille à
la tribune, sous la haute direction de
'M. Ribot, M. Doumer, dans les cou-
loirs, organisait l'assaut contre l'impôt
sur la rente.
De plus, au vu et au su de tout le
monde. M. Doumer est un adversaire
personnel de M. Caillaux.
Quelle boiftie farce et quelle revan-
the 1
Mais M. Doumer est aussi, et cela est
plus grave, celui vers qui se tournent
ious les réactionnaires.
Il est celui qui patiemment, mais tou-
jours, attend le moment de pêcher en
iau trouble les honneurs et la puis-
sance.
Pour lui le moment semble venu *
faélions-nous. •
Malgré que M, boumer ne soit ce
jtju'il est par les trahisons politiques les
plus éclatantes, il n'en est ipas moins le
porte-parole autorisé des états-majors
7*3 la rue Royale et de la rue Saint-Do-
minique et aussi du mêms coup des
Grands JIlélallurg¡ste,
Le chauvinisme dont il pare son am-
bition démesurée et égoïstet; est prêt à
ratifier; toutes les folies militaires,
qu'il s'agisse de cuirasses ou d'autres
choses.
Son entrée en scène est une nouvelle
preuve, et la plus typique, de la gravité
de la situation politique actuelle.
i Si sa force s'accroît, c'est -que les
forces républicaines se désagrègent. Si
i sa-, puissance d'iaéfôgue toujours en
travail a produit son effet, c'est que le
désarroi complet n'est pas loin.
1 L'histoire de la dernière législature
n'est pas si; éloignée que nous n'en'
ayons encore Te souvesir précis.
Nous n'avons pas oublié que c'est au
moment où la majorité républicaine
semblait faiblir que l'odieuse campa-
gne contre le pFésident Brisson s'est
produite. Nous n'oublierons jamais
non plus que contre tous les républi-
cains, M. Doumer a osé être le candi-
dat de toutes les réactions à la prési-
dence de la République.
Tout se recommence pourtant.
Par vingt-deux voix sur trente-trois
votants une commission du budget soi-
disant républicaine, où les républi-
cains avancés se targuent d'avoir la
majorité, vient de lui confier le sort du
budget républicain.
Comprenne qui pourra 1 L'incohé-
rence est là comme ailleurs.
Mais sans comprendre, nous avons le
droit de craindre. '-
Et notre crainte est grande, car nous
ne voyons rien à opposer aux menées
souterraines dont nous venons de dé-
couvrir les premiers effets.
- L'autre fois nous, avions le pays avec,
nous, l'ardeur qui nous emportait tous
en une bataille ifévreuse où nous nous
sentions les coudes, où nous voyions
chaque jour les résultats récompenser
nos efforts.
Aujourd'hui cette ardeur est tombée,
le pays lui-même est désemparé et le
vaste courant d'opinion qui nous cm-'
portait tous semble momentanément
enrayé.
Les récentes élections municipales
nous apportent comme là menace d'un
nouveau boulangisme où exaltés et
réactionnaires monteront encore à l'as-
saut des institutions républicaines.
Quel bon terrain pour M. Doumer !
Seule l'action, J'action républicaine
féconde et réformatrice peut nous évi-
ter ce danger.:
Il est temps encore, il est facile de,
constituer solidement la majorité né-
cessaire à cette politique.
Le vote sur l'imposition de la Renfe
le prouve. Mais il faut que le gouverne-
ment le veuille, qu'il cherche l'occasion
de l'affirmer ipar des déclarations et des
actes. --
Demain nous dira si M. Clemenceau
a compris ce devoir que chaque jour
des circonstances nouvelles lui impo-
sent de façon plus impérieuse.
La bataille est engagée. Contre les
réformes, contre l'impôt sur le revenu,
contre les retraites, contre le rachat,
toute la réaction mène le branle. -
'.- M. Ribot s'inquiète, M, Doumer s'a-
gite.
Le parti républicain doit se ressaisir
et, sans hésitation, marcher au combat.
1 11 semble urgent de serrer les rangs..
Marcel REGNIER,
Député de l'Allier.
LA POLITIQUE
CREVE SANGLANTE
Après Narbonne et Raôrï-
l'Etape, voici Draveil,
Les renseignements man-
quent jusqu'ici de précision
suffisante pour permettre d'é-
tablir rigoureusement les faits.
Mais en admettant qu'en la circonstance
le gouvernement ne soit pas coupable, il
faut reconnaître du moins qu'il est mal-
heureux.. , T
Une étrange fatalité n'a' cesse de Ip-
scr sur lui au cours des 'divers ,
sociaux qu'il a eu à solutionner. Son in-
tervention aussi bien dans le Nord que
dans le Midû dans l'Est guerç Sine-t.
Oise, s'est toujours manifestée par 'des
morts d'hommes et du sang versé.
On en arrive à se demander si les pa-
roles hautaines de M. le président du
conseil à l'égard des bureaucrates en ré-
volte ou de la classe ouvrière, et si les
brutales et maladroites harangues de
son sous-secrétaire d'Etat ne finissent
pas par suggestionner les agents de la
force publique, et ne contribuent pas à
réveil-ler..elWDême temps que l'esprit réac-
teur les procédés de répression violente.
Tandis que les forfanteries niaises
de M. Pichon risquent d'aboutir à l'ex-
térieur à une politique d'humiliation —
dont nous n'avons cessé de prévoir les
conséquences et de dénoncer les périls —
il ne faudrait pas que les imprudences
de M. Maujan provoquent à l'intérieur
les sanglants épisodes inhérents à toute
politique de réaction.
Nous répétons que nous ne tolérerons
pas que M. Maujan se console de là per-
te de « son "W portefeuille de ministre
civil de la guerre en jouant les ministres
de guerre civile.
A tout prendre, mieux vaut encore
s'enliser dans le limon du Canal des
Deux-Mers que de patauger dans le
sang. Plaies d'argent ne sont pas mor-
telles; celles des Lebel le sont.
LES ON-DIT
NOTRE AGENDA
Aujourd'hui jeudi :
Lever du soleil à 4 N. r; coucher à
7 h. 55.
Cérémonie de la translation au Panthéon
des cendres d'Emile Zola.
Matinées. — Comédie-Française, Odéon,
T .A.atoiBe Déjazet, Olympia, Eldo-
rado, Pfewea^Qarqiie, Cirque Médrano.
Cous à Longchamps.
Lies faoéties d'Adolphe
Gauchement, tel Auguste singeant
(f Mossieu Loyal » Maujan cherche à
flatter Clemenceau par des imitations
plus ou moins grotesques.
- Voici la dernière incongruité de l'i-
neffable Adolphe. C'était au diner de
la Jeunesse républicaine du deuxième.
Au dessert, Adolphe, entre autres inep-
ties, laissa tomber de ses augustes lè-
vres : « Sur ce point, je suis de son
avis ; qu'il me permette cependant de
prendre la défense de mon ami Mesu-
reur, qu'il a semblé prendre à partie,
à un moment donné. Si M. Mesureur a
fait arracher des arbres, c'étaient, n'en
doutez pas, des tilleuls, et c'est qu'il
voulait en faire de la tisane. »
Hein ? c'est drôle ! Tout de même,
Chocolat en a de meilleures que cela.
'- AUTREFOIS
Rappel du 5 juin 1872. — Des officiers
prussiens ont obtenu des congés pour ve-
nir assister à Versailles aux séances de
l'assemblée où se discutera la loi de réor-
ganisation de l'armée.
• Certains bureaux de poste distribuent en-
core au public des timbres-poste à Veffiqie
de Napoléon 111.
4 On construit un échafaudage à la hau-
teur de la colonnade qui soutient le dôme
du Panthéon ; on va réparer les parties-
endommagées par les obus.
Le voyage à Berlin du prince Il-umbèrt,
héritier de la couronne d'Italie, est très
commenté : on croit qu'il s'agit de nouer
une alliance entre l'Italie et l'Allemagne,
en apparence contre la papautét mais en
réalité contre la France.
Un peu de statistique
Rien n'est amusant comme la statis-
tique, quand, elle s'exerce dans le do-
maine de la fantaisie.
Pour n'être ni ecclésiastique, ni hom-
pie de loi, ni professeur, ni homme po-
litique, sachez que vous n'en débitez
ts- moins, en douze mois, une moyenne
de 11.800,000 mots, dans la conversation
ordinaire, en y comprenant les compli-
ments que vous ne manquez sans doute
pas d'adresser à vot.re belle-mère.
Vous prononcez de la sorte, en un an,
sans vous en douter, de quoi remplir
450 volumes de 300 pagres chacun.
Avec les cheveux que vous laisser
chez votre coiffeur, sans tenir aucun
compte de ceux que vous trouvez dans
les affaires, vous pourriez vous faire
confectionner chaque année une descen-
te de lit très raisonnable en dimension
et en épaisseur.
Enfin, en condensant les expirations
que produisent vos poumons en 365
jours, vous pourriez, sans difficulté,
jouer le God save ihe King dans une
trompette six ou sept fois longue comme
l'exécutant.
Qui donc osera prétendre que la
science de la statistique n'est pas une
belle science ?.
L'esprit chinois
Les Célestes ont, dans Jénr trésor na-
tional d'anecdotes narquoises et de. con-
tes ironiques, quelques jolis traits d'es-
prit touchant la faiblesse stratégique de
leurs chefs militaires.
Un général serré de près dans une
bat.aille et sur le point d'être vaincu,
voit apparaître tout à coup à ses côtés,
sous la forme d'un soldat, un esprit de
l'au-delà qui vient à son aidé et le fait
triompher.
Se prosternant à terre, le général de-
mande à l'esprit son nom.
< — Je. suis, répond celui-ci, le dieu des.
Cibles.
— Comment, reprend le général, ai-
je pu mériter l'assistance gi généreuse
de votre divinité t. -
- C'est bien simple, répond le diea.
e vous ai de la reconnaissance parce
que, dans tous vos exercices de tir,
vous ne m'avez jamais touché une seule
fois _: -
En passant..
Je glane dans un journal de pisciculture
l'aimable anecdote que voici :
Dernièrement, un joyeux publiciste pa-
risien, revêtu de ce que sa garde-robe
renfermait de plus sale et de plus cras-
seux. taquinait, sur les bords de l'Oise, le
gardon et le barbillon quand, en se retour-
nant, il aperçut derrière lui M. X. pré-
sident à la Cour d'appel de Paris ( qu'il
connaissait de vue), coiffé d'un grand cha-
peau de paille, pourvu d'un veston de cuir,
et qui semblait vivement intéressé aux
culbutes ée son bouchon.
La conversation s'engage. On s'aperçoit
que de part et d'autre, on est de fervents
adeptes de la gaule, d'où. sympathie réci-
proque. Notre ami est brillant causeur et
M. X. tout en gardant l'anonymat sous
son chapeau de paiUe, se demande in petto
quel est ce pécheur si spirituel et pour-
tant si mal fichu.
Le lendemait, notre littérateur revient à
sa place favorite, et que ipit-U arriver au
bout d'un instant ? M. X., désireux sans
doute de tailler à nouvequ une fi petite ba-
vette » avec son énigmatique pêcheur.
Cette fois, notre ami fait preuve d'une
érudition aussi abondante que définitive,
non seulement sur le chapitre de la pêche,
mais aussi sur le Tout-Paris officiel et po-
litique, si bien que de plus en plus esto-
maqué, M. le Premier risque un point d'in-
terrogation :
— Y a-t-il indiscrétion à tVJus demander,
monsieur, quelle est votre profession ?
— « Maïs pas du tout, répond notre
joyeux fumiste en se rengorgeant. J'occupe
de très hautes fonctions à Paris, et si vous
avez iimais besoin d'un « bon coup de
piston » près des pouvoirs publics, veuillez
croire que je suis à votre entière disposi-
lion. »
M. X. n'insiste pas. Pour ce jour-là, la
conversation se termina sur ces paroles
pleines d'aménité, mais Af. le Premier était
de plus en plus intrigué" et le lendemain,
nos Parisiens' e-n villégiature se retrouvant
au même endroit, l'investigation continua :
— Vous m'avez dit hier, monsieur, que
vous occupiez de très hautes fonctions.
judiciaires.
— Magistral ? Ah ! par exemple,. il est
étrange que nous ne nous connaissions
pas. Ah 1 vous êtes magistrat aussi ? Tou-
tes mes félicitations, mon cher collègue.
Moi, je suis M. X. président à la Cour
d'appel ! -
Télé du ttai président, près duquel, le
premier moment de stupéfaction passé, no-
tre ami ne tarda pas à s'excuser de sa
plaisanterie un peu crue, en lui disant qu'il
avait percé son incognito à jour dès la vre-
mière rencontre, et quel plaisir il avait eu
à trouver dans un « fervent de la gaule »
un des premiers et des plus distingués
magistrats de France.
Depuis lors, le magistrat c't l'homme de
lettres sont deux inséparables.
Le Chemineau.
ZOLA AU PANTHEON
Donc, à l'heure où le coq chanta jadis
pour rappeler à Pierre la prédiction de
Jésus priant au jardin des Oliviers ; à
l'heure où plus récemment on conduisait en
terre maudite les restes des suppliciés ; à
cette heure où l'ombre dispute encore l'em-
pire des ténèbres aux premières lueurs de
l'aube, Jea maîtres du pouvoir auront pris
à Montmartre les cendres de celui qui se fit
l'apôtre de la vérité, pour les déposer au
Panthéon.
La Raison obstinée a beau faire du bruit,
La Justice, ombre pâle, a beau, dans noire nuit,
Murmurer comme un souffle à toutes les
[oreilles,
On laJsse dans un coin bougonner ces deux
[vieilles.
Zola vivant, eût, à coup sûr, refusé
l'honneur de cette glorification nocturne.
Il semble que l'on ait oublié déjà les heu-
res tragiques que nous vécûmes dans l'an-
goisse et le trouble de toutes lea conscien-
ces.
ii semble que l'effort de vérité qui finit
par triompher de l'ignorance, de l'erreur,
du mensonge et de toutes les forces de réac-
tion coalisées pour une besogne d'injustice,
ait épuisé toutes les sèves généreuses de
ceux qui furent aux premiers rangs de la
tâche -de justice et de lumière et qui furent
plus tard les bénéficiaires de l'œuvre .de
régénération politique accomplie.
il semble que l'on ait douté de la foi ré-
publicaine de ce Paris vibrant qui s'émut et
se passionna toutes les fois que la cause de
la liberté se trouva menacée.
-Nous avions rêvé pour Zola d'une - apo-
théose républicaine où l'on eût senti battre
le cœur de la foule reconnaissante.
Les hommes qui nous gouyernent ne
l'ont point voulu.
- Pourquoi ? Est-ce par crainte de voir
renaître de leurs cendres éteintes les agi-
tations nationalistes d'anta- ? Est-ce par
calcul politique ?
Ceux qui le savent ne le diront pas, ei
l'affaissement moral de notre temps est tet
que personne n'aura le courage Ce le leur
demander.
Le programme arrêté pour la cérérmonie
du transfert est à moitié accompli.
Le cercueil de Zola a traversé Paris sans
escorte, r,,,,ns cortège. Un corbillard soli-
taire et bien clos l'a déposé au seuil du
monument où la Patrie reconnaissante don-
ne asile à ceux qui l'ont le plus honorée.
Une solennité intime aura lieu aujourd hui,
derrière les portes soigneusement gardées
de ce monument. :
Et la République aura ansi payé Sadetto
au courageux citoyen qui fit pour elle ce
eue personne n'osait, h l'écrivain puissant
et laborieux qui fit œuvre d'édileatiqn, fôrte
et vraie en peignant la vie- telle qù-'elte est,
avec ses tares comme avec ses beautés.
Tous les républicains diront que le de-
voir du gouvernement était de faire micuÃ.
v-* Pt G*
- -
)-
- ,- -"
M. THOMSON INTERPELLE
LES GASPILLAGES DE LA JURINE
M. d Estournelles de Constant vient
d'adresser à M. Thomson, ministre de
; la marine, la lettre suivante
Paris, 1er juin 1908-
Monsieur le ministre,
Je désire vous interpeller une fois -de
plus, à la tribune du Sénat, sur les folies
contagieuses de votre département ; une
épidémie internationale de dépenses mili-
taires est maintenant déchaînée sur le
monde ; vous avez obtenu du Parlement,
l'an dernier, six cuirassés de 18.000 tonnes
coûtant plus de 50 millions chacun, mais
ces cuirassés devant être démodés comme
les précédents, avant d'être achevés, vous
en demandez davantage, et de plus grands,
et de plus chers. ,
Je persiste à affirmer que vous affai-
blissez ainsi notre défense- nationale, la-
quelle doit être, avant tout, assurée sur
terre ; vous éparpillez nos efforts, alors-
qu'avec une population diminuée, nous de-
vrions les concentrer. En outre, ynifoma
que vous affaiblissez la valeur de nos al-
liances. -
L'intérêt de la France est d'avoir, avec
des eûtes bien défendues par une marine
- rationnelle, une armée prête à repousser
une agression sur notre frwnfièrè de- FBst,
tandis que la Russie doit a)!.Qir une bonne
armée prête à repousser une agression sur
sa frontière de l'Ouest, — l'Angleterre con-
centrant son principal effort, sur sa flotte.
Cette conception si naturelle n'est mal-
: heureusement pas .du goût des chauvîhs ;
une audacieuse campagne de, presse a sui-
vi les magnifiques et, paisibles fêtes de
Londres, et aujourd'hui il semble établi
que, contrairement au bon sens : la France
rdoit négliger son armée pour construire
des flottes ; l'Angleterre doit négliger ses
flottes pour lever des armées ; la Russie
doit tout sacrifier à des commandes de
cuirassés. -
C'est une grave erreur de croire que de
pareils égarements passent inaperçus de
l'opinion ; il ne suffira pas, monsieur le
ministre, de me traiter de « pacifiste » pour
m'empêcher de les dénoncer à npuveau.*
Je parle non seulement dans l'intérêt de
la paix, irais comme P'ra.pç:s, comme pal
triote dans 1 intérêt de notre sécurité et de
nos relations extérieures, et je m'honore
d'être couvert de ridicule pour oser dire
tout haut au pays ce que beaucoup de me4
collègues pensent tout bas.
Quant à nos amis à l'étranger, ils sont
consternés des exigences aujourd'hui pré-
sentées comme l'aboutissement de l'Enten-
te cordiale, et qui n'en sont que l'exploita-
tion, la caricature. ;
Nous n'avons pas le droit de - commander
des. flottes pour la Russie, ni .des armées
pour l'Angleterre, et de pousser nos amis
à des gaspillages qui nous coûtent déjà
assez elier.
.- Ces gaspillages, en se multipliant, servi-
ront sans doute quelques industries, mais
en paralyseront beaucoup d'autres, ruine-
ront l'ensemble du cpmmerce et rendront
impossible la paix qui, malgré tout, com-
mttfice à s'organiser.
Je vous serai obligé me fixer le jou*
DAc tqps pourrez accepter la discussion da
mQij iruoijjellalion.
.ooiUez agréer, monsieur le ministre,
(assurance de ma haute considération.
D'ESMURNULES DE CONSTANT. -
Déjà, dans un récent conseil des mi-
lSjfe's .M.. Caillaux et M. Thomson
ont eu, sur ce slietune véhémente disf
on qui dégénéra presque en aJter
cation. ,
; M. Caillaux eut raison, aux yeux da
ses icoilègues,' contre M. Thomson , .qul
sortit du conseil visiblement mortilié.
M. Thomson fera bien d'enrayer fil-
fièvre' métallurgique aiguë dont il es..
atteint.
: M. le ministre de la marine est un
grand patriote, c'est entendu. Mais son
patriotisme, pour être ardent, n'en doit
'1MS moins être clairvoyant, et lui per-
mettre de faire exactement la distinc-
tion entre les intérêts particuliers des
fournisseurs de la marine et les inté-
rêts généraux du pays.
Not>s l'y aiderons.
L'EWNIK DE mm
o
Gendarmés et grévistes aux prises. - Les victimes. - La
cause de la grève. — Au ministère.
Ainsi que nous l'avons annoncé - hier,
une collision sanglante s'est produite a
Vigneux (Seine-et-Oise), entre des grévistes
des sablières et des gendarmes.
Au cours de la bagarre, un gréviste a
été tué, six ont été blessés, dont un grave-
ment. Ils sont arrivés à Paris à huit lieu-
res quinze il la gare de Lyon et ont été con-
duits à la Pitié- ,
Un maréchal des logis ét hi6 gendarmes
ont été contusionnés. Deux d'entre eux sont
dans un état alarmant. =.
- Plusieurs tombereaux de sable, marai
matin vers neuf heures, quittèrent la sa-
blière de Château-Fayé, sous la protection
de deux gendarmes, se dirigeant, les T-re-
miers sur Crosnes, les seconds sur Montge-
ron. Ces derniers furent soudainement en-
tourés par cent cinquante grévistes, armés
de bâtons, qui attendaient le convoi à la
hauteur du cimetière de ce village. Malgré
les efforts des gendarmes, le charretier fut
violemment frappé d'un coup de gourdin a
la tête. 5Bl T 10i7 «Miwiiéô-Je»
chevaux après avoir coupé les traits et
lacéré les harnais, puis prirent la fuite sans
que les gendarmes aient réussi à les attein-
dre.
Dans lèpres-midi, vers trois heures, ces
mêmes gendarmes, se-trouvant de garde
avec vingt-cinq de leurs camarades qui
protégeaient un élévateur, crurent recon-
naître dans un individu qui passait,1 un des
assaillants de la matinée. Ils cherchèrent
à l'arrêter, mais ce dernier prit la fuite et
se réfugia dans la salle Ranche, siège du
comité de permanence des grévistes. Les
gendarmes, au nombre de douze, débou-
chant par l'avenue au Parc, se rendirent t,
cet endroit, et s'arrêtant devant la véran-
da. à claire-voie qui précède l'établissement,
réclamèrent le fugitif.
Ils furent accueillis par des huées ; des
pierres leur furent lancées. C'est à ce mo-
ment, si l'on en croit les résultats de l'en-
quête ouverte par les autorités, qu'un coup
de. feu fut tiré sur les gendarmes de l'in-
térieur de la salle.. Des témoignages sé-
rieux ont été, paraît-il, produits sur ce
point important.
Les gendarmes sortirent alars leurs re-
volvers .11 y eut, en cet instant, un arrêt
impressionnant. Après quelques secondes
de réflexion, et .croyant sans doute qUe les
gendarmes avaient reçu l'ordre de ne pas
faire usage de leurs armes, les grévistes
firent pleuvoir sur les gendarmes une
grêle de cauloux, de verres et de bouteilles.
Plusieurs d'entre eux furent atteints par
les projectiles et eurent le visage en sang-
Les gendarmes tirèrent en l'air.
Une partie des grévistes sortirent alors
de la salle par la rue Alphonse-Daudet et
esquissèrent un moument UT-n-nant pour
envelopper les gendarmes. Trois He ces
derniers étaient par:>^trt>meutmenacés.
Leurs camarades s'efforcèrent Ce ks d-
gager et c'est en cette. minute suprcme
qu'ils ripostèrent en tirant à. leur tour. Ce
fut durant dix minutes, un véritable com-
bat. Dans les. deux camps des,4wmmes tom-
bèrent, r.,
Les victimes .;
les. victimes sont
les suivantes :
Pierre Befol,été fcé-raid* cV^,ne balle u cœur et trans-
porté à la morgue du 4au(rUôre dc Vigneiix.
Il est âgé de cinquante ans et laisse trois
Goobélinn, 'aix..gept nns. 11 a 13
Louis Gôobélina, dix -sept ans. 11 a hj
6u traversée de pari en pari. Son ctat est
désespéré. Il habite : Villeneuve-Saint-Geor-
.gc).;; <, -
H-enri -Klein, de Dmvéifj blessé à une
niain.'Alfred: j^lein; de Vigneux, blessé à
la cuisse gauche. François Mallet, d'Athis-
Moo s, b!&r & l'épaule garuche: Angeio Pe.
soli,', de Mainville, balle à l'aine. Alain Hé-
midé, de Vigneux, blessé au pied. Nivois,
de Vigneux, btessé à la cuisse drorte- Fran-
çois Courod, de Vigneux, blessé à la jou
droite. Sanselot, de Vigneux, blessé à la
tôie.
- Six de ces blessés ont été transportés à
Paris, à l'hôpital de la Pitié ; les -autres à.
leur domicile.
Les douze gendarmes étaient commandés
par le maréchal des logis Truc, qui a été
plus particulièrement blessé au visage et à.
l'épaule gauche, ainsi que Jes gendarmes.
Py, Drefford et Teste. Les autres ont reçu
des contusions multiples. Ils ont subi ce
matin une visite médicale minutieuse.
De l'enquête ouverte par les autorités il
«fflïWe résulter que les gendarmes ont tiré
dans la rue en se défendant, et non dans la
salle, comme certaines versions le préten-
dent.
M .Argeliès, député de la circonscription *
de Corbeil, qui a visité très attentivement,
dans'là soirée, la salle Ranche, siège de la
permanence, des grévistes, n'y a trelevôt
assure-t-on; aucune trace de balles.
- 1 La versièn des grévistes
Suivant les ouvriers grévistes, ce sont Ieis
gendarmes qui ont provoqué le désordre et
,la bagarre par leur brutalité, en envahis-
sant la salle et en forçant la porte de la
permanence de la grève, pour arrêter un
ouvrier avec lequel ils avaient été en con-
dit plusieurs heures auparavant. Tous pré-
tendent - qu'aucun coup de feu n'a été tiré'
sur les gendarmes de l'intérieur de la salle,
car personne n'était armé.
Le procureur de la République de CorbeiT,
accompagné du juge d'instruction et d'un
médecin légiste se sont rendus à Vigneux,
et ont commencé leur enquête. Ils sont re-
partis vers minuit.
- Les origines de la grève
La grève actuelle a pour origine; un con-
flit qui s'est produit dans les premiers joura
de mai entre la Compagnie générale des
sablières de la-Seine-et une-partie de son:
personnel qui réclamait une augmcQtatum
de salaire et la suppression du travail à la
tâche. Les coltineurs n'ayant pu obtenic
une augmentation de 20 centimes par heu-
re, décidèrent les terrassiers et dragueurs
employés par la société à. se solidariser
avec eux. Le mouvement s'étendit bientôt
aux exploitations voisines, en sorte qu'un
milier d'ouvriers environ travaillant aux
« fouilles JJ & sable de Draveil, Vigneux,
Ris-Orangis. Villeneuve et de diverses au-
tres localités avaient depuis au moins trois
semaines quitté le travail- ( - - - - -
Les grévistes présentaient aux entrepre-
neurs les revendications suivantes :
70 centimes de l'hellr au !fer. de 50 centimes;
suppression dit travail à ls lAOiic , journée de
10 heures ; les heures supplémentaires payées
i fr 50 (de manière que les patrons n en fas-
sent plus faire) ; travaux de nuit : 1 fr. de
rhrurc ; repos hebdomadaire obligatoire, pour
tous ; travail dans l'eau : 95 centimes de
l'heure. les débr.rdotirs à la grue, pelleou
brouette : 1 îr. de l'heure ; journée de huit heu-
Vt îuônression du travail de DUIt; suppres-
sion des c.hcIs de cha n tiers - tenant des débits
de Viâns ; detinfoction, avant de cornTOOD-
cer, -des bateaux provenant des MOut.s, e'
1 Ir. 20 de l'heure avec la îourme de ncul ne»,
res *, la paye tous les samedis.
cm<* xaBNinœs»wrwtJMfâHto
- f - - ,- --__-
Vendredi 5 iùin 1908. - w 13065 1
• - - 4 - - ■ - é.:
- ..*,.fJ. ,..
; jMnWOMCEa -."
âîîX BUREAUX DU JOURJU*
fi, tue de mail, Fàd&,
fet ea." Jrt. LAGRAMGE, CERF etc,,
$, place de la Bourte,$
- âAKON TéWflTBPblçae : XIX* MËCM- PARIS
ABONNEBBAM
trois mais riz moli m n.
"-r. St r il L sTt
Départements t Lei. a LM"
JUaicaPoeiate Wt. - 16 i. m
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FONDATEUR: EDMOND ABOUT
'--'- -
ADMINISTRATION : le RUE DU MAIL. TÉLÉPHONÉ 102 69
- Adretur lettres et mandate A l'Administrateur „
.,. J::}i( f < a .J. "., ;- -.,: ..: "- -''-'
RÉDACTION POLITIQUE
MM. DELPECH, GAUTHIER, LEYDET, MONIS, Sénateurs;
Am. Paul BOURELY, Jean CODET, Emile CONSTANT,
de KEROfcJEZBC, MASSÉ, Louis PUECH, Marcel REGNIER,
RENOULT, Th. STEEO, Députés;
MM. Jettes HENAFFE, Henri ROUSSELLE, Conseillers
mmricipaux de Paris.
- ., TRIBUNE LIBRE
Situation politique
., , - --'--"-. - V
L'étrangeté de la situa-
tion politique actuelle s'ac-
centue tous les jours et la
discussion de rimpôt sur le
revenu q:uf se puarsuîra la
Chambre en fournit chaque
jour des exemples nouveaux.
Les adversaires de cet impôt, les
meilleurs amis du ministère, avaient
thoisi deux terrains de combat : l'im-
pôt sur la rente et l'impôt sur les béné-
fices agricoles. ,-.
Ils viennent de subir un premier
échec, mais ils n'ont pas désarmé et je
ae sais pas si leur foi ministérielle-en
A été diminuée.
Ils espéraient pourtant bien avec le
rejet de l'impôt sur la rente porter un
coup mortel à la réforme et l'envoyer
rejoindre dans les paperasses parle-
mentaires nombre d'autres projets
d'impôts sur le revenu, savamment
étouffés par eux avant d'avoir vu le
jour de la
Leur espoir vient d'être cruellement
décu et les 179 voix de majorité lui ont
porté un rude coup. -
Mais ils ne veulent encore, ni les uns
ni les autres, avouer leur défaite et,
pendant que leurs complices tentent à
a Bourse une campagne de panique et
tie baisse destinée à peser sur la Cham-
bre, lesplus ardents d'entre eux mè-
nent toujours la bataille.
C'est le démocrate Théodore Jftei-
nach qui, avec une ardeur violente, ad-
jurait hier la Chambre de revenir- sur
son vote.
C'est M. Jules Roohe lui-même ve-
nant, sans rire, proposer, à l'Etal de
rembourser, - dans les vingt-cinq jours,
plus de vingt-cinq milliards.
C'est toute la meute des intérêts lut-
tant pied à pied, retardant par tous les
moyens la déroute, mais vaincue tout
de même et forcée de reculer.
De cela, nous félicitons M. Caillaux
qui a su forcer le gouvernement à po-
ser la question de confiance et. du mê-
me coup, a démontré qu'il ne fallait que
vouloir pour dégager une majorité uni-
quement composée de républicains
nettement, résolument réformateurs.
Mais si nous avons obtenu ce premier
résultat, si nous avons pu frapper les
rentiers, comme les industriels et les
commerçants, tout n'est pas fini et de-
main nous livrerons la seconde batailla
sur le bénéfice agricole ; elle sera aussi
âpre, aussi violente et plus dangereuse.
On cherchera à exciter tous les inté-
rêts électoraux, à fausser les textes ;
tout sera tenté.
Déjà, on a préludé à cette discussion
par une escarmouche qui, dans J'esprit
de certains, veut être un avertissement
.'au gouvernement et qui, si elle consti-
tue un premier avantage pour les ad-
versaires de la réforme, n'en est que
plus sûrement une trahison.
Battus lundi, les adversaires de l'im-
pôt sur le revenu envoyaient mardi à la
commission du budget les plus notoires
adversaires de l'impôt sur la rente et
par la complicité de certains ceux-là
s'empressaient d'élire M. Doumer rap-
porteur général du budget de 1909.
Or, pendant que M. Aimond, Jules
Roche et d'autres menaient la bataille à
la tribune, sous la haute direction de
'M. Ribot, M. Doumer, dans les cou-
loirs, organisait l'assaut contre l'impôt
sur la rente.
De plus, au vu et au su de tout le
monde. M. Doumer est un adversaire
personnel de M. Caillaux.
Quelle boiftie farce et quelle revan-
the 1
Mais M. Doumer est aussi, et cela est
plus grave, celui vers qui se tournent
ious les réactionnaires.
Il est celui qui patiemment, mais tou-
jours, attend le moment de pêcher en
iau trouble les honneurs et la puis-
sance.
Pour lui le moment semble venu *
faélions-nous. •
Malgré que M, boumer ne soit ce
jtju'il est par les trahisons politiques les
plus éclatantes, il n'en est ipas moins le
porte-parole autorisé des états-majors
7*3 la rue Royale et de la rue Saint-Do-
minique et aussi du mêms coup des
Grands JIlélallurg¡ste,
Le chauvinisme dont il pare son am-
bition démesurée et égoïstet; est prêt à
ratifier; toutes les folies militaires,
qu'il s'agisse de cuirasses ou d'autres
choses.
Son entrée en scène est une nouvelle
preuve, et la plus typique, de la gravité
de la situation politique actuelle.
i Si sa force s'accroît, c'est -que les
forces républicaines se désagrègent. Si
i sa-, puissance d'iaéfôgue toujours en
travail a produit son effet, c'est que le
désarroi complet n'est pas loin.
1 L'histoire de la dernière législature
n'est pas si; éloignée que nous n'en'
ayons encore Te souvesir précis.
Nous n'avons pas oublié que c'est au
moment où la majorité républicaine
semblait faiblir que l'odieuse campa-
gne contre le pFésident Brisson s'est
produite. Nous n'oublierons jamais
non plus que contre tous les républi-
cains, M. Doumer a osé être le candi-
dat de toutes les réactions à la prési-
dence de la République.
Tout se recommence pourtant.
Par vingt-deux voix sur trente-trois
votants une commission du budget soi-
disant républicaine, où les républi-
cains avancés se targuent d'avoir la
majorité, vient de lui confier le sort du
budget républicain.
Comprenne qui pourra 1 L'incohé-
rence est là comme ailleurs.
Mais sans comprendre, nous avons le
droit de craindre. '-
Et notre crainte est grande, car nous
ne voyons rien à opposer aux menées
souterraines dont nous venons de dé-
couvrir les premiers effets.
- L'autre fois nous, avions le pays avec,
nous, l'ardeur qui nous emportait tous
en une bataille ifévreuse où nous nous
sentions les coudes, où nous voyions
chaque jour les résultats récompenser
nos efforts.
Aujourd'hui cette ardeur est tombée,
le pays lui-même est désemparé et le
vaste courant d'opinion qui nous cm-'
portait tous semble momentanément
enrayé.
Les récentes élections municipales
nous apportent comme là menace d'un
nouveau boulangisme où exaltés et
réactionnaires monteront encore à l'as-
saut des institutions républicaines.
Quel bon terrain pour M. Doumer !
Seule l'action, J'action républicaine
féconde et réformatrice peut nous évi-
ter ce danger.:
Il est temps encore, il est facile de,
constituer solidement la majorité né-
cessaire à cette politique.
Le vote sur l'imposition de la Renfe
le prouve. Mais il faut que le gouverne-
ment le veuille, qu'il cherche l'occasion
de l'affirmer ipar des déclarations et des
actes. --
Demain nous dira si M. Clemenceau
a compris ce devoir que chaque jour
des circonstances nouvelles lui impo-
sent de façon plus impérieuse.
La bataille est engagée. Contre les
réformes, contre l'impôt sur le revenu,
contre les retraites, contre le rachat,
toute la réaction mène le branle. -
'.- M. Ribot s'inquiète, M, Doumer s'a-
gite.
Le parti républicain doit se ressaisir
et, sans hésitation, marcher au combat.
1 11 semble urgent de serrer les rangs..
Marcel REGNIER,
Député de l'Allier.
LA POLITIQUE
CREVE SANGLANTE
Après Narbonne et Raôrï-
l'Etape, voici Draveil,
Les renseignements man-
quent jusqu'ici de précision
suffisante pour permettre d'é-
tablir rigoureusement les faits.
Mais en admettant qu'en la circonstance
le gouvernement ne soit pas coupable, il
faut reconnaître du moins qu'il est mal-
heureux.. , T
Une étrange fatalité n'a' cesse de Ip-
scr sur lui au cours des 'divers ,
sociaux qu'il a eu à solutionner. Son in-
tervention aussi bien dans le Nord que
dans le Midû dans l'Est guerç Sine-t.
Oise, s'est toujours manifestée par 'des
morts d'hommes et du sang versé.
On en arrive à se demander si les pa-
roles hautaines de M. le président du
conseil à l'égard des bureaucrates en ré-
volte ou de la classe ouvrière, et si les
brutales et maladroites harangues de
son sous-secrétaire d'Etat ne finissent
pas par suggestionner les agents de la
force publique, et ne contribuent pas à
réveil-ler..elWDême temps que l'esprit réac-
teur les procédés de répression violente.
Tandis que les forfanteries niaises
de M. Pichon risquent d'aboutir à l'ex-
térieur à une politique d'humiliation —
dont nous n'avons cessé de prévoir les
conséquences et de dénoncer les périls —
il ne faudrait pas que les imprudences
de M. Maujan provoquent à l'intérieur
les sanglants épisodes inhérents à toute
politique de réaction.
Nous répétons que nous ne tolérerons
pas que M. Maujan se console de là per-
te de « son "W portefeuille de ministre
civil de la guerre en jouant les ministres
de guerre civile.
A tout prendre, mieux vaut encore
s'enliser dans le limon du Canal des
Deux-Mers que de patauger dans le
sang. Plaies d'argent ne sont pas mor-
telles; celles des Lebel le sont.
LES ON-DIT
NOTRE AGENDA
Aujourd'hui jeudi :
Lever du soleil à 4 N. r; coucher à
7 h. 55.
Cérémonie de la translation au Panthéon
des cendres d'Emile Zola.
Matinées. — Comédie-Française, Odéon,
T .A.atoiBe Déjazet, Olympia, Eldo-
rado, Pfewea^Qarqiie, Cirque Médrano.
Cous à Longchamps.
Lies faoéties d'Adolphe
Gauchement, tel Auguste singeant
(f Mossieu Loyal » Maujan cherche à
flatter Clemenceau par des imitations
plus ou moins grotesques.
- Voici la dernière incongruité de l'i-
neffable Adolphe. C'était au diner de
la Jeunesse républicaine du deuxième.
Au dessert, Adolphe, entre autres inep-
ties, laissa tomber de ses augustes lè-
vres : « Sur ce point, je suis de son
avis ; qu'il me permette cependant de
prendre la défense de mon ami Mesu-
reur, qu'il a semblé prendre à partie,
à un moment donné. Si M. Mesureur a
fait arracher des arbres, c'étaient, n'en
doutez pas, des tilleuls, et c'est qu'il
voulait en faire de la tisane. »
Hein ? c'est drôle ! Tout de même,
Chocolat en a de meilleures que cela.
'- AUTREFOIS
Rappel du 5 juin 1872. — Des officiers
prussiens ont obtenu des congés pour ve-
nir assister à Versailles aux séances de
l'assemblée où se discutera la loi de réor-
ganisation de l'armée.
• Certains bureaux de poste distribuent en-
core au public des timbres-poste à Veffiqie
de Napoléon 111.
4 On construit un échafaudage à la hau-
teur de la colonnade qui soutient le dôme
du Panthéon ; on va réparer les parties-
endommagées par les obus.
Le voyage à Berlin du prince Il-umbèrt,
héritier de la couronne d'Italie, est très
commenté : on croit qu'il s'agit de nouer
une alliance entre l'Italie et l'Allemagne,
en apparence contre la papautét mais en
réalité contre la France.
Un peu de statistique
Rien n'est amusant comme la statis-
tique, quand, elle s'exerce dans le do-
maine de la fantaisie.
Pour n'être ni ecclésiastique, ni hom-
pie de loi, ni professeur, ni homme po-
litique, sachez que vous n'en débitez
ts- moins, en douze mois, une moyenne
de 11.800,000 mots, dans la conversation
ordinaire, en y comprenant les compli-
ments que vous ne manquez sans doute
pas d'adresser à vot.re belle-mère.
Vous prononcez de la sorte, en un an,
sans vous en douter, de quoi remplir
450 volumes de 300 pagres chacun.
Avec les cheveux que vous laisser
chez votre coiffeur, sans tenir aucun
compte de ceux que vous trouvez dans
les affaires, vous pourriez vous faire
confectionner chaque année une descen-
te de lit très raisonnable en dimension
et en épaisseur.
Enfin, en condensant les expirations
que produisent vos poumons en 365
jours, vous pourriez, sans difficulté,
jouer le God save ihe King dans une
trompette six ou sept fois longue comme
l'exécutant.
Qui donc osera prétendre que la
science de la statistique n'est pas une
belle science ?.
L'esprit chinois
Les Célestes ont, dans Jénr trésor na-
tional d'anecdotes narquoises et de. con-
tes ironiques, quelques jolis traits d'es-
prit touchant la faiblesse stratégique de
leurs chefs militaires.
Un général serré de près dans une
bat.aille et sur le point d'être vaincu,
voit apparaître tout à coup à ses côtés,
sous la forme d'un soldat, un esprit de
l'au-delà qui vient à son aidé et le fait
triompher.
Se prosternant à terre, le général de-
mande à l'esprit son nom.
< — Je. suis, répond celui-ci, le dieu des.
Cibles.
— Comment, reprend le général, ai-
je pu mériter l'assistance gi généreuse
de votre divinité t. -
- C'est bien simple, répond le diea.
e vous ai de la reconnaissance parce
que, dans tous vos exercices de tir,
vous ne m'avez jamais touché une seule
fois _: -
En passant..
Je glane dans un journal de pisciculture
l'aimable anecdote que voici :
Dernièrement, un joyeux publiciste pa-
risien, revêtu de ce que sa garde-robe
renfermait de plus sale et de plus cras-
seux. taquinait, sur les bords de l'Oise, le
gardon et le barbillon quand, en se retour-
nant, il aperçut derrière lui M. X. pré-
sident à la Cour d'appel de Paris ( qu'il
connaissait de vue), coiffé d'un grand cha-
peau de paille, pourvu d'un veston de cuir,
et qui semblait vivement intéressé aux
culbutes ée son bouchon.
La conversation s'engage. On s'aperçoit
que de part et d'autre, on est de fervents
adeptes de la gaule, d'où. sympathie réci-
proque. Notre ami est brillant causeur et
M. X. tout en gardant l'anonymat sous
son chapeau de paiUe, se demande in petto
quel est ce pécheur si spirituel et pour-
tant si mal fichu.
Le lendemait, notre littérateur revient à
sa place favorite, et que ipit-U arriver au
bout d'un instant ? M. X., désireux sans
doute de tailler à nouvequ une fi petite ba-
vette » avec son énigmatique pêcheur.
Cette fois, notre ami fait preuve d'une
érudition aussi abondante que définitive,
non seulement sur le chapitre de la pêche,
mais aussi sur le Tout-Paris officiel et po-
litique, si bien que de plus en plus esto-
maqué, M. le Premier risque un point d'in-
terrogation :
— Y a-t-il indiscrétion à tVJus demander,
monsieur, quelle est votre profession ?
— « Maïs pas du tout, répond notre
joyeux fumiste en se rengorgeant. J'occupe
de très hautes fonctions à Paris, et si vous
avez iimais besoin d'un « bon coup de
piston » près des pouvoirs publics, veuillez
croire que je suis à votre entière disposi-
lion. »
M. X. n'insiste pas. Pour ce jour-là, la
conversation se termina sur ces paroles
pleines d'aménité, mais Af. le Premier était
de plus en plus intrigué" et le lendemain,
nos Parisiens' e-n villégiature se retrouvant
au même endroit, l'investigation continua :
— Vous m'avez dit hier, monsieur, que
vous occupiez de très hautes fonctions.
judiciaires.
— Magistral ? Ah ! par exemple,. il est
étrange que nous ne nous connaissions
pas. Ah 1 vous êtes magistrat aussi ? Tou-
tes mes félicitations, mon cher collègue.
Moi, je suis M. X. président à la Cour
d'appel ! -
Télé du ttai président, près duquel, le
premier moment de stupéfaction passé, no-
tre ami ne tarda pas à s'excuser de sa
plaisanterie un peu crue, en lui disant qu'il
avait percé son incognito à jour dès la vre-
mière rencontre, et quel plaisir il avait eu
à trouver dans un « fervent de la gaule »
un des premiers et des plus distingués
magistrats de France.
Depuis lors, le magistrat c't l'homme de
lettres sont deux inséparables.
Le Chemineau.
ZOLA AU PANTHEON
Donc, à l'heure où le coq chanta jadis
pour rappeler à Pierre la prédiction de
Jésus priant au jardin des Oliviers ; à
l'heure où plus récemment on conduisait en
terre maudite les restes des suppliciés ; à
cette heure où l'ombre dispute encore l'em-
pire des ténèbres aux premières lueurs de
l'aube, Jea maîtres du pouvoir auront pris
à Montmartre les cendres de celui qui se fit
l'apôtre de la vérité, pour les déposer au
Panthéon.
La Raison obstinée a beau faire du bruit,
La Justice, ombre pâle, a beau, dans noire nuit,
Murmurer comme un souffle à toutes les
[oreilles,
On laJsse dans un coin bougonner ces deux
[vieilles.
Zola vivant, eût, à coup sûr, refusé
l'honneur de cette glorification nocturne.
Il semble que l'on ait oublié déjà les heu-
res tragiques que nous vécûmes dans l'an-
goisse et le trouble de toutes lea conscien-
ces.
ii semble que l'effort de vérité qui finit
par triompher de l'ignorance, de l'erreur,
du mensonge et de toutes les forces de réac-
tion coalisées pour une besogne d'injustice,
ait épuisé toutes les sèves généreuses de
ceux qui furent aux premiers rangs de la
tâche -de justice et de lumière et qui furent
plus tard les bénéficiaires de l'œuvre .de
régénération politique accomplie.
il semble que l'on ait douté de la foi ré-
publicaine de ce Paris vibrant qui s'émut et
se passionna toutes les fois que la cause de
la liberté se trouva menacée.
-Nous avions rêvé pour Zola d'une - apo-
théose républicaine où l'on eût senti battre
le cœur de la foule reconnaissante.
Les hommes qui nous gouyernent ne
l'ont point voulu.
- Pourquoi ? Est-ce par crainte de voir
renaître de leurs cendres éteintes les agi-
tations nationalistes d'anta- ? Est-ce par
calcul politique ?
Ceux qui le savent ne le diront pas, ei
l'affaissement moral de notre temps est tet
que personne n'aura le courage Ce le leur
demander.
Le programme arrêté pour la cérérmonie
du transfert est à moitié accompli.
Le cercueil de Zola a traversé Paris sans
escorte, r,,,,ns cortège. Un corbillard soli-
taire et bien clos l'a déposé au seuil du
monument où la Patrie reconnaissante don-
ne asile à ceux qui l'ont le plus honorée.
Une solennité intime aura lieu aujourd hui,
derrière les portes soigneusement gardées
de ce monument. :
Et la République aura ansi payé Sadetto
au courageux citoyen qui fit pour elle ce
eue personne n'osait, h l'écrivain puissant
et laborieux qui fit œuvre d'édileatiqn, fôrte
et vraie en peignant la vie- telle qù-'elte est,
avec ses tares comme avec ses beautés.
Tous les républicains diront que le de-
voir du gouvernement était de faire micuÃ.
v-* Pt G*
- -
)-
- ,- -"
M. THOMSON INTERPELLE
LES GASPILLAGES DE LA JURINE
M. d Estournelles de Constant vient
d'adresser à M. Thomson, ministre de
; la marine, la lettre suivante
Paris, 1er juin 1908-
Monsieur le ministre,
Je désire vous interpeller une fois -de
plus, à la tribune du Sénat, sur les folies
contagieuses de votre département ; une
épidémie internationale de dépenses mili-
taires est maintenant déchaînée sur le
monde ; vous avez obtenu du Parlement,
l'an dernier, six cuirassés de 18.000 tonnes
coûtant plus de 50 millions chacun, mais
ces cuirassés devant être démodés comme
les précédents, avant d'être achevés, vous
en demandez davantage, et de plus grands,
et de plus chers. ,
Je persiste à affirmer que vous affai-
blissez ainsi notre défense- nationale, la-
quelle doit être, avant tout, assurée sur
terre ; vous éparpillez nos efforts, alors-
qu'avec une population diminuée, nous de-
vrions les concentrer. En outre, ynifoma
que vous affaiblissez la valeur de nos al-
liances. -
L'intérêt de la France est d'avoir, avec
des eûtes bien défendues par une marine
- rationnelle, une armée prête à repousser
une agression sur notre frwnfièrè de- FBst,
tandis que la Russie doit a)!.Qir une bonne
armée prête à repousser une agression sur
sa frontière de l'Ouest, — l'Angleterre con-
centrant son principal effort, sur sa flotte.
Cette conception si naturelle n'est mal-
: heureusement pas .du goût des chauvîhs ;
une audacieuse campagne de, presse a sui-
vi les magnifiques et, paisibles fêtes de
Londres, et aujourd'hui il semble établi
que, contrairement au bon sens : la France
rdoit négliger son armée pour construire
des flottes ; l'Angleterre doit négliger ses
flottes pour lever des armées ; la Russie
doit tout sacrifier à des commandes de
cuirassés. -
C'est une grave erreur de croire que de
pareils égarements passent inaperçus de
l'opinion ; il ne suffira pas, monsieur le
ministre, de me traiter de « pacifiste » pour
m'empêcher de les dénoncer à npuveau.*
Je parle non seulement dans l'intérêt de
la paix, irais comme P'ra.pç:s, comme pal
triote dans 1 intérêt de notre sécurité et de
nos relations extérieures, et je m'honore
d'être couvert de ridicule pour oser dire
tout haut au pays ce que beaucoup de me4
collègues pensent tout bas.
Quant à nos amis à l'étranger, ils sont
consternés des exigences aujourd'hui pré-
sentées comme l'aboutissement de l'Enten-
te cordiale, et qui n'en sont que l'exploita-
tion, la caricature. ;
Nous n'avons pas le droit de - commander
des. flottes pour la Russie, ni .des armées
pour l'Angleterre, et de pousser nos amis
à des gaspillages qui nous coûtent déjà
assez elier.
.- Ces gaspillages, en se multipliant, servi-
ront sans doute quelques industries, mais
en paralyseront beaucoup d'autres, ruine-
ront l'ensemble du cpmmerce et rendront
impossible la paix qui, malgré tout, com-
mttfice à s'organiser.
Je vous serai obligé me fixer le jou*
DAc tqps pourrez accepter la discussion da
mQij iruoijjellalion.
.ooiUez agréer, monsieur le ministre,
(assurance de ma haute considération.
D'ESMURNULES DE CONSTANT. -
Déjà, dans un récent conseil des mi-
lSjfe's .M.. Caillaux et M. Thomson
ont eu, sur ce slietune véhémente disf
on qui dégénéra presque en aJter
cation. ,
; M. Caillaux eut raison, aux yeux da
ses icoilègues,' contre M. Thomson , .qul
sortit du conseil visiblement mortilié.
M. Thomson fera bien d'enrayer fil-
fièvre' métallurgique aiguë dont il es..
atteint.
: M. le ministre de la marine est un
grand patriote, c'est entendu. Mais son
patriotisme, pour être ardent, n'en doit
'1MS moins être clairvoyant, et lui per-
mettre de faire exactement la distinc-
tion entre les intérêts particuliers des
fournisseurs de la marine et les inté-
rêts généraux du pays.
Not>s l'y aiderons.
L'EWNIK DE mm
o
Gendarmés et grévistes aux prises. - Les victimes. - La
cause de la grève. — Au ministère.
Ainsi que nous l'avons annoncé - hier,
une collision sanglante s'est produite a
Vigneux (Seine-et-Oise), entre des grévistes
des sablières et des gendarmes.
Au cours de la bagarre, un gréviste a
été tué, six ont été blessés, dont un grave-
ment. Ils sont arrivés à Paris à huit lieu-
res quinze il la gare de Lyon et ont été con-
duits à la Pitié- ,
Un maréchal des logis ét hi6 gendarmes
ont été contusionnés. Deux d'entre eux sont
dans un état alarmant. =.
- Plusieurs tombereaux de sable, marai
matin vers neuf heures, quittèrent la sa-
blière de Château-Fayé, sous la protection
de deux gendarmes, se dirigeant, les T-re-
miers sur Crosnes, les seconds sur Montge-
ron. Ces derniers furent soudainement en-
tourés par cent cinquante grévistes, armés
de bâtons, qui attendaient le convoi à la
hauteur du cimetière de ce village. Malgré
les efforts des gendarmes, le charretier fut
violemment frappé d'un coup de gourdin a
la tête. 5Bl T 10i7 «Miwiiéô-Je»
chevaux après avoir coupé les traits et
lacéré les harnais, puis prirent la fuite sans
que les gendarmes aient réussi à les attein-
dre.
Dans lèpres-midi, vers trois heures, ces
mêmes gendarmes, se-trouvant de garde
avec vingt-cinq de leurs camarades qui
protégeaient un élévateur, crurent recon-
naître dans un individu qui passait,1 un des
assaillants de la matinée. Ils cherchèrent
à l'arrêter, mais ce dernier prit la fuite et
se réfugia dans la salle Ranche, siège du
comité de permanence des grévistes. Les
gendarmes, au nombre de douze, débou-
chant par l'avenue au Parc, se rendirent t,
cet endroit, et s'arrêtant devant la véran-
da. à claire-voie qui précède l'établissement,
réclamèrent le fugitif.
Ils furent accueillis par des huées ; des
pierres leur furent lancées. C'est à ce mo-
ment, si l'on en croit les résultats de l'en-
quête ouverte par les autorités, qu'un coup
de. feu fut tiré sur les gendarmes de l'in-
térieur de la salle.. Des témoignages sé-
rieux ont été, paraît-il, produits sur ce
point important.
Les gendarmes sortirent alars leurs re-
volvers .11 y eut, en cet instant, un arrêt
impressionnant. Après quelques secondes
de réflexion, et .croyant sans doute qUe les
gendarmes avaient reçu l'ordre de ne pas
faire usage de leurs armes, les grévistes
firent pleuvoir sur les gendarmes une
grêle de cauloux, de verres et de bouteilles.
Plusieurs d'entre eux furent atteints par
les projectiles et eurent le visage en sang-
Les gendarmes tirèrent en l'air.
Une partie des grévistes sortirent alors
de la salle par la rue Alphonse-Daudet et
esquissèrent un moument UT-n-nant pour
envelopper les gendarmes. Trois He ces
derniers étaient par:>^trt>meutmenacés.
Leurs camarades s'efforcèrent Ce ks d-
gager et c'est en cette. minute suprcme
qu'ils ripostèrent en tirant à. leur tour. Ce
fut durant dix minutes, un véritable com-
bat. Dans les. deux camps des,4wmmes tom-
bèrent, r.,
Les victimes .;
les. victimes sont
les suivantes :
Pierre Befol,
porté à la morgue du 4au(rUôre dc Vigneiix.
Il est âgé de cinquante ans et laisse trois
Goobélinn, 'aix..gept nns. 11 a 13
Louis Gôobélina, dix -sept ans. 11 a hj
6u traversée de pari en pari. Son ctat est
désespéré. Il habite : Villeneuve-Saint-Geor-
.gc).;; <, -
H-enri -Klein, de Dmvéifj blessé à une
niain.'Alfred: j^lein; de Vigneux, blessé à
la cuisse gauche. François Mallet, d'Athis-
Moo s, b!&r & l'épaule garuche: Angeio Pe.
soli,', de Mainville, balle à l'aine. Alain Hé-
midé, de Vigneux, blessé au pied. Nivois,
de Vigneux, btessé à la cuisse drorte- Fran-
çois Courod, de Vigneux, blessé à la jou
droite. Sanselot, de Vigneux, blessé à la
tôie.
- Six de ces blessés ont été transportés à
Paris, à l'hôpital de la Pitié ; les -autres à.
leur domicile.
Les douze gendarmes étaient commandés
par le maréchal des logis Truc, qui a été
plus particulièrement blessé au visage et à.
l'épaule gauche, ainsi que Jes gendarmes.
Py, Drefford et Teste. Les autres ont reçu
des contusions multiples. Ils ont subi ce
matin une visite médicale minutieuse.
De l'enquête ouverte par les autorités il
«fflïWe résulter que les gendarmes ont tiré
dans la rue en se défendant, et non dans la
salle, comme certaines versions le préten-
dent.
M .Argeliès, député de la circonscription *
de Corbeil, qui a visité très attentivement,
dans'là soirée, la salle Ranche, siège de la
permanence, des grévistes, n'y a trelevôt
assure-t-on; aucune trace de balles.
- 1 La versièn des grévistes
Suivant les ouvriers grévistes, ce sont Ieis
gendarmes qui ont provoqué le désordre et
,la bagarre par leur brutalité, en envahis-
sant la salle et en forçant la porte de la
permanence de la grève, pour arrêter un
ouvrier avec lequel ils avaient été en con-
dit plusieurs heures auparavant. Tous pré-
tendent - qu'aucun coup de feu n'a été tiré'
sur les gendarmes de l'intérieur de la salle,
car personne n'était armé.
Le procureur de la République de CorbeiT,
accompagné du juge d'instruction et d'un
médecin légiste se sont rendus à Vigneux,
et ont commencé leur enquête. Ils sont re-
partis vers minuit.
- Les origines de la grève
La grève actuelle a pour origine; un con-
flit qui s'est produit dans les premiers joura
de mai entre la Compagnie générale des
sablières de la-Seine-et une-partie de son:
personnel qui réclamait une augmcQtatum
de salaire et la suppression du travail à la
tâche. Les coltineurs n'ayant pu obtenic
une augmentation de 20 centimes par heu-
re, décidèrent les terrassiers et dragueurs
employés par la société à. se solidariser
avec eux. Le mouvement s'étendit bientôt
aux exploitations voisines, en sorte qu'un
milier d'ouvriers environ travaillant aux
« fouilles JJ & sable de Draveil, Vigneux,
Ris-Orangis. Villeneuve et de diverses au-
tres localités avaient depuis au moins trois
semaines quitté le travail- ( - - - - -
Les grévistes présentaient aux entrepre-
neurs les revendications suivantes :
70 centimes de l'hellr au !fer. de 50 centimes;
suppression dit travail à ls lAOiic , journée de
10 heures ; les heures supplémentaires payées
i fr 50 (de manière que les patrons n en fas-
sent plus faire) ; travaux de nuit : 1 fr. de
rhrurc ; repos hebdomadaire obligatoire, pour
tous ; travail dans l'eau : 95 centimes de
l'heure. les débr.rdotirs à la grue, pelleou
brouette : 1 îr. de l'heure ; journée de huit heu-
Vt îuônression du travail de DUIt; suppres-
sion des c.hcIs de cha n tiers - tenant des débits
de Viâns ; detinfoction, avant de cornTOOD-
cer, -des bateaux provenant des MOut.s, e'
1 Ir. 20 de l'heure avec la îourme de ncul ne»,
res *, la paye tous les samedis.
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