Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-01-17
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 17 janvier 1908 17 janvier 1908
Description : 1908/01/17 (N13825). 1908/01/17 (N13825).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7571077d
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
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: Vendredi 17 Janvier 1908. — N° 13325
ÂNNONCES.
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opijvionrs
Excès de zèle
i
Il y avait sous l'Empire, dans les en-
virons de Niort, un maire de campagne
qui eut son heure de célébrité. On l'ap-
pelait M. Placiard. Sa gloire tenait d'ail-
leurs à peu de chose. Ne s'était-il pas
amusé, un beau jour, à diviser les pou-
les qui vagabondaient dans- le village,
en deux groupes : les amies du gouver-
nement auxquelles appartenaient natu-
rellement tous les droits et même, dit-
on, tous les privilèges, et les opposan-
tes qui étaient, comme de juste, impi-
toyablement pourchassées ?
Je n'entends le blâmer ni dans ses
conceptions ni dans sa personne. Eh 1
"-- bon Dieu, où en serait-on, quelle justice
clistributive existerait-il en ce bas mon-
de, s'il n'y avait pas plus d'avantages Í
être du gouvernement que de l'opposi-
tion ?
1, Ce souvenir me hantait l'esprit, en
parcourant dans quelques journaux
une histoire de maréchaux-ferrants ar-
rivée dans une commune du Centre. Je
ne don te pas de la bonne foi de mes
confrères. Il me serait pourtant agréa-
ble d'avoir confirmation du fait. Dans
les termes où il est rapporté, il me pa
raît exorbitant, tranchons le mot, in-
croyable. -.,' ; - -..
Un arrêté municipal défend expressé-
ment et sous peine d'amende de ferrer,
dans cette localité, les chevaux sur la
voie, publique. Quatre maréchaux se
partagent la clientèle : deux amis de
l'autorité, et les deux autres, du camp
adverse. A ces derniers s'appliquent in-
flexiblement tous les arrêtés, avec sanc-
tion et procès-verbaux, tandis que leurs
deux confrères en sont complètement
exonérés. C'est là, du moins, ce qu'on
raconte.
II nous semble impossible qu'il n'y
ait pas, dans ce récit, quelque erreur.
Un mauvais plaisant s'est-il joué de la
bonne foi de nos confrères, ou n'ont-ils
pas eux-mêmes suffisamment tenu
compte de certaines circonstances es-
sentielles, tout à fait étrangères aux re-
lations, bonnes ou mauvaises, de nos
dits délinquants avec le pouvoir, cen-
tral ? , -
Pour notre part, il ne nous en coûte
point de le déclarer : nous blâmerions
fort) si elles existaient, de pareilles pra-
tiques. Exercées sous le couvert de la
République, elles n'auraient de républi-
cain que le nom.
Notre pays a vécu troip longtemps
sous la monarchie absolue et catholique
pour qu'il ne reste pas encore, parmi
bien des cerveaux, certains vestiges de
cet atavisme. En France, dans cette pa-
trie de toutes les élégances, où la liberté
ajoute à ses autres titres l'elégance su-
prême la plus noble et la plus féconde,
il y a encore dans nos rangs, nous le
reconnaissons, des citoyens tout imbus
des vieilles doctrines d'autorité. L'auto-
rité est forte, puissante, massive, lour-
de, balourde et souvent maladroite..
Vicomte de Foucauld, lorsque vous empoignâtes
L'éloquent Manuel, de vos mains auvergnates
Voilà l'autorité excessive et arbitrai-
re. En haut, les mains auvergnates du
.vicomte de Foucauld et de ses émules ;
en bas, j'ai déjà dit que l'arbitraire de
l'autorité se symbolisait en feu M. le
maire de l'Empire, Placiard.
Non pas qu'il faille indistinctement
sa:lr tout pouvoir, toute autorité. Mais
le pouvoir ne doit agir que dans cer-
taines limites, pour la protection de la
liberté générale et l'application des lois
égales pour tous. - -
M. Clemenceau disait un jour au Sé-
nat : « Si la République était d'un côté
et la liberté de l'autre, je n'abandonne-
rais point la liberté. » Que signifient ces
paroles ? Simplement ceci : que la Ré-
publique sans la liberté n'est qu'un
mot dénué de sens, un corps, sans 'vie,
une apparence sans réalité.
Quelques citoyens, d'ailleurs fort esti-
mables, s'apeurent à la .pensée de voir
nos adversaires user des mêmes armes
:({ue nous. On les épouvante avec la fa-
meuse phrase tour à tour attribuée à
îVeuillot et à Montalembert et qui n'a
peut-être jamais été proférée. C'est le
sort de bien des mots historiques de
n'avoir été inventés qu'après coup.
■« Quand vous êtes au pouvoir, vous
nous devez la liberté eu vertu de votre
principe, et quand nous y sommes,
nous vous la refusons en vertu du nô-
tre. » Là-dessus; on s'extasie, l'on s'ex-
iclame, et l'on s'écrie : « Quel cynisme Ii)
Me sera-t-il permis d'avouer que je
trouve cette déclaration tout à fait na-
turell.e, puisqu'elle revient à dire que
fchaïiun 'doit gouverner avec son prin-
cipe ? Les gens d'autorité, de monar-
chie, gouvernent autoritairement, mo-
narchique ment, c'est leur raison d'être,
pourquoi l'abandonneraient-ils 1
'-Meis quant" à -ftwts, parque notrê
raison d'être c'est la liberté, puisque
c'est en sa faveur que le pays nous a
fait confiance, avons-nous le droit de
gouverner autoritairement à notre tour,
sous prétexte que l'autorité est aujour-
d'hui entre nos mains, tandis que la li-
berté serait le patrimoine commun, je
lot de tous, adversaires et amis ?
Telle est la question. Tout républi-
cain réfléchi la résoudra de la même fa-
çon. Pas d'arbitraire, car il tue à la lon-
gue les régimes les plus forts. « On peut
tout faire avec des baïonnettes, disait
M. de Bismarck, excepté s'asseoir des-
sus. » Nous entendons établir définiti-
vement la République, non pas sur la
force des baïonnettes, mais sur celle du
sentiment public. Assurer aux citoyens
plus de bien-être, répartir plus équita-
blement les charges publiques, impré-
gner toutes nos lois de l'esprit de soli-
darité et de fraternité et pour réaliser
ces progrès obtenir du Parlement des
sessions plus longues, moins tapageu-
ses et mieux remplies, c'est là, à notre
avis, la véritable propagande du parti
républicain c'est la meilleure, la plus
B'Cre. - r
Nous supplions les citoyens qui, dans
leurs communes, avec les intentions
souvent les plus louables, se laissent
entrainer à d'autres règles, de revenir
aux vrais principes. Oui, nous savons
bien comment les choses se passent : la
réaction est là, elle est violente, elle est
tenace, et l'on se laisse entraîner par
les ardeurs de la lutte à se servir con-
tre elle des armes dont elle a usé contre
nous. Cela paraît naturel, légitime. Eh
bien ! il vaut mieux se montrer meil-
leur, car nous ne devons pas terroriser
les consciences, mais les relever, mais
les libérer, -
LOUIS MARTIN.
LA SCIENCE QUI TUE
Mardi, c'étaiti la catastro-
phe classique, connue depuis
qu'il y a des hommes et qui
patinent, des glisseurs qui
s'aventurent sur une couche
trop mince de glace et qui
disparaissent dans l'eau glacée. Hier, - ce
fut l'accident moderne, l'accident pos-
sible seulement dans une civilisation
scientifique, où la chimie se mêle aux
actes les plus simples de la vie, où les
explosibles voisinent dans les poches
des passants avec les gants fourrés et
avec les paquets de tabac.
On lira plus loin les détails de cette
tragique aventure. Un incendie avait
pris dans l'immeuble occupé par l'Ar-
gus de la Presse. Un journaliste photo-
graphe prenait des vues. Une explo-
sion, des cris, des gens qui tombent :
c'est la provision de magnésium des
opérateurs qui vient de sauter. N'es-
sayons pas de dramatiser le récit.
L'exactitude du fait-divers suffit ici,
sans enjolivement littéraire.
Nous sommes tellement habitués aux
fusées du magnésium lancées par les
photographes, au milieu de tous les
spectacles de la rue, que nous ne fai-
sons plus attention à -cet? présu..
més inoffensifs.
Le terrifiant événement 'd'hier nous
rappelle brutalement que ces jeux ne
vont pas sans danger.
La science utile nous fait déjà payer !
cher les services qu'elle nous rend. La
science amusante est aussi une créan-
cière qui se rembourse, d'un coup, des
dettes que nous contractons vis-à-vis
d'elle..
La catastrophe 'du cinématographe 'de
Boyerlown (Pensylvanie), que nous
avons racontée, suggère les mêmes ré-
flexions.
Et toujours, à côté des malheureux
directement frappés par le fléau, il y a
les victimes de la foule instinctive et
ivre de peur,
La science, quand elle le sert, fait pa-
raitre l'homme bien grand. Mais quand
elle se révolte, comme elle le montre
petit 1
LES ON-DST
Le pétrole et S. M. l'Auto
Une des conséquences du développe-
ment inouï de l'automobilisme a été la
surproduction du pétrole. Aucune autre
matière- n'a augmenté sa circulation
dans des proportions pareilles. En 1887,
la production mondiale de pétrole était
de six millions de tonnes. En 1897, elle
a presque doublé, puisque l'année der-
nière elle a atteint vingt-huit millions
de tonnes..
La maison de Robespierre
Voici qui va faire bondir M. G. Lena-
tre, l'anecdotier révolutionnaire, à qui
rien de ce qui concerne la vie intime
des géants ne saurait échapper. 0*1
vient de, réparer une vieille .maison sise
au 882 de la rue Samt-Honoré, en face
de l'église de l'Assomption, et qui pour.
rait bien avoir fait partie de l'immeu-
ble occupé par les Duplay, les hôtes de
.Robespierre- La chose n'est poiaLpfiôar
vée, du reste, et M. Victorien Sardou a
certainement là-dessus des lumières
particulières. Vous vous rappelez le
mot de Camille Desmoulins passant de-
vant la demeure du dictateur sur la fa-
tale charrette : « Cette maison dispa-
raîtra. » Elle était, en effet, en recul
par rapport à la rue et fut tôt cachée
aux yeux par des murs élevés. Où est-
elle maintenant ?
Les rayons X donnent le cancer
On ne sait pas encore de façon posi-
tive si le cancer est guérissable par les
rayons X, mais on sait que les rayons X
sont extrêmement dangereux pour les
opérateurs, témoin l'accident arrivé au
malheureux M. Radiguet. Et voilà que
deux savants américains, Ch.-A. Porter
et C.-J. White, de Boston, - viennent de
démontrer qu'ils peuvent donner le can-
cer aux médecins et aux expérimenta-
teurs dans certains cas. A l'appui de
leurs dires, ils citent une douzaine
d'observations.
Un praticien, jeune encore, atteint du
terrible mal au Hïours de manipulations
imprudentes, lutta pendant dix ans, su-
bit vingt-cinq opérations chirurgicales
et ne réussit à garder que des mains en
piteux état, perdit six doigts. D'autres
moururent après avoir essayé des gref-
fes cutanées, l'amputation des bras,
etc. Chose remarquable, les bagues en
or procureraient une immunité relative
aux doigts qui les portent.
Le Passant.
—i ^»i,
L'Incendie da la rue Drouot
Dans les bureaux de « l'Argus de la Presse H.
— Une panique malencontreuse. — Les
méfaits du magnésium. — Deux pho-
tographes mortellement blessés.
Un incendie s'est déclaré hier soir, vers
cinq heures, 14, rue Drouot, dans la mai-
son située à l'angle de la rue de la Grange-
Batelière.
Le feu a pris naissance dans l'apparte-
ment du troisième étage, où sont installés
les bureaux de notre confrère VArgus de
la Presse. Des journaux, placés à proxi-
mité d'une cheminée, où brûlait un feu de
coke, s'étant enflammés, une punique en est
résultée parmi les employés. Les flammes
purent ainsi gagner de proche en proche et
se propager de par l'immense appartement.
A leur arrivée, les pompiers des casernes
de la rue Blanche et de la rue Jean-Jacques-
Rousseau ne purent que s'efforcer de cir-
conscrire les flammes qui s'échappaient par
les fenêtres en menaçant de gagner l'éta-
ge supérieur, et de s'employer à préserver
les appartements situés au-dessus et au-
dessous des bureaux incendiés.
Dès la première alarme, la maison où se
trouve installé un atelier de fleurs artificiel-
les, fut évacuée par les locataires justement
inquiets de la tournure que paraissait pren-
dre le sinistre. Vers sept heures enfin,
c'est-à-dire après plus d'une heure d'efforts,
les travailleurs étaient maîtres du feu. Par
mesure de prudence alors, par les fenêtres
donnant sur la rue Grange-Batelière, les
pompiers lancèrent par monceaux les pa-1
piers et les coupures composant les archi-
ves de l'Argus de la Presse et représentant
de nombreuses années d'un travail docu-
mentaire d'un grand intérêt.
Au plus fort de l'incendie, dans la rue
Drouot, devant l'entrée de l'Hôtel des Ven-
tes, au moment de l'arrivée d'une nouvelle
pompe, un photographe se disposait à pren-
dre des clichés photographiques de la scè-
ne, au magnésium, la nuit étant venue,
quand une explosion formidable se produi-
sit. Aussitôt, les curieux massés sur le
trottoir faisant face à la maison sinistrée,
virent un homme, la figure tout ensanglan-
tée, les yeux hagards, qui s'avançait, la
démarche chancelante, en poussant des
cris de douleur. L'infortuné fut en toute
hâte transporté au poste de police de ja
mairie du neuvième arrondissement, située
non loin de là.
Un second blessé était recueilli, pendant
ce temps, devant l'Hôtel des Ventes, où il
était tombé inanimé, perdant son sang en
grande abondance. Le malheureux fut re-
levé par des gardiens de la paix et con-
duit dans une pharmacie du voisinage. Mal-
gré les soins énergiques qui lui furent pro-
digués, on ne put parvenir à lui faire re-
prendre connaissance. Tous deux, blessés
par l'explosion du magnésium renfermé
dans une boite assez volumineuse, ont été
dirigés sur l'hôpital Lariboisière. Les vic-
times de cette explosion sont MM. Levil-
lain, photographe au Journal, et son aide
opérateur, Klain. Le premier a eu la main
et l'avant-bras gauches atrocement déchi-1
quetés et le visage en partie brûlé. Son ai-
de, également brûlé, a eu en outre l'ar-
tère carotide coupée. A l'hôpital, leur état
a été reconnu. à peu près désespéré.
L'incendie, cela va sans dire, et surtout
cette explosion aux conséquences si tragi-
ques, avaient causé une profonde émotion
dans tout le quartier.
—
lA JOURNEE POLITIQUE
Mouvement préfectoral
M. Pommeray, préfet de la Vienne, est
nommé préfet de la Haute-Savoie, par per-
mutation avec M. Ténot.
La convention contre la fraude fiscale
A la Chambre des représentants de Bel-
gique, il a été question de la convention
fiscale franco-anglaise. M. Wauwermans a
aemandé à M. Liebaert si la Belgique n'est
point en cause Il dans une convention ré-
cente entre la France et une grande nation
voisine, relative à la répression des frau-
des fiscales en matière de valeurs mobi-
lières ».
Le ministre des finances de Belgique a
rénondu :
« La convention administrative conclue à
Lille on 1843 continue à régler les commu-
nications d'ordre administratif qui s'échan-
gent entre les receveurs français et les
receveurs belges, pour « aider à la percep-
tion complète et régulière des droits éta-
blis par les législations qui régissent les
deux pays »
Cette convention n'a subi aucune modi-
fication.
ft Je ne puis, pour le surplus, que me ré-
férer à la déclaration que j'ai faite en séan-
ce de la Chambre du 26 juillet 1907. » 1
L'impôt sur le revenu
Note de ïAgence Havas :
ff Le Financial News de ce matin, en rap-
portant une interview du ministre, des
finances, prête à M. Caillaux un langage
qui n'est pas de tout point exact. Parlant
de l'esprit de conservation sociale qui est
une des caractéristiques de notre pays, le
ministre a remarqué que, pour aboutir, les
réformes donnaient lieu à une longue éla-
boration législative. Il a indiqué notam-
ment que l'impôt sur le revenu était sur le
bhantier depuis plus de douze ans et que
cette réforme, dont la discussion va com-
mencer incessamment à la Chambre, ne
pourrait être mise au point par les deux
assemblées et rendue définitive avant que
quelque temps ne s'écoulât. Mais il s'est
empressé d'ajouter qu'il consacrerait toute
son activité et toute son énergie à abréger
ces délais le plus qu'il serait possible. »
Le Voyage .!
du "Ville de Paris"
DE SARTROUVILLE A VERDUN
.-.- .,
Le départ du dirigeable. — En panne à
Valmy.- Le « Ville-de-Paris » continue
son voyage
Le dirigeable Ville-de-Paris, mis à la
disposition du ministère de la guerre par
M. Henri Deutsch (de la Meurthe), a quitté
hier matin Sartrouville pour aller rempla-
cer le Patrie à Verdun.
Le dirigeable était piloté par M. Henri
Kapférer ayant M. Paulhan comme mé-
canicien. Le commandant Bouttieaux, de
l'école aérostatique de Chalais-Meudon, est
à bord.* •
Le Patrie avait effectué le voyage de Pa-
ris à Verdun — environ 238 kilomètres en
ligne droite en sept heures cinq minutes,
soit à une vitesse de 34 kilomètres à l'heu-
re le 23 novembre dernier..
Le ballon est parti par un vent faible-
ment nord-nord-est, c'est-à-dire soufflàntli
peu près" dans la direction suivie par le
dirigeable. --- *
Son passage a été signalé au-dessus de
Montmirail (Marne), à environ 50 kil. de
Chlâons-sur-Marne. --
A trois heures le Ville-de-Paris passait
au-dessus de Châlons-sur-Marne, à une al-
titude de 250 mètres.
Une foule enthousiaste applaudit, tandis
que le dirigeable continue régulièrement
sa marche sur Verdun. ?
Le Ville-de-Paris est passé à 3 h. 30
dans de bonnes conditions, au-dessus de la
ville de Vitry-le-François. <
- Il est arrivé à Chalon à trois heures.:
Une panne
Mais à Valmy, vers 5 h. 40, il a dû s'ar-
rêter par suite de la cassure d'un robinet
du moteur. J
Le ballon a parcouru un kilomètre et est
venu atterrir en plein champ, à peu de
distance de la statue du général Keller-
mann. •
Un journaliste, qui suivait le ballon en
automobile, ainsi que de nombreux cultiva- j
teurs, sont accourus et ont saisi le guide-
rope.
L'équipage du ballon a aussitôt réparé
chez un marét\hal ferrant la pièce brisée.
A 5 h. 35, par les moyens du bord, le
Ville-de-Paris reprenait lo chemin de Ver-
dun.
A 6 h. 10, il passait au-dessus de la ville
de Sainte-Menehould et à vive allure conti-
nuait sa route vers Verdun.
L'arrivée à Verdun
Le dirigeable Ville-de-Paris est arrivé à
Verdun à 7 h. du soir. Une foule énorme
était massée sur la place où est édifié le
hangar de Belleville, dans lequel doit être
remisé le ballon.
Le général gouverneur reçoit à leur des-
cente de nacelle lo commandant Bouttiaux,
M. Kapferer et le mécanicien Poulha, et
leur serre chaleureusement la main. Il leur
adresse ensuite, au nom de la ville de
Verdun, ses plus vives félicitations. Un
projecteur placé à quelques centaines de
mètres, éclaire cette scène, que là foule
souligne de longues acclamations.
Le ballon a été placé sous le hangar à
7 h. 35. A ce moment, la foule commence à
se disperser. -
Le commandant Bouttiaux, M. Kapferer
et le mécanicien sont reçus à dîner ce soir
par le gouverneur.
La traversée a été légèrement contrariée
par un vent d'est i la consommation d'es-
sence a été de 25 litres à l'neure ; celle du
105t a été insignifiante.
1 ♦
LA TËLÉCRAPHIE SANS FIL
De Casablanca à Brest
Brest, 15 janvier.
Les télégrammes émis par le Kléber à
Casablanca qui sont reçus par la tour
Eiffel, sont également enregistrés à Brest
par le poste du Parc-au-Duc. Ce résultat
est des plus intéressants, car le poste du
Parc-au-Duc, loin 4e disposer n sup-
port de 300 mètres, utilise un modeste mat
de 50 mètres de Jiauteur. Les communica-
tions entre la France et Casablanca se con-
tinuent tous les soirs et sont régulièrement
reçues à Brest. m
LE RETOUR DE M. PICHON
A la frontière
Hendaye, 15 janvier.
M. Pichon revenant de Madrid et allant
à Paris a passé par le Sud-Express en
compagnie de .Mme Ficlion et ùe M. Vil-
lette, son secrétaire.
Interviewé à son -passage- à Hendaye, M.
Piehon a déclaré qu'il revenait satisfait de
eon voyage en Andalousie.
Mme Pichon est enthousiasmée des beau-
tés artistiques de Cordoue, de Grenade, de
Séville et de Tolède, et aussi de l'accueil
charmant qu'elle a reçu à Madrid.
Relativement à la question marocaine, le
ministre emporte d'Espagne la conviction
que les deux gouvernements - agiront tou-
jours d'accord dans les limites du pacte
d'Algésiras.
M. Pichon est également persuadé que
la défiance manifestée par certains orga-
nes de la presse espagnole, disparaîtra de-
vant l'attitude, loyale du gouvernement
français.
1 ■ »
SOUS UN DOME
Je ne sais s'il y a beaucoup d'Hôtels-Dieu
semblables à celui de Lyon, mais, sapristi,
que celui-là est intéressant, et peu banal 1
On ne s'ennuie pas, je vous assure, à la
lecture des anecdotes qu'il fournit au
Progrès, et ce serait même très amusant,
si ce n'était pas aussi triste.
si ce
Un jour, on croit s'apercevoir que la lin-
gerie s'écroule ; on l'étaie fortement et
l'on se hâte de construire, un peu plus
loin, un bâtiment superbe qui coûte fort
cher. Mais quand on s'occupe d'y transpor-
ter la lingerie, - les médecins protestent,
non sans de multiples raisons, hélas 1 Ils
ne veulent plus rester dans les locaux in-
fects, étroits, où ils sont confinés ; ils ré-
clament la nouvelle construction, et on la
leur accorde. -.
* Et comme on ne peut rester sans linge-
rie, on enlève les étais qui devaient plutôt
fatiguer que soutenir l'ancien immeuble, on
le replâtre un tantinet, et l'on constate
alors qu'il est pour le moins aussi solide
que les principes d'économie appliqués dans
cet Jhospice.
Car il n'est pas d'établissement,peut-être,
où l'on pratique une économie plus rigou-
reuse : ainsi, on ne paye pins, aujourdliui,
que trois ou quatre francs le nettoyage des
robinets qui coûtait, il y a peu de temps
encore, cinquante francs ; et, au lieu de
détruire par le feu la gaze et le coton qui
ont servi à des pansements, on vend ces
détritus contaminés à des industriels qui
les transforment en tissus de qualité infé-
rieure ou en papier à cigarettes !
Parlant de l'animal qu'ils débi4ent sous
des formes si variées, les charcutiers di-
sent volontiers : « Tout en est bon ! »
C'est une expression qu'il convient de lais-
ser à ces utiles commerçants, et de me point
leur emprunter pour l'étendre, surtout, à
des sanies d'hôpital.
i. Est-ce avec le produit de pareilles écono-
mies que l'Hôtel-Dieu de .Lyon a pu faire
construire un nouveau dôme qui a coûté
800.000 francs ? On peut en douter ; mais
les médecins et les malades eussent pré-
féré, en tout cas, des salles claires, aérées,
spacieuses. Or, cela, il faudra, paratt-ils
l'attendre longtemps encore — non sous
l'orme, mais sous le dôme.
Ah ! ces malades, quels êtres exigeants
et grincheux 1 Il faut toujours qu'ils se
plaignent ! On leur donne un dôme super-
be, et ils ne .sont ipas encore contents i
Lors du dernier Congrès d'Hygiène, M.
Mesureur, directeur de l'Assistance Publi-
que à Paris, fut prié de visiter cet Hôtel-
Dieu. Il consentit à admirer, le dôme ma-
gnifique ; mais on assure qu'il murmura 4
la sortie : « Pauvres gens ! Pauvres ma-
lades 1 »
Il ne pouvait y avoir la moindre hésita-
tion sur le sens de cette exclamation :
« Pauvres malades ! » M. Mesureur les
plaignait autant qu'ils se plaignent eux-
mêmes. <, L
Mais, aujourd'hui encore, on oodeman-
de, à Lyon, de qui il a voulu parler, quand
il s'est écrié, avec la plus sincère et la plus
profonde commisération : « Pauvres gens !»
Crouchy de Vorney.
Le Temple de la Fraude
t.. -.
Le musée de l'avenue Victoria. - Réci-
t pients à alcool. — Les planches
trompeuses et les corsets de
conrtebande
Une complaisance qui doit rester ano-
nyme nous a permis de visiter hier les
combles d'un immeuble de l'avenue
Victoria. Cet immeuble a ceci de parti-
culier qu'il est le siège de l'administra-
tion des octrois et ces combles ont ceci
de curieux qu'on y a installé un vérita-
ble musée de la Fraude — un musée
sans tourniquets, » sans gardien, ni
payant ni gratuit : privé.
On y pénètre tout de même — avec
quelques difficultés. — mais vraiment,
comme on dit, « ça vaut le voyage. »
On a réuni là tous les objets, tous les
instruments, tous les ustensiles que
l'administration a saisis sur les délin-
quants ou entre leurs mains et qui ont
servi à introduire en fraude des matiú-
res frappées de droit — l'alcool notam-
ment. - - • !
Celui qui prétendrait que l'homme
n'est pas un animal plus ingénieux que
les autres serait bien étonné s'il faisait
une promenade avenue Victoria. Il est,
disons-le, difficile de pousser plus loin
l'ingéniosité que ne l'ont fait certains
des « créateurs » dont nous avons — oh !
mais là, sincèrement ! - admiré les
oeuvres. On se demande même com-
ment ayant affaire à si forte partie, les
excellents employés de l'octroi ont pu
flairer la. fraude, découvrir le truc.
Voici, par exemple, quelques plan-
ches. Elles ont l'air tort innocent, ces
penches. Ce sont des planches (Jb'ooi
dirait destinées à une construction. En
un mot, ce sont 'de vraies planches.
Frappez-les de votre canne, elles ont le
bruit mat du bois, sans aucune rèsorr-
nance révélatrice.. Et, cependant, ces
planches sont coupables, elles sont cri-
minelles : ce sont des agents de fraude
et on les Rsaisies en flagrant délit. Elles
sont évidées, l'intérieur en est rendu
étanche, et on s'en servait pour passer
de l'alcool. Chacune d'elles faisait l'of-
fice de fût — de fût allongé et aminci
jusqu'à l'extravagance, mais non jus-
qu'à l'inutilité.
Voici, maintenant, des couronnes
mortuaires. « A mon père ;> dit l'une
d'elles. « Mon père » devait bien aimer
l'alcool» puisqu'en. souvenir de lui on
en remplit cet hommage funèbre. Oui,
cette couronne, qu'une jeune fille, les
,. - 1
larmes aux yeux peut-être, avait à son
bras en franchissant la barrière, conte- -
nait ses deux bons litres !. n
, .Ici, ce sont ce qu'on pourrait appeler »
les « ïaux paquets w. On dirait un ron*"1
leau de toile, une pendule sous un
globe, un carton à chapeaux. : ces ob- >
jets ne sont que des façades : ils son f *
évidés, doublés de îer blanc et condi-
tionnés pour recevoir le liquide. Cette *
table, qu'un honnête charpentier s'en 1
allait « livrer » : son tiroir est un réser-,
voir, et ses. quatre pieds contenaieni
aussi de l'alcool. — - •
Mais voici. ah ! voici des corsets i *
On nous l'avait dit, mais nous - n'y
croyions pas 1 Et c'est pourtant vrai
tout de même 1 Ces corsets en métal.
sont épais de quelques centimètres. La *
petite dame fluette qui s'en revêt doit :
soudain apparaître comme une opulen- !
te matrone, mais qui donc s'aviserait —
hormis un employé d'octroi — que son -
ample corsage peut servir à la fraude 7.
, Le truc est classique, nous dit-on, et- f
couramment employé. Mais on l'a trop
souvent éventé, en dépit de la difficulté
qu'il, présente à cet égard, et il est
moins en honneur. Par contre, les faux
jupons en toile imperméable, les ves-
sies qui se cachent sous la robe, sont, :
d'usage pour ainsi dire quotidien. :
Ce « musée » a été crée., parce qu'il
fallait bien remiser quelque part ces in-
téressants témoins, et surtout pour
l'édification et l'éducation des employés:
c'est là que viennent les jeunes, les
nouveaux, se familiariser avec les mille:
tours que les ingénieux fraudeurs s'ap-
prêtent à leur jouer.
Nous avons vu une voiture qui est
une merveille du genre ; la caisse : ré- ,
servoir ; les coussins : réservoir ; les
jantes ? réservoir ; le dessous des ban- ,
queUes: : réservoir. Ça doit coûter cher
à établir un instrument de ce genre r
mais une fraude quotidienney non trou'
blée, est très rémunératrice : on n'hé- 1~l
site donc pas à faire des frais.., - ;
■ • * **#
On ne peut s'empêcher, en sortant de .j
là, de penser qu'il est fort dommage
que tant d'ingéniosité soit ainsi dépen-
sée dans un but de fraude et de malhon-
nêteté : appliquée à des choses licites,
elle n'eût pu mânquer de produire de
petites merveilles !. —
Mais voilà, l'homme est ainsi fait. Et
il en est pour lesquels cent sous « ca-
rottés » à la douane ou à l'octroi sont
plus agréables que dix francs honnête"
ment gagnés 1 - -,-
t R. V. S.. ,"
—
Les événements du Maroc
- t
t
La situation à Fez. - Une tentative contre
, Moulay-Hafid ,.,' -
4\ Tanger, 15 janvier.
Des bruits contradictoires continuent li
circuler au sujet de la situation à Fez.
La foule est redevenue calme.
On apprend maintenant que Moulay-Abd-
-es-Sale.*fn-el-Mraiii,.' qui avait été nommé 1
khalifa provisoire de Moulay-IIafid à Fez, -
a tenté de s'emparer du pouvoir par sur-
prise, 'afin -de rétablir l'autorité d'Abd-el-
Aziz. S'étant secrètement entendu, pour
mener à bien cctte opération, avec le pa-
cha de Fez, el-Dj, qui co-m-mande la
partie de la ville contenant les arsenaux
et les casernes, il avait fait prendre les ar-
mes et les munitions. Abd-es-Salem-el-
Mrani avait fait ensuite* distribuer ces pro-
visions aux troupes placées sous ses or-,
dres.
Le caïd des Cherarda, qui était dans le
secret, a trahi le plan du pacha et l'ayant
ébruité, il a envoyé des émissaires ameu-J
ter la populace.
Sous la pression d'une foule hostile, Abd- *
es-Salem-ei-Mrani a dû jurer sur le Coran 5
de renoncer à son projet.
< La fête .ù'Aïd-el-Kebir a commencé. Tout *
est calme. - *
-
- « L'agitation à Rabat -- **
Tanger, 15 janvier.
Rabat, 10 janvier. — Comme aux re
miers temps à Casablanca, ou' conseille aux
Européens de rentrer chez eux. On com-
mence même à parler de défendre le con-j
sulat. ,
Hier, des Azemmour ont essayé de pé* j
néiirer dans Salé dont les portes ont été
fermées tandis que les Askrls se portaient
devant les pillards qui se sont retirés en
ramassant tout ce qu'ils ont trouvé sur leur;
route. i
Hier soir, les fonctionnaires civils et re-
ligieux et les notables de Rabat et de Salé
ont été mandés au Dar-el-Maghzeri. Une
longue séance a ou lieu qui a duré trois
heures. On a donné lecture d'une lettre de
Fez annonçant la proclamation de Moulay-
Hafid. C'est tout ce qu'on a su de cette
séance.' --< * >.
A Rabat, la population est agitée. Tout
t'e monde est soucieux. On "d»t que des
coups de feu ont été tirés hier dans la nuit
sur le Dar-el-MagJizen et les soldats ont
exploré la campagne.. ;
Toutes les armes déposées à la douane
ont été enlevées pendant la nuit et distri-
buées aux soldats. :
Rabat,- 14 janvier. — Hier est arrivée la
mehalla de Bagdadi. La ville est un peu
plus calmé. On prend des précautions pour
éviter toute surprise. Des postes de sol-
dats ont été placés aux portes de chaque
Européen et dans les rues fréquentées par,
eux. - f«
L'approche de la fête de l'Aîd-el-Kébir at. J
tire de nombreux indigènes en ville. Le'
maghzen a [Oit emprisonner tous ceux qui
sont accusés d3 menées anti-azizistes. Un
commerçant bien connu en ville, a été ar- !
rêté pour la même raison. "-il,
-Les troupes françaises sont à BouznàkaV
à cinq heures de Rabat.
Le maghzen est toujours inquiet, bien
qu'aucune confirmation des faits ne.. soit
arrivée. ,'.
On dit que le sultan a l'intention de ren
trer à Fez, mais. ce sont là de simples.
promesses au-x notables de la ville,.comme
il est d'usage d'en faire dans pareils cas.
: -' - - k""-===--:::.. r - -
: Vendredi 17 Janvier 1908. — N° 13325
ÂNNONCES.
ICI BUREAUX DU JOURNAL
14, rue du Mail, Paris.
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Excès de zèle
i
Il y avait sous l'Empire, dans les en-
virons de Niort, un maire de campagne
qui eut son heure de célébrité. On l'ap-
pelait M. Placiard. Sa gloire tenait d'ail-
leurs à peu de chose. Ne s'était-il pas
amusé, un beau jour, à diviser les pou-
les qui vagabondaient dans- le village,
en deux groupes : les amies du gouver-
nement auxquelles appartenaient natu-
rellement tous les droits et même, dit-
on, tous les privilèges, et les opposan-
tes qui étaient, comme de juste, impi-
toyablement pourchassées ?
Je n'entends le blâmer ni dans ses
conceptions ni dans sa personne. Eh 1
"-- bon Dieu, où en serait-on, quelle justice
clistributive existerait-il en ce bas mon-
de, s'il n'y avait pas plus d'avantages Í
être du gouvernement que de l'opposi-
tion ?
1, Ce souvenir me hantait l'esprit, en
parcourant dans quelques journaux
une histoire de maréchaux-ferrants ar-
rivée dans une commune du Centre. Je
ne don te pas de la bonne foi de mes
confrères. Il me serait pourtant agréa-
ble d'avoir confirmation du fait. Dans
les termes où il est rapporté, il me pa
raît exorbitant, tranchons le mot, in-
croyable. -.,' ; - -..
Un arrêté municipal défend expressé-
ment et sous peine d'amende de ferrer,
dans cette localité, les chevaux sur la
voie, publique. Quatre maréchaux se
partagent la clientèle : deux amis de
l'autorité, et les deux autres, du camp
adverse. A ces derniers s'appliquent in-
flexiblement tous les arrêtés, avec sanc-
tion et procès-verbaux, tandis que leurs
deux confrères en sont complètement
exonérés. C'est là, du moins, ce qu'on
raconte.
II nous semble impossible qu'il n'y
ait pas, dans ce récit, quelque erreur.
Un mauvais plaisant s'est-il joué de la
bonne foi de nos confrères, ou n'ont-ils
pas eux-mêmes suffisamment tenu
compte de certaines circonstances es-
sentielles, tout à fait étrangères aux re-
lations, bonnes ou mauvaises, de nos
dits délinquants avec le pouvoir, cen-
tral ? , -
Pour notre part, il ne nous en coûte
point de le déclarer : nous blâmerions
fort) si elles existaient, de pareilles pra-
tiques. Exercées sous le couvert de la
République, elles n'auraient de républi-
cain que le nom.
Notre pays a vécu troip longtemps
sous la monarchie absolue et catholique
pour qu'il ne reste pas encore, parmi
bien des cerveaux, certains vestiges de
cet atavisme. En France, dans cette pa-
trie de toutes les élégances, où la liberté
ajoute à ses autres titres l'elégance su-
prême la plus noble et la plus féconde,
il y a encore dans nos rangs, nous le
reconnaissons, des citoyens tout imbus
des vieilles doctrines d'autorité. L'auto-
rité est forte, puissante, massive, lour-
de, balourde et souvent maladroite..
Vicomte de Foucauld, lorsque vous empoignâtes
L'éloquent Manuel, de vos mains auvergnates
Voilà l'autorité excessive et arbitrai-
re. En haut, les mains auvergnates du
.vicomte de Foucauld et de ses émules ;
en bas, j'ai déjà dit que l'arbitraire de
l'autorité se symbolisait en feu M. le
maire de l'Empire, Placiard.
Non pas qu'il faille indistinctement
sa:lr tout pouvoir, toute autorité. Mais
le pouvoir ne doit agir que dans cer-
taines limites, pour la protection de la
liberté générale et l'application des lois
égales pour tous. - -
M. Clemenceau disait un jour au Sé-
nat : « Si la République était d'un côté
et la liberté de l'autre, je n'abandonne-
rais point la liberté. » Que signifient ces
paroles ? Simplement ceci : que la Ré-
publique sans la liberté n'est qu'un
mot dénué de sens, un corps, sans 'vie,
une apparence sans réalité.
Quelques citoyens, d'ailleurs fort esti-
mables, s'apeurent à la .pensée de voir
nos adversaires user des mêmes armes
:({ue nous. On les épouvante avec la fa-
meuse phrase tour à tour attribuée à
îVeuillot et à Montalembert et qui n'a
peut-être jamais été proférée. C'est le
sort de bien des mots historiques de
n'avoir été inventés qu'après coup.
■« Quand vous êtes au pouvoir, vous
nous devez la liberté eu vertu de votre
principe, et quand nous y sommes,
nous vous la refusons en vertu du nô-
tre. » Là-dessus; on s'extasie, l'on s'ex-
iclame, et l'on s'écrie : « Quel cynisme Ii)
Me sera-t-il permis d'avouer que je
trouve cette déclaration tout à fait na-
turell.e, puisqu'elle revient à dire que
fchaïiun 'doit gouverner avec son prin-
cipe ? Les gens d'autorité, de monar-
chie, gouvernent autoritairement, mo-
narchique ment, c'est leur raison d'être,
pourquoi l'abandonneraient-ils 1
'-Meis quant" à -ftwts, parque notrê
raison d'être c'est la liberté, puisque
c'est en sa faveur que le pays nous a
fait confiance, avons-nous le droit de
gouverner autoritairement à notre tour,
sous prétexte que l'autorité est aujour-
d'hui entre nos mains, tandis que la li-
berté serait le patrimoine commun, je
lot de tous, adversaires et amis ?
Telle est la question. Tout républi-
cain réfléchi la résoudra de la même fa-
çon. Pas d'arbitraire, car il tue à la lon-
gue les régimes les plus forts. « On peut
tout faire avec des baïonnettes, disait
M. de Bismarck, excepté s'asseoir des-
sus. » Nous entendons établir définiti-
vement la République, non pas sur la
force des baïonnettes, mais sur celle du
sentiment public. Assurer aux citoyens
plus de bien-être, répartir plus équita-
blement les charges publiques, impré-
gner toutes nos lois de l'esprit de soli-
darité et de fraternité et pour réaliser
ces progrès obtenir du Parlement des
sessions plus longues, moins tapageu-
ses et mieux remplies, c'est là, à notre
avis, la véritable propagande du parti
républicain c'est la meilleure, la plus
B'Cre. - r
Nous supplions les citoyens qui, dans
leurs communes, avec les intentions
souvent les plus louables, se laissent
entrainer à d'autres règles, de revenir
aux vrais principes. Oui, nous savons
bien comment les choses se passent : la
réaction est là, elle est violente, elle est
tenace, et l'on se laisse entraîner par
les ardeurs de la lutte à se servir con-
tre elle des armes dont elle a usé contre
nous. Cela paraît naturel, légitime. Eh
bien ! il vaut mieux se montrer meil-
leur, car nous ne devons pas terroriser
les consciences, mais les relever, mais
les libérer, -
LOUIS MARTIN.
LA SCIENCE QUI TUE
Mardi, c'étaiti la catastro-
phe classique, connue depuis
qu'il y a des hommes et qui
patinent, des glisseurs qui
s'aventurent sur une couche
trop mince de glace et qui
disparaissent dans l'eau glacée. Hier, - ce
fut l'accident moderne, l'accident pos-
sible seulement dans une civilisation
scientifique, où la chimie se mêle aux
actes les plus simples de la vie, où les
explosibles voisinent dans les poches
des passants avec les gants fourrés et
avec les paquets de tabac.
On lira plus loin les détails de cette
tragique aventure. Un incendie avait
pris dans l'immeuble occupé par l'Ar-
gus de la Presse. Un journaliste photo-
graphe prenait des vues. Une explo-
sion, des cris, des gens qui tombent :
c'est la provision de magnésium des
opérateurs qui vient de sauter. N'es-
sayons pas de dramatiser le récit.
L'exactitude du fait-divers suffit ici,
sans enjolivement littéraire.
Nous sommes tellement habitués aux
fusées du magnésium lancées par les
photographes, au milieu de tous les
spectacles de la rue, que nous ne fai-
sons plus attention à -cet? présu..
més inoffensifs.
Le terrifiant événement 'd'hier nous
rappelle brutalement que ces jeux ne
vont pas sans danger.
La science utile nous fait déjà payer !
cher les services qu'elle nous rend. La
science amusante est aussi une créan-
cière qui se rembourse, d'un coup, des
dettes que nous contractons vis-à-vis
d'elle..
La catastrophe 'du cinématographe 'de
Boyerlown (Pensylvanie), que nous
avons racontée, suggère les mêmes ré-
flexions.
Et toujours, à côté des malheureux
directement frappés par le fléau, il y a
les victimes de la foule instinctive et
ivre de peur,
La science, quand elle le sert, fait pa-
raitre l'homme bien grand. Mais quand
elle se révolte, comme elle le montre
petit 1
LES ON-DST
Le pétrole et S. M. l'Auto
Une des conséquences du développe-
ment inouï de l'automobilisme a été la
surproduction du pétrole. Aucune autre
matière- n'a augmenté sa circulation
dans des proportions pareilles. En 1887,
la production mondiale de pétrole était
de six millions de tonnes. En 1897, elle
a presque doublé, puisque l'année der-
nière elle a atteint vingt-huit millions
de tonnes..
La maison de Robespierre
Voici qui va faire bondir M. G. Lena-
tre, l'anecdotier révolutionnaire, à qui
rien de ce qui concerne la vie intime
des géants ne saurait échapper. 0*1
vient de, réparer une vieille .maison sise
au 882 de la rue Samt-Honoré, en face
de l'église de l'Assomption, et qui pour.
rait bien avoir fait partie de l'immeu-
ble occupé par les Duplay, les hôtes de
.Robespierre- La chose n'est poiaLpfiôar
vée, du reste, et M. Victorien Sardou a
certainement là-dessus des lumières
particulières. Vous vous rappelez le
mot de Camille Desmoulins passant de-
vant la demeure du dictateur sur la fa-
tale charrette : « Cette maison dispa-
raîtra. » Elle était, en effet, en recul
par rapport à la rue et fut tôt cachée
aux yeux par des murs élevés. Où est-
elle maintenant ?
Les rayons X donnent le cancer
On ne sait pas encore de façon posi-
tive si le cancer est guérissable par les
rayons X, mais on sait que les rayons X
sont extrêmement dangereux pour les
opérateurs, témoin l'accident arrivé au
malheureux M. Radiguet. Et voilà que
deux savants américains, Ch.-A. Porter
et C.-J. White, de Boston, - viennent de
démontrer qu'ils peuvent donner le can-
cer aux médecins et aux expérimenta-
teurs dans certains cas. A l'appui de
leurs dires, ils citent une douzaine
d'observations.
Un praticien, jeune encore, atteint du
terrible mal au Hïours de manipulations
imprudentes, lutta pendant dix ans, su-
bit vingt-cinq opérations chirurgicales
et ne réussit à garder que des mains en
piteux état, perdit six doigts. D'autres
moururent après avoir essayé des gref-
fes cutanées, l'amputation des bras,
etc. Chose remarquable, les bagues en
or procureraient une immunité relative
aux doigts qui les portent.
Le Passant.
—i ^»i,
L'Incendie da la rue Drouot
Dans les bureaux de « l'Argus de la Presse H.
— Une panique malencontreuse. — Les
méfaits du magnésium. — Deux pho-
tographes mortellement blessés.
Un incendie s'est déclaré hier soir, vers
cinq heures, 14, rue Drouot, dans la mai-
son située à l'angle de la rue de la Grange-
Batelière.
Le feu a pris naissance dans l'apparte-
ment du troisième étage, où sont installés
les bureaux de notre confrère VArgus de
la Presse. Des journaux, placés à proxi-
mité d'une cheminée, où brûlait un feu de
coke, s'étant enflammés, une punique en est
résultée parmi les employés. Les flammes
purent ainsi gagner de proche en proche et
se propager de par l'immense appartement.
A leur arrivée, les pompiers des casernes
de la rue Blanche et de la rue Jean-Jacques-
Rousseau ne purent que s'efforcer de cir-
conscrire les flammes qui s'échappaient par
les fenêtres en menaçant de gagner l'éta-
ge supérieur, et de s'employer à préserver
les appartements situés au-dessus et au-
dessous des bureaux incendiés.
Dès la première alarme, la maison où se
trouve installé un atelier de fleurs artificiel-
les, fut évacuée par les locataires justement
inquiets de la tournure que paraissait pren-
dre le sinistre. Vers sept heures enfin,
c'est-à-dire après plus d'une heure d'efforts,
les travailleurs étaient maîtres du feu. Par
mesure de prudence alors, par les fenêtres
donnant sur la rue Grange-Batelière, les
pompiers lancèrent par monceaux les pa-1
piers et les coupures composant les archi-
ves de l'Argus de la Presse et représentant
de nombreuses années d'un travail docu-
mentaire d'un grand intérêt.
Au plus fort de l'incendie, dans la rue
Drouot, devant l'entrée de l'Hôtel des Ven-
tes, au moment de l'arrivée d'une nouvelle
pompe, un photographe se disposait à pren-
dre des clichés photographiques de la scè-
ne, au magnésium, la nuit étant venue,
quand une explosion formidable se produi-
sit. Aussitôt, les curieux massés sur le
trottoir faisant face à la maison sinistrée,
virent un homme, la figure tout ensanglan-
tée, les yeux hagards, qui s'avançait, la
démarche chancelante, en poussant des
cris de douleur. L'infortuné fut en toute
hâte transporté au poste de police de ja
mairie du neuvième arrondissement, située
non loin de là.
Un second blessé était recueilli, pendant
ce temps, devant l'Hôtel des Ventes, où il
était tombé inanimé, perdant son sang en
grande abondance. Le malheureux fut re-
levé par des gardiens de la paix et con-
duit dans une pharmacie du voisinage. Mal-
gré les soins énergiques qui lui furent pro-
digués, on ne put parvenir à lui faire re-
prendre connaissance. Tous deux, blessés
par l'explosion du magnésium renfermé
dans une boite assez volumineuse, ont été
dirigés sur l'hôpital Lariboisière. Les vic-
times de cette explosion sont MM. Levil-
lain, photographe au Journal, et son aide
opérateur, Klain. Le premier a eu la main
et l'avant-bras gauches atrocement déchi-1
quetés et le visage en partie brûlé. Son ai-
de, également brûlé, a eu en outre l'ar-
tère carotide coupée. A l'hôpital, leur état
a été reconnu. à peu près désespéré.
L'incendie, cela va sans dire, et surtout
cette explosion aux conséquences si tragi-
ques, avaient causé une profonde émotion
dans tout le quartier.
—
lA JOURNEE POLITIQUE
Mouvement préfectoral
M. Pommeray, préfet de la Vienne, est
nommé préfet de la Haute-Savoie, par per-
mutation avec M. Ténot.
La convention contre la fraude fiscale
A la Chambre des représentants de Bel-
gique, il a été question de la convention
fiscale franco-anglaise. M. Wauwermans a
aemandé à M. Liebaert si la Belgique n'est
point en cause Il dans une convention ré-
cente entre la France et une grande nation
voisine, relative à la répression des frau-
des fiscales en matière de valeurs mobi-
lières ».
Le ministre des finances de Belgique a
rénondu :
« La convention administrative conclue à
Lille on 1843 continue à régler les commu-
nications d'ordre administratif qui s'échan-
gent entre les receveurs français et les
receveurs belges, pour « aider à la percep-
tion complète et régulière des droits éta-
blis par les législations qui régissent les
deux pays »
Cette convention n'a subi aucune modi-
fication.
ft Je ne puis, pour le surplus, que me ré-
férer à la déclaration que j'ai faite en séan-
ce de la Chambre du 26 juillet 1907. » 1
L'impôt sur le revenu
Note de ïAgence Havas :
ff Le Financial News de ce matin, en rap-
portant une interview du ministre, des
finances, prête à M. Caillaux un langage
qui n'est pas de tout point exact. Parlant
de l'esprit de conservation sociale qui est
une des caractéristiques de notre pays, le
ministre a remarqué que, pour aboutir, les
réformes donnaient lieu à une longue éla-
boration législative. Il a indiqué notam-
ment que l'impôt sur le revenu était sur le
bhantier depuis plus de douze ans et que
cette réforme, dont la discussion va com-
mencer incessamment à la Chambre, ne
pourrait être mise au point par les deux
assemblées et rendue définitive avant que
quelque temps ne s'écoulât. Mais il s'est
empressé d'ajouter qu'il consacrerait toute
son activité et toute son énergie à abréger
ces délais le plus qu'il serait possible. »
Le Voyage .!
du "Ville de Paris"
DE SARTROUVILLE A VERDUN
.-.- .,
Le départ du dirigeable. — En panne à
Valmy.- Le « Ville-de-Paris » continue
son voyage
Le dirigeable Ville-de-Paris, mis à la
disposition du ministère de la guerre par
M. Henri Deutsch (de la Meurthe), a quitté
hier matin Sartrouville pour aller rempla-
cer le Patrie à Verdun.
Le dirigeable était piloté par M. Henri
Kapférer ayant M. Paulhan comme mé-
canicien. Le commandant Bouttieaux, de
l'école aérostatique de Chalais-Meudon, est
à bord.* •
Le Patrie avait effectué le voyage de Pa-
ris à Verdun — environ 238 kilomètres en
ligne droite en sept heures cinq minutes,
soit à une vitesse de 34 kilomètres à l'heu-
re le 23 novembre dernier..
Le ballon est parti par un vent faible-
ment nord-nord-est, c'est-à-dire soufflàntli
peu près" dans la direction suivie par le
dirigeable. --- *
Son passage a été signalé au-dessus de
Montmirail (Marne), à environ 50 kil. de
Chlâons-sur-Marne. --
A trois heures le Ville-de-Paris passait
au-dessus de Châlons-sur-Marne, à une al-
titude de 250 mètres.
Une foule enthousiaste applaudit, tandis
que le dirigeable continue régulièrement
sa marche sur Verdun. ?
Le Ville-de-Paris est passé à 3 h. 30
dans de bonnes conditions, au-dessus de la
ville de Vitry-le-François. <
- Il est arrivé à Chalon à trois heures.:
Une panne
Mais à Valmy, vers 5 h. 40, il a dû s'ar-
rêter par suite de la cassure d'un robinet
du moteur. J
Le ballon a parcouru un kilomètre et est
venu atterrir en plein champ, à peu de
distance de la statue du général Keller-
mann. •
Un journaliste, qui suivait le ballon en
automobile, ainsi que de nombreux cultiva- j
teurs, sont accourus et ont saisi le guide-
rope.
L'équipage du ballon a aussitôt réparé
chez un marét\hal ferrant la pièce brisée.
A 5 h. 35, par les moyens du bord, le
Ville-de-Paris reprenait lo chemin de Ver-
dun.
A 6 h. 10, il passait au-dessus de la ville
de Sainte-Menehould et à vive allure conti-
nuait sa route vers Verdun.
L'arrivée à Verdun
Le dirigeable Ville-de-Paris est arrivé à
Verdun à 7 h. du soir. Une foule énorme
était massée sur la place où est édifié le
hangar de Belleville, dans lequel doit être
remisé le ballon.
Le général gouverneur reçoit à leur des-
cente de nacelle lo commandant Bouttiaux,
M. Kapferer et le mécanicien Poulha, et
leur serre chaleureusement la main. Il leur
adresse ensuite, au nom de la ville de
Verdun, ses plus vives félicitations. Un
projecteur placé à quelques centaines de
mètres, éclaire cette scène, que là foule
souligne de longues acclamations.
Le ballon a été placé sous le hangar à
7 h. 35. A ce moment, la foule commence à
se disperser. -
Le commandant Bouttiaux, M. Kapferer
et le mécanicien sont reçus à dîner ce soir
par le gouverneur.
La traversée a été légèrement contrariée
par un vent d'est i la consommation d'es-
sence a été de 25 litres à l'neure ; celle du
105t a été insignifiante.
1 ♦
LA TËLÉCRAPHIE SANS FIL
De Casablanca à Brest
Brest, 15 janvier.
Les télégrammes émis par le Kléber à
Casablanca qui sont reçus par la tour
Eiffel, sont également enregistrés à Brest
par le poste du Parc-au-Duc. Ce résultat
est des plus intéressants, car le poste du
Parc-au-Duc, loin 4e disposer n sup-
port de 300 mètres, utilise un modeste mat
de 50 mètres de Jiauteur. Les communica-
tions entre la France et Casablanca se con-
tinuent tous les soirs et sont régulièrement
reçues à Brest. m
LE RETOUR DE M. PICHON
A la frontière
Hendaye, 15 janvier.
M. Pichon revenant de Madrid et allant
à Paris a passé par le Sud-Express en
compagnie de .Mme Ficlion et ùe M. Vil-
lette, son secrétaire.
Interviewé à son -passage- à Hendaye, M.
Piehon a déclaré qu'il revenait satisfait de
eon voyage en Andalousie.
Mme Pichon est enthousiasmée des beau-
tés artistiques de Cordoue, de Grenade, de
Séville et de Tolède, et aussi de l'accueil
charmant qu'elle a reçu à Madrid.
Relativement à la question marocaine, le
ministre emporte d'Espagne la conviction
que les deux gouvernements - agiront tou-
jours d'accord dans les limites du pacte
d'Algésiras.
M. Pichon est également persuadé que
la défiance manifestée par certains orga-
nes de la presse espagnole, disparaîtra de-
vant l'attitude, loyale du gouvernement
français.
1 ■ »
SOUS UN DOME
Je ne sais s'il y a beaucoup d'Hôtels-Dieu
semblables à celui de Lyon, mais, sapristi,
que celui-là est intéressant, et peu banal 1
On ne s'ennuie pas, je vous assure, à la
lecture des anecdotes qu'il fournit au
Progrès, et ce serait même très amusant,
si ce n'était pas aussi triste.
si ce
Un jour, on croit s'apercevoir que la lin-
gerie s'écroule ; on l'étaie fortement et
l'on se hâte de construire, un peu plus
loin, un bâtiment superbe qui coûte fort
cher. Mais quand on s'occupe d'y transpor-
ter la lingerie, - les médecins protestent,
non sans de multiples raisons, hélas 1 Ils
ne veulent plus rester dans les locaux in-
fects, étroits, où ils sont confinés ; ils ré-
clament la nouvelle construction, et on la
leur accorde. -.
* Et comme on ne peut rester sans linge-
rie, on enlève les étais qui devaient plutôt
fatiguer que soutenir l'ancien immeuble, on
le replâtre un tantinet, et l'on constate
alors qu'il est pour le moins aussi solide
que les principes d'économie appliqués dans
cet Jhospice.
Car il n'est pas d'établissement,peut-être,
où l'on pratique une économie plus rigou-
reuse : ainsi, on ne paye pins, aujourdliui,
que trois ou quatre francs le nettoyage des
robinets qui coûtait, il y a peu de temps
encore, cinquante francs ; et, au lieu de
détruire par le feu la gaze et le coton qui
ont servi à des pansements, on vend ces
détritus contaminés à des industriels qui
les transforment en tissus de qualité infé-
rieure ou en papier à cigarettes !
Parlant de l'animal qu'ils débi4ent sous
des formes si variées, les charcutiers di-
sent volontiers : « Tout en est bon ! »
C'est une expression qu'il convient de lais-
ser à ces utiles commerçants, et de me point
leur emprunter pour l'étendre, surtout, à
des sanies d'hôpital.
i. Est-ce avec le produit de pareilles écono-
mies que l'Hôtel-Dieu de .Lyon a pu faire
construire un nouveau dôme qui a coûté
800.000 francs ? On peut en douter ; mais
les médecins et les malades eussent pré-
féré, en tout cas, des salles claires, aérées,
spacieuses. Or, cela, il faudra, paratt-ils
l'attendre longtemps encore — non sous
l'orme, mais sous le dôme.
Ah ! ces malades, quels êtres exigeants
et grincheux 1 Il faut toujours qu'ils se
plaignent ! On leur donne un dôme super-
be, et ils ne .sont ipas encore contents i
Lors du dernier Congrès d'Hygiène, M.
Mesureur, directeur de l'Assistance Publi-
que à Paris, fut prié de visiter cet Hôtel-
Dieu. Il consentit à admirer, le dôme ma-
gnifique ; mais on assure qu'il murmura 4
la sortie : « Pauvres gens ! Pauvres ma-
lades 1 »
Il ne pouvait y avoir la moindre hésita-
tion sur le sens de cette exclamation :
« Pauvres malades ! » M. Mesureur les
plaignait autant qu'ils se plaignent eux-
mêmes. <, L
Mais, aujourd'hui encore, on oodeman-
de, à Lyon, de qui il a voulu parler, quand
il s'est écrié, avec la plus sincère et la plus
profonde commisération : « Pauvres gens !»
Crouchy de Vorney.
Le Temple de la Fraude
t.. -.
Le musée de l'avenue Victoria. - Réci-
t pients à alcool. — Les planches
trompeuses et les corsets de
conrtebande
Une complaisance qui doit rester ano-
nyme nous a permis de visiter hier les
combles d'un immeuble de l'avenue
Victoria. Cet immeuble a ceci de parti-
culier qu'il est le siège de l'administra-
tion des octrois et ces combles ont ceci
de curieux qu'on y a installé un vérita-
ble musée de la Fraude — un musée
sans tourniquets, » sans gardien, ni
payant ni gratuit : privé.
On y pénètre tout de même — avec
quelques difficultés. — mais vraiment,
comme on dit, « ça vaut le voyage. »
On a réuni là tous les objets, tous les
instruments, tous les ustensiles que
l'administration a saisis sur les délin-
quants ou entre leurs mains et qui ont
servi à introduire en fraude des matiú-
res frappées de droit — l'alcool notam-
ment. - - • !
Celui qui prétendrait que l'homme
n'est pas un animal plus ingénieux que
les autres serait bien étonné s'il faisait
une promenade avenue Victoria. Il est,
disons-le, difficile de pousser plus loin
l'ingéniosité que ne l'ont fait certains
des « créateurs » dont nous avons — oh !
mais là, sincèrement ! - admiré les
oeuvres. On se demande même com-
ment ayant affaire à si forte partie, les
excellents employés de l'octroi ont pu
flairer la. fraude, découvrir le truc.
Voici, par exemple, quelques plan-
ches. Elles ont l'air tort innocent, ces
penches. Ce sont des planches (Jb'ooi
dirait destinées à une construction. En
un mot, ce sont 'de vraies planches.
Frappez-les de votre canne, elles ont le
bruit mat du bois, sans aucune rèsorr-
nance révélatrice.. Et, cependant, ces
planches sont coupables, elles sont cri-
minelles : ce sont des agents de fraude
et on les Rsaisies en flagrant délit. Elles
sont évidées, l'intérieur en est rendu
étanche, et on s'en servait pour passer
de l'alcool. Chacune d'elles faisait l'of-
fice de fût — de fût allongé et aminci
jusqu'à l'extravagance, mais non jus-
qu'à l'inutilité.
Voici, maintenant, des couronnes
mortuaires. « A mon père ;> dit l'une
d'elles. « Mon père » devait bien aimer
l'alcool» puisqu'en. souvenir de lui on
en remplit cet hommage funèbre. Oui,
cette couronne, qu'une jeune fille, les
,. - 1
larmes aux yeux peut-être, avait à son
bras en franchissant la barrière, conte- -
nait ses deux bons litres !. n
, .Ici, ce sont ce qu'on pourrait appeler »
les « ïaux paquets w. On dirait un ron*"1
leau de toile, une pendule sous un
globe, un carton à chapeaux. : ces ob- >
jets ne sont que des façades : ils son f *
évidés, doublés de îer blanc et condi-
tionnés pour recevoir le liquide. Cette *
table, qu'un honnête charpentier s'en 1
allait « livrer » : son tiroir est un réser-,
voir, et ses. quatre pieds contenaieni
aussi de l'alcool. — - •
Mais voici. ah ! voici des corsets i *
On nous l'avait dit, mais nous - n'y
croyions pas 1 Et c'est pourtant vrai
tout de même 1 Ces corsets en métal.
sont épais de quelques centimètres. La *
petite dame fluette qui s'en revêt doit :
soudain apparaître comme une opulen- !
te matrone, mais qui donc s'aviserait —
hormis un employé d'octroi — que son -
ample corsage peut servir à la fraude 7.
, Le truc est classique, nous dit-on, et- f
couramment employé. Mais on l'a trop
souvent éventé, en dépit de la difficulté
qu'il, présente à cet égard, et il est
moins en honneur. Par contre, les faux
jupons en toile imperméable, les ves-
sies qui se cachent sous la robe, sont, :
d'usage pour ainsi dire quotidien. :
Ce « musée » a été crée., parce qu'il
fallait bien remiser quelque part ces in-
téressants témoins, et surtout pour
l'édification et l'éducation des employés:
c'est là que viennent les jeunes, les
nouveaux, se familiariser avec les mille:
tours que les ingénieux fraudeurs s'ap-
prêtent à leur jouer.
Nous avons vu une voiture qui est
une merveille du genre ; la caisse : ré- ,
servoir ; les coussins : réservoir ; les
jantes ? réservoir ; le dessous des ban- ,
queUes: : réservoir. Ça doit coûter cher
à établir un instrument de ce genre r
mais une fraude quotidienney non trou'
blée, est très rémunératrice : on n'hé- 1~l
site donc pas à faire des frais.., - ;
■ • * **#
On ne peut s'empêcher, en sortant de .j
là, de penser qu'il est fort dommage
que tant d'ingéniosité soit ainsi dépen-
sée dans un but de fraude et de malhon-
nêteté : appliquée à des choses licites,
elle n'eût pu mânquer de produire de
petites merveilles !. —
Mais voilà, l'homme est ainsi fait. Et
il en est pour lesquels cent sous « ca-
rottés » à la douane ou à l'octroi sont
plus agréables que dix francs honnête"
ment gagnés 1 - -,-
t R. V. S.. ,"
—
Les événements du Maroc
- t
t
La situation à Fez. - Une tentative contre
, Moulay-Hafid ,.,' -
4\ Tanger, 15 janvier.
Des bruits contradictoires continuent li
circuler au sujet de la situation à Fez.
La foule est redevenue calme.
On apprend maintenant que Moulay-Abd-
-es-Sale.*fn-el-Mraiii,.' qui avait été nommé 1
khalifa provisoire de Moulay-IIafid à Fez, -
a tenté de s'emparer du pouvoir par sur-
prise, 'afin -de rétablir l'autorité d'Abd-el-
Aziz. S'étant secrètement entendu, pour
mener à bien cctte opération, avec le pa-
cha de Fez, el-Dj, qui co-m-mande la
partie de la ville contenant les arsenaux
et les casernes, il avait fait prendre les ar-
mes et les munitions. Abd-es-Salem-el-
Mrani avait fait ensuite* distribuer ces pro-
visions aux troupes placées sous ses or-,
dres.
Le caïd des Cherarda, qui était dans le
secret, a trahi le plan du pacha et l'ayant
ébruité, il a envoyé des émissaires ameu-J
ter la populace.
Sous la pression d'une foule hostile, Abd- *
es-Salem-ei-Mrani a dû jurer sur le Coran 5
de renoncer à son projet.
< La fête .ù'Aïd-el-Kebir a commencé. Tout *
est calme. - *
-
- « L'agitation à Rabat -- **
Tanger, 15 janvier.
Rabat, 10 janvier. — Comme aux re
miers temps à Casablanca, ou' conseille aux
Européens de rentrer chez eux. On com-
mence même à parler de défendre le con-j
sulat. ,
Hier, des Azemmour ont essayé de pé* j
néiirer dans Salé dont les portes ont été
fermées tandis que les Askrls se portaient
devant les pillards qui se sont retirés en
ramassant tout ce qu'ils ont trouvé sur leur;
route. i
Hier soir, les fonctionnaires civils et re-
ligieux et les notables de Rabat et de Salé
ont été mandés au Dar-el-Maghzeri. Une
longue séance a ou lieu qui a duré trois
heures. On a donné lecture d'une lettre de
Fez annonçant la proclamation de Moulay-
Hafid. C'est tout ce qu'on a su de cette
séance.' --< * >.
A Rabat, la population est agitée. Tout
t'e monde est soucieux. On "d»t que des
coups de feu ont été tirés hier dans la nuit
sur le Dar-el-MagJizen et les soldats ont
exploré la campagne.. ;
Toutes les armes déposées à la douane
ont été enlevées pendant la nuit et distri-
buées aux soldats. :
Rabat,- 14 janvier. — Hier est arrivée la
mehalla de Bagdadi. La ville est un peu
plus calmé. On prend des précautions pour
éviter toute surprise. Des postes de sol-
dats ont été placés aux portes de chaque
Européen et dans les rues fréquentées par,
eux. - f«
L'approche de la fête de l'Aîd-el-Kébir at. J
tire de nombreux indigènes en ville. Le'
maghzen a [Oit emprisonner tous ceux qui
sont accusés d3 menées anti-azizistes. Un
commerçant bien connu en ville, a été ar- !
rêté pour la même raison. "-il,
-Les troupes françaises sont à BouznàkaV
à cinq heures de Rabat.
Le maghzen est toujours inquiet, bien
qu'aucune confirmation des faits ne.. soit
arrivée. ,'.
On dit que le sultan a l'intention de ren
trer à Fez, mais. ce sont là de simples.
promesses au-x notables de la ville,.comme
il est d'usage d'en faire dans pareils cas.
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