Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-02-09
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 09 février 1908 09 février 1908
Description : 1908/02/09 (N13848). 1908/02/09 (N13848).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
»'13848.^- 19 Pluviôse An 110) CSKQ GUAÏ1MCH Z.B N'IJHEQ.O Dimanche 9 Février 1908.- N° 13848
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OPZNZONS
Avec son parti
Deux discours viennent d'être pro-
noncés, presque à la même heure. La
personnalité de leurs auteurs leur con-
fère un intérêt qui dépasse celui de
l'immédiate actualité. Ils ne revêtent
pas seulement le caractère de manifes-
tations oratoires, mais celui d'une vé-
s ritable déclaration de principes.
C'est devant la gauche démocratique
du Sénat, pour solenniser l'heureux évé-
nement qui de nouveau la réunissait au
groupe radical-socialiste, que M. Com-
bes a développé sa pensée. C'est aux
'Jardies, dans l'évocation d'une grande
mémoire toujours debout, que M. Ranc,
infatigable vétéran de l'action et de la
lutte, faisait entendre des conseils de
son expérience clairvoyante et de sa foi
républicaine.
Il faut bien que certaines préoccupa-
tions fussent en quelque sorte dans
l'air, car ces deuxi discours, malgré la
diversité des circonstances, reflètent les
* mêmes soucis, affirment la même mé-
r thode, posent la même doctrine de gou-
vernement.
Doctrine, méthode, une phrase de
Gambetta citée par M. Ranc en concen-
tre la synthèse dans une formule caté-
gorique : « Nous devons gouverner avec
notre parti, rien qu'avec lui. »
Quand on entre en contact avec le
pays, quand on sort des milieux fami-
liers et un peu factices où s'agite la vie
parlementaire, quand on se retrouve en
présence des hommes, des groupements,
des comités, des ligues de propagande
par qui s'est assurée l'orientation défi-
nitive ries convictions nationales, on
sent bientôt ce qu'il y a d'opportunité,
'd'utilité pressante, de probité républi-
caine dans ces avis expérimentés, qu'au
premier abord on serait tenté de juger
superflus.
La France a pour les idées, pour la
défense du régime qu'elle s'est donné,
pour le triomphe de l'esprit de démo-
cratie, livré une bataille ardente. Ba-
taille pareille à toutes les batailles où
s'exalte la joie de la lutte, le vertige des
Coups portés et reçus, le bouillonne-
ment des inimitiés, l'ivresse de la vic-
toire décisive péniblement obtenue. Cer-
tes,dans des cerveaux surexcités, l'âpre
souci du succès finit par l'emporter par-
fois sur les préoccupations de pfc £ prin-
cipe, et si l'on-veut sur les considéra-
tions d'équité. Mais seule la passion est
vivifiante et féconde. Sv..::-.o elle secoue
les entraves, les mille liens où la pensée
courante demeure garrotér Elle susci-
te, elle impose aux timidités inertes les
ruptures nécessaires, les adhésions inti-
mement souhaitées et qui n'osaient s'a-
vouer. Elle est génératrice d'élan, d'en-
train, de sacrifice. Elle fouette les con-
victions engourdies ; elle les enrôle, elle
les encadre, elle en décuple les vertus.
Et tant bien que mal, non sans cahots ni
sans secollsses.. mais vaillamment, on
avance.
Mauvaise défense qu'une forteresse
pour une armée ; mauvais présent du
sort que celui d'une trop grande vic-
toire. Tandis que s'agitent en elle tous
- les zèles fervents qu'a allumés l'exer-
cice même de l'offensive, la sécurité, le
: succès la condamne à l'on. ne sait quelle
,.; lâche torpeur. Elle a bientôt fait de
voir sécher son esprit d'initiative, étein-
dre la ferveur de son dévouement, amol-
lir ses énergies et ses facultés d'abné-
gation. Le dieu n'y est plus.
Par un phénomène assez particulier,
ce n'est point dans les troupes répu-
blicaines que semble s'être dessinés des
indices de torpeur ou de lassitude, après
-le magnifique épanouissement de résul-
tats inespérés, mais après la délectation
du triomphe, elles se cherchaient pour
.se remettre en route, elles attendaient
frémissanhs le signal, le boute-selle
éclatant qui, les réveillant à l'aurore,
^devait les mener sur la route de conquê-
tes nouvelles. Et elles ont l'impression
:quon s'attarde à l'étape. Et tandis
qu'un peu déçues, un peu déconcertées,
elles s'attachent, un peu au hasard,
pour occuper leur ennui, à des objets
mesquins et futiles, voici qu'elles cons-
tatent avec stupeur que dans leur pro-
pre camp se sont faufilés, timides d'a-
bord, plus audacieux ensuite, impérieux
maintenant, les ennemis déclarés de la
.veille. Et ces adversaires portent effron-
iément à leur chapeau la cocarde
qu'hier ils foulaient aux pieds avec des
paroles de mépris.
Hé, sans doute ! 11 est des grâces pour
les résipiscences. On ne peut toujours
.se maudire ou se montrer le poing. Mais
51 est dur pourtant, pour qui mit son
effort à assurer la victoire d'un parti,
fle voir profiter de son triomphe ceux
qui furent ses ennemis acharnés. Qu'on
le veuille ou non, en politique, les idées,
aux yeux des hommes, ont pour symbo-
les des hommes : constatation décevante
lorsque la fortune, le prestige, le crédit
des individus grandissent avec le désas-
tre des idées qu'ils ont publiquement
incarnées : spectacle démoralisant
quand les vaincus sont assez habiles
pour faire payer aux vainqueurs la re-
vanche de leur défaite.
Malaise, flottement, trouble des cons-
ciences, incertitude, voilà l'état d'âme
que nous révèle en maint endroit le pays
républicain. A qui la faute ? Peu im-
porte. Le fait est la.
MM. Ranc et Combes ont mis le doigt
sur la plaie. Ils ont dit le remède :
être de son parti, gouverner avec lui.
Un parti ? Une secte, direz-vous, un
syndicat d'intérêts, de convoitises,
d'ambitions, de vanités ? Une chapelle
auxi rites obscurs, mystérieux, subrep-
tices, où l'on n'entre qu'en montrant
patte blanche, nanti de quelque « se-
same » ?
Non. Parti ne veut pas dire coterie.
Mais en politique comme dans l'exis-
tence, pour être quelqu'un, il faut être
soi.
Toutes les transactions, toutes les
roueries, toutes les compromissions
peuvent vous permettre de durer un
jour. Elles ne vous font pas vivre. Vous
constituerez à votre guise un arlequin
de majorité fait de complaisances sub-
reptices, d'indifférences, de reniements.
Une identité sincère et franche de doc-
trine et de principes, une communauté
de tendances et d'aspirations, une vi-
sion nette du but à atteindre, une vo-
lonté ferme d'y parvenir, voilà ce qui
fait un parti. Mais prendre à sa remor-
que les épaves prêtes à sombrer d'une
flotte en déroute, y donner tous ses
soins, les repeindre, les radouber, les
maquiller, régler sa marche au rythme
essoufflé de leurs machines antiques,
réconforter leurs équipages, rester en
panne enfin, et se voir réduits peut-être
à subir l'humiliante assistance des vain-
cus, ce serait vraiment un piteux résul-
tat après un noble effort. La Républi-
que, sûre d'elle-même, a mieux à faire
qu'à restaurer des ruines. Elle y per-
drait son temps. Elle y sacrifierait sa
raison d'être.
T. STEEC.
LE CAS D'ABD EL AZIZ
.-.. -3J. ——— :.,:-.
Le ministre (les affaires
étrangères accepte pour lundi
une question de M. Jaurès
sur 'es plus récents incidents
marocains. La question ne
sera pas transformée en in-
terpellation et M. Pichon limitera sa ré-
ponse aux faits précis qui justifient la
question du leader socialiste.
Nous ne verrons donc pas se renou-
velere grand débat sur la question ma-
rocaine qui a permis récemment au ca-
binet de faire connaître d'une façon as-
sep complète la politique qu'il entend
suivre en Afrique. :
La question portera plus spécialement
sur les démarches qu'Abd el Aziz aurait
faites auprès de l'Allemagne. Ces dé-
marches sont niées, paraît-i\ par le sul-
tan. Mais la presse allemande certifie
qu'elles ont été faites ; et l'on rappelle
que, dans d'autres occasions, Abd el
Aziz avait fait appel à nos rivaux contre
nous.,
Le sultan de Rabat aurait alors une
politique bien tortueuse, et bien dan-
gereuse, même pour lui. Il est vrai que
la France ne se jette pas d'une manière
officielle dans le conflit des deux fils de
Mouley Hassan. Mais, après les derniè-
res explications de M. Pichon à la
Chambre, il n'est pas douteux que nous
serons amenés à fournir au maghzen
un appui indirect efficace en l'aidât à
rendre ses finances moins précaires.
D'autre part, la -sécurité du sultan à Ra-
bat n'est guère assurée que par la proxi-
mité de nos troupes d'occupation.
Et Abd el Aziz qui est, pour ainsi dire
dans notre main, ferait des intrigues
avec les émissaires de M. de Bülow ! Il
ne comprend donc pas qu'il nous suffi-
rait de desserrer les doigts pour le voir
tomber et se briser ?
En tout état de cause, "nne saurait
songer à établir une solidarité gênante
entre la cause d'Abd el Aziz et les inté-
rêts français. Eh bien, même dans la
limite indiquée par M. Pichon, nous ne
pouvons continuer au sultan notre sym-
pathie active que si lv politique du
maghzen est purgée de toute duplicité.
C'est sur ce point que porteront les
explications du ministre des affaires
étrangères. Nous croyons savoir qu'elles
ne prêteront à aucune ambiguïté.
—————————— ——————— : ———
LES ON-D1T
-,
Les ouvriers de la Villette
Qui ne connaît Prunier, le sympathi-
que chef de la grande tribu des débar-
queurs de bestiaux à la Villette '!- Les
ministres, lorsqu'ils se hasardent sur
ces hauteurs, ne dédaignent pas de se
le faire présenter, les candidats recher-
chent son influence et tout le monde
l'estime, car c'est un brave homme, à
qui l'on a bien fait d'accorder un bout
de ruban. Il occupait le fauteuil d'hon-
neur dernièrement à l'assemble gén,.
raie des ouvriers et employés du mar-
ché" et il a été' réélu président par accla-
mations.
A cette réunion, lét grave question-
de l'assurance en cas d'accident a été
résolue. On a adopté une proposi-
tion de M. Lefranc, président du syndi-
cat des patrons débarqueurs et délégué
des commissionnaires en bestiaux, ten-
dant à établir une moyenne de salaire
de 56 francs par semaine, soit 8 fr. par
jour, de façon qu'en cas d'incapacité de
travail il soit attribué, la loi de 1898
parfaitement observée, 4 francs par
jour, aussi bien aux hommes de corvée
qu'à ceux travaillant à la semaine. Gette
heureuse solution a été vivement soute-
nue par M. Prunier, et il faut le louer
de son intervention conciliante.
l'
Une édition unique de Zola
Un bibliophile bien connu vient de se
procurer, par des moyens qui ne sont
pas à la portée de tout. Je monde, une
édition originale de Zolâ. Il a fait relier,
par le maître Marius Michel, chaque ro-
man dans le grand format de luxe, en
joignant une lettre autographe qui don-
ne sur l'œuvre les idées, les apprécia-
tions, la façon de voir de l'auteur. Ces
documents, véritables pages, de notre
histoire littéraire contemporaine, pleins
de détails révélateurs, font partie de la
précieuse correspondance adressée à
Philippe Gille par le père des Rougon-
Macquart.
Confiserie scientifique
Tel cuide engeigner autrui qui sou-
vent s'enseigne lui-même. L'histoire ,du
voleur volé est de tous les jours. Si vous
expédiez une surprise à des amis de
province, ayez soin d'enlever du colis
postal tout signe extérieur pouvant allé-
cher les subtils filous qui rôdent, en
quête d'occasions, autour des gares et
des correspondances de chèmins de fer.
Dernièrement, un éminent universi-
taire, directeur d'un laboratoire en Sor-
bonne, M. C., envoyait à un institu-
teur de l'Aveyron une petite caisse con-
tenant des ouvrages de science et des
échantillons minéralogiques. Malheu-
reusement, sur l'envoi s'étalait, en gros-
ses lettres noires, la. fallacieuse mention
suivante : Chocolat. — Confiserie fine.
Le colis disparut. Il serait curieux de
connaître les impressions du voleur à
l'ouverture ; elles ne doivent pas avoir
été très distantes de celles du coq de la
fable qui trouva une perle.
La déclaration obligatoire de l'avarie
Il va bien, le conseil d'arrondissement
d'Etampes ! Voilà qu'il vient d'émettre
un vœu réclamant la déclaration obliga-
toire de l'avarie. Ce serait la fortune
pour les médecins de vespasiennes, qui
promettent la guérison rapide et la dis-
crétion en réclames effrontées. Non,
mais vous ne voyez pas les malheureux
blessés de Vénus invités, par un avis
ouvert de la mairie, à aPer au dispen-
saire officiel pour recevoir l'huile grise
municipale des mains du médecin-chef
du bureau d'hygiène ? Vous devinez l'é-
moi des intéressés, des concierges, des
voisins, lorsqu'un préposé viendra vé-
rifier chez vous si vous avez votre cou-
vert spécial et si vous prenez bien vos
gargarismes chloratés ? Du jour où un
docteur dénoncerait aux autorités ses
malades, il n'aurait plus personne, tous
iraient aux empiriques.
Le Passant.
mmmmmmamwmmm——> ■■ ■ ■ n *mm 1 i———
LETTRE D'AUTRICHE
La Triplice en dissolution
Vienne, 7 février.
Plus d'erreur, la Triple-Alliance qui fai-
sait pendant trente ans la base de la po-
litique étrangère de l'Autriche-Hongrie, est
ébranlée. Avec la démocratisation du
Reichsrath de Vienne, les peuples slaves
acquirent dans cette Assemblée bon nom-
bre de sièges et disposent aujourd'hui de
la majorité de voix aux délégations autri-
chiennes qui tiennent ces jours-ci leurs
assises à Vienne.
Jusqu'ici, les Tchèques protestaient seuls
devant ce forum, qui se réunit une fois
l'an pour délibérer de la politique étran-
gère et du budget militaire, contre la Tri-
ple-Alliance.
Cette année, ils sont secondés en ceci
par leurs frères de Galicie, les Polonais.
Leur porte-parole, M. Glambinski, prési-
dent du Kolo pols/âe, dit dans une des
dernières séances de la commission, ceci :
« Certains faits, comme les tendances
d'expansion de l'Allemagne et la politique
hapkntiste de la Prusse, que foui le monde
civilisé est unanime à condamner, sont. de
nature à déplacer l'équilibre européen et
n'effrent plus les garanties nécessaires à
la paix universelle ni môme à la paix dans
l'intérieur de la monarchie austro-hon-
groise.
« Notre devoir est donc Ce chercher ces
garanties ailleurs, et je crois que nous ne
pouvons pas en trouver .de meilleures ni
de plus sûres que dans un rapprochement
plus étroit des puissances occidentales, la
France et l'Angleterre.
Après cette première sortie, l'Assemblée
entendit un chaleureux plaidoyer en fa-
veur des Polonais de.
veur des Polonais de Posnanie que pro-
nonça avec autorité le comte Latour, mem-
bre de la Chambre des Seigneurs.
Les orateurs qui se suivirent donnèrent
chacun à son tour un bon coup de pie-che
dans l'édifice branlant de la Triplice.
Le député tchèque Kramarz dit qu'il n'a-
vait qu'à répéter ce qu'il disait déjà nom-
bre de fOIS, c'est que la Triple-Alliance est
bre de fois, h l'Allemagne, mais non pas à
nécessaire à l'AlJcmagne, mais non pas à
l'Autriche-Hongrie, parce que cette der-
nière puissance ne poursuit nas comme la
première une politique de conquêtes. Il in-
sista ensuite sur la modification indispen-
sable de l'art. 2 du pacte pendant qu'il est
encore en vigueur, article qui considère
le casus fœderis, pour que l'Autriche ne
soit plus exposée au danger de couvrir
l'Allemagne quand elle s'aviserait de don-
ner suite aux tendances de ça politique
mondiale : « La majorité du Reichsrath, ter-
mina-tril son important discours, est au-
jourd'hui autrement composée qu'il y a
un gn, et c'est de cela qu il convient de te-
nr cc^nple. Une alliance avec un Etat qui
ne se soucie pas de bt..86 politi-
que intérieure la majorité de peuples de
l'Etat allié, ne peut avoir de durée. »
Le député Dresse! abonda dans le mê-
me sens. *
Et le ministre des affaires étrangères, le
baron d'AerenthaJ, demanderez-vous ? Oh !
il se fit tout petit, tout petit, se borna à
une défense des plus molles de la Triplice.
On aurait dit qu'il n'agissait pas que par
acquit de conscience. Le plus fort argu-
ment qu'il trouva en faveur du maintien
du pacte austro-allemand fut qu'il est bon
de ne pas toucher à ce qui nous donne de
la tranquillité Le groupement actuel des
puissances, dit-il, donne à l'Europe un
sentiment général de sécurité. Des inno-
vations pourraient entraîner au contraire
des périls et des conflits. Donc, ne tou-
chons pas à nos alliances. » Oui, n'y tou-
chons pas, car elles ne tarderont pas à
s'évanouir d'elles-mêmes. — 77<
»
Le Droit des Pauvres
Une vieille institution. — Le droit des
pauvres et l'Hôtel-Dieu. — Qu'est-
¡ ce que le droit des pauvres ? -
Ç^ Le rendement actuel. —r
1 ^oit-on le supprimer ?
Une question toute d'actualité, brû-
lante j'oserais dire et bien parisienne —
quoique pourtant les départements en
soient tributaires - est celle du droit
des pauvres.
Un de nos confrères nouvellement né,
dont le titre indique suffisamment qu'il
s'occupe de choses se passant dans les
coulisses et intéressant le monde spé-
cial des théâtres, vient d'agiter- cette
question du droit des pauvres et deman-
aer sa suppression. w
Peut-on et. doit-on supprimer le droit
des pauvres ?
Il importe d'envisager le pour et le
contre, de prendre en considération
toute chose utile à maintenir ce droit ou
à le faire crouler, et impartialement se
prononcer.
Qu'est-ce donc au juste que le droit
des pauvres ? D'où a-t-il pris naissance ?
A qui est-il destiné ? Son importance
est-elle réelle ? C'est ce que nous allons
essayer de démontrer.
*
♦ *
Paris a toujours eu ses pauvres. Lu-
tèce avait ses infirmes et ses loqueteux.
Cet état de choses n'a pas cessé et l'ex-
tinction du paupérisme a des chances
de ne pas être réalisée au cours du ving-
tième siècle. '",.'
Le droit des pauvres n'est pas une ins-
titution qui se perd dans la nuit des
temps. Cette institution, créée par la
Monarchie et réorganisée par la pre-
mière République, fut maintenue -et
protégée par les divers gouvernements
qui se sont succédé.
Dans un ouvrage ries p'us documen-
ts, que MM. Nielly, inspecteur principal
de l'Assistance publique, et Seigneur,
chef du service du droit des pauvres,
llrcnt, sur le droit des pauvres, on y lit
un historique détaillé de cet impôt. M.
Mesureur leur répondit en ces termes :
« Le droit des pauvres a" résisté pen-
« dant tout le siècle dernier aux atta-
« ques dirigées contre lui. Il résistera
« encore à celles que l'en prépare. On
« peut reconnaître qu'il étonne dans no-
« tre régime d'unité fiscale et qu'il est
« le seul exemple à notre époque d'une
« contribution prélevée au profit l'nne
« catégorie particulière de citoyens,
Cf niais il emprunte un caractère sacré
« à sa destination : les pauvres. »
Au seizième siècle, les personnes à se-
courir étaient divisées en deux catégo-
ries : indigents valides et indigents in-
firmes, qu'on appelait aussi pauvres im-
puissants. Aux premiers, on donnait du
travail ; aux seconds, des secours pro-
prement dits. Ces derniers étaient en-
voyés à l'Hôtel-Dieu qui les prenait à sa
charge.
Cette idée-mère d'une contribution re-
monte à Charles VI, qui l'institua par
une ordonnance royale du 24 avril 1407.
Mais c'est depuis le règne de Louis XIV
seulement que le droit proportionnel au
profit des indigents et le mode adopté
pour le percevoir sont entrés dans le do-
maine de la loi.
Une ordonnanc royale en date du 25
février 1699 prescrivit en effet qu vfut
levé au profit de l'Hôpital Général, pour
les pauvres, 1/6 en sus des sommes
qu'on percevait alors. Ce 1/6 fut étendu
par une autre ordonnance du régent, en
date du 5 février 1716, portant la per-
ception de 1/9 en plus en faveur de
l'Hôtel-Dieu, de sorte que ces deux taxes
réunies égalèrent 1/4 de la recette des
théâtres, mais elles ne diminuaient en
rien cette recette, car le prix d'entrée
avait été augmenté d'autant.
C'est pourquoi un de nos confrères
faisait passer un écho hier demandant
que l'on supprimât le droit des pauvres
à Paris, droit qui avait été institué cnie
pour faire vivre l'Hôtel-Dieu d'alors qui,
devenu l'horrible bâtiment que chacun
connaît et sur lequel 'es années ont mis
leur patine, va bientôt tomber sous la
pioche du démolisseur.
.*.
Que le vieil Hôtel-Dieu disparaisse,
chacun applaudira ; mais il ressort des
explications citées plus haut et qui éma-
nent de la haute personnalité, de M.
l'inspecteur principal Nielly que ce
droit des pauvres fut, non pas créé pour
l'Hôtel-Dieu d'alors, mais simplement
étendu à son profit. La disparation des
vieux bâtiments de la rue de la Bûche-
rie, construits depuis deux cents ans et
qui tombent en ruines, n'amènera donc
pas et ne peut pas amener la dispari-
tion du droit des, pauvres.
Ce droit était d'autant plus nécessaire
â cette époque, qUc !P.
se plaignaient au régent que le nombre
des malades augmentant sans cesse les
contraignait à mettre 4, 5 et même 6 'ma^
lades tête bêche dans le même lit.
Depuis, la contribution du droit des
pauvres subsista malgré les pétitions ou
discussions qui eurent lieu à la Cham-
bre en 1829, puis en 1841, 1869, i873,
1875 et enfin en 1895 où M. Georges
Berry soumit à la Chambre un projet
qui proposait de supprimer les abonne-
ments aux théâtres, de frapper les bil-
lets de faveur et d'adopter le mode en
vigueur en Russie, celui des timbres
mobiles.
Chaque année, un arrêté pris par le
préfet de la Seine établit les taux de
perception qui, actuellement, sont les'
suivants :
1° Le 1jloe en sus du prix de chaque bil-
let, soit 9,99 de la recette brute pmtr
tous les théâtres et concerts autres que
les concerte d'artistee, ainsi que pour les
jeux, divertissements et autres spectacles ;
2° 15 de la recette brute au lieu die
25 dans les bals publics ;
3° 5 pour les concerts dorméc par des
artistes oui associations d'artistes à leur
profit ;
4° 5 pour les fêtes données au. rwo-
fit d'ocuvnes de bienfaisance étrangères à
Paris ;
5° 1 pour les fêtes données par les
sociétés db pure bienfaisance ou les so-
ciétés de secours mutuels et de prévoyance
dans le but de venir en aide aux nécessi-
teux français, étrangers habitant Paris.
Il ressort de ces 'derniers chiffres que
quelques partisans de l'abolition du
droit des pauvres ont un semblant de
raison, puisque nous voyons cette in-
vraisemblance : un droit des pauvres
prélevé sur les recettes d'une fête don-
née au profit. des pauvres. Là est la
seule excuse de leur raisonnement.
Cet impôt a toujours été, de la part de
ceux qui le payaient, l'objet de réclama-
tions. Lts droits perçus s'élevaient en
1865 à 1,800,000 francs et const:Wai-ent
le 1/12 du budget de l'Assistance publi-
que, qui était alors de 22,000.000. ac-
tuellement, il est d'environ 4,000,000
pour un budget de 54,000,000. La pro-
portion est restée à peu près la même,
et pourtant celle des indigents a aug-
menté beaucoup plus, car, alors qu'en
1850, on comptait 80,677 nécessiteux,
Paris en secourt aujourd'hui plus de
200,000, et la récente loi sur les vieil-
lards vient encore d'augmenter les char-
ges de la Ville et de l'Assistance.
Il serait donc absolument déplacé de
demander l'abolition de ce droit qui,
loin d'être injustifiable, est, au contrai-
re, celui qui se justifie le mieux par sa
destination spéciale. C'est une taxe sur
notre plaisir au profit de l'indigent.
Quoi de plus naturel. Pourquoi, le plai-
sir que l'on va chercher au théâtre, au
concert, sur un champ de courses, ne
serait-il pas grévé ? -
Des jurisconsultes, des politiciens, des
avocats ont. préconisé une abolition, di-
sant qu'il ne repose sur aucun principe.
Erreur. Il repose sur un principe fon-
drmetal, sur un principe vital, qui est
le droit de vivre pour le pauvre comme
pour le riche. Et cet impôt, qu'on peut
qualifier de somptuaire, n'est-il pas
en vigueur dans tous les pays euro-
péens, en Angleterre, en Allemagne,
en Autriche, en Russie, au Danemark,
en Suisse, en Italie et en Espagne où
des théâtres sont la propriété- des éta-
blissements de bienfaisance oui ont
ainsi une plus large part des bénéfices,
comme le cite M. Cros Mayreville, an-
cien membre du conseil de surveillance
de l'Assistance publique ?
Des esprits larges ont préconisé cette
taxe et Voltaire lui-même disait : « Il
faudrait avoir souvent à l'esprit, le con-
traste d'une fête à Versailles ou à l'O-
péra. où tous les plaisirs et toutes les
magnificences sont réunis avec 4iint
d'art, et la vision d'un Hôtel-Dieu, où
toutes les douleurs, tous les dégoûts de
la mort sont entassés avec tant d'hor-
reur. 8
Et qu'arriverait-il si on le suppri-
mait ? Ce serait la suppression d'un
certain nombre de lits d'hôpitaux, celle
des bureaux de bienfaisance. Une char-
ge enlevée serait remplacée par une au-
tre. Gardons donc celle-là, même si elle
est boiteuse, car nous sommes solidai-
res de nos malades et de nos indigents.
La réduire serait condamner l'Etat
ou la Ville a de nouveaux impôts en
abolissant un des plus équitables qui est
celui qui s'adresse à la population sai-
ne, à ceux qui s'arnusent en leur di-
sant : « Pensez à ceux qui souffrent. »
Paul Coguet.
.————————— —————————
LA JOURNEE POLITIQUE
Pas de réceptions
Dans sa réunion d'hier, le conseil des
miivFÎres a décidé qu'en raison des évtne.
ments de Lisbonne, il n'y aurait pas de
réceptions officielles, pendant le mois de
février.
Les jurés-ouvriers
On sait que le garde des sceaux avait dé-
posé hier un projet de loi permettant aux
ouvriers d'accepter l'exercice des fonctions
dû juré en leur allribuant une indemnité
remplaçant, dans une certaine mesure, le
salaire auquel ils renonceraient pendant
la durée des assises.
Voici, d'après l'exposé des motifs de ce
projet, comment seraient fixées les indem-
nités :
« Le taux des indemnités nouvelles se-
rait fixé par décret ; il serait néces-saire.
ment inférieur à celui des indemnités de
séjour dont le tarif a été déterminé par dé-
cret du 2 avril 1907 (Paris, 10 francs ; dans
les villes de 40.000 habitants et au-dessus;
8 francs ; dans les autres vitles, 6 francs. 1
Le gouvernement se propose de l'arrêter il
8 -francs pour Paris, à 6 fr. 50 pour les
villes de 40.000 habitants et au-dessus, et
à £ Irtam nmfrr Autres villes, cùcl"
lieux d'assises. - -
« Si l'on adopte ce tarif, qui ne saurait
guère être dépassé, la dépense occasioc-
née par la réforme sera la suivante : àl
Paris, les frais peuvent être évalués à
68.472 francs, à raison de 8.559 journées
de présence de jurés (chiffre de 1907). -
« Dans les chefs-lieux d'assises comptant
line population de 40.000 habitants et au-
dessus, les frais monteraient à 29.341 fr<
(4.514 journées de présence de jurés du
chef-lieu en 1907).
« Dans les autres chefs-iieux d'assises,
il serait de 16.005 francs (3.201 journées
de présence de jurés du chef-lieu en 190n..
La dépense totale n'excéderait pas 113.818
francs pour la France continentale, soit
115.000 francs en chiffre rond. Elle serait
donc peu élevée. »
—11 w h r~
A LA CHAMRRE
(
L'impût sur te revenu. - Le projet c
tiqué par M. Jules Roche
La séance est ouverte à deux heu'rg,:
sous la présidence de M. Henri Brié
son. '','
La Chambre reprend ta suite de la
discussion du projet de loi de Pimp'ô.'
sur le revenu.
M. Jules Roche, dont un long et intt
portant discours avait, on s'en souvient,
ouvert la discussion générale, reprend
la parole pour répondre au président el
au rapporteur de la commission.
Les critiques présentées par M. Aimond*
M. Ollivier et les autres ocateurs sur les
conséquences possibles du projet ont él £
formulées avec tant de force qu'il est inu-
tile d'v revenir.
Je .me bornerai à discuter les idées gb
nérales formulées par M. le président de
la commission, M. le rapporteur et les ora*
teurs partisans du projet. Ce n'est pas à
moi qu'on peut reprocher de fuir le débat:
depuis 18S8, à chaque occasion, j'ai com-
battu les projets d'impôt général sur le
revenu.
Ce n'est pas que mes amis et moi soyons
partisans du statu quo, car nous avontf
critiqué. à diverses reprises notre système
actuel d'impôts.
Nous sommes prêts à discuter des pro*
jets méthodiquement étudiés. (Très bien à
Très bien ! au centre).
Mais il n'est pas possible de mettre etf
pratique le projet actuel tel qu'il est pré-
senté ; on la reconnu en décidant par la1 *
loi de finances, la revision des évaluations
de la propriété non bàlic, opération qui,
d'après le ministre des finances, durera 3
ans.
Il est matériellement impossible d'apwi.
quer l'impôt nouveau avant que cette opé-
ration préliminaire soit - achevée. (Très
bien ! Très bien ! au centre et à droite).
De même, il est nécessaire "UC, pour que
la réforme soit complète, elle soit étendue
aux céntimes additionnels.
Err 1908, l'impôt foncier s'élève, jpour la
propriété non bàtie, à 259 millions en
chiffres ronds. Le projet ne réalise la ré-
forme que pour 106 millions, part de l'E-
tat ; 153 millions restent donc dans la si"
tuation actuelle tant que le projet sur les
centimes. additionnels ne sera pas adopté.
11 y a là une difficulté matérielle insur-
montable au vote du projet.
Je suis tout disposé à étudier la ques-
tion du remaniement des impôts directs.
Par exemple, on pourrait peut-être réunir
celui de la propriété bâtie et celui des
portes et fenêtres ; la mesure pourrait
être appliquée immédiatement.
Dans un remaniement de la loi des ya*
tentes, on pourrait trouver le moye.n de
soumettre à la ki des professions actuel-
lement privilégiées ; celle des journalis-
tes et d'autres artistes comme les pein-
tres, les romanciers, d'autres encore.
Le- jour où la comînission vondroit. pré-
parer un remaniement de nos impôts d'a-
près une base admise par tous, elle ne
rencontrera, dans la Chambre, aucune ob-
jection pour l'accomplissement de celte
œuvre purement fiscale.
En Alsace-Lorraine ce n"!st pas d'un
3eul coup qu'on a fait la réforme des qua-
tre contributions directes ; on a fait une
série de lois distinctes. Adoptons cette mé-
thode et faisons successivement la réforme
des portes et fenêtres, des patentes ; c'est
une œuvée qui peut être achevée d'ici b
un an. On ne reviendra donc pas devant
les électeurs les mains vides.
Au contraire, le projet actuel est inap-
plicable. A supposer qu'il fût voté toi quel
ici, il est certain qu'il serait arrêté net au
Sénat parce qu'il est matériellement inexé
eu table.
Si au lieu de faire une œuvre chiméri-
que, on veut obtenir ues résultats positifs,
il faut suivre une autre méthode, repren-
dre le projet et proposer des mesures suc-
cessives.
L'orateur explique pourquoi il lui est
impossible de voter le projet. Il s'adres
se surtout aux membres du parti sô'cia*
liste, qui sont les véritables inspirateur
du projet. *
Le >>arti socialiste continue à considcrpt
que l'impôt progressif est insuffisantmai
il doit accroître la force du papti, lui fcun
nir des ressources nouvelles, une uulorj.
té nouvelle, et c'est pour ceia qu'il adhère
au projet, suivant la formule de M. Fer
nand Brun. >
C'est pour cela qn, de mon côté, je re
fuse mon adhésion au projet (Très bien i
Trt.;, bien ! sur plusieurs bancs).
Pour justifier devant la Chambre ce syW
tème, on a dit que dans tous les payson
trouve un système d'impôts comme cedal.
qu'on propose. Et on a cité l'Allemagne, la
Suisse, les Etats-Unis, d'autre pays en.
core.
En fait, rien n'est plus inexact : ce
qu'on propose n'existe dans aucun pays.
L'exemple des autres pays condamne k1
proj et.
M. Gast a apporté, hier, des observations
très justes et courageusement présentées ;
il a dit : « Mais vous voulez donc créer
une classe de privilégiés dans la nation.
Rien n'est plus contraire à l'esprit repu"
blicain. »
Il avait raison. Il ne peut pas existeil
dans une démocratie une catégorie de ci-;
toyns jouissant de la plénitude de leurs
droits politiques et échappant à l'impôt
C'egt l'impôt sur le revenu qui a ameng
la chute de la République de Florence. t,
ANNONCES
âl7* BUREAUX DU JOURNAL
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Et chez MM. LAGRANGE, CERF etO
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OPZNZONS
Avec son parti
Deux discours viennent d'être pro-
noncés, presque à la même heure. La
personnalité de leurs auteurs leur con-
fère un intérêt qui dépasse celui de
l'immédiate actualité. Ils ne revêtent
pas seulement le caractère de manifes-
tations oratoires, mais celui d'une vé-
s ritable déclaration de principes.
C'est devant la gauche démocratique
du Sénat, pour solenniser l'heureux évé-
nement qui de nouveau la réunissait au
groupe radical-socialiste, que M. Com-
bes a développé sa pensée. C'est aux
'Jardies, dans l'évocation d'une grande
mémoire toujours debout, que M. Ranc,
infatigable vétéran de l'action et de la
lutte, faisait entendre des conseils de
son expérience clairvoyante et de sa foi
républicaine.
Il faut bien que certaines préoccupa-
tions fussent en quelque sorte dans
l'air, car ces deuxi discours, malgré la
diversité des circonstances, reflètent les
* mêmes soucis, affirment la même mé-
r thode, posent la même doctrine de gou-
vernement.
Doctrine, méthode, une phrase de
Gambetta citée par M. Ranc en concen-
tre la synthèse dans une formule caté-
gorique : « Nous devons gouverner avec
notre parti, rien qu'avec lui. »
Quand on entre en contact avec le
pays, quand on sort des milieux fami-
liers et un peu factices où s'agite la vie
parlementaire, quand on se retrouve en
présence des hommes, des groupements,
des comités, des ligues de propagande
par qui s'est assurée l'orientation défi-
nitive ries convictions nationales, on
sent bientôt ce qu'il y a d'opportunité,
'd'utilité pressante, de probité républi-
caine dans ces avis expérimentés, qu'au
premier abord on serait tenté de juger
superflus.
La France a pour les idées, pour la
défense du régime qu'elle s'est donné,
pour le triomphe de l'esprit de démo-
cratie, livré une bataille ardente. Ba-
taille pareille à toutes les batailles où
s'exalte la joie de la lutte, le vertige des
Coups portés et reçus, le bouillonne-
ment des inimitiés, l'ivresse de la vic-
toire décisive péniblement obtenue. Cer-
tes,dans des cerveaux surexcités, l'âpre
souci du succès finit par l'emporter par-
fois sur les préoccupations de pfc £ prin-
cipe, et si l'on-veut sur les considéra-
tions d'équité. Mais seule la passion est
vivifiante et féconde. Sv..::-.o elle secoue
les entraves, les mille liens où la pensée
courante demeure garrotér Elle susci-
te, elle impose aux timidités inertes les
ruptures nécessaires, les adhésions inti-
mement souhaitées et qui n'osaient s'a-
vouer. Elle est génératrice d'élan, d'en-
train, de sacrifice. Elle fouette les con-
victions engourdies ; elle les enrôle, elle
les encadre, elle en décuple les vertus.
Et tant bien que mal, non sans cahots ni
sans secollsses.. mais vaillamment, on
avance.
Mauvaise défense qu'une forteresse
pour une armée ; mauvais présent du
sort que celui d'une trop grande vic-
toire. Tandis que s'agitent en elle tous
- les zèles fervents qu'a allumés l'exer-
cice même de l'offensive, la sécurité, le
: succès la condamne à l'on. ne sait quelle
,.; lâche torpeur. Elle a bientôt fait de
voir sécher son esprit d'initiative, étein-
dre la ferveur de son dévouement, amol-
lir ses énergies et ses facultés d'abné-
gation. Le dieu n'y est plus.
Par un phénomène assez particulier,
ce n'est point dans les troupes répu-
blicaines que semble s'être dessinés des
indices de torpeur ou de lassitude, après
-le magnifique épanouissement de résul-
tats inespérés, mais après la délectation
du triomphe, elles se cherchaient pour
.se remettre en route, elles attendaient
frémissanhs le signal, le boute-selle
éclatant qui, les réveillant à l'aurore,
^devait les mener sur la route de conquê-
tes nouvelles. Et elles ont l'impression
:quon s'attarde à l'étape. Et tandis
qu'un peu déçues, un peu déconcertées,
elles s'attachent, un peu au hasard,
pour occuper leur ennui, à des objets
mesquins et futiles, voici qu'elles cons-
tatent avec stupeur que dans leur pro-
pre camp se sont faufilés, timides d'a-
bord, plus audacieux ensuite, impérieux
maintenant, les ennemis déclarés de la
.veille. Et ces adversaires portent effron-
iément à leur chapeau la cocarde
qu'hier ils foulaient aux pieds avec des
paroles de mépris.
Hé, sans doute ! 11 est des grâces pour
les résipiscences. On ne peut toujours
.se maudire ou se montrer le poing. Mais
51 est dur pourtant, pour qui mit son
effort à assurer la victoire d'un parti,
fle voir profiter de son triomphe ceux
qui furent ses ennemis acharnés. Qu'on
le veuille ou non, en politique, les idées,
aux yeux des hommes, ont pour symbo-
les des hommes : constatation décevante
lorsque la fortune, le prestige, le crédit
des individus grandissent avec le désas-
tre des idées qu'ils ont publiquement
incarnées : spectacle démoralisant
quand les vaincus sont assez habiles
pour faire payer aux vainqueurs la re-
vanche de leur défaite.
Malaise, flottement, trouble des cons-
ciences, incertitude, voilà l'état d'âme
que nous révèle en maint endroit le pays
républicain. A qui la faute ? Peu im-
porte. Le fait est la.
MM. Ranc et Combes ont mis le doigt
sur la plaie. Ils ont dit le remède :
être de son parti, gouverner avec lui.
Un parti ? Une secte, direz-vous, un
syndicat d'intérêts, de convoitises,
d'ambitions, de vanités ? Une chapelle
auxi rites obscurs, mystérieux, subrep-
tices, où l'on n'entre qu'en montrant
patte blanche, nanti de quelque « se-
same » ?
Non. Parti ne veut pas dire coterie.
Mais en politique comme dans l'exis-
tence, pour être quelqu'un, il faut être
soi.
Toutes les transactions, toutes les
roueries, toutes les compromissions
peuvent vous permettre de durer un
jour. Elles ne vous font pas vivre. Vous
constituerez à votre guise un arlequin
de majorité fait de complaisances sub-
reptices, d'indifférences, de reniements.
Une identité sincère et franche de doc-
trine et de principes, une communauté
de tendances et d'aspirations, une vi-
sion nette du but à atteindre, une vo-
lonté ferme d'y parvenir, voilà ce qui
fait un parti. Mais prendre à sa remor-
que les épaves prêtes à sombrer d'une
flotte en déroute, y donner tous ses
soins, les repeindre, les radouber, les
maquiller, régler sa marche au rythme
essoufflé de leurs machines antiques,
réconforter leurs équipages, rester en
panne enfin, et se voir réduits peut-être
à subir l'humiliante assistance des vain-
cus, ce serait vraiment un piteux résul-
tat après un noble effort. La Républi-
que, sûre d'elle-même, a mieux à faire
qu'à restaurer des ruines. Elle y per-
drait son temps. Elle y sacrifierait sa
raison d'être.
T. STEEC.
LE CAS D'ABD EL AZIZ
.-.. -3J. ——— :.,:-.
Le ministre (les affaires
étrangères accepte pour lundi
une question de M. Jaurès
sur 'es plus récents incidents
marocains. La question ne
sera pas transformée en in-
terpellation et M. Pichon limitera sa ré-
ponse aux faits précis qui justifient la
question du leader socialiste.
Nous ne verrons donc pas se renou-
velere grand débat sur la question ma-
rocaine qui a permis récemment au ca-
binet de faire connaître d'une façon as-
sep complète la politique qu'il entend
suivre en Afrique. :
La question portera plus spécialement
sur les démarches qu'Abd el Aziz aurait
faites auprès de l'Allemagne. Ces dé-
marches sont niées, paraît-i\ par le sul-
tan. Mais la presse allemande certifie
qu'elles ont été faites ; et l'on rappelle
que, dans d'autres occasions, Abd el
Aziz avait fait appel à nos rivaux contre
nous.,
Le sultan de Rabat aurait alors une
politique bien tortueuse, et bien dan-
gereuse, même pour lui. Il est vrai que
la France ne se jette pas d'une manière
officielle dans le conflit des deux fils de
Mouley Hassan. Mais, après les derniè-
res explications de M. Pichon à la
Chambre, il n'est pas douteux que nous
serons amenés à fournir au maghzen
un appui indirect efficace en l'aidât à
rendre ses finances moins précaires.
D'autre part, la -sécurité du sultan à Ra-
bat n'est guère assurée que par la proxi-
mité de nos troupes d'occupation.
Et Abd el Aziz qui est, pour ainsi dire
dans notre main, ferait des intrigues
avec les émissaires de M. de Bülow ! Il
ne comprend donc pas qu'il nous suffi-
rait de desserrer les doigts pour le voir
tomber et se briser ?
En tout état de cause, "nne saurait
songer à établir une solidarité gênante
entre la cause d'Abd el Aziz et les inté-
rêts français. Eh bien, même dans la
limite indiquée par M. Pichon, nous ne
pouvons continuer au sultan notre sym-
pathie active que si lv politique du
maghzen est purgée de toute duplicité.
C'est sur ce point que porteront les
explications du ministre des affaires
étrangères. Nous croyons savoir qu'elles
ne prêteront à aucune ambiguïté.
—————————— ——————— : ———
LES ON-D1T
-,
Les ouvriers de la Villette
Qui ne connaît Prunier, le sympathi-
que chef de la grande tribu des débar-
queurs de bestiaux à la Villette '!- Les
ministres, lorsqu'ils se hasardent sur
ces hauteurs, ne dédaignent pas de se
le faire présenter, les candidats recher-
chent son influence et tout le monde
l'estime, car c'est un brave homme, à
qui l'on a bien fait d'accorder un bout
de ruban. Il occupait le fauteuil d'hon-
neur dernièrement à l'assemble gén,.
raie des ouvriers et employés du mar-
ché" et il a été' réélu président par accla-
mations.
A cette réunion, lét grave question-
de l'assurance en cas d'accident a été
résolue. On a adopté une proposi-
tion de M. Lefranc, président du syndi-
cat des patrons débarqueurs et délégué
des commissionnaires en bestiaux, ten-
dant à établir une moyenne de salaire
de 56 francs par semaine, soit 8 fr. par
jour, de façon qu'en cas d'incapacité de
travail il soit attribué, la loi de 1898
parfaitement observée, 4 francs par
jour, aussi bien aux hommes de corvée
qu'à ceux travaillant à la semaine. Gette
heureuse solution a été vivement soute-
nue par M. Prunier, et il faut le louer
de son intervention conciliante.
l'
Une édition unique de Zola
Un bibliophile bien connu vient de se
procurer, par des moyens qui ne sont
pas à la portée de tout. Je monde, une
édition originale de Zolâ. Il a fait relier,
par le maître Marius Michel, chaque ro-
man dans le grand format de luxe, en
joignant une lettre autographe qui don-
ne sur l'œuvre les idées, les apprécia-
tions, la façon de voir de l'auteur. Ces
documents, véritables pages, de notre
histoire littéraire contemporaine, pleins
de détails révélateurs, font partie de la
précieuse correspondance adressée à
Philippe Gille par le père des Rougon-
Macquart.
Confiserie scientifique
Tel cuide engeigner autrui qui sou-
vent s'enseigne lui-même. L'histoire ,du
voleur volé est de tous les jours. Si vous
expédiez une surprise à des amis de
province, ayez soin d'enlever du colis
postal tout signe extérieur pouvant allé-
cher les subtils filous qui rôdent, en
quête d'occasions, autour des gares et
des correspondances de chèmins de fer.
Dernièrement, un éminent universi-
taire, directeur d'un laboratoire en Sor-
bonne, M. C., envoyait à un institu-
teur de l'Aveyron une petite caisse con-
tenant des ouvrages de science et des
échantillons minéralogiques. Malheu-
reusement, sur l'envoi s'étalait, en gros-
ses lettres noires, la. fallacieuse mention
suivante : Chocolat. — Confiserie fine.
Le colis disparut. Il serait curieux de
connaître les impressions du voleur à
l'ouverture ; elles ne doivent pas avoir
été très distantes de celles du coq de la
fable qui trouva une perle.
La déclaration obligatoire de l'avarie
Il va bien, le conseil d'arrondissement
d'Etampes ! Voilà qu'il vient d'émettre
un vœu réclamant la déclaration obliga-
toire de l'avarie. Ce serait la fortune
pour les médecins de vespasiennes, qui
promettent la guérison rapide et la dis-
crétion en réclames effrontées. Non,
mais vous ne voyez pas les malheureux
blessés de Vénus invités, par un avis
ouvert de la mairie, à aPer au dispen-
saire officiel pour recevoir l'huile grise
municipale des mains du médecin-chef
du bureau d'hygiène ? Vous devinez l'é-
moi des intéressés, des concierges, des
voisins, lorsqu'un préposé viendra vé-
rifier chez vous si vous avez votre cou-
vert spécial et si vous prenez bien vos
gargarismes chloratés ? Du jour où un
docteur dénoncerait aux autorités ses
malades, il n'aurait plus personne, tous
iraient aux empiriques.
Le Passant.
mmmmmmamwmmm——> ■■ ■ ■ n *mm 1 i———
LETTRE D'AUTRICHE
La Triplice en dissolution
Vienne, 7 février.
Plus d'erreur, la Triple-Alliance qui fai-
sait pendant trente ans la base de la po-
litique étrangère de l'Autriche-Hongrie, est
ébranlée. Avec la démocratisation du
Reichsrath de Vienne, les peuples slaves
acquirent dans cette Assemblée bon nom-
bre de sièges et disposent aujourd'hui de
la majorité de voix aux délégations autri-
chiennes qui tiennent ces jours-ci leurs
assises à Vienne.
Jusqu'ici, les Tchèques protestaient seuls
devant ce forum, qui se réunit une fois
l'an pour délibérer de la politique étran-
gère et du budget militaire, contre la Tri-
ple-Alliance.
Cette année, ils sont secondés en ceci
par leurs frères de Galicie, les Polonais.
Leur porte-parole, M. Glambinski, prési-
dent du Kolo pols/âe, dit dans une des
dernières séances de la commission, ceci :
« Certains faits, comme les tendances
d'expansion de l'Allemagne et la politique
hapkntiste de la Prusse, que foui le monde
civilisé est unanime à condamner, sont. de
nature à déplacer l'équilibre européen et
n'effrent plus les garanties nécessaires à
la paix universelle ni môme à la paix dans
l'intérieur de la monarchie austro-hon-
groise.
« Notre devoir est donc Ce chercher ces
garanties ailleurs, et je crois que nous ne
pouvons pas en trouver .de meilleures ni
de plus sûres que dans un rapprochement
plus étroit des puissances occidentales, la
France et l'Angleterre.
Après cette première sortie, l'Assemblée
entendit un chaleureux plaidoyer en fa-
veur des Polonais de.
veur des Polonais de Posnanie que pro-
nonça avec autorité le comte Latour, mem-
bre de la Chambre des Seigneurs.
Les orateurs qui se suivirent donnèrent
chacun à son tour un bon coup de pie-che
dans l'édifice branlant de la Triplice.
Le député tchèque Kramarz dit qu'il n'a-
vait qu'à répéter ce qu'il disait déjà nom-
bre de fOIS, c'est que la Triple-Alliance est
bre de fois, h l'Allemagne, mais non pas à
nécessaire à l'AlJcmagne, mais non pas à
l'Autriche-Hongrie, parce que cette der-
nière puissance ne poursuit nas comme la
première une politique de conquêtes. Il in-
sista ensuite sur la modification indispen-
sable de l'art. 2 du pacte pendant qu'il est
encore en vigueur, article qui considère
le casus fœderis, pour que l'Autriche ne
soit plus exposée au danger de couvrir
l'Allemagne quand elle s'aviserait de don-
ner suite aux tendances de ça politique
mondiale : « La majorité du Reichsrath, ter-
mina-tril son important discours, est au-
jourd'hui autrement composée qu'il y a
un gn, et c'est de cela qu il convient de te-
nr cc^nple. Une alliance avec un Etat qui
ne se soucie pas de bt..86 politi-
que intérieure la majorité de peuples de
l'Etat allié, ne peut avoir de durée. »
Le député Dresse! abonda dans le mê-
me sens. *
Et le ministre des affaires étrangères, le
baron d'AerenthaJ, demanderez-vous ? Oh !
il se fit tout petit, tout petit, se borna à
une défense des plus molles de la Triplice.
On aurait dit qu'il n'agissait pas que par
acquit de conscience. Le plus fort argu-
ment qu'il trouva en faveur du maintien
du pacte austro-allemand fut qu'il est bon
de ne pas toucher à ce qui nous donne de
la tranquillité Le groupement actuel des
puissances, dit-il, donne à l'Europe un
sentiment général de sécurité. Des inno-
vations pourraient entraîner au contraire
des périls et des conflits. Donc, ne tou-
chons pas à nos alliances. » Oui, n'y tou-
chons pas, car elles ne tarderont pas à
s'évanouir d'elles-mêmes. — 77<
»
Le Droit des Pauvres
Une vieille institution. — Le droit des
pauvres et l'Hôtel-Dieu. — Qu'est-
¡ ce que le droit des pauvres ? -
Ç^ Le rendement actuel. —r
1 ^oit-on le supprimer ?
Une question toute d'actualité, brû-
lante j'oserais dire et bien parisienne —
quoique pourtant les départements en
soient tributaires - est celle du droit
des pauvres.
Un de nos confrères nouvellement né,
dont le titre indique suffisamment qu'il
s'occupe de choses se passant dans les
coulisses et intéressant le monde spé-
cial des théâtres, vient d'agiter- cette
question du droit des pauvres et deman-
aer sa suppression. w
Peut-on et. doit-on supprimer le droit
des pauvres ?
Il importe d'envisager le pour et le
contre, de prendre en considération
toute chose utile à maintenir ce droit ou
à le faire crouler, et impartialement se
prononcer.
Qu'est-ce donc au juste que le droit
des pauvres ? D'où a-t-il pris naissance ?
A qui est-il destiné ? Son importance
est-elle réelle ? C'est ce que nous allons
essayer de démontrer.
*
♦ *
Paris a toujours eu ses pauvres. Lu-
tèce avait ses infirmes et ses loqueteux.
Cet état de choses n'a pas cessé et l'ex-
tinction du paupérisme a des chances
de ne pas être réalisée au cours du ving-
tième siècle. '",.'
Le droit des pauvres n'est pas une ins-
titution qui se perd dans la nuit des
temps. Cette institution, créée par la
Monarchie et réorganisée par la pre-
mière République, fut maintenue -et
protégée par les divers gouvernements
qui se sont succédé.
Dans un ouvrage ries p'us documen-
ts, que MM. Nielly, inspecteur principal
de l'Assistance publique, et Seigneur,
chef du service du droit des pauvres,
llrcnt, sur le droit des pauvres, on y lit
un historique détaillé de cet impôt. M.
Mesureur leur répondit en ces termes :
« Le droit des pauvres a" résisté pen-
« dant tout le siècle dernier aux atta-
« ques dirigées contre lui. Il résistera
« encore à celles que l'en prépare. On
« peut reconnaître qu'il étonne dans no-
« tre régime d'unité fiscale et qu'il est
« le seul exemple à notre époque d'une
« contribution prélevée au profit l'nne
« catégorie particulière de citoyens,
Cf niais il emprunte un caractère sacré
« à sa destination : les pauvres. »
Au seizième siècle, les personnes à se-
courir étaient divisées en deux catégo-
ries : indigents valides et indigents in-
firmes, qu'on appelait aussi pauvres im-
puissants. Aux premiers, on donnait du
travail ; aux seconds, des secours pro-
prement dits. Ces derniers étaient en-
voyés à l'Hôtel-Dieu qui les prenait à sa
charge.
Cette idée-mère d'une contribution re-
monte à Charles VI, qui l'institua par
une ordonnance royale du 24 avril 1407.
Mais c'est depuis le règne de Louis XIV
seulement que le droit proportionnel au
profit des indigents et le mode adopté
pour le percevoir sont entrés dans le do-
maine de la loi.
Une ordonnanc royale en date du 25
février 1699 prescrivit en effet qu vfut
levé au profit de l'Hôpital Général, pour
les pauvres, 1/6 en sus des sommes
qu'on percevait alors. Ce 1/6 fut étendu
par une autre ordonnance du régent, en
date du 5 février 1716, portant la per-
ception de 1/9 en plus en faveur de
l'Hôtel-Dieu, de sorte que ces deux taxes
réunies égalèrent 1/4 de la recette des
théâtres, mais elles ne diminuaient en
rien cette recette, car le prix d'entrée
avait été augmenté d'autant.
C'est pourquoi un de nos confrères
faisait passer un écho hier demandant
que l'on supprimât le droit des pauvres
à Paris, droit qui avait été institué cnie
pour faire vivre l'Hôtel-Dieu d'alors qui,
devenu l'horrible bâtiment que chacun
connaît et sur lequel 'es années ont mis
leur patine, va bientôt tomber sous la
pioche du démolisseur.
.*.
Que le vieil Hôtel-Dieu disparaisse,
chacun applaudira ; mais il ressort des
explications citées plus haut et qui éma-
nent de la haute personnalité, de M.
l'inspecteur principal Nielly que ce
droit des pauvres fut, non pas créé pour
l'Hôtel-Dieu d'alors, mais simplement
étendu à son profit. La disparation des
vieux bâtiments de la rue de la Bûche-
rie, construits depuis deux cents ans et
qui tombent en ruines, n'amènera donc
pas et ne peut pas amener la dispari-
tion du droit des, pauvres.
Ce droit était d'autant plus nécessaire
â cette époque, qUc !P.
se plaignaient au régent que le nombre
des malades augmentant sans cesse les
contraignait à mettre 4, 5 et même 6 'ma^
lades tête bêche dans le même lit.
Depuis, la contribution du droit des
pauvres subsista malgré les pétitions ou
discussions qui eurent lieu à la Cham-
bre en 1829, puis en 1841, 1869, i873,
1875 et enfin en 1895 où M. Georges
Berry soumit à la Chambre un projet
qui proposait de supprimer les abonne-
ments aux théâtres, de frapper les bil-
lets de faveur et d'adopter le mode en
vigueur en Russie, celui des timbres
mobiles.
Chaque année, un arrêté pris par le
préfet de la Seine établit les taux de
perception qui, actuellement, sont les'
suivants :
1° Le 1jloe en sus du prix de chaque bil-
let, soit 9,99 de la recette brute pmtr
tous les théâtres et concerts autres que
les concerte d'artistee, ainsi que pour les
jeux, divertissements et autres spectacles ;
2° 15 de la recette brute au lieu die
25 dans les bals publics ;
3° 5 pour les concerts dorméc par des
artistes oui associations d'artistes à leur
profit ;
4° 5 pour les fêtes données au. rwo-
fit d'ocuvnes de bienfaisance étrangères à
Paris ;
5° 1 pour les fêtes données par les
sociétés db pure bienfaisance ou les so-
ciétés de secours mutuels et de prévoyance
dans le but de venir en aide aux nécessi-
teux français, étrangers habitant Paris.
Il ressort de ces 'derniers chiffres que
quelques partisans de l'abolition du
droit des pauvres ont un semblant de
raison, puisque nous voyons cette in-
vraisemblance : un droit des pauvres
prélevé sur les recettes d'une fête don-
née au profit. des pauvres. Là est la
seule excuse de leur raisonnement.
Cet impôt a toujours été, de la part de
ceux qui le payaient, l'objet de réclama-
tions. Lts droits perçus s'élevaient en
1865 à 1,800,000 francs et const:Wai-ent
le 1/12 du budget de l'Assistance publi-
que, qui était alors de 22,000.000. ac-
tuellement, il est d'environ 4,000,000
pour un budget de 54,000,000. La pro-
portion est restée à peu près la même,
et pourtant celle des indigents a aug-
menté beaucoup plus, car, alors qu'en
1850, on comptait 80,677 nécessiteux,
Paris en secourt aujourd'hui plus de
200,000, et la récente loi sur les vieil-
lards vient encore d'augmenter les char-
ges de la Ville et de l'Assistance.
Il serait donc absolument déplacé de
demander l'abolition de ce droit qui,
loin d'être injustifiable, est, au contrai-
re, celui qui se justifie le mieux par sa
destination spéciale. C'est une taxe sur
notre plaisir au profit de l'indigent.
Quoi de plus naturel. Pourquoi, le plai-
sir que l'on va chercher au théâtre, au
concert, sur un champ de courses, ne
serait-il pas grévé ? -
Des jurisconsultes, des politiciens, des
avocats ont. préconisé une abolition, di-
sant qu'il ne repose sur aucun principe.
Erreur. Il repose sur un principe fon-
drmetal, sur un principe vital, qui est
le droit de vivre pour le pauvre comme
pour le riche. Et cet impôt, qu'on peut
qualifier de somptuaire, n'est-il pas
en vigueur dans tous les pays euro-
péens, en Angleterre, en Allemagne,
en Autriche, en Russie, au Danemark,
en Suisse, en Italie et en Espagne où
des théâtres sont la propriété- des éta-
blissements de bienfaisance oui ont
ainsi une plus large part des bénéfices,
comme le cite M. Cros Mayreville, an-
cien membre du conseil de surveillance
de l'Assistance publique ?
Des esprits larges ont préconisé cette
taxe et Voltaire lui-même disait : « Il
faudrait avoir souvent à l'esprit, le con-
traste d'une fête à Versailles ou à l'O-
péra. où tous les plaisirs et toutes les
magnificences sont réunis avec 4iint
d'art, et la vision d'un Hôtel-Dieu, où
toutes les douleurs, tous les dégoûts de
la mort sont entassés avec tant d'hor-
reur. 8
Et qu'arriverait-il si on le suppri-
mait ? Ce serait la suppression d'un
certain nombre de lits d'hôpitaux, celle
des bureaux de bienfaisance. Une char-
ge enlevée serait remplacée par une au-
tre. Gardons donc celle-là, même si elle
est boiteuse, car nous sommes solidai-
res de nos malades et de nos indigents.
La réduire serait condamner l'Etat
ou la Ville a de nouveaux impôts en
abolissant un des plus équitables qui est
celui qui s'adresse à la population sai-
ne, à ceux qui s'arnusent en leur di-
sant : « Pensez à ceux qui souffrent. »
Paul Coguet.
.————————— —————————
LA JOURNEE POLITIQUE
Pas de réceptions
Dans sa réunion d'hier, le conseil des
miivFÎres a décidé qu'en raison des évtne.
ments de Lisbonne, il n'y aurait pas de
réceptions officielles, pendant le mois de
février.
Les jurés-ouvriers
On sait que le garde des sceaux avait dé-
posé hier un projet de loi permettant aux
ouvriers d'accepter l'exercice des fonctions
dû juré en leur allribuant une indemnité
remplaçant, dans une certaine mesure, le
salaire auquel ils renonceraient pendant
la durée des assises.
Voici, d'après l'exposé des motifs de ce
projet, comment seraient fixées les indem-
nités :
« Le taux des indemnités nouvelles se-
rait fixé par décret ; il serait néces-saire.
ment inférieur à celui des indemnités de
séjour dont le tarif a été déterminé par dé-
cret du 2 avril 1907 (Paris, 10 francs ; dans
les villes de 40.000 habitants et au-dessus;
8 francs ; dans les autres vitles, 6 francs. 1
Le gouvernement se propose de l'arrêter il
8 -francs pour Paris, à 6 fr. 50 pour les
villes de 40.000 habitants et au-dessus, et
à £ Irtam nmfrr Autres villes, cùcl"
lieux d'assises. - -
« Si l'on adopte ce tarif, qui ne saurait
guère être dépassé, la dépense occasioc-
née par la réforme sera la suivante : àl
Paris, les frais peuvent être évalués à
68.472 francs, à raison de 8.559 journées
de présence de jurés (chiffre de 1907). -
« Dans les chefs-lieux d'assises comptant
line population de 40.000 habitants et au-
dessus, les frais monteraient à 29.341 fr<
(4.514 journées de présence de jurés du
chef-lieu en 1907).
« Dans les autres chefs-iieux d'assises,
il serait de 16.005 francs (3.201 journées
de présence de jurés du chef-lieu en 190n..
La dépense totale n'excéderait pas 113.818
francs pour la France continentale, soit
115.000 francs en chiffre rond. Elle serait
donc peu élevée. »
—11 w h r~
A LA CHAMRRE
(
L'impût sur te revenu. - Le projet c
tiqué par M. Jules Roche
La séance est ouverte à deux heu'rg,:
sous la présidence de M. Henri Brié
son. '','
La Chambre reprend ta suite de la
discussion du projet de loi de Pimp'ô.'
sur le revenu.
M. Jules Roche, dont un long et intt
portant discours avait, on s'en souvient,
ouvert la discussion générale, reprend
la parole pour répondre au président el
au rapporteur de la commission.
Les critiques présentées par M. Aimond*
M. Ollivier et les autres ocateurs sur les
conséquences possibles du projet ont él £
formulées avec tant de force qu'il est inu-
tile d'v revenir.
Je .me bornerai à discuter les idées gb
nérales formulées par M. le président de
la commission, M. le rapporteur et les ora*
teurs partisans du projet. Ce n'est pas à
moi qu'on peut reprocher de fuir le débat:
depuis 18S8, à chaque occasion, j'ai com-
battu les projets d'impôt général sur le
revenu.
Ce n'est pas que mes amis et moi soyons
partisans du statu quo, car nous avontf
critiqué. à diverses reprises notre système
actuel d'impôts.
Nous sommes prêts à discuter des pro*
jets méthodiquement étudiés. (Très bien à
Très bien ! au centre).
Mais il n'est pas possible de mettre etf
pratique le projet actuel tel qu'il est pré-
senté ; on la reconnu en décidant par la1 *
loi de finances, la revision des évaluations
de la propriété non bàlic, opération qui,
d'après le ministre des finances, durera 3
ans.
Il est matériellement impossible d'apwi.
quer l'impôt nouveau avant que cette opé-
ration préliminaire soit - achevée. (Très
bien ! Très bien ! au centre et à droite).
De même, il est nécessaire "UC, pour que
la réforme soit complète, elle soit étendue
aux céntimes additionnels.
Err 1908, l'impôt foncier s'élève, jpour la
propriété non bàtie, à 259 millions en
chiffres ronds. Le projet ne réalise la ré-
forme que pour 106 millions, part de l'E-
tat ; 153 millions restent donc dans la si"
tuation actuelle tant que le projet sur les
centimes. additionnels ne sera pas adopté.
11 y a là une difficulté matérielle insur-
montable au vote du projet.
Je suis tout disposé à étudier la ques-
tion du remaniement des impôts directs.
Par exemple, on pourrait peut-être réunir
celui de la propriété bâtie et celui des
portes et fenêtres ; la mesure pourrait
être appliquée immédiatement.
Dans un remaniement de la loi des ya*
tentes, on pourrait trouver le moye.n de
soumettre à la ki des professions actuel-
lement privilégiées ; celle des journalis-
tes et d'autres artistes comme les pein-
tres, les romanciers, d'autres encore.
Le- jour où la comînission vondroit. pré-
parer un remaniement de nos impôts d'a-
près une base admise par tous, elle ne
rencontrera, dans la Chambre, aucune ob-
jection pour l'accomplissement de celte
œuvre purement fiscale.
En Alsace-Lorraine ce n"!st pas d'un
3eul coup qu'on a fait la réforme des qua-
tre contributions directes ; on a fait une
série de lois distinctes. Adoptons cette mé-
thode et faisons successivement la réforme
des portes et fenêtres, des patentes ; c'est
une œuvée qui peut être achevée d'ici b
un an. On ne reviendra donc pas devant
les électeurs les mains vides.
Au contraire, le projet actuel est inap-
plicable. A supposer qu'il fût voté toi quel
ici, il est certain qu'il serait arrêté net au
Sénat parce qu'il est matériellement inexé
eu table.
Si au lieu de faire une œuvre chiméri-
que, on veut obtenir ues résultats positifs,
il faut suivre une autre méthode, repren-
dre le projet et proposer des mesures suc-
cessives.
L'orateur explique pourquoi il lui est
impossible de voter le projet. Il s'adres
se surtout aux membres du parti sô'cia*
liste, qui sont les véritables inspirateur
du projet. *
Le >>arti socialiste continue à considcrpt
que l'impôt progressif est insuffisantmai
il doit accroître la force du papti, lui fcun
nir des ressources nouvelles, une uulorj.
té nouvelle, et c'est pour ceia qu'il adhère
au projet, suivant la formule de M. Fer
nand Brun. >
C'est pour cela qn, de mon côté, je re
fuse mon adhésion au projet (Très bien i
Trt.;, bien ! sur plusieurs bancs).
Pour justifier devant la Chambre ce syW
tème, on a dit que dans tous les payson
trouve un système d'impôts comme cedal.
qu'on propose. Et on a cité l'Allemagne, la
Suisse, les Etats-Unis, d'autre pays en.
core.
En fait, rien n'est plus inexact : ce
qu'on propose n'existe dans aucun pays.
L'exemple des autres pays condamne k1
proj et.
M. Gast a apporté, hier, des observations
très justes et courageusement présentées ;
il a dit : « Mais vous voulez donc créer
une classe de privilégiés dans la nation.
Rien n'est plus contraire à l'esprit repu"
blicain. »
Il avait raison. Il ne peut pas existeil
dans une démocratie une catégorie de ci-;
toyns jouissant de la plénitude de leurs
droits politiques et échappant à l'impôt
C'egt l'impôt sur le revenu qui a ameng
la chute de la République de Florence. t,
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