Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-02-01
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 01 février 1908 01 février 1908
Description : 1908/02/01 (N13840). 1908/02/01 (N13840).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
m. 13840. G 11 Pluviôse An 116 4 ÇflBJg'TlDMIM S«JGB BTOMBllO Samedi Février 1908. - lqlb 13840
LE XIX1 SIECLE
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OPINIONS
REMUÉ
Un soir, à Strasbourg, j'avais perdu
mon chemin. Je voulus le demander à
deux personnages en uniformes, qui
me croisaient, et que je prenais comme
qui dirait pour des sergents de ville.
Mais je m'étais trompé de casques à
pointes, et je m'aperçus que j'arrêtais
îles soldats prussiens. .-
Le vocabulaire tout - à fait primitif
dont je me servais pour tenter de me
faire entendre d'eux les étonna sans les
rendre narquois comme je le craignais.
Ils me dirent seulement :
— Si/s sind fremd, herr ? (Vous êtes
étranger, monsieur V)
Ils n'y avaient pas mis de malice. Je
ressentis pourtant, à les entendre, une
douloureuse impression. Quoi ! étran-
ger, moi, Français, en Alsace ? Quelle
folie ! Je fus sur le point de demander
à des Strasbourgeois qui nous écou-
taient ce qu'ils en pensaient. Mais je
n'eus pas besoin de parler, et je lus
idans leurs yeux leur réponse.
L'Allemand sait bien qu'en Alsace, il
est impatiemment supporté. 11 n'en res-
sent pas de honte. Il a pour lui le droit
qui seul lui importe : le droit de la for-
ce. Aussi, il se carre, il s'installe, il
s'assure la plus large et la meilleure
- place. Il est chez lui. Et quand il vous
rencontre, il vous jette par la figure
son placide : Sic sind (remd.1 C'est
vous, le fils de la terre .qu'il foule, qui
Êtes l'étranger.
Je m'aventurai, un autre soir, dans
un grand café, où l'on fait de la musi-
que, et qui est surtout fréquenté par les
immigrés. L'orchestre jouait une fantai-'
sic sur l'opérette hongroise à la mode,
la Joyeuse Veuve. La valse plut parti-
,eulièreme.ttt au public, qui la bissa. Les
musiciens, trouvant sans doute qu'ils
avaient assez travaillé, faisaient la
sourde oreille. Un grand officier en dol-
man bleu, qui paraissait jusque-là ne
faire aucune attention aux airs qu'on
jouait, se tourna vers le chef d'orches-
tre, et lui lit un signe du bout des
oigls. Aussitôt,, les violonistes repri-
rent leurs instruments et recommencè-
rent ta valse.
La volonté du public n'avait rien pu :
le moindre désir d'un-porteur de sabre.
Jétait obéi sans hésitation.
Quand on nous parle d'un triomphe
prochain de la démocratie d'outre-Rhin
sur les forces de réaction, rappelons-
nous que les Allemands sont tout à fait
militarisés, Chez eux, l'ordre d'un offi-
cier, non pas à un subordonné, mais à
n'importe quel civil, ne se discute pas ;
il s'exécute.
Quand on visite les bords du Rhin,
on a l'impression de traverser un peu-
ple sur le pied de guerre, un peuple
brûlé d'une inextinguible soif de suc-
cès et de victoires. J'ai quelquefois en-
tendu dire par des Français que nous
- taisions abus de drapeaux, que nous en
5 sortions trop et trop souvent les jours
de fête. Je n'ai jamais vu autant de dra-
peaux que dans les pays rhénans. La
triple bande d'étoffé noire, blanche et
rouge flotte partout. En pleine campa-
gne, on la trouve à chaque pas, arbo-
rée, sans raison visible, même sur des
clôtures de champs.
La passion chauvine et le loyalisme
monarchiste éclatent dans les noms
choisis pour les grands vapeurs qui
descendent et remontent constamment
le Rhin : Borussia, Deutscher Kaiser,
* etc. Les auberges sont pour la plu-
part vouées au Kaiser, au Kronprinz,
ou bien à la glorieuse Germania.
Les Denhmals, les monuments qui
rappellent les victoires allemandes, do-
minent tous les points de vue. Et quelle
architecture lourde, énorme, ambitieu-
se, provocatrice ! Il n'y a pas que les
souvenirs de 1870, comme l'ahurissante,
la démesurée statue équestre de Guil-
laume Ier à Coblentz. J'ai vu la foule se
rendre en immense cortège, un diman-
che de juillet, à je ne sais plus quelle
pyramide, qui commémore. une dé-
faite des Romains 1
Ce peuple, politiquement asservi, ne
fève pas, autant qu'il le devrait, de li-
berté. Il est obsédé par l'espoir d'une
hégémonie incontestée, en Europe, d'a-
bord ; - dans le monde, ensuite.
ue la primauté militaire, qu'il pos-
sède depuis près de quarante ans, il ne
lvtut rien abandonner. Et, avec cela, il
lui faut les triomphes de l'industrie, du
commerce, des affaires. Son impérialis-
Ine ambitionne de devenir maître des
mers. Il regarde vers l'Océan, et il se dit
qu'entre l'Océan et lui, il n'y a, après
lout, que trois nations : la IIoHandB, la
Belgique, la France.
Tout un parti politique conseille à no-
Ire Patrie de ne souhaiter que ce qu'on
pourrait appeler une grandeur modes-
te, 1 honneur décent d être une Norvège,
Bfîe Suisse, offrant seulement à l'uni-
vers l'exemple d'institutions d'hygiène
heureuses et 9'une législation sociale
enviable.
Eh bien .1 ces progrès sociaux, nous
devons les réaliser. Mais persuadons-
nous que la France ne peut pas être
une petite nation. Il faut qu'elle reste
un grand peuple réclamant sa part de
puissance, sa part d'autorité, sa part de
gloire, sa part de richesses.
La mégalomanie est un danger ; la
micromanie est la plus menaçante des
maladies.
Un pays qui suscite les jalousies, qui
est entouré de concurrents formidables
et ardents se suicide s'il se diminue.
HUGUES OEÊTREM.
EMULATION
Les Allemands n'ont pas
nos dirigeablcs. Hfi voudraie!nt
bien en avoir un. Ils ont pris
le parti d'agir oomnie s'ils le
possédaient, et ils célèbrent,
en attendant autre chose, le
« système rigide » du ballon Zeppelin.
Dans tous les cas, reconnaissons qu'ils
font bien le possible pour arrive r à une
solution qui les satisfasse : la commis-
sion du budget de l'Empire a voté
1 ° deux millions et demi de marks pour
la navigation aérienne ; 2° 400,000
marks pour entreprendre de nouveaux
essais ; 3° enfin 2,150,000 marks pour
acquisition des dispositifs Zeppelin. A
la vigueur de l'effort, on peut mesurer
l'intérêt extrême qu'ils attachent à ne
pas rester trop longtemps en retard sur
nous, pour ce qui concerne cette pas-
sionnante question de la navigation
aérienne.. ,
Je ne crois pas que nos ingénieurs
français soient fort inquiets. Ils nous
ont doté, avant nos yoisins, du submer-
sible et du sous-marin ; ils nous ont
doté, pour la navigation aérienne, de
dispositifs qui ne sont pas encore à la
veille-d'être atteints, encore moins dé-
passés. D'ailleurs, ils ne s'endorment
pas. Que l'Allemagne s'efforce à tout
prix d'éga'er. le Ville-de-Paris, qu'im-
porte ? Pendant qu'elle cherche, nous
cherchons aussi, et le jour où elle croi-
ra nous avoir atteint, nos spécialistes
auront probablement fait un pas de
plus qui rétablira instantanément la
distance.
L'important est que les nôtres ne
s'arrêtent pas, et je crois qu'ils n'y son-
gent guère : les belles recherches entre-
prises dans le domaine de l'aviation, et
qui ont abouti récemment au triomphal
record de l'aéroplane Farman, ouvrent
une nouvelle voie où le génie français
saura s'engager et vaincre. Ayons con-
fiance.
LES ON-D1T
Les apparitions du Sénat
Depuis quelque temps les nombreux
visiteurs du Palais du Luxembourg
étaient intrigués par la présence, au
front, du pavillon d'honneur de la rue
de Tournon, d'un vaste échafaudage.
Que se passait-il là ? A quel plan mys-
térieux obéissait M. l'architecte officiel?
Peu- à peu, les - planches se sont raré-
fiées, le monument s'est dégagé et l'on
a aperçu, avec un compréhensible éton-
nement, se profilant en vigueur sur la
patine sombre des vieilles pierres, trois
statues plus blanches que la blanche
hermine, si éclatantes même que d'au-
cuns crurent à des apparitions célestes.
Est-ce que les Vierges de Lourdes, de
la Salette ou des Victoires s'étaient
transportées, -avec l'aide des anges,
comme la Santa Casa de Lorette, pour
rendre un tardif hommage à nos insti-
tutions républicaines- ? Mais non, de
près, ces images symbolisent la Loi, la
Justice, le Travail, des choses sérieuses,
et elles yont être complétées par d'au-
tres au balcon aérien. Le dôme, avant
peu, sera bien gardé et n'aura plus rien
à envier au Capitole.
Un trust archéologique
Où mène l'innocente passion de l'ar-
chéologie. Il y a preneur pour tout ce
qui a paru en librairie sur la question
d'Alésia. On rachète tout, à tout prix,
et c'est une vraie joie dans. le monde du
bouquin, car les livres, les brochures
et les mémoires ne manquent pas. L'au-
teur de, ce trust ingénu est, m'a-t-on dit,
un sympathique officier supérieur, qui
a résolu de supprimer pratiquement la
contradiction en ce qui concerne le pas-
sé douteux d'Alise Sainte-Reine. Cer-
taines pièces ne se rencontrent plus de
ce chef, excepté à la Nationale toute-
fois et dans les collections de mémoires
locaux. Vous verrez qu'on finira par
les réimprimer en raison de leur rareté
remarquable et du haut prix qu'elles
ont atteint 1
Le Passant.
, -
CONTRE LA PEINE DE MORT
Aux vœux que nous avons déjà signa-
lés ,de la part de nombreux groupes ré-
publicains, en faveur de la suppression de
la peine de mort, ajoutons aujourd'hui
ceux des sections de la Ligue des Droite
de l'Homme : d'Ahun (Creuse), d'Amiens,
d'Aflgers, d'Avignon, de Bav-sur-Aube, de
Brive (Corrèze), de Chambéry, de Chasse-,
neuil, de Clion, de Dax, de Fontaines-sur-
Saône, de Frenda (Oran), de Frozés. de
Garches (Seine-et-Oise), de Genève, de
Gex (Ain), de Grézieu-la-Varenne (Rhône),
d'Hanoï (Indo-Chine), de Hommes (Indre-
et-Loire), d'Hourtin (Gironde), de Lieurez
(Eure), de Lorgues, de Maubeuge, de
Montpellier, de Murviel-les-Béziers, de Ne-
vers, d'Oyonnax, de Pont-d'Ain, de Port-
Vendres, des 15e et 16e arrondissements de
Paris, de St-Galmier-Chezelles, de Tulle,
de Valence, de Vigneulles (Meuse), etc.
i O
LE DISCOURS DE M. PICHON
ET LA PRESSE
-
La discours prononcé par M. Pichon
dans le débat sur les affaires marocaines,
continue à faire le su jet des commentai-
res de ]a presse étrangère et en particulier
de la pre-sse allemande. Celle-ci ne peut
que reconnaître les intentions pacifiques
du ministre des affaires étrangères de
France.
« Rien n'est plus important, dit le Nou-
velliste de Hambourg, que l'assurance qu'a
donnée Je ministre, que la France ne son-
ge pas à aller à Fez ou à Marrakocb,
qu'elle ne veut s'immiscer ni dans les af-
faires intérieures, ni dans les affaires reli-
gieuses du pays, que toute idée de .protec-
torat est loin de sa pensée. Ces déclara-
tions ont été faites asez fréquemment dans
les notes officieuses de presse et dans les
conversations privées ; mais le fait que
M. Piehon les a confirmées hier publique-
ment devant la Chambre, n'en est pas
moins digne de remarque, bien qu'il y ait
lieu de remarquer toutefois qu'il a observé
un silence complet au sujet des objectifs
et de la durée de l'action française sur la
frontière algéro-marocaine. »
La Germania dit de son côté :
« M. Pichon tient compte des réalités
quand il s'efforce d'éveiller même le soup-
çon qu'il favorise les muettes provocations
de F Allemagne par M. Delcassé, et en fai-
sant ainsi il n'agit pas seulement dans
l'intérêt de la France, mais aussi dans ce-
lui de l'Europe qui a plus que jamais be-
soin des bénédictions de la paix. »
> D'une façoo: générale; la presse étran-
gère manifeste également sa satisfaction
des déclarations de M. Fichon, et se mon-
tré rassurée sur les garanties que le gou-
vernement français donne à la paix inter-
nationale.
L'échangé d'observations auquel ont
donné lieu les interpellations sur te Maroc
n'a donc pas été inutile.
UN FRANÇAIS ET SON ESCORTE - ',.
MASSACRES EN ANNAM.
L'Agence Havas nous communique la note
suivante :
Un incident regrettable mais qui semble
purement local vient de se produire en An-
nam, au nord d'Anké.. '-
Le gouverneur général de l'Indo-Chine a
informé le ministre des colonies qu'un co-
lon de Quinhone, M. Paris, aurait été tué
par des sauvages moïs, au cours d'un
voyage dans cette région où il recherchait
du caoutchouc. Il avait avec lui une es-
corte de gardes indigènes commandés par
un garde principal. Quelques-uns d'entre
eux et un certain nombre de coolies au-
raient également trouvé la mort dans la
résistance qu'ils opposèrent à leurs agres-
seurs.
Le résident supérieur en Annam a invité
aussitôt le résident de la province à se
rendre sur les lieux, en même temps qu'il
y envoyait M. Dufrénil, inspecteur des ser-
vices civils.
Il n'est signalé de troubles sur aucun
autre point du territoire.
Les événements du Maroc
- "7
PREPARATIFS POUR LA
GUERRE SAINTE
Lever d'impôts à Fez
Tanger, 30 janvier.
Fez, 24 janvier. — Des courriers venant
de Rabat et, d'autres villes de la côte, an-
noncent qu'en vue de la guerre sainte pré-
ohée à Marrakech, on commence à Fez à
lever l'impôt pour payer les troupes qui se
joindront à Hafid.
Des Arabes de Marrakech vont rejoindre
Moulay Hafid
Tanger, 30 janvier.
Marrakech, 20 janvier. — A la fin des
trois journées de fêtes au Dar-e-lrMag-lizen,
les habitants de Marrakech ont reçu l'or-
dre du sultan de continuer la fête dans les
jardins et les marchés de la. villle.
Aujourd'lliui toutes les boutiques sont fer-
mées. C'est dans les marchés et dans les
fondaks des grands commerçants que les
Arabes se livrent à des réjouissances en
l'honneur de la proclamation de MüUllay-
Hafid à Fez.
Dès le matin, on voit dee Arabes partir
de la porte de Batb-e3-lvhmess pour aller à
la guerre sainte contre les Français ; ceux
des Arabes qui y vont aux frais dusudtan
s'arrêtent devant El Kentra-de-Tansit en
attendant Fki-es-Baly qui doit prendre le
commandement de cette mehala.
Le général d Amade forme une nouvelle
colonne à Casablanca
- TtUlgûr, 30 janvier.
r C&saW-ui -anca, 29 }J11)\' H:r. — Les prépara-
tifs du nouveau départ de la colonne Conti-
nuent. Le général d'Amade a envoyé ses or-
dires, hier, aux comona.iiid'&nts des garni-
sons de Fedailali, de Médiouna et de Ber-
Rechid. -
Des essais ont été faits aujourd'hui avec
dts canons de 37,- qui ont été Wéharquœ du
Desaix, et qui ont été montés sur des plate-
formes, placées sur des arabas. Les résul-
tats de ces essais ont été satisfaisants.
Ces canons seront emmenés par la co-
lonne pour renforcer l'artillerie à tir ra-
pide.
La mehalla d'Abd el Aziz
Les soldats du chérif nourris par nos
,; troupes
Melilla, 29 janvier,
Le reste de la mehalla chérifienne est
Arrivé cet a et campe derrière j
le fort situé sur les hauteurs de Triana
Les troupes de la garnison de Melilla
avaient été disposées sur divers points
stratégiques afin d'éviter tout incident :
mais il ne s'en produisit pas.
Les mehallistes affamés reçurent dos
rations par les soins de l'administration
militaire.
Les mehallistes arrivèrent en une lon-
gue caravane au milieu de laquelle se
trouvaient de nombreuses femmes sous
escorte.
Rapatriement de blessés
Oran, 29 janvier.
Le transport Vinh-Long, qui est arrivé
la nuit dernière à Oran, a débarqué au-
jourd'hui 43 malades et 46 rapatriés.
Les malades comprennent sept alités
dont quatre blessés à la guerre.
Farmi les rapatriés figurent le comman-
dant Defreosine, du 28 tirailleurs, qui vient
reprendre le commandement de son batail-
lon1 et le lieutenant Langlois, du 1er étran-
ger.
Le Vinh-Long reparlira dans une hui-
taine de jours pour Casablanca..
Le rapport officiel sur le combat de Settat
Le général Picquart, ministre de la
guerre, a reçu hier matin le rapport offi-
ciel du général d'Amade sur les opéra-
tions de Settat.
Le ministre de la guerre, après en avoir
pris connaissance, l'a immédiatement com-
muniqué à M. Clemenceau, président du
Conseil. -
Fantaisies fie IMaires
A propos du mariage de Mlle Vander-
bilt. — Dîner de bêtes.— Le mau-
vais sandwich et la détestable
pipe.- Quand on s'ennuie
et qu'on a trop d'argent
Le télégraphe nous a informé avec
un luxe déborctant de détails du grand
événement que fut — parait-il — le ma-
riage de la jeune demoiselle Vanderbilt.
Elle avait une robe admirable et un voile
de dentelle hors de prix, il y avait pour
250,000 francs de fleurs et la fête a coû-
té plus de deux millions. Les cadeaux
qu'on a faits au jeune ménage sont éva-
lués à six millions et une police spé-
ciale a été instituée pour leur garde.
Ces particularités ont été discutées
avec une certaine passion par plusieurs
de nos confrères qui n'ont consenti à
s'en étonner que pour s'en indigner.
Sans prendre parti pour ni contre, on
peut dire cependant qu'ils auraient eu
précédemment et qu'ils auraient tous
les jours des occasions plus favorables
de manifester leur désapprobation. Les
« excentricités » — c'est la dénomina-
tion indulgente par laquelle on désigne
ce genre de distractions — des milliar-
daires américains dépassent parfois non
pas l'imagination, mais ce que la raison
la plus complaisante peut admettre.
Tel fut, par exemple, le cas de ce
u dîner de bêtes » qui causa, il y a quel-
ques mois, presque un scandale. Let¡
invités durent amener chacun un ani-
mal : qui un chien, qui un chat, celui-ci
un porc, cet autre une oie, celui-là un
singe, un âne, un lapin. Une table
somptueuse avait été dressée : des fleurs
rares étaient disposées dans des vases
de prix et - sur la fine nappe ; la vais-
selle précieuse s'étalait. Tous les ani-
maux, pomponnés, ; bichonnés, enru-
bannés et parfumés, prirent place sur
des sièges appropriés tout autour et à
l'exclusion de- leurs maîtres qui ne de-
meurèrent que pour les surveiller et
jouir du spectacle. Par les soins des do-
mestiques revêtus d'habits d'apparat,
un repas fut alors servi. Non pas une
pâtée vulgaire qui eût eu le tort dé ne
pas coûter fort cher. mais un dîner
complet qui comprenait les mets les
plus délicats et les plus recherchés 1
Ce fut charmant - mais quand en
sut que plusieurs milliers de francs
avaient été dépensés à cette farce de
mauvais goût, il y eut Une certaine in-
dignation, assez compréhensible en vé-
rité. On vit dans ce dîner jeté, par sim-
ple désir d'excentricité, en pâture à CCT
animaux, comme une injure volontaire
aux pauvres diables affamés qui, en
Amérique plus encore qu'ailleurs, sont
nombreux. •
*
D'un autre ordre, fut la fantaisie de
ce grand trusteur qui fit, pour ainsi
dire, évider un superbe hôtel dans le-
quel il habitait, en n'en gardant à peu
près que les quatre murs : le fond et
les parois furent bétonnés" et remplis
d'eau. Une gondole fut placée au centre
de ce bassin improvisé et c'est dans son
riche salon que les invités, qui igno-
raient tout, furent introduits. -. »
On ne peut s'mpècher de regretter
que tant d'imagination — car il en faut
pour de semblables sottises — et sur-
tout tant d'argent soient ainsi dépensés.
Il y aurait, semble-t-il, des satisfactions
intellectuelles et artistiques d'un autre
intérêt à poursuivre.
Allumer son cigare avec un billet de
banque est une ânerie qu'on voit quel-
quefois ; placer un billet de mille -
tout neuf, il est vrai — entre deux m,or"
ceaux de pain et le manger à la façon
d'un sandwich, c'est plus idiot encore :
certain clubman le fit récemment à Chi-
cago, après une fulgurante partie de
poker. :
De Chicago aussi, cet « original »,
qui, il y a quelques jours encore, chauf-
fait son automobile avec de la fine Cham-
pagné authentique de 1849.
***
Parmi ces dépenses folles, il importe
cependant de distinguer celles qui ne
relèvent que de la prodigalité, de celles
qui, par elles-mêmes, constituent un
défi au bon sens* Mettre à un cheyal,
de labour des sabots d'or. c'est être pro-
digue bien inutilement, mais fumer
une pipe bourrée de banknotes, c'est
: commettre un crime envers les pau-
vres : il y a la plus qu'une simple
nuance.
Les milliardaires américains aux-
quels l'automobile ne suffit plus et qui
se font, dans leurs propriétés, construi-
re des chemins de fer'sur lesquels ils
lancent des locomotives à des vil-esscs
folles, perdent peu à peu la notion de
cette différence.
Les somptuosités du mariage Vander-
bilt, certes, ne sont pas à classer sous
la même étiquette que le « dîner de bê-
tes » que nous rappelions plus haut,
mais. est-il exagéré de prétendre que
ceci mène à cela ?
A.-J. Derouen.
——.————— ô
LES PETITS SALONS
Le Salon de l'Ecole française
Les expositions qui, dès la fin de janvier,
s'ouvrent un peu pwrbout — expositions
cercles, de groupes artistiques, expositions
particulières ou rétrospectives — n'exerce-
ront très probablement aucune influence
appréciable sur l'évolution de l'art, mais
elles présentent du moins un double avan-
tage : elles mettent les artistes — dont
l'existence n'est pas des plus faciles, de-
puis une quinzaine d'années — en rapport
direct avec le monde dit « des amateurs n,
elles fournissent à ceux d'entre eux qui ne
sont pas encore connus du grand' public
l'occasion d'affirmer leur talent et. de le
faire apprécier. Donc, à ces deux points
de vue, les Petits Salons ont du bon et
méritent d'être encouragés. Ils en ont be-
soin, d'ailleurs, car leurs portes s'ouvrent
à une époque de l'année qui n'est guère
propice aux manifestations artistiques :
il fait froid, les jours sont courts, la lu-
mière pâle, et plus d'un Parisien frileux,,
redoutant la £ fâcheuse bronchite, hésite à
quitter le coin de son feu pour aller se ris-
quer dans les longues galeries du Grand
Palais, encore que l'on ait pris soin de
l'avertir qu'elles seraient convenablement
chauffées.
Elles le sont, en effet, et l'on peut avec
agrément et sans la moindre imprudence
passer en revue le millier de toiles, aqua-
relles et pastels réunis au cinquième Sa-
lon de l'Ecole française. Vous y cherche-
riez vainement, sans doute, l'œuvre géniale
destinée Ú marquer une date dans l'histoi-
re de l'Art ; mais vous y trouverez des
pages intéressantes, des ouvrages cons-
ciencieux et sincères, qui dénotent une
grande habileté de main et, parfois, un
beau tempérament de peintre. Ce qu'il y
a évidemment de moins passionnant, ce
sont les imitateurs, et malheureusement
ils sont assez nombreux. Aimez-vous les
Bouguereau ? M. Seignac se charge de
vous en fournir, blaireau tés à souhait. Pré-
férez-vous les Roybet ? M. G. Barrier vous
en donnera l'illusion lointaine ? Le vieux
peintre llenner, qu'inspira Prud'hon, revit
en M. Hanriot, et il est visible que les
succès mondains de M. Helleu, son style
très conventionnel et son incontestable dex-
térité, empêchent M. G. Bouy de dormir.
Les uns et les autres auraient à faire un
meilleur emploi de leur talent et devraient
se souvenir que la première qualité, pour
ne pas dire : e premier devoir de l'artiste,
est d'être soi-même.
Mais, à côté des pasticheurs plus ou
moins adroits, voici de bons peintres qui
cherchent directement leur inspiration dans
la nature et trouvent sur leur propre pa-
leij) leurs moyens d'expression. M. de
Plument. est du nombre ; chacun des ta-
bleaux qu'il expose a sa valeur et son ac-
cent, mais le meilleur de tous est assuré-
ment celui où il nous montre un groupe de
chantres groupé au lutrin. -
Depuis longtemps déjà les marines de M.
Albert Gœpp -sont remarquées pour la lar-
geur de la composition, la vigueur et la
probité ae la facture, la belle virtuosité de
la touche. L'âpre poésie de l'Océan a été
rarement mieux saisie et plue éuergique-
ment traduite. Je ne crois pas me tromper
en disant que M. Gœpp est, à l'heure ac-
tuelle. l'un de n03 meilleurs peintres de
la mer.
Les paysagistes abondent ; il en est de
notoires, comme M. Lui Loir, qui excelle
à décrire la mélancolie des crépuscules pa-
risiens ; M. Eugène ~Durgeois, pour qui les
campagnes de France n'ont plus de ccrets;
M. Brugairolles, qui nous charme avec son
soleil couchant dont les rayons incendient
le ciel clair et dorent 1., eaux tranquilles
d'une rivière ; M. Maurice Chabas, doué
de belles qualités de coloriste dont il fera
bien de se défier, s'il ne veut lomber dans
l'exagération truculente ; Mme Madeleine
Vmairè, peintre de fleura toujours (habile,
certes, mais qui ne semble pas précisément
en progrès.
Il convient de mentionner également les
toiles vibrantes que M. P. Louchet a rap-
portées de Bretagne et de Fontainebleau ;
les solkles études peintes par M. Delaho-
gue en Tunisie ; la « Vague » de M. Cha-
raire ; les « Moissonneurs » de M. Chatei-
gnon ; le « Marché de Concarneau » de M.
Herland : les gracieuses figures symboli-
ques de Mlle Daynes-Grassot ; la châtelai-
ne de M. Charrier ; les envois de MM.
Timmermans, Johannès Son, Sorkau, Dil-
lon (Une Répétition au Théâtre-Libre en
1888). Une délicieuse petite toile de genre,
intitulée : Par ces temps ne misère, et trai-
tée dans la manière des maîtres hollandais
du XVIIIe siècle, attirera, sans nul doute,
votre attention -lle vaut par le fini de
l'exécution, la richesse de la matière et la
précision du dessin ; ce charmant tableau
porte la signature de Mlles Desliens, des
portraitistes de grand-talent, qui nous sem-
blent bien avoir trouvé dans la peinture
anecdotique une nouvelle source de succès.
Peu de portnms. Le plus remarquable
est incontestablement celui du peintre
Grasset par M. Caud, qui expose également
deux excellentes études de fleurs. Les effi-
gies dues aux pinceaux de MM. Ogú: Huot
et Boisselier valent d'être citées.
Les aquarellistes se montrent, en géné-
ral, fort habiles ; mais, parmi eux, la mat.
trise nous paraît appartenir à M. Boyer-
Mennegay, qui, -avec une extrême simpli-
cité dé procédé, arrive, -. par la franchise
die l'exécution et la sûreté de la touche, à
des effets d'une harmonie captivante. Après
cet artiste, véritablement hors de pa.ir, il
n'est que juste de mentionner MM. Leveri,
Nattier-Francois, Ambroise i et aussi les
1 pastels de Mlle Alice Maire, Tristan Ri-
chard, et le portrait de Coquelin tracé na-
gistralement par le sûr crayon de * M.
Weissmann.
Une exposition rétrospective des œuvres
d Eugène Boudin est jointe au Salon de
l'Ecole française et permet d'apprécier sous
ses différents aspects 4e ltalent sincère,
discret et convaincu de l'excellent peintre
de marine qui exerça une si heureuse in-
fluence sur les artistes de son temps, env
leur enseignant que la lumière (lu « plein
air » ne ressemble guère au jour factice,
dû l'atelier.
H. Ayraud-Degeorge.
A LA CHAMBRE
-
L'élection de Falaise. —- L'impôt sur fa
, - revenu - • -- 1
La séance est ouverte à deux heure : '(
sous la présidence de M. Henri Bris-
son.
Par suite d'une erreur bizarre, M. Vi";
viani, ministre du travail, avait étepor-
té dans le compte rendu officiel de lav
dernière séance parmi les députés qui!
ont voté contre l'ordre du jour de con-î
fiance, présenté par M. Dubief à la Ûn j
du débat sur les interpellations du Ma-,
-
Au début de la séance, M. Viviani est ':
venu à la tribune signaler cette erreur
en ajoutant qu'il n'a pas refusé sa con-
fiance au cabinet dont il fait partie.
On adopte ensuite, sans discussion,
un crédit supplémentaire de 1,362,000
francs pour les dépenses du Chemin de'
fer de l'Etat.
LA VALIDATION DE M. LE CHERPY.
L'ordre du jour apjpelle la discussion
du rapport du 7° bureau sur les opéra-, -
tions électorales de l'arrondissement de.I
Falaise (Calvados) qui a élu M. Le Cher-
py, radical, contre le due. d'Harcourt,
candidat libéral, eu remplacement del
M. Pauhnier.
M. Delpierre, rapporteur, exPOse. -'que:
le 7e bureau a accepté deux des conclu-
sions qu'il avait présentées au nom d.('.
la sous-commission, mais qu'il a rejeté;
la troisième, qui est la plus importante.
Sur ce dernier point, il y a eu 14 voix
pour et 14 voix contre et 4 abstentions.
Dans ces conditions, j'ai donné ma dé-
mission et l'ai retirée ensuite sur les hM-
tances du bureau tout entier.
Je me borne à exposer la situation à la' *
Chambre et je m'abstiens de formuler une
conclusion, ainsi que j'en ai reçu mandat
du bureau. , r
M. Massé, membre du bureau, en:
son nom personnel, propose à la Cham-
bre d'adopter les conclusions de la
sous-commission qui- a conclu à la vali-
dation de l'élection de M. Le Cherpy. i
M. Denys Cochin demande que l'on;
soumette les opérations électorales de,
Falaise à une enquête parlementaire. If
expose dans quelles conditions a eu lieui
cette élection iiorinande,
Les journaux amis de M. Le Cherpy Ief-
représentaient comme « enfant du peuple n
tandis qu'ils qualifiaient son adversaire le
duc d'Harcourt de châtelain, partisan de
la dîme et du servage.
Eu réalité, poursuit M. Dengs Cochin, M.
d'Harcourt est un esprit très libéral et les
deux candidats sont l'un et l'autre des re-
présentants du parti bourgeois.
L'orateur signale l'intervention 'de M.
Chéron, sous-secrétaire d'Etat.
M. Chéron de sa place proteste en 'di-
sant qu'il a exercé ses droits de citoyen
qu'il ne laissera pas prescrire.
M. Denys Cochin.. — En effet, M. Ché-
ron dit qu'il intervenait comme citoycn,
mais qu'il ferait ultérieurement une visita
comme sous-secrétaire d'Etat. (On rit).
Je n'insisterai pas davantage sur la pres-
sion officielle ni sur la promesse de l'aban-
don de l'indemnité parlementaire faite par:
l'un des candidats.
Le point le' plus important est celui qui
a trait au calcul de la majorité,et M. Denys
Cochin s'étend longuement sur une ques-
tion de bulletins supprimés par la com-
mission de recensement, au duc d'Har-
court, parce qu'ils avaient été marqués
d'un signe et que, de ce fait, ils ont été.
considérés comme nuis.
..,.. -
M. Denys Cochin termine en disant
qu'une enquête s'impose..
M. Le Cherpy, le nouvel élu de Fa-
laise, après l'attaque de M. Denys Cc.
chin, mont-e à la tribune pour défendre
lui-même son élection.,
Les réactionnaires étaient habitués à
remporter la victoire dans l'arrondisse-
ment de Falaise ; en 1906, leur candidat
était élu avec 5.000 voix de majorité contre
le candidat républicain.
M. Paulmier avait, paraît-il, désigné per
testament le duc d'Harcourt comme son
successeur. (Rires sur un grand nombre
de bancs). Mais les électeurs n'ont pas ra-
tifié cette disposition testamentaire.
On prétend, aujourd'hui, que si j'ai obte-
nu un plus grand nombre de suffrages que
M. d'Harcourt, je n'ai pas atteint le chif-
fre de la majorité absolue.
J'ai été proclamé élu par la commission
de recensement par 5.099 voix, la majorité
étant de 5.094 voix. 19 bulletins ont été -
supprimés comme portant des marques ; *
cette irrégularité avait été constatée et si-
gnalée au moment même de l'élection. *"
Ce n'était pas, comme on l'a dit, des
marques d'imprimerie. Un électeur de la
seule commune où ces bulletins ont été
distribués, M. Valentin l'atteste .formelle-
ment.
D'après une jurisprudence constante les
bulletins portant des signes à l'intérieur,
comme c'est le cas ici, ne doivent paà
compter pour le calcul de la majorité.
Ces faits ont ,leur importance, surtout
dans un pays comme le Calvados, où !es
grands propriétaires disposent d'une véri-
table puissance féodale, où l'ouvrier agri-
cole doit marcher au doigl ci à l'œil, -sous
peine d'être renvoyé. (Applaudissements à
gauche ; réclamations à droite).
On ne peut rien opposer ù la proclama-
tion de l'élection.
J'ai eu l'honneur d'être le chef-adjoint d'ji
cabinet du regretté Ma 0\1 -- "xssaigne*
4
LE XIX1 SIECLE
ANNONCES
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&.-- ,'" Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
OPINIONS
REMUÉ
Un soir, à Strasbourg, j'avais perdu
mon chemin. Je voulus le demander à
deux personnages en uniformes, qui
me croisaient, et que je prenais comme
qui dirait pour des sergents de ville.
Mais je m'étais trompé de casques à
pointes, et je m'aperçus que j'arrêtais
îles soldats prussiens. .-
Le vocabulaire tout - à fait primitif
dont je me servais pour tenter de me
faire entendre d'eux les étonna sans les
rendre narquois comme je le craignais.
Ils me dirent seulement :
— Si/s sind fremd, herr ? (Vous êtes
étranger, monsieur V)
Ils n'y avaient pas mis de malice. Je
ressentis pourtant, à les entendre, une
douloureuse impression. Quoi ! étran-
ger, moi, Français, en Alsace ? Quelle
folie ! Je fus sur le point de demander
à des Strasbourgeois qui nous écou-
taient ce qu'ils en pensaient. Mais je
n'eus pas besoin de parler, et je lus
idans leurs yeux leur réponse.
L'Allemand sait bien qu'en Alsace, il
est impatiemment supporté. 11 n'en res-
sent pas de honte. Il a pour lui le droit
qui seul lui importe : le droit de la for-
ce. Aussi, il se carre, il s'installe, il
s'assure la plus large et la meilleure
- place. Il est chez lui. Et quand il vous
rencontre, il vous jette par la figure
son placide : Sic sind (remd.1 C'est
vous, le fils de la terre .qu'il foule, qui
Êtes l'étranger.
Je m'aventurai, un autre soir, dans
un grand café, où l'on fait de la musi-
que, et qui est surtout fréquenté par les
immigrés. L'orchestre jouait une fantai-'
sic sur l'opérette hongroise à la mode,
la Joyeuse Veuve. La valse plut parti-
,eulièreme.ttt au public, qui la bissa. Les
musiciens, trouvant sans doute qu'ils
avaient assez travaillé, faisaient la
sourde oreille. Un grand officier en dol-
man bleu, qui paraissait jusque-là ne
faire aucune attention aux airs qu'on
jouait, se tourna vers le chef d'orches-
tre, et lui lit un signe du bout des
oigls. Aussitôt,, les violonistes repri-
rent leurs instruments et recommencè-
rent ta valse.
La volonté du public n'avait rien pu :
le moindre désir d'un-porteur de sabre.
Jétait obéi sans hésitation.
Quand on nous parle d'un triomphe
prochain de la démocratie d'outre-Rhin
sur les forces de réaction, rappelons-
nous que les Allemands sont tout à fait
militarisés, Chez eux, l'ordre d'un offi-
cier, non pas à un subordonné, mais à
n'importe quel civil, ne se discute pas ;
il s'exécute.
Quand on visite les bords du Rhin,
on a l'impression de traverser un peu-
ple sur le pied de guerre, un peuple
brûlé d'une inextinguible soif de suc-
cès et de victoires. J'ai quelquefois en-
tendu dire par des Français que nous
- taisions abus de drapeaux, que nous en
5 sortions trop et trop souvent les jours
de fête. Je n'ai jamais vu autant de dra-
peaux que dans les pays rhénans. La
triple bande d'étoffé noire, blanche et
rouge flotte partout. En pleine campa-
gne, on la trouve à chaque pas, arbo-
rée, sans raison visible, même sur des
clôtures de champs.
La passion chauvine et le loyalisme
monarchiste éclatent dans les noms
choisis pour les grands vapeurs qui
descendent et remontent constamment
le Rhin : Borussia, Deutscher Kaiser,
* etc. Les auberges sont pour la plu-
part vouées au Kaiser, au Kronprinz,
ou bien à la glorieuse Germania.
Les Denhmals, les monuments qui
rappellent les victoires allemandes, do-
minent tous les points de vue. Et quelle
architecture lourde, énorme, ambitieu-
se, provocatrice ! Il n'y a pas que les
souvenirs de 1870, comme l'ahurissante,
la démesurée statue équestre de Guil-
laume Ier à Coblentz. J'ai vu la foule se
rendre en immense cortège, un diman-
che de juillet, à je ne sais plus quelle
pyramide, qui commémore. une dé-
faite des Romains 1
Ce peuple, politiquement asservi, ne
fève pas, autant qu'il le devrait, de li-
berté. Il est obsédé par l'espoir d'une
hégémonie incontestée, en Europe, d'a-
bord ; - dans le monde, ensuite.
ue la primauté militaire, qu'il pos-
sède depuis près de quarante ans, il ne
lvtut rien abandonner. Et, avec cela, il
lui faut les triomphes de l'industrie, du
commerce, des affaires. Son impérialis-
Ine ambitionne de devenir maître des
mers. Il regarde vers l'Océan, et il se dit
qu'entre l'Océan et lui, il n'y a, après
lout, que trois nations : la IIoHandB, la
Belgique, la France.
Tout un parti politique conseille à no-
Ire Patrie de ne souhaiter que ce qu'on
pourrait appeler une grandeur modes-
te, 1 honneur décent d être une Norvège,
Bfîe Suisse, offrant seulement à l'uni-
vers l'exemple d'institutions d'hygiène
heureuses et 9'une législation sociale
enviable.
Eh bien .1 ces progrès sociaux, nous
devons les réaliser. Mais persuadons-
nous que la France ne peut pas être
une petite nation. Il faut qu'elle reste
un grand peuple réclamant sa part de
puissance, sa part d'autorité, sa part de
gloire, sa part de richesses.
La mégalomanie est un danger ; la
micromanie est la plus menaçante des
maladies.
Un pays qui suscite les jalousies, qui
est entouré de concurrents formidables
et ardents se suicide s'il se diminue.
HUGUES OEÊTREM.
EMULATION
Les Allemands n'ont pas
nos dirigeablcs. Hfi voudraie!nt
bien en avoir un. Ils ont pris
le parti d'agir oomnie s'ils le
possédaient, et ils célèbrent,
en attendant autre chose, le
« système rigide » du ballon Zeppelin.
Dans tous les cas, reconnaissons qu'ils
font bien le possible pour arrive r à une
solution qui les satisfasse : la commis-
sion du budget de l'Empire a voté
1 ° deux millions et demi de marks pour
la navigation aérienne ; 2° 400,000
marks pour entreprendre de nouveaux
essais ; 3° enfin 2,150,000 marks pour
acquisition des dispositifs Zeppelin. A
la vigueur de l'effort, on peut mesurer
l'intérêt extrême qu'ils attachent à ne
pas rester trop longtemps en retard sur
nous, pour ce qui concerne cette pas-
sionnante question de la navigation
aérienne.. ,
Je ne crois pas que nos ingénieurs
français soient fort inquiets. Ils nous
ont doté, avant nos yoisins, du submer-
sible et du sous-marin ; ils nous ont
doté, pour la navigation aérienne, de
dispositifs qui ne sont pas encore à la
veille-d'être atteints, encore moins dé-
passés. D'ailleurs, ils ne s'endorment
pas. Que l'Allemagne s'efforce à tout
prix d'éga'er. le Ville-de-Paris, qu'im-
porte ? Pendant qu'elle cherche, nous
cherchons aussi, et le jour où elle croi-
ra nous avoir atteint, nos spécialistes
auront probablement fait un pas de
plus qui rétablira instantanément la
distance.
L'important est que les nôtres ne
s'arrêtent pas, et je crois qu'ils n'y son-
gent guère : les belles recherches entre-
prises dans le domaine de l'aviation, et
qui ont abouti récemment au triomphal
record de l'aéroplane Farman, ouvrent
une nouvelle voie où le génie français
saura s'engager et vaincre. Ayons con-
fiance.
LES ON-D1T
Les apparitions du Sénat
Depuis quelque temps les nombreux
visiteurs du Palais du Luxembourg
étaient intrigués par la présence, au
front, du pavillon d'honneur de la rue
de Tournon, d'un vaste échafaudage.
Que se passait-il là ? A quel plan mys-
térieux obéissait M. l'architecte officiel?
Peu- à peu, les - planches se sont raré-
fiées, le monument s'est dégagé et l'on
a aperçu, avec un compréhensible éton-
nement, se profilant en vigueur sur la
patine sombre des vieilles pierres, trois
statues plus blanches que la blanche
hermine, si éclatantes même que d'au-
cuns crurent à des apparitions célestes.
Est-ce que les Vierges de Lourdes, de
la Salette ou des Victoires s'étaient
transportées, -avec l'aide des anges,
comme la Santa Casa de Lorette, pour
rendre un tardif hommage à nos insti-
tutions républicaines- ? Mais non, de
près, ces images symbolisent la Loi, la
Justice, le Travail, des choses sérieuses,
et elles yont être complétées par d'au-
tres au balcon aérien. Le dôme, avant
peu, sera bien gardé et n'aura plus rien
à envier au Capitole.
Un trust archéologique
Où mène l'innocente passion de l'ar-
chéologie. Il y a preneur pour tout ce
qui a paru en librairie sur la question
d'Alésia. On rachète tout, à tout prix,
et c'est une vraie joie dans. le monde du
bouquin, car les livres, les brochures
et les mémoires ne manquent pas. L'au-
teur de, ce trust ingénu est, m'a-t-on dit,
un sympathique officier supérieur, qui
a résolu de supprimer pratiquement la
contradiction en ce qui concerne le pas-
sé douteux d'Alise Sainte-Reine. Cer-
taines pièces ne se rencontrent plus de
ce chef, excepté à la Nationale toute-
fois et dans les collections de mémoires
locaux. Vous verrez qu'on finira par
les réimprimer en raison de leur rareté
remarquable et du haut prix qu'elles
ont atteint 1
Le Passant.
, -
CONTRE LA PEINE DE MORT
Aux vœux que nous avons déjà signa-
lés ,de la part de nombreux groupes ré-
publicains, en faveur de la suppression de
la peine de mort, ajoutons aujourd'hui
ceux des sections de la Ligue des Droite
de l'Homme : d'Ahun (Creuse), d'Amiens,
d'Aflgers, d'Avignon, de Bav-sur-Aube, de
Brive (Corrèze), de Chambéry, de Chasse-,
neuil, de Clion, de Dax, de Fontaines-sur-
Saône, de Frenda (Oran), de Frozés. de
Garches (Seine-et-Oise), de Genève, de
Gex (Ain), de Grézieu-la-Varenne (Rhône),
d'Hanoï (Indo-Chine), de Hommes (Indre-
et-Loire), d'Hourtin (Gironde), de Lieurez
(Eure), de Lorgues, de Maubeuge, de
Montpellier, de Murviel-les-Béziers, de Ne-
vers, d'Oyonnax, de Pont-d'Ain, de Port-
Vendres, des 15e et 16e arrondissements de
Paris, de St-Galmier-Chezelles, de Tulle,
de Valence, de Vigneulles (Meuse), etc.
i O
LE DISCOURS DE M. PICHON
ET LA PRESSE
-
La discours prononcé par M. Pichon
dans le débat sur les affaires marocaines,
continue à faire le su jet des commentai-
res de ]a presse étrangère et en particulier
de la pre-sse allemande. Celle-ci ne peut
que reconnaître les intentions pacifiques
du ministre des affaires étrangères de
France.
« Rien n'est plus important, dit le Nou-
velliste de Hambourg, que l'assurance qu'a
donnée Je ministre, que la France ne son-
ge pas à aller à Fez ou à Marrakocb,
qu'elle ne veut s'immiscer ni dans les af-
faires intérieures, ni dans les affaires reli-
gieuses du pays, que toute idée de .protec-
torat est loin de sa pensée. Ces déclara-
tions ont été faites asez fréquemment dans
les notes officieuses de presse et dans les
conversations privées ; mais le fait que
M. Piehon les a confirmées hier publique-
ment devant la Chambre, n'en est pas
moins digne de remarque, bien qu'il y ait
lieu de remarquer toutefois qu'il a observé
un silence complet au sujet des objectifs
et de la durée de l'action française sur la
frontière algéro-marocaine. »
La Germania dit de son côté :
« M. Pichon tient compte des réalités
quand il s'efforce d'éveiller même le soup-
çon qu'il favorise les muettes provocations
de F Allemagne par M. Delcassé, et en fai-
sant ainsi il n'agit pas seulement dans
l'intérêt de la France, mais aussi dans ce-
lui de l'Europe qui a plus que jamais be-
soin des bénédictions de la paix. »
> D'une façoo: générale; la presse étran-
gère manifeste également sa satisfaction
des déclarations de M. Fichon, et se mon-
tré rassurée sur les garanties que le gou-
vernement français donne à la paix inter-
nationale.
L'échangé d'observations auquel ont
donné lieu les interpellations sur te Maroc
n'a donc pas été inutile.
UN FRANÇAIS ET SON ESCORTE - ',.
MASSACRES EN ANNAM.
L'Agence Havas nous communique la note
suivante :
Un incident regrettable mais qui semble
purement local vient de se produire en An-
nam, au nord d'Anké.. '-
Le gouverneur général de l'Indo-Chine a
informé le ministre des colonies qu'un co-
lon de Quinhone, M. Paris, aurait été tué
par des sauvages moïs, au cours d'un
voyage dans cette région où il recherchait
du caoutchouc. Il avait avec lui une es-
corte de gardes indigènes commandés par
un garde principal. Quelques-uns d'entre
eux et un certain nombre de coolies au-
raient également trouvé la mort dans la
résistance qu'ils opposèrent à leurs agres-
seurs.
Le résident supérieur en Annam a invité
aussitôt le résident de la province à se
rendre sur les lieux, en même temps qu'il
y envoyait M. Dufrénil, inspecteur des ser-
vices civils.
Il n'est signalé de troubles sur aucun
autre point du territoire.
Les événements du Maroc
- "7
PREPARATIFS POUR LA
GUERRE SAINTE
Lever d'impôts à Fez
Tanger, 30 janvier.
Fez, 24 janvier. — Des courriers venant
de Rabat et, d'autres villes de la côte, an-
noncent qu'en vue de la guerre sainte pré-
ohée à Marrakech, on commence à Fez à
lever l'impôt pour payer les troupes qui se
joindront à Hafid.
Des Arabes de Marrakech vont rejoindre
Moulay Hafid
Tanger, 30 janvier.
Marrakech, 20 janvier. — A la fin des
trois journées de fêtes au Dar-e-lrMag-lizen,
les habitants de Marrakech ont reçu l'or-
dre du sultan de continuer la fête dans les
jardins et les marchés de la. villle.
Aujourd'lliui toutes les boutiques sont fer-
mées. C'est dans les marchés et dans les
fondaks des grands commerçants que les
Arabes se livrent à des réjouissances en
l'honneur de la proclamation de MüUllay-
Hafid à Fez.
Dès le matin, on voit dee Arabes partir
de la porte de Batb-e3-lvhmess pour aller à
la guerre sainte contre les Français ; ceux
des Arabes qui y vont aux frais dusudtan
s'arrêtent devant El Kentra-de-Tansit en
attendant Fki-es-Baly qui doit prendre le
commandement de cette mehala.
Le général d Amade forme une nouvelle
colonne à Casablanca
- TtUlgûr, 30 janvier.
r C&saW-ui -anca, 29 }J11)\' H:r. — Les prépara-
tifs du nouveau départ de la colonne Conti-
nuent. Le général d'Amade a envoyé ses or-
dires, hier, aux comona.iiid'&nts des garni-
sons de Fedailali, de Médiouna et de Ber-
Rechid. -
Des essais ont été faits aujourd'hui avec
dts canons de 37,- qui ont été Wéharquœ du
Desaix, et qui ont été montés sur des plate-
formes, placées sur des arabas. Les résul-
tats de ces essais ont été satisfaisants.
Ces canons seront emmenés par la co-
lonne pour renforcer l'artillerie à tir ra-
pide.
La mehalla d'Abd el Aziz
Les soldats du chérif nourris par nos
,; troupes
Melilla, 29 janvier,
Le reste de la mehalla chérifienne est
Arrivé cet a et campe derrière j
le fort situé sur les hauteurs de Triana
Les troupes de la garnison de Melilla
avaient été disposées sur divers points
stratégiques afin d'éviter tout incident :
mais il ne s'en produisit pas.
Les mehallistes affamés reçurent dos
rations par les soins de l'administration
militaire.
Les mehallistes arrivèrent en une lon-
gue caravane au milieu de laquelle se
trouvaient de nombreuses femmes sous
escorte.
Rapatriement de blessés
Oran, 29 janvier.
Le transport Vinh-Long, qui est arrivé
la nuit dernière à Oran, a débarqué au-
jourd'hui 43 malades et 46 rapatriés.
Les malades comprennent sept alités
dont quatre blessés à la guerre.
Farmi les rapatriés figurent le comman-
dant Defreosine, du 28 tirailleurs, qui vient
reprendre le commandement de son batail-
lon1 et le lieutenant Langlois, du 1er étran-
ger.
Le Vinh-Long reparlira dans une hui-
taine de jours pour Casablanca..
Le rapport officiel sur le combat de Settat
Le général Picquart, ministre de la
guerre, a reçu hier matin le rapport offi-
ciel du général d'Amade sur les opéra-
tions de Settat.
Le ministre de la guerre, après en avoir
pris connaissance, l'a immédiatement com-
muniqué à M. Clemenceau, président du
Conseil. -
Fantaisies fie IMaires
A propos du mariage de Mlle Vander-
bilt. — Dîner de bêtes.— Le mau-
vais sandwich et la détestable
pipe.- Quand on s'ennuie
et qu'on a trop d'argent
Le télégraphe nous a informé avec
un luxe déborctant de détails du grand
événement que fut — parait-il — le ma-
riage de la jeune demoiselle Vanderbilt.
Elle avait une robe admirable et un voile
de dentelle hors de prix, il y avait pour
250,000 francs de fleurs et la fête a coû-
té plus de deux millions. Les cadeaux
qu'on a faits au jeune ménage sont éva-
lués à six millions et une police spé-
ciale a été instituée pour leur garde.
Ces particularités ont été discutées
avec une certaine passion par plusieurs
de nos confrères qui n'ont consenti à
s'en étonner que pour s'en indigner.
Sans prendre parti pour ni contre, on
peut dire cependant qu'ils auraient eu
précédemment et qu'ils auraient tous
les jours des occasions plus favorables
de manifester leur désapprobation. Les
« excentricités » — c'est la dénomina-
tion indulgente par laquelle on désigne
ce genre de distractions — des milliar-
daires américains dépassent parfois non
pas l'imagination, mais ce que la raison
la plus complaisante peut admettre.
Tel fut, par exemple, le cas de ce
u dîner de bêtes » qui causa, il y a quel-
ques mois, presque un scandale. Let¡
invités durent amener chacun un ani-
mal : qui un chien, qui un chat, celui-ci
un porc, cet autre une oie, celui-là un
singe, un âne, un lapin. Une table
somptueuse avait été dressée : des fleurs
rares étaient disposées dans des vases
de prix et - sur la fine nappe ; la vais-
selle précieuse s'étalait. Tous les ani-
maux, pomponnés, ; bichonnés, enru-
bannés et parfumés, prirent place sur
des sièges appropriés tout autour et à
l'exclusion de- leurs maîtres qui ne de-
meurèrent que pour les surveiller et
jouir du spectacle. Par les soins des do-
mestiques revêtus d'habits d'apparat,
un repas fut alors servi. Non pas une
pâtée vulgaire qui eût eu le tort dé ne
pas coûter fort cher. mais un dîner
complet qui comprenait les mets les
plus délicats et les plus recherchés 1
Ce fut charmant - mais quand en
sut que plusieurs milliers de francs
avaient été dépensés à cette farce de
mauvais goût, il y eut Une certaine in-
dignation, assez compréhensible en vé-
rité. On vit dans ce dîner jeté, par sim-
ple désir d'excentricité, en pâture à CCT
animaux, comme une injure volontaire
aux pauvres diables affamés qui, en
Amérique plus encore qu'ailleurs, sont
nombreux. •
*
D'un autre ordre, fut la fantaisie de
ce grand trusteur qui fit, pour ainsi
dire, évider un superbe hôtel dans le-
quel il habitait, en n'en gardant à peu
près que les quatre murs : le fond et
les parois furent bétonnés" et remplis
d'eau. Une gondole fut placée au centre
de ce bassin improvisé et c'est dans son
riche salon que les invités, qui igno-
raient tout, furent introduits. -. »
On ne peut s'mpècher de regretter
que tant d'imagination — car il en faut
pour de semblables sottises — et sur-
tout tant d'argent soient ainsi dépensés.
Il y aurait, semble-t-il, des satisfactions
intellectuelles et artistiques d'un autre
intérêt à poursuivre.
Allumer son cigare avec un billet de
banque est une ânerie qu'on voit quel-
quefois ; placer un billet de mille -
tout neuf, il est vrai — entre deux m,or"
ceaux de pain et le manger à la façon
d'un sandwich, c'est plus idiot encore :
certain clubman le fit récemment à Chi-
cago, après une fulgurante partie de
poker. :
De Chicago aussi, cet « original »,
qui, il y a quelques jours encore, chauf-
fait son automobile avec de la fine Cham-
pagné authentique de 1849.
***
Parmi ces dépenses folles, il importe
cependant de distinguer celles qui ne
relèvent que de la prodigalité, de celles
qui, par elles-mêmes, constituent un
défi au bon sens* Mettre à un cheyal,
de labour des sabots d'or. c'est être pro-
digue bien inutilement, mais fumer
une pipe bourrée de banknotes, c'est
: commettre un crime envers les pau-
vres : il y a la plus qu'une simple
nuance.
Les milliardaires américains aux-
quels l'automobile ne suffit plus et qui
se font, dans leurs propriétés, construi-
re des chemins de fer'sur lesquels ils
lancent des locomotives à des vil-esscs
folles, perdent peu à peu la notion de
cette différence.
Les somptuosités du mariage Vander-
bilt, certes, ne sont pas à classer sous
la même étiquette que le « dîner de bê-
tes » que nous rappelions plus haut,
mais. est-il exagéré de prétendre que
ceci mène à cela ?
A.-J. Derouen.
——.————— ô
LES PETITS SALONS
Le Salon de l'Ecole française
Les expositions qui, dès la fin de janvier,
s'ouvrent un peu pwrbout — expositions
cercles, de groupes artistiques, expositions
particulières ou rétrospectives — n'exerce-
ront très probablement aucune influence
appréciable sur l'évolution de l'art, mais
elles présentent du moins un double avan-
tage : elles mettent les artistes — dont
l'existence n'est pas des plus faciles, de-
puis une quinzaine d'années — en rapport
direct avec le monde dit « des amateurs n,
elles fournissent à ceux d'entre eux qui ne
sont pas encore connus du grand' public
l'occasion d'affirmer leur talent et. de le
faire apprécier. Donc, à ces deux points
de vue, les Petits Salons ont du bon et
méritent d'être encouragés. Ils en ont be-
soin, d'ailleurs, car leurs portes s'ouvrent
à une époque de l'année qui n'est guère
propice aux manifestations artistiques :
il fait froid, les jours sont courts, la lu-
mière pâle, et plus d'un Parisien frileux,,
redoutant la £ fâcheuse bronchite, hésite à
quitter le coin de son feu pour aller se ris-
quer dans les longues galeries du Grand
Palais, encore que l'on ait pris soin de
l'avertir qu'elles seraient convenablement
chauffées.
Elles le sont, en effet, et l'on peut avec
agrément et sans la moindre imprudence
passer en revue le millier de toiles, aqua-
relles et pastels réunis au cinquième Sa-
lon de l'Ecole française. Vous y cherche-
riez vainement, sans doute, l'œuvre géniale
destinée Ú marquer une date dans l'histoi-
re de l'Art ; mais vous y trouverez des
pages intéressantes, des ouvrages cons-
ciencieux et sincères, qui dénotent une
grande habileté de main et, parfois, un
beau tempérament de peintre. Ce qu'il y
a évidemment de moins passionnant, ce
sont les imitateurs, et malheureusement
ils sont assez nombreux. Aimez-vous les
Bouguereau ? M. Seignac se charge de
vous en fournir, blaireau tés à souhait. Pré-
férez-vous les Roybet ? M. G. Barrier vous
en donnera l'illusion lointaine ? Le vieux
peintre llenner, qu'inspira Prud'hon, revit
en M. Hanriot, et il est visible que les
succès mondains de M. Helleu, son style
très conventionnel et son incontestable dex-
térité, empêchent M. G. Bouy de dormir.
Les uns et les autres auraient à faire un
meilleur emploi de leur talent et devraient
se souvenir que la première qualité, pour
ne pas dire : e premier devoir de l'artiste,
est d'être soi-même.
Mais, à côté des pasticheurs plus ou
moins adroits, voici de bons peintres qui
cherchent directement leur inspiration dans
la nature et trouvent sur leur propre pa-
leij) leurs moyens d'expression. M. de
Plument. est du nombre ; chacun des ta-
bleaux qu'il expose a sa valeur et son ac-
cent, mais le meilleur de tous est assuré-
ment celui où il nous montre un groupe de
chantres groupé au lutrin. -
Depuis longtemps déjà les marines de M.
Albert Gœpp -sont remarquées pour la lar-
geur de la composition, la vigueur et la
probité ae la facture, la belle virtuosité de
la touche. L'âpre poésie de l'Océan a été
rarement mieux saisie et plue éuergique-
ment traduite. Je ne crois pas me tromper
en disant que M. Gœpp est, à l'heure ac-
tuelle. l'un de n03 meilleurs peintres de
la mer.
Les paysagistes abondent ; il en est de
notoires, comme M. Lui Loir, qui excelle
à décrire la mélancolie des crépuscules pa-
risiens ; M. Eugène ~Durgeois, pour qui les
campagnes de France n'ont plus de ccrets;
M. Brugairolles, qui nous charme avec son
soleil couchant dont les rayons incendient
le ciel clair et dorent 1., eaux tranquilles
d'une rivière ; M. Maurice Chabas, doué
de belles qualités de coloriste dont il fera
bien de se défier, s'il ne veut lomber dans
l'exagération truculente ; Mme Madeleine
Vmairè, peintre de fleura toujours (habile,
certes, mais qui ne semble pas précisément
en progrès.
Il convient de mentionner également les
toiles vibrantes que M. P. Louchet a rap-
portées de Bretagne et de Fontainebleau ;
les solkles études peintes par M. Delaho-
gue en Tunisie ; la « Vague » de M. Cha-
raire ; les « Moissonneurs » de M. Chatei-
gnon ; le « Marché de Concarneau » de M.
Herland : les gracieuses figures symboli-
ques de Mlle Daynes-Grassot ; la châtelai-
ne de M. Charrier ; les envois de MM.
Timmermans, Johannès Son, Sorkau, Dil-
lon (Une Répétition au Théâtre-Libre en
1888). Une délicieuse petite toile de genre,
intitulée : Par ces temps ne misère, et trai-
tée dans la manière des maîtres hollandais
du XVIIIe siècle, attirera, sans nul doute,
votre attention -lle vaut par le fini de
l'exécution, la richesse de la matière et la
précision du dessin ; ce charmant tableau
porte la signature de Mlles Desliens, des
portraitistes de grand-talent, qui nous sem-
blent bien avoir trouvé dans la peinture
anecdotique une nouvelle source de succès.
Peu de portnms. Le plus remarquable
est incontestablement celui du peintre
Grasset par M. Caud, qui expose également
deux excellentes études de fleurs. Les effi-
gies dues aux pinceaux de MM. Ogú: Huot
et Boisselier valent d'être citées.
Les aquarellistes se montrent, en géné-
ral, fort habiles ; mais, parmi eux, la mat.
trise nous paraît appartenir à M. Boyer-
Mennegay, qui, -avec une extrême simpli-
cité dé procédé, arrive, -. par la franchise
die l'exécution et la sûreté de la touche, à
des effets d'une harmonie captivante. Après
cet artiste, véritablement hors de pa.ir, il
n'est que juste de mentionner MM. Leveri,
Nattier-Francois, Ambroise i et aussi les
1 pastels de Mlle Alice Maire, Tristan Ri-
chard, et le portrait de Coquelin tracé na-
gistralement par le sûr crayon de * M.
Weissmann.
Une exposition rétrospective des œuvres
d Eugène Boudin est jointe au Salon de
l'Ecole française et permet d'apprécier sous
ses différents aspects 4e ltalent sincère,
discret et convaincu de l'excellent peintre
de marine qui exerça une si heureuse in-
fluence sur les artistes de son temps, env
leur enseignant que la lumière (lu « plein
air » ne ressemble guère au jour factice,
dû l'atelier.
H. Ayraud-Degeorge.
A LA CHAMBRE
-
L'élection de Falaise. —- L'impôt sur fa
, - revenu - • -- 1
La séance est ouverte à deux heure : '(
sous la présidence de M. Henri Bris-
son.
Par suite d'une erreur bizarre, M. Vi";
viani, ministre du travail, avait étepor-
té dans le compte rendu officiel de lav
dernière séance parmi les députés qui!
ont voté contre l'ordre du jour de con-î
fiance, présenté par M. Dubief à la Ûn j
du débat sur les interpellations du Ma-,
-
Au début de la séance, M. Viviani est ':
venu à la tribune signaler cette erreur
en ajoutant qu'il n'a pas refusé sa con-
fiance au cabinet dont il fait partie.
On adopte ensuite, sans discussion,
un crédit supplémentaire de 1,362,000
francs pour les dépenses du Chemin de'
fer de l'Etat.
LA VALIDATION DE M. LE CHERPY.
L'ordre du jour apjpelle la discussion
du rapport du 7° bureau sur les opéra-, -
tions électorales de l'arrondissement de.I
Falaise (Calvados) qui a élu M. Le Cher-
py, radical, contre le due. d'Harcourt,
candidat libéral, eu remplacement del
M. Pauhnier.
M. Delpierre, rapporteur, exPOse. -'que:
le 7e bureau a accepté deux des conclu-
sions qu'il avait présentées au nom d.('.
la sous-commission, mais qu'il a rejeté;
la troisième, qui est la plus importante.
Sur ce dernier point, il y a eu 14 voix
pour et 14 voix contre et 4 abstentions.
Dans ces conditions, j'ai donné ma dé-
mission et l'ai retirée ensuite sur les hM-
tances du bureau tout entier.
Je me borne à exposer la situation à la' *
Chambre et je m'abstiens de formuler une
conclusion, ainsi que j'en ai reçu mandat
du bureau. , r
M. Massé, membre du bureau, en:
son nom personnel, propose à la Cham-
bre d'adopter les conclusions de la
sous-commission qui- a conclu à la vali-
dation de l'élection de M. Le Cherpy. i
M. Denys Cochin demande que l'on;
soumette les opérations électorales de,
Falaise à une enquête parlementaire. If
expose dans quelles conditions a eu lieui
cette élection iiorinande,
Les journaux amis de M. Le Cherpy Ief-
représentaient comme « enfant du peuple n
tandis qu'ils qualifiaient son adversaire le
duc d'Harcourt de châtelain, partisan de
la dîme et du servage.
Eu réalité, poursuit M. Dengs Cochin, M.
d'Harcourt est un esprit très libéral et les
deux candidats sont l'un et l'autre des re-
présentants du parti bourgeois.
L'orateur signale l'intervention 'de M.
Chéron, sous-secrétaire d'Etat.
M. Chéron de sa place proteste en 'di-
sant qu'il a exercé ses droits de citoyen
qu'il ne laissera pas prescrire.
M. Denys Cochin.. — En effet, M. Ché-
ron dit qu'il intervenait comme citoycn,
mais qu'il ferait ultérieurement une visita
comme sous-secrétaire d'Etat. (On rit).
Je n'insisterai pas davantage sur la pres-
sion officielle ni sur la promesse de l'aban-
don de l'indemnité parlementaire faite par:
l'un des candidats.
Le point le' plus important est celui qui
a trait au calcul de la majorité,et M. Denys
Cochin s'étend longuement sur une ques-
tion de bulletins supprimés par la com-
mission de recensement, au duc d'Har-
court, parce qu'ils avaient été marqués
d'un signe et que, de ce fait, ils ont été.
considérés comme nuis.
..,.. -
M. Denys Cochin termine en disant
qu'une enquête s'impose..
M. Le Cherpy, le nouvel élu de Fa-
laise, après l'attaque de M. Denys Cc.
chin, mont-e à la tribune pour défendre
lui-même son élection.,
Les réactionnaires étaient habitués à
remporter la victoire dans l'arrondisse-
ment de Falaise ; en 1906, leur candidat
était élu avec 5.000 voix de majorité contre
le candidat républicain.
M. Paulmier avait, paraît-il, désigné per
testament le duc d'Harcourt comme son
successeur. (Rires sur un grand nombre
de bancs). Mais les électeurs n'ont pas ra-
tifié cette disposition testamentaire.
On prétend, aujourd'hui, que si j'ai obte-
nu un plus grand nombre de suffrages que
M. d'Harcourt, je n'ai pas atteint le chif-
fre de la majorité absolue.
J'ai été proclamé élu par la commission
de recensement par 5.099 voix, la majorité
étant de 5.094 voix. 19 bulletins ont été -
supprimés comme portant des marques ; *
cette irrégularité avait été constatée et si-
gnalée au moment même de l'élection. *"
Ce n'était pas, comme on l'a dit, des
marques d'imprimerie. Un électeur de la
seule commune où ces bulletins ont été
distribués, M. Valentin l'atteste .formelle-
ment.
D'après une jurisprudence constante les
bulletins portant des signes à l'intérieur,
comme c'est le cas ici, ne doivent paà
compter pour le calcul de la majorité.
Ces faits ont ,leur importance, surtout
dans un pays comme le Calvados, où !es
grands propriétaires disposent d'une véri-
table puissance féodale, où l'ouvrier agri-
cole doit marcher au doigl ci à l'œil, -sous
peine d'être renvoyé. (Applaudissements à
gauche ; réclamations à droite).
On ne peut rien opposer ù la proclama-
tion de l'élection.
J'ai eu l'honneur d'être le chef-adjoint d'ji
cabinet du regretté Ma 0\1 -- "xssaigne*
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