IT 13867.- 8 yaatflseAn lié, CINQ CENTIMEII JJE WCMERO
Vendredi28 Février 1908. - N 13807 -
LE XIX" SIECLE
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AUX BUREAUX DU JOURNAE
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OPINIONS
La Jeunesse devient-elle
réactionnaire?
La question ne se pose pas pour toute
la jeunesse. Il y a une jeunesse démo-
cratique, c'est évident. Mais c'est de la
« Jeunesse des Ecoles », que je parle.
Nous avions, il y a quelques jours, l'oc-
casion de rappeler que l'attitude des
étudiants n'avait pas été à la hauteur
do leur réputation, ni à l'honneur de
leur clairvoyance dans la dernière gran-
de crise traversée par la République.
N'est-ce pas au Quartier latin que fu-
rent commises alors les premières ma-
nifestations contre Scheurer-Kestner et
contre Zola ?
Je me suis laissé aller à écrire que
la jeunèsse d'aujourd'hui donnait plus
d'espérances que celle d'hier. A mon
grand étonnement, des personnes qui
connaissent bien l'esprit qui règne dans
les auditoires de nos Facultés, m'affir-
ment que je me suis trompé.
— Voulez-vous une preuve de votre
erreur ? me disait hier un de ces con-
tradicteurs. Ecoutez-ceci : Une grande
association républicaine a formé le pro-
jet d'organiser en plein Quartier latin,
un grand meeting où les maîtres les
plus écoutés, et connus pour leur atta-
chement au régime de la liberté, par-
leraient des devoirs civiques que nous
imposent l'évolution sociale de la Fran-
ce et son rôle dans le monde. Eh bien,
Certains des professeurs auxquels on a
demandé de s'inscrire parmi les ora-
teurs ont décliné l'invitation. Ce sont
des hommes qui prennent au sérieux
leur profession d'éducateurs. Ils ont
Biontré du courage à une époque où les
caractères inflexibles étaient rares. Im-
possible d'attribuer leur retraite à l'in-
différence ou à la timidité. Cherchez.
— Pourquoi chercherais-je ? J'aime
à croire que les refus étaient motivés.
— En effet. Les orateurs qui n'ont
pu promettre aux organisateurs du
meeting le concours de leur parole, ont
émis cette simple réflexion : « Ce que
nous pourrions dire n'intéresserait pas
les jeunes gens. Ils ne sont nullement
préparés à comprendre les questions
portées à l'ordre du jour de la réunion
projetée. »
— Quoi ? la jeunesse des Ecoles se-
rait devenue si veule ?
# — Vous savez bien que, dans le mi-
lieu dont je vous parle, la fatigue n'est
jamais qu'une apparence. Brusquement,
la lassitude se dissipe et la passion
éclate. Seulement, c'est une passion gé-
néreuse, dont il faut se féliciter, ou
bien, comme vers 1898, c'est une fré-
nésie détestable dont les gens de cœur
sont stupéfiés et atterrés. Il n'y a plus
d'éclair républicain chez les étudiants.
lis risquent donc d'être emportés par
le premier mouvement de démagogie
réactionnaire qui se produira.
— Eh ! où voyez-vous un mouvement
réactionnaire ? Il n'y a pas deux ans
que les électeurs ont envoyé à la Cham-
bre une énorme majorité radicale et ra-
dicale-socialiste. Les moines ont dispa-
ru. L'Eglise se désorganise chaque jour
un peu plus par une prodigieuse série
de fautes. Si les ennemis de la Répu-
blique voulaient tenter un assaut contre
elle, je ne sais s'ils trouveraient une
armée à mobiliser, mais je suis sûr
qu'ils n'auraient pas de chefs à donner
à leurs soldats.
— Les chefs se trouvent plus facile-
ment que les soldats. Les tribuns et les
propagandistes surgiraient saps peine
de cette foule bouillonnante de jeunes
lettrés, de jeunes savants, oue l'ennui
de l'heure présente laisse si désœuvrés
et si désorientés.
Voilà les renseignements qui me sont
fournis sur la mentalité des garçons de
riix-huit à vingt-cinq ans, de la fleur de
nos universités, de l'espoir du pays. Ils
sont encore un peu vagues, j'en con-
viens, mais j'ai lieu de croire - de-
viendront vite plus précis. Et - j'ajoute
que c'est de plusieurs côtés que j'ai en-
tendu ce gémissement : la jeunesse est
en train de devenir réactionnaire.
.L'avertissement est grave et vaut la
peine d'être médité.
Il me remet en mémoire la réponse
que faisait il y a quelques jours, le
Signal à un de mes articles sur le mê-
me sujet. J'avais dit que la fièvre qui
a brûlé les jeunes gens d'il y a dix
ans, menacerait leurs successeurs le
jour où nous ne saurions plus leur pro-
poser un haut idéal, où nous cesserions
d entretenir chez eux le goût du tra-
vail ponctuel et précis.
Voici la réplique du Signal :
Parfait. Mais que sera le « travail ponc-
tuel et précis », s'il n'est pas guidé préci-
teémenti par un « haut idéal » — et que
sera « le haut idéal » en présence d'une
propagande effrénée et trop écoutée qui
prêche aux cœurs novices et aux cerveaux
Ileure les dé cessions de J'1 conception uni-
quement matérielle des problèmes hu-
mains, source de l'arrivisme, du « je m'en
fichisme » et de tous- les écarts ou des
naufrages de la conscience et de l'esprit ?
C'est lé. prenez mon ours. Le Signal,
journal bien intentionné, mais protes-
tant, a le droit d'accuser le matéria-
lisme de tous les malheurs du temps.
Nous lui ferons remarquer que les for-
cenés qui conspuaient, insultaient na-
guère Scheurer-Kestner, Zola, et les au-
tres ouvriers de la Justice, n'étaient pas
tous matérialistes. On reconnaissait
parmi eux les élèves des boîtes clérica-
les, les clients des cercles catholiques,
les habitués de sacristie, les écouteurs
de messes et de vêpres. La religion ne
suffit donc pas à résoudre le problème
psychologique qui recommence à nous
préoccuper.
Que faire, alors ? Berthelot, je crois,
maintenait que l'action suffisait à gué-
rir la plupart des maladies morales, oui,
ce serait bon, ce serait utile. Et main-,
tes tâches s'offrent aux hommes de
bonne volonté. Pourquoi ce décourage-
ment dont l'atmosphère est saturé ? On
le respire avec chaque gorgée d'air. Il
empoisonne, il annihile, il tue les vo-
lontés. Quel mauvais vent a soufflé sur
nous 1
HUCUES DESTREM.
■ ■ -11 ■•■■■
Archives, Bibliothèqnes, Musées
Lorsque M. Chaumié était
-garde des sceaux, il eut l'idée
de verser aux Archives natio-
nales, les vieux dossiers en-
tassés dans les greniers du
-- ministère -- de - la Justice : un
millier environ "de liasses et de regis-
tres. Aujourd'hui les Archives nationa-
les ont terminé le réco'ement de ces
dossiers, et en ont envoyé à M. Briand
l'inventaire sommaire. Il parait que
c'est très important ; ce sont tous les
grands procès, y compris les grands
procès politiques qui ont été jugés de-
puis 1789. Il y a là un filon nouveau,
ouvert aux historiens, d-ans cette mine
inépuisable que sont nos Archives na-
tionales.
Il y a quelques années, les archives
du ministère de la marine avaient pris
également le chemin du palais Soubise.
C'est d'ailleurs la loi ; je crois même
qu'un règlement d'administration pres-
crit à tous les départements ministé-
riels le versement décennal aux Archi-
ves nationales de leurs archives parti-
culières,,
Cela est très heureux pour les fure-
teurs à qui de nouveaux matériaux sont
offerts, comme il est très heureux pour
les artistes que nos musées soient gar-
nis d'œuvres d'art jusqu'aux combles ;
et comme il est très heureux pour les
érudits que notre Bibliothèque natio-
nale possède des livres et des manus-
crits dont la liste ne tiendrait pas d'ici
Pontoise.
La seule objection est celle-ci : que
tous ;les livres soient à la Nationale,
que tous les documents soient a Ar-
chives, et que tous les chef-d'œuvres
soient concentrés au Louvre, c'est, au
premier examen très logique ; sommes-
nous sûrs que ce soit très prudent ?
Tâchez de mesurer le désastre que
serait dans ces conditions, le feu écla-
tant dans l'un de ces trois immenses
dépôts. Cette politique de tous les œufs
dans un même panier a de quoi préoc-
cuper. SeraiWl donc vraiment impossi-
ble de fractionner ces immenses riches-
ses, de façon à diviser les risques ? Il
y a plusieurs années, M. Henri Martin,
je crois, proposait de créer une « hémé-
rothèque », c'est-à-dire de placer dans
un monument à part, les collections de
journaux et de périodiques ; ce pro-
cédé très simple eut soulagé sensible-
ment la bibliothèque nationale, laquelle
plie sous le faix des imprimés. C'est,
je crois, dans cette voie de sectionne-
ment logique qu'il faudrait s'engager,
aussi bien aux Archives qu'à la Natio-
nale.
LES ON-DIT.
Le billet de banque international
Un professeur de l'Université de Bres-
lau, M. Wolf, propose la création d'un
billet de banque international. Ce billet
ne circulerait qu'entre un certain nom-
bre d'Etats. Il aurait pour but, de remé-
dier à la pénurie de numéraire dans
l'un de ces Etats. Il semble que, d'après
la conception de l'auteur, les grandes
banques auraient à en garder un cer-
tain nombre comme encaisse pendant
les périodes de prospérité, afin de pou-
voir s'en servir en temps de crise.
Un collaborateur du BerUner Tagè-
blatt a demandé leur avis aux direc-
teurs de plusieurs grandes banques,
qui se sont montrés, à vrai dire, extrê-
mement sceptiques au sujet de la possi-
bilité de réaliser ce curieux projet.
Un savant qui sacrifie aux Muses.
M. Thédenat est un grave membre de
l'Instïtut, connu par ses savantes res-
taurations du passé, notamment par
son étude sur le Forum romain. Dans
les ruines qu'il visita, comme le lui a
écrit gentiment un des Quarante, il
pousse des fleurs et, poète, il les cueillit
d'une main légère. Non sans hésitation,
il livra au public quelques-unes de ses
impressions et de ses rêveries sous ce
titre modeste : Quelques vers. Il y a de
fort jolies choses là-dedans, témoin
l'ode Au Sommeil, dont l'inspiration
voisine timidement avec la Tristesse
d'Olympio :
.Oh ! descends sur leurs yeux qu'a blessés la
[lumière
Et viens pour un instant, viens clore leur pau-
[pl ère,
Et l'hymne aux Coteaux du Maçon-
nais :
Doux frère de la mort.
Montagnes qui semblez courir vers l'horizon,
La Rochette, Monsars. SoIubré, Vergisson,
Pourquoi, dans vos concours, ces formes de la
[houle
Qui monte, monte encore et s'incline et
[s'écroule ?.
L'esprit belge
Une société philarmonique de Bru-
xelles avait su se faire bien venir de la
Cour. C'était du temps du roi Léo-
pold Ier.
Celui-ci n'était point précisément un
Mécène aux générosités retentissantes ;
cependant, il gratifia cette société phil-
harmonique d'une bannière. Le prési-
dent la porta en personne dans une
grande cérémonie officielle dont cette
libéralité fut l'occasion.
— Vous devez être fatigué, Monsieur,
lui dit aimablement le roi à l'issue du
défilé.
— Sire, répliqua l'autre, béat, ce que
(donne Votre Majesté ne pèse jamais
lourd.
Et toute la Belgique de rire.
Le Passant.
« i ■ 1^^ a i i
LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE
AUX ETATB-UNIS
(De notre correspondant particulier)
New-York, 26 février.
On commence déjà à faire des pointages
pour tes diverses candidatures à l'a prési-
dence de la République. I
Actuellement, il s'agit seulement de sa-
voir quelles seront tes candidatures les
mieux accueillies dans les deux grands
partis politiques du pays.
Le parti républicain se réunira prochai-
nement ei-i convention nationale il y aura
en tout 980 délégués. On croit que 306 vo-
teront pour la candidature de M. Taft,
114 pour celle de M. Hughes, 65 pour celle,
de M. Cannon et 30 pour celle de M.
Fairbank. M. Taft sera donc candidat du
parti républicain.
Le parti démocratique, qui se réunira
également en convention nationale (con-
grès) aura 1.006 délégués dont 720 se pro-
nonceront en faveur de la candidature de
M. Bryan.
Le jour de l'élection, il n'y aura que
deux candidats sérieux en (présence : M.
Taft du côté républdcain, et M. Bryan du
côté démocratie.
Les socialistes ont l'intention de présen-
ter M. Upton Sinclair, le romancier bien
connu, mais il n'est guère probable qu'il
recueille au congrès plus d'une cinquan-
taine de voix.
———————————— -
Le Respect
de la Vie humaine
Nous avons te respect de la vie humaine.
Nous l'avons à un tel point que nous vou-
lons supprimer la peine de mort.
Oui ; mais il ne se passe pas de se-
maine où nous ne voyons une « terreur »
quelconque condamnée seulement à quel-
ques mois de prison pour avoir tué un de
ses If aminches ».
Comment concilier cette bonasse indul-
gence avec notre respect de la vie hu-
maine ? Rien de plus simple : on ne conci-
lie quoi que ce soit, on n'y pense même
pas ; on se borne à, vivre de la vie illogi-
que qui nous caractérise tous, plus ou
moins, à cette époque.
Les malins disent : « On a bien raison
de ne pas frapper trop durement ces ban-
dits qui s'assomment, se poignardent et se
révolvérisent fentre eux. llls lavent leur
linge sale en famille, dans le -sang. Tant
mieux. Plus ils se tueront, mieux cela
vaudra. »
Pour un peu, on approuverait l'acquitte-
ment. On rêve d'assainir ainsi la cité et
de la débarrasser de la tourbe qui l'in-
feste. La façon n'est ni généreuse ni che-
valeresque : elle est même, osons le dire,
un tantinet lâche et hypocrite. Mais quoi,
avec de pareils gradins, tous les procédés
sont bons. Et l'on félicite hautement les
juges de leur mansuétude, on les approu-
ve de n'accorder qu'un peu de prison pour
un meurtre, pour un assassinat, si la vic-
time- n'est pas des plus recommandables.
C'est une sorte d'encouragement à conti-
nuer, à recommencer.
Mais nos bandits ne s'embarrassent pas
de toutes ces subtilités.- Si, pour avoir tué
un Il mèque » ou une « gonzesse », Jules
du Sébasto n'attrape que deux mois de
prison, ils en concluent qu'une vie humai-
ne ne coûte pas plus que cela.
Allez-vous essayer d'établir à leurs veux
des distinctions et de leur faire compren-
dre que la vie d'un bourgeois est plus
précieuse que celle d'un gars bien « cos-
taud » ? Us vous riront au nez, car ils
se font des êtres une tout autre concep-
tion que la vôtre. Ils n'ont d'estime que
pour ceux qu'ils craignent — même quand
ils les détestent et désirent leur mort.. En
quelle estime voulez-vous qu'ils aient les
txmrgeois, les honnêtes gens ? Ils n'éprou-
vent pour eux que le plus profond mé-
pris. Le seul intérêt que nous leur inspi-
rons ressemble à celui que le chasseur
porte au gibier. Tout ce que ces bandits
peuvent supposer, prévoir, admettre, c'est
que, par haine, par esprit « d'injustice »
et de représailles, on leur fasse payer
aussi cher la vie' d'un sale bourgeois que
celle d'un brave souteneur. Or, ils con-
naissent le tarif : quelques mois de pri-
son, tout au plus. A ce prix-là, pas besoin
de se gêner. On peut se faire la main et
s'entraîner sans grands risques.
Cet état d'âme déplorable, dont nous
sommes les victimes, nous fait pousser
des cris d'orfraie en colère. Qui J'a créé,
pourtant, sinon nous et nos juges ? 7.
Qu'on soit impitoyable pour tous les as-
sassinats, trop facilement baptisés meur-
tres, quels que soient le passé, la condi-
tion et même l'ignominie des victimes, et
l'on verra se transformer rapidement cet
état d'àroo. Quand tes « terreurs » s'aper-
cevront qu'on ne leur ménage plus les tra-
vaux forcés, même quand elles se tuent
entre elles, elks ne, mettront plus aussi
souvent, croyez-le bien, le couteau et le
revolver à la main. Les bandits perdront
vite cette habitude, en dépit de leur vio-
lence et de leur vantardise, et nous serons
appelés à en bénéficier. Moins expérimen-
tés, moins entraînés, ils hésiteront un peu
plus à se servir de leurs armes contre
nous, et, comme tout renchérit, même le
prix de la vie humaine, ils feront sans
doute des économies de sang. Tout en res-
pectant leur vie, nous leur apprendrons
ainsi à respecter la nôtre.
Crouchy de Vorney.
——————————— .———————————
COULISSES DES CHAMBRES
La corruption électorale
La commission du suffrage universel a
continué l'examen de la proposition de loi
sur la corruption électorale.
Après discussion, la commission a adop-
té l'article premier dont voici le texte :
« Tout candidat qui, par des dons ou
libéralités en argent ou en nature, par
des promesses de libéralités, d'emplois, de
décorations, de faveurs administratives ou
ùRavlantages |jarticuliers, aura influencé
ou tenté d'influencer le vote d'un ou de
plusieurs électeurs, soit directement, soit
par l'entremise d'un tiers, tout candidat
qui par les mêmes moyens aura déterminé
ou tenté de déterminer un ou plusieurs
d'entre eux à s'abstenir, sera puni de 3
mois à 2 ans d'emprisonnement et d'une
amende de 500 à 5.000 fr. Si les faits visés
au paragraphe précédent n'ont pas été
commis par les candidats eux-mêmes, les
coupables seront punis d'un emprisonne-
ment de 8 jours à 3 mois et d'une amende
de 16 fr. à 200 fr.. ou à l'une de ces
deux peines seulement. Seront punts des
peines visées au 26 paragraphe, ceux qui
auront agréé ou sollicité les mêmes pro-
messes, dons ou libéralités.
L'impôt sur le revenu. — L'amendement
Aimond
M. Aimond, malgré la décision prise
mardi .par un certain nombre de membres
de la. gauche radicale, cet décidé à main-
tenir son amendement sur l'article premier
du projet Caillaux.
Au oours de la réunion de mardi de la
gauche radicale, M. Aimond vient de com-
muniquer la note suivante :
J'ai appris uniquement par ks journaux,
après la séance de mardi, qu'un certain nombre
de membres de la gauche radicale, 15 environ,
auraient décidé de m'envoyer une délégation
pour m',i.nviLel' à retirer, le cas échéant, mon
amendement, dont ils continuent à approuver
le principe.
M. Aimond vient d'écrire au président
de la gauche radicale une lettre pour lui
demander ce qu'il y a de vrai dans ce bruit,
attendu que la convocation hebdomadaire
de la gauche radicale portait seulement à
l'ordre du jour : « Questions diverses » et
que la plupart des membres de ce roupe
assistaient à la séance, alors que M. Ai-
mond lui-mê?me était à la tribune.
La navigation du Rhône
La commission des travaux publics s'est
réunie hier sous la présidence de M. Léon
Jane t.
Elle a examiné la proposition de résolu-
tion tendant à l'étude de la navigation con-
tinue du Rhône entro Lyon et le lac Lé-
man, et à rétablissement d'un barrage sus-
ceptible de régulariser le débit du fleuve, et
a décidé de prendre à ce sujet l'avis du
ministre des travaux publics.
Les affaires marocaines
Le groupe radical-socialiste, réuni hier
sous la présidence de M. Dubief, a exa-
miné longuement la question marocaine.
Le graupe s'est borné à de simples
échanges de vues.
Les retraites ouvrières
(La commission sénatoriale des retrai-
tes ouvrières s'est réunie sous la prési-
dence de M. Cuvinot.
Le président a fait connaître qu'il n'avait
pas reçu de réponse à sa lettre 'du 12 fé-
vrier, dans laquelle il priait le président
du Conseil d'accepter une nouvelle confé-
rence avec la commission pour le jour
que le gouvernement voudrait bien choisir.
La commission a décidé, en conséquen-
ce, que la conférence devra être ajournée
à une date ultérieure, et a laissé à son
président le droit de la fixer.
Le traité franco.canadien
Là commission des douanes du Sénat
ayant manifesté le désir d'entendre les ex-
plications du gouvernement sur la conven-
tion franco-canadienne, M. Cruppi, minis-
tre du commerce et de l'industrie, lui-a ex-
posé la portée des principales dispositions
de cet accord et a indiqué les avantages
qui avaient été concédées de part et d'au-
tre, au commerce des deux pays.
Il a répondu aux diverses questions qui
lui ont été posées par M. Viger, président
de la commission des douanes, et par M.
Méline.
Dans une prochaine séance, M. Cruppi
sera entendu sur le projet de loi concer-
nant l'admission temporaire de la paraf-
fine. JI profitera de cette nouvelle entrevue
pour fournir les explications qui lui ont
été demandées par différents membres de
la commission sur l'arrangement franco-
américain du 28 janvier dernier.
A la commission de l'armée
La commission sénatoriale de l'armée
s'est réunie sous la présidence de M. de
Freycinet, pour examiner diverses proposi-
tions.
Elle a tout d'abord étudié une proposi-
tion de M. de Montfort tendant à la créa-
tion d'un régiment de cavalerie et d'un
bataillon d'artillerie étrangers.
Après discussion, cHe a fait des réserves
en ce qui concerne le régiment de cavale-
rie ; par contre, elle s'est montrée favo-
rable à la création du bataillon d'artille-
rie. :
M. Charles Humbert a. été chargé de pré-
parer un rapport dans ce sens.
La commission a ensuite examiné une
proposition de M. Boudenoot relativcal'a-
vanccment des officiers à partir du grade
de chef de bataillon ou chef d'escadron.
il s'agit de décider que nul officier ne
pourra être nommé à un grade supérieur
s'il n'a pas au moins cinq ans à passer
dans le nouveau grade avant d'être atteint
pr la limite d'âge.
Ce délai de cinq ans a été réduit à qua-
tre ans, et M. Boudenoot a été désigné
comme rapporteur.
On est ensuite- passé à la discussion
d'une proposition de M. Gourju, concer-
nant le service militaire des candidats aux
fonctions et emplois civils.
Avant de se prononcer, elle -a décidé de
se renseigner sur les trccvaux" ae la com-
mission des emplois civils.
M. Waddington a été nommé rapporteur
provisoire.
Enfin, la commission s'est occupée de M
loi des cadres actuellement soumise S
l'examen de la commission de l'armée -etf
la. Chambre et elle a émis le vœu que la
partie de la loi concernant l'artillerie soit
disjointe et présentée aussitôt que possi-
ble à l'approbation du Parlement.
Le général Picquart, ministre de la guep
re, assistait à la réunion et a été invité X
donner son avis sur toutes ces questions
Toutes les décisions ont été prises d'ao
cord avec lui.
A LA COUR D'ASSISES DE LA GIRONDE
Les Bandits de Langon
OUVERTURE DES DÉBATS
Le Procès des assassins de l'agent d'assurances Monget a com-
mencé hier à Bordeaux. — Comment le crime a étsi
commis. — La foule à l'audience. — L'accu-
sation. — Premiers interrogatoires.
Bordeaux, 26 février.
Vassassinat de l'agent d'assurances
Monget mériterait d'être classé parmi les
procès criminels de moyenne envergure
si l'on ne considérait que le crime lui-
même qui est assez banal en somme, mais
il parait approcher de là cause célèbre, si
l'on songe au milieu et aux individus.
Ce n'est point, en effet, un forfait isolé,
un crime accidentel, commis par passion,
par misère ou par vengeance par des gens
jusque-là honnêtes ; non, c'est le « coup »
de bandits cuirassés contre l'appréhension
d avant et la crainte d'après, contre le
remords, enfin. Ceux-là qui vont entrer
tout à l'heure, ont pillé, volé, entôlé, cam-
briolé avant de tuer et peut-être même
l'assassinat de Monget n'est-il point leur
coup d'essai, aux uns ou aux autres. Et
d'ailleurs, tous les affiliés à la bande tu
aux bandes, armées ne sont pas aujour-
d'hui sur les bancs de la cour d'assises ;
d'autres ont déjà-été pris et condamnés,
d autres encore courent toujours les grands
chemins.
Car c'était à une véritable organisation
de voleurs et de gredins qu'appartenaient
les accusés, et la bande exploitait Langon
et la région depuis fort longtemps. On sa-
vait bien des choses dans le pays, mais les
gens se taisaient le plus souvent, car ils
Langon est une ville où les mœurs sont
plutôt faciles et dont les nombreux cer-
étaient terrorisés.
cles, une vingtaine pour 5.000 habitants,
attirent les joueurs de Bordeaux et-de la
région tandis que certains cafés hospita-
liers donnent asile, aux. amateurs de plai-
sirs que e tentent pas les cartes ni les
dés.
Les contrebandiers dont .plusieurs fai-
saient partie de la bande Branchery, entre
autres Gasol, y exercent leur métier pres-
que au grand jour.
Le café dé la Garé
Le café de la Gare, auberge de Bran-
chery était le repaire de tous les malan-
drins et ses relations s'étendaient jusqu'à
Agen.
C'était dans son auberge que les exploits
de toute catégorie s.. préparaient et qu'aus-
si Je butin était partagé.
Mais le café de la Gare n'était pas seule-
ment le rendez-vous d'individus louches,
voleurs, escarpes, contrebandiers : c'était
aussi une maison hospitalière d'un genre
spécial ; c'était un de ces calés de la ré-
gion où le service est fait par des femmes
qui se livrent à la prostitution. La mal-
tresse du lieu elle-même n'hésitait pas a
l'occasion à s'abandonner aux habitués ,'u
aux clients de passage, sous les yeux du
mari complaisant. A l'occasion, * on entô-
lait. Mais cependant, rétablissement qui
faisait quelques affaires depuis que Bran-
chery — qui avait épousé sa maîtresse
Lucia — en était le propriétaire, vint à
péricliter.
Des tenanciers du bouge en furent donc
réduits aux pires expédients. La détresse,
la gêne, les acculèrent, ils en vinrent à
comploter avec certains de leurs commen-
saux, une affaire destinée à les remettre à
flot et ils jetèrent leur dévolu sur l'agent
d assurances Monget. On le savait parfois
porteur de fortes sommes et puis il avait
confiance et était des meilleurs amis de
Lucia-
Le crime
Un mercredi, au début du mois de lé-
vrier 1907,-l'agent d'assurances qui savait-
on/ venait de toucher une somme impor-
tante, vint au café de la Gare.
il entra dans une des salles et lia con-
versation avec Lucia. Le coup avait été
préparé. Branchery et son garçon, Parrot,
entrent alors que Monget leur tournait :e
dos, le premier muni d'un torchon roulé,
le second d'un marteau à casser le char-
bon. Et tout aussitôt de son marteau,
Parrot frappe la victime il la tête: «Oh! fait
le malheureux » et il chancelle; mais Bran-
chery arrache le marteau des mains de son
complice et frappe à son tour sur le crâne,
puis il passe la serviette autour du cou de
)a victime et la charge sur son dos, tel an
sac, Puis il la descend à la cave, Parrot
soutenat les pieds. Ensuite, ils achèvent
l'homme en l'étranglant.
Les assassins dépouill nt Monget et font
leur butin : 2.000 francs d'argent, une
montre et quelques bibelots. Mais il y a du
sang, alors on lave les traces, puis pour
plus de sûreté, on brûle les vêtements car
les taches pourraient être retrouvées.
Vers minuit, les hommes font un pre-
mier voyage à la Garonne pour y jeter la
montre et la bicyclette de la victime après
les avoir* brisés. Rentrés à l'auberge, les
assassins et leurs complices enveloppent
le cadavre dans une couverture, le char-
gent sur une brouette et par un sentier ap-
pelé, macabre ironie du hasard, le « che-
min'des Amoureux », ils vont le jeter à la
rivière.
L'AUDIENCE DU MATIN
La foule
Déjà, dans la salle des Pas-Perdus, par-
ml le public, des voyous et des apaches
sont là qui commentent cet exploit et quel-
ques autres de moindre importance qui
furent jugés par la cour d'assises dans la
première partie de cette session.
Dès l'ouverture des portes du Palais, le
public, qui attendait depuis six heures et
demie du matin au dehors, se précipite
vers la salle des assises, mais c'est à peine
si plus de soixante personne peuvent en-
trer, car la place réservée au public étaa
foi t restreinte, par suite de l'envahisse-
ment du banc des témoins, qui sont au
nombre de cent environ.
trée, et toutes les places réservées aux in-
vités, à la presse, aux témoins, aux avo
cats sont attentivement surveillées..
Partout, d'ailleurs, sont postées des sen.
tinelles, baYonnette au canon, des agentt
de police et des inspecteurs de la Sùrett,~
il n'a pas fallu moins de 150 so1àats sou
le commandement d'un officier et de nom.
breux gardiens de la paix pour assurer le
service u'ordre.
Etant donné le grand nombre des t
moins, il a fallu diminuer d'autant l'es-
pace où le public a accès.
Peu de mpnde aux trjbunes rooeIrVées,
quelques dames, -femmes de conseillers fI
de magistrats et des privilégiés.
L audience est ouverte à y heures 10*
Les accusés
Tous les regards se reportent sur les ne
cusés qui entrent, mais il faut bien avouel
que tout le monde éprouve quelque décep.
tion ; ils n'ont pas 1 air farouebe du tout i
Ils son seuiement bouteux et gênés.
Henriette CouITèges, une petite laveuse
de vaisselle, noiraude, malpropre, mal vê.
tue, mal peignée sous une mantille foncée.
Lucia Branchery- petite femme insigiii-
fiante.
teur tenant un peu du souteneur ; lrne
moustache retroussée; cependant, les yeux
luisent vifs et durs derrière les paupières
boursouflées. Il parait assez à son aise, e1
regarde sans émoi la brouette qui servit
à porter le malheureux M. Monget à. 13.
rivière, et qui a été roulée devant Ja Cour.
Puis à côté, H. Parrot, tête .~issez vul-
gaIre d'apache ou fnfin n, (Gasol, fifigs ure sans expression.
Lacté d'accusation
M. le conseiller Fournier, préside. ie
siège du ministère pubiic est occupé par
M. Pascaud, avocat général. Au banc de
la défense prennent place Mc. Forcade'
Leffitte, Laviol-ette, Chalès et Caillier.
Les accusés répondent aux questions d'é-
tat-civil.
Après les formalités d'usage, le greffier
lit l'acte d'accusation. Bran-
La détresse croissante des époux Bran-
chery étant admise comme la cause de ce
assassinat, l'acte d accusation expose les
circonstances qui précédèrent, accompü.
gnèrent et suivirent le meurtre
Rappelés à grands traits, voici les faits :
Le mercredi 6 février 1907, vers 1 heure
de l'après-midi, M. Monget, agent d'assu-
rances à La Réole, arrive à Langon, entre
au café de la Gare, y dépose sa bicS vHp'tf»
et prévient la femme Branchery à lui
préparer 11 café pour le moment où il
viendra la reprendre. Monget va à J'entre-
pôt des tabacs toucher une somme de 500
francs pour une dame qui lui avait confié
ce mandat. Puis il revient vers 3 h. et de-
mie environ au café de la Gare. Un té4
moin 1 y vit entrer à cette heure et l'atten..
dit en vain.
Le soir, Monget n'était pas de retour
dans sa famille. Des bruits divers courent
sur cette disparition : assassinat, aventure
galante, fuite. Cette absence est contraire
aux habitudes de l'agent d'assurances ; Ja
famille conçoit donc des inquiétudes et le
février en fait part au parquet de la
Réole.
L'opinion publique, la presse s'émeuvenf
et l'on apprend que, postérieurement à ia
disparition de Monget, les époux Branche-
ry liquident leur passif, que la femme fait
des dépenses anormales à Bordeaux.
L'acte d'accusation raconte ensuite la
scène de l'assassinat, puis la dénonciation
d Henriette Ceurrèges, enfin les aveux.
On en vient aux dépenses exagérées ce
Parrot et de Gasol, à leurs propos suspect?
et enfin aux confidences de ce dernier s
sa maîtresse.
L'acte d'accusation dit encore quelques
mots des recherches du corps de la victime
dans la Garonne, de la découverte du corps
à Bordeaux le 27 octobre 1907, et de sa
reconnaissance par la femme Monget. 11
ajoute enfin que le médecin légiste ,1e doc-
teur Lande, ne releva pas de fraeturfc du
crâne et conclut à la mort par stran°gulu*
lation.
L'attitude des accusés
Pendant cette lecture, J'attitude des ac-
cusés est assez différente. Branchery pro-
teste fréquemment d'un haussement d'é-
paules. Sa femme secoue également la tè-
te. Parrot qui, parait-il, n'a plus la téta
très solide, rit tout à coup, caché derrière
son mouchoir. II CI,':;;;Ie presque constam-
ment à voix basse avec Lucia qui est sa
voisine. 1 f .t à ou
Au récit du crime, Branchery fait a. nou-
veau des signes de dénégation répétés.
Henriette Courrèges est encadrée do
deux gendarmes qui l'isolent des autres pc-
cusés, car on sait qu'elle fut la dénoncia-
trice, , et il se pourrait que ceux-ci lui ma-
nifestent un peu vivement leur rancune.
Pendant l'appel des témoins, Branchery,
Parrot et Lucia regardent en ricanant ceux
qui leur portèrent quelque tort pendant
l'instruction. B , 1
Un vieux paysan, nommé Boy, qui u
entôlé par la femme Branchery, provoqua
chez celle-ci une vive hilarité.
Vendredi28 Février 1908. - N 13807 -
LE XIX" SIECLE
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OPINIONS
La Jeunesse devient-elle
réactionnaire?
La question ne se pose pas pour toute
la jeunesse. Il y a une jeunesse démo-
cratique, c'est évident. Mais c'est de la
« Jeunesse des Ecoles », que je parle.
Nous avions, il y a quelques jours, l'oc-
casion de rappeler que l'attitude des
étudiants n'avait pas été à la hauteur
do leur réputation, ni à l'honneur de
leur clairvoyance dans la dernière gran-
de crise traversée par la République.
N'est-ce pas au Quartier latin que fu-
rent commises alors les premières ma-
nifestations contre Scheurer-Kestner et
contre Zola ?
Je me suis laissé aller à écrire que
la jeunèsse d'aujourd'hui donnait plus
d'espérances que celle d'hier. A mon
grand étonnement, des personnes qui
connaissent bien l'esprit qui règne dans
les auditoires de nos Facultés, m'affir-
ment que je me suis trompé.
— Voulez-vous une preuve de votre
erreur ? me disait hier un de ces con-
tradicteurs. Ecoutez-ceci : Une grande
association républicaine a formé le pro-
jet d'organiser en plein Quartier latin,
un grand meeting où les maîtres les
plus écoutés, et connus pour leur atta-
chement au régime de la liberté, par-
leraient des devoirs civiques que nous
imposent l'évolution sociale de la Fran-
ce et son rôle dans le monde. Eh bien,
Certains des professeurs auxquels on a
demandé de s'inscrire parmi les ora-
teurs ont décliné l'invitation. Ce sont
des hommes qui prennent au sérieux
leur profession d'éducateurs. Ils ont
Biontré du courage à une époque où les
caractères inflexibles étaient rares. Im-
possible d'attribuer leur retraite à l'in-
différence ou à la timidité. Cherchez.
— Pourquoi chercherais-je ? J'aime
à croire que les refus étaient motivés.
— En effet. Les orateurs qui n'ont
pu promettre aux organisateurs du
meeting le concours de leur parole, ont
émis cette simple réflexion : « Ce que
nous pourrions dire n'intéresserait pas
les jeunes gens. Ils ne sont nullement
préparés à comprendre les questions
portées à l'ordre du jour de la réunion
projetée. »
— Quoi ? la jeunesse des Ecoles se-
rait devenue si veule ?
# — Vous savez bien que, dans le mi-
lieu dont je vous parle, la fatigue n'est
jamais qu'une apparence. Brusquement,
la lassitude se dissipe et la passion
éclate. Seulement, c'est une passion gé-
néreuse, dont il faut se féliciter, ou
bien, comme vers 1898, c'est une fré-
nésie détestable dont les gens de cœur
sont stupéfiés et atterrés. Il n'y a plus
d'éclair républicain chez les étudiants.
lis risquent donc d'être emportés par
le premier mouvement de démagogie
réactionnaire qui se produira.
— Eh ! où voyez-vous un mouvement
réactionnaire ? Il n'y a pas deux ans
que les électeurs ont envoyé à la Cham-
bre une énorme majorité radicale et ra-
dicale-socialiste. Les moines ont dispa-
ru. L'Eglise se désorganise chaque jour
un peu plus par une prodigieuse série
de fautes. Si les ennemis de la Répu-
blique voulaient tenter un assaut contre
elle, je ne sais s'ils trouveraient une
armée à mobiliser, mais je suis sûr
qu'ils n'auraient pas de chefs à donner
à leurs soldats.
— Les chefs se trouvent plus facile-
ment que les soldats. Les tribuns et les
propagandistes surgiraient saps peine
de cette foule bouillonnante de jeunes
lettrés, de jeunes savants, oue l'ennui
de l'heure présente laisse si désœuvrés
et si désorientés.
Voilà les renseignements qui me sont
fournis sur la mentalité des garçons de
riix-huit à vingt-cinq ans, de la fleur de
nos universités, de l'espoir du pays. Ils
sont encore un peu vagues, j'en con-
viens, mais j'ai lieu de croire - de-
viendront vite plus précis. Et - j'ajoute
que c'est de plusieurs côtés que j'ai en-
tendu ce gémissement : la jeunesse est
en train de devenir réactionnaire.
.L'avertissement est grave et vaut la
peine d'être médité.
Il me remet en mémoire la réponse
que faisait il y a quelques jours, le
Signal à un de mes articles sur le mê-
me sujet. J'avais dit que la fièvre qui
a brûlé les jeunes gens d'il y a dix
ans, menacerait leurs successeurs le
jour où nous ne saurions plus leur pro-
poser un haut idéal, où nous cesserions
d entretenir chez eux le goût du tra-
vail ponctuel et précis.
Voici la réplique du Signal :
Parfait. Mais que sera le « travail ponc-
tuel et précis », s'il n'est pas guidé préci-
teémenti par un « haut idéal » — et que
sera « le haut idéal » en présence d'une
propagande effrénée et trop écoutée qui
prêche aux cœurs novices et aux cerveaux
Ileure les dé cessions de J'1 conception uni-
quement matérielle des problèmes hu-
mains, source de l'arrivisme, du « je m'en
fichisme » et de tous- les écarts ou des
naufrages de la conscience et de l'esprit ?
C'est lé. prenez mon ours. Le Signal,
journal bien intentionné, mais protes-
tant, a le droit d'accuser le matéria-
lisme de tous les malheurs du temps.
Nous lui ferons remarquer que les for-
cenés qui conspuaient, insultaient na-
guère Scheurer-Kestner, Zola, et les au-
tres ouvriers de la Justice, n'étaient pas
tous matérialistes. On reconnaissait
parmi eux les élèves des boîtes clérica-
les, les clients des cercles catholiques,
les habitués de sacristie, les écouteurs
de messes et de vêpres. La religion ne
suffit donc pas à résoudre le problème
psychologique qui recommence à nous
préoccuper.
Que faire, alors ? Berthelot, je crois,
maintenait que l'action suffisait à gué-
rir la plupart des maladies morales, oui,
ce serait bon, ce serait utile. Et main-,
tes tâches s'offrent aux hommes de
bonne volonté. Pourquoi ce décourage-
ment dont l'atmosphère est saturé ? On
le respire avec chaque gorgée d'air. Il
empoisonne, il annihile, il tue les vo-
lontés. Quel mauvais vent a soufflé sur
nous 1
HUCUES DESTREM.
■ ■ -11 ■•■■■
Archives, Bibliothèqnes, Musées
Lorsque M. Chaumié était
-garde des sceaux, il eut l'idée
de verser aux Archives natio-
nales, les vieux dossiers en-
tassés dans les greniers du
-- ministère -- de - la Justice : un
millier environ "de liasses et de regis-
tres. Aujourd'hui les Archives nationa-
les ont terminé le réco'ement de ces
dossiers, et en ont envoyé à M. Briand
l'inventaire sommaire. Il parait que
c'est très important ; ce sont tous les
grands procès, y compris les grands
procès politiques qui ont été jugés de-
puis 1789. Il y a là un filon nouveau,
ouvert aux historiens, d-ans cette mine
inépuisable que sont nos Archives na-
tionales.
Il y a quelques années, les archives
du ministère de la marine avaient pris
également le chemin du palais Soubise.
C'est d'ailleurs la loi ; je crois même
qu'un règlement d'administration pres-
crit à tous les départements ministé-
riels le versement décennal aux Archi-
ves nationales de leurs archives parti-
culières,,
Cela est très heureux pour les fure-
teurs à qui de nouveaux matériaux sont
offerts, comme il est très heureux pour
les artistes que nos musées soient gar-
nis d'œuvres d'art jusqu'aux combles ;
et comme il est très heureux pour les
érudits que notre Bibliothèque natio-
nale possède des livres et des manus-
crits dont la liste ne tiendrait pas d'ici
Pontoise.
La seule objection est celle-ci : que
tous ;les livres soient à la Nationale,
que tous les documents soient a Ar-
chives, et que tous les chef-d'œuvres
soient concentrés au Louvre, c'est, au
premier examen très logique ; sommes-
nous sûrs que ce soit très prudent ?
Tâchez de mesurer le désastre que
serait dans ces conditions, le feu écla-
tant dans l'un de ces trois immenses
dépôts. Cette politique de tous les œufs
dans un même panier a de quoi préoc-
cuper. SeraiWl donc vraiment impossi-
ble de fractionner ces immenses riches-
ses, de façon à diviser les risques ? Il
y a plusieurs années, M. Henri Martin,
je crois, proposait de créer une « hémé-
rothèque », c'est-à-dire de placer dans
un monument à part, les collections de
journaux et de périodiques ; ce pro-
cédé très simple eut soulagé sensible-
ment la bibliothèque nationale, laquelle
plie sous le faix des imprimés. C'est,
je crois, dans cette voie de sectionne-
ment logique qu'il faudrait s'engager,
aussi bien aux Archives qu'à la Natio-
nale.
LES ON-DIT.
Le billet de banque international
Un professeur de l'Université de Bres-
lau, M. Wolf, propose la création d'un
billet de banque international. Ce billet
ne circulerait qu'entre un certain nom-
bre d'Etats. Il aurait pour but, de remé-
dier à la pénurie de numéraire dans
l'un de ces Etats. Il semble que, d'après
la conception de l'auteur, les grandes
banques auraient à en garder un cer-
tain nombre comme encaisse pendant
les périodes de prospérité, afin de pou-
voir s'en servir en temps de crise.
Un collaborateur du BerUner Tagè-
blatt a demandé leur avis aux direc-
teurs de plusieurs grandes banques,
qui se sont montrés, à vrai dire, extrê-
mement sceptiques au sujet de la possi-
bilité de réaliser ce curieux projet.
Un savant qui sacrifie aux Muses.
M. Thédenat est un grave membre de
l'Instïtut, connu par ses savantes res-
taurations du passé, notamment par
son étude sur le Forum romain. Dans
les ruines qu'il visita, comme le lui a
écrit gentiment un des Quarante, il
pousse des fleurs et, poète, il les cueillit
d'une main légère. Non sans hésitation,
il livra au public quelques-unes de ses
impressions et de ses rêveries sous ce
titre modeste : Quelques vers. Il y a de
fort jolies choses là-dedans, témoin
l'ode Au Sommeil, dont l'inspiration
voisine timidement avec la Tristesse
d'Olympio :
.Oh ! descends sur leurs yeux qu'a blessés la
[lumière
Et viens pour un instant, viens clore leur pau-
[pl ère,
Et l'hymne aux Coteaux du Maçon-
nais :
Doux frère de la mort.
Montagnes qui semblez courir vers l'horizon,
La Rochette, Monsars. SoIubré, Vergisson,
Pourquoi, dans vos concours, ces formes de la
[houle
Qui monte, monte encore et s'incline et
[s'écroule ?.
L'esprit belge
Une société philarmonique de Bru-
xelles avait su se faire bien venir de la
Cour. C'était du temps du roi Léo-
pold Ier.
Celui-ci n'était point précisément un
Mécène aux générosités retentissantes ;
cependant, il gratifia cette société phil-
harmonique d'une bannière. Le prési-
dent la porta en personne dans une
grande cérémonie officielle dont cette
libéralité fut l'occasion.
— Vous devez être fatigué, Monsieur,
lui dit aimablement le roi à l'issue du
défilé.
— Sire, répliqua l'autre, béat, ce que
(donne Votre Majesté ne pèse jamais
lourd.
Et toute la Belgique de rire.
Le Passant.
« i ■ 1^^ a i i
LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE
AUX ETATB-UNIS
(De notre correspondant particulier)
New-York, 26 février.
On commence déjà à faire des pointages
pour tes diverses candidatures à l'a prési-
dence de la République. I
Actuellement, il s'agit seulement de sa-
voir quelles seront tes candidatures les
mieux accueillies dans les deux grands
partis politiques du pays.
Le parti républicain se réunira prochai-
nement ei-i convention nationale il y aura
en tout 980 délégués. On croit que 306 vo-
teront pour la candidature de M. Taft,
114 pour celle de M. Hughes, 65 pour celle,
de M. Cannon et 30 pour celle de M.
Fairbank. M. Taft sera donc candidat du
parti républicain.
Le parti démocratique, qui se réunira
également en convention nationale (con-
grès) aura 1.006 délégués dont 720 se pro-
nonceront en faveur de la candidature de
M. Bryan.
Le jour de l'élection, il n'y aura que
deux candidats sérieux en (présence : M.
Taft du côté républdcain, et M. Bryan du
côté démocratie.
Les socialistes ont l'intention de présen-
ter M. Upton Sinclair, le romancier bien
connu, mais il n'est guère probable qu'il
recueille au congrès plus d'une cinquan-
taine de voix.
———————————— -
Le Respect
de la Vie humaine
Nous avons te respect de la vie humaine.
Nous l'avons à un tel point que nous vou-
lons supprimer la peine de mort.
Oui ; mais il ne se passe pas de se-
maine où nous ne voyons une « terreur »
quelconque condamnée seulement à quel-
ques mois de prison pour avoir tué un de
ses If aminches ».
Comment concilier cette bonasse indul-
gence avec notre respect de la vie hu-
maine ? Rien de plus simple : on ne conci-
lie quoi que ce soit, on n'y pense même
pas ; on se borne à, vivre de la vie illogi-
que qui nous caractérise tous, plus ou
moins, à cette époque.
Les malins disent : « On a bien raison
de ne pas frapper trop durement ces ban-
dits qui s'assomment, se poignardent et se
révolvérisent fentre eux. llls lavent leur
linge sale en famille, dans le -sang. Tant
mieux. Plus ils se tueront, mieux cela
vaudra. »
Pour un peu, on approuverait l'acquitte-
ment. On rêve d'assainir ainsi la cité et
de la débarrasser de la tourbe qui l'in-
feste. La façon n'est ni généreuse ni che-
valeresque : elle est même, osons le dire,
un tantinet lâche et hypocrite. Mais quoi,
avec de pareils gradins, tous les procédés
sont bons. Et l'on félicite hautement les
juges de leur mansuétude, on les approu-
ve de n'accorder qu'un peu de prison pour
un meurtre, pour un assassinat, si la vic-
time- n'est pas des plus recommandables.
C'est une sorte d'encouragement à conti-
nuer, à recommencer.
Mais nos bandits ne s'embarrassent pas
de toutes ces subtilités.- Si, pour avoir tué
un Il mèque » ou une « gonzesse », Jules
du Sébasto n'attrape que deux mois de
prison, ils en concluent qu'une vie humai-
ne ne coûte pas plus que cela.
Allez-vous essayer d'établir à leurs veux
des distinctions et de leur faire compren-
dre que la vie d'un bourgeois est plus
précieuse que celle d'un gars bien « cos-
taud » ? Us vous riront au nez, car ils
se font des êtres une tout autre concep-
tion que la vôtre. Ils n'ont d'estime que
pour ceux qu'ils craignent — même quand
ils les détestent et désirent leur mort.. En
quelle estime voulez-vous qu'ils aient les
txmrgeois, les honnêtes gens ? Ils n'éprou-
vent pour eux que le plus profond mé-
pris. Le seul intérêt que nous leur inspi-
rons ressemble à celui que le chasseur
porte au gibier. Tout ce que ces bandits
peuvent supposer, prévoir, admettre, c'est
que, par haine, par esprit « d'injustice »
et de représailles, on leur fasse payer
aussi cher la vie' d'un sale bourgeois que
celle d'un brave souteneur. Or, ils con-
naissent le tarif : quelques mois de pri-
son, tout au plus. A ce prix-là, pas besoin
de se gêner. On peut se faire la main et
s'entraîner sans grands risques.
Cet état d'âme déplorable, dont nous
sommes les victimes, nous fait pousser
des cris d'orfraie en colère. Qui J'a créé,
pourtant, sinon nous et nos juges ? 7.
Qu'on soit impitoyable pour tous les as-
sassinats, trop facilement baptisés meur-
tres, quels que soient le passé, la condi-
tion et même l'ignominie des victimes, et
l'on verra se transformer rapidement cet
état d'àroo. Quand tes « terreurs » s'aper-
cevront qu'on ne leur ménage plus les tra-
vaux forcés, même quand elles se tuent
entre elles, elks ne, mettront plus aussi
souvent, croyez-le bien, le couteau et le
revolver à la main. Les bandits perdront
vite cette habitude, en dépit de leur vio-
lence et de leur vantardise, et nous serons
appelés à en bénéficier. Moins expérimen-
tés, moins entraînés, ils hésiteront un peu
plus à se servir de leurs armes contre
nous, et, comme tout renchérit, même le
prix de la vie humaine, ils feront sans
doute des économies de sang. Tout en res-
pectant leur vie, nous leur apprendrons
ainsi à respecter la nôtre.
Crouchy de Vorney.
——————————— .———————————
COULISSES DES CHAMBRES
La corruption électorale
La commission du suffrage universel a
continué l'examen de la proposition de loi
sur la corruption électorale.
Après discussion, la commission a adop-
té l'article premier dont voici le texte :
« Tout candidat qui, par des dons ou
libéralités en argent ou en nature, par
des promesses de libéralités, d'emplois, de
décorations, de faveurs administratives ou
ùRavlantages |jarticuliers, aura influencé
ou tenté d'influencer le vote d'un ou de
plusieurs électeurs, soit directement, soit
par l'entremise d'un tiers, tout candidat
qui par les mêmes moyens aura déterminé
ou tenté de déterminer un ou plusieurs
d'entre eux à s'abstenir, sera puni de 3
mois à 2 ans d'emprisonnement et d'une
amende de 500 à 5.000 fr. Si les faits visés
au paragraphe précédent n'ont pas été
commis par les candidats eux-mêmes, les
coupables seront punis d'un emprisonne-
ment de 8 jours à 3 mois et d'une amende
de 16 fr. à 200 fr.. ou à l'une de ces
deux peines seulement. Seront punts des
peines visées au 26 paragraphe, ceux qui
auront agréé ou sollicité les mêmes pro-
messes, dons ou libéralités.
L'impôt sur le revenu. — L'amendement
Aimond
M. Aimond, malgré la décision prise
mardi .par un certain nombre de membres
de la. gauche radicale, cet décidé à main-
tenir son amendement sur l'article premier
du projet Caillaux.
Au oours de la réunion de mardi de la
gauche radicale, M. Aimond vient de com-
muniquer la note suivante :
J'ai appris uniquement par ks journaux,
après la séance de mardi, qu'un certain nombre
de membres de la gauche radicale, 15 environ,
auraient décidé de m'envoyer une délégation
pour m',i.nviLel' à retirer, le cas échéant, mon
amendement, dont ils continuent à approuver
le principe.
M. Aimond vient d'écrire au président
de la gauche radicale une lettre pour lui
demander ce qu'il y a de vrai dans ce bruit,
attendu que la convocation hebdomadaire
de la gauche radicale portait seulement à
l'ordre du jour : « Questions diverses » et
que la plupart des membres de ce roupe
assistaient à la séance, alors que M. Ai-
mond lui-mê?me était à la tribune.
La navigation du Rhône
La commission des travaux publics s'est
réunie hier sous la présidence de M. Léon
Jane t.
Elle a examiné la proposition de résolu-
tion tendant à l'étude de la navigation con-
tinue du Rhône entro Lyon et le lac Lé-
man, et à rétablissement d'un barrage sus-
ceptible de régulariser le débit du fleuve, et
a décidé de prendre à ce sujet l'avis du
ministre des travaux publics.
Les affaires marocaines
Le groupe radical-socialiste, réuni hier
sous la présidence de M. Dubief, a exa-
miné longuement la question marocaine.
Le graupe s'est borné à de simples
échanges de vues.
Les retraites ouvrières
(La commission sénatoriale des retrai-
tes ouvrières s'est réunie sous la prési-
dence de M. Cuvinot.
Le président a fait connaître qu'il n'avait
pas reçu de réponse à sa lettre 'du 12 fé-
vrier, dans laquelle il priait le président
du Conseil d'accepter une nouvelle confé-
rence avec la commission pour le jour
que le gouvernement voudrait bien choisir.
La commission a décidé, en conséquen-
ce, que la conférence devra être ajournée
à une date ultérieure, et a laissé à son
président le droit de la fixer.
Le traité franco.canadien
Là commission des douanes du Sénat
ayant manifesté le désir d'entendre les ex-
plications du gouvernement sur la conven-
tion franco-canadienne, M. Cruppi, minis-
tre du commerce et de l'industrie, lui-a ex-
posé la portée des principales dispositions
de cet accord et a indiqué les avantages
qui avaient été concédées de part et d'au-
tre, au commerce des deux pays.
Il a répondu aux diverses questions qui
lui ont été posées par M. Viger, président
de la commission des douanes, et par M.
Méline.
Dans une prochaine séance, M. Cruppi
sera entendu sur le projet de loi concer-
nant l'admission temporaire de la paraf-
fine. JI profitera de cette nouvelle entrevue
pour fournir les explications qui lui ont
été demandées par différents membres de
la commission sur l'arrangement franco-
américain du 28 janvier dernier.
A la commission de l'armée
La commission sénatoriale de l'armée
s'est réunie sous la présidence de M. de
Freycinet, pour examiner diverses proposi-
tions.
Elle a tout d'abord étudié une proposi-
tion de M. de Montfort tendant à la créa-
tion d'un régiment de cavalerie et d'un
bataillon d'artillerie étrangers.
Après discussion, cHe a fait des réserves
en ce qui concerne le régiment de cavale-
rie ; par contre, elle s'est montrée favo-
rable à la création du bataillon d'artille-
rie. :
M. Charles Humbert a. été chargé de pré-
parer un rapport dans ce sens.
La commission a ensuite examiné une
proposition de M. Boudenoot relativcal'a-
vanccment des officiers à partir du grade
de chef de bataillon ou chef d'escadron.
il s'agit de décider que nul officier ne
pourra être nommé à un grade supérieur
s'il n'a pas au moins cinq ans à passer
dans le nouveau grade avant d'être atteint
pr la limite d'âge.
Ce délai de cinq ans a été réduit à qua-
tre ans, et M. Boudenoot a été désigné
comme rapporteur.
On est ensuite- passé à la discussion
d'une proposition de M. Gourju, concer-
nant le service militaire des candidats aux
fonctions et emplois civils.
Avant de se prononcer, elle -a décidé de
se renseigner sur les trccvaux" ae la com-
mission des emplois civils.
M. Waddington a été nommé rapporteur
provisoire.
Enfin, la commission s'est occupée de M
loi des cadres actuellement soumise S
l'examen de la commission de l'armée -etf
la. Chambre et elle a émis le vœu que la
partie de la loi concernant l'artillerie soit
disjointe et présentée aussitôt que possi-
ble à l'approbation du Parlement.
Le général Picquart, ministre de la guep
re, assistait à la réunion et a été invité X
donner son avis sur toutes ces questions
Toutes les décisions ont été prises d'ao
cord avec lui.
A LA COUR D'ASSISES DE LA GIRONDE
Les Bandits de Langon
OUVERTURE DES DÉBATS
Le Procès des assassins de l'agent d'assurances Monget a com-
mencé hier à Bordeaux. — Comment le crime a étsi
commis. — La foule à l'audience. — L'accu-
sation. — Premiers interrogatoires.
Bordeaux, 26 février.
Vassassinat de l'agent d'assurances
Monget mériterait d'être classé parmi les
procès criminels de moyenne envergure
si l'on ne considérait que le crime lui-
même qui est assez banal en somme, mais
il parait approcher de là cause célèbre, si
l'on songe au milieu et aux individus.
Ce n'est point, en effet, un forfait isolé,
un crime accidentel, commis par passion,
par misère ou par vengeance par des gens
jusque-là honnêtes ; non, c'est le « coup »
de bandits cuirassés contre l'appréhension
d avant et la crainte d'après, contre le
remords, enfin. Ceux-là qui vont entrer
tout à l'heure, ont pillé, volé, entôlé, cam-
briolé avant de tuer et peut-être même
l'assassinat de Monget n'est-il point leur
coup d'essai, aux uns ou aux autres. Et
d'ailleurs, tous les affiliés à la bande tu
aux bandes, armées ne sont pas aujour-
d'hui sur les bancs de la cour d'assises ;
d'autres ont déjà-été pris et condamnés,
d autres encore courent toujours les grands
chemins.
Car c'était à une véritable organisation
de voleurs et de gredins qu'appartenaient
les accusés, et la bande exploitait Langon
et la région depuis fort longtemps. On sa-
vait bien des choses dans le pays, mais les
gens se taisaient le plus souvent, car ils
Langon est une ville où les mœurs sont
plutôt faciles et dont les nombreux cer-
étaient terrorisés.
cles, une vingtaine pour 5.000 habitants,
attirent les joueurs de Bordeaux et-de la
région tandis que certains cafés hospita-
liers donnent asile, aux. amateurs de plai-
sirs que e tentent pas les cartes ni les
dés.
Les contrebandiers dont .plusieurs fai-
saient partie de la bande Branchery, entre
autres Gasol, y exercent leur métier pres-
que au grand jour.
Le café dé la Garé
Le café de la Gare, auberge de Bran-
chery était le repaire de tous les malan-
drins et ses relations s'étendaient jusqu'à
Agen.
C'était dans son auberge que les exploits
de toute catégorie s.. préparaient et qu'aus-
si Je butin était partagé.
Mais le café de la Gare n'était pas seule-
ment le rendez-vous d'individus louches,
voleurs, escarpes, contrebandiers : c'était
aussi une maison hospitalière d'un genre
spécial ; c'était un de ces calés de la ré-
gion où le service est fait par des femmes
qui se livrent à la prostitution. La mal-
tresse du lieu elle-même n'hésitait pas a
l'occasion à s'abandonner aux habitués ,'u
aux clients de passage, sous les yeux du
mari complaisant. A l'occasion, * on entô-
lait. Mais cependant, rétablissement qui
faisait quelques affaires depuis que Bran-
chery — qui avait épousé sa maîtresse
Lucia — en était le propriétaire, vint à
péricliter.
Des tenanciers du bouge en furent donc
réduits aux pires expédients. La détresse,
la gêne, les acculèrent, ils en vinrent à
comploter avec certains de leurs commen-
saux, une affaire destinée à les remettre à
flot et ils jetèrent leur dévolu sur l'agent
d assurances Monget. On le savait parfois
porteur de fortes sommes et puis il avait
confiance et était des meilleurs amis de
Lucia-
Le crime
Un mercredi, au début du mois de lé-
vrier 1907,-l'agent d'assurances qui savait-
on/ venait de toucher une somme impor-
tante, vint au café de la Gare.
il entra dans une des salles et lia con-
versation avec Lucia. Le coup avait été
préparé. Branchery et son garçon, Parrot,
entrent alors que Monget leur tournait :e
dos, le premier muni d'un torchon roulé,
le second d'un marteau à casser le char-
bon. Et tout aussitôt de son marteau,
Parrot frappe la victime il la tête: «Oh! fait
le malheureux » et il chancelle; mais Bran-
chery arrache le marteau des mains de son
complice et frappe à son tour sur le crâne,
puis il passe la serviette autour du cou de
)a victime et la charge sur son dos, tel an
sac, Puis il la descend à la cave, Parrot
soutenat les pieds. Ensuite, ils achèvent
l'homme en l'étranglant.
Les assassins dépouill nt Monget et font
leur butin : 2.000 francs d'argent, une
montre et quelques bibelots. Mais il y a du
sang, alors on lave les traces, puis pour
plus de sûreté, on brûle les vêtements car
les taches pourraient être retrouvées.
Vers minuit, les hommes font un pre-
mier voyage à la Garonne pour y jeter la
montre et la bicyclette de la victime après
les avoir* brisés. Rentrés à l'auberge, les
assassins et leurs complices enveloppent
le cadavre dans une couverture, le char-
gent sur une brouette et par un sentier ap-
pelé, macabre ironie du hasard, le « che-
min'des Amoureux », ils vont le jeter à la
rivière.
L'AUDIENCE DU MATIN
La foule
Déjà, dans la salle des Pas-Perdus, par-
ml le public, des voyous et des apaches
sont là qui commentent cet exploit et quel-
ques autres de moindre importance qui
furent jugés par la cour d'assises dans la
première partie de cette session.
Dès l'ouverture des portes du Palais, le
public, qui attendait depuis six heures et
demie du matin au dehors, se précipite
vers la salle des assises, mais c'est à peine
si plus de soixante personne peuvent en-
trer, car la place réservée au public étaa
foi t restreinte, par suite de l'envahisse-
ment du banc des témoins, qui sont au
nombre de cent environ.
trée, et toutes les places réservées aux in-
vités, à la presse, aux témoins, aux avo
cats sont attentivement surveillées..
Partout, d'ailleurs, sont postées des sen.
tinelles, baYonnette au canon, des agentt
de police et des inspecteurs de la Sùrett,~
il n'a pas fallu moins de 150 so1àats sou
le commandement d'un officier et de nom.
breux gardiens de la paix pour assurer le
service u'ordre.
Etant donné le grand nombre des t
moins, il a fallu diminuer d'autant l'es-
pace où le public a accès.
Peu de mpnde aux trjbunes rooeIrVées,
quelques dames, -femmes de conseillers fI
de magistrats et des privilégiés.
L audience est ouverte à y heures 10*
Les accusés
Tous les regards se reportent sur les ne
cusés qui entrent, mais il faut bien avouel
que tout le monde éprouve quelque décep.
tion ; ils n'ont pas 1 air farouebe du tout i
Ils son seuiement bouteux et gênés.
Henriette CouITèges, une petite laveuse
de vaisselle, noiraude, malpropre, mal vê.
tue, mal peignée sous une mantille foncée.
Lucia Branchery- petite femme insigiii-
fiante.
teur tenant un peu du souteneur ; lrne
moustache retroussée; cependant, les yeux
luisent vifs et durs derrière les paupières
boursouflées. Il parait assez à son aise, e1
regarde sans émoi la brouette qui servit
à porter le malheureux M. Monget à. 13.
rivière, et qui a été roulée devant Ja Cour.
Puis à côté, H. Parrot, tête .~issez vul-
gaIre d'apache ou
Lacté d'accusation
M. le conseiller Fournier, préside. ie
siège du ministère pubiic est occupé par
M. Pascaud, avocat général. Au banc de
la défense prennent place Mc. Forcade'
Leffitte, Laviol-ette, Chalès et Caillier.
Les accusés répondent aux questions d'é-
tat-civil.
Après les formalités d'usage, le greffier
lit l'acte d'accusation. Bran-
La détresse croissante des époux Bran-
chery étant admise comme la cause de ce
assassinat, l'acte d accusation expose les
circonstances qui précédèrent, accompü.
gnèrent et suivirent le meurtre
Rappelés à grands traits, voici les faits :
Le mercredi 6 février 1907, vers 1 heure
de l'après-midi, M. Monget, agent d'assu-
rances à La Réole, arrive à Langon, entre
au café de la Gare, y dépose sa bicS vHp'tf»
et prévient la femme Branchery à lui
préparer 11 café pour le moment où il
viendra la reprendre. Monget va à J'entre-
pôt des tabacs toucher une somme de 500
francs pour une dame qui lui avait confié
ce mandat. Puis il revient vers 3 h. et de-
mie environ au café de la Gare. Un té4
moin 1 y vit entrer à cette heure et l'atten..
dit en vain.
Le soir, Monget n'était pas de retour
dans sa famille. Des bruits divers courent
sur cette disparition : assassinat, aventure
galante, fuite. Cette absence est contraire
aux habitudes de l'agent d'assurances ; Ja
famille conçoit donc des inquiétudes et le
février en fait part au parquet de la
Réole.
L'opinion publique, la presse s'émeuvenf
et l'on apprend que, postérieurement à ia
disparition de Monget, les époux Branche-
ry liquident leur passif, que la femme fait
des dépenses anormales à Bordeaux.
L'acte d'accusation raconte ensuite la
scène de l'assassinat, puis la dénonciation
d Henriette Ceurrèges, enfin les aveux.
On en vient aux dépenses exagérées ce
Parrot et de Gasol, à leurs propos suspect?
et enfin aux confidences de ce dernier s
sa maîtresse.
L'acte d'accusation dit encore quelques
mots des recherches du corps de la victime
dans la Garonne, de la découverte du corps
à Bordeaux le 27 octobre 1907, et de sa
reconnaissance par la femme Monget. 11
ajoute enfin que le médecin légiste ,1e doc-
teur Lande, ne releva pas de fraeturfc du
crâne et conclut à la mort par stran°gulu*
lation.
L'attitude des accusés
Pendant cette lecture, J'attitude des ac-
cusés est assez différente. Branchery pro-
teste fréquemment d'un haussement d'é-
paules. Sa femme secoue également la tè-
te. Parrot qui, parait-il, n'a plus la téta
très solide, rit tout à coup, caché derrière
son mouchoir. II CI,':;;;Ie presque constam-
ment à voix basse avec Lucia qui est sa
voisine. 1 f .t à ou
Au récit du crime, Branchery fait a. nou-
veau des signes de dénégation répétés.
Henriette Courrèges est encadrée do
deux gendarmes qui l'isolent des autres pc-
cusés, car on sait qu'elle fut la dénoncia-
trice, , et il se pourrait que ceux-ci lui ma-
nifestent un peu vivement leur rancune.
Pendant l'appel des témoins, Branchery,
Parrot et Lucia regardent en ricanant ceux
qui leur portèrent quelque tort pendant
l'instruction. B , 1
Un vieux paysan, nommé Boy, qui u
entôlé par la femme Branchery, provoqua
chez celle-ci une vive hilarité.
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