Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-02-15
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 15 février 1908 15 février 1908
Description : 1908/02/15 (N13854). 1908/02/15 (N13854).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
N° 13854. 25 Pluviôse An 116, ITTTrff If*" IIMT** T» ^TT——»** Samedi 15 »iMrrter 1908.-W 13884
LE XIX" SIECLE
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CONFLIT.
Que va-t-il résulter du conflit qui sem-
ble s'élever entre la commission sénato-
riale des retraites ouvrières et le gou-
vernement ? ,
Le projet voté par la Chambre, après
de longs et minutieux débats et depuis
plus de deux ans déjà, va-t-il sombrer
définitivement, ou trouvera-t-on un ter-
rain d'entente ?
Situation singulièrement grave pour
le parti républicain, et où il risque de
laisser croire à son impuissance.
Décision un peu étrange, aussi, de la
part de cette commission qui, pendant
de très longs mois, avec une lenteur
prudente et probablement voulue, tour-
ne et retourne sous toutes ses formes
le projet qui lui est soumis, enquête, dé-
libère, étudie, réfléchit, et qui tout d'un
coup, alors qu'on attend fébrilement ses
conclusions, se décide à opposer tout
simplement à la réforme un « non pos-
fumus » inattendu.
Que s'est-il donc passé et pourquoi
cette attitude nouvelle ?
Tout de suite, il faut reconnaître que
la résistance de la commission sénato-
riale trouve une excuse dans l'attitude
du gouvernement.
Jamais, en effet, au cours de ces deux:
années, le gouvernement n'a manifesté
sa ferme volonté de voir aboutir la ré-
forme à l'étude. Loin de presser 1a. com-
mission, souvent il lui a fait attendre
les renseignements sollicités par elle.
Partisan du projet de la Chambre sans
l'être, il n'a pas su prendre une attitude
nette et franche capable d'influencer
une commission méfiante. L'opinion du
ministre du travail, favorable au pro-
jet, se heurtait à l'opinion différente du
ministre des finances. Le président du
Conseil n'était nullement offusqué de
cette légère incohérence gouvernemen-
tale, et regardait joyeusement la lutte
de documents et de statistiques contra-
dictoires à laquelle s'employaient de
leur mieux le ministre des finances et
celui du travail.
Mais pendant ce temps-là, les adver-
saires des retraites ouvrières avaient
beau jeu pour combattre un projet que
le gouvernement n'osait ni accepter, ni
faire sien.
Puis l'accord se fait enfin et l'on
adopte le projet, en limitant la dépense
à cent millions.
Le remède était pire que le mal et
servait merveilleusement les affaires de
ceux qui combattaient la réforme ; ils
ne pouvaient moins faire que d'en pro-
fiter.
Qu'est-ce, en effet, que cette dépense
forfaitaire fixée arbitrairement à cent
millions, sinon la négation absolue du
projet de la Chambre ?
Ce projet crée un droit à toute une
catégorie de citoyens remplissant cer-
taines conditions, et fixe la valeur de ce
droit.
Du nombre seul des ayants droit dé-
pend la dépense totale, de même que la
part incombant à l'Etat, et on ne sau-
rait fixer cette dépense avant de con-
naître ce nombre, du reste infiniment
variable.
Quel que soit le chiffre de la pension
annuelle, la dépense ne peut être forfai-
taire, fixée définitivement à l'avance.
Et si c'est surtout cela que la commis-
sion sénatoriale a voulu montrer, si, en
même temps, elle a voulu forcer le gou-
vernement à prendre sa responsabilité
en cette affaire et à adopter enfin une
attitude logique et définitive, elle a eu
raison. La chose est assez importante
pour qu'un gouvernement républicain y
engage toute sa force et toute sa respon-
sabilité.
Mfeis si, au contraire, la commission
.veut ajourner la réforme, ou l'enterrer
après deux années d'études stériles,
nous ne saurions trop blâmer cette atti-
tude et protester de toutes nos forces.
Et la difficulté du problème financier
à résoudre ne saurait, en aucun cas,
justifier 1 abandon d'une réforme aussi
capitale.
Du reste, la-difficulté financière est-
elle aussi grande que M. Cuvinot sem-
ble le dire dans la note reproduite par
la presse ?
Et faudra-t-il beaucoup plus des cent
millions que M. le ministre des finances
consent à y consacrer ?
Je ne puis m'expliquer tout d'abord
de quelle façon M. Cuvinot arrive à éta-
blir que, pour la période transitoire, la
dépense incombant à l'Etat serait de
274 millions par an, les ayants droit
devant être au nombre de 2.269.000 et
la pension de cent-vingt francs par an.
Il y a évidemmentdans ces chiffres une
erreur.
De plus, aux cent millions, montant
00 la part de l'Etat dans la dépense, il
faut ajouter, semble-t-ii, les sommes
déjà inscrites au budget pour le service
aefi^Bnsions aux Vieillards indigents as-
sistés d'après la loi d'assistance en ap-
plication depuis le ier janvier 1907.
Ces dépenses grossissent avec une
énorme rapidité, parce que lest conseils
municipaux allongent chaque jour par
des inscriptions nouvelles la liste des
ayants droit, et manifestent la tendan-
ce d'élargir autant que possible les ba-
ses de la loi.
Dans bien des communes, même, on
peut dire que tous les vieillards {julTàti-*
raient droit à la retraite ouvrière-sont
d'ores et déjà inscrits sur la liste des
assistés. Et du coup on peut croire, que"
la part de dépenses incombant à 1?-Ètat,
du fait de la loi d'assistance, atteindra
entre 60 et 70 millions, peut-être même
davantage. -
Lorsque la loi sur les retraites sera
devenue une réalité, ces vieillards qui
jouissent déjà d'une pension ne la cu-
muleront pas avec la retraite.
Ou ils resteront inscrits sur ia liste
des assistés, et alors il faut les défal-
quer des 2.269.000 dont on parle — et
j'ai idée que de ce fait, ce chiffre sera
notablement réduit — ou ils cesseront
de faire partie de cette liste pour béné-
ficier de la loi nouvelle, et alors les dé-
penses de l'assistance aux vieillards
seront diminuées d'autafit.
Il ne peut y avoir cumul, double em-
ploi et du même coup double dépense.
On trouve là une disponibilité impor-
tante que d'aucuns chiffrent entre tren-
te et quarante millions, dont il faut
faire état.
Et c'est alors une ressource totale
d'environ 140 ou 150 millions qui peut
être affectée aux paiements des retraites
ouvrières, et nous ne sommes plus si
loin de compte.
Enfin il faut, il est indispensable que
dans un grand débat public, le Sénat
prenne sa part -de responsabilités. Une
réforme de cette importance ne s'étouffe
pas dans la salle close où délibère une
commission. C'est au grand jour qu'il
faqt l'examiner, la discuter.
Le gouvernement a là une belle occa-
sion d'agir et de faire oublier ses tergi-
versations et ses lenteurs.
Espérons qu'il en profitera.
MARCEL REGNIER.
Député.
0-- -
LE DEBOISEMENT
Une question de M. Delé-
glise au ministre, de l'agri-
culture a rappelé l'attention
de la Chambre sur un point
qui a son importance : celui
du déboisement.
Pendant des années on a taillé, haché
à tors et à travers dans les forêts. A
quoi donc étaient bons tous ces arbres ?
A faire du bois. Par conséquent, plus
vite allait le bûcheron, plus fort allait
le commerce.
Et un beau jour des torrents taris de-
puis des siècles se sont reformés, des
inondations sans précédent dans l'his-
toire contemporaine ont ravagé des dé-
partements entiers. Alors, on a décou-
vert que les arbres étaient les meilleurs
de nos défenseurs contre un certain
nombre de fléaux.
Le déboisement continue cependant,
au légitime désespoir des agriculteurs,
'des hygiénistes, des géologues et des
artistes.
Comment l'arrêter f Car il ne suffit
pas que les forêts domaniales soient res-
pectées. Il faut que les forêts apparte-
nant à des particuliers sotënt également
épargnées. Ici commence la grosse dif-
ficulté.
On a recommandé l'achat des futaies
menacées par l'Etat. Ce serait une ope-
ration coûteuse, impossible à entrepren-
dre au moment où le pays 9 besoin de
toutes ses ressources financières pour
accomplir et appliquer les réformes dé-
mocratiques si impatiemment atten-
dues.
Reste la ressource de préserver par
une loi l'existence des forets. Un tel
projet a été déposé. Il n'y a pas de doute
qu'il ne soit voté à brève échéance par
les Chambres. C'est une question d'in-
térêt général.
- -.
LES ON-DIT,
Histoire d'un salon
Le Salon de Poésie qui, grâce à l'ac-
tivité du président des Poètes français,
M. Haraucourt, va prendre place auprès
des sections d'art du Salon .annuel des
Artistes français, a déjà son histoire. Il
y aura bientôt trois ans, en effet, que
le comité de la Société des Poètes, pré-
sidé alors par M. Emile Blémont, asso-
ciait, sur l'initiative de notre confrère
Alcanter de Brahm, promoteur du pro-
jet et fondateur de la Société, l'idée de
ce Salon de Poésie à celle du Prix de
Rome des Poètes, et décidait d'en étu-
dier la meilleure réalisation, après en-
tente avec le Salon de- musique organisé
par M. Viardot à la Société Nationale.
Le Rappel publia d'ailleurs à ce sujet
une chronique dans son numéro du 10
août 1905. L'urgence des démarches re-
latives au Prix de Rome, devenu, com-
me on sait, bourse nationale de voyage
littéraire, fit reculer de quelque temps
la mise au point du Salon des Poètes
.qui, sous les vigilants auspices des poè.
tes Edmond Haraucourt, Emile Blé-
mont, Alcanter de Brahm, et du comité
de la Société des Poètes français, réali-
sera, nous n'en doutons pas, le noble
vœu commun aux poètes, aux artistes et
au pub'ic amateur de beaux vers,.
Un aliéné avait prédit Pie X
Le don de prophétie voisinerait-il avec
l'aliénation mentale ? La pythie de Del-
piles ne voyait jamais mieux l'avenir
qu'en état de délire sacré et les prophè-
tes.de la Bible avaient parfois des cri-
ses d'un caractère inquiétant. Il y avait,
voici pfus. crune dizaine d'années, dans
les asiles de la Seine un aliéné bien
connu des spécialistes, un ancien prê-
tre qui déclarait être Pie X et traitait
Léon XIII de renégat. Il se vantait d'être
le plus grand chimiste du siècle et ful-
minait contre le, modernisme clérical.
Déjà 1 Je détache de ses œuvres épar-
ses un fragment abracadabrant, qui a
paru dans une assez curieuse brochure
du Dr Emile Laurent sur la Poésie déca-
dente devant la Science psychiatrique :
CONSTITUTION NOUVELLE TRANSFIGURÉE
DE PIE X
« Prospérité, liberté, perégalité !
« 0 Jubileur entiaré 1 Sacripant bis-
markisard 1 Arbitre vaticaniche à mor-
sures pastorifiques 11 ! Ecoute le chant
du cygne de ton impavide Redresseur,
ton dompté dompteur, ô lion gallopho-
be 1 Antéchrist, Léon treizième du nom!
« Autre Samson, nouveau Lamennais,
le bon, le meilleur, l'excellent et sur-
excellent même. D'autant plus que j'ai,
moi — Dieu merci ! — plus de séques-
trations à mon actif que de spoliations
à mon passif. »
Assez, n'est-ce pas ? le docteur Lau-
rent, qui est un pince-sans-rire déli-
cieux, trouvait que ces choses-là per-
daient à ne pas avoir été mises en vers.
Elles auraient, son sens, mérité d'ê-
tre comparées .,.';"! élucubrations déca-
dentes de MM. Léo d'AfI,kaï- ou Louis
Pilate de Brinn'Gaubast.
Victor Hugo en Hollande
On vient de publier d'intéressants dé-
tails concernant les voyages de Victor
Hugo en Hollande et l'influence qu'il
exerça là-bas sur les générations litté-
raires. Quelques vers publiés dans Der-
nière gerbe semblent indiquer qu'il vi-
sita une première fois ce pays vers
1861. En i866, le grand poète fit un
court séjour en Hollande. Il avait été
précédé par la légende de sa gloirfu
Dès i829, un poète obscur, Van der
Hoop, avait traduit quelques-unes des
Orientales ; à partir de ce moment, les
versions de succèdent sans relâche, iné-
gales de ton et de valeur. Ce ne fut
qu'après 18-42 que l'on se mit à traduire
le théâtre du maître. L'opinion hollan-
daise se scandalisa du Roi s'amuse et
des Châtiments. Les pièces de Hugo qui
obtinrent la plus vive popularité furent
Lorsque l'enfant parait -et les Pauvres
gens.
Le Passant.
LE CREDIT AGRICOLE
SANS INTÉRÊTS1,1
Dans mon dernier article, j'ai mis en évi-
dence le concours financier que le billet hy-
pothécaire apporterait gratuitement aux
cultivateurs exploitant eux-mêmes leurs
propriétés. Je vais démontrer que le ren-
tier, affermant ses ten-es, trouverait égale-
ment dans le billet hypothécaire des avan-
tages précieux qui lui échappent aujour-
d'hui.
Que ce dernier, en effet, moyennant une
somme de cent vingt francs par an, loue à
un fermier une 'pièce de terre d'une valeur
de six mille francs, c'est tout ce qu'il peut
en tirer actuellement.
Sur les bases du billet hypothécaire, il
pourrait mobiliser "deux - mille francs et
acheter des titres de tout repos qui, au re-
venu de 3 %, lui rapporteraient soixante
francs en plus que son fermage. La pro-
priété foncière, par les avantages jusqu'ici
inconnus qu'elle offrirait à ses détenteurs,
ne pourrait manquer d'être recherchée et de
,reconquérir graduellement ses anciens
cours.
Le billet hypothécaire, il es' vrai, serait
ici détourné de sa véritable affectation. 11
en serait de même si un industriel ou un
commerçant, tous deux propriétaires d'im-
meubles, mobilisaient leurs parcelles de
terre pour agrandir l'un son usine, l'autre
le cercle de ses opérations. Mais dans ces
conditions qui laisseraient l'agriculture
sans capitaux, comme elle y est en partie
restée jusqu'ici, n'est-il pas évident que les
billets hypothécaires, offerts ainsi au com-
merce et à l'industrie dans des conditions
exceptionnelles de bon marché permet-
traient à la production nationale, paralvsée
par le taux exorbitant du crédit des ban-
quiers. de s'ouvrir dans le monde entier
des débouchés nouveaux ?
L'abondance des capitaux permettrait de
développer la richesse de nos colonnes ; de
créer des comptoirs sur tous les points du
globe : de faire reconquérir à nos produits
la prépondérance qu'une concurrence sou-
vent déloyale leur a fait perdre sur cer-
tains marenés étrangers ; de faire préva-
loir, en un mot, dans toutes le? parties de
l'univers, les vues larges de notre civilisa-
tion.
De cet essor donné au commerce et à
l'industrie, résulteraient naturellement pour
l'agriculture un écoulement DIus facile de
ses produits et des cours plus rémunéra-
teurs.
En tout état de cause, l'agriculture n'au-
rait donc que des avantages a recueillir de
la création du billet hypothécaire, môme
n'aUât-il pas directement à elle.
.On m'objectera, sans doute, que ce sys-
tème de crédit agricole ne profiterait pas
aux fermiers-locataires, dont la fortune ne
consiste qu'en matériel de culture et en
bestiaux.
Cela est vraf. -
Mais le billet hypothécaire doit être ga-
ranti d'une' façon absolue.
Or, le matériel agricole est sujet à dé-
térioration et le bétail de ferme peut dis-
(1) Voir les nle des 8 et 12 février. -
paraître par fraude, accidents ou malar
dies.
Les agriculteurs qui se trouvent dans ce
cas doivent donc chercher aide et crédit
dans des associations et banques mutuelles.
On pourra me demander peut-être pour-
quoi je borne la mobilisation de la proprié-
té foncière au tiers seulement de sa valeur
leur intrinsèque.
C'est d'abord parce que cette quote-part
peut suffire comme capital routent à la phi-
part des cultivateurs, en tant que sacrinces
d'engrais et amélioration d'outillage agri-
cole.
Ensuite, .c'est parce qu'il faut que l'Etat
ait une double garantie vis-à-vis dès te-
nants dont il cautionnerait les billets, bien
que cependant la terre soit actuellement à
un prix tellement bas, qrriï semble peu-
probable que sa dépréciation s'accentue da-
vantage.
Enfin, étant donnée la facilité d'avoir
ainsi des capitaux disponibles, certains pro
priétaires pourraient se laisser aller a la
prodigalité. Il conviendrait de les prémunir
contre leur propre entraînement.
Il est à remarquer d'ailleurs qu'un pro-
priétaire sachant répartir sagement la mo-
bilisation de ses propriétés foncières, pour-
rait avoir un capital roulant permanent
sans jamais être obsédé par ie cauchemar
de l'échéance.
En effet, dans le cas que je citais en mon
précédent article, je suppose que M. Paul,
au lieu de mobiliser pour cinq ans le tiers
de la valeur de sa propriété, n'en mobilise
que le sixième : il mettra mille francs en
circulation. Mais en fin de la cinquième an-
née, il mobilisera le second sixième qui lui
servira à faire face à l'échéance du pre-
mier. Alternativement chaque sixième re-
devenant disponible, on voit que, sans sou-
cis ni. tracas, M. Paul peut indéfiniment
s'assurer un capital roulant toujours chan-
geant, il est vrai, mais cependant toujours
libre. Ici, M. Paul propose à l'Etat de mo-
biliser une propriété indemne de toute
charge ; mais la solution serait la même
s'il offrait en garantie une parcelle de ter-
re d'une valeur intrinsèque de neuf mille
francs déjà grevée d'une hypothèque de
mille francs. Jusqu'à concurrence du tiers
"de la valeur totale de ladite parcelle, il
pourrait toujours mobiliser deux mille
francs.
Tel est, dans sa simplicité, le mécanisme
du billet hypothécaire ; billet-monnaie, je
le répète, s'offrant sous le couvert de la
discrétion au possesseur du plus infime
coin de terre, alors que les banques exis-
tantes ne sont accessibles qu'aux déten-
teurs d'importantes propriétés. Et cepen-
dant, 85 des propriétaires fonciers re-
présentent la petite culture ; ils constituent
la puissance vitale des campagnes : ils mo-
biliseraient pour améliorer leur patrimoine
et leur outillage agricole ; pour acheter en
temps opportun quelques têtes de bétail ou
le lopin de terre qui servirait de trait d'u-
nion entre deux parcelles minuscules.dont
les frais d'exploitation seraient de ce chef
sensiblement réduits ; pour agrandir leur
culture et y intéresser leurs enfants que
l'impossibilité du crédit fait actuellement
affluer vers les villes où leur exode consti-
tue plutôt un danger et où les attendent
toutes les déceptions. Car, qu'v deviennent-
ils le plus souvent, sinon la fille, un objec-
tif constant de toutes les séductions et le
fils, aigri par les chômages et la misère,
un artisan des grèves et des émeutes ?
Mais. en matière de législation agricole,
n'est-ce pas positivement placer la charrue
devant les bœufs que de créer partout des
écoles d'agriculture sans mettre parallèle-
ment aux mains des cultivateurs le crédit
sans intérêts, laTgement accessible à tous,
c'est-à-dire l'instrument capital par "excel-
lence qui doit leur permettre de tenter
fructueusement l'application pratique des
procédés indiqués par la science agronomi-
que ?
Loir.
Dans mon dernier article, paru av Rap-
pel du 12 février quelques coquilles du
compositeur :
7° alinéa, il faut lire : C'est, en fait, une
sorte de mobilisation.
15° alinéa, il faut lire : fi Billet hypothé-
caire », puis sa valeur. Et en caractères
bien apparents dans le corps de chaque
billet, la date de son retrait de la circula-
tion.
Avant dernier alinéa, 1 faut lire : .de
cinquante centimes. pour frais d'admi-
nistration et d'émission du papier hypothé-
caire, ainsi que pour la création d'un capi-
tal de garantie destiné, le cas échéant, à
rembourser aux détenteurs de bonne foi,
les billets que des faussaires pourraient
mettre en circulation. Voilà le crédit agri-
cole dont il faut doter la France crédit
sans intérêts, seul capable de seconder effi-
cacement l'agriculture en ce sens qu'il se-
rait accessible au propriétaire du plus mi-
nuscule lopin de terre.
T
LA JOURNEE POLITIQUE
Le conseil des ministres
Le conseil des ministres s'est réuni hier
matin à l'Elysée, sous la présidence de M.
Fallières.
La majeure partie (Tt la séance a été em-
ployée à l'examen de la question des re-
traites ouvrières.
Le conseil s'est également Qçcupé des
travaux de la commission sénatoriale d'en-
quête sur la liquidation des biens des con-
grégations. Le garde des sceaux a fait sa-
voir qu'il allait écrire au président de cette
commission pour le prier de s expliquer sur
les erreurs qu'il lui reproche, à tort, sui-
vant lui, d'avoir commises.
La question du gouvernement général de
l'Afrique occidentale n'a pas été résolue
hier. La solution en est renvoyée à la se-
maine prochaine.
M. Cruppi
M. Cruppi, ministre au commerce et de
l'industrie, accompagné de M. Gabelle, di-
recteur de l'enseignement technique au mi-
nistère. a visité hier le Conservatoire na-
tional des arts-et-métiers.
Un répertoire des industries et des
professions 0
M. René Viviani, ministre du travail, a
décidé l'établissement d'un répertoire tech-
nologique des industries et aes professions.
Cet ouvrage comprendra non seulement
la nomenclature exacte mais encore la des-
cription sommaire et précise ues industries,
professions et métiers, avec la désignation
des termes techniques dans. les trois lan-
gues, française, anglaise et allemande. -.
La publication d'un tel répertoire est au-
jourd'hui indispensable et rendra les plus
grands services à ceux qui se livrent à l'é-
tude de plus en plus minutieuse et exacte
'des questions de recensement de stafisfi-
que professionnelle et d'assurances.
Ajoutons que l'idée de cette publication
soumise par M. March, chef du service de
la statistique générale au ministère du tra-
vail, à la session de l'institut international
de statistique qui s'est tenue l'an dernier à
Copenhague, a reçu Fapprobation de cette
compagnie, dont les membres collabore-
ront à l'œuvre d'adaptation do repère aux
conditions industrielles eT aux habitudes de
langage des pays n ISngue allemande ou
"de langue anglaise.
La commission des pêches
La commission interdépartementale de
pêche des conseils généraux du bassin de
la Loire s'est réunie au Palais du Sénat,
sous la présidence de M. du Gaussay, con-
seiller général d'Indre-et-Loire et ancien dé-
puté.
Après avoir entendu les explications du
délégué général sur les travaux de la com-
mission officielle du ministère de l'agricul-
ture, et sur l'état des négociations enga-
gées avec les divers ministères, particuliè-
rement avec celui de la marine, au sujet
des pèches illégales des inscrits en Basse-
Loire, elle a, de plus, sur les propositions
respectives de MM. du Saussay, Adolphe
Carnot, président du conseil général de la
Charente, directeur de l'Ecole supérieure
des mines ; Blachez, conseiller général de
Maine-et-Loire ; Givois conseiller général
de l'Allier, émis une série de résolutions re-
latives aux pollutions industrielles de la
Vienne, de la Creuse et de l'Esore, à la sup-
pression des filets-barrages, au maintien
de la réserve de Châtellerault, etc.
LES BELLES FÉES
Naguère encore, les Fées étaient les
victorieuses adversaires du temps :
Fées Viviane de Broceliande, Mélusine
de Lusignan, Fées des Contes de Per-
rault, tout d'elles et de leurs merveil-
leuses histoires était resté jeune, beau,
aimé. Les directeurs de-théâtres qui se
les disputaient, surtout au temps du se-
cond Empire, les poètes, les musiciens,
les dessinateurs, les costumiers, les ma-
chinistes, tous ces amis intéressés des
Fées n'avaient pas de préférence pour
celles-ci plus que pour celles-là, les
considérant, non pas en mères et fil-
les, mais en sœurs, les unes des autres.
Ainsi, les belles Fées, en vérité de très
vieilles dames, vivaient gaillardement
de cet air du temps dont se fait l'éter-
nité. Les hommes semblaient les avoir
gardées comme de vieilles maîtresses
immortelles. Puis, insensiblement,
mais irrémissiblement., voilà que les
Fées agonisent avec les Féeries. Deux
beaux, deux vaillants artistes, poète et
comédienne, oijt-ils voulu ranimer ces
mourants ? Rien n'y fera. De même que
tous les personnages de légendes, les
Fées ont accompli leur temps.
Non, ô Fées, ô vieilles maîtresses, ne
vous faites pas d'illusion, vous serez
« plaquées ». On vous aimait parce que
vous plaisiez. On ne vous aime plus
parce que vous ne plaisez plus.
Ne vous indignez pas trop de cette
satiété où l'on vous tient. En somme,
n'avez-vous pas été plus heureuses que
vos sœurs, les Reines, qu'on dirait à ja-
mais couchées près des cercueils de
leurs amis les Goncourt ?
N'avez-vous pas fait le maximum d'a-
dulation, d'exaltation, de gloire ? Après
avoir été ainsi portées, de génération en
génération, d'avoir traîné les planches
des théâtres, les gros volumes illustrés
par Doré, ô Fées ! ne fallait-il. pas la
nrévoir, cette fin ? -'
Vos fidèles adorateurs diront sans
doute que votre agonie est le signe d'un
temps, de celui qu'Edgar Poë appréhen.
dait assez à l'avance, il y a quelque
soixante ans, lorsqu'il le baptisait celui
des « Abominations rectangulaires, vas-
te barbarie éclairée au gaz. »
Barbarie, qui ne pourra moins fai-
re que d'être éclairée à l'électricité que
nous avons déjà.
Au fait, peut-être est-il bien venu à
force d'avoir été prédit, ce temps que
Beaudelaire aussi attaquait avant, de
ses paradoxes les plus salaniques, de
ses sarcasmes, exprimés avec cette froi-
deur britannique, cette sobriété de pa-
roles, de gestes qui lui étaient propres
et qu'il exerçait en ce club des Man-
geurs de haschich, chez Boissard, en cet
hôtel Pimodan où, sur un de ces cana-
pés de tapisserie représentant des sujets
de chasse d'Oudry, il amait à s'asseoir
près du beau modèle que; se disputaient
alors les peintres, les monteurs de fée-
ries, près de cette Maryx, vêtue, en ces
nuits, d'une roble planche à pois rou-
ges : « La robe où les poètes ont pleu-
ré, » disait Gautier. v
Que notre temps soit ou non d'abo-
minations rectangulaires, il n'en de-
meure pas moins vrai que bientôt, peut-
être, avec le théâtre en vers — touché,
lui aussi, de langueur — les Fées ne
tiendront plus qu'une vague place de
notre souvenir. A peine y pensera-t-on,
comme à ces belles vieilleries à qui de
temps en temps l'on fait une visite de
politesse dans les musées. Et certes, ô
Fées 1 vous mériterez de plus que l'on
renouvelle cette petite concession provi-
soire dans le cœur de nos enfants. Une
vieille nourrice n'a-t-elle pas droit à
l'hospitalité dans la maison du père de-
venue la maison du fils ? En votre exil
qui s'ébauclie, pauvres Fées, nous fai-
tes-vous déjà songer à de vieilles ou-
vreuses en retraite, les vieilles ouvreu-
ses de l'Imagination et du Rêve qui ont
du plomb dans l'aile ?
Que diable ! aussi vous lûtes mal dér
fendues. Vos partisans n'ont pas assez
combattu les succès toujours grandis-
sants de votre concurrente, la Commère
de revue, dispen:d riee d'un faste pro-
saïque que, de plus en plus, l'on préfé-
rerait à votre merveilleux île légende.
La Commère, dont le triomphe a été as-
suré lorsqu'elle est devenue la petite
bonne à tout faire. paraître de l'actua-
lité, à montrer jusqu'aux plus intimes
dessous de la vie parisienne, satisfai-
sant ainsi notre instinct de vieilles con-
cierges, ne nous marchandant pas notre
plaisir, nous le donnant à savourer béa..
lement, bêtement, cigare aux lèvres.-
Donc, détrônée, volée par la Commë.
re, qui fit de votre baguette sa longue
canne enrubannée, vous êtes « de la re-
vue », ô pauvres Fées 1
Ainsi, votre départ de personnes ima-
ginaires entraînera-t-il celui de person-
nes bien réelles : les belles filles qui
étaient Jes belles Fées et dont on fait
aujourd'hui. les Commères. r
Sans doute, prévoyant ce coup droit
porté par le caprice, quelques-unes de
vous y ont échappé. Elles ont abandon-
né le camp dangereux, la féerie, et sont
devenues qui, des comédiennes, qui des
Commères.
Grâce à ces métamorphoses, on vous
retrouve ici et là sur ces petits univers :
les théâtres, qui ont pour lumière l'é-
lectricité, pour lune une ampoule der-
rière un transparent, pour population'
des êtres barbouillés d'au moins autaal
de couleurs que les derniers Sioux-
loways. -
Coquetterie, hasard, il se trouve quef
des Fées reprennent au coin du Bois
dormant, où elles le jetèrent, leur cos-
tume de Fée ou quelque autre appro-
chant : témoin cette ex-Fée, tragédien-
ne hier, Prince Charmant aujourd'hui.
0 Prince Charmant ! 0 Sarah lque
de belles choses aurai-je. apprises sur
ce temps où vous naquîtes au monde
des Fées ! Mais votre approche n'est pas
très facile à tout mortel qui n'est pas
familier de votre saint-office. Devant
votre porte, quel est ce gardien vigi-
lant ? Il ressemble d'assez près, plus
encore que d'assez loin, à quelque - gno.
me que l'on voudraiàSôen saisir à sa ti-
gnasse noire, à ses oreilles pointues et
larges de satyres, à seule fin de le jeter
du haut en bas de vos escaliers. Maïs
ses longues incisives déco uvf, rteîr-par
son affreux rictus intimident. Mord-il ?.
Pierre dobbé-Dnval.
(A suivre.)
M I ■
A LA CHAMBRE
Les dangers du déboisement. — L'im-
pôt sur le revenu. — M. Ribot
critique le projet du gouver-
nement
La iséance est ouverte à deux heures sous
ta présidence de M. Etienne.
Le président fait connaître que M.
Alexandre Bérard, élu sénateur, donne sa -
démission de député.
La parole est ensuite donnée à M. Delé-
glise pour adresser une question au minis-
tre de l'agriculture, qui l'accepte, t'ur les-
dangers de la déforestatiojo en maose qui
s'opère dans certaines régions de la Fran-
ce.
M. Germain Périer a déjà signalé ici la des-
truction des forêts du Morvan ; grâce à l'am-
nistie, le propriétaire n'a pas été frappé.
Le même fait s'est produit dans Je Jura et
dans le département d'Eure-et-Loir, où la forêt
de Marchenoir a été détruite. De même kt
forêt d'Eu, celle d'Amboise sont menactes. Dans
l'Est, des Allemands achètent nos forêts pour,
les détruire.
On sait les ravages que les déboisements opt
causé dans les régions des Alpes, des Pyrénées
et du centre de la France. (Très bien 1 Très
bien !)
C'est là une des principales causes des inon-
dations dans les plaines et de l'éboulement dos
terres dans les contrées montagneuses. C'est un
véritable danger national.
Il faut mettre un terme à de pareilles dévas-
tations. Le droit du propriétaire doit oéder à1
l'intérêt général. (Très bien ! Très bien J)
Quelles mesures, demande M. Delégltset te
gouvernement cûmpte-t-il prendre dans l'intérêt
du pays contre les destructeurs de nos forêts 1,
(Applaudissements.) -
M. Ruau, ministre de l'agriculture, ré,
pond que l'Etat, usant des droits que lui
donne le code forestier çfst intervenu en ce
qui touche les forêts du Morvan où la dél
vastation a été arrêtée.
En ce qui concerne la forêts de Maj-chenoir,
l'exploitation conserve, dans les coupes, 52 ba-
liveaux à l'hectare.
Pour les autres exemples de la déforesta-'
tion qui ont été cités, l'administratiton fera res-
pecter la loi, car. ainsi qu'on l'a dit, il y a un
véritable dangtir public à voir disparaître notre
domaine forestier. (Très bien ! Très bien !) »
Le projet que j'avais déposé en 1906 vise les.
déboisements abusifs des forêts des particuliers..
Je suis tout disposé à le reprendre, car il y w
là le remède cherché, attendu que, dans l'étatf
actuel dæ choses, l'administration est désarmée
contre ces déboisements dangereux. (Applaudis-
sements.}
M. Delèglise. — Je prends acte de la déclara-
tion du ministre et je l'en remercie. J'espète
que le projet de loi de 1906 sera voté à bref
délai. (Applaudissements.) ..,
L'incident est dos.
LA REFORME FISCALE ,
On revient à la discussion générale du
projet de loi de l'impôt sur le revenu.
M. Ribot a la parole et rappelle qu'à phi-
sieurs reprisqs il a pris la défense de me -
contributions directes. D'ailleurs, tous loa
ministres des finances,- M. Caillaux lui-
même ont fait comme lui. -
Notre système d'impôts donne à nos budgets
une base large et solide. Il exclut tout arbi-
traire et rend plus facile au contribuable l'ac
ouittement de sa dette envers l'Etat.
Mais cela ne m'a pas empêché de reconnaî-
tre, que le système avait vieilli, quii fallait dofl-
ner plus d'élasticité à nos impôts, combkr des
lacunes trop évidentes, dégrever certains reve-
nus à la base, fru,pp:-l' au sommet d'autres tcvo
nus. Tout cela, je l'ai reconnu.
Mais le ministre des finances a affirmé que
notre système t'impùls frapperait plus sua' les
fortunes rnoyerijO* que sur les gros revenus qui
dépassent 20.000 francs ; sur ce point, je ne
suis pas d'accord avec lui, et j'estime qu'il
est nécessaire de relever une telle affirmation.
(Trfs Mon 1 Très bien ! au centre.)
Le ministre s':!st appuyé sur un tableau dres-
sé par les insriecteii-rs des finances. L'inspec-
teur des finances se irompo rarement, mais si
on lui fournit des dfiiiîté^ hypothétiques, son
travail ne vaut rien sur le fond.
Parlant des 25.000 /SOndages auxquels oh
a procédé, M. D.ibot craint que des erreurs
nombreuses n'aient pu se produire alors
qu'on procédait à ces opérations en l'ab-
sence de. toute contradiction (Très bien :
très bien t au centre et à droite).
Nos impôts ont besoin d'être réformés, tout
!e monde le déchux! mais nous ne les réformons
pas. Les uns disent : « Le vieux système est
usé. il faut le jetar nac. terre, a Les oukttg.
LE XIX" SIECLE
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CONFLIT.
Que va-t-il résulter du conflit qui sem-
ble s'élever entre la commission sénato-
riale des retraites ouvrières et le gou-
vernement ? ,
Le projet voté par la Chambre, après
de longs et minutieux débats et depuis
plus de deux ans déjà, va-t-il sombrer
définitivement, ou trouvera-t-on un ter-
rain d'entente ?
Situation singulièrement grave pour
le parti républicain, et où il risque de
laisser croire à son impuissance.
Décision un peu étrange, aussi, de la
part de cette commission qui, pendant
de très longs mois, avec une lenteur
prudente et probablement voulue, tour-
ne et retourne sous toutes ses formes
le projet qui lui est soumis, enquête, dé-
libère, étudie, réfléchit, et qui tout d'un
coup, alors qu'on attend fébrilement ses
conclusions, se décide à opposer tout
simplement à la réforme un « non pos-
fumus » inattendu.
Que s'est-il donc passé et pourquoi
cette attitude nouvelle ?
Tout de suite, il faut reconnaître que
la résistance de la commission sénato-
riale trouve une excuse dans l'attitude
du gouvernement.
Jamais, en effet, au cours de ces deux:
années, le gouvernement n'a manifesté
sa ferme volonté de voir aboutir la ré-
forme à l'étude. Loin de presser 1a. com-
mission, souvent il lui a fait attendre
les renseignements sollicités par elle.
Partisan du projet de la Chambre sans
l'être, il n'a pas su prendre une attitude
nette et franche capable d'influencer
une commission méfiante. L'opinion du
ministre du travail, favorable au pro-
jet, se heurtait à l'opinion différente du
ministre des finances. Le président du
Conseil n'était nullement offusqué de
cette légère incohérence gouvernemen-
tale, et regardait joyeusement la lutte
de documents et de statistiques contra-
dictoires à laquelle s'employaient de
leur mieux le ministre des finances et
celui du travail.
Mais pendant ce temps-là, les adver-
saires des retraites ouvrières avaient
beau jeu pour combattre un projet que
le gouvernement n'osait ni accepter, ni
faire sien.
Puis l'accord se fait enfin et l'on
adopte le projet, en limitant la dépense
à cent millions.
Le remède était pire que le mal et
servait merveilleusement les affaires de
ceux qui combattaient la réforme ; ils
ne pouvaient moins faire que d'en pro-
fiter.
Qu'est-ce, en effet, que cette dépense
forfaitaire fixée arbitrairement à cent
millions, sinon la négation absolue du
projet de la Chambre ?
Ce projet crée un droit à toute une
catégorie de citoyens remplissant cer-
taines conditions, et fixe la valeur de ce
droit.
Du nombre seul des ayants droit dé-
pend la dépense totale, de même que la
part incombant à l'Etat, et on ne sau-
rait fixer cette dépense avant de con-
naître ce nombre, du reste infiniment
variable.
Quel que soit le chiffre de la pension
annuelle, la dépense ne peut être forfai-
taire, fixée définitivement à l'avance.
Et si c'est surtout cela que la commis-
sion sénatoriale a voulu montrer, si, en
même temps, elle a voulu forcer le gou-
vernement à prendre sa responsabilité
en cette affaire et à adopter enfin une
attitude logique et définitive, elle a eu
raison. La chose est assez importante
pour qu'un gouvernement républicain y
engage toute sa force et toute sa respon-
sabilité.
Mfeis si, au contraire, la commission
.veut ajourner la réforme, ou l'enterrer
après deux années d'études stériles,
nous ne saurions trop blâmer cette atti-
tude et protester de toutes nos forces.
Et la difficulté du problème financier
à résoudre ne saurait, en aucun cas,
justifier 1 abandon d'une réforme aussi
capitale.
Du reste, la-difficulté financière est-
elle aussi grande que M. Cuvinot sem-
ble le dire dans la note reproduite par
la presse ?
Et faudra-t-il beaucoup plus des cent
millions que M. le ministre des finances
consent à y consacrer ?
Je ne puis m'expliquer tout d'abord
de quelle façon M. Cuvinot arrive à éta-
blir que, pour la période transitoire, la
dépense incombant à l'Etat serait de
274 millions par an, les ayants droit
devant être au nombre de 2.269.000 et
la pension de cent-vingt francs par an.
Il y a évidemmentdans ces chiffres une
erreur.
De plus, aux cent millions, montant
00 la part de l'Etat dans la dépense, il
faut ajouter, semble-t-ii, les sommes
déjà inscrites au budget pour le service
aefi^Bnsions aux Vieillards indigents as-
sistés d'après la loi d'assistance en ap-
plication depuis le ier janvier 1907.
Ces dépenses grossissent avec une
énorme rapidité, parce que lest conseils
municipaux allongent chaque jour par
des inscriptions nouvelles la liste des
ayants droit, et manifestent la tendan-
ce d'élargir autant que possible les ba-
ses de la loi.
Dans bien des communes, même, on
peut dire que tous les vieillards {julTàti-*
raient droit à la retraite ouvrière-sont
d'ores et déjà inscrits sur la liste des
assistés. Et du coup on peut croire, que"
la part de dépenses incombant à 1?-Ètat,
du fait de la loi d'assistance, atteindra
entre 60 et 70 millions, peut-être même
davantage. -
Lorsque la loi sur les retraites sera
devenue une réalité, ces vieillards qui
jouissent déjà d'une pension ne la cu-
muleront pas avec la retraite.
Ou ils resteront inscrits sur ia liste
des assistés, et alors il faut les défal-
quer des 2.269.000 dont on parle — et
j'ai idée que de ce fait, ce chiffre sera
notablement réduit — ou ils cesseront
de faire partie de cette liste pour béné-
ficier de la loi nouvelle, et alors les dé-
penses de l'assistance aux vieillards
seront diminuées d'autafit.
Il ne peut y avoir cumul, double em-
ploi et du même coup double dépense.
On trouve là une disponibilité impor-
tante que d'aucuns chiffrent entre tren-
te et quarante millions, dont il faut
faire état.
Et c'est alors une ressource totale
d'environ 140 ou 150 millions qui peut
être affectée aux paiements des retraites
ouvrières, et nous ne sommes plus si
loin de compte.
Enfin il faut, il est indispensable que
dans un grand débat public, le Sénat
prenne sa part -de responsabilités. Une
réforme de cette importance ne s'étouffe
pas dans la salle close où délibère une
commission. C'est au grand jour qu'il
faqt l'examiner, la discuter.
Le gouvernement a là une belle occa-
sion d'agir et de faire oublier ses tergi-
versations et ses lenteurs.
Espérons qu'il en profitera.
MARCEL REGNIER.
Député.
0-- -
LE DEBOISEMENT
Une question de M. Delé-
glise au ministre, de l'agri-
culture a rappelé l'attention
de la Chambre sur un point
qui a son importance : celui
du déboisement.
Pendant des années on a taillé, haché
à tors et à travers dans les forêts. A
quoi donc étaient bons tous ces arbres ?
A faire du bois. Par conséquent, plus
vite allait le bûcheron, plus fort allait
le commerce.
Et un beau jour des torrents taris de-
puis des siècles se sont reformés, des
inondations sans précédent dans l'his-
toire contemporaine ont ravagé des dé-
partements entiers. Alors, on a décou-
vert que les arbres étaient les meilleurs
de nos défenseurs contre un certain
nombre de fléaux.
Le déboisement continue cependant,
au légitime désespoir des agriculteurs,
'des hygiénistes, des géologues et des
artistes.
Comment l'arrêter f Car il ne suffit
pas que les forêts domaniales soient res-
pectées. Il faut que les forêts apparte-
nant à des particuliers sotënt également
épargnées. Ici commence la grosse dif-
ficulté.
On a recommandé l'achat des futaies
menacées par l'Etat. Ce serait une ope-
ration coûteuse, impossible à entrepren-
dre au moment où le pays 9 besoin de
toutes ses ressources financières pour
accomplir et appliquer les réformes dé-
mocratiques si impatiemment atten-
dues.
Reste la ressource de préserver par
une loi l'existence des forets. Un tel
projet a été déposé. Il n'y a pas de doute
qu'il ne soit voté à brève échéance par
les Chambres. C'est une question d'in-
térêt général.
- -.
LES ON-DIT,
Histoire d'un salon
Le Salon de Poésie qui, grâce à l'ac-
tivité du président des Poètes français,
M. Haraucourt, va prendre place auprès
des sections d'art du Salon .annuel des
Artistes français, a déjà son histoire. Il
y aura bientôt trois ans, en effet, que
le comité de la Société des Poètes, pré-
sidé alors par M. Emile Blémont, asso-
ciait, sur l'initiative de notre confrère
Alcanter de Brahm, promoteur du pro-
jet et fondateur de la Société, l'idée de
ce Salon de Poésie à celle du Prix de
Rome des Poètes, et décidait d'en étu-
dier la meilleure réalisation, après en-
tente avec le Salon de- musique organisé
par M. Viardot à la Société Nationale.
Le Rappel publia d'ailleurs à ce sujet
une chronique dans son numéro du 10
août 1905. L'urgence des démarches re-
latives au Prix de Rome, devenu, com-
me on sait, bourse nationale de voyage
littéraire, fit reculer de quelque temps
la mise au point du Salon des Poètes
.qui, sous les vigilants auspices des poè.
tes Edmond Haraucourt, Emile Blé-
mont, Alcanter de Brahm, et du comité
de la Société des Poètes français, réali-
sera, nous n'en doutons pas, le noble
vœu commun aux poètes, aux artistes et
au pub'ic amateur de beaux vers,.
Un aliéné avait prédit Pie X
Le don de prophétie voisinerait-il avec
l'aliénation mentale ? La pythie de Del-
piles ne voyait jamais mieux l'avenir
qu'en état de délire sacré et les prophè-
tes.de la Bible avaient parfois des cri-
ses d'un caractère inquiétant. Il y avait,
voici pfus. crune dizaine d'années, dans
les asiles de la Seine un aliéné bien
connu des spécialistes, un ancien prê-
tre qui déclarait être Pie X et traitait
Léon XIII de renégat. Il se vantait d'être
le plus grand chimiste du siècle et ful-
minait contre le, modernisme clérical.
Déjà 1 Je détache de ses œuvres épar-
ses un fragment abracadabrant, qui a
paru dans une assez curieuse brochure
du Dr Emile Laurent sur la Poésie déca-
dente devant la Science psychiatrique :
CONSTITUTION NOUVELLE TRANSFIGURÉE
DE PIE X
« Prospérité, liberté, perégalité !
« 0 Jubileur entiaré 1 Sacripant bis-
markisard 1 Arbitre vaticaniche à mor-
sures pastorifiques 11 ! Ecoute le chant
du cygne de ton impavide Redresseur,
ton dompté dompteur, ô lion gallopho-
be 1 Antéchrist, Léon treizième du nom!
« Autre Samson, nouveau Lamennais,
le bon, le meilleur, l'excellent et sur-
excellent même. D'autant plus que j'ai,
moi — Dieu merci ! — plus de séques-
trations à mon actif que de spoliations
à mon passif. »
Assez, n'est-ce pas ? le docteur Lau-
rent, qui est un pince-sans-rire déli-
cieux, trouvait que ces choses-là per-
daient à ne pas avoir été mises en vers.
Elles auraient, son sens, mérité d'ê-
tre comparées .,.';"! élucubrations déca-
dentes de MM. Léo d'AfI,kaï- ou Louis
Pilate de Brinn'Gaubast.
Victor Hugo en Hollande
On vient de publier d'intéressants dé-
tails concernant les voyages de Victor
Hugo en Hollande et l'influence qu'il
exerça là-bas sur les générations litté-
raires. Quelques vers publiés dans Der-
nière gerbe semblent indiquer qu'il vi-
sita une première fois ce pays vers
1861. En i866, le grand poète fit un
court séjour en Hollande. Il avait été
précédé par la légende de sa gloirfu
Dès i829, un poète obscur, Van der
Hoop, avait traduit quelques-unes des
Orientales ; à partir de ce moment, les
versions de succèdent sans relâche, iné-
gales de ton et de valeur. Ce ne fut
qu'après 18-42 que l'on se mit à traduire
le théâtre du maître. L'opinion hollan-
daise se scandalisa du Roi s'amuse et
des Châtiments. Les pièces de Hugo qui
obtinrent la plus vive popularité furent
Lorsque l'enfant parait -et les Pauvres
gens.
Le Passant.
LE CREDIT AGRICOLE
SANS INTÉRÊTS1,1
Dans mon dernier article, j'ai mis en évi-
dence le concours financier que le billet hy-
pothécaire apporterait gratuitement aux
cultivateurs exploitant eux-mêmes leurs
propriétés. Je vais démontrer que le ren-
tier, affermant ses ten-es, trouverait égale-
ment dans le billet hypothécaire des avan-
tages précieux qui lui échappent aujour-
d'hui.
Que ce dernier, en effet, moyennant une
somme de cent vingt francs par an, loue à
un fermier une 'pièce de terre d'une valeur
de six mille francs, c'est tout ce qu'il peut
en tirer actuellement.
Sur les bases du billet hypothécaire, il
pourrait mobiliser "deux - mille francs et
acheter des titres de tout repos qui, au re-
venu de 3 %, lui rapporteraient soixante
francs en plus que son fermage. La pro-
priété foncière, par les avantages jusqu'ici
inconnus qu'elle offrirait à ses détenteurs,
ne pourrait manquer d'être recherchée et de
,reconquérir graduellement ses anciens
cours.
Le billet hypothécaire, il es' vrai, serait
ici détourné de sa véritable affectation. 11
en serait de même si un industriel ou un
commerçant, tous deux propriétaires d'im-
meubles, mobilisaient leurs parcelles de
terre pour agrandir l'un son usine, l'autre
le cercle de ses opérations. Mais dans ces
conditions qui laisseraient l'agriculture
sans capitaux, comme elle y est en partie
restée jusqu'ici, n'est-il pas évident que les
billets hypothécaires, offerts ainsi au com-
merce et à l'industrie dans des conditions
exceptionnelles de bon marché permet-
traient à la production nationale, paralvsée
par le taux exorbitant du crédit des ban-
quiers. de s'ouvrir dans le monde entier
des débouchés nouveaux ?
L'abondance des capitaux permettrait de
développer la richesse de nos colonnes ; de
créer des comptoirs sur tous les points du
globe : de faire reconquérir à nos produits
la prépondérance qu'une concurrence sou-
vent déloyale leur a fait perdre sur cer-
tains marenés étrangers ; de faire préva-
loir, en un mot, dans toutes le? parties de
l'univers, les vues larges de notre civilisa-
tion.
De cet essor donné au commerce et à
l'industrie, résulteraient naturellement pour
l'agriculture un écoulement DIus facile de
ses produits et des cours plus rémunéra-
teurs.
En tout état de cause, l'agriculture n'au-
rait donc que des avantages a recueillir de
la création du billet hypothécaire, môme
n'aUât-il pas directement à elle.
.On m'objectera, sans doute, que ce sys-
tème de crédit agricole ne profiterait pas
aux fermiers-locataires, dont la fortune ne
consiste qu'en matériel de culture et en
bestiaux.
Cela est vraf. -
Mais le billet hypothécaire doit être ga-
ranti d'une' façon absolue.
Or, le matériel agricole est sujet à dé-
térioration et le bétail de ferme peut dis-
(1) Voir les nle des 8 et 12 février. -
paraître par fraude, accidents ou malar
dies.
Les agriculteurs qui se trouvent dans ce
cas doivent donc chercher aide et crédit
dans des associations et banques mutuelles.
On pourra me demander peut-être pour-
quoi je borne la mobilisation de la proprié-
té foncière au tiers seulement de sa valeur
leur intrinsèque.
C'est d'abord parce que cette quote-part
peut suffire comme capital routent à la phi-
part des cultivateurs, en tant que sacrinces
d'engrais et amélioration d'outillage agri-
cole.
Ensuite, .c'est parce qu'il faut que l'Etat
ait une double garantie vis-à-vis dès te-
nants dont il cautionnerait les billets, bien
que cependant la terre soit actuellement à
un prix tellement bas, qrriï semble peu-
probable que sa dépréciation s'accentue da-
vantage.
Enfin, étant donnée la facilité d'avoir
ainsi des capitaux disponibles, certains pro
priétaires pourraient se laisser aller a la
prodigalité. Il conviendrait de les prémunir
contre leur propre entraînement.
Il est à remarquer d'ailleurs qu'un pro-
priétaire sachant répartir sagement la mo-
bilisation de ses propriétés foncières, pour-
rait avoir un capital roulant permanent
sans jamais être obsédé par ie cauchemar
de l'échéance.
En effet, dans le cas que je citais en mon
précédent article, je suppose que M. Paul,
au lieu de mobiliser pour cinq ans le tiers
de la valeur de sa propriété, n'en mobilise
que le sixième : il mettra mille francs en
circulation. Mais en fin de la cinquième an-
née, il mobilisera le second sixième qui lui
servira à faire face à l'échéance du pre-
mier. Alternativement chaque sixième re-
devenant disponible, on voit que, sans sou-
cis ni. tracas, M. Paul peut indéfiniment
s'assurer un capital roulant toujours chan-
geant, il est vrai, mais cependant toujours
libre. Ici, M. Paul propose à l'Etat de mo-
biliser une propriété indemne de toute
charge ; mais la solution serait la même
s'il offrait en garantie une parcelle de ter-
re d'une valeur intrinsèque de neuf mille
francs déjà grevée d'une hypothèque de
mille francs. Jusqu'à concurrence du tiers
"de la valeur totale de ladite parcelle, il
pourrait toujours mobiliser deux mille
francs.
Tel est, dans sa simplicité, le mécanisme
du billet hypothécaire ; billet-monnaie, je
le répète, s'offrant sous le couvert de la
discrétion au possesseur du plus infime
coin de terre, alors que les banques exis-
tantes ne sont accessibles qu'aux déten-
teurs d'importantes propriétés. Et cepen-
dant, 85 des propriétaires fonciers re-
présentent la petite culture ; ils constituent
la puissance vitale des campagnes : ils mo-
biliseraient pour améliorer leur patrimoine
et leur outillage agricole ; pour acheter en
temps opportun quelques têtes de bétail ou
le lopin de terre qui servirait de trait d'u-
nion entre deux parcelles minuscules.dont
les frais d'exploitation seraient de ce chef
sensiblement réduits ; pour agrandir leur
culture et y intéresser leurs enfants que
l'impossibilité du crédit fait actuellement
affluer vers les villes où leur exode consti-
tue plutôt un danger et où les attendent
toutes les déceptions. Car, qu'v deviennent-
ils le plus souvent, sinon la fille, un objec-
tif constant de toutes les séductions et le
fils, aigri par les chômages et la misère,
un artisan des grèves et des émeutes ?
Mais. en matière de législation agricole,
n'est-ce pas positivement placer la charrue
devant les bœufs que de créer partout des
écoles d'agriculture sans mettre parallèle-
ment aux mains des cultivateurs le crédit
sans intérêts, laTgement accessible à tous,
c'est-à-dire l'instrument capital par "excel-
lence qui doit leur permettre de tenter
fructueusement l'application pratique des
procédés indiqués par la science agronomi-
que ?
Loir.
Dans mon dernier article, paru av Rap-
pel du 12 février quelques coquilles du
compositeur :
7° alinéa, il faut lire : C'est, en fait, une
sorte de mobilisation.
15° alinéa, il faut lire : fi Billet hypothé-
caire », puis sa valeur. Et en caractères
bien apparents dans le corps de chaque
billet, la date de son retrait de la circula-
tion.
Avant dernier alinéa, 1 faut lire : .de
cinquante centimes. pour frais d'admi-
nistration et d'émission du papier hypothé-
caire, ainsi que pour la création d'un capi-
tal de garantie destiné, le cas échéant, à
rembourser aux détenteurs de bonne foi,
les billets que des faussaires pourraient
mettre en circulation. Voilà le crédit agri-
cole dont il faut doter la France crédit
sans intérêts, seul capable de seconder effi-
cacement l'agriculture en ce sens qu'il se-
rait accessible au propriétaire du plus mi-
nuscule lopin de terre.
T
LA JOURNEE POLITIQUE
Le conseil des ministres
Le conseil des ministres s'est réuni hier
matin à l'Elysée, sous la présidence de M.
Fallières.
La majeure partie (Tt la séance a été em-
ployée à l'examen de la question des re-
traites ouvrières.
Le conseil s'est également Qçcupé des
travaux de la commission sénatoriale d'en-
quête sur la liquidation des biens des con-
grégations. Le garde des sceaux a fait sa-
voir qu'il allait écrire au président de cette
commission pour le prier de s expliquer sur
les erreurs qu'il lui reproche, à tort, sui-
vant lui, d'avoir commises.
La question du gouvernement général de
l'Afrique occidentale n'a pas été résolue
hier. La solution en est renvoyée à la se-
maine prochaine.
M. Cruppi
M. Cruppi, ministre au commerce et de
l'industrie, accompagné de M. Gabelle, di-
recteur de l'enseignement technique au mi-
nistère. a visité hier le Conservatoire na-
tional des arts-et-métiers.
Un répertoire des industries et des
professions 0
M. René Viviani, ministre du travail, a
décidé l'établissement d'un répertoire tech-
nologique des industries et aes professions.
Cet ouvrage comprendra non seulement
la nomenclature exacte mais encore la des-
cription sommaire et précise ues industries,
professions et métiers, avec la désignation
des termes techniques dans. les trois lan-
gues, française, anglaise et allemande. -.
La publication d'un tel répertoire est au-
jourd'hui indispensable et rendra les plus
grands services à ceux qui se livrent à l'é-
tude de plus en plus minutieuse et exacte
'des questions de recensement de stafisfi-
que professionnelle et d'assurances.
Ajoutons que l'idée de cette publication
soumise par M. March, chef du service de
la statistique générale au ministère du tra-
vail, à la session de l'institut international
de statistique qui s'est tenue l'an dernier à
Copenhague, a reçu Fapprobation de cette
compagnie, dont les membres collabore-
ront à l'œuvre d'adaptation do repère aux
conditions industrielles eT aux habitudes de
langage des pays n ISngue allemande ou
"de langue anglaise.
La commission des pêches
La commission interdépartementale de
pêche des conseils généraux du bassin de
la Loire s'est réunie au Palais du Sénat,
sous la présidence de M. du Gaussay, con-
seiller général d'Indre-et-Loire et ancien dé-
puté.
Après avoir entendu les explications du
délégué général sur les travaux de la com-
mission officielle du ministère de l'agricul-
ture, et sur l'état des négociations enga-
gées avec les divers ministères, particuliè-
rement avec celui de la marine, au sujet
des pèches illégales des inscrits en Basse-
Loire, elle a, de plus, sur les propositions
respectives de MM. du Saussay, Adolphe
Carnot, président du conseil général de la
Charente, directeur de l'Ecole supérieure
des mines ; Blachez, conseiller général de
Maine-et-Loire ; Givois conseiller général
de l'Allier, émis une série de résolutions re-
latives aux pollutions industrielles de la
Vienne, de la Creuse et de l'Esore, à la sup-
pression des filets-barrages, au maintien
de la réserve de Châtellerault, etc.
LES BELLES FÉES
Naguère encore, les Fées étaient les
victorieuses adversaires du temps :
Fées Viviane de Broceliande, Mélusine
de Lusignan, Fées des Contes de Per-
rault, tout d'elles et de leurs merveil-
leuses histoires était resté jeune, beau,
aimé. Les directeurs de-théâtres qui se
les disputaient, surtout au temps du se-
cond Empire, les poètes, les musiciens,
les dessinateurs, les costumiers, les ma-
chinistes, tous ces amis intéressés des
Fées n'avaient pas de préférence pour
celles-ci plus que pour celles-là, les
considérant, non pas en mères et fil-
les, mais en sœurs, les unes des autres.
Ainsi, les belles Fées, en vérité de très
vieilles dames, vivaient gaillardement
de cet air du temps dont se fait l'éter-
nité. Les hommes semblaient les avoir
gardées comme de vieilles maîtresses
immortelles. Puis, insensiblement,
mais irrémissiblement., voilà que les
Fées agonisent avec les Féeries. Deux
beaux, deux vaillants artistes, poète et
comédienne, oijt-ils voulu ranimer ces
mourants ? Rien n'y fera. De même que
tous les personnages de légendes, les
Fées ont accompli leur temps.
Non, ô Fées, ô vieilles maîtresses, ne
vous faites pas d'illusion, vous serez
« plaquées ». On vous aimait parce que
vous plaisiez. On ne vous aime plus
parce que vous ne plaisez plus.
Ne vous indignez pas trop de cette
satiété où l'on vous tient. En somme,
n'avez-vous pas été plus heureuses que
vos sœurs, les Reines, qu'on dirait à ja-
mais couchées près des cercueils de
leurs amis les Goncourt ?
N'avez-vous pas fait le maximum d'a-
dulation, d'exaltation, de gloire ? Après
avoir été ainsi portées, de génération en
génération, d'avoir traîné les planches
des théâtres, les gros volumes illustrés
par Doré, ô Fées ! ne fallait-il. pas la
nrévoir, cette fin ? -'
Vos fidèles adorateurs diront sans
doute que votre agonie est le signe d'un
temps, de celui qu'Edgar Poë appréhen.
dait assez à l'avance, il y a quelque
soixante ans, lorsqu'il le baptisait celui
des « Abominations rectangulaires, vas-
te barbarie éclairée au gaz. »
Barbarie, qui ne pourra moins fai-
re que d'être éclairée à l'électricité que
nous avons déjà.
Au fait, peut-être est-il bien venu à
force d'avoir été prédit, ce temps que
Beaudelaire aussi attaquait avant, de
ses paradoxes les plus salaniques, de
ses sarcasmes, exprimés avec cette froi-
deur britannique, cette sobriété de pa-
roles, de gestes qui lui étaient propres
et qu'il exerçait en ce club des Man-
geurs de haschich, chez Boissard, en cet
hôtel Pimodan où, sur un de ces cana-
pés de tapisserie représentant des sujets
de chasse d'Oudry, il amait à s'asseoir
près du beau modèle que; se disputaient
alors les peintres, les monteurs de fée-
ries, près de cette Maryx, vêtue, en ces
nuits, d'une roble planche à pois rou-
ges : « La robe où les poètes ont pleu-
ré, » disait Gautier. v
Que notre temps soit ou non d'abo-
minations rectangulaires, il n'en de-
meure pas moins vrai que bientôt, peut-
être, avec le théâtre en vers — touché,
lui aussi, de langueur — les Fées ne
tiendront plus qu'une vague place de
notre souvenir. A peine y pensera-t-on,
comme à ces belles vieilleries à qui de
temps en temps l'on fait une visite de
politesse dans les musées. Et certes, ô
Fées 1 vous mériterez de plus que l'on
renouvelle cette petite concession provi-
soire dans le cœur de nos enfants. Une
vieille nourrice n'a-t-elle pas droit à
l'hospitalité dans la maison du père de-
venue la maison du fils ? En votre exil
qui s'ébauclie, pauvres Fées, nous fai-
tes-vous déjà songer à de vieilles ou-
vreuses en retraite, les vieilles ouvreu-
ses de l'Imagination et du Rêve qui ont
du plomb dans l'aile ?
Que diable ! aussi vous lûtes mal dér
fendues. Vos partisans n'ont pas assez
combattu les succès toujours grandis-
sants de votre concurrente, la Commère
de revue, dispen:d riee d'un faste pro-
saïque que, de plus en plus, l'on préfé-
rerait à votre merveilleux île légende.
La Commère, dont le triomphe a été as-
suré lorsqu'elle est devenue la petite
bonne à tout faire. paraître de l'actua-
lité, à montrer jusqu'aux plus intimes
dessous de la vie parisienne, satisfai-
sant ainsi notre instinct de vieilles con-
cierges, ne nous marchandant pas notre
plaisir, nous le donnant à savourer béa..
lement, bêtement, cigare aux lèvres.-
Donc, détrônée, volée par la Commë.
re, qui fit de votre baguette sa longue
canne enrubannée, vous êtes « de la re-
vue », ô pauvres Fées 1
Ainsi, votre départ de personnes ima-
ginaires entraînera-t-il celui de person-
nes bien réelles : les belles filles qui
étaient Jes belles Fées et dont on fait
aujourd'hui. les Commères. r
Sans doute, prévoyant ce coup droit
porté par le caprice, quelques-unes de
vous y ont échappé. Elles ont abandon-
né le camp dangereux, la féerie, et sont
devenues qui, des comédiennes, qui des
Commères.
Grâce à ces métamorphoses, on vous
retrouve ici et là sur ces petits univers :
les théâtres, qui ont pour lumière l'é-
lectricité, pour lune une ampoule der-
rière un transparent, pour population'
des êtres barbouillés d'au moins autaal
de couleurs que les derniers Sioux-
loways. -
Coquetterie, hasard, il se trouve quef
des Fées reprennent au coin du Bois
dormant, où elles le jetèrent, leur cos-
tume de Fée ou quelque autre appro-
chant : témoin cette ex-Fée, tragédien-
ne hier, Prince Charmant aujourd'hui.
0 Prince Charmant ! 0 Sarah lque
de belles choses aurai-je. apprises sur
ce temps où vous naquîtes au monde
des Fées ! Mais votre approche n'est pas
très facile à tout mortel qui n'est pas
familier de votre saint-office. Devant
votre porte, quel est ce gardien vigi-
lant ? Il ressemble d'assez près, plus
encore que d'assez loin, à quelque - gno.
me que l'on voudraiàSôen saisir à sa ti-
gnasse noire, à ses oreilles pointues et
larges de satyres, à seule fin de le jeter
du haut en bas de vos escaliers. Maïs
ses longues incisives déco uvf, rteîr-par
son affreux rictus intimident. Mord-il ?.
Pierre dobbé-Dnval.
(A suivre.)
M I ■
A LA CHAMBRE
Les dangers du déboisement. — L'im-
pôt sur le revenu. — M. Ribot
critique le projet du gouver-
nement
La iséance est ouverte à deux heures sous
ta présidence de M. Etienne.
Le président fait connaître que M.
Alexandre Bérard, élu sénateur, donne sa -
démission de député.
La parole est ensuite donnée à M. Delé-
glise pour adresser une question au minis-
tre de l'agriculture, qui l'accepte, t'ur les-
dangers de la déforestatiojo en maose qui
s'opère dans certaines régions de la Fran-
ce.
M. Germain Périer a déjà signalé ici la des-
truction des forêts du Morvan ; grâce à l'am-
nistie, le propriétaire n'a pas été frappé.
Le même fait s'est produit dans Je Jura et
dans le département d'Eure-et-Loir, où la forêt
de Marchenoir a été détruite. De même kt
forêt d'Eu, celle d'Amboise sont menactes. Dans
l'Est, des Allemands achètent nos forêts pour,
les détruire.
On sait les ravages que les déboisements opt
causé dans les régions des Alpes, des Pyrénées
et du centre de la France. (Très bien 1 Très
bien !)
C'est là une des principales causes des inon-
dations dans les plaines et de l'éboulement dos
terres dans les contrées montagneuses. C'est un
véritable danger national.
Il faut mettre un terme à de pareilles dévas-
tations. Le droit du propriétaire doit oéder à1
l'intérêt général. (Très bien ! Très bien J)
Quelles mesures, demande M. Delégltset te
gouvernement cûmpte-t-il prendre dans l'intérêt
du pays contre les destructeurs de nos forêts 1,
(Applaudissements.) -
M. Ruau, ministre de l'agriculture, ré,
pond que l'Etat, usant des droits que lui
donne le code forestier çfst intervenu en ce
qui touche les forêts du Morvan où la dél
vastation a été arrêtée.
En ce qui concerne la forêts de Maj-chenoir,
l'exploitation conserve, dans les coupes, 52 ba-
liveaux à l'hectare.
Pour les autres exemples de la déforesta-'
tion qui ont été cités, l'administratiton fera res-
pecter la loi, car. ainsi qu'on l'a dit, il y a un
véritable dangtir public à voir disparaître notre
domaine forestier. (Très bien ! Très bien !) »
Le projet que j'avais déposé en 1906 vise les.
déboisements abusifs des forêts des particuliers..
Je suis tout disposé à le reprendre, car il y w
là le remède cherché, attendu que, dans l'étatf
actuel dæ choses, l'administration est désarmée
contre ces déboisements dangereux. (Applaudis-
sements.}
M. Delèglise. — Je prends acte de la déclara-
tion du ministre et je l'en remercie. J'espète
que le projet de loi de 1906 sera voté à bref
délai. (Applaudissements.) ..,
L'incident est dos.
LA REFORME FISCALE ,
On revient à la discussion générale du
projet de loi de l'impôt sur le revenu.
M. Ribot a la parole et rappelle qu'à phi-
sieurs reprisqs il a pris la défense de me -
contributions directes. D'ailleurs, tous loa
ministres des finances,- M. Caillaux lui-
même ont fait comme lui. -
Notre système d'impôts donne à nos budgets
une base large et solide. Il exclut tout arbi-
traire et rend plus facile au contribuable l'ac
ouittement de sa dette envers l'Etat.
Mais cela ne m'a pas empêché de reconnaî-
tre, que le système avait vieilli, quii fallait dofl-
ner plus d'élasticité à nos impôts, combkr des
lacunes trop évidentes, dégrever certains reve-
nus à la base, fru,pp:-l' au sommet d'autres tcvo
nus. Tout cela, je l'ai reconnu.
Mais le ministre des finances a affirmé que
notre système t'impùls frapperait plus sua' les
fortunes rnoyerijO* que sur les gros revenus qui
dépassent 20.000 francs ; sur ce point, je ne
suis pas d'accord avec lui, et j'estime qu'il
est nécessaire de relever une telle affirmation.
(Trfs Mon 1 Très bien ! au centre.)
Le ministre s':!st appuyé sur un tableau dres-
sé par les insriecteii-rs des finances. L'inspec-
teur des finances se irompo rarement, mais si
on lui fournit des dfiiiîté^ hypothétiques, son
travail ne vaut rien sur le fond.
Parlant des 25.000 /SOndages auxquels oh
a procédé, M. D.ibot craint que des erreurs
nombreuses n'aient pu se produire alors
qu'on procédait à ces opérations en l'ab-
sence de. toute contradiction (Très bien :
très bien t au centre et à droite).
Nos impôts ont besoin d'être réformés, tout
!e monde le déchux! mais nous ne les réformons
pas. Les uns disent : « Le vieux système est
usé. il faut le jetar nac. terre, a Les oukttg.
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