Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-12-28
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 28 décembre 1908 28 décembre 1908
Description : 1908/12/28 (N14171). 1908/12/28 (N14171).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
N. 14171 — 7 Nivôse An 117. -- -, - - -. GùiQ C:ENTÍ_.r LE NOMÉKO
Lundi 28 Décembre 1908. — N* 14171
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TRIBUNE LIBRE
,,, 0-Ubet e
L'Agitation royaliste
..ut..
On a toujours mauvaise
grâce à jouer au prophète
et à s'écrier, lorsqu'un évé-
nement se produit : « Je l'a-
vais bien dit ! » Pourtant,
je ne puis m'empêcher de
rappeier qu'ici même dans la Tribune
Libre du Rappel,j'ai signalé, il y a plu-
sieurs mois,le mouvement royaliste dont
nous voyons aujourd'hui les premiers
effets.
Tandis que j'appelais ainsi l'atten-
tion des républicains sur l'effort d'or-
ganisation que commençaient les adver-
saires irréductibles de la République,
le gouvernement affirmait sa parfaite
quiétude. « Nous n'avons pas * d'enne-
mis à droite, çlisait à Rennes, M. le
président du conseil- Nous n'avons pas
d'ennemis du tout ». Mais,d'autre part,
il se proclamait « en bataille » contre
le syndicalisme et le socialisme.
Les faits répondent aujourd'hui.
Oh ! certes, il ne faut pas exagérer
l'importance des incidents qui viennent
d'avoir lieu.
L'irruption d'une centaine de jeunes
gardes royalistes dans la cour du Sé-
nat, ni la lâche agression dont notre
vénérable président de la République a
été l'objet, ne sauraient mettre en pé-
ril le régime républicain. Elles vont, au
contraire, ouvrir les yeux aux moins
clairvoyants et leur permettre de juger
mieux la situation présente.
Mais il est évident que ces événe-
ments sont des symptômes qu'il ne faut
pas négliger.
Appelons gaminerie la manifestation
de quelques étudiants réactionnaires,
venant bousculer au cri de : Vive le
roi ! le concierge du Sénat.
Admettons que le geste du garçon de
café Mathis contre M- Fallières soit
l'acte d'un esprit faible, fanatisé par
la propagande cléricale.
Mais ce n'est pas une gaminerie que
l'initiative prise par M. Xavier de Cas-
telneau, réunissant, pour une action
commune, toutes les organisations ca-
tholiques de France : comités royalis-
tes, comités de l'Appel au peuple, Ac-
tion libérale, Fédération des Jauoos,
etc., etc. Et les campagnes de l'Action
Française bien qu'elles soient d'une
violence invraisemblable, procèdent évi-
demment d'un plan bien arrête. Tout
au plus, cette violence peut-elle prou-
ver qu'il y a, à l'avant-garde du parti
monarchiste, des hommes d'une audace
sans bornes et qui sont vraiment prêts
à tout.
Eh bien ! sans nous exagérer, je le
répète encore, l'importance de ce mou-
vement, regardons chez nous et voyons
dans quel état se trouve le parti répu-
blicain.
Il est travaillé par des divisions fu-
nestes. D'abord, les deux grands par-
tis qui le composent, le parti radical
et le parti socialiste, multiplient l'un
contre l'autre les accusations et les at-
taques. Mais à l'intérieur même 'du
parti radical, de graves difficultés se
sont produites dont, par exemple, les
ëvénements qui viennent d'avoir lieu
au Conseil municipal de Paris ont été
les inquiétants symptômes.
Un grand malaise règne dans tout le
pays républicain. Il a pour cause d'a-
bord l'ajournement déplorable des ré-
formes promises et les luttes dont je
viens de parler.
C'est parce qu'ils ont vu combien
cette situation d'inquiétude leur était
favorable que les royalistes sont entrés
en campagne. Ils ont cru l'occasion
bonne et ils essaient d'en profiter, com-
me ils l'ont fait au moment du boulan-
gisme et de l'affaire Dreyfus.
Assurément, la situation actuelle ne
présente pas les périls contre lesquels
il fallut lutter dans les heures diffi-
ciles de ces crises redoutables.
Mais si nous ne voulons nas que le
malaise dont nous souffrons s'accroisse,
il faut, dès maintenant, revenir aux mé-
thodes qui furent employées alors : il
faut revenirl'union des républicains
tirais et à l'action démocratique effi-
tace.
Le pays, cela n'est pas douteux, est
pour la République et les agitateurs
royalistes en tant que tels ne peuvent
rien sur lui. Mais il est pour la Répu-
blique républicaine, populaire, réfor-
matrice, le gouvernement de progrès et
de justice sociale. Pour dire plus clair,
la République ne fut jamais plus for-
te, plus assurée contre toutes les tenta-
tives, qu'aux jours troublés pourtant,
où tous les démocrates descendaient
dans la rue pour acclamer le magis-
trat qui la symbolisait et contre lequel
fies hommes du trône et de l'autel
avaient exercé des violences pareilles à
telles dont Me Fallières a été l'objet.
C'est qu'alors l'union des républi-
cains était solidement scellée parce
que l'espérance démocratique emportait
tous les cœurs. -
Mais les périodes de doute, de dé-
couragement, de lassitude, celles où la
foi diminuant les hommes de gauche,
peu satisfaits d'eux-mêmes, s'accu-
sent les uns les autres, fournissent aux
adversaires de nos institutions un excel-
lent terrain d'action. Ils s'efforoont
alors de grouper autour d'eux les mé-
contents et commencent l'agitation an-
tirépublicaine. -
Nous entrons dans une de ces pério-
des. Il est encore très aisé d'en sortir
et de réduire à l'impuissance les me-
neurs monarchistes. Pour y parvenir,
il suffit de renoncer définitivement à
une politique de désunion et de redon-
ner de l'élan au courant démocratique-
Le gouvernement, à cet égard, ne
peut pas tout, mais il peut beaucoup.
Il peut, par son action personnelle, di-
riger et entraîner celle de tous les ré-
publicains.
Les événements ont dû l'éclairer. Il
est impossible, à l'heure actuelle, de
nier l'apparition réactionnaire et cléri-
cale. Il est évident qu'elle est plus vé-
hémente que jamais. C'est contre eUe
qu'il faut gouverner en faisant appel à
toutes les forces républicaines du pa^
et à celles-là seulement.
René RENOULT,
Député de la Haute-Saine.
LA POLITIQUE
A PROPOS DE LA BOSNIE
ET DE L'HERZECOVINE
Il est impossible, mora-
lement, d'accepter sans récri-
minations l'annexion de la
Bosnie et de l'Herzégovine,
telle - qu'elle a été opérée par
M. d'jErenthal.
On comprend donc aisément les mou-
vements d'hostilité qui se dessinent dans
tous les milieux probes contre le coup
d'audace qu'imagina le chancelier autri-
chien,
Bosniaques, Herzégov.iniens, Serbes,
Monténégrins n'avaient pas perdu l'es-
poir de faire un jour un rapprochement
basé sur les liens de races et de souve-
nirs historiques.
La politique viennoise a mis fin à
cette espérance et tous les Slaves compa-
tissent aux regrets et aux colères des
infra-danubiens.
A la Douma, l'opimion hostile à l'Au-
triche s'est manifestée très énergique-
ment à l'extrême-droite et à Textrême-
gauche. On y a vivement pris à partie
M. Isvolsky pour n'avoir pas fait un
casus belli de l'annexion 'de la Bosnie
et de l'Herzégovine.
Faut-il croire cependant que les par-
tisans d'une politique antiautrichienne
auraient poussé jusqu'au bout leur idée;
qu'ils auraient pris la responsaibilité
d'engager unie guerre, s'ils J'avaient
pu ? C'est peu vraisemblable.
La colère des Russes qui se dépitent
de l'impuissance visible de M. Isvolsky
devrarit se tourner surtout contre tous
ceux qui par leur - pusillanimité, leurs
fautes amenèrent les désastres de Mand-
chourie.
Si la Bosnie et l'Herzégovine n'ont
pas été protégés par le prestige de
Saint-Pétersbourg, c'est à la bataille de
Moukden qu'en remonte La cause.
Car, hélas ! si l'ost excepte Talley-
rand et ThieTs, il fut peu de grands di-
plomates dans les peuples qui se'relè-
vent à peine d'une défaite militaire.
LES ON-DI'r
- .;.;1:
NOTRE AGENDA' .::5<
'A-itiou?, d'ibiti dimanche ;
Lever du soleil, à 7 h. 55 ; coucher, à
4 heures 7.
Matinées : dans tous les théâtres, sauf à
l'Opéra. -"A Vincennes, Pau et M&irseille.
Courses : A Vincennes, Pau et Marseille.
La clientèle
L'autre matin, un des mamelucks de
la gauche radicale-progressiste — fi-
dèle majoFitard s'il en fut - se Tend
place Beauvau.
Il est mécontent, de son préfet, qui ne
choisit pas ses relations avec ciroons-
pection, et qui s'est oublié jusqu'à dî-
ner chez des l'ad i c-aux - s oc i aï i s te s impé-
nitents.
Il expose la situation à M. le prési-
dent du conseil, qu^ fronce le sûurcill.
— « Attendez, 'dit-il''brusquement,
nous allons faire ve-nir Roth ».
Roth est mandé. Roth arrive et rec-
tifie la position.; -
..,..-, « flOU), mon ami, ordonne le pré-
sident, vous allez télégraphier immé-
diatement au préfet de Loire-et-Rhône
qu'il n'ait plus à dîner en ville sans la
permission de monsieur ! »
LEURS PROFILS
M. Victor Méric
Né au Luc (Var) en 1848. Fils de proscrit.
Ancien élève diplômé des Arts et Métiers.
Républicain radical-socialiste.
M. Méric fit au congrès du Luc acte
d'adhésion formelle, en 1885, à la liste Cle-
nienceau; contre celle de Jules Roche.
En 1891, il fut tête de liste à Toulon con-
tre la municipalité Richard, faisant appel
à la collaboration dévouée des militants ré-
publicains ouvriers.
Il fonda, à cette occasion, le grand cer-
cle de la Fédération républicaine du Var.
idéalisant ainsi l'idée du Bloc avant la
lettre.
En 1896, les Varois lui offrirent la can-
didature au Sénat on remplacement de M.
Edmond Magnier. M. fMéric, généreux et
modeste, s'ettaça devant celle de M. Bayol,
un ancien proscrit de 1851, qui fut élu.
En 1898, les délégués varois envoyèrent
ce ferme et impeccable répubticain siéqer
au Sénat en remplacement de M. Anglès,
décédé.
M. Mé.ric est réputé au Luxembourg pour
un travailleur infatigable. Il a abordé, à
maintes reprises ta tribune et toujours uti-
lement ; sa parole est toujours écoutée par-
ce qu'on la sait sincère.
Il a été, pendant plusieurs années. mem-
bre de la commission des ifnances, qui le
choisit comme rapporteur du budget de la
marine
,Président de la commission de la marine,
il voit chaque année son mandat renouvelé
par la confiance de ses collègues.
En otttre, il est actuellement président de
la commission supérieure des Invalides ;
vice-président du conseil supérieur de la
navigation ; président de la commission
d'enquête sur la m(zil.*ne avec M. Monis
comme rapporteur.
Appelé par ses collègues à donner son
avis autorisé à la tribune, M. Méric clama
la vérité qui éclate aujourd'hui et sut faire
adopter, à l'unanimité, par le Sénat les con-
clusions du rapport de sa commission.
M. Méric a été à la fois prés'ident et rap-
porteur, notamment de lu, loi des demi-sol-
des concernant les pensions de retraite des
marins et des pêcheurs, loi dont itprépara
Vélaboration et qu'il lit triompher.
Le sénateur de Toulon est encore mem-
bre de la section permanente du conseil su-
périeur de la marine marchande au-minis-
tère du commerce et du comité supérieur
de Venseignement au même ministère ;
membre de la commission de la Sépara-
tion des Eglises et de l'Etat, de la commis-
sion d'enquête sur la liquidation des con-
grégations. et de la commission des retrai-
tes ouvrières.
Au point de vue des intérêts locaux, M.
Méric a toujours été le zélé défenseur de
l'assallnissement de la ville de Toulon, ain-
si que celui des intérêts commerciaux du
port.
Il a été l'un des premiers et le plus ar-
dent promoteur de la question des eaux de
Fontaine-l'Evêque.
Il a fait accepter, par le- ministère de
l'agriculture, les bases sur lesquelles on a
élaboré le projet de loi qui a été déposé sur
le bureau de la Chambre.
Il ne faut pas oublier, à ce sujet, les pa-
roles prononcées en 190^" par M. Clemen-
ceau, candidat au Sénat ;
« Pour la question de Fontainë-VEvêque,
je vous renvoie à la brochure de notre ami
Méric ».
M. Méric, de l'aveu même de ses adver-
saires politiques, car il n'a pas d'ennemis
personnels, est un citoyen irréprochable,
dans toute l'acception du mot.
C'est un représentant intègret que toutes
les forces de l'administration soi-disant ré-
publicaine du dépatrement du Var. sur les
instructions du président du conseil, com-
battent actuellement par les pires moyens
pour lui arracher — sans pouvoir y parve-
nir, nous en sommes certains — le siège
qu'il occupe aussi dignement qu'utilement
au Sénat.
M. le docteur Sigallas
M. le docteur Sigallas est, avec M. Méric,
un des artisans de la fortune politique de.
M. Clemenceau dans le Var. Il a lieu de
s'en féliciter aujourd'hui.
Membre de plusieurs commissions au Sé,
nat, de 1902 à 1908, où sa compétence a
toujours été fort appréciée, M. Sigallas a
souvent pris la. parole dans les discussions
du budget, ainsi que dans la discussion de
la proposition de loi sur la réglementation
des eaux de la Durance.
M. Sigallas, qui jouit dans le golfe de
Grimaud d'une très grande popularité que
lui ont justement valu son activité et son
dévouement pour la défense des intérêts
locaum qui lui sont confiés, partage avec
son compagnon de lutte et ami M. Méric,
l'honneur d'être combattu avec acharne-
ment par M. Clemenceau, dont il fut le par-
rcsin dans le Var, et qu'il tlétendit jadis au
cours de toutes les luttes électorales.
Malgré toutes les manœuvres employées,
les délégués sénatoriaux sincèrement répu-
blicains, resteront fidèles à ce vaillant mi-
litant et lui renouvelleront son mandat de
senateur le 3 janvier prochain.
Le remplaçant
Un Américain, M. Davis, ayant per-
mis à sa femme d'aller en France ren-
dre visite à des amis, celle-ci s'embar.
qua sur un transatlaintique. Son mari
voulut bien l'accompagner jusque-là.
Le bateau démarra bientôt et, comme
il est d'usage en pareil cas, un échange
de salutations s'opéra aussitôt entre le
navire et le quai d'embarquement.
M. Davis agita un foulard rouge,
mais soudain il s'approcha d'un pori
teur.
— Mon ami, lui dit-il, voulez-vous
gagner un dollar ?
- Volontiers, répondit celui-ci.
- Eh bien ! tenez, prenez ce foulard,
et continuez à l'agiter jusqu'à complète
disparition du baieau ; ma femme n'y
voit pas très bien, et pourvu qu'elle
continue à apercevoir le foulard, tout
ira bien. Voici ma carte, vous viendrez
me rapporter le foulard, et je vous re-
mettrai l'argent.
Et M- Dvi. s'éloigna .f$Í!\A.t E,(}1\f
vaquer à ses affaires, pendant que,
consciencieusement, le porteur conti-
nuait à agiter le foudard rouge.
L'ATTELAGE
L'attelage de cet étrange véhicule que
MM. Joseph Prud'homme et Adolphe Mau-
jan appellent. le et Char de l'Etat Il offre
en ce moment un curieux spectacle.
Les quinze « coursiers » qui s'y trouvent
attelés ne tirent plus d'ensemble à franc
collier. Les uns vont à Il hue ,;) et les autres
à Il dia ». Il est visible qu'ils sont mal ap-
pareillés.
L'attelage ministériel comporte, en effet,
des éléments hétéroclites que l'on peut
néanmoins classer en deux catégories bien
distinctes. D'une part, de vieux (c bidets »
sur leurs boulets, antiques chevaux de cir-
que qui piaffent sur place et dont le seul
objectif est la pitance ; d'autre part, quel-
ques jeunes étalons, au passé déjà bril-
lant, à l'avenir prometteur, qui hennissent-
d'impatience et qui commencent à ruer
dans les brancards.
On conçoit mal Briand-Bucéphale accou-
plé à Maujan-Rossinante.
Aussi, le Il Char de l'Etat » est étrange-
ment cahoté. Une pierre malencontreuse,
une pelure d'orange, et vous le verrez
verser !
,——————————— ———————————.
TOUJOURS LA MARINE
On lit dans le Cri de Taris :
L'arrivée de M. Alfred Picard fut assjz
mal accueillie, dans les 'milieux bien pen-
sants de la marine. On craignait son es-
prit révolutionnaire, sa manie de toucher
à tout et les velléités de réformes radicales
qu'on lui attribuait.
M. Alfred Picard a, fort heureusement,
calmé toutes les appréhensions. Jamais la
religion n'a été plus ep honneur, rue
Royale, que depuis son avènement au mi-
nistère. M. le capitaine de vaisseau Morin,
son chef de cabinet, est un officier édifiant.
Tous les dimanches, il interrompt sa beso-
gne régulièrement à dix heures du matin,
en disant :
— Maintenant, messieurs, c'est l'heure
de la messe.
Sous le ministère Clemenceau et dans
cette période de séparation religieuse, il
faut féliciter M. Alfred Picard de l'excellent
exemple qu'il fait donner par ses subalter-
nes les plus directs.
- ,- u * .;¡.
Ce n'est pas tout.
On prépare en ce moment le tableau d'a-
vancement des lieutenants de vaisseau. il
était à craindre que M. Picard ne voulut
faire une part trop large aux officiers dé
fortune qui ont pu se glisser dans la ma-
rine, et qui ont la fantaisie paradoxale de
se dire républicains.
M. Picard, au contraire, fait preuve du
plus louable esprit de conservation. Sur
quatorze officiers qui sont portés au ta-
bleau d'avancement, onze sont fils d'ami-
raux. Le ministre s'est rappelé que le Code
de la marine, bien connu de tous les offi-
ciers de la flotte, commence par ces deux
articles :
Article premier. — L'avancement dans
la marine est réservé au vrai mérite.
Art. 2. — Le vrai mérite ne se rencontre
que chez les fils d'aiiïtraux.
Pourvu que le nombre des catastrophes
reste le même, on pourra dire que rien
n'est changé dans la mariné.
-
CARNET DU LIBRE PENSEUR
Les luttes d'influences
pour le chapeau rouge
Les rangs des cardinaux se sont singu-
lièrement éclœlrcis depuis quelque temps,
et la nomination de nouveaux titulaires
fait t'objet, en ce moment, de toutes les
préoccupations de la curie romaine.
La mort du cardinal Lecot a réduit à
trois le nombre des cardinaux français, et
on intrigue de tous côtés, à l'étranger,
pour éviter la nomination de nouveaux car-
dinaux français et italiens.
Le cardinal Lecot avait été un de
ceux qui avaient 'le plus vigoureusement
agi dans le but de mettre un frein à iïin-
trarçsigeance du Vatican et on craint, dans
l'épiscopat français. que les concessions
par lui obtenues soient retirées, car le car-
dinal Coullié, malade, ne peut agir, et les
cardinaux Luçon et Andrieux sont trop les
créatures du pape pour oser s'imposer à la
curie romaine.
L'inquiétude est d'autant plus grande
parmi nos épiscopes que le bruit court au
Vatican que la candidature de M. de Ca-
brières, évêque de Montpellier, au fauteuil
du cardinal Mathieu, à l'Académie fran-
çaise, est une manœuvre de la part des
monarchistes pour obtenir que le pape
veuille enfin accorder à ce candidat le cha-
peau de cardinal, et que le pape, en raison
même âe cette pression, est plus que ja-
mais décidé à refuser la pourpre à l'éve-
que de Montpellier.
q. Des profanes comme nous, ne peuvent
que trouver étrange que l'appui des mo-
narchistes soit une mauvaise recommanda-
tion auprès du Vatican. Peut-être en con-
naîtrons-nous plus tard les raisons. En at-
tendant, nous ne pouvons que nous borner
à enregistrer le fait.
Tiraillé de tous- côtés par les Allemands,
qui se plaignent de n'être plus représentés
dans le Sacré-Collège., par les Anglais et
les Canadiens, qui demandent aussi la no-
mination de cardinaux, par tes Italiens,
dont les influences sont telles, au Vatican,
que Pie X n'ose se résoudre à accorder un
trop grand nombre de chapeaux rouges à
des prélats non italiens, le pontife romain
se trouve débordé. Aussi a-t-il pris le parti
de renvoyer à la fin de février ou au com-
mencement de mars. le consistoire qui doit
procéder à la nomination de nouveaux car-
îdinaux.
Les luttes d'influences. qui viennent de
couvrir présentent un réel - intérêt pour tes
destinées de lgtise. Nous aurons l'oeca-
f im "!J. revenir* rn. .G.-'
LA CANDIDATURE OFFICIELLE
DA N S L E VA R.
—t «
La candidature de M. Clemenceau. — Amis et comparses. *
Pression administrative. — Guerre aux
municipalités indépendantes.
Dans le département du Var — nul n'en
ignore ! — c'est M. Georges-Benjamin Cle-
menceau, président du conseil, ministre de
l'intérieur, député sorti et sénateur sortant,
qui opère lui-même.
L'opération est césarienne. Car jamais
(même sous l'Empire) on ne vit manœuvres
officielles plus cyniques, pression adminis-
trative plus éhontée, régime plus scanda-
leux d'arbitraire, candidature officielle plus
impudemment établie.
Les procédés couramment employés par
les fonctionnants de M. Clemenceau sont
tels, que les méfaits de M. de Persigny et
de M. de Fourtou ne sont en oomparaison,
que des jeux enfantins.
Avant de préciser, il importe de rappeler
quels sont les adversaires en présence,
quelle est la situation politique du départe-
ment et comment M. Clemenceau risquait
fort d'y être battu par le suffrage restreint
de même qu'il le fut par le suffrage univer-
sel, si M. le président du conseil, ministre
de l'intérieur, n'était pas accouru fort op-
de
portunément à son secours.
-Personne ne s'étonnera d'apprendre —
l'incohérence, et l'oubli des principes et des
services rendus, ayant été articles d'impor-
tation dans le Var — que M. Clemenceau a
pour adversaires ses anciens amis, auteurs
de sa fortune 'politique, et, pour amis, ses
anciens adversaires, artisans de ses défai-
tes électorales.
Ce ftirent, en effet, les deux sénateurs
radicaux-socialistes sortants du Var, MM.
Méric et Sigallas, deux probes et vaillants
républicains de la vieille école, qui eurent
la pensée d'offrir la candidature sénatoriale.
à M Clemenceau en 1902.
Depuis 1893, en effet, à la suite de son
exécution par Paul Déroulède, M. Clemen-
ceau, écrasé aux élections législatives, n'é-
tait jamais parvenu à se faire réélire par
le suffrage universel et à reconquérir un
siège à la Chambre.
MM. Mérie et Sigallas, désireux de lui mé-
nager une réparation et une revanche si
vainement désirée, si longtemps attendue,
posèrent non seulement sa. candidature,
mats se prodiguèrent pour -- la faire triom-
pher.
Grâce à leur intervention énergique, à
leur concours dévoué, M. Clemenceau fut
élu.
A ces deux impèccables républicains qui
lui servirent de caution et qui lui tendirent
la main aux heures critiques, M. Clemen-
ceau s'apprête à payer sa dette de recon-
naissance en cherchant à les évincer du
Sénat où il n'est entré que grâce à eux.
LES CANDIDATS OFFICIELS
Ainsi, à la liste raxficale-socialiste des
sénateurs sortants, MM. Méric et Sigallas,
M. le président du conseil, ministre de l'in-
térieur, oppose une liste officielle composée
de ; MM. Clemenceau, ancien radical; Louis
Martin, ancien 'boulangiste, et Reymonenq,
ancien anarchiste.
Nous n'entreprendrons pas de tracer ici
le. portrait de M. Clemenceau. Le cadre est
trop étroit et la silhouette trop connue. Ja-
mais orateur et polémiste d'opposition ne
prit à tâche de se renier plus « radicale-
ment » au pouvoir.
Les dernières années de M. le président
du conseil auront été employées à gouver-
ner presque uniquement contre M. Clemen-
ceau. Après avoir exercé son instinct for-
midaible de destruction contre tous les hom-
mes et toutes les institutions du parti ré-
publicain, M. Clemenceau a pris à tâche de
couronner son entreprise de démolition gé-
nérale en détruisant tout ce qui constituait
SUIl pu-feise.
Il n'est plus aujourd'hui une seule pa-
role, un seul écrit de M. Clemenceau qu'il
n'ait pris un plaisir infernal à contredire
par ses actes.
Et c'est ainsi que cet écrivain de grande
race et cet orateur d'incisive originalité n'a
su donner à son essai néfaste de gouverne-
ment qu'un aspect de manoir à l'envers, et
qu'il ne laissera à ses contemporains éba-
his que l'impression d'un hanneton tragi-
que se heurtant à toutes les parois d'un
tambour.
SON AMI, LOUIS MARTIN
M. Louis Martin, qui assiste, en qualité de
premier témoin, M. Clemenceau dans son
duel contre la démocratie du Var, a été suc-
cessivement candidat dans toutes les cir-
conscriptions de ce département.
En 1889, il commença par se présenter
contre Cluseret" A ce moment, M. Clemen-
ceau lui jouait l'aimable tour d'aviser par
dépêche les électeurs de sa circonscription
qu'il avait été rayé du barreau de Paris.
Antidreyfusiste fougueux, anticlémencis-
te acharné, M. Louis Martin s'était fait ar-
rêter sur les boulevards; à Paris, pour
avoir crié : « A bas Loubet ! »
ônduit au poste, il ne dut alors d'être re-
lâché qu'à l'intervention dévouée de iJ.
Maurice Allard, député socialiste.
En 1902, lorsque MM. Méric et Sigallas
offrirent la candidature sénatoriale à M.
Clemenceau, M. Louis Martin voulut poser
l'a, sienne contre lui. On eut toutes les pei-
nes du monde à l'empêcher de combattre
le président du conseil actuel.
Lorsqu'il parvint enfm à se faire élire
député de l'arrondissement de Toulon con-
tre M. Grébauval, ce fut sur un programme
socialiste, en opposition complète avec celui
de M. Clemenceau.
Tel est le premier compère de M. le pré-
sident du conseil dans la campagne élec-
torale du Var.
SON AMI REYMONENQ
Le second, M. Reymonenq, est surveil-
lant technique de l'arsénal de Toulon, mai-
.re de la Roquebrussanne, conseiller général
du Var.
M. Fteymortefiq a commencé par être
Anarchiste au temps où il n'était qu'ouvrier
manœuvre, c'est-à-dire frappeâUX for-
ges du port
"ûrat-eur écouté des syndicats révolution.,
naires, il excellait à prononcer de sa voix
chaude et vibrante qui « remuait Il les fou-
les, des réquisitoires violents contre M,
Clemenceau qui ne comptait pas dans la
Var d'adversaire plus a.ch.arné et plus vio.,
lent que h1i..
Mais depuis l'arrivée au pouvoir de M.
Clemenceau, le compagnon Reymonenq sen.
tit s amollir en son cœur sa vieille haine
anticlémenciste et antibourgeoise Au rné<
pris de toutes règles et de toute équitét;
le compagnon Reymonenq devenu MonSeur
Reymonenq, fut improvisé surveillant tech.
nique à l'arsenal de Toulon. En violation
formelle des règlements en vigueur, il fut
autorisé à faire de la politique active. Lesr
congé lui furent prodigués, et c'est ainsï
que l'on vit avec stupéfaction le surveillant
technique de l'arsenal de Toulon, guidé par
un bon génie protecteur, se présenter dans
l'arrondissement de Brignoles, à l'autre
bout du département, successivement à la'
de Roquebrussanne, puis au conseil
général.
M. Reymonenq avait été touché subite-
ment par la grâce clémenciste. Il était de-
venu 1 ami et le confident du président du-
conseil Le préfet du Var prenait ses or-
dres et c'est tout juste si l'ancien compa-
gnon anarchiste ne lui' impose pas l'obli-
gation du baise-pied - t
On prétend que M. Reymonenq, surveil-
lant technique de l'arsenal de Toulon, fut*
consulté par M. le président du conseillera
de la disgrâce de l'amiral Genilinet, et
fe fit. l'interprète de certains mar-'
enand-s de vins du port qui reprochaient vio-
lemment à l'amiral d'entraîner constam-
ment ses équipages en mer, au lieu de les
laisser s'entraîner sur le zinc.
UNE VICTIME DE M. CLEMENCEAU
Quoi qu'il en soit, la fortune politique du
manœuvre Reymonenq contraste singuliè-
rement avec la lamentable disgrâce de son-
camarade Marc CDlombani, manœuvre du,
port lui aussi. Colômbani, qui avait le tort*
de n'être m anarchiste ni clébtenciste, futoi
un beau jour élu conseiller général du
3e canton de Toulon, par suite d'une fantai-
sie des électeurs.
Immédiatement, ce malheureux ouvrier,
père de famille, qui gagnait un salaire de
4 fr .50 par jour, fut mis à la retraite,
d oince sur l'ordre de M. Clemenceau, avec'
une pension de 50 francs par mois pour
nourrir une femme et quatre enfants !
Cependant, M. Clemenceau — naguère l'
— nous disait :
Qui sait quels sentiments ferait jaillit
au cœur de la masse la bonté sociale, Id
bonté active d'un gouvernement, allant à*
eux sans gendarmes ni fusils, avec de la
bonne volonté et le désir vrai, profondt,
d employer toute la force dont il dispose:
pour mettre un peu plus de justice dans
ce mOnde. » ,
Plus de ministres ! des hommes ! )1
LES COMPARSES
Si la liste des candidats officiels de M le
président d:u conseil apparaît passablement
bariolée et constitue une étrange bouilla-
baisse de rascasse anarchiste, d'oursin na-
tionaliste et de safran caporaliste, la cohor-
te des comparses n'est pas moins hétéro-
clite et forme la plus étrange loque d'arle-
quin que l'incohérence la plus folle ait pu.
imaginer.
En tête des nobles gentilshommes de la
suite clémencjste,figurent avantageusement
M. Charles Roche, conseiller général réac-
tionnaire de Toulon, et M. Marins Escarteli-
gue, maire de Toulon, plus avantageuse-
ment connu en anarchie sous l'aimablei
pseudonyme de « compagnon Jouvarin JI.
M. Charles Roche, avocat d'affaires très
répandu à Toulon, a été autrefois candidat
nettement anticlémenciste. Aux dernière.s
élections municipales, il s'est subitement
converti entre les mains expertes de M.
Reis, sous-préfet, ci-devant pasteur prot3s-
tant.
Il joua un rôle prépondérant dans l'éta-
blissement de la liste municipale officielle,
il unit ses efforts à ceux de M. Escarlefigue
dit Jouvarin, et il contribua utilement à'
faire élire une municipalité clémenciste en
remplacement des conseillers sortants so-
cialistes hostiles à la politique de M. Cle-
menceau.
Très habilement, M. Charles Roche s.il
acquérir une influence relativement consi-
dérable dans le département du var en se
faisant désigner comme rapporteur au con-
seil général, des deux plus importants
projets soumis aux délibérations de cette
assemblée : la création de la ligne des che-
mins de fer départementaux et la construc-
tion de la ligne téléphonique interdéparte-
mentale.
Les maires des communes, qui. presque
tous, rêvent d'avoir soit une station de che-
min de fer, soit un poste téléphonique, jjont
ainsi sous la dépendance de M. Roche et,
par ricochet, "dê M. Clemenceau, qui a su
s'assurer le concours actif du repré.-unîant
le plus distingué du parti réaction n a ire dans
le Var.
LE MAIRE DE TOULON
M. Marius Escartengue. ci-devant compa-
gnon Jouvarin, est présentement — nous
l'avons dit — maire de la ville de Toulon.,
Il fut tout d'abord anarchiste militanirà
Marseille, et sous le nom de compagnon
Jouvarin (dont il s'affubla), il se prodigua
dans les milieux révolutionnaires en prédi-
cations incendiaires et en appels virulents
à l'action directe.
M. Flaissières, ému par sa situation pré-
Caire, lui confia pendant quelque temps un
emploi subalterne dans l'administration!
municipale, mais le compagnon Jouvarin ne -
tarda pas à les abandonner pour aller,
exercer son éloquence dans les réunions pu- x
bliques de Toulon.
Il se signalait aux côtés de son compa
Lundi 28 Décembre 1908. — N* 14171
ANNONCES
AUX BUREAUX DU JOURNAL
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Rit chez MM. LAGRANGE. CERF etO*
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Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
TRIBUNE LIBRE
,,, 0-Ubet e
L'Agitation royaliste
..ut..
On a toujours mauvaise
grâce à jouer au prophète
et à s'écrier, lorsqu'un évé-
nement se produit : « Je l'a-
vais bien dit ! » Pourtant,
je ne puis m'empêcher de
rappeier qu'ici même dans la Tribune
Libre du Rappel,j'ai signalé, il y a plu-
sieurs mois,le mouvement royaliste dont
nous voyons aujourd'hui les premiers
effets.
Tandis que j'appelais ainsi l'atten-
tion des républicains sur l'effort d'or-
ganisation que commençaient les adver-
saires irréductibles de la République,
le gouvernement affirmait sa parfaite
quiétude. « Nous n'avons pas * d'enne-
mis à droite, çlisait à Rennes, M. le
président du conseil- Nous n'avons pas
d'ennemis du tout ». Mais,d'autre part,
il se proclamait « en bataille » contre
le syndicalisme et le socialisme.
Les faits répondent aujourd'hui.
Oh ! certes, il ne faut pas exagérer
l'importance des incidents qui viennent
d'avoir lieu.
L'irruption d'une centaine de jeunes
gardes royalistes dans la cour du Sé-
nat, ni la lâche agression dont notre
vénérable président de la République a
été l'objet, ne sauraient mettre en pé-
ril le régime républicain. Elles vont, au
contraire, ouvrir les yeux aux moins
clairvoyants et leur permettre de juger
mieux la situation présente.
Mais il est évident que ces événe-
ments sont des symptômes qu'il ne faut
pas négliger.
Appelons gaminerie la manifestation
de quelques étudiants réactionnaires,
venant bousculer au cri de : Vive le
roi ! le concierge du Sénat.
Admettons que le geste du garçon de
café Mathis contre M- Fallières soit
l'acte d'un esprit faible, fanatisé par
la propagande cléricale.
Mais ce n'est pas une gaminerie que
l'initiative prise par M. Xavier de Cas-
telneau, réunissant, pour une action
commune, toutes les organisations ca-
tholiques de France : comités royalis-
tes, comités de l'Appel au peuple, Ac-
tion libérale, Fédération des Jauoos,
etc., etc. Et les campagnes de l'Action
Française bien qu'elles soient d'une
violence invraisemblable, procèdent évi-
demment d'un plan bien arrête. Tout
au plus, cette violence peut-elle prou-
ver qu'il y a, à l'avant-garde du parti
monarchiste, des hommes d'une audace
sans bornes et qui sont vraiment prêts
à tout.
Eh bien ! sans nous exagérer, je le
répète encore, l'importance de ce mou-
vement, regardons chez nous et voyons
dans quel état se trouve le parti répu-
blicain.
Il est travaillé par des divisions fu-
nestes. D'abord, les deux grands par-
tis qui le composent, le parti radical
et le parti socialiste, multiplient l'un
contre l'autre les accusations et les at-
taques. Mais à l'intérieur même 'du
parti radical, de graves difficultés se
sont produites dont, par exemple, les
ëvénements qui viennent d'avoir lieu
au Conseil municipal de Paris ont été
les inquiétants symptômes.
Un grand malaise règne dans tout le
pays républicain. Il a pour cause d'a-
bord l'ajournement déplorable des ré-
formes promises et les luttes dont je
viens de parler.
C'est parce qu'ils ont vu combien
cette situation d'inquiétude leur était
favorable que les royalistes sont entrés
en campagne. Ils ont cru l'occasion
bonne et ils essaient d'en profiter, com-
me ils l'ont fait au moment du boulan-
gisme et de l'affaire Dreyfus.
Assurément, la situation actuelle ne
présente pas les périls contre lesquels
il fallut lutter dans les heures diffi-
ciles de ces crises redoutables.
Mais si nous ne voulons nas que le
malaise dont nous souffrons s'accroisse,
il faut, dès maintenant, revenir aux mé-
thodes qui furent employées alors : il
faut revenirl'union des républicains
tirais et à l'action démocratique effi-
tace.
Le pays, cela n'est pas douteux, est
pour la République et les agitateurs
royalistes en tant que tels ne peuvent
rien sur lui. Mais il est pour la Répu-
blique républicaine, populaire, réfor-
matrice, le gouvernement de progrès et
de justice sociale. Pour dire plus clair,
la République ne fut jamais plus for-
te, plus assurée contre toutes les tenta-
tives, qu'aux jours troublés pourtant,
où tous les démocrates descendaient
dans la rue pour acclamer le magis-
trat qui la symbolisait et contre lequel
fies hommes du trône et de l'autel
avaient exercé des violences pareilles à
telles dont Me Fallières a été l'objet.
C'est qu'alors l'union des républi-
cains était solidement scellée parce
que l'espérance démocratique emportait
tous les cœurs. -
Mais les périodes de doute, de dé-
couragement, de lassitude, celles où la
foi diminuant les hommes de gauche,
peu satisfaits d'eux-mêmes, s'accu-
sent les uns les autres, fournissent aux
adversaires de nos institutions un excel-
lent terrain d'action. Ils s'efforoont
alors de grouper autour d'eux les mé-
contents et commencent l'agitation an-
tirépublicaine. -
Nous entrons dans une de ces pério-
des. Il est encore très aisé d'en sortir
et de réduire à l'impuissance les me-
neurs monarchistes. Pour y parvenir,
il suffit de renoncer définitivement à
une politique de désunion et de redon-
ner de l'élan au courant démocratique-
Le gouvernement, à cet égard, ne
peut pas tout, mais il peut beaucoup.
Il peut, par son action personnelle, di-
riger et entraîner celle de tous les ré-
publicains.
Les événements ont dû l'éclairer. Il
est impossible, à l'heure actuelle, de
nier l'apparition réactionnaire et cléri-
cale. Il est évident qu'elle est plus vé-
hémente que jamais. C'est contre eUe
qu'il faut gouverner en faisant appel à
toutes les forces républicaines du pa^
et à celles-là seulement.
René RENOULT,
Député de la Haute-Saine.
LA POLITIQUE
A PROPOS DE LA BOSNIE
ET DE L'HERZECOVINE
Il est impossible, mora-
lement, d'accepter sans récri-
minations l'annexion de la
Bosnie et de l'Herzégovine,
telle - qu'elle a été opérée par
M. d'jErenthal.
On comprend donc aisément les mou-
vements d'hostilité qui se dessinent dans
tous les milieux probes contre le coup
d'audace qu'imagina le chancelier autri-
chien,
Bosniaques, Herzégov.iniens, Serbes,
Monténégrins n'avaient pas perdu l'es-
poir de faire un jour un rapprochement
basé sur les liens de races et de souve-
nirs historiques.
La politique viennoise a mis fin à
cette espérance et tous les Slaves compa-
tissent aux regrets et aux colères des
infra-danubiens.
A la Douma, l'opimion hostile à l'Au-
triche s'est manifestée très énergique-
ment à l'extrême-droite et à Textrême-
gauche. On y a vivement pris à partie
M. Isvolsky pour n'avoir pas fait un
casus belli de l'annexion 'de la Bosnie
et de l'Herzégovine.
Faut-il croire cependant que les par-
tisans d'une politique antiautrichienne
auraient poussé jusqu'au bout leur idée;
qu'ils auraient pris la responsaibilité
d'engager unie guerre, s'ils J'avaient
pu ? C'est peu vraisemblable.
La colère des Russes qui se dépitent
de l'impuissance visible de M. Isvolsky
devrarit se tourner surtout contre tous
ceux qui par leur - pusillanimité, leurs
fautes amenèrent les désastres de Mand-
chourie.
Si la Bosnie et l'Herzégovine n'ont
pas été protégés par le prestige de
Saint-Pétersbourg, c'est à la bataille de
Moukden qu'en remonte La cause.
Car, hélas ! si l'ost excepte Talley-
rand et ThieTs, il fut peu de grands di-
plomates dans les peuples qui se'relè-
vent à peine d'une défaite militaire.
LES ON-DI'r
- .;.;1:
NOTRE AGENDA' .::5<
'A-itiou?, d'ibiti dimanche ;
Lever du soleil, à 7 h. 55 ; coucher, à
4 heures 7.
Matinées : dans tous les théâtres, sauf à
l'Opéra. -"A Vincennes, Pau et M&irseille.
Courses : A Vincennes, Pau et Marseille.
La clientèle
L'autre matin, un des mamelucks de
la gauche radicale-progressiste — fi-
dèle majoFitard s'il en fut - se Tend
place Beauvau.
Il est mécontent, de son préfet, qui ne
choisit pas ses relations avec ciroons-
pection, et qui s'est oublié jusqu'à dî-
ner chez des l'ad i c-aux - s oc i aï i s te s impé-
nitents.
Il expose la situation à M. le prési-
dent du conseil, qu^ fronce le sûurcill.
— « Attendez, 'dit-il''brusquement,
nous allons faire ve-nir Roth ».
Roth est mandé. Roth arrive et rec-
tifie la position.; -
..,..-, « flOU), mon ami, ordonne le pré-
sident, vous allez télégraphier immé-
diatement au préfet de Loire-et-Rhône
qu'il n'ait plus à dîner en ville sans la
permission de monsieur ! »
LEURS PROFILS
M. Victor Méric
Né au Luc (Var) en 1848. Fils de proscrit.
Ancien élève diplômé des Arts et Métiers.
Républicain radical-socialiste.
M. Méric fit au congrès du Luc acte
d'adhésion formelle, en 1885, à la liste Cle-
nienceau; contre celle de Jules Roche.
En 1891, il fut tête de liste à Toulon con-
tre la municipalité Richard, faisant appel
à la collaboration dévouée des militants ré-
publicains ouvriers.
Il fonda, à cette occasion, le grand cer-
cle de la Fédération républicaine du Var.
idéalisant ainsi l'idée du Bloc avant la
lettre.
En 1896, les Varois lui offrirent la can-
didature au Sénat on remplacement de M.
Edmond Magnier. M. fMéric, généreux et
modeste, s'ettaça devant celle de M. Bayol,
un ancien proscrit de 1851, qui fut élu.
En 1898, les délégués varois envoyèrent
ce ferme et impeccable répubticain siéqer
au Sénat en remplacement de M. Anglès,
décédé.
M. Mé.ric est réputé au Luxembourg pour
un travailleur infatigable. Il a abordé, à
maintes reprises ta tribune et toujours uti-
lement ; sa parole est toujours écoutée par-
ce qu'on la sait sincère.
Il a été, pendant plusieurs années. mem-
bre de la commission des ifnances, qui le
choisit comme rapporteur du budget de la
marine
,Président de la commission de la marine,
il voit chaque année son mandat renouvelé
par la confiance de ses collègues.
En otttre, il est actuellement président de
la commission supérieure des Invalides ;
vice-président du conseil supérieur de la
navigation ; président de la commission
d'enquête sur la m(zil.*ne avec M. Monis
comme rapporteur.
Appelé par ses collègues à donner son
avis autorisé à la tribune, M. Méric clama
la vérité qui éclate aujourd'hui et sut faire
adopter, à l'unanimité, par le Sénat les con-
clusions du rapport de sa commission.
M. Méric a été à la fois prés'ident et rap-
porteur, notamment de lu, loi des demi-sol-
des concernant les pensions de retraite des
marins et des pêcheurs, loi dont itprépara
Vélaboration et qu'il lit triompher.
Le sénateur de Toulon est encore mem-
bre de la section permanente du conseil su-
périeur de la marine marchande au-minis-
tère du commerce et du comité supérieur
de Venseignement au même ministère ;
membre de la commission de la Sépara-
tion des Eglises et de l'Etat, de la commis-
sion d'enquête sur la liquidation des con-
grégations. et de la commission des retrai-
tes ouvrières.
Au point de vue des intérêts locaux, M.
Méric a toujours été le zélé défenseur de
l'assallnissement de la ville de Toulon, ain-
si que celui des intérêts commerciaux du
port.
Il a été l'un des premiers et le plus ar-
dent promoteur de la question des eaux de
Fontaine-l'Evêque.
Il a fait accepter, par le- ministère de
l'agriculture, les bases sur lesquelles on a
élaboré le projet de loi qui a été déposé sur
le bureau de la Chambre.
Il ne faut pas oublier, à ce sujet, les pa-
roles prononcées en 190^" par M. Clemen-
ceau, candidat au Sénat ;
« Pour la question de Fontainë-VEvêque,
je vous renvoie à la brochure de notre ami
Méric ».
M. Méric, de l'aveu même de ses adver-
saires politiques, car il n'a pas d'ennemis
personnels, est un citoyen irréprochable,
dans toute l'acception du mot.
C'est un représentant intègret que toutes
les forces de l'administration soi-disant ré-
publicaine du dépatrement du Var. sur les
instructions du président du conseil, com-
battent actuellement par les pires moyens
pour lui arracher — sans pouvoir y parve-
nir, nous en sommes certains — le siège
qu'il occupe aussi dignement qu'utilement
au Sénat.
M. le docteur Sigallas
M. le docteur Sigallas est, avec M. Méric,
un des artisans de la fortune politique de.
M. Clemenceau dans le Var. Il a lieu de
s'en féliciter aujourd'hui.
Membre de plusieurs commissions au Sé,
nat, de 1902 à 1908, où sa compétence a
toujours été fort appréciée, M. Sigallas a
souvent pris la. parole dans les discussions
du budget, ainsi que dans la discussion de
la proposition de loi sur la réglementation
des eaux de la Durance.
M. Sigallas, qui jouit dans le golfe de
Grimaud d'une très grande popularité que
lui ont justement valu son activité et son
dévouement pour la défense des intérêts
locaum qui lui sont confiés, partage avec
son compagnon de lutte et ami M. Méric,
l'honneur d'être combattu avec acharne-
ment par M. Clemenceau, dont il fut le par-
rcsin dans le Var, et qu'il tlétendit jadis au
cours de toutes les luttes électorales.
Malgré toutes les manœuvres employées,
les délégués sénatoriaux sincèrement répu-
blicains, resteront fidèles à ce vaillant mi-
litant et lui renouvelleront son mandat de
senateur le 3 janvier prochain.
Le remplaçant
Un Américain, M. Davis, ayant per-
mis à sa femme d'aller en France ren-
dre visite à des amis, celle-ci s'embar.
qua sur un transatlaintique. Son mari
voulut bien l'accompagner jusque-là.
Le bateau démarra bientôt et, comme
il est d'usage en pareil cas, un échange
de salutations s'opéra aussitôt entre le
navire et le quai d'embarquement.
M. Davis agita un foulard rouge,
mais soudain il s'approcha d'un pori
teur.
— Mon ami, lui dit-il, voulez-vous
gagner un dollar ?
- Volontiers, répondit celui-ci.
- Eh bien ! tenez, prenez ce foulard,
et continuez à l'agiter jusqu'à complète
disparition du baieau ; ma femme n'y
voit pas très bien, et pourvu qu'elle
continue à apercevoir le foulard, tout
ira bien. Voici ma carte, vous viendrez
me rapporter le foulard, et je vous re-
mettrai l'argent.
Et M- Dvi. s'éloigna .f$Í!\A.t E,(}1\f
vaquer à ses affaires, pendant que,
consciencieusement, le porteur conti-
nuait à agiter le foudard rouge.
L'ATTELAGE
L'attelage de cet étrange véhicule que
MM. Joseph Prud'homme et Adolphe Mau-
jan appellent. le et Char de l'Etat Il offre
en ce moment un curieux spectacle.
Les quinze « coursiers » qui s'y trouvent
attelés ne tirent plus d'ensemble à franc
collier. Les uns vont à Il hue ,;) et les autres
à Il dia ». Il est visible qu'ils sont mal ap-
pareillés.
L'attelage ministériel comporte, en effet,
des éléments hétéroclites que l'on peut
néanmoins classer en deux catégories bien
distinctes. D'une part, de vieux (c bidets »
sur leurs boulets, antiques chevaux de cir-
que qui piaffent sur place et dont le seul
objectif est la pitance ; d'autre part, quel-
ques jeunes étalons, au passé déjà bril-
lant, à l'avenir prometteur, qui hennissent-
d'impatience et qui commencent à ruer
dans les brancards.
On conçoit mal Briand-Bucéphale accou-
plé à Maujan-Rossinante.
Aussi, le Il Char de l'Etat » est étrange-
ment cahoté. Une pierre malencontreuse,
une pelure d'orange, et vous le verrez
verser !
,——————————— ———————————.
TOUJOURS LA MARINE
On lit dans le Cri de Taris :
L'arrivée de M. Alfred Picard fut assjz
mal accueillie, dans les 'milieux bien pen-
sants de la marine. On craignait son es-
prit révolutionnaire, sa manie de toucher
à tout et les velléités de réformes radicales
qu'on lui attribuait.
M. Alfred Picard a, fort heureusement,
calmé toutes les appréhensions. Jamais la
religion n'a été plus ep honneur, rue
Royale, que depuis son avènement au mi-
nistère. M. le capitaine de vaisseau Morin,
son chef de cabinet, est un officier édifiant.
Tous les dimanches, il interrompt sa beso-
gne régulièrement à dix heures du matin,
en disant :
— Maintenant, messieurs, c'est l'heure
de la messe.
Sous le ministère Clemenceau et dans
cette période de séparation religieuse, il
faut féliciter M. Alfred Picard de l'excellent
exemple qu'il fait donner par ses subalter-
nes les plus directs.
- ,- u * .;¡.
Ce n'est pas tout.
On prépare en ce moment le tableau d'a-
vancement des lieutenants de vaisseau. il
était à craindre que M. Picard ne voulut
faire une part trop large aux officiers dé
fortune qui ont pu se glisser dans la ma-
rine, et qui ont la fantaisie paradoxale de
se dire républicains.
M. Picard, au contraire, fait preuve du
plus louable esprit de conservation. Sur
quatorze officiers qui sont portés au ta-
bleau d'avancement, onze sont fils d'ami-
raux. Le ministre s'est rappelé que le Code
de la marine, bien connu de tous les offi-
ciers de la flotte, commence par ces deux
articles :
Article premier. — L'avancement dans
la marine est réservé au vrai mérite.
Art. 2. — Le vrai mérite ne se rencontre
que chez les fils d'aiiïtraux.
Pourvu que le nombre des catastrophes
reste le même, on pourra dire que rien
n'est changé dans la mariné.
-
CARNET DU LIBRE PENSEUR
Les luttes d'influences
pour le chapeau rouge
Les rangs des cardinaux se sont singu-
lièrement éclœlrcis depuis quelque temps,
et la nomination de nouveaux titulaires
fait t'objet, en ce moment, de toutes les
préoccupations de la curie romaine.
La mort du cardinal Lecot a réduit à
trois le nombre des cardinaux français, et
on intrigue de tous côtés, à l'étranger,
pour éviter la nomination de nouveaux car-
dinaux français et italiens.
Le cardinal Lecot avait été un de
ceux qui avaient 'le plus vigoureusement
agi dans le but de mettre un frein à iïin-
trarçsigeance du Vatican et on craint, dans
l'épiscopat français. que les concessions
par lui obtenues soient retirées, car le car-
dinal Coullié, malade, ne peut agir, et les
cardinaux Luçon et Andrieux sont trop les
créatures du pape pour oser s'imposer à la
curie romaine.
L'inquiétude est d'autant plus grande
parmi nos épiscopes que le bruit court au
Vatican que la candidature de M. de Ca-
brières, évêque de Montpellier, au fauteuil
du cardinal Mathieu, à l'Académie fran-
çaise, est une manœuvre de la part des
monarchistes pour obtenir que le pape
veuille enfin accorder à ce candidat le cha-
peau de cardinal, et que le pape, en raison
même âe cette pression, est plus que ja-
mais décidé à refuser la pourpre à l'éve-
que de Montpellier.
q. Des profanes comme nous, ne peuvent
que trouver étrange que l'appui des mo-
narchistes soit une mauvaise recommanda-
tion auprès du Vatican. Peut-être en con-
naîtrons-nous plus tard les raisons. En at-
tendant, nous ne pouvons que nous borner
à enregistrer le fait.
Tiraillé de tous- côtés par les Allemands,
qui se plaignent de n'être plus représentés
dans le Sacré-Collège., par les Anglais et
les Canadiens, qui demandent aussi la no-
mination de cardinaux, par tes Italiens,
dont les influences sont telles, au Vatican,
que Pie X n'ose se résoudre à accorder un
trop grand nombre de chapeaux rouges à
des prélats non italiens, le pontife romain
se trouve débordé. Aussi a-t-il pris le parti
de renvoyer à la fin de février ou au com-
mencement de mars. le consistoire qui doit
procéder à la nomination de nouveaux car-
îdinaux.
Les luttes d'influences. qui viennent de
couvrir présentent un réel - intérêt pour tes
destinées de lgtise. Nous aurons l'oeca-
f im "!J. revenir* rn. .G.-'
LA CANDIDATURE OFFICIELLE
DA N S L E VA R.
—t «
La candidature de M. Clemenceau. — Amis et comparses. *
Pression administrative. — Guerre aux
municipalités indépendantes.
Dans le département du Var — nul n'en
ignore ! — c'est M. Georges-Benjamin Cle-
menceau, président du conseil, ministre de
l'intérieur, député sorti et sénateur sortant,
qui opère lui-même.
L'opération est césarienne. Car jamais
(même sous l'Empire) on ne vit manœuvres
officielles plus cyniques, pression adminis-
trative plus éhontée, régime plus scanda-
leux d'arbitraire, candidature officielle plus
impudemment établie.
Les procédés couramment employés par
les fonctionnants de M. Clemenceau sont
tels, que les méfaits de M. de Persigny et
de M. de Fourtou ne sont en oomparaison,
que des jeux enfantins.
Avant de préciser, il importe de rappeler
quels sont les adversaires en présence,
quelle est la situation politique du départe-
ment et comment M. Clemenceau risquait
fort d'y être battu par le suffrage restreint
de même qu'il le fut par le suffrage univer-
sel, si M. le président du conseil, ministre
de l'intérieur, n'était pas accouru fort op-
de
portunément à son secours.
-Personne ne s'étonnera d'apprendre —
l'incohérence, et l'oubli des principes et des
services rendus, ayant été articles d'impor-
tation dans le Var — que M. Clemenceau a
pour adversaires ses anciens amis, auteurs
de sa fortune 'politique, et, pour amis, ses
anciens adversaires, artisans de ses défai-
tes électorales.
Ce ftirent, en effet, les deux sénateurs
radicaux-socialistes sortants du Var, MM.
Méric et Sigallas, deux probes et vaillants
républicains de la vieille école, qui eurent
la pensée d'offrir la candidature sénatoriale.
à M Clemenceau en 1902.
Depuis 1893, en effet, à la suite de son
exécution par Paul Déroulède, M. Clemen-
ceau, écrasé aux élections législatives, n'é-
tait jamais parvenu à se faire réélire par
le suffrage universel et à reconquérir un
siège à la Chambre.
MM. Mérie et Sigallas, désireux de lui mé-
nager une réparation et une revanche si
vainement désirée, si longtemps attendue,
posèrent non seulement sa. candidature,
mats se prodiguèrent pour -- la faire triom-
pher.
Grâce à leur intervention énergique, à
leur concours dévoué, M. Clemenceau fut
élu.
A ces deux impèccables républicains qui
lui servirent de caution et qui lui tendirent
la main aux heures critiques, M. Clemen-
ceau s'apprête à payer sa dette de recon-
naissance en cherchant à les évincer du
Sénat où il n'est entré que grâce à eux.
LES CANDIDATS OFFICIELS
Ainsi, à la liste raxficale-socialiste des
sénateurs sortants, MM. Méric et Sigallas,
M. le président du conseil, ministre de l'in-
térieur, oppose une liste officielle composée
de ; MM. Clemenceau, ancien radical; Louis
Martin, ancien 'boulangiste, et Reymonenq,
ancien anarchiste.
Nous n'entreprendrons pas de tracer ici
le. portrait de M. Clemenceau. Le cadre est
trop étroit et la silhouette trop connue. Ja-
mais orateur et polémiste d'opposition ne
prit à tâche de se renier plus « radicale-
ment » au pouvoir.
Les dernières années de M. le président
du conseil auront été employées à gouver-
ner presque uniquement contre M. Clemen-
ceau. Après avoir exercé son instinct for-
midaible de destruction contre tous les hom-
mes et toutes les institutions du parti ré-
publicain, M. Clemenceau a pris à tâche de
couronner son entreprise de démolition gé-
nérale en détruisant tout ce qui constituait
SUIl pu-feise.
Il n'est plus aujourd'hui une seule pa-
role, un seul écrit de M. Clemenceau qu'il
n'ait pris un plaisir infernal à contredire
par ses actes.
Et c'est ainsi que cet écrivain de grande
race et cet orateur d'incisive originalité n'a
su donner à son essai néfaste de gouverne-
ment qu'un aspect de manoir à l'envers, et
qu'il ne laissera à ses contemporains éba-
his que l'impression d'un hanneton tragi-
que se heurtant à toutes les parois d'un
tambour.
SON AMI, LOUIS MARTIN
M. Louis Martin, qui assiste, en qualité de
premier témoin, M. Clemenceau dans son
duel contre la démocratie du Var, a été suc-
cessivement candidat dans toutes les cir-
conscriptions de ce département.
En 1889, il commença par se présenter
contre Cluseret" A ce moment, M. Clemen-
ceau lui jouait l'aimable tour d'aviser par
dépêche les électeurs de sa circonscription
qu'il avait été rayé du barreau de Paris.
Antidreyfusiste fougueux, anticlémencis-
te acharné, M. Louis Martin s'était fait ar-
rêter sur les boulevards; à Paris, pour
avoir crié : « A bas Loubet ! »
ônduit au poste, il ne dut alors d'être re-
lâché qu'à l'intervention dévouée de iJ.
Maurice Allard, député socialiste.
En 1902, lorsque MM. Méric et Sigallas
offrirent la candidature sénatoriale à M.
Clemenceau, M. Louis Martin voulut poser
l'a, sienne contre lui. On eut toutes les pei-
nes du monde à l'empêcher de combattre
le président du conseil actuel.
Lorsqu'il parvint enfm à se faire élire
député de l'arrondissement de Toulon con-
tre M. Grébauval, ce fut sur un programme
socialiste, en opposition complète avec celui
de M. Clemenceau.
Tel est le premier compère de M. le pré-
sident du conseil dans la campagne élec-
torale du Var.
SON AMI REYMONENQ
Le second, M. Reymonenq, est surveil-
lant technique de l'arsénal de Toulon, mai-
.re de la Roquebrussanne, conseiller général
du Var.
M. Fteymortefiq a commencé par être
Anarchiste au temps où il n'était qu'ouvrier
manœuvre, c'est-à-dire frappeâUX for-
ges du port
"ûrat-eur écouté des syndicats révolution.,
naires, il excellait à prononcer de sa voix
chaude et vibrante qui « remuait Il les fou-
les, des réquisitoires violents contre M,
Clemenceau qui ne comptait pas dans la
Var d'adversaire plus a.ch.arné et plus vio.,
lent que h1i..
Mais depuis l'arrivée au pouvoir de M.
Clemenceau, le compagnon Reymonenq sen.
tit s amollir en son cœur sa vieille haine
anticlémenciste et antibourgeoise Au rné<
pris de toutes règles et de toute équitét;
le compagnon Reymonenq devenu MonSeur
Reymonenq, fut improvisé surveillant tech.
nique à l'arsenal de Toulon. En violation
formelle des règlements en vigueur, il fut
autorisé à faire de la politique active. Lesr
congé lui furent prodigués, et c'est ainsï
que l'on vit avec stupéfaction le surveillant
technique de l'arsenal de Toulon, guidé par
un bon génie protecteur, se présenter dans
l'arrondissement de Brignoles, à l'autre
bout du département, successivement à la'
de Roquebrussanne, puis au conseil
général.
M. Reymonenq avait été touché subite-
ment par la grâce clémenciste. Il était de-
venu 1 ami et le confident du président du-
conseil Le préfet du Var prenait ses or-
dres et c'est tout juste si l'ancien compa-
gnon anarchiste ne lui' impose pas l'obli-
gation du baise-pied - t
On prétend que M. Reymonenq, surveil-
lant technique de l'arsenal de Toulon, fut*
consulté par M. le président du conseillera
de la disgrâce de l'amiral Genilinet, et
fe fit. l'interprète de certains mar-'
enand-s de vins du port qui reprochaient vio-
lemment à l'amiral d'entraîner constam-
ment ses équipages en mer, au lieu de les
laisser s'entraîner sur le zinc.
UNE VICTIME DE M. CLEMENCEAU
Quoi qu'il en soit, la fortune politique du
manœuvre Reymonenq contraste singuliè-
rement avec la lamentable disgrâce de son-
camarade Marc CDlombani, manœuvre du,
port lui aussi. Colômbani, qui avait le tort*
de n'être m anarchiste ni clébtenciste, futoi
un beau jour élu conseiller général du
3e canton de Toulon, par suite d'une fantai-
sie des électeurs.
Immédiatement, ce malheureux ouvrier,
père de famille, qui gagnait un salaire de
4 fr .50 par jour, fut mis à la retraite,
d oince sur l'ordre de M. Clemenceau, avec'
une pension de 50 francs par mois pour
nourrir une femme et quatre enfants !
Cependant, M. Clemenceau — naguère l'
— nous disait :
Qui sait quels sentiments ferait jaillit
au cœur de la masse la bonté sociale, Id
bonté active d'un gouvernement, allant à*
eux sans gendarmes ni fusils, avec de la
bonne volonté et le désir vrai, profondt,
d employer toute la force dont il dispose:
pour mettre un peu plus de justice dans
ce mOnde. » ,
Plus de ministres ! des hommes ! )1
LES COMPARSES
Si la liste des candidats officiels de M le
président d:u conseil apparaît passablement
bariolée et constitue une étrange bouilla-
baisse de rascasse anarchiste, d'oursin na-
tionaliste et de safran caporaliste, la cohor-
te des comparses n'est pas moins hétéro-
clite et forme la plus étrange loque d'arle-
quin que l'incohérence la plus folle ait pu.
imaginer.
En tête des nobles gentilshommes de la
suite clémencjste,figurent avantageusement
M. Charles Roche, conseiller général réac-
tionnaire de Toulon, et M. Marins Escarteli-
gue, maire de Toulon, plus avantageuse-
ment connu en anarchie sous l'aimablei
pseudonyme de « compagnon Jouvarin JI.
M. Charles Roche, avocat d'affaires très
répandu à Toulon, a été autrefois candidat
nettement anticlémenciste. Aux dernière.s
élections municipales, il s'est subitement
converti entre les mains expertes de M.
Reis, sous-préfet, ci-devant pasteur prot3s-
tant.
Il joua un rôle prépondérant dans l'éta-
blissement de la liste municipale officielle,
il unit ses efforts à ceux de M. Escarlefigue
dit Jouvarin, et il contribua utilement à'
faire élire une municipalité clémenciste en
remplacement des conseillers sortants so-
cialistes hostiles à la politique de M. Cle-
menceau.
Très habilement, M. Charles Roche s.il
acquérir une influence relativement consi-
dérable dans le département du var en se
faisant désigner comme rapporteur au con-
seil général, des deux plus importants
projets soumis aux délibérations de cette
assemblée : la création de la ligne des che-
mins de fer départementaux et la construc-
tion de la ligne téléphonique interdéparte-
mentale.
Les maires des communes, qui. presque
tous, rêvent d'avoir soit une station de che-
min de fer, soit un poste téléphonique, jjont
ainsi sous la dépendance de M. Roche et,
par ricochet, "dê M. Clemenceau, qui a su
s'assurer le concours actif du repré.-unîant
le plus distingué du parti réaction n a ire dans
le Var.
LE MAIRE DE TOULON
M. Marius Escartengue. ci-devant compa-
gnon Jouvarin, est présentement — nous
l'avons dit — maire de la ville de Toulon.,
Il fut tout d'abord anarchiste militanirà
Marseille, et sous le nom de compagnon
Jouvarin (dont il s'affubla), il se prodigua
dans les milieux révolutionnaires en prédi-
cations incendiaires et en appels virulents
à l'action directe.
M. Flaissières, ému par sa situation pré-
Caire, lui confia pendant quelque temps un
emploi subalterne dans l'administration!
municipale, mais le compagnon Jouvarin ne -
tarda pas à les abandonner pour aller,
exercer son éloquence dans les réunions pu- x
bliques de Toulon.
Il se signalait aux côtés de son compa
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