Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-04-04
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 04 avril 1908 04 avril 1908
Description : 1908/04/04 (N13903). 1908/04/04 (N13903).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75711555
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
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LE XIX" SIECLE
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Adresser lettres et mandats à FAdministrateur *
(
TRIBUNE LIBRE -
V
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« BUREAUCRATES »
Avec l'aristocratique dé-1
dain d'un homme qui s'est
voué aux lettres pour les
gens qui sont plus modeste-
ment employés aux écritu-
res, le - président du Conseil
nous a dénonce l'autre jour « les ou-
reaucrates en révolte contre les élus du
suffrage universel ».
Cette évocation dramatique causa un
vrai frisson d'épouvante à quelques-
uns de nos collègues. Ils tremblèrent
devant la levée menaçante des grattons
et des ronds de cuir et applaudirent M.
Clemenceau qui s'offrait à nous sauver
de cette révolution d'autant plus terri-
fiante qu'imprévue.
Pour mater la bureaucratie et ses
velléités subversives, il n'est qu'un
moyen efficace aux yeux du gouverne-
ment : il maintient à tout jamais frap-
pés de révocation deux agents des pos-
tes, un sous-agent et un petit facteur
des télégraphes. La réintégration de ces
pauvres diables serait ruineuse à l'auto-
rité de l'Etat.. M. le président du Con-
seil qui cependant est habile et fort ne
pourrait plus assurer l'ordre, garantir
la défense de la République si ces fonc-
tionnaires reprenaient leur ancien em-
ploi.
Soit. Nous tenons nous aussi à ce que
la République poursuive dans le calme
et la paix une œuvre de réformes pro-
fondes et fécondes. Tant pis pour les
obstacles qui se trouvent sur la route.
Tant pis pour le petit facteur, tant pis
pour le grand facteur, tan. pis pour
les deux agents ! Ils sont quatre qui ne
songent guère à se battre. Il paraît
qu'ils n'en demeurent pas moins dan-
gereux. Sils recommençaient à distri-
buer des dépêches, à porter des impri-
més, à délivrer des bons de poste, tous
tes pouvoirs seraient ébranlés, le gou-
vernement bousculé, la Chambre et le
Sénat discrédités et anéantis. Grâces
soient rendues à la clairvoyante fermeté
du président du Conseil qui nous garde
de ces imminentes catastrophes en se
gardant lui-même des sentiments de
bienveillance et de pitié auxquels la
Chambre avait eu la faiblesse pd cé-
der momentanément.
Les députés se sont ressaisis. M. Cle-
menceau les a mis en garde contre tou-
te dangereuse sentimentalité. Il n'a
peut-être pas invoqué des arguments
très nobles, il connaît les hommes et
sait les préoccupations qu'il est aisé
d'éveiller en eux. Il sait à quel point la
Chambre est jalouse, jalouse jusqu'à la
susceptibilité de son autorité souverai-
ne. Il la sait décidée à foncer sans mer-
ci sur toute manifestation, sur toute
organisation qui prendraient à son égard
une allure d'indépendance tant soit peu
protestataire. Il la sait surtout nerveu-
sement résolue à briser chez les fonc-
tionnaires de la République toute vel-
léité de résistance à sa conception, légi-
time peut-être, mais un peu raide t'e
politique administrative.
Hé ! sans doute, les fonctionnaires
sont les serviteurs du gouvernement, cm
plus exactement les serviteurs de la Ré-
publique. Mais tous dans l'ordre admi-
nistratif ou dans l'ordre électif ne som-
mes-nous pas les serviteurs de la Répu-
blique ? Tous à quelque degré que ce
soit nous avons contracté vis-à-vis
d'elle la même dette de dévouement et
de fidélité.
Dans les situations les plus hautes
ou dans les postes les plus humbles nos
responsabilités peuvent différer de gra-
vité, le devoir reste le même, aussi
étroit, aussi sacré, partant aussi res-
pectable en son accomplissement. Les
plaisanteries de vaudeville n'ont rien à
faire ici. Si amusantes qu'elles soient,
les saynètes de M. Courteline ne peu-
vent point passer en force de vérité gou-
vernementale. Chaque chose en son
temps. Les (i bureaucrates » sont in-
nombrables, ils se multiplient chaque
jour. D'aucuns voient dans leur abon-
dance un état de chose fâcheux et cri-
tiquable sans se rendre compte des
complexités croissantes dont s'encom-
brent les services de l'Etat. En tous cas
la faute n'en est pas aux fonctionnai-
res. lis n'inventent pas les postes, il les
bccupent, et reconnaissons-le, en toute
bonne foi, ils y ( déploient quoi qu'on
dise des qualités (Je labeur et de probité
dignes de tout éloge. y
Ils y ont dautant plus de mérite que
la rémunération est souvent infime, l'a-
vancement tardigrade, le prestige nfé-
diocre. Les nécessités de leur existence,'
limitées par des traitements modiques,
les contraignent à des prodiges de re-
noncements et d'économie. Pourquoi
sans générosité, leur jeter à la face ce
qu'il peut y avoir d'étriqué dans leur
toizon, de. subalterne dans leur condi- 1
tion ? Pourquoi, tout au contraire, ne
pas leur témoigner un peu de cette affa-
bilité qui encourage et pourquoi leur re-
fuser la déférence qu'ils méritent ?
Un courant déplorable semble s'être
installé dans un tout autre sens. Incons-
ciemment ou non, le fonctionnaire est
devenu dans la pensée de beaucoup de
gens, le personnage à tout faire et dont
on peut tout faire. Il est de tous les ci-
toyens le seul auquel on impose des de-
voirs sans lui reconnaître de droits, ou
tout au moins sans l'autoriser, sous
peine de scandale à les faire valoir. Je
ne parle pas bien entendu des hauts ba-
rons de l'administration, féodalité toute
puissante, forte parfois de l'inexpérien-
ce des ministres auxquels on les prépose
directement, mais de cette masse d'hum-
bles employés auxquels il semble que
l'on ait fait une si insigne faveur <ïn les
casant au service de la République,
qu'on ait épufcâ du même coup toutes
les ressources de la sollicitude gouver-
nementale. On s'est fait à cette idée que
ces serviteurs ne peuvent payer, que par
une aliénation servile de leur liberté
d'aller et de penser, l'immense bienfait
qu'ils ont reçu. On les a considérés non
seulement comme des instruments poli-
tiques, mais comme les instruments des
politiques successives, les plus contra-
dictoires ; et dans l'entrechoc des pas-
sions journalières on les a vus se débat-
tre, cherchant au petit bonheur des
orientations hasardeuses, plus souvent
frappés pour leurs méprises que récom-
pensés pour des concours, tenus pour
annexes de leurs fonctions.
Certes il apparaîtrait monstrueux de
voir un agent de l'administration répu-
blicaine combattre effrontément le ré-
gime dont il est à un degré quelconque
le représentant. Il est juste et naturel
au contraire qu'il s'emploie à le soute-
nir, à le défendre. Mais dès lors qu'en
l'appelle à cette tâche, il n'est plus pos-
sible de le garrotter dans la rigidité d'un
système administratif qui date des épo-
ques d'autoritarisme absolu.
Il faut choisir. La conception napo-
iléonienne de l'administration avait sa
grandeur et sa vertu. Elle était logique
avec la formule impériale du gouverne-
ment. Mais cette formule là est morte.
Il serait aussi fou de vouloir l'appliquer
aux conditions existantes, que de vou-
loir rétablir le service de sept ans, sous
'prétexte qu'il fournissait des troupes
excellentes. A un état de choses démo-
cratique, il faut! adapter une formule
démocratique de gouvernement. Il faut
.sVIabituer à comprendre que ce n'est
pas vainement que tous les hommes ont
pris conscience de leurs droits, et de
leur dignité de citoyens ; qu'il in'est
plus possible d'exiger d'eux, en dehors
de l'utilité nationale, une soumission
sans réserves, une discipline d'humilité
résignée, un effacement total de la per-
sonnalité.
Il faut bien se persuader enfin que ce
n'est pas en les cinglant de sarcasmes ou
de coups de cravache qu'on obtient l'o-
béissance quand a passé sur eux le
souffle de la liberté. Par timidité, par
instinct de conservation, ils se courbe-
ront sous la schlague ou sous l'outrage ;
l'insurrection sera sournoise, faite de
rancoeurs, de mauvaise volonté, d'iner-
tie. Si c'est là l'idéal d'un système ad-
ministratif, j'avoue que ce n'est pas le
mien.
M. Clemenceau qui s'inspire volon-
tiers de ceux-là mêmes qu'il a le plus
combattus pourrait à cet égard consul-
ter un opportuniste célèbre qui, dans
des temps troublés, déploya au minis-
tère de l'intérieur tant de souplesse
adroite et d'humoristique énergie.
Il apprendrait de ce vieux routier, vé-
téran des plus redoutables campagnes,
comment on fanatise son personnel: Il
saurait de lui que si sceptique qu'on
soit, si détaché des préjugés vulgaires,
l'a suprême élégance pour un homme
d'Etat est de faire consciencieusement
son métier, et de prendre au sérieux et
ses fonctions, et celles des autres ; que
pour un chef véritable, il n'est pas d'in-
férieurs ; que ce n'est point en les tour-
nant en dérision qu'on s'affirme leur
supérieur, ni même qu'on s'affirme su-
périeur ; que dans la grande machine
administrative nul rouage, même le
plus minuscule, ne doit être dédaigné
sous peine de la voir grincer et se dé-
traquer au moment le plus inattendu ;
enfin qu'en bonne pratique politique,
c'est une aussi piètre besogne d'humi-
lier gratuitement ceux qui servent
obscurément la République, que de se
payer la tête de qui eut l'honneur
éclatant de la présider.
T. STEEG
Député de Pari,..
LA POLITIQUE
L'EGLISE DE FRANCE
Dans le remarquable dis-
cours qu'il a prononcé au Sé-
nat sur la dévolution des biens
ecclésiastiques, M. Briand a
tracé un tableau saisissant de
l'intransigeance romaine, im-
posant aux catholiques et à l'Eglise de
France une politique de combat et 1re
guerre civile manifestement contraire à
leurs intérêts essentiels.
Il a montré l'initiative de l'épiscopat
français « glacée » par un mot d'ordre
impératif de Rome, et même les caisses
des vieux prêtres délibérément sacrifiées
à la politique du Tout au pire du Vati-
can.
L'abbé Lemire,pour avoir essayé ïï d'a-
dapter Tes lois de son pays à l'organisa-
tion de l'Eglise » est devenu suspect ; on
l'a qualifié d' « aumônier du Bloc », et
il a été finalement traité en « pestiféré »
par le parti clérical.
La récente assemblée épiscopale de.
Bordeaux confirme d'une manière écla-
tante les paroles prononcées par M.
Briand.
Les vœux les plus importants émis par
les évêques de France ont été l'objet
d'un veto formel de la part du Vatican.
L'autorisation de préparer un statut
légal, d'établir des mutualités ecclésias-
tiques, de désigner un évêque de France
comme représentant permanent et officiel
auprès du Vatican, toutes ces demandes
ont été repoussées par le pape.
C'est la dictature romaine, exercée au
nom du pape par la Société de Jésus,
imposée brutalement au clergé français.
A vrai dire, la Congrégation a depuis
longtemps eu raison de l'esprit libéral
de l'épiscopat, et il n'y a plus à propre-
ment parler d'Eglise de France.
Les sénateurs, en acclamant hier l'abbé
Lemire, qui assistait à la séance dans la
tribune des Õéputés, ont rendu hommage
au dernier représentant de ces curés gal-
licans décimés par le mal de Rome.
Selon le mot connu de 'M. Thiers, ils
ont eu raison de le saluer, car « il ne
le reverront plus W.'
—
LES ON-DIT
NOTRE AGENDA
'Auiotird'hui vendredi :
Lever du soleil à 5 h. 36, coucher à
6 h. 31.
Séance à la Chambre et au Sénat.,
Courses à Maisons-Laffitte.
Un prédécesseur du général Brugère
Napoléon 1er avait la passion de la
chasse, mais il était médiocrement
adroit.
Un jour il envoya quelques grains de
plomb dans le dos du maréchal Duroc
qui ne put retenir de s'écrier :
— Sacré maladroit 1
La blessure n'eut d'ailleurs pas de
suites graves.
Quelques soirs après, l'empereur fai-
sant son piquet avec Duroc, ainsi que
cela lui arrivait souvent, mit sur la ta-
ble de jeu une tabatière en or, émaillé,
un admirable bijou ciselé de Foussier,
orné de son portrait peint par Isabey et
entouré de gros diamants.
- Tu prises toujours n'est-ce pas ?
fit-il en riant.
Et comme Duroc faisait un signe af-
firmatif il ajouta :
— Tiens, voilà un certain tabac par-
fumé à la fève de Macouba, que je le
recommande. tu garderas la boite
pour que le tabac se conserve plus
frais.
- Ah ! sire, que de bonté, répliqua
Duroc.
— Non, ne me remercie pas fit l'em-
pereur, c'est le souvenir d'un sacré ma-
ladroit 1
AUTREFOIS
Rannel du 4 avril 1872. — Circulaire du
garde des sceaux, déterminant les condi-
tions dans lesquelles doit s'exercer le droit
d'option réservé par les traités aux Alsa-
ciens et aux Lorrains.
On prépare l'Elysée pour M. Thiers ; le
rez-de-chaussée est déjà aménagé. Mme
Thiers vient tous les jours presser les
travaux.
Bismarck a 57 ans depuis le 1er avril
L'entrée générale des musées du Louvre,
qui était au pavillon Denon, est mainte.
nant sous le guichet du pavillon de l'Hor.
loge.
M. Hérold vient de donner au musée du
Conservatoire le piano de son père, l'illus-
tre compositeur du Pré aux Clercs.
On dit que les chats vont être imposés
à 3 francs par an.
Cette année, pour la première lois, de
mémoire d'homme, le lac Michigan (en
Amérique) a été gelé. La glace, de quatre
à huit pouces d'épaisseur, couvrait le lac
aussi loin que la vue pouvait s'étendre..
Soirées de beauté
Dans le but, sans doute, de faire' re-
naître l'attraction naturelle des sexes
différents, qui menaçait de s'éteindre en
Allemagne dans les hautes classes de
la société, on, vient d'organiser à Ber-
lin, des « soirées de beauté ».
Une de ces soirées doit avoir lieu
lundi prochain. On y mettra réellement
en valeur, disent les gazettes alleman-
des, la beauté du corps humain, en réa.
lisant des tableaux vivants.
- L'un des sujets Mlle Desmond. dont
la plastique est des plus suggestives,
dit-on, et provoque l'admiration, se pro-
duira dans ces tableaux, et également
comme danseuse, afin de montrer non
seulement la beauté du corps humain tu
repos, mais encore dans le mouvement
esthétique.
C'est Izi guerre déclarée, 'par les
moyens les plus captivants, aux homo-
sexuels.
Un chic pour les soirées de beauté al-
lemandes.
CARNET LITTÉRAIRE
François Chabot, membre de la
Convention, par le vicomte
de BONALD.
M. de Bonald est un des écrivains de
l'époque qui sait le mieux nous intéresser
aux petits événements « en marge de l'his-
toire ». Ses travaux sur les Familles du
Rouergue, sur Un procès aux XVIIe et
XVIIIe siècles, qu'il a publiés chez, l'édi-
teur Carrère, de Rodez, ses Récits des
guerres de Vendée, Renault l'Invincible,
etc., nous ont montré déjà tout le parti
qu'il sait tirer des documents régionaux.
Aujourd'hui, il s'attaque à l'histoire de
la Révolution, pour nous donner, chez
Emile-Paul, un portrait en pied du conven-
tionnel François Chabot (1756-1794), le roi
des délateurs.,
Le 12 avril 1794, les administrateurs du
déparlement de l'Aveyron étaient otficiel-
lement informés que « le citoyen François
Chabot, âge de trente-sept ans, ex-capucin
et membre de la Convention, venant d'être
condamné à mort et exécuté le 5 du même
mois, il 11 avait lieu de mettre sous séques.
tre ses biens, qui étaient désormais ac-
quis à la République ).
La carrière politique, de. Chabot avait été
courte. Envoyé par le département du
Loir-et-Cher à l'Assemblée législative, puis
à la Convention, Chabot s'était assis « l'air
honteux et la tête basse », dans la char-
rette nui devait le conduire à l'échafaud,
en même temps que Danton, Desmoulins,
Fabre d'Eglantine et autres personnages
de moindre importance.
Aimant les femmes, le jeu et la dépense,
Chabot avait honteusement trafiqué de
son mandat. Il fut condamné pour concus-
sion et aussi pour conspiration « tendant
à avilir et à détruire par la corruption, le
gouvernement républicain ».
C'est, dans nos Parlements, le premier
en date de tous les « chéquards ». Concus-
sionnaire, c'est le terme qu'on employait
en ce temps-là,pour désigner les tripoteurs.
Au fond, le crime est resté le même, seul
le châtiment s'est singulièrement adouci.
Le doyen des joueurs d'orgue
Les joueurs d'orgue qui, naguère ber-
çaient Paris de leurs airs lents, mono-
tones, pleins, parfois d'un charme
étrange, importuns le plus souvent et
obsédants sont maintenant relégués
dans la banlieue de par ordonnance
du préfet de police. Les cours ne les
accueillent plus et les gros sous ne"
tombent plus pour eux des fenêtres
entr'ouvertes.
Le métier était bon autrefois, et les
recettes faites pour encourager le mu-
sicien. Mais aussi, la concurrence n'é-
tait pas à craindre : les permissions
n'étaient délivrées, en petit nombre et
après une enquête minutieuse, qu'aux
malheureux atteints d'infirmités réel-
les et hors d'état de travailler.
La plus ancienne date de 1869. Le
doyen, aujourd'hui est un bon vieil-
lard, le père Seguin, qui joue de l'or-
gue depuis 1873. Sa mémoire est plei-
ne de tous les. airs qui furent populai-
res jadis et il ne se lasse point de les
jouer tant que Dieu lui prête vie.
Lire en 2epagre:
Appel aux électeurs municipaux
En passant.
Les savants, en général, ne doutent de
rien. Mais les savants américains peuvent
se vanter, avec raison, d'avoir des con-
ceptions particulièrement « colossales >».
Un médecin de New-York, le docteur
Reed Bler, a consacré sa science à l'étude
des singes, et tout particulièrement des
grands singes (chimpanzés, orangs-ou-
tangs), nos cousins germains. Il s'est en-
fermé dans une cage métallique, au milieu
des forêts vierges, afin de surprendre leur
langage, et les singes venaient familière.
ment voir le docteur, dans sa cage, com-
me les docteurs vont au Jardin des Plan-
tes, voir les singes dans la leur.
Echange de bons procédés.
En étudiant les cris des singes, le savant
s'est formé la conviction qu'il serait pos-
sible de leur apprendre le langage des
hommes, mais à la condition essentielle
de les gratifier d'un nez mieux conformé.
En effet, le docteur Reed Blér prétend dé-
montrer qu'un homme privé de nez s'expli.
que fort mal, tandis qu'il articule parfaite-
ment dès que l'opération de la rhinoplaslie
lui a rendu son appareil nasal.
C'est un point qui a échappé à la clair-
voyance d'Edmond About, lorsqu'il écrivit
son spirituel roman sur le Nez d'un No-
taire.
Ce rapport entre. l'éloquence et la Ion.
gueur du nez mériterait d'ailleurs d'être
contrôlé et précisé.
Jusqu'ici, les hommes qui parlent du
nez, même lorsque leur éloquence vient du
cœur, n'ont iamais eu le don de charmer
les loules. D autre part, Jaurès a un tout
petit nez camard, tandis que j'ai connu en
Bretagne un maire affligé d'une véritable
aubergine, qui n'était vas même capable
de dire « papa » comme un simple phoque,
qui pourtant n'a pas de nez
La théorie dit savant américain ne parait
donc pas très scientifique, et il me sem-
ble qu'elle repose sur un nombre d'expé-
riences et d'observations insuffisant.
Avant de songer à nous imposer sa théo-
rie de « l'influence du nez sur le langage »,
le docteur Reed Bler fera bien de IJcJursui-
vre patiemment et méthodiquement ses
éhules.
Nous attendons fébrilement le résultat
de ses recherches sur le nez des singes.
Le docteur Bler les doit à l'ombre de
Cllrano, a (a gloire de la Libr Amérique,
et au nom qu'il porte.,, et qui l'a préàes.
tiné 4
Le Gbexmaeaa* >
A LA CHAMBRE
Le vote de FAmnistie
Choses de théâtre et choses d'Eglise. - La question de
M. Paul Meunier sur la Comédie Française. — Ceux
qui sont amnistiés et ceux qui ne - le - sont pas. -
M. Henri Brisson préside.
Il est à peine besoin de dire que le pu-
blic est venu assister nombreux à cette
séance qui présente un double et assez
vif intérêt. A l'ordre du jour : d'abord, la
question de M. Paul Meunier sur le Foyer,
de M. Octave Mirbeau ; ensuite, la fin du
gros débat sur l'amnistie, et la discussion
du projet de résolution présenté par M.
Lafferre au sujet des mutins du 17e de li-
gne.
L'INCIDENT Wm « FOYER »
Les choses de l'art avant les choses de
la politique.
Aussitôt après qu'on a validé les élec-
tions de M. Binet à Guéret et de M. Noël
à Vervins, M. F:aul Meunier monte à la
tribune pour poser sa question au minis-
tre de l'instruction publique et des beaux-
arts. Parmi les personnalités du monde
des théâtres qui sont venues écouter cette
discussion, on se montre Mlle Cécile So-
rel, de la Comédie-Française, et le com-
positeur Gustave Charpentier.
M. Paul Meunier. — Même sous l'Empire, des
pièces contraires aux tendances politiques du
gouvernement ont été jouées dans les théâtres
nationaux. Le fait de mettre en scène un séna-
teur et un académicien ne suffit pas à en empê-
cher la représentation.
On peut se demander, en présence de l'atti-
tude de l'administrateur de la Comédie-Fran-
çaise, si le moment n'est pas favorable pour ré-
tablir une institution qui donnait aux écrivains,
aux dramaturges, certaines garanties.
Il faudrait rendre aux artistes de la Cmédie-
Fra:nçaise l'intégralité de leurs droits, ne serait-
ce que pour éviter le retour d'incidents pareils
à ceux qui ont exclu du sociétariat des tragé-
diens ou tragédiennes réputés.
En terminant, je voudrais &tre certain qu'on
ne se méprendra pas sur ma pensée. Je crois
sincèrement que la Comédie-Française n'est pas
en décadence. Elle est toujours la première scè-
ne du monde. (Applaudissements.)
M. Doumergue répond à M. Paul Meu-
nier :
M. Doumergue, ministre des beaux-arts. — M.
Paul Meunier me demande des eXDIications sur
mon rôle dans l'affaire du Foyer. -
Je vais lui répondre en deux mots : Je me
suis abstenu de toute immixtion agressive dans
les droits de la Comédie.
Quant au comité. de lecture, il a été supprimé
par le décret de 1905, précisément à la suite du
différend causé par la réception d'une pièce.
C'est la preuve que le comité de lecture n'em-
pêcherait pas des incidents pareils à celui dont
M. P. Meunier vient de nous entretenir. (Applau-
dissements.)
M. Paul Meunier réplique en quelques
mots :
Au mois de décembre, M. Briand avait pro-
mis au Sénat le prochain rétablissement du
comité de lecture.
Je regrette que cette promesse n'ait pas été
tenue. 0,
L'incident est clos. On reprend la dis-
cussion de l'amnistie.
L'AMNISTIE
On adopte l'amendement de M. Lamy
concernant le colportage de poisson et les
contraventions maritimes.
M. Groussau est l'auteur de deux amen-
dements tendant à amnistier les infractions
aux lois de 1901 et de 1905.
M. Groussau. — Mon amendement ne fait que
reproduire une motion présentée à la dernière
loi d'amnistie, en 1906, et contre laquelle le gou-
vernement ne s'est pas élevé. La Chambre a
transformé le caractère de la loi d'amnistie :
elle l'a considérablement élargi.
Ce ne sont plus seulement les événements
du Midi qui en bénéficient, mais encore les faits
de réunion, de presse, :elc. Or, s'il y a des dé-
linquants qui ont appartenu à des congréga-
tions, le fait d'être ancien congréganiste ne doit
pas les placer en dehors de la mansuétude gou-
vernementale. Certains d'entre eux sont dans
une situation particulièrement intéressante car
ils ont été sécularisés. Les poursuites qui les
atteignent ne sont donc pas justifiées.
La jurisprudence de la cour de cassation re-
connaissant ces sécularisations, la loi d'amnis-
lie doit consacrer la décision de cette haute ju-
ridiction. (Applaudissements à droite.)
M. Briand, garde des sceaux, étant re-
tenu au Sénat, c'est M. Viviani, ministre
du travail, qui porte la parole au nom du
gouvernement.
M.. Viviani. - En l'absence de M. le garde
des sceaux, je demande à la chambre la per-
mission de répondre au nom du gouvernement
à M. Groussau.
Nous ne saurions accepter une amnistie dont
le résultat serait de permettre aux délinquants
frappés par les tribunaux de continuer à violer
la loi.
M. Delahaye. — Je demande la parole.
M. Viviani. — Voici la. situation : 805 instan-
ces sont, à l'heure actuelle, engagées. Beaucoup
des. personnes poursuivies sont des récidivistes.
L'amendement de M. Groussau aurait pour ré-
sultat de mettre ces récidivistes au-dessus de
la loi. Le gouvernement vous demande de le
repousser. (Vifs applaudissements.)
La bataille était perdue d'avance pour
la droite. Les habiletés de M. Groussau
ayant échoué, les réactionnaires mettent
leur dernier et bien faible espoir dans les
violences de M. Jules Delahaye.
M. Delahaye. — Je crois nécessaire, après
avoir entendu le récit du gouvernement, d'ex-
primer ainsi le sentiment de tous les catholi-
ques Jo veux protester contre le statut de ser-
vitude que vous essayez d'imposer aux catho-
liques dans leur pays.
Quand nous nous taisons, vous n'avez pas
assez de mépris et de sarcasmes pour notre ré-
signation.
Si je me taisais, vous me croiriez aussi nair
que les autres.
J'ai assisté au vote de beaucoup d'amnisties.
Depuis trois jours, en écoutant les propos
échangés entre pacificateurs et paçifiés, je me
disais :
1 « Que serait si M. le président du conseil
n'avait pas voulu une amnistie vraiment large
et libérale ? » Du côté des vignerons du Midi,
on proteste contre votre amnistie. Je ne la vo-
terai qu'en considération de 1 intérêt qu y atta-
chent beaucoup de pauvres gens. Partout les
protestaions s'élèvent contre les actes d'un gou-
vernement injuste et bluffeur. M. le président
du conseil, taujours crâner, c'est votre ma-
nière à vous de faire le César.
M. Sembat a critiqué copieusement votre in-
cohérence. Vous mettez dans le même sac les
antipatriotes et les catholiques.
Laissez passer la justice du Roy l
Je vais vous tfgnaler un fait qui Juge votre
politique sans force et sans courage.
,,\'DUS ne wÇjiriôg» assez tes arUiQalrïotes
pour ne pas leur sacrifier quelques curés et
quelques congreganistes. Vous n'aimez pas am
tant la patrie que vous détestez les catholiques^
tout en sachant que la religion est un inépuisao-
ble réservoir de patriotisme.
Il y a une chose qui devrait plaider devant
vous la cause des sécularisés que vous poursuit
vez de votre haine. C'est le gaspillage de leuf
patrimoine par vos liquidateurs de proie, par
vos liquidateurs infidèles.
Vous devriez avoir pitié de la détresse où kt
maintient l'improbité de vos liquidateurs. Voutf
voulez arracher à ces victimes leur dernier
morceau de pain. Le pays jugera de la sin-
cérité des mots que vous avez toujours sur leS
lèvres, jamais dans le cœur : humanité et fra*
ternité. (Applaudissements à droite.)
Les attaques de M. Delahaye paraissent
avoir encore plus mal impressionné la'
Chambre que la casuistique de M. Gmus-
sau. Aussi celui-ci croit-il de son devoit
de revenir à la charge.
M. Groussau. — Je fais un dernier appel à 14
Chambre en faveur d'hommes et de femmes:
dont plusieurs cours ont affirmé le bon droit,
(Applaudissements à droite.)
L'amendement est repoussé par 357 voii
contre 205.
M. Groussau insiste pour que la Charnu
bre adopte au moins son second amende-
ment concernant également les infradion
à la loi de Séparation.
M. Viviani demande à la Chambre de l(
repousser pour .les mêmes raisons que Id
'précédent.
M. Groussau.,- Vous refusez l'amnistie à deî
malheureux que vous avez frappés illégalement,
comme l'a reconnu le tribunal des conllits.
M. Fernand Datid. — On a fanatisé les popit-
lations, on les a mises en oonflit avec les for*
ces de police. (Applaudissements à gauche.)
Af. Millcvoyc. — Je ne comprends plus votre'
amnistie. Vous voulez faire J'apaisement pour-
tout le-monde, excepté pour les catholiques. Il
Y. a donc deux catégories de Français : ceux
qu'on amnistie et ceux qu'on n'amnistie pas ?
L'amendement est repoussé par 355 voix
contre 208.
DESERTEURS ET INSOUMIS
M. Betoulle demande à la Chambre l'anfc.
nistie pour les déserteurs et tes insoumis*
M. Betoulle. — Permettez à des jeunes gerx
qui ont quitté la France à la suite d'un coup d4
tête de rentrer dans leur pays et de rejoindra
leur corps..
M. le général Picquart, ministre de la. guerre*
— Les amnisties trop fréquentes ont eu pour,
résultat de multiplier le nombre des insoumis.,
Les déserteurs n'étaient, il y a quelques années,
qu'au nombre de 2,000 environ. Ils sont plus d4
4,000 aujourd'hui. Les insoumis n'étaient que,
de 3,000, ils sont plus de 10.000.
D'après l'amendement de M*. Bétoulle, tous lu
déserteurs et insoumis, âgés de 30 ans ou ma*
riés, seront dispensés du service actif.
Nous ne pouvons donner pareille prime à Pini
soumission et à la désertion.
M. Bétoulle. — Nous vous demandons sin*
plement de prendre, à Pégard des déserteurs
et des insoumis, la même mesure qu'il y a deux
ans.
On dirait que la Chancre est atteinte de IC
phobie de rantimilitarisme. Nous vous demaiv'
dons un acte de patriotisme bien compris. (Api
plaudissements à gauche.)
M. Colliard. — Nous ne voterons pas !'am€ïn
d-ement qui exempte les déserteurs du service
militaire. Mais j'estime nécessaire d'amnisties,
les jeunes gens égarés par une déplorable pro-
pagande étant, bien entendu, qu'ils paieront
l'impôt qu'ils doivent, en d'autres termes qu'ils
retourneront fi la caserne.
M. Fernand David. — Pour les mêmes raisonf
que M. Colliard, je voterai l'amnistie pour ter
déserteurs. Je ne crois pas que l'amnistie aug*
mente le nombre des désertions.
M. Thomson, ministre de la marine. — J'f,
m'associe aux paroles de M. le ministre de iaî
guerre.
Dans la marine, en quelques années, le nOIII.
bre des désertions a plus que doublé.
L'amendement est repoussé par 432 voi.
contre 129.
LA PROTECTION DU TRAVAIL
M. Zévaès, au nom d'un certain non*
bre de ses collègues, fait une déclaration
contre l'amnistie appliquée aux infractions
aux lois protectrices du travail.
M. Viviani, ministre du travail. — Le gou<
vernement reste fidèle à sa politique de rerIœtl
et de tolérance.
M. Puech, président de la commission. — Le
gouvernement a reconnu la nécessité de certai-,
nés modifications à fc loi du 13 juillet 1906. Il
importerait que ces modifications fussent discQe
tées au plus tôt.
M. Viviani. — Le gouvernement et ]a com-
mission sont obligés de tenir compte des obsm
vêtions nombreuses apportées par les représen-
tants tant des ouvriers que des patrons. Le rap.
port pourra être incessamment déposé et noUf
le discuterions après la rentrée.
L'ensemble du projet est adopté par 491
voix contre 5.
LES SOLDATS nr. r.ArftA
M. Lafferre dépose un projet de résolu-
tion invitant à. prendre des mesures d6
bienveiliawce à l'égard des soldats du 17*
de ligne, envoyés en garnison à Gafsa.
M: Lattcrre. — Je viens plaider une seconde
fois la 'cause de malheureux soldats qui, dans
une heure*trouble que je vodrais effacer de no-
tre histoire nationale, ont manqué à leur devoir.
militaire et méconnu la fidélité au drapeau.
Ma tâche est difllcile, je le sais. Ces soldais
ont gravement compromis, ce jour-là, la disci-
pline militaire, la sécurité nationale, l'ordre pu-
blic.
Je conviens que, quelque dure qu'elle puisse
paraître, la sancion collective qui leur a été ap-
pliquée n'était pas c-ritiqtiable.
Mais puisque vous voulez faire l'oubli corn*
plet sur les tristes événements du Midi, la re«r
présentation républicaine de l'HArault vous de-
mande que cet oubli soit effectif : enlevez da
l'esprit de ces malheureux jeunes gens la pen-
sée qu'ils ont pu perdre à uno certaine heurei
l'estime de la nation.
M. Pujaue s'associe aux paroles de M
Lafferre et demande même que le certifi-
cat de bonne conduite soit accordé aux sol.
dats du 17°. -
M. Clemenceau répond :
M. Clemenceau. — Les sentiments auxquels
M. Lafferre a fait appel ne nous sont pas étran-,
gers. Je l'ai dit aux plus durs moments de la
crise, les mutins ne sont pas sans présenter des
circonstances allénuantcs. Je tiens à constater,
fi rhonneur des soldats français que la con-'
duite des mutins de Gafsa a v-6 excellente dei
tous poin'
Ils ont demandé à partir pour le Maroc, lia
-- N" 13303. -14 Germinal An 118 * C211VQ CtE^ETTIMTES LE m u3MLjkjéjlÔ> > ,' ._:--" -.
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T"',. f - - -
p" '- -, -. -0"---- -' - ",".- h"- --,,,.,.---
4»,, jgfcmedi 4 Avril 1908: - N* 13903 -, -
LE XIX" SIECLE
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(
TRIBUNE LIBRE -
V
---
« BUREAUCRATES »
Avec l'aristocratique dé-1
dain d'un homme qui s'est
voué aux lettres pour les
gens qui sont plus modeste-
ment employés aux écritu-
res, le - président du Conseil
nous a dénonce l'autre jour « les ou-
reaucrates en révolte contre les élus du
suffrage universel ».
Cette évocation dramatique causa un
vrai frisson d'épouvante à quelques-
uns de nos collègues. Ils tremblèrent
devant la levée menaçante des grattons
et des ronds de cuir et applaudirent M.
Clemenceau qui s'offrait à nous sauver
de cette révolution d'autant plus terri-
fiante qu'imprévue.
Pour mater la bureaucratie et ses
velléités subversives, il n'est qu'un
moyen efficace aux yeux du gouverne-
ment : il maintient à tout jamais frap-
pés de révocation deux agents des pos-
tes, un sous-agent et un petit facteur
des télégraphes. La réintégration de ces
pauvres diables serait ruineuse à l'auto-
rité de l'Etat.. M. le président du Con-
seil qui cependant est habile et fort ne
pourrait plus assurer l'ordre, garantir
la défense de la République si ces fonc-
tionnaires reprenaient leur ancien em-
ploi.
Soit. Nous tenons nous aussi à ce que
la République poursuive dans le calme
et la paix une œuvre de réformes pro-
fondes et fécondes. Tant pis pour les
obstacles qui se trouvent sur la route.
Tant pis pour le petit facteur, tant pis
pour le grand facteur, tan. pis pour
les deux agents ! Ils sont quatre qui ne
songent guère à se battre. Il paraît
qu'ils n'en demeurent pas moins dan-
gereux. Sils recommençaient à distri-
buer des dépêches, à porter des impri-
més, à délivrer des bons de poste, tous
tes pouvoirs seraient ébranlés, le gou-
vernement bousculé, la Chambre et le
Sénat discrédités et anéantis. Grâces
soient rendues à la clairvoyante fermeté
du président du Conseil qui nous garde
de ces imminentes catastrophes en se
gardant lui-même des sentiments de
bienveillance et de pitié auxquels la
Chambre avait eu la faiblesse pd cé-
der momentanément.
Les députés se sont ressaisis. M. Cle-
menceau les a mis en garde contre tou-
te dangereuse sentimentalité. Il n'a
peut-être pas invoqué des arguments
très nobles, il connaît les hommes et
sait les préoccupations qu'il est aisé
d'éveiller en eux. Il sait à quel point la
Chambre est jalouse, jalouse jusqu'à la
susceptibilité de son autorité souverai-
ne. Il la sait décidée à foncer sans mer-
ci sur toute manifestation, sur toute
organisation qui prendraient à son égard
une allure d'indépendance tant soit peu
protestataire. Il la sait surtout nerveu-
sement résolue à briser chez les fonc-
tionnaires de la République toute vel-
léité de résistance à sa conception, légi-
time peut-être, mais un peu raide t'e
politique administrative.
Hé ! sans doute, les fonctionnaires
sont les serviteurs du gouvernement, cm
plus exactement les serviteurs de la Ré-
publique. Mais tous dans l'ordre admi-
nistratif ou dans l'ordre électif ne som-
mes-nous pas les serviteurs de la Répu-
blique ? Tous à quelque degré que ce
soit nous avons contracté vis-à-vis
d'elle la même dette de dévouement et
de fidélité.
Dans les situations les plus hautes
ou dans les postes les plus humbles nos
responsabilités peuvent différer de gra-
vité, le devoir reste le même, aussi
étroit, aussi sacré, partant aussi res-
pectable en son accomplissement. Les
plaisanteries de vaudeville n'ont rien à
faire ici. Si amusantes qu'elles soient,
les saynètes de M. Courteline ne peu-
vent point passer en force de vérité gou-
vernementale. Chaque chose en son
temps. Les (i bureaucrates » sont in-
nombrables, ils se multiplient chaque
jour. D'aucuns voient dans leur abon-
dance un état de chose fâcheux et cri-
tiquable sans se rendre compte des
complexités croissantes dont s'encom-
brent les services de l'Etat. En tous cas
la faute n'en est pas aux fonctionnai-
res. lis n'inventent pas les postes, il les
bccupent, et reconnaissons-le, en toute
bonne foi, ils y ( déploient quoi qu'on
dise des qualités (Je labeur et de probité
dignes de tout éloge. y
Ils y ont dautant plus de mérite que
la rémunération est souvent infime, l'a-
vancement tardigrade, le prestige nfé-
diocre. Les nécessités de leur existence,'
limitées par des traitements modiques,
les contraignent à des prodiges de re-
noncements et d'économie. Pourquoi
sans générosité, leur jeter à la face ce
qu'il peut y avoir d'étriqué dans leur
toizon, de. subalterne dans leur condi- 1
tion ? Pourquoi, tout au contraire, ne
pas leur témoigner un peu de cette affa-
bilité qui encourage et pourquoi leur re-
fuser la déférence qu'ils méritent ?
Un courant déplorable semble s'être
installé dans un tout autre sens. Incons-
ciemment ou non, le fonctionnaire est
devenu dans la pensée de beaucoup de
gens, le personnage à tout faire et dont
on peut tout faire. Il est de tous les ci-
toyens le seul auquel on impose des de-
voirs sans lui reconnaître de droits, ou
tout au moins sans l'autoriser, sous
peine de scandale à les faire valoir. Je
ne parle pas bien entendu des hauts ba-
rons de l'administration, féodalité toute
puissante, forte parfois de l'inexpérien-
ce des ministres auxquels on les prépose
directement, mais de cette masse d'hum-
bles employés auxquels il semble que
l'on ait fait une si insigne faveur <ïn les
casant au service de la République,
qu'on ait épufcâ du même coup toutes
les ressources de la sollicitude gouver-
nementale. On s'est fait à cette idée que
ces serviteurs ne peuvent payer, que par
une aliénation servile de leur liberté
d'aller et de penser, l'immense bienfait
qu'ils ont reçu. On les a considérés non
seulement comme des instruments poli-
tiques, mais comme les instruments des
politiques successives, les plus contra-
dictoires ; et dans l'entrechoc des pas-
sions journalières on les a vus se débat-
tre, cherchant au petit bonheur des
orientations hasardeuses, plus souvent
frappés pour leurs méprises que récom-
pensés pour des concours, tenus pour
annexes de leurs fonctions.
Certes il apparaîtrait monstrueux de
voir un agent de l'administration répu-
blicaine combattre effrontément le ré-
gime dont il est à un degré quelconque
le représentant. Il est juste et naturel
au contraire qu'il s'emploie à le soute-
nir, à le défendre. Mais dès lors qu'en
l'appelle à cette tâche, il n'est plus pos-
sible de le garrotter dans la rigidité d'un
système administratif qui date des épo-
ques d'autoritarisme absolu.
Il faut choisir. La conception napo-
iléonienne de l'administration avait sa
grandeur et sa vertu. Elle était logique
avec la formule impériale du gouverne-
ment. Mais cette formule là est morte.
Il serait aussi fou de vouloir l'appliquer
aux conditions existantes, que de vou-
loir rétablir le service de sept ans, sous
'prétexte qu'il fournissait des troupes
excellentes. A un état de choses démo-
cratique, il faut! adapter une formule
démocratique de gouvernement. Il faut
.sVIabituer à comprendre que ce n'est
pas vainement que tous les hommes ont
pris conscience de leurs droits, et de
leur dignité de citoyens ; qu'il in'est
plus possible d'exiger d'eux, en dehors
de l'utilité nationale, une soumission
sans réserves, une discipline d'humilité
résignée, un effacement total de la per-
sonnalité.
Il faut bien se persuader enfin que ce
n'est pas en les cinglant de sarcasmes ou
de coups de cravache qu'on obtient l'o-
béissance quand a passé sur eux le
souffle de la liberté. Par timidité, par
instinct de conservation, ils se courbe-
ront sous la schlague ou sous l'outrage ;
l'insurrection sera sournoise, faite de
rancoeurs, de mauvaise volonté, d'iner-
tie. Si c'est là l'idéal d'un système ad-
ministratif, j'avoue que ce n'est pas le
mien.
M. Clemenceau qui s'inspire volon-
tiers de ceux-là mêmes qu'il a le plus
combattus pourrait à cet égard consul-
ter un opportuniste célèbre qui, dans
des temps troublés, déploya au minis-
tère de l'intérieur tant de souplesse
adroite et d'humoristique énergie.
Il apprendrait de ce vieux routier, vé-
téran des plus redoutables campagnes,
comment on fanatise son personnel: Il
saurait de lui que si sceptique qu'on
soit, si détaché des préjugés vulgaires,
l'a suprême élégance pour un homme
d'Etat est de faire consciencieusement
son métier, et de prendre au sérieux et
ses fonctions, et celles des autres ; que
pour un chef véritable, il n'est pas d'in-
férieurs ; que ce n'est point en les tour-
nant en dérision qu'on s'affirme leur
supérieur, ni même qu'on s'affirme su-
périeur ; que dans la grande machine
administrative nul rouage, même le
plus minuscule, ne doit être dédaigné
sous peine de la voir grincer et se dé-
traquer au moment le plus inattendu ;
enfin qu'en bonne pratique politique,
c'est une aussi piètre besogne d'humi-
lier gratuitement ceux qui servent
obscurément la République, que de se
payer la tête de qui eut l'honneur
éclatant de la présider.
T. STEEG
Député de Pari,..
LA POLITIQUE
L'EGLISE DE FRANCE
Dans le remarquable dis-
cours qu'il a prononcé au Sé-
nat sur la dévolution des biens
ecclésiastiques, M. Briand a
tracé un tableau saisissant de
l'intransigeance romaine, im-
posant aux catholiques et à l'Eglise de
France une politique de combat et 1re
guerre civile manifestement contraire à
leurs intérêts essentiels.
Il a montré l'initiative de l'épiscopat
français « glacée » par un mot d'ordre
impératif de Rome, et même les caisses
des vieux prêtres délibérément sacrifiées
à la politique du Tout au pire du Vati-
can.
L'abbé Lemire,pour avoir essayé ïï d'a-
dapter Tes lois de son pays à l'organisa-
tion de l'Eglise » est devenu suspect ; on
l'a qualifié d' « aumônier du Bloc », et
il a été finalement traité en « pestiféré »
par le parti clérical.
La récente assemblée épiscopale de.
Bordeaux confirme d'une manière écla-
tante les paroles prononcées par M.
Briand.
Les vœux les plus importants émis par
les évêques de France ont été l'objet
d'un veto formel de la part du Vatican.
L'autorisation de préparer un statut
légal, d'établir des mutualités ecclésias-
tiques, de désigner un évêque de France
comme représentant permanent et officiel
auprès du Vatican, toutes ces demandes
ont été repoussées par le pape.
C'est la dictature romaine, exercée au
nom du pape par la Société de Jésus,
imposée brutalement au clergé français.
A vrai dire, la Congrégation a depuis
longtemps eu raison de l'esprit libéral
de l'épiscopat, et il n'y a plus à propre-
ment parler d'Eglise de France.
Les sénateurs, en acclamant hier l'abbé
Lemire, qui assistait à la séance dans la
tribune des Õéputés, ont rendu hommage
au dernier représentant de ces curés gal-
licans décimés par le mal de Rome.
Selon le mot connu de 'M. Thiers, ils
ont eu raison de le saluer, car « il ne
le reverront plus W.'
—
LES ON-DIT
NOTRE AGENDA
'Auiotird'hui vendredi :
Lever du soleil à 5 h. 36, coucher à
6 h. 31.
Séance à la Chambre et au Sénat.,
Courses à Maisons-Laffitte.
Un prédécesseur du général Brugère
Napoléon 1er avait la passion de la
chasse, mais il était médiocrement
adroit.
Un jour il envoya quelques grains de
plomb dans le dos du maréchal Duroc
qui ne put retenir de s'écrier :
— Sacré maladroit 1
La blessure n'eut d'ailleurs pas de
suites graves.
Quelques soirs après, l'empereur fai-
sant son piquet avec Duroc, ainsi que
cela lui arrivait souvent, mit sur la ta-
ble de jeu une tabatière en or, émaillé,
un admirable bijou ciselé de Foussier,
orné de son portrait peint par Isabey et
entouré de gros diamants.
- Tu prises toujours n'est-ce pas ?
fit-il en riant.
Et comme Duroc faisait un signe af-
firmatif il ajouta :
— Tiens, voilà un certain tabac par-
fumé à la fève de Macouba, que je le
recommande. tu garderas la boite
pour que le tabac se conserve plus
frais.
- Ah ! sire, que de bonté, répliqua
Duroc.
— Non, ne me remercie pas fit l'em-
pereur, c'est le souvenir d'un sacré ma-
ladroit 1
AUTREFOIS
Rannel du 4 avril 1872. — Circulaire du
garde des sceaux, déterminant les condi-
tions dans lesquelles doit s'exercer le droit
d'option réservé par les traités aux Alsa-
ciens et aux Lorrains.
On prépare l'Elysée pour M. Thiers ; le
rez-de-chaussée est déjà aménagé. Mme
Thiers vient tous les jours presser les
travaux.
Bismarck a 57 ans depuis le 1er avril
L'entrée générale des musées du Louvre,
qui était au pavillon Denon, est mainte.
nant sous le guichet du pavillon de l'Hor.
loge.
M. Hérold vient de donner au musée du
Conservatoire le piano de son père, l'illus-
tre compositeur du Pré aux Clercs.
On dit que les chats vont être imposés
à 3 francs par an.
Cette année, pour la première lois, de
mémoire d'homme, le lac Michigan (en
Amérique) a été gelé. La glace, de quatre
à huit pouces d'épaisseur, couvrait le lac
aussi loin que la vue pouvait s'étendre..
Soirées de beauté
Dans le but, sans doute, de faire' re-
naître l'attraction naturelle des sexes
différents, qui menaçait de s'éteindre en
Allemagne dans les hautes classes de
la société, on, vient d'organiser à Ber-
lin, des « soirées de beauté ».
Une de ces soirées doit avoir lieu
lundi prochain. On y mettra réellement
en valeur, disent les gazettes alleman-
des, la beauté du corps humain, en réa.
lisant des tableaux vivants.
- L'un des sujets Mlle Desmond. dont
la plastique est des plus suggestives,
dit-on, et provoque l'admiration, se pro-
duira dans ces tableaux, et également
comme danseuse, afin de montrer non
seulement la beauté du corps humain tu
repos, mais encore dans le mouvement
esthétique.
C'est Izi guerre déclarée, 'par les
moyens les plus captivants, aux homo-
sexuels.
Un chic pour les soirées de beauté al-
lemandes.
CARNET LITTÉRAIRE
François Chabot, membre de la
Convention, par le vicomte
de BONALD.
M. de Bonald est un des écrivains de
l'époque qui sait le mieux nous intéresser
aux petits événements « en marge de l'his-
toire ». Ses travaux sur les Familles du
Rouergue, sur Un procès aux XVIIe et
XVIIIe siècles, qu'il a publiés chez, l'édi-
teur Carrère, de Rodez, ses Récits des
guerres de Vendée, Renault l'Invincible,
etc., nous ont montré déjà tout le parti
qu'il sait tirer des documents régionaux.
Aujourd'hui, il s'attaque à l'histoire de
la Révolution, pour nous donner, chez
Emile-Paul, un portrait en pied du conven-
tionnel François Chabot (1756-1794), le roi
des délateurs.,
Le 12 avril 1794, les administrateurs du
déparlement de l'Aveyron étaient otficiel-
lement informés que « le citoyen François
Chabot, âge de trente-sept ans, ex-capucin
et membre de la Convention, venant d'être
condamné à mort et exécuté le 5 du même
mois, il 11 avait lieu de mettre sous séques.
tre ses biens, qui étaient désormais ac-
quis à la République ).
La carrière politique, de. Chabot avait été
courte. Envoyé par le département du
Loir-et-Cher à l'Assemblée législative, puis
à la Convention, Chabot s'était assis « l'air
honteux et la tête basse », dans la char-
rette nui devait le conduire à l'échafaud,
en même temps que Danton, Desmoulins,
Fabre d'Eglantine et autres personnages
de moindre importance.
Aimant les femmes, le jeu et la dépense,
Chabot avait honteusement trafiqué de
son mandat. Il fut condamné pour concus-
sion et aussi pour conspiration « tendant
à avilir et à détruire par la corruption, le
gouvernement républicain ».
C'est, dans nos Parlements, le premier
en date de tous les « chéquards ». Concus-
sionnaire, c'est le terme qu'on employait
en ce temps-là,pour désigner les tripoteurs.
Au fond, le crime est resté le même, seul
le châtiment s'est singulièrement adouci.
Le doyen des joueurs d'orgue
Les joueurs d'orgue qui, naguère ber-
çaient Paris de leurs airs lents, mono-
tones, pleins, parfois d'un charme
étrange, importuns le plus souvent et
obsédants sont maintenant relégués
dans la banlieue de par ordonnance
du préfet de police. Les cours ne les
accueillent plus et les gros sous ne"
tombent plus pour eux des fenêtres
entr'ouvertes.
Le métier était bon autrefois, et les
recettes faites pour encourager le mu-
sicien. Mais aussi, la concurrence n'é-
tait pas à craindre : les permissions
n'étaient délivrées, en petit nombre et
après une enquête minutieuse, qu'aux
malheureux atteints d'infirmités réel-
les et hors d'état de travailler.
La plus ancienne date de 1869. Le
doyen, aujourd'hui est un bon vieil-
lard, le père Seguin, qui joue de l'or-
gue depuis 1873. Sa mémoire est plei-
ne de tous les. airs qui furent populai-
res jadis et il ne se lasse point de les
jouer tant que Dieu lui prête vie.
Lire en 2epagre:
Appel aux électeurs municipaux
En passant.
Les savants, en général, ne doutent de
rien. Mais les savants américains peuvent
se vanter, avec raison, d'avoir des con-
ceptions particulièrement « colossales >».
Un médecin de New-York, le docteur
Reed Bler, a consacré sa science à l'étude
des singes, et tout particulièrement des
grands singes (chimpanzés, orangs-ou-
tangs), nos cousins germains. Il s'est en-
fermé dans une cage métallique, au milieu
des forêts vierges, afin de surprendre leur
langage, et les singes venaient familière.
ment voir le docteur, dans sa cage, com-
me les docteurs vont au Jardin des Plan-
tes, voir les singes dans la leur.
Echange de bons procédés.
En étudiant les cris des singes, le savant
s'est formé la conviction qu'il serait pos-
sible de leur apprendre le langage des
hommes, mais à la condition essentielle
de les gratifier d'un nez mieux conformé.
En effet, le docteur Reed Blér prétend dé-
montrer qu'un homme privé de nez s'expli.
que fort mal, tandis qu'il articule parfaite-
ment dès que l'opération de la rhinoplaslie
lui a rendu son appareil nasal.
C'est un point qui a échappé à la clair-
voyance d'Edmond About, lorsqu'il écrivit
son spirituel roman sur le Nez d'un No-
taire.
Ce rapport entre. l'éloquence et la Ion.
gueur du nez mériterait d'ailleurs d'être
contrôlé et précisé.
Jusqu'ici, les hommes qui parlent du
nez, même lorsque leur éloquence vient du
cœur, n'ont iamais eu le don de charmer
les loules. D autre part, Jaurès a un tout
petit nez camard, tandis que j'ai connu en
Bretagne un maire affligé d'une véritable
aubergine, qui n'était vas même capable
de dire « papa » comme un simple phoque,
qui pourtant n'a pas de nez
La théorie dit savant américain ne parait
donc pas très scientifique, et il me sem-
ble qu'elle repose sur un nombre d'expé-
riences et d'observations insuffisant.
Avant de songer à nous imposer sa théo-
rie de « l'influence du nez sur le langage »,
le docteur Reed Bler fera bien de IJcJursui-
vre patiemment et méthodiquement ses
éhules.
Nous attendons fébrilement le résultat
de ses recherches sur le nez des singes.
Le docteur Bler les doit à l'ombre de
Cllrano, a (a gloire de la Libr Amérique,
et au nom qu'il porte.,, et qui l'a préàes.
tiné 4
Le Gbexmaeaa* >
A LA CHAMBRE
Le vote de FAmnistie
Choses de théâtre et choses d'Eglise. - La question de
M. Paul Meunier sur la Comédie Française. — Ceux
qui sont amnistiés et ceux qui ne - le - sont pas. -
M. Henri Brisson préside.
Il est à peine besoin de dire que le pu-
blic est venu assister nombreux à cette
séance qui présente un double et assez
vif intérêt. A l'ordre du jour : d'abord, la
question de M. Paul Meunier sur le Foyer,
de M. Octave Mirbeau ; ensuite, la fin du
gros débat sur l'amnistie, et la discussion
du projet de résolution présenté par M.
Lafferre au sujet des mutins du 17e de li-
gne.
L'INCIDENT Wm « FOYER »
Les choses de l'art avant les choses de
la politique.
Aussitôt après qu'on a validé les élec-
tions de M. Binet à Guéret et de M. Noël
à Vervins, M. F:aul Meunier monte à la
tribune pour poser sa question au minis-
tre de l'instruction publique et des beaux-
arts. Parmi les personnalités du monde
des théâtres qui sont venues écouter cette
discussion, on se montre Mlle Cécile So-
rel, de la Comédie-Française, et le com-
positeur Gustave Charpentier.
M. Paul Meunier. — Même sous l'Empire, des
pièces contraires aux tendances politiques du
gouvernement ont été jouées dans les théâtres
nationaux. Le fait de mettre en scène un séna-
teur et un académicien ne suffit pas à en empê-
cher la représentation.
On peut se demander, en présence de l'atti-
tude de l'administrateur de la Comédie-Fran-
çaise, si le moment n'est pas favorable pour ré-
tablir une institution qui donnait aux écrivains,
aux dramaturges, certaines garanties.
Il faudrait rendre aux artistes de la Cmédie-
Fra:nçaise l'intégralité de leurs droits, ne serait-
ce que pour éviter le retour d'incidents pareils
à ceux qui ont exclu du sociétariat des tragé-
diens ou tragédiennes réputés.
En terminant, je voudrais &tre certain qu'on
ne se méprendra pas sur ma pensée. Je crois
sincèrement que la Comédie-Française n'est pas
en décadence. Elle est toujours la première scè-
ne du monde. (Applaudissements.)
M. Doumergue répond à M. Paul Meu-
nier :
M. Doumergue, ministre des beaux-arts. — M.
Paul Meunier me demande des eXDIications sur
mon rôle dans l'affaire du Foyer. -
Je vais lui répondre en deux mots : Je me
suis abstenu de toute immixtion agressive dans
les droits de la Comédie.
Quant au comité. de lecture, il a été supprimé
par le décret de 1905, précisément à la suite du
différend causé par la réception d'une pièce.
C'est la preuve que le comité de lecture n'em-
pêcherait pas des incidents pareils à celui dont
M. P. Meunier vient de nous entretenir. (Applau-
dissements.)
M. Paul Meunier réplique en quelques
mots :
Au mois de décembre, M. Briand avait pro-
mis au Sénat le prochain rétablissement du
comité de lecture.
Je regrette que cette promesse n'ait pas été
tenue. 0,
L'incident est clos. On reprend la dis-
cussion de l'amnistie.
L'AMNISTIE
On adopte l'amendement de M. Lamy
concernant le colportage de poisson et les
contraventions maritimes.
M. Groussau est l'auteur de deux amen-
dements tendant à amnistier les infractions
aux lois de 1901 et de 1905.
M. Groussau. — Mon amendement ne fait que
reproduire une motion présentée à la dernière
loi d'amnistie, en 1906, et contre laquelle le gou-
vernement ne s'est pas élevé. La Chambre a
transformé le caractère de la loi d'amnistie :
elle l'a considérablement élargi.
Ce ne sont plus seulement les événements
du Midi qui en bénéficient, mais encore les faits
de réunion, de presse, :elc. Or, s'il y a des dé-
linquants qui ont appartenu à des congréga-
tions, le fait d'être ancien congréganiste ne doit
pas les placer en dehors de la mansuétude gou-
vernementale. Certains d'entre eux sont dans
une situation particulièrement intéressante car
ils ont été sécularisés. Les poursuites qui les
atteignent ne sont donc pas justifiées.
La jurisprudence de la cour de cassation re-
connaissant ces sécularisations, la loi d'amnis-
lie doit consacrer la décision de cette haute ju-
ridiction. (Applaudissements à droite.)
M. Briand, garde des sceaux, étant re-
tenu au Sénat, c'est M. Viviani, ministre
du travail, qui porte la parole au nom du
gouvernement.
M.. Viviani. - En l'absence de M. le garde
des sceaux, je demande à la chambre la per-
mission de répondre au nom du gouvernement
à M. Groussau.
Nous ne saurions accepter une amnistie dont
le résultat serait de permettre aux délinquants
frappés par les tribunaux de continuer à violer
la loi.
M. Delahaye. — Je demande la parole.
M. Viviani. — Voici la. situation : 805 instan-
ces sont, à l'heure actuelle, engagées. Beaucoup
des. personnes poursuivies sont des récidivistes.
L'amendement de M. Groussau aurait pour ré-
sultat de mettre ces récidivistes au-dessus de
la loi. Le gouvernement vous demande de le
repousser. (Vifs applaudissements.)
La bataille était perdue d'avance pour
la droite. Les habiletés de M. Groussau
ayant échoué, les réactionnaires mettent
leur dernier et bien faible espoir dans les
violences de M. Jules Delahaye.
M. Delahaye. — Je crois nécessaire, après
avoir entendu le récit du gouvernement, d'ex-
primer ainsi le sentiment de tous les catholi-
ques Jo veux protester contre le statut de ser-
vitude que vous essayez d'imposer aux catho-
liques dans leur pays.
Quand nous nous taisons, vous n'avez pas
assez de mépris et de sarcasmes pour notre ré-
signation.
Si je me taisais, vous me croiriez aussi nair
que les autres.
J'ai assisté au vote de beaucoup d'amnisties.
Depuis trois jours, en écoutant les propos
échangés entre pacificateurs et paçifiés, je me
disais :
1 « Que serait si M. le président du conseil
n'avait pas voulu une amnistie vraiment large
et libérale ? » Du côté des vignerons du Midi,
on proteste contre votre amnistie. Je ne la vo-
terai qu'en considération de 1 intérêt qu y atta-
chent beaucoup de pauvres gens. Partout les
protestaions s'élèvent contre les actes d'un gou-
vernement injuste et bluffeur. M. le président
du conseil, taujours crâner, c'est votre ma-
nière à vous de faire le César.
M. Sembat a critiqué copieusement votre in-
cohérence. Vous mettez dans le même sac les
antipatriotes et les catholiques.
Laissez passer la justice du Roy l
Je vais vous tfgnaler un fait qui Juge votre
politique sans force et sans courage.
,,\'DUS ne wÇjiriôg» assez tes arUiQalrïotes
pour ne pas leur sacrifier quelques curés et
quelques congreganistes. Vous n'aimez pas am
tant la patrie que vous détestez les catholiques^
tout en sachant que la religion est un inépuisao-
ble réservoir de patriotisme.
Il y a une chose qui devrait plaider devant
vous la cause des sécularisés que vous poursuit
vez de votre haine. C'est le gaspillage de leuf
patrimoine par vos liquidateurs de proie, par
vos liquidateurs infidèles.
Vous devriez avoir pitié de la détresse où kt
maintient l'improbité de vos liquidateurs. Voutf
voulez arracher à ces victimes leur dernier
morceau de pain. Le pays jugera de la sin-
cérité des mots que vous avez toujours sur leS
lèvres, jamais dans le cœur : humanité et fra*
ternité. (Applaudissements à droite.)
Les attaques de M. Delahaye paraissent
avoir encore plus mal impressionné la'
Chambre que la casuistique de M. Gmus-
sau. Aussi celui-ci croit-il de son devoit
de revenir à la charge.
M. Groussau. — Je fais un dernier appel à 14
Chambre en faveur d'hommes et de femmes:
dont plusieurs cours ont affirmé le bon droit,
(Applaudissements à droite.)
L'amendement est repoussé par 357 voii
contre 205.
M. Groussau insiste pour que la Charnu
bre adopte au moins son second amende-
ment concernant également les infradion
à la loi de Séparation.
M. Viviani demande à la Chambre de l(
repousser pour .les mêmes raisons que Id
'précédent.
M. Groussau.,- Vous refusez l'amnistie à deî
malheureux que vous avez frappés illégalement,
comme l'a reconnu le tribunal des conllits.
M. Fernand Datid. — On a fanatisé les popit-
lations, on les a mises en oonflit avec les for*
ces de police. (Applaudissements à gauche.)
Af. Millcvoyc. — Je ne comprends plus votre'
amnistie. Vous voulez faire J'apaisement pour-
tout le-monde, excepté pour les catholiques. Il
Y. a donc deux catégories de Français : ceux
qu'on amnistie et ceux qu'on n'amnistie pas ?
L'amendement est repoussé par 355 voix
contre 208.
DESERTEURS ET INSOUMIS
M. Betoulle demande à la Chambre l'anfc.
nistie pour les déserteurs et tes insoumis*
M. Betoulle. — Permettez à des jeunes gerx
qui ont quitté la France à la suite d'un coup d4
tête de rentrer dans leur pays et de rejoindra
leur corps..
M. le général Picquart, ministre de la. guerre*
— Les amnisties trop fréquentes ont eu pour,
résultat de multiplier le nombre des insoumis.,
Les déserteurs n'étaient, il y a quelques années,
qu'au nombre de 2,000 environ. Ils sont plus d4
4,000 aujourd'hui. Les insoumis n'étaient que,
de 3,000, ils sont plus de 10.000.
D'après l'amendement de M*. Bétoulle, tous lu
déserteurs et insoumis, âgés de 30 ans ou ma*
riés, seront dispensés du service actif.
Nous ne pouvons donner pareille prime à Pini
soumission et à la désertion.
M. Bétoulle. — Nous vous demandons sin*
plement de prendre, à Pégard des déserteurs
et des insoumis, la même mesure qu'il y a deux
ans.
On dirait que la Chancre est atteinte de IC
phobie de rantimilitarisme. Nous vous demaiv'
dons un acte de patriotisme bien compris. (Api
plaudissements à gauche.)
M. Colliard. — Nous ne voterons pas !'am€ïn
d-ement qui exempte les déserteurs du service
militaire. Mais j'estime nécessaire d'amnisties,
les jeunes gens égarés par une déplorable pro-
pagande étant, bien entendu, qu'ils paieront
l'impôt qu'ils doivent, en d'autres termes qu'ils
retourneront fi la caserne.
M. Fernand David. — Pour les mêmes raisonf
que M. Colliard, je voterai l'amnistie pour ter
déserteurs. Je ne crois pas que l'amnistie aug*
mente le nombre des désertions.
M. Thomson, ministre de la marine. — J'f,
m'associe aux paroles de M. le ministre de iaî
guerre.
Dans la marine, en quelques années, le nOIII.
bre des désertions a plus que doublé.
L'amendement est repoussé par 432 voi.
contre 129.
LA PROTECTION DU TRAVAIL
M. Zévaès, au nom d'un certain non*
bre de ses collègues, fait une déclaration
contre l'amnistie appliquée aux infractions
aux lois protectrices du travail.
M. Viviani, ministre du travail. — Le gou<
vernement reste fidèle à sa politique de rerIœtl
et de tolérance.
M. Puech, président de la commission. — Le
gouvernement a reconnu la nécessité de certai-,
nés modifications à fc loi du 13 juillet 1906. Il
importerait que ces modifications fussent discQe
tées au plus tôt.
M. Viviani. — Le gouvernement et ]a com-
mission sont obligés de tenir compte des obsm
vêtions nombreuses apportées par les représen-
tants tant des ouvriers que des patrons. Le rap.
port pourra être incessamment déposé et noUf
le discuterions après la rentrée.
L'ensemble du projet est adopté par 491
voix contre 5.
LES SOLDATS nr. r.ArftA
M. Lafferre dépose un projet de résolu-
tion invitant à. prendre des mesures d6
bienveiliawce à l'égard des soldats du 17*
de ligne, envoyés en garnison à Gafsa.
M: Lattcrre. — Je viens plaider une seconde
fois la 'cause de malheureux soldats qui, dans
une heure*trouble que je vodrais effacer de no-
tre histoire nationale, ont manqué à leur devoir.
militaire et méconnu la fidélité au drapeau.
Ma tâche est difllcile, je le sais. Ces soldais
ont gravement compromis, ce jour-là, la disci-
pline militaire, la sécurité nationale, l'ordre pu-
blic.
Je conviens que, quelque dure qu'elle puisse
paraître, la sancion collective qui leur a été ap-
pliquée n'était pas c-ritiqtiable.
Mais puisque vous voulez faire l'oubli corn*
plet sur les tristes événements du Midi, la re«r
présentation républicaine de l'HArault vous de-
mande que cet oubli soit effectif : enlevez da
l'esprit de ces malheureux jeunes gens la pen-
sée qu'ils ont pu perdre à uno certaine heurei
l'estime de la nation.
M. Pujaue s'associe aux paroles de M
Lafferre et demande même que le certifi-
cat de bonne conduite soit accordé aux sol.
dats du 17°. -
M. Clemenceau répond :
M. Clemenceau. — Les sentiments auxquels
M. Lafferre a fait appel ne nous sont pas étran-,
gers. Je l'ai dit aux plus durs moments de la
crise, les mutins ne sont pas sans présenter des
circonstances allénuantcs. Je tiens à constater,
fi rhonneur des soldats français que la con-'
duite des mutins de Gafsa a v-6 excellente dei
tous poin'
Ils ont demandé à partir pour le Maroc, lia
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