Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-01-25
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 25 janvier 1908 25 janvier 1908
Description : 1908/01/25 (N13833). 1908/01/25 (N13833).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7571085z
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
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M- 13833. 4 Pluviôse An 116 CBBSTO GBBmatB* StB mTMBBO 8amedi S5 Janvier 1908_TT* 13333
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tre journal, 14, rue du Mail.
oriNioJsrs
Sous la férule
Il y a des gens incorrigibles, des es-
prits indociles toujours prêts à trans-
gresser avec désinvolture les plus ri-
goureux commandement, dès que les y
invitent la logique et le bon sens. Dé-
plorons qu'une fantaisie saugrenue et
téméraire préside ainsi aux résolutions
de ces caractères mal faits. Et puis-
qu'ils ont méconnu certains des princi-
pes essentiels de la charte socialiste,
chassons-les sans pitié, déclare le con-
seil national du parti unifié. Mais ces
principes, demandent de pauvres niais,
ne peuvent-ils s'accommoder parfois
d'interprétations différentes ? N'est-ce
pas l'honneur, la garantie d'intelligen-
ce d'un parti de laisser le plus souvent
à ses membres l'usage de leur libre
arbitre ? Faut-il donc qu'à des idées
communes on inflige fatalement une in-
tangible orthodoxie ? Et, si seulement
eettç exégèse orthodoxe devait à ja-
mais guider dans la même voie les es-
prits indécis ! Hélas ! nous sommes
loin de compte. La vérité change sous
les yeux de ceux-là mêmes qui ont ac-
cepté de la. protéger contre les entrepri-
ses pernicieuses des caractères indé-
pendants. Les orthodoxes d'aujourd'hui
et de toujours, les gardiens-incorrupti-
bles de la loi et de ses canons étaient
hier des' pécheurs vulgaires, d'incon-
scients mais avérés schismatiques. Mais
n'épiloguons pas sur l'inconstance de la
nature humaine ; ce sont là de mélan-
coliques et vastes sujets qui valent des
méditations infinies. Ayons plutôt la
modestie de nous en tenir aux faits ac-
quis, en l'espèce, à l'exclusion reten-
tissante de M. J.-L. Breton.
La mesure, si judicieusement com-
mentée ces jours-ci par notre ami Steeg,
vaut encore qu'on s'y arrête, car elle est
représentative d'une psychologie sim-
pliste assez divertissante. M. Breton ir-
ritait le parti, on le supprime : à l'in-
térieur du groupe unifié, il personni-
fiait, et ce qui est plus grave, il préco-
nisait une tactique ancienne, autrefois
chère au parti et dénoncée à présent
r lui comme un dangereux prétexte à
d'iufcolérables compromissions avec les
bourgeois. Avec quelques autres de ses
collègues, frappés pour d'autres rai-
sons, M. Breton faisait montre, au sein
du groupe, de ce qu'on appelle en style
jésuite « un mauvais esprit », et cela ne
se pouvait plus admettre à l'heure où le
parti traverse une crise de ferveur in-
transigeante. Il ne fallait plus dès lors
que dp,f\ nrétextes.
Certes ils n'ont pas manqué. M. Bre-
ton dont l'âme, évidemment sereine, ne
se trouble point à l'annonce de l'orage,
en a prodigué, des prétextes. Consom-
mant un forfait exécrable, il a, en cyni-
que, voté le budget. C'en est trop, et
cette audace-là déconcerte la plus. in-
dulgente longanimité. S'ils peuvent
de ci de là appuyer de leurs voix telle
oir telle amélioration, telle ou telle ré-
forme inscrite dans le budget, et cela
sans insulter aux principes, les mem-
bres du parti unifié ne sauraient cepen-
dant, à moins d'apostasie, le voter dans
son cllsemnle, ce budget qui ne sub-
vient qu'aux besoins et aux charges
d'une République bourgeoise.
Admirables raisonnements ! On ad-
met la partie, mais on refuse le tout.
Que ferait donc la partie sans le tout,
inéluctable condition de son existence ?
Mais pourquoi donc discuter davantage,
pourquoi souligner à nouveau des con-
tradictions aussi têtues ? Ne s'agit il pas
d'un de ces principes inviolables dont
l'essence sacrée délie toute atteinte ; Un
socialiste unifié ne vote pas le budget ?
Mais pourquoi, diable, en ce cas,
vient-il en suivre, au Parlement, la dis-
cussion ? Au reste, il fait mieux qu'as-
sister au débat ; il y collabor-e, et c'est,
en fait, la raison, la justification même
de sa présence ; il y collabore, en dé-
posant, en appuyant des amendements
Socialistes. Port bien. Mais voilà où l'af-
faire sp corse. Ces amendements vigou-
reux, catégoriques ne rallient pas tou-
jours, il s'en faut, une majorité - alors
pour les rendre acceptables, pour les
approprier aux conditions présentes de
l'organisation sociale, il faut qu'on leur
inflige -l'opprobre d'une modification,
d'une atténuation. On en restreint la
portée ou les exigences. Bref, ils entrent
arç budget, comme dans un salon, avec
Re bonnes manières. Rarement ils y
font pénétrer en même temps quelqu'un
Ses grands principes dont ils sont ce-
pendant issus. Tout au plus, l'annon-
cent-ils de loin. Et voilà de quoi se con-
tentent les intransigeants. C'est le té-
moignage précieux d'une modestie, de
bon aloi certes, encore qu'assez inatten-
due.
D'où cette conclusion : si l'ensemble
du budget, qu'on ne saurait voter, n'est
jamais socialiste, les amendements, les
améliorations qu'on y incorpore ne le
sont certes pas autant que le veut la
doctrine. Ils sont simplement mitigés
de socialisme, et ce sont-là, n'est-ce
pas, de pauvres satisfactions théoriques
dont peuvent seuls se contenter d'infor-
tunés radicaux. En bonne logique, dès
l'instant que la réforme proposée perd
quelque attribut de son caractère stric-
tement socialiste, les membres du parti
unifié doivent sur le champ s'en désin-
téresser et l'abandonner à ceux dont le
programme tolère des solutions et des
réalisations intermédiaires. Ils ne le
font pas ; ils acceptent des accommode-
ments et des interprétations de fortune
Bref, c'est de temps à autre le contraire
même de la doctrine du tout ou rien.
J'y vois pour ma part une revanche du
bon sens. Mais que doit dire de ces con-
cessions, de ces collaborations, de. ces
ententes douteuses, que doit dire, dans
la nuée métaphysique où il plane, le dé-
miurge farouche du socialisme inté-
gral ?
Et puis, parlons franc : au delà de
ces pudeurs inquiètes, de ce piétisme
doctrinal, de cette rigueur dont les ré-
veils éclatent de temps à autre en accès
passionnés, c'est la question, infini-
ment plus simple et plus prosaïque, du
parlementarisme qui se pose. Si le parti
unifié, dont les représentants au Palais-
Bourbon sont une minorité, interdit à
ceux-ci de collaborer avec les gauches,
ou s'il met à cette collaboration des
conditions impératives et des limites ri-
goureuses, que feront les unifiés au
Parlement ? J'imagine que, dans l'im-
possibilité où ils sont d'y réaliser inté-
gralement une des idées socialistes, à
l'heure où nous sommes, ils ne vou-
dront pas se contenter d'y assumer le
rôle d'une minorité protestataire. Ils
n'iront pas au Parlement pour crier, ce
qui est sans doute une façon pathéti-
que mais parfaitement illusoire de s'af-
firmer, ils iront pour agir, mais com-
ment agir, comment s'appliquer utile-
ment aux résultats si l'on ne rallie, en
dehors du groupe, dans la Chambre
une majorité indispensable ?
Le parti veut-il condamner ses élus à
n'émettre que des votes de principe ?
Rien ne serait plus absurde et plus
vain qu'une telle tactique, laquelle dis-
pense èrailleurs celui qui l'adopte du
moindre effort d'appropriation. Les re-
présentants du parti à la Chambre
mués en fossiles, voilà qui comblerait
d'aise certains syndicalistes connus
pour la véhémence de leur propagande
antiparlementaire. Il est au moins sin-
gulier de voir les élus eux-mêmes se
prêter à une « transformation » qui les
discrédite, et avec eux le régime.
PAUL-LOUIS GARNIES.
LE DUT D'AMirai
I
Aujourd'hui, grand débat
à la Chambre sur les affaires
marocaines. C'est M. Jaurès
qui interpelle. On connaît la
thèse qu'il soutient, et nous
avons dit qu'il était impossi-
ble de songer même une seconde à l'ac-
cepter. La France ne fera pas faillite
aux engagements qu'elle a pris vis-à-vis
de l'Europe et du monde civilisé. Elle
ne reculera pas, effarée, devant Mou-
lay Hafid, en appelant au Maroc les sol-
dats de tel ou tel monarque, qui ne se-
rait que trop empressé à nous supplan-
ter.
Mais il est certain que la Chambre
demandera au gouvernement de préci-
ser la politique qu'il suit au Maroc.
On n'a pas très bien compris l'opé-
ration conduite par le général d'Ama-
de ; on se demande quel est le sens de
l'occupation de Settat, abandonnée
presque aussitôt après avoir été prise
à l'ennemi. Le général Picquart don-
nera sans doute des éclaircissements
sur ce surprenant exercice militaire.
Une question plus générale est le con-
flit des deux sultans. Il est évident
qu'Abdel Aziz, avec lequel nous avons
traité, qui figure comme souverain re-'
connu de l'empire chérifien à l'Acte
dAlgésiras, peut compter sur un cer-
tain appui de notre part, à condition
que tous ses efforts tendent vers la pa-
cification du pays.
Cependant, de là à nous jeter à corps
perdu dans le conflit des deux frères
ennemis, il y a un pas, un grand pas.
La majorité de la Chambre deman-
dera à coup sûr au gouvernement de
ne pas se laisser entraîner en dehors
des limites qu'il avait lui-même mar-
quées à notre action.
Il nous appartient, quand les rebel-
les nous serreront de trop près, de
leur infliger les leçons qu'ils savent si
bien mériter et s'attirer. Mais il faut
que le gouvernement et nos chefs mili-
taires aient assez d'énergie et de sang-
froid pour rester les maîtres de l'œuvre j
de police entreprise, et pour ne pas
s'enfoncer, insensiblement, dans le guê-
pier où les fanatiques musulmans Per-
chent à nous attirer, et où certains Eu-
ropéens nous yerraient tomber sans r&-
gretv
+ «
LES ON-DIT
-.
Les ténèbres à l'Hôtel de Ville
Hier, la salle de la bibilothèque et les
'ocaux dépendant du Conseil municipal
étaient plongés dans les ténèbres. La
commission du personnel des omnibus
et des tramways a dû lever sa séance,
malgré l'éclairage de fortune improvisé
ttvec (quelques (rares bougies éparses
sur le tapis vert de la table. -
Court-CIrcuit, accident au secteur
électrique des Halles, disait-on.
M. de Selves a dû lui-même abandon-
ner son cabinet et faire une promenade
hygiénique en ville,.
Les gros vaisseaux à Trafalgar
Les marines européennes sont par-
tagées entre le système des flottilles ra-
pides, des sous-marins perfides et celui
des cuirassés de vingt mille tonnes et
au delà, vrais mastodontes de la mer.
Tsoushima a paru donner raison à ce
dernier. Mais Trafalgar conclut autre-
ment. La plus grosse unité du temps
était la Santissima Trinidad, armée de
140 canons et elle se trouva du côté des
vaincus*
Manuscrits de Beethoven et de Paganini
Vingt-huit lettres inédites de Beetho-
ven viennent d'être mises au jour, à
.Vienne, par M. Alexis Hadjecki ; elles
se rapportent aux années 1816-1823 et
donnent des détails sur une partie es-
sentielle de la vie du maître. On a dé-
couvert aussi un manuscrit de quaran-
te-sept pages qui a trait aux malheureu-
ses affaires de la tutelle de son neveu.
On a exhumé, presque à la même
date, des archives de Pérouse quatorze
manuscrits de Paganini, dont le fameux
troisième Concerto. M. Pierpont-Mon.
gan en a aussitôt offert 80,000 francs,
mais le gouvernement italien s'est op-
posé à la vente.
Le saule de Napoléon
C'était très bien porté, il y a un demi-
siècle, d'avoir dans son jardin une bou-
ture du saule de Sainte-Hélène et nom-
bre de vieux braves s'enorgueillissaient
de cet acte de fétichisme. La manie est
passée de mode en France, excepté -tou-
tefois, à Fontainebleau, et ce sont les
Anglais qui sont maintenant atteints
de napoléonite horticole. -
Un sieur F. Douglas Fox a écrit ex-
près au Times pour lui révéler qu'un
saule situé dans le coin sud-ouest du
jardin de Kensigton-Square, provient
d'une bouture prise sur la tombe du
captif de Sainte-Hélène. Cette commu-
nication en a provoqué d'autres. Les re-
liques de Sainte-Hélène abondent. En
1850, un des premiers colons de la Nou-
velle-Zélande, John Tinline, passant
dans l'île légendaire, coupa plusieurs
boutures du saule pleureur qui abrita
les restes du grand homme, les planta
dans la province de Canterbury, en fit
part à ses voisins, de sorte que tous les
saules de la Nouvelle-Zélande sont is-
sus de cette, initiative.
t Un des gatdes de Napoléon à Sainte-
Hélne, le capitaine Lesson, ramena à
South Cave, East Yorkshire, un jeune
figuier provenant de la tombe de Napo-
léon, qu'il planta dans son jardin. Ses
héritiers ont retenu une bouture de cet
arbre, qui donne d'excellents fruits.
Pends-toi, d'Esparbès 1
Le l'assant.
Les événements du Maroc
LA SITUATION DE MOULAY-HAFID
Télégramme officiel. — Les pertes des
Marocains à Settat. — Le désarroi au
camp du nouveau sultan
M. de Saint-Aulaire, chargé d'affaires de
France à Tanger, télégraphie que M. Kouri,
notre représentant à Mogador, fait connaî-
tre que Moulay Hafid se préparait à aller
châtier le caïd d'Ennat, qui lui avait fait
défection lorsque les combats de Mediouna,
Ber-Rechid et de Settat le firent changer
d'intention.
Le fils de Moulay Rechid, qui aurait per-
du plus de 600 hommes dans l'engagement
de Settat, a adressé à Moulay Band un
appel réclamant sa présence pour empê-
cher la débandade complète de sa mehalla.
Moulay Hilfid ,n'a pris aucun parti en
présence du désaccord de ses conseillers.
L'état de son camp est du reste lamentable,
à la suite surtout dès pluies torrentielles
qui viennent d'avoir lieu : hommes et che-
vaux y meurent en assez grand nombre.
Moulay Hafid après avoir adressé un
message à Marrakech pour s'efforcer d'el-
facer l'impression produite par la défaite
de ses troupes à Settat, s'est rendu à Ha-
zaret où il compte passer les fêtes.
41. malpertuy, botre agent à Casablanca,
fait connaître, à la. date du 19 janvier, que
la proclamation de Moulay Hafid à Fez et
ses excitations à la guerre sainte n'ont eu
aucun contrecoup dans la Chaouïa.
Tanger, 23 janvier.
Rabat, 18 janvier. — Le croiseur espa-
gnol Princesn AUturias est arrivé et doit
ramener la légation d'Espagne.
Le bruit court que Moulay-Mohamed,
frère du sultan, qui est toujours resté hors
des affaires du pays, serait nommé khali-
fat de son frère et recevrait le commande.
nient d'une mehalla.
Une Oélégati-on des Zaer, au sud de Ra-
bat, a été reçue par le sultan pour lui de-
mander quelle attitude il convenait de
prendre à l'égard des Français venus à
Bouznika. Elle aurait reçu la réponse que
ce que faisaient les Français c'était la pa-
cification des Chaouias et qu'il convenait
de ne pas s'en préoccuper.
Rabat, 20 janvier. — On annonce que
Hadj-Maati. caïd de Settat, a été tué au
cours du combat contre les Français.
Le maghzen a révoqué 13 caïds, des Re-
ha de la mehaila qui, au lieu de payer la
solde, la gardaient pour eux. On pense
plutôt que ces caïds étaient originaires de
Marrakech. Le maghzen se défiait de leur
attitude.
On apprend que deux compagnies de la
légion sont arrivées pour renforcer le pos-
te de Bouznika ; leurs patrouilles avancent
jusqu'à Srirat, à 25 kilomètres de Rabat.
Un indigène qui avait été dépouillé ent're
Bouznika et Fedala se plaignit aux autori-
tés. militaires françaises : une reconnais-
sance partie sur les lieux de l'agression, ar-
rêta les voleurs qui furent emmenés à Ca-
sablanca.
Tanger, 23 janvier.
On confirme que Moulay Mohamed,
frère aîné du sultan par son père, et de
Moulav-Hafid par son père et sa mère, est
nommé chef de la mehalla qui partira pour
Chaouia dans quelques jours, et prendra
Settat à revers, tout en arrêtant la mehalla
que Hafid amène pour la guerre sainte.
Abd el Aziz a fait envoyer dans tous les
ports l'ordre de recruter mille nouveaux
soldats pour renforcer les effectifs de la
garnison de ces ports ; lorsqu'ils seront
aptes à entrer en campagne, ils serviront
pour les expéditions et les nouveaux re-
crutements.
Les négresses de Raisouli qui avaient
été capturées l'année dernière et envoyées
à Fez, sont arrivées à Tanger aujourd'hui,
venant de Larache.
On attend l'arrivée des prisonniers, com-
pagnons de Raisouli, qui sont à deux jours
de Tanger. Lorsqu'ils seront arrivés, on
espère que Mac-Lean sera délivré aussitôt.
Tanger, 23 janvier.
(Source anglaise).
Les prisonniers livrés à la demande de
Raisouli doivent arriver de Fez à Larache
samedi ou dimanche. -
L'agent consulaire anglais d'Alcazar est
parti hier soir pour Larache, probablement
pour hâter le retour des prisonnier à Tan-
ger.
(Voir la suite en DEUXIEME EDITION)
ROI DE SUÈDE
ET FEMMES DE FRANCE
Gustave V, le nouveau roi de Suède, au-
rait pris des villes, conquis des provinces
et gagné plusieurs batailles, qu'on n'en par-
lerait pas plus que de sa -singulière idée
de ne point se faire couronner.
Quel brave homme, disent les un3, de
goûts simples et patriarcaux, dédaigneux
des étiquettes vieillottes et des protocoles
surannés ! Hum ! disent les autres, c'est
bien dangereux, ce mépris princier pour
les cérémonies officielles ; il détruit des lé-
gendes nécessaires, des représentations
théâtrales sur lesquelles est uniquement
basé le prestige royal. Celui-ci écroulé,
comment Gustave V pourra-t-il se mainte-
nir sur un trône où il n'a pas voulu s'as-
seoir en grànd apparat ?
C'est un roi économe, un philosophe im-
prégné des idées modernes, affirment ses
partisans ; c'est tout bonnement un malin,
un roublard, qui fait la part du feu et du
progrès, déclarent les adversaires ou les
indifférents. ,,-- ---- ---u- ._----
uustave v, je J'avoue sans iausse nome,
ne m'apparaît point du tout sous ces di-
vers aspects ; il me semble bien moins
compliqué ; je ne vois en lui qu'un mon-
sieur à qui sa fonction impose de multi-
ples ennuis, et qui cherche à n'en suppor-
ter qu'un minimum. Je ne connais point
sa devise, mais elle doit vraisemblablement
se rapprocher de celle-ci : le moins de cor-
vées possible 1
Nous avions déjà Gustave le Mauvais
sujet ; nous aurons peut-être, ainsi, Gus-
tave le Bon roi.
En tout cas, ce n'est certainement pas
une modestie, désormais inconnue des hom-
mes, qu'il faut chercher dans l'acte d'indé-
pendance du souverain suédois.
Cette modestie n'appartient plus qu'aux
femmes, aux meilleures, aux plus intelli-
gentes d'entre elles.
Ne parlons point de Mlle Bartet qui,
avec une élévation d'âme peu commune, a
refusé de siéger au comité de la Comédie-
Française, « parce que de telles fonctions
j ,"mb]aient sortir de ses aptitudes » ;
parlons encore moins de Mme Marcelle
Tynaire, qui s'est amusée à blaguer, sinon
ce qu'elle avait sollicité, tout au moins ce
qu'elle acceptait avec plaisir et. sans re-
connaissance ; mais parlons de George
Sand, (iui a refusé tranquillement, avec
une grâce souriante, sans bruit, sans tin-
t:imarre, sans esclandre, le ruban rouge ;
parlons surtout de Mme Curie qui, au len-
demain de la mort tragique de son illustre
mari, écrivait :
Il Mon mari ne croyait pas à l'utilité des
distinctions honorifiques ; il lés considérait
même comme nuisibles. Avant qu'on lui
ait proposé le ruban rouge, il avait déjà
refusé d'être proposé pour le ruban violet.
Je partageais ses idées entièrement et j'é-
tais heureuse de voir qu'il avait le cou-
rage de conformer ses actes à ses opinions,
malgré la pression qui a été exercée sur
lui à ce sujet. »
On aura beau dire : ces sentiments sont
autrement significatifs que la simplicité
feinte ou réftlle d'un souverain qui ne veut
pas être ennuyé par une cérémonie fasti-
dieuse ; et l'on se sent tout réconforté d'ê-
tre d'un pays qui possède de telles fem-
mes.
Grouchy de Vorney.
»
LA JOURNEE POLITIQUE
Le conseil des ministres
Le conseil des ministres, s'est réuni hier
matin à l'Elysée, sous la présidence de M.
Fafiières. •
Les interpellations sur le Maroc
Les ministres se sont principalement oc-
cupés des affaires marocaines. Après avoir
pris connaissance des dépêches envoyées j
soit par M. de Saint-Aulaire, notre char-
gé d'affaires à Tanger, soit par le général
d'Amade, Je conseil s'est occupé des inter-
pellations sur le Maroc qui doivent être
discutées aujourd'hui à la Chambre.
Celles-ci sont au nombre de trois ; elles
émanent, dans l'ordre de nrésentation, ie
MM. Jaurès, Ribot et Pinault, ce dernier,
dénuio libéral d'Ille-et-Villaine.
C'est M. Pichon, ministre des affaires
étrangères, qui @ répondra. Il reproduira les
explications qu'il a déjà fournies récem-
ment à la Chambre et au Sénat, la ligne
de conduite suivie au Maroc par le gou-
vernement n'ayant subi aucune modifica-
tion malgré les changements survenus
dans la situation intérieure de ce pays.
Au cours de ses explications le ministre
des affaires étrangères donnera lecture des
dénêches du général d'Amade, afin de bien
préciser le .caractère des opérations ac-
complies par le chef du corps expédition-
naire et notamment de celles exécutées ré-
cemment «ur Dar-Ber-Rechid et sur Set-
tat.
Mouvement judiciaire -
M. Briand, garde des sceaux, a fait si-
gner un important mouvement judiciaire.
Le conseil a ensuite procédé à rex-péat-
tion des affaires courantes.
ARRESTATION SENSATIONNELLE
l-U" -VV3
(De notre correspondant particulier)
SAINT-PETERSBOURG, 22 janvier. -
Une des sommités de la police politique,
M. R., a été arrêté. On l'accuse d'avoir
été l'allié secret du parti révolutionnaire.
L'arrestation a produit une vive sensation.
Beaucoup de personnes pensent que M. R.
a été victime d'une machination.
M. R. est un personnage Wen connu à
Paris où pendant des années il dirigea la
section de police russe installée en France
MAL D'ORIENT
Le choléra à La Mecque. — L'opinion
du professeur Chantemesse. — Mé-
fions-nous des pèlerins et mé-
fions-nous des émigrAurts.
« Le choléra est à La Mecque », a:
t-on dit. et notre premier mouvement
à nous, profanes, a été de dire : « Eh
bien ! tant pis pour La Mecque !. Mais
que nous importe ? »
C'est commettre une erreur — car il
nous importe beaucoup, davantage en
tout cas que nous le croyons.
*%
Quand il s'agit de questions intéres-
sant l'hygiène publique et les épidé-
mies, il est un homme auquel il importe
de s'adresser : c'est le professeur
Chantemesse dont les savants avis font
autorité en la matière.
Nous avons donc — avec d'autres
confrères — demandé quelques explica-
tions à l'éminent professeur.
— Le maximum d'intensité du cho-
léra au Hedjaz coïncide presque fatale-
ment avec la fête du Baïram de l'Islam.
Cette fête, mobile par rapport à notre
calendrier, se trouve" quelquefois pla-
cée au cœur de l'hiver comme an cœur
de l'été. - -- - ---, -- u_----- -- -----
Et pourquoi cette fête a-t-elle de si
déplorables effets épidémiques ? A cau-
se des pèlerins indiens. Les musulmans
de l'Inde sont très attachés au pèleri-
nage sacré, et il est presque fatal qu'ils
amènent avec eux la maladie.
Le pèlerin est le premier agent de
transmission. Il y en a un second : J'é-
migrant.
De la constatation même de leur
existence naît l'indication des mesures
à prendre pour s'en garder. Car il im-
porte d'y veiller : un seul navire peut,
venu des pays infestés, contaminer un
port méditerranéen et être ainsi cause
de ravages en Europe centrale.
La Mésopotamie et le Suu -de la Perse
sont mal défendus — mais c'est sur-
tout l'Egypte qu'il importe de surveil-
ler : elle fournit une faible voie de pé-
nétration au choléra, et toutes précau-
tions doivent être prises. Or, on sait
maintenant que 1a. désinfection et la
quarantaine, telle du moins que celle-ci
est appliquée, constituent des moyens
insuffisants. C'est ainsi qu'il a été dé-
montré que des individus sains .en ap-
parence, et échappant par conséquent à
toute mesure d'immobilisation forcée,
peuvent parfaitement véhiculer le ger-
me du choléra et en être un agent de
diffusion.
Il ne faut pas se dissimuler, dit en-
core le professeur Chantemesse, que
la construction du chemin de fer de
l'Hedjaz, reliant les « lieux saints » à
Damas, constitue, elle, aussi, un élé-
ment de danger : tout naturellement les
pèlerins prendront la voie ferrée pour
éviter les quarantaines maritimes, et
dès lors.
Il est donc temps, conclut M. Chan-
temesse, que non pas seulement la
France^jnais l'Europe entière prenne
les mesures que comportent ces faits
nouveaux. Le choléra à La Mecque est
un danger pour elle par la facilité avec
laquelle il peut en rayonner.
Il ne suffit pas de surveiller mieux
la voie maritime, il faut donner atten-
tion à la voie de terre : on conçoit que
l'émigrant infecté, venu par chemin de
fer, n'est pas moins redoutable qjije ce-
lui qui a pris le paquebot. Et il est ri-
dicule que des mesures soient prises
contre l'une et non contre l'autre.
Il est temps de pousser un cri d'alar-
me. L'Europe ne doit pas demeurer à la
merci de l'invasion. Le choléra propagé
à la fois en Syrie, en Egypte et en Rus-
sie. pourrait être la cause d'incalcula-
bles désastres.
Alors ?
Alors,.. 11 faut prendre la éhonon
au tragique, mais au sérieux. H est
temps.
R. V. 8.
A LA CHAMBRE
Les crédits supplémentaires. — Su"
vention à la mission laïque..--
L'impôt sur le revenu. La
réforme fiscale
La séance est ouverte à deux heures
et demie, sous la présidence de M.
Etienne. 1
M. Etienne, président, fait connaitref
qu'il a reçu de M. Dalimier une demanr'
de d'interpellation au ministre des cola-,
nies sur les mesures qu'il compte pren-
dre pour assurer le fonctionnement ré-
gulier des juridictions di-sciplinaires,
aux colonies, les sanctions qu'il entend
apporter aux fautes graves commisesf
par un haut fonctionnaire au cours-
d'une poursuite dirigée contre deux
agents des postes d'Hanoï et les répara-
tions qu'il compte donner à ces der-
niers.
M. Dalimier de sa place dit que le mi-
nistre, à qui il a signalé les faits en
question, a bien voulu lui donner satIs-"
faction sur certains points ; pour le res-
te, le ministre a demandé des rensei-
gnements aux colonies.
Dans ces conditions, l'orateur con-
sent à attendre que le ministre ait reçu..
ces renseignements pour fixer la da:
de la discussion.
M. Louis Martial demande au minis-
tre de la justice de vouloir bien hâter.
devant le Sénat la discussion du projet
relatif à la réhabilitation des faillis afini
que la question soit trachée avant la
clôture des listes électorales.
M. Briand, ministre de la justice. - Le
gouvernement fera tous ses efforts pour
faire aboutir le plus tôt possible- le 'projeti
en question. •
Un orateur s'oétant fait inscrire pour
prendre part à la discussion, la propo-
sition de loi de M. Paul Constans ten-
dant à rendre les employeurs responsa-
bles de la perte des outils et objets de-
posés chez eux, à l'occasion du travail,
par ceux qu'ils occupent, est retirée de
l'ordre du jour.
La Chambre vote à mains levées l'ap-
probation de deux conventions signées
à Bruxelles et destinées à régler la con-
currence effrénée que se faisaient sur
le marché international les nations pro..
ductives de sucre,.
L'ordre de jour appelle ensuite la
discussion d'un cahier de crédits sup-
plémentaires s'élevant à 30 millions en
chiffres ronds et répartis entre les di-
vers ministères.
Parlant dans la discussion générale,
M. Paul Constans proteste contre celte
demande de crédits supplémentaires
présentée par le gouvernement quel-
ques semaines à peine après le vote du
budget.
M. Caillaux, ministre des finances. -
Les critiques formulées par M. Paul Cons,
tans pourraient être adressées à toutes les
demandes de crédits supplémentaires.
Tous les crédits compris dans le cahier
qui est soumis à la Chambre, sont parfai-
tement justifiés..
- M. Aldy s'associe à la protestation de:
M .Constans.
— Nous refuserons de voter les crédits
supplémentaires portés au compte du mi-
nistère de la guerre pour les déplacements
de troupes envoyées dans le Midi, l'été der-
nier ; ce refus, dit-il, sera la protestation
des représentants de cette région contre
une politique qu'il sont déjà réprouvée.
M. Caillaux, ministre des finances. — La
politique critiquée par M. Aldy est celle de;
la Chambre elle-même. De telles protesta.
tions n'ont pas été élevées, dit-il, lorsqu'on
a, nar un sentiment unanime de solidari-
té, demandé des crédits pour les victimes
des. inondés du Midi. (Très bien ! Très
bien ! à gauche.)
Les crédits supplémentaires pour la
marine, l'instruction publique, les
beaux-arts, l'agriculture, les travaux
publics et les postes sont adoptés sans
opposition, et l'ensemble des crédits est
voté par 424 voix contre 110.
LES MISSIONS D'ORIENT
Dans un rapport déposé au nom de
la commission du budget, M. Dubiel
avait conclu à autoriser le ministère
des affaires étrangères à accorder, pen-
dant quinze ans, à la mission laïque,
une subvention annuelle de 18,000 fr. il
prélever sur le crédit affeclé aux œu
vres françaises en Orient.
M. Gayraud. qui prend la parole sur
ce projet, déclare qu'il ne vient pas
s'opposer à ce. qu'on accorde une sub"
vention à la mission laïque. Il protesta
seuJement contre le projet de prélever
le montant de cette subvention sur le
crédit affecté aux œuvres françaises en
Orient. ,
Malgré les efforts de MM. Suchetet et
du Halgouet pour faire renvoyer le pro.
jet à la commission, M. Dubief, rap-
porteur, vient combattre le renvoi en
faisant remarquer qu'il s'agit actuelle-
ment de la libre répartition par le mi-
nistre des affaires étrangères du crédit
mis à sa disposition par le Parlement :
c'est toute la question. (Très bien ! très
bien !)
— La Chambre entend substituer gra,<
duel]emeut une action laïque à l'action con-
gréfianisîe ; le gouvernement s'est inspi-
ré de ce sentiment en présentant le projet
de loi.
Il demande à la Chambre de l'adopter.
(Applaudissements à gauche).
Le renvoi à la commission n'est pas
ordonné et la Chambre adopte le projet
de loi à mains levées.
DISCOURS DE M. DESPLAS
On revient alors à l'impôt sur le re-
venu. C'est notre collaborateur M. Des
plas qui a la parole.
Il vient, au nom d'un certain nombre
M- 13833. 4 Pluviôse An 116 CBBSTO GBBmatB* StB mTMBBO 8amedi S5 Janvier 1908_TT* 13333
ANNONCES
AUX BUREAUX DU JOURNAL]
14, rue du Mail, Paris.
Et chez MM. LAGRANGE, CERF et O
6, place de la Bourse, 6
Adresse Télégraphique : XIX* SIÈCLE - PARIS
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trois mois six mois un ut -
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ADMINISTRATION : 14* RUE DU MAIL. - TÉLÉPHONE 102 82 -
,--- Adresser lettres et mandats à l'Administrateur - :.
Nous prions les personnes dont l'a-
yonnement est sur le point d'expirer de
nous adresser dès maintenant, avec la
- 'de'mièrè bande, le montant de leur re-
nouvellement à VAdministration de no-
tre journal, 14, rue du Mail.
oriNioJsrs
Sous la férule
Il y a des gens incorrigibles, des es-
prits indociles toujours prêts à trans-
gresser avec désinvolture les plus ri-
goureux commandement, dès que les y
invitent la logique et le bon sens. Dé-
plorons qu'une fantaisie saugrenue et
téméraire préside ainsi aux résolutions
de ces caractères mal faits. Et puis-
qu'ils ont méconnu certains des princi-
pes essentiels de la charte socialiste,
chassons-les sans pitié, déclare le con-
seil national du parti unifié. Mais ces
principes, demandent de pauvres niais,
ne peuvent-ils s'accommoder parfois
d'interprétations différentes ? N'est-ce
pas l'honneur, la garantie d'intelligen-
ce d'un parti de laisser le plus souvent
à ses membres l'usage de leur libre
arbitre ? Faut-il donc qu'à des idées
communes on inflige fatalement une in-
tangible orthodoxie ? Et, si seulement
eettç exégèse orthodoxe devait à ja-
mais guider dans la même voie les es-
prits indécis ! Hélas ! nous sommes
loin de compte. La vérité change sous
les yeux de ceux-là mêmes qui ont ac-
cepté de la. protéger contre les entrepri-
ses pernicieuses des caractères indé-
pendants. Les orthodoxes d'aujourd'hui
et de toujours, les gardiens-incorrupti-
bles de la loi et de ses canons étaient
hier des' pécheurs vulgaires, d'incon-
scients mais avérés schismatiques. Mais
n'épiloguons pas sur l'inconstance de la
nature humaine ; ce sont là de mélan-
coliques et vastes sujets qui valent des
méditations infinies. Ayons plutôt la
modestie de nous en tenir aux faits ac-
quis, en l'espèce, à l'exclusion reten-
tissante de M. J.-L. Breton.
La mesure, si judicieusement com-
mentée ces jours-ci par notre ami Steeg,
vaut encore qu'on s'y arrête, car elle est
représentative d'une psychologie sim-
pliste assez divertissante. M. Breton ir-
ritait le parti, on le supprime : à l'in-
térieur du groupe unifié, il personni-
fiait, et ce qui est plus grave, il préco-
nisait une tactique ancienne, autrefois
chère au parti et dénoncée à présent
r lui comme un dangereux prétexte à
d'iufcolérables compromissions avec les
bourgeois. Avec quelques autres de ses
collègues, frappés pour d'autres rai-
sons, M. Breton faisait montre, au sein
du groupe, de ce qu'on appelle en style
jésuite « un mauvais esprit », et cela ne
se pouvait plus admettre à l'heure où le
parti traverse une crise de ferveur in-
transigeante. Il ne fallait plus dès lors
que dp,f\ nrétextes.
Certes ils n'ont pas manqué. M. Bre-
ton dont l'âme, évidemment sereine, ne
se trouble point à l'annonce de l'orage,
en a prodigué, des prétextes. Consom-
mant un forfait exécrable, il a, en cyni-
que, voté le budget. C'en est trop, et
cette audace-là déconcerte la plus. in-
dulgente longanimité. S'ils peuvent
de ci de là appuyer de leurs voix telle
oir telle amélioration, telle ou telle ré-
forme inscrite dans le budget, et cela
sans insulter aux principes, les mem-
bres du parti unifié ne sauraient cepen-
dant, à moins d'apostasie, le voter dans
son cllsemnle, ce budget qui ne sub-
vient qu'aux besoins et aux charges
d'une République bourgeoise.
Admirables raisonnements ! On ad-
met la partie, mais on refuse le tout.
Que ferait donc la partie sans le tout,
inéluctable condition de son existence ?
Mais pourquoi donc discuter davantage,
pourquoi souligner à nouveau des con-
tradictions aussi têtues ? Ne s'agit il pas
d'un de ces principes inviolables dont
l'essence sacrée délie toute atteinte ; Un
socialiste unifié ne vote pas le budget ?
Mais pourquoi, diable, en ce cas,
vient-il en suivre, au Parlement, la dis-
cussion ? Au reste, il fait mieux qu'as-
sister au débat ; il y collabor-e, et c'est,
en fait, la raison, la justification même
de sa présence ; il y collabore, en dé-
posant, en appuyant des amendements
Socialistes. Port bien. Mais voilà où l'af-
faire sp corse. Ces amendements vigou-
reux, catégoriques ne rallient pas tou-
jours, il s'en faut, une majorité - alors
pour les rendre acceptables, pour les
approprier aux conditions présentes de
l'organisation sociale, il faut qu'on leur
inflige -l'opprobre d'une modification,
d'une atténuation. On en restreint la
portée ou les exigences. Bref, ils entrent
arç budget, comme dans un salon, avec
Re bonnes manières. Rarement ils y
font pénétrer en même temps quelqu'un
Ses grands principes dont ils sont ce-
pendant issus. Tout au plus, l'annon-
cent-ils de loin. Et voilà de quoi se con-
tentent les intransigeants. C'est le té-
moignage précieux d'une modestie, de
bon aloi certes, encore qu'assez inatten-
due.
D'où cette conclusion : si l'ensemble
du budget, qu'on ne saurait voter, n'est
jamais socialiste, les amendements, les
améliorations qu'on y incorpore ne le
sont certes pas autant que le veut la
doctrine. Ils sont simplement mitigés
de socialisme, et ce sont-là, n'est-ce
pas, de pauvres satisfactions théoriques
dont peuvent seuls se contenter d'infor-
tunés radicaux. En bonne logique, dès
l'instant que la réforme proposée perd
quelque attribut de son caractère stric-
tement socialiste, les membres du parti
unifié doivent sur le champ s'en désin-
téresser et l'abandonner à ceux dont le
programme tolère des solutions et des
réalisations intermédiaires. Ils ne le
font pas ; ils acceptent des accommode-
ments et des interprétations de fortune
Bref, c'est de temps à autre le contraire
même de la doctrine du tout ou rien.
J'y vois pour ma part une revanche du
bon sens. Mais que doit dire de ces con-
cessions, de ces collaborations, de. ces
ententes douteuses, que doit dire, dans
la nuée métaphysique où il plane, le dé-
miurge farouche du socialisme inté-
gral ?
Et puis, parlons franc : au delà de
ces pudeurs inquiètes, de ce piétisme
doctrinal, de cette rigueur dont les ré-
veils éclatent de temps à autre en accès
passionnés, c'est la question, infini-
ment plus simple et plus prosaïque, du
parlementarisme qui se pose. Si le parti
unifié, dont les représentants au Palais-
Bourbon sont une minorité, interdit à
ceux-ci de collaborer avec les gauches,
ou s'il met à cette collaboration des
conditions impératives et des limites ri-
goureuses, que feront les unifiés au
Parlement ? J'imagine que, dans l'im-
possibilité où ils sont d'y réaliser inté-
gralement une des idées socialistes, à
l'heure où nous sommes, ils ne vou-
dront pas se contenter d'y assumer le
rôle d'une minorité protestataire. Ils
n'iront pas au Parlement pour crier, ce
qui est sans doute une façon pathéti-
que mais parfaitement illusoire de s'af-
firmer, ils iront pour agir, mais com-
ment agir, comment s'appliquer utile-
ment aux résultats si l'on ne rallie, en
dehors du groupe, dans la Chambre
une majorité indispensable ?
Le parti veut-il condamner ses élus à
n'émettre que des votes de principe ?
Rien ne serait plus absurde et plus
vain qu'une telle tactique, laquelle dis-
pense èrailleurs celui qui l'adopte du
moindre effort d'appropriation. Les re-
présentants du parti à la Chambre
mués en fossiles, voilà qui comblerait
d'aise certains syndicalistes connus
pour la véhémence de leur propagande
antiparlementaire. Il est au moins sin-
gulier de voir les élus eux-mêmes se
prêter à une « transformation » qui les
discrédite, et avec eux le régime.
PAUL-LOUIS GARNIES.
LE DUT D'AMirai
I
Aujourd'hui, grand débat
à la Chambre sur les affaires
marocaines. C'est M. Jaurès
qui interpelle. On connaît la
thèse qu'il soutient, et nous
avons dit qu'il était impossi-
ble de songer même une seconde à l'ac-
cepter. La France ne fera pas faillite
aux engagements qu'elle a pris vis-à-vis
de l'Europe et du monde civilisé. Elle
ne reculera pas, effarée, devant Mou-
lay Hafid, en appelant au Maroc les sol-
dats de tel ou tel monarque, qui ne se-
rait que trop empressé à nous supplan-
ter.
Mais il est certain que la Chambre
demandera au gouvernement de préci-
ser la politique qu'il suit au Maroc.
On n'a pas très bien compris l'opé-
ration conduite par le général d'Ama-
de ; on se demande quel est le sens de
l'occupation de Settat, abandonnée
presque aussitôt après avoir été prise
à l'ennemi. Le général Picquart don-
nera sans doute des éclaircissements
sur ce surprenant exercice militaire.
Une question plus générale est le con-
flit des deux sultans. Il est évident
qu'Abdel Aziz, avec lequel nous avons
traité, qui figure comme souverain re-'
connu de l'empire chérifien à l'Acte
dAlgésiras, peut compter sur un cer-
tain appui de notre part, à condition
que tous ses efforts tendent vers la pa-
cification du pays.
Cependant, de là à nous jeter à corps
perdu dans le conflit des deux frères
ennemis, il y a un pas, un grand pas.
La majorité de la Chambre deman-
dera à coup sûr au gouvernement de
ne pas se laisser entraîner en dehors
des limites qu'il avait lui-même mar-
quées à notre action.
Il nous appartient, quand les rebel-
les nous serreront de trop près, de
leur infliger les leçons qu'ils savent si
bien mériter et s'attirer. Mais il faut
que le gouvernement et nos chefs mili-
taires aient assez d'énergie et de sang-
froid pour rester les maîtres de l'œuvre j
de police entreprise, et pour ne pas
s'enfoncer, insensiblement, dans le guê-
pier où les fanatiques musulmans Per-
chent à nous attirer, et où certains Eu-
ropéens nous yerraient tomber sans r&-
gretv
+ «
LES ON-DIT
-.
Les ténèbres à l'Hôtel de Ville
Hier, la salle de la bibilothèque et les
'ocaux dépendant du Conseil municipal
étaient plongés dans les ténèbres. La
commission du personnel des omnibus
et des tramways a dû lever sa séance,
malgré l'éclairage de fortune improvisé
ttvec (quelques (rares bougies éparses
sur le tapis vert de la table. -
Court-CIrcuit, accident au secteur
électrique des Halles, disait-on.
M. de Selves a dû lui-même abandon-
ner son cabinet et faire une promenade
hygiénique en ville,.
Les gros vaisseaux à Trafalgar
Les marines européennes sont par-
tagées entre le système des flottilles ra-
pides, des sous-marins perfides et celui
des cuirassés de vingt mille tonnes et
au delà, vrais mastodontes de la mer.
Tsoushima a paru donner raison à ce
dernier. Mais Trafalgar conclut autre-
ment. La plus grosse unité du temps
était la Santissima Trinidad, armée de
140 canons et elle se trouva du côté des
vaincus*
Manuscrits de Beethoven et de Paganini
Vingt-huit lettres inédites de Beetho-
ven viennent d'être mises au jour, à
.Vienne, par M. Alexis Hadjecki ; elles
se rapportent aux années 1816-1823 et
donnent des détails sur une partie es-
sentielle de la vie du maître. On a dé-
couvert aussi un manuscrit de quaran-
te-sept pages qui a trait aux malheureu-
ses affaires de la tutelle de son neveu.
On a exhumé, presque à la même
date, des archives de Pérouse quatorze
manuscrits de Paganini, dont le fameux
troisième Concerto. M. Pierpont-Mon.
gan en a aussitôt offert 80,000 francs,
mais le gouvernement italien s'est op-
posé à la vente.
Le saule de Napoléon
C'était très bien porté, il y a un demi-
siècle, d'avoir dans son jardin une bou-
ture du saule de Sainte-Hélène et nom-
bre de vieux braves s'enorgueillissaient
de cet acte de fétichisme. La manie est
passée de mode en France, excepté -tou-
tefois, à Fontainebleau, et ce sont les
Anglais qui sont maintenant atteints
de napoléonite horticole. -
Un sieur F. Douglas Fox a écrit ex-
près au Times pour lui révéler qu'un
saule situé dans le coin sud-ouest du
jardin de Kensigton-Square, provient
d'une bouture prise sur la tombe du
captif de Sainte-Hélène. Cette commu-
nication en a provoqué d'autres. Les re-
liques de Sainte-Hélène abondent. En
1850, un des premiers colons de la Nou-
velle-Zélande, John Tinline, passant
dans l'île légendaire, coupa plusieurs
boutures du saule pleureur qui abrita
les restes du grand homme, les planta
dans la province de Canterbury, en fit
part à ses voisins, de sorte que tous les
saules de la Nouvelle-Zélande sont is-
sus de cette, initiative.
t Un des gatdes de Napoléon à Sainte-
Hélne, le capitaine Lesson, ramena à
South Cave, East Yorkshire, un jeune
figuier provenant de la tombe de Napo-
léon, qu'il planta dans son jardin. Ses
héritiers ont retenu une bouture de cet
arbre, qui donne d'excellents fruits.
Pends-toi, d'Esparbès 1
Le l'assant.
Les événements du Maroc
LA SITUATION DE MOULAY-HAFID
Télégramme officiel. — Les pertes des
Marocains à Settat. — Le désarroi au
camp du nouveau sultan
M. de Saint-Aulaire, chargé d'affaires de
France à Tanger, télégraphie que M. Kouri,
notre représentant à Mogador, fait connaî-
tre que Moulay Hafid se préparait à aller
châtier le caïd d'Ennat, qui lui avait fait
défection lorsque les combats de Mediouna,
Ber-Rechid et de Settat le firent changer
d'intention.
Le fils de Moulay Rechid, qui aurait per-
du plus de 600 hommes dans l'engagement
de Settat, a adressé à Moulay Band un
appel réclamant sa présence pour empê-
cher la débandade complète de sa mehalla.
Moulay Hilfid ,n'a pris aucun parti en
présence du désaccord de ses conseillers.
L'état de son camp est du reste lamentable,
à la suite surtout dès pluies torrentielles
qui viennent d'avoir lieu : hommes et che-
vaux y meurent en assez grand nombre.
Moulay Hafid après avoir adressé un
message à Marrakech pour s'efforcer d'el-
facer l'impression produite par la défaite
de ses troupes à Settat, s'est rendu à Ha-
zaret où il compte passer les fêtes.
41. malpertuy, botre agent à Casablanca,
fait connaître, à la. date du 19 janvier, que
la proclamation de Moulay Hafid à Fez et
ses excitations à la guerre sainte n'ont eu
aucun contrecoup dans la Chaouïa.
Tanger, 23 janvier.
Rabat, 18 janvier. — Le croiseur espa-
gnol Princesn AUturias est arrivé et doit
ramener la légation d'Espagne.
Le bruit court que Moulay-Mohamed,
frère du sultan, qui est toujours resté hors
des affaires du pays, serait nommé khali-
fat de son frère et recevrait le commande.
nient d'une mehalla.
Une Oélégati-on des Zaer, au sud de Ra-
bat, a été reçue par le sultan pour lui de-
mander quelle attitude il convenait de
prendre à l'égard des Français venus à
Bouznika. Elle aurait reçu la réponse que
ce que faisaient les Français c'était la pa-
cification des Chaouias et qu'il convenait
de ne pas s'en préoccuper.
Rabat, 20 janvier. — On annonce que
Hadj-Maati. caïd de Settat, a été tué au
cours du combat contre les Français.
Le maghzen a révoqué 13 caïds, des Re-
ha de la mehaila qui, au lieu de payer la
solde, la gardaient pour eux. On pense
plutôt que ces caïds étaient originaires de
Marrakech. Le maghzen se défiait de leur
attitude.
On apprend que deux compagnies de la
légion sont arrivées pour renforcer le pos-
te de Bouznika ; leurs patrouilles avancent
jusqu'à Srirat, à 25 kilomètres de Rabat.
Un indigène qui avait été dépouillé ent're
Bouznika et Fedala se plaignit aux autori-
tés. militaires françaises : une reconnais-
sance partie sur les lieux de l'agression, ar-
rêta les voleurs qui furent emmenés à Ca-
sablanca.
Tanger, 23 janvier.
On confirme que Moulay Mohamed,
frère aîné du sultan par son père, et de
Moulav-Hafid par son père et sa mère, est
nommé chef de la mehalla qui partira pour
Chaouia dans quelques jours, et prendra
Settat à revers, tout en arrêtant la mehalla
que Hafid amène pour la guerre sainte.
Abd el Aziz a fait envoyer dans tous les
ports l'ordre de recruter mille nouveaux
soldats pour renforcer les effectifs de la
garnison de ces ports ; lorsqu'ils seront
aptes à entrer en campagne, ils serviront
pour les expéditions et les nouveaux re-
crutements.
Les négresses de Raisouli qui avaient
été capturées l'année dernière et envoyées
à Fez, sont arrivées à Tanger aujourd'hui,
venant de Larache.
On attend l'arrivée des prisonniers, com-
pagnons de Raisouli, qui sont à deux jours
de Tanger. Lorsqu'ils seront arrivés, on
espère que Mac-Lean sera délivré aussitôt.
Tanger, 23 janvier.
(Source anglaise).
Les prisonniers livrés à la demande de
Raisouli doivent arriver de Fez à Larache
samedi ou dimanche. -
L'agent consulaire anglais d'Alcazar est
parti hier soir pour Larache, probablement
pour hâter le retour des prisonnier à Tan-
ger.
(Voir la suite en DEUXIEME EDITION)
ROI DE SUÈDE
ET FEMMES DE FRANCE
Gustave V, le nouveau roi de Suède, au-
rait pris des villes, conquis des provinces
et gagné plusieurs batailles, qu'on n'en par-
lerait pas plus que de sa -singulière idée
de ne point se faire couronner.
Quel brave homme, disent les un3, de
goûts simples et patriarcaux, dédaigneux
des étiquettes vieillottes et des protocoles
surannés ! Hum ! disent les autres, c'est
bien dangereux, ce mépris princier pour
les cérémonies officielles ; il détruit des lé-
gendes nécessaires, des représentations
théâtrales sur lesquelles est uniquement
basé le prestige royal. Celui-ci écroulé,
comment Gustave V pourra-t-il se mainte-
nir sur un trône où il n'a pas voulu s'as-
seoir en grànd apparat ?
C'est un roi économe, un philosophe im-
prégné des idées modernes, affirment ses
partisans ; c'est tout bonnement un malin,
un roublard, qui fait la part du feu et du
progrès, déclarent les adversaires ou les
indifférents. ,,-- ---- ---u- ._----
uustave v, je J'avoue sans iausse nome,
ne m'apparaît point du tout sous ces di-
vers aspects ; il me semble bien moins
compliqué ; je ne vois en lui qu'un mon-
sieur à qui sa fonction impose de multi-
ples ennuis, et qui cherche à n'en suppor-
ter qu'un minimum. Je ne connais point
sa devise, mais elle doit vraisemblablement
se rapprocher de celle-ci : le moins de cor-
vées possible 1
Nous avions déjà Gustave le Mauvais
sujet ; nous aurons peut-être, ainsi, Gus-
tave le Bon roi.
En tout cas, ce n'est certainement pas
une modestie, désormais inconnue des hom-
mes, qu'il faut chercher dans l'acte d'indé-
pendance du souverain suédois.
Cette modestie n'appartient plus qu'aux
femmes, aux meilleures, aux plus intelli-
gentes d'entre elles.
Ne parlons point de Mlle Bartet qui,
avec une élévation d'âme peu commune, a
refusé de siéger au comité de la Comédie-
Française, « parce que de telles fonctions
j ,"mb]aient sortir de ses aptitudes » ;
parlons encore moins de Mme Marcelle
Tynaire, qui s'est amusée à blaguer, sinon
ce qu'elle avait sollicité, tout au moins ce
qu'elle acceptait avec plaisir et. sans re-
connaissance ; mais parlons de George
Sand, (iui a refusé tranquillement, avec
une grâce souriante, sans bruit, sans tin-
t:imarre, sans esclandre, le ruban rouge ;
parlons surtout de Mme Curie qui, au len-
demain de la mort tragique de son illustre
mari, écrivait :
Il Mon mari ne croyait pas à l'utilité des
distinctions honorifiques ; il lés considérait
même comme nuisibles. Avant qu'on lui
ait proposé le ruban rouge, il avait déjà
refusé d'être proposé pour le ruban violet.
Je partageais ses idées entièrement et j'é-
tais heureuse de voir qu'il avait le cou-
rage de conformer ses actes à ses opinions,
malgré la pression qui a été exercée sur
lui à ce sujet. »
On aura beau dire : ces sentiments sont
autrement significatifs que la simplicité
feinte ou réftlle d'un souverain qui ne veut
pas être ennuyé par une cérémonie fasti-
dieuse ; et l'on se sent tout réconforté d'ê-
tre d'un pays qui possède de telles fem-
mes.
Grouchy de Vorney.
»
LA JOURNEE POLITIQUE
Le conseil des ministres
Le conseil des ministres, s'est réuni hier
matin à l'Elysée, sous la présidence de M.
Fafiières. •
Les interpellations sur le Maroc
Les ministres se sont principalement oc-
cupés des affaires marocaines. Après avoir
pris connaissance des dépêches envoyées j
soit par M. de Saint-Aulaire, notre char-
gé d'affaires à Tanger, soit par le général
d'Amade, Je conseil s'est occupé des inter-
pellations sur le Maroc qui doivent être
discutées aujourd'hui à la Chambre.
Celles-ci sont au nombre de trois ; elles
émanent, dans l'ordre de nrésentation, ie
MM. Jaurès, Ribot et Pinault, ce dernier,
dénuio libéral d'Ille-et-Villaine.
C'est M. Pichon, ministre des affaires
étrangères, qui @ répondra. Il reproduira les
explications qu'il a déjà fournies récem-
ment à la Chambre et au Sénat, la ligne
de conduite suivie au Maroc par le gou-
vernement n'ayant subi aucune modifica-
tion malgré les changements survenus
dans la situation intérieure de ce pays.
Au cours de ses explications le ministre
des affaires étrangères donnera lecture des
dénêches du général d'Amade, afin de bien
préciser le .caractère des opérations ac-
complies par le chef du corps expédition-
naire et notamment de celles exécutées ré-
cemment «ur Dar-Ber-Rechid et sur Set-
tat.
Mouvement judiciaire -
M. Briand, garde des sceaux, a fait si-
gner un important mouvement judiciaire.
Le conseil a ensuite procédé à rex-péat-
tion des affaires courantes.
ARRESTATION SENSATIONNELLE
l-U" -VV3
(De notre correspondant particulier)
SAINT-PETERSBOURG, 22 janvier. -
Une des sommités de la police politique,
M. R., a été arrêté. On l'accuse d'avoir
été l'allié secret du parti révolutionnaire.
L'arrestation a produit une vive sensation.
Beaucoup de personnes pensent que M. R.
a été victime d'une machination.
M. R. est un personnage Wen connu à
Paris où pendant des années il dirigea la
section de police russe installée en France
MAL D'ORIENT
Le choléra à La Mecque. — L'opinion
du professeur Chantemesse. — Mé-
fions-nous des pèlerins et mé-
fions-nous des émigrAurts.
« Le choléra est à La Mecque », a:
t-on dit. et notre premier mouvement
à nous, profanes, a été de dire : « Eh
bien ! tant pis pour La Mecque !. Mais
que nous importe ? »
C'est commettre une erreur — car il
nous importe beaucoup, davantage en
tout cas que nous le croyons.
*%
Quand il s'agit de questions intéres-
sant l'hygiène publique et les épidé-
mies, il est un homme auquel il importe
de s'adresser : c'est le professeur
Chantemesse dont les savants avis font
autorité en la matière.
Nous avons donc — avec d'autres
confrères — demandé quelques explica-
tions à l'éminent professeur.
— Le maximum d'intensité du cho-
léra au Hedjaz coïncide presque fatale-
ment avec la fête du Baïram de l'Islam.
Cette fête, mobile par rapport à notre
calendrier, se trouve" quelquefois pla-
cée au cœur de l'hiver comme an cœur
de l'été. - -- - ---, -- u_----- -- -----
Et pourquoi cette fête a-t-elle de si
déplorables effets épidémiques ? A cau-
se des pèlerins indiens. Les musulmans
de l'Inde sont très attachés au pèleri-
nage sacré, et il est presque fatal qu'ils
amènent avec eux la maladie.
Le pèlerin est le premier agent de
transmission. Il y en a un second : J'é-
migrant.
De la constatation même de leur
existence naît l'indication des mesures
à prendre pour s'en garder. Car il im-
porte d'y veiller : un seul navire peut,
venu des pays infestés, contaminer un
port méditerranéen et être ainsi cause
de ravages en Europe centrale.
La Mésopotamie et le Suu -de la Perse
sont mal défendus — mais c'est sur-
tout l'Egypte qu'il importe de surveil-
ler : elle fournit une faible voie de pé-
nétration au choléra, et toutes précau-
tions doivent être prises. Or, on sait
maintenant que 1a. désinfection et la
quarantaine, telle du moins que celle-ci
est appliquée, constituent des moyens
insuffisants. C'est ainsi qu'il a été dé-
montré que des individus sains .en ap-
parence, et échappant par conséquent à
toute mesure d'immobilisation forcée,
peuvent parfaitement véhiculer le ger-
me du choléra et en être un agent de
diffusion.
Il ne faut pas se dissimuler, dit en-
core le professeur Chantemesse, que
la construction du chemin de fer de
l'Hedjaz, reliant les « lieux saints » à
Damas, constitue, elle, aussi, un élé-
ment de danger : tout naturellement les
pèlerins prendront la voie ferrée pour
éviter les quarantaines maritimes, et
dès lors.
Il est donc temps, conclut M. Chan-
temesse, que non pas seulement la
France^jnais l'Europe entière prenne
les mesures que comportent ces faits
nouveaux. Le choléra à La Mecque est
un danger pour elle par la facilité avec
laquelle il peut en rayonner.
Il ne suffit pas de surveiller mieux
la voie maritime, il faut donner atten-
tion à la voie de terre : on conçoit que
l'émigrant infecté, venu par chemin de
fer, n'est pas moins redoutable qjije ce-
lui qui a pris le paquebot. Et il est ri-
dicule que des mesures soient prises
contre l'une et non contre l'autre.
Il est temps de pousser un cri d'alar-
me. L'Europe ne doit pas demeurer à la
merci de l'invasion. Le choléra propagé
à la fois en Syrie, en Egypte et en Rus-
sie. pourrait être la cause d'incalcula-
bles désastres.
Alors ?
Alors,.. 11 faut prendre la éhonon
au tragique, mais au sérieux. H est
temps.
R. V. 8.
A LA CHAMBRE
Les crédits supplémentaires. — Su"
vention à la mission laïque..--
L'impôt sur le revenu. La
réforme fiscale
La séance est ouverte à deux heures
et demie, sous la présidence de M.
Etienne. 1
M. Etienne, président, fait connaitref
qu'il a reçu de M. Dalimier une demanr'
de d'interpellation au ministre des cola-,
nies sur les mesures qu'il compte pren-
dre pour assurer le fonctionnement ré-
gulier des juridictions di-sciplinaires,
aux colonies, les sanctions qu'il entend
apporter aux fautes graves commisesf
par un haut fonctionnaire au cours-
d'une poursuite dirigée contre deux
agents des postes d'Hanoï et les répara-
tions qu'il compte donner à ces der-
niers.
M. Dalimier de sa place dit que le mi-
nistre, à qui il a signalé les faits en
question, a bien voulu lui donner satIs-"
faction sur certains points ; pour le res-
te, le ministre a demandé des rensei-
gnements aux colonies.
Dans ces conditions, l'orateur con-
sent à attendre que le ministre ait reçu..
ces renseignements pour fixer la da:
de la discussion.
M. Louis Martial demande au minis-
tre de la justice de vouloir bien hâter.
devant le Sénat la discussion du projet
relatif à la réhabilitation des faillis afini
que la question soit trachée avant la
clôture des listes électorales.
M. Briand, ministre de la justice. - Le
gouvernement fera tous ses efforts pour
faire aboutir le plus tôt possible- le 'projeti
en question. •
Un orateur s'oétant fait inscrire pour
prendre part à la discussion, la propo-
sition de loi de M. Paul Constans ten-
dant à rendre les employeurs responsa-
bles de la perte des outils et objets de-
posés chez eux, à l'occasion du travail,
par ceux qu'ils occupent, est retirée de
l'ordre du jour.
La Chambre vote à mains levées l'ap-
probation de deux conventions signées
à Bruxelles et destinées à régler la con-
currence effrénée que se faisaient sur
le marché international les nations pro..
ductives de sucre,.
L'ordre de jour appelle ensuite la
discussion d'un cahier de crédits sup-
plémentaires s'élevant à 30 millions en
chiffres ronds et répartis entre les di-
vers ministères.
Parlant dans la discussion générale,
M. Paul Constans proteste contre celte
demande de crédits supplémentaires
présentée par le gouvernement quel-
ques semaines à peine après le vote du
budget.
M. Caillaux, ministre des finances. -
Les critiques formulées par M. Paul Cons,
tans pourraient être adressées à toutes les
demandes de crédits supplémentaires.
Tous les crédits compris dans le cahier
qui est soumis à la Chambre, sont parfai-
tement justifiés..
- M. Aldy s'associe à la protestation de:
M .Constans.
— Nous refuserons de voter les crédits
supplémentaires portés au compte du mi-
nistère de la guerre pour les déplacements
de troupes envoyées dans le Midi, l'été der-
nier ; ce refus, dit-il, sera la protestation
des représentants de cette région contre
une politique qu'il sont déjà réprouvée.
M. Caillaux, ministre des finances. — La
politique critiquée par M. Aldy est celle de;
la Chambre elle-même. De telles protesta.
tions n'ont pas été élevées, dit-il, lorsqu'on
a, nar un sentiment unanime de solidari-
té, demandé des crédits pour les victimes
des. inondés du Midi. (Très bien ! Très
bien ! à gauche.)
Les crédits supplémentaires pour la
marine, l'instruction publique, les
beaux-arts, l'agriculture, les travaux
publics et les postes sont adoptés sans
opposition, et l'ensemble des crédits est
voté par 424 voix contre 110.
LES MISSIONS D'ORIENT
Dans un rapport déposé au nom de
la commission du budget, M. Dubiel
avait conclu à autoriser le ministère
des affaires étrangères à accorder, pen-
dant quinze ans, à la mission laïque,
une subvention annuelle de 18,000 fr. il
prélever sur le crédit affeclé aux œu
vres françaises en Orient.
M. Gayraud. qui prend la parole sur
ce projet, déclare qu'il ne vient pas
s'opposer à ce. qu'on accorde une sub"
vention à la mission laïque. Il protesta
seuJement contre le projet de prélever
le montant de cette subvention sur le
crédit affecté aux œuvres françaises en
Orient. ,
Malgré les efforts de MM. Suchetet et
du Halgouet pour faire renvoyer le pro.
jet à la commission, M. Dubief, rap-
porteur, vient combattre le renvoi en
faisant remarquer qu'il s'agit actuelle-
ment de la libre répartition par le mi-
nistre des affaires étrangères du crédit
mis à sa disposition par le Parlement :
c'est toute la question. (Très bien ! très
bien !)
— La Chambre entend substituer gra,<
duel]emeut une action laïque à l'action con-
gréfianisîe ; le gouvernement s'est inspi-
ré de ce sentiment en présentant le projet
de loi.
Il demande à la Chambre de l'adopter.
(Applaudissements à gauche).
Le renvoi à la commission n'est pas
ordonné et la Chambre adopte le projet
de loi à mains levées.
DISCOURS DE M. DESPLAS
On revient alors à l'impôt sur le re-
venu. C'est notre collaborateur M. Des
plas qui a la parole.
Il vient, au nom d'un certain nombre
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