Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-12-01
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 01 décembre 1908 01 décembre 1908
Description : 1908/12/01 (N14144). 1908/12/01 (N14144).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
.., 110 14144.— 10 Primaire An 117: - < GXarQ caEOTUMnBflf LE BîlJlIfl'aO ; ',.;'' Mardi 1111, Décembre 1908 - NI, 141 .1
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TRIBUNE LIBRE.
LABETEHUMAINE
La Genèse nous raconte
des choses extraordinaires,
comme il convient à tous les
livres sacrés. Pour en com-
prendre le sens véritable, il
faut être familiarisé avec le
T /» X
mystère de la gnose. Les proianes sont
quelque peu étonnés quand ils lisent,
par exemple, que le bon Dieu créa la
lumière avant d'avoir fabriqué le so-
leil, la lune et les étoiles. -
On doit expliquer ce phénomène dans
ies séminaires.
Quand il eut fait la terre et tout le
reste, il compléta, son œuvre par la
création du premier homme et de la
première femme. « Faisons, se dit-il,
l'homme selon notre ressemblance ».
La femme participa du même privilège.
Et voilà que nous sommes tous faits
à l'image de Dieu. Cependant, on reste
bouleversé devant certaines observa-
tions. Pouvons-nous croire que tous les
êtres de notre espèce soient constitués
de la même façon ? N'était le témoigna-
ge considérable de la Bible, il nous
paraîtrait plutôt que notre humanité
est un étrange mélange d'individus bien
peu semblables les uns aux autres. Là
se retrouvent tous les types, celui de
la vipère, du scorpion, de l'hyène, du
tigre, du lion et autres espèces. Il sem-
ble qu'elles soient toutes représentées
dans la nôtre, comme si le créateur,
par un caprice impénétrable à notre
faible intelligence, avait voulu en faire
ia réduction de toute la gent animale.
Partout se retrouvent les mêmes
loups, les mêmes ours, les mêmes pan-
thères, avec des instincts identiques.
Mais les hommes et les femmes ? Dis
tribués sur une échelle qui va de la dif-
formité la plus effrayante à la souve-
raine beauté, ils diffèrent à l'infini par
!a valeur intellectuelle et morale.
Cette étrange bête humaine produit,
au hasaad, des vertus héroïques et des
vices hideux, des êtres aussi admira-
bles car la droiture, la bonté, le cou-
rage, le dévouement, que d'autres sont
répugnants de fausseté, de lâcheté, de
basse férocité et de vices terribles.
Dans tous les temps, on a vu des
criminels semer l'effroi autour d'eux
par des forfaits que l'imagination peut
à œine concevoir. Toutes les classes
fournirent leur contingent. Question so-
ciale ? Oui, s'il s'agit de vulgaires mal-
faiteurs. Tel individu qui commet un
vol ou un meurtre aurait pu faire un
honnête homme, s'il avait vécu dans
d'autres milieux, s'il avait reçu les
bienfaits du bon exemple et de l'éduca-
tion, s'il n'avait pas subi les influences
déprimantes du milieu corrupteur ou
de la souffrance qui exaspère. Mais
les plus grands forfaits dont l'histoire
a conservé les noms appartiennent à la
classe aristocratique ou bourgeoise.
Les coupables sont des rois ou des rei-
nes, des grands seigneurs, des papes,
des prélats, des curés et des moines,
des femmes du monde, des bourgeois et
des bourgeoises cossus, poussés à l'as-
sassinat et à l'empoisonnement par le
vice, la passion, l'ambition ou la cupi-
dité. Ce sont Jeanne, femme de Philippe
le Bel, les princesses Marguerite et
Blanche de Bourgogne, héroïnes de la
tour de Nesle, les Borgia, père, fils et
fille, la reine Jeanne de Naples, la mar-
quise de Brinvilliers, le pharmacien
Desrues,empoisonneur émérite du XVIIlo
siècle, roué et brûlé en place de Grève,
homme d'une piété édifiante, à tel
point que les bonnes femmes voulaient
ramasser ses débris et les conserver en
forme de reliques. C'est le duc de
Praslin, grand seigneur habitué de la
cour de Louis-Philippe, père de sept
enfants, assassin de sa femme parce
que amoureux d'une institutrice.
Les ogres et les ogresses ont bel et
bien existé.Ils n'ont pas seulement vécu
dans l'imagination de l'auteur de con-
tes de fées. Tel ce comte - Laval,
Gilles de Retz, maréchal de France,
l'un des quatre seigneurs chargés de
porter la Sainte Ampoule au sacre du
roi Charles VII, à Reims, après les
triomphes de Jeanne d'Arc. Homme très
riche, lettré et fort dévot le Barbe-
bleue de la Vendée. Une vieille femme
appelée la Meffraie parcourait les cam-
pagnes, caressait les enfants gardiens
de troupeaux, les attirait au oiïâteau
du comte de Laval, qui les employait
d'abord à ses débauches, et puis les
soumettait à des tourments raffinés
pour sa joie. Tout récemment, en An-
gleterre, pendant quelques semaines,
Jack l'éventreur a maintenu la ville de
Londres dans l'épouvantement.
A ce moment-ci, un paysan de la
Drôme est soupçonné d'avoir massacré
sa femme et ses enfants, et brûlé leurs
torm dans son four à pain.
Et cette Jeanne Weber, qui trouvait
son plaisir à étouffer les petits enfants,
après avoir étouffé les siens même,
probablement ! La voilà internée com-
me folle et irresponsable, sans autre
jugement. Il semblerait qu'on a voui i
étouffer aussi son affaire. Pourquoi ?
Le docteur Doyen a publié sur ce cas
un livre troublant. Internée une premiè-
re fois, elle à été reconnue saine des
prit et rendue à la liberté. Elle en a
profité pour étouffer un autre enfant.
Cela peut se renouveler. Un débat pu-
blic serait nécessaire, ne fût-ce que
pour bien établir les responsabilités de
ceux qui 4es ont encourues.
Que faut-il faire d'un Gilles de Retz,
d'un Jack l'éventreur, des ogres, des
ogresses, des Barbe-bleue, des mères,
des pères qui tuent leurs propres en-
fants, des nlles qui assassinent leur
mari et leur mère tout-à-la fois ? Assez
de littérature sur de pareils sujets.
Malades irresponsables ? C'est possi-
ble. Mais êtres répugnants, odieux et
irrémédiablement, dangereux, c'est cer-
tain.
Si vous estimez que la peine de mort,
par un quelconque procédé, ne doit pas
être appliquée aux Gilles de Retz, aux
Jack l'éventreur et êtres similaires, ce
n'est point dans les établissements d'a-
liénés ou les bagnes que vous devez W
envoyer, mais en des cellules où, sépa
rés définitivement du reste du monde:
morts à la vie civile, morts à la vie so
ciale, ils termineront, dans l'isolement
le plus absolu, leur existence de bêtps
monstrueuses.
Je voudrais bien que le curé de JlJh
paroisse me dise si ces gens-là ont été
faits, comme lui-même, à l'image OP
Dieu ?
DFXPECH,
sénateur de l'Ariège.
Président d'honneur du Comité Exécutif
du Parti radical et radical-socialiste.
LA POLITIQUE
LA GUERRE ECONOMIQUE
Le boycottage des marchan-
dises autrichiennes continue.
Ce n'est plus une riposte un
peu vive aux agissements de M.
d'Ærenthal, c'est tout un sys-
tème d'hostilités.
Chaque jour marque un progrès dans
l'organisation. Un comité de boycottage,
officiellement constitué, délivre des diplô
mes et des satisfecits..
En même temps les marchandises autri-
chiennes restent invendues et les navdres
marchands sous pavillon autrichien ne
peuvent plus aborder aux quais des ports
ottomans. C'est le début d'une guerre
nouvelle : la guerre économique.
Celle-ci échappe aux règles de l'autre
guerre, celle des fusils et des canons ; elle
ne dépend ni des gouvernements, ni des
chefs militaires, ni des ambassadeurs.
Elle est menée par des volontaires, ou
pour mieux dire, par des volontaires qui
se refusent à acheter, adopter ou consom-
mer les produits de l'adversaire.
Le gouvernement turc ne pouvant im-
poser aux Ottomans des fournisseurs ve-
nus des bords du Danube, le gouverne-
ment de Vienne sera bien obligé de cons-
tater l'impuissance de la Porte à soula-
ger sa peine.
D'autres Etats profitent des malheurs
de l'Autriche. Les concurrents vendent
leurs marchandises et se créent facilement
une clientèle inespérée.
Les à-coups de la politique autrichien-
ne devaient avoir ce résultat. En sollici-
tant la France d'intervenir à Constanti-
nople pour enrayer la catastrophe com-
lTlertia]eJes diplomates viennois ont mon-
tré simplement leur désarroi. Notre di-
plomatie pourra certes fournir quelques
consolations à la chancellerie des Habs-
bourgs. Les marchands autrichiens n'en
vendront pas un paquet de biscuits de
plus. - -
Les peuples payent cher les fautes de
leurs gouvernements. C'est ce que prouve
cette fable.
♦ -
LES ON-DIT
NOTRE AGENDA
Aujourd'hui lundi :
Lever du soleil à 7 h. 32 ; coucher à
4 h. 5, ; -
i - Courses à Saint-Ouen.
l Maujaniana. -. ,,-,
! Pendant le séjour en France du roi
de Suède, il y eut — naturellement —
grande chasse officielle à Rambouillet.
Les ministres y assistaient ; les sous-
secrétaires d'Etat aussi !
Le tir du gibier s'effectua selon les
règles protocolaires les plus rigoureu-
ses. Le roi tira le premier un superbe
faisan, le président tira" le. second une
belle poule, le président-du conseil tira
un lapin, et ainsi de suite.
Quand Son tour arriva, Il ne se pré-
senta qu'un geai devant son fusil. Par
hasard il le tua.
— « Il ne lui manque qu'une plume
de paon où tu sais. pour être à ton
image » .lui dit le président du conseil
facétieux.
Et le roi, qui avait entendu, se con-
tint pour ne pas éclater de rire.
Paquets à leur adresse
M. Dumont, avocat, état persuadé
qu'un défenseur ne doit négliger aucun
nroyen.. même, .le .pt\J? futile, pour faire
triompher la muse. qu'il défend ; parce
que, disait-il, chaque juge a son idée
de derrière la tête, bonne ou mauvaise,
mais suivant se décide. -
Un jour; plaidant "une cause à la
grand châmbre du Parlement de Paris,
il mêlait h des - argumentations victo-
rieuses et très solides, d'autres argu-
mentations très faibles et. paraissant
n'être d'aucune valeur. Ce que lui re-
prochait, après l'audience, le premier
président M. de - Harlay.
- -«( MpI).$elgn\lJ',. tel. argument était
pour tel des juges, cet autre pour tel
autre juge .;. il-faut-q-u'à chacun soit en-
voyé 'sffl, - petit paquet spécial de
moyens qui le puissent convaincre.
Au bout de quelques audiences, l'af-
faire étanV jugéç, Dumont gagnait son
procès. -.
M. le Premier rasant appelé et pris
à part : -
— « Vous voyez M. Dumont, lui dit-
il, que chaque paquet est fort bien ar-
rivé à son adresse. »
AtfT9?epfHS
Rappel -du. ltl. décembre 1872. — Grande !
séance à îiationale. On discute
les conclusions- da La. commission Kerdrcl.
M. Thiersr jpiésuLent de la République, de-
mande un vole de cou/iance. Il rappelle
qu'au moment où la Commune était mai-
tresse de Pa ris, il a reçu des députations
de toutes hrsgrandcs xiïttzs~qvi de-
mandé s'il était pour la lépilbHq-ue M.
Thiërs ajoute : tt Moi, monarchiste, je me
suis engagé, envers la République, devant
les représentants des Communes. Il n'y a
pas aujourd'hui, pour la France, d'autre
gouvernement possible que la République
conservatrice. Ce n'est pas seulement par
honnêteté que je ne fais pas un coup d'Etat.
Est-ce que l'armée, cette brave armée m'o-
béiradt si je-tentais ce coup insensé ? » La
motion du gouvernement est adoptée par
375 voix contre 334. Ce vole soulève l'en-
thousiasme du.:>pm'ti républicain.
On annonce que Raspail est de nouveau
gravement indisposé.
Boulevard des ltal'lens,'I.en chemisier ayant
étalé dans sa vitrine un brassard blanc,orne
de fleurs de lys, des groupes hostiles se
sont formés devant la boutique ; Pin dus-
triel a dû retirer de sa devanture l'cmblénw
factieux.
Un commencement d'incendi s'est pro-
duit hier après-midi au Panthéoil.
Ce qu'est l'amour
Le savant Charles Huet (1630-1712)
qui fut précepteur du Dauphin et, quel-
que temps, évêque d'Avranches, défi-
nissait ainsi l'amour :
,« L'amour est une maladie du corps,
comme la fièvre. Elle est dans le sang
et dans les esprits qui s'allument et
s'agitent extraordinairement et. on la
pourrait traiter méthodiquement, par
les règles de la médecine, pour la gué-
rir.
Je crois que l'on en viendrait à bout
par les grandes sueurs et de copieuses
saignées qui, emportant avec l'humeur
ces esprits enflammés purgeraient le
sang, calmeraient son émotion et le ré-
tabliraient. dans son état naturel. C'est
une opinion fondée sur l'expérience.
Un grand prince atteint d'un amour
violent pour une demoiselle de mérite
fut contraint de partir pour l'armée.
Tant que son absence dura, sa pas-
sion s'entretint par le souvenir et par
un commerce de lettres fort, frénuenL
jusqu'à la lin de la campagne.
Puis une maladie dangereuse le ré-
duisit à l'extrémité. Il en nut, guérir
mais sans toutefois reprendre son
amour que de grandes évacuations
avaient emporté à son ineu ; car se per-
suadant d'être toujours amoureux et
ne l'étant plus que-de mémoire, il se
trouva froid et sans passion .auprès' de
celle qu'il croyait encore aimer. »
La manière.
On représentait à un chroniqueur
Connu par ses mensonges qu'il avait -al-
téré la narration d'un fait. « Cela se
peut, dit-il, mais qu'importe ? le fait,
n'est-il pas mieux tel que je l'ai ra-
conté ? »
Ses pieds.
Les pieds.de M. Aynard sont légen-
daires et c'est un peu de sa faute, car
toute légende à son commencement. Or
l'honorable député de Lyon, chausse, il
est vrai, du 1 6.
Un de. ses amis lyonnais" M. Mau-
gini, dit-on, lui écrivit un jour : « Vous
savez que je suis un collectionneur.
Envoyez-moi donc une de vos botti-
nes? .)> - : - -
M. Aynard qui est — quoique écono:
miste — un aimable pince-sans-rire,
avisa le géant des Folies-Bergère, et lui
acheta une de' ses chaussures qu'il ex-
pédia à Lyon.
Il paraît qu'elle figure au Musée de
la place des Terreaux.
«0
SABOTAGE
M. Simyan. sous-secrétaire d'Etat pro-
visoire des P. T. T., ne doute plus de
rien.
Parce qu'il a échappé à doux reprises
aux justes sanctions de la Chambre, la
première fois grâce aux cinq déserteurs de
Casablanca et l'habile intervention de M.
BartJwu) la seconde en niant la réalité et
en prodiguant sa parole d'honneur comme
un appel téléphonique, le satrapicule de ia
rue de Grenelle entend continuer en paix
son règne de bon plaisir et ses procédés
d'arbitraire.
Il ne craint pas d'aller jusqu'au sabotage
des journaux indépendants, qui ne sont
plus distribués à leurs abonnés qu'avec dCl"
retards inexplicables et inexpliqués.
« Notes secrètes » pour les employés ;
« Postes d'écoute » 'Pour les abonnés ;
m Cabinet noir » pour les lettres ; « Sabo-
tage » pour les journaux. M. le sous-secré-
taire d'Etat des P. T. T. nous comble.
Mais s'il s'imagine que tout lui est per-
mis, et que la France entière est livrée à
son pouvoir discrétionnaire, il se trompe
étrangement. ,
« Tel ouide engeigner autrui
- Il Qui souvent s'engeigne lui-même »
a dit le bon fabuliste.
- M. le sous-secrétaire d'Etat des P. T. T.
est sur une pente qui lui sera fatale à bref
délai..
Il est averti.
po- ———————————.
Les paroles et les actes
LA JUSTICE MILITAIRE
M. Clemenceau — naguère ! — nous di-
sait :
Parmi les dincu n.. , réformes qui nous
furent promises par le gouvernement ac-
tuel., l'une des plus urgentes, est, sans con-
tredit, la réforme de ce qu'on appelle la jus-
tice militaire.
: Au prix d'une crise de deux années, un
innocent a pu. malgré le gouvernement et
les deux Chambres de ta République, Irou-
ver des juges civils' dignes de ce nom à la
Cour suprême. Il n'en a pas trouvé dans
l'armée.
Dans un premier procès les lois protec-
trices de l'accusé furent impunément vio-
lées par ceux-là mêmes qui avaient mis-
sion de les appliquer. Ainsi dans un second
procès où triompha publiquement le faux
témoignage, sans que ni magistrats, ni
gouvernement trouvassent le courage de
mettre la main au collet des menteurs con-
fondus. -
Depuis, un homme quj porte l'un des
noms dont notre temps, s'honore a pu écrire
que les juges de Rennes avaient, condamné
un homme qu'ils savaient innocent., et pas
un de ces militaires professionnellement si
ehatouilleur sur le point d'honneur: n'a
osé protester contre l'outrage sanglant fait
à sa probité de juge ni intenter le procès
gui eut fait, éclater sa honte. Quelle peut
être l'autorité ,:p la Justice militaire dans le
pays qui do'ine A r _lIrGrp ce spectacle, et
quelle est .'a menlaVlë du gouvernement
gui, découvrant, la plaie, n'ose y porter le
fer rouge jusqu'à complète guérison ?
Quelle est en fait, l'étrange mentalité d.
ce gouvernement, présidé par Ctlui-là
même qui posait si véhémentement la
question hier, et qui devrait bien y répon-
dre aujourd'hui.
CARNET DU LIBRE PENSEUR
Le Congrès des amicales
de congréganistes
Prenant exemple sur les Amicales d'ins-
tituteurs, dont on connaît les progrès rapi-
des et les succès,.Ies membres de l'enseigne-
ment libre catholique ont créé des associg,-
tions du même genre, lesquelles viennent
de tenir un congrés.
'La question des associations cléricales de
pères de famille a été naturellement, dans
cette réunion, l'objet d'une importante dis-
cltssion. Il a été dit, notamment, que ces
groupements destinés à combattre l'ensei-
gnement laïque avaient déjà donné d'ex-
cellents résultats au point de vue de l'es-
priJ. dans tequel ils ont été conçus et un
vœu favorable à leur développement a été
adopté.
Mais ,.me question plus importante encore
a été mise sur le tapis.
Il s'agit de la collaboration des Amicales
congréganistes au mouvement syndical.
Voici le vœu qu'a adopté l'assemblée :
Considérant que l'organisation professionnelle
est absolument, indispensable à l'heure actuelle
et ou'cHc doit être faite dans un esprit (Se con-
corde et de justice, et non dans un esprit ce
violence et de lutte de classes ;
Considérant que la neutralité syndicale n'est
pas suffisamment -assurée pour que les catholi-
ques puissent, sons froissement pour leurs Cff).
piétions religieuses, entrer dans des syndicats
quelconques ;
Emet le vœu,
Que les Amicales apfortent leur concoiir* su
mouvement syndicat, en tant que ce mouvement
sera professionnel dans son action et cath clique
dans son recrutement ;
Que les eatlioiiques apportent leur coneour-. i
la formation de .sections de syndicats eXHt. '!:-
ou à la création de syndicats nouveaux en les
soutenant de leur influence et en leur pr-Huit
J aide morale et matérielle indispensable..
En' vertu de celle décision, nous pouvons
nous attendre à VOiji s'ouyrir partout une
campagne en faveur de l'organisation des
syndicats catholiques. Les apôtres en se-
ront les évêques, les curés et tous les con-
gréganisles plus ou mois défroqués qui
pullulent encore en France.
Nos gouvernants ne verront-ils pas bien
tôt que le moment est venu de onqet. en.
lin à abroger la loi Falloux ? — P. G.
L'AFFAIRE STEINHEIL
LIOmPSlÊlï VICTIMES
* >.---..
On exhume les cadavres de M. Steinheil et de
Mme Japy. — Les lacunes de l'instruction.-
Les magistrats à l'impasse Ronsin. — Ce qu'é-
tait M. Steinheil. — Les familiers de la villa.
M. And -ré, le nouveau juge d'nstruction,
semble vouloir reprendre ab ovo l'affaire
Steinheil et il faut l'en féliciter, car il ap-
paraît clairement que rien ou à peu près
n'a été fait pour permettre à l'œuvre de
justice de suivre normalement son cours.
A qui la faut;e ? On le devine sans -peine.
N'avons-nous pas assez répété, dès les pre-
miers jours de l'affaire, que l'enquête et
l'instruction, cette dernière surtout, avaient
été mal engagées ?
Toutes les-négligences ou tous les efforts
faits pour ne point arriver à la découverte
de la vérité — comme on voudra— appa-
raissent aujourd'hui nettement.
En vérité, la façon dont l'affaire fut en-
gagée dès le début, prête à de singulières
réflexions. ,'
C'est M. Leydet, ami de la famille Stein-
heil, qui. est chargé de l'instruction ; c'est
M. le docteur Courtois-Suffit, médecin de la
famille Steinheil, qui est chargé de l'autop-
sie des cadavres. Il y avait peut-être enco-
lle d'autres fonctions confiées à des amis
de la famille.
Sans doute, l'honorabilité et l'indépen-
dance de M. Leydet et du docteur Courtois-
Suffit sont à l'abri du soupçon, mais tout
de même, il y avait un peu trop d'amis de
la famille à la recherche de la vérité.
Et il a fallu toute l'imprudence de Mme
Steinheil pour amener un changement qui
permit enfin à l'opinion publique d'espé-
rer une orientation sérieuse dans les recher-
ches.
LES LACUNES DU DOSSIER
M. André aurait, dit-on, constaté d'étran-
ges choses en compulsant le dossier, et il
en serait à se demander si, étant donnés ce
qu'a révélé l'autopsie, la position des ca-
davres et un certain nombre d'autres re.
marquies. le peintre Steinheil et sa belle-
mère n'auraient pas été étranglés alors
qu'ils étaient déjà empoisonnés ou sous
l'influence d'un narcotique. d
Le dossier établirait en ci t et : ,
1° Par le rapport du docteur CourLois-
Suffit. qui procéda à l'autopsie des deux
cadavres, que les traces de violences rele-
vées sur le corps de M. Steinheil et sur ce-
lui de Mme Japy étaient antérieures à la
mort ;
, 2° Par une déposition de Rémy.Couîlîarei,
que Mme Steinheil, qui n'avait pas l'habi-
tude de verser à boire à son mari et à sa
mère, lesquels se servaient toujours eux-
mêmes, avait, à la fin du repas pris en
commun le 30 mai, impasse Ronsin, versé
du rhum dans les verres de M. Steinheil
et de Mme ,lapy. Que la même Mme Stein-
heil, lorsqu'elle eut regagné sa chambre, se
fit apporter des verres par le jeune domes-
tique ; que lors des constatations judiciai-
res faites le 31 mai, on retrouva ces ver-
res dans lesouels on avait bu ; -
3° D'après le procès-verbal de M. Bu-
chotte commissaire de police, que le corps
de M." Steinheil fut découvert dans le ca-
binet de toilette attenant à sa chambre et
donnant accès dans celle de Mme Japy ;
que le corps était affaissé, à demi replié sur
lui-même, les bras ballants, alors que la
rigidité cadavérique aurait dû immobiliser
ses bras dans l'attitude défensive d'un
hoanme qui. se sentant étrangler, porte
instinctivement la main à son cou pour des.
serrer la cord-e qui le lie ;
4° D'après le même procès-verbal, que
l'alpenstock dont il a été parlé lors de la
découverte du crime se trouvait sur le par-
quet, à 50 centimètres du cadavre et à sa
gauche, et M Steinheil n'était pas gaucher.
IMPORTANTES DECLARATIONS
Dans l'interrogatoire qu'isl a fait subir à
Mariette Wolf, le juge s'est surtout préoc-
cupé d'éclaircir ces divers points :
Le lendemain du crime, Rémy Couillard vous
a-t-il dit, en vous racontant les événements de
la soirée du 30 mai : « Mme Steinheil, son mari
et sa mère sont montés se coucher vers dix
heures du soir. Qulques minutes plus tard,
Mme Steinheil m'a sonné pour me demander
die lui apporter des verres » ? * ,
- C'est exact, répond Mariette. Remy m'a
bien raconté cela.
— Le môme Remy Couillard ne vous a-t-il pas
également parlù d'un autre ordre que lui au-
rait donné Mme Steinheil ?
Mariette qui ne comprend pas du tout où
veut en venir le juge, le regarde d'un air d'é-
tonnement. M. André précise :
— Mme Stûinlieit, n'aurait-elle pas dit à
Remy Couillard : « Apportez-moi également
l'alplnstock. Je couclie dans la chambre de
Mlle Marthe ; munie de cette arme, je n'aurai
pas peur. » ?
- Oui, fait Manette, je me souviens que
Remy. m'a raconté cela aussi..
M. André poursuit :
— On a bu dans les verres qu'avait appor-
les Remy Couillard. Savez-vous qui a bu et co
qu'on a bu Y
— Non, je ne le sais pas.
Le juge d'instruction, après un court répit,
demande à Mariette :
- Il y avait bien une armoire à pharmacie
au premier étage de la maison de l'impusse
Ronsin ?
— Oui, monsieur le juge.
— Couillard, dans un de ses interrogatoires
a raconté ceci à propos de cette pharmacie r
« Quelque temps après le crime, Mme Steinheil
rnc fit .déménager les fioles qui se trouvaient
dans l'armoire. Elle me donna l'ordre de jeter
certaines d'entre elles. » Vous avez sûrement
été au courant de ce déménagement.?
Marietté Wolf paraît rassembler ses bouve.
nirs, puis elle dit
, — je crois me souvenir, en effet, que l'en
changea. la pharmacie d'armoire, mais je ne
sais pas si des fioles furent- jetées.
M. André insiste,. mais 'Mariette Wolf rérond
touiours •
— Moi, je ne sais rien là-dessus. C'e^t tout
ce que je * puis vous dire, et c'est la vérité.
LA DECISION DE M. ANDRE
Pour tâcher d'être fixé sur ce point im-
portant, capital même, comme nous Pavons
qualifié au début de l'affaire en manifestant
notre surprise que l'autopeie n'ait pas été*
suivie d une analyse des viscèrés, M. Aii-,
drée a décidé de faire exhumer les cadavres.
- Le docteur Balthazard, médecin-expert a.
été désigné pour autopsier les restes de M.',
Stcinhcil inhumés au cimetière de J'Ilay * -
qaanl à l'autopsie de Mme Japy elle sera:
pratiquée à Beaumont, où son corps re-
pose. * r
A l'heure ou nous écrivons s lignes les
autopsies en question doivent être teMni-
nées. Nous ne tarderons donc pas à ea
connaître le résultat.
Que donnera l'analyse toxicolosique, six
mois exactement après le crime, surtout s'il!
s'agit de la recherche d'un narcotique ?,:
Après un si long temps, en restefa-t-il dos1
traces ?
Cest au lendemain du drame que cette
mesuiie eût dû être prise. Pourquoi M. Ly
det a-t-il fïégdigé de le faire ?
Détail macabre : On crovait oue les vis-
cères des victimes se trouvaient dans le
laboratoire de M. Ogier. Il n'en est rien, pa.
ralt-H. Les bocaux qui les contiennent se-
raient égarés parmi d'autres à la Morgue.
Comment les reconnaître. On est stupéfié
quand on songe à la façon dont les choses
se sont passées.
L'AUTOPSIE DE M. STEINHEIL
Ainsi que nous le disons plus haut, l'au-
topsie de M. Steinheil a été pratiquée hier.
Hier, à la première heure, M. Hamard
chef de la Sûreté, accompagné de son se>ré:
taire M. Joum et du brigadier Dechet, s'est
transporté au petit cimetière de l'Hay, près
de Bourg-la-Reine, où il a été procédé à
l'exhumation du cercueil de M. Adoii>he.
SteinheB, qui se trouvait non loin du tom-
beau de Chevreul dans l'allée principale
portant ce nom.
En présence du magistrat et de M. Hem- ,
hard, maire de l'Hay, le cercueil du peintre
a été remonté. Il portait une plaque de
nickol sur laquelle était gravés ces mots :
iî Adolphe Steinheil ».
C'est à la Morgue, devant ses collègues,
les docteurs Courtois-Suffit et Socquet. que
le docteur Balthazard, médecin légiste a
procédé à l'ouverture du cercueil du peiûh e
et a tenté de recommencer l'autopsie cm
avait été. déjà pratiquée par ; le docteur
Courtois-Suffit le surlendemain du .crime. ;
Malheureusement, le oojps ne Tonnait
plus qu'une bouillie noire et informe et il
est douteux qu'étant donné l'effroyable état
de décomposition du cadavre, ce nouvel exa*
men ait permis d'enregistrer des consta-
latkMis sérieuses.
Le rapport du docteur Baltbazard sera
transmis directement au parquet.
M. Leydet ayant également omis-de foire
analyser le résidu des verres dans lesquolg
Mme Steinheil aurait versé du rhum le soir
du eu-inie. M. André a prescrit à M. Ogier
de procéder à cette analyse.
LES MAGISTRATS A L'IMPASSE RONSIN
De retour de l'Hay, après l'inhumation,
M. Hamard s'est rendu vers neuf heures,
accompagné de MM. Grandjean, substitut,
et André, juge d'instruction, à l'impayé
Ronsiu pour faire visiter au nouveau juge
toutes les pièces où le drame s'était de-
roulé. , :
Mais depuis l'époque du crime, la villa
du peintre avait subi de nombreuses Irana-
formations. Au rez-de-chaussée, les deux
pièces, le salon et la salle à manger, ont.
été partagées. Le fond de la salle à manger
a été transformé en une garde-robe et
cabinet de toilette.
Le fond du salon est devenu la chambre
à coucher de Mme Steinheil et de sa liJle
Marthe.
Le premier étage est occupé par ba
Ip()lux Ohabrier, qui couchent dans ho'
chambre de Mlle Marthe. Le petit salon
de Mme Steinheil leur sert de salle à man-
ger. La chambre où fut trouvée assassæe
Mme Vve Japy a été divisée en salon ot
cuisine ; l'ancienne -salle de bains en salon-
fumoir ; la chambre de M. Steinheil e-,.
devenue une chambre d'ami souvent occi*-
pée par l'institutrice de Mlle Marthe
Au deuxtAne étage .se trouve le grandi
atelier du peintre avec, à côté, un cabinet,
de toilette et une chambre à coucher. Css
deux pièces destinées au peintre qui a c!è'
locataire de l'atelier.
Le grenier n'a pas changé. La chambre
de la bonne et-celle de Couillard renfer-
ment la première des. tableaux et la deuxiè-
me du linge et des débarras.
La cave a été coupée en trois ]>nr(4o9
.pour que chaque locataire ait la part Ù.
vaut lui revenir..
Malgré cette transformation et grâce ail
plan de la villa dressé avant le drame, M.
André, a pu se rendre compte de visu de
la disposition exacte où se trouvaient les
lieux, au moment de l'assassinat de M.
Steinheil et de Mme Japy.
Au eours de cette visite, M. Hamard- à
placé sous deux scellés divers objets pou-
vant être utiles pour l'instruction de l'af-
faire. ;
Mlle Marthe Steinheil est souffrante — on
le serait à moins. Elle ne peut recevoir per-
sonne. Du reste, Me Antony Aubin a re-
commandé aux hôtes de la villa .de ne plus
répondre aux questions des. journalistes.
A l'entrée de l'impasse, des curieux sta,
tionnent comme les jours précédents, corn-
f mentant les récits'des journaux. Un service
d'ordre assez important est organisé aux
abords de' la maison de Mme Steinheil et
lots gardiens de la paix demandent : « Où
allez-vous ? Ii à quiconque fait mine de s'en
approcher. ';bl').. 1"
Un rnarc!:?nd de vins est établi il l'an-
clo de la rue de Vaugirard et de l'impasse
Ronsin. Il s'y déroula samedi soir une
scène à la ïois burlesque et mouvementée.
ANNONCES
AUX BUREAUX DU JOURNAL
14, rue du Mait, Paris.
et chez MM. LAGRANGE, CERF e,q.
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Adresser lettres et mandats 4 fAdminuirtUtur -
TRIBUNE LIBRE.
LABETEHUMAINE
La Genèse nous raconte
des choses extraordinaires,
comme il convient à tous les
livres sacrés. Pour en com-
prendre le sens véritable, il
faut être familiarisé avec le
T /» X
mystère de la gnose. Les proianes sont
quelque peu étonnés quand ils lisent,
par exemple, que le bon Dieu créa la
lumière avant d'avoir fabriqué le so-
leil, la lune et les étoiles. -
On doit expliquer ce phénomène dans
ies séminaires.
Quand il eut fait la terre et tout le
reste, il compléta, son œuvre par la
création du premier homme et de la
première femme. « Faisons, se dit-il,
l'homme selon notre ressemblance ».
La femme participa du même privilège.
Et voilà que nous sommes tous faits
à l'image de Dieu. Cependant, on reste
bouleversé devant certaines observa-
tions. Pouvons-nous croire que tous les
êtres de notre espèce soient constitués
de la même façon ? N'était le témoigna-
ge considérable de la Bible, il nous
paraîtrait plutôt que notre humanité
est un étrange mélange d'individus bien
peu semblables les uns aux autres. Là
se retrouvent tous les types, celui de
la vipère, du scorpion, de l'hyène, du
tigre, du lion et autres espèces. Il sem-
ble qu'elles soient toutes représentées
dans la nôtre, comme si le créateur,
par un caprice impénétrable à notre
faible intelligence, avait voulu en faire
ia réduction de toute la gent animale.
Partout se retrouvent les mêmes
loups, les mêmes ours, les mêmes pan-
thères, avec des instincts identiques.
Mais les hommes et les femmes ? Dis
tribués sur une échelle qui va de la dif-
formité la plus effrayante à la souve-
raine beauté, ils diffèrent à l'infini par
!a valeur intellectuelle et morale.
Cette étrange bête humaine produit,
au hasaad, des vertus héroïques et des
vices hideux, des êtres aussi admira-
bles car la droiture, la bonté, le cou-
rage, le dévouement, que d'autres sont
répugnants de fausseté, de lâcheté, de
basse férocité et de vices terribles.
Dans tous les temps, on a vu des
criminels semer l'effroi autour d'eux
par des forfaits que l'imagination peut
à œine concevoir. Toutes les classes
fournirent leur contingent. Question so-
ciale ? Oui, s'il s'agit de vulgaires mal-
faiteurs. Tel individu qui commet un
vol ou un meurtre aurait pu faire un
honnête homme, s'il avait vécu dans
d'autres milieux, s'il avait reçu les
bienfaits du bon exemple et de l'éduca-
tion, s'il n'avait pas subi les influences
déprimantes du milieu corrupteur ou
de la souffrance qui exaspère. Mais
les plus grands forfaits dont l'histoire
a conservé les noms appartiennent à la
classe aristocratique ou bourgeoise.
Les coupables sont des rois ou des rei-
nes, des grands seigneurs, des papes,
des prélats, des curés et des moines,
des femmes du monde, des bourgeois et
des bourgeoises cossus, poussés à l'as-
sassinat et à l'empoisonnement par le
vice, la passion, l'ambition ou la cupi-
dité. Ce sont Jeanne, femme de Philippe
le Bel, les princesses Marguerite et
Blanche de Bourgogne, héroïnes de la
tour de Nesle, les Borgia, père, fils et
fille, la reine Jeanne de Naples, la mar-
quise de Brinvilliers, le pharmacien
Desrues,empoisonneur émérite du XVIIlo
siècle, roué et brûlé en place de Grève,
homme d'une piété édifiante, à tel
point que les bonnes femmes voulaient
ramasser ses débris et les conserver en
forme de reliques. C'est le duc de
Praslin, grand seigneur habitué de la
cour de Louis-Philippe, père de sept
enfants, assassin de sa femme parce
que amoureux d'une institutrice.
Les ogres et les ogresses ont bel et
bien existé.Ils n'ont pas seulement vécu
dans l'imagination de l'auteur de con-
tes de fées. Tel ce comte - Laval,
Gilles de Retz, maréchal de France,
l'un des quatre seigneurs chargés de
porter la Sainte Ampoule au sacre du
roi Charles VII, à Reims, après les
triomphes de Jeanne d'Arc. Homme très
riche, lettré et fort dévot le Barbe-
bleue de la Vendée. Une vieille femme
appelée la Meffraie parcourait les cam-
pagnes, caressait les enfants gardiens
de troupeaux, les attirait au oiïâteau
du comte de Laval, qui les employait
d'abord à ses débauches, et puis les
soumettait à des tourments raffinés
pour sa joie. Tout récemment, en An-
gleterre, pendant quelques semaines,
Jack l'éventreur a maintenu la ville de
Londres dans l'épouvantement.
A ce moment-ci, un paysan de la
Drôme est soupçonné d'avoir massacré
sa femme et ses enfants, et brûlé leurs
torm dans son four à pain.
Et cette Jeanne Weber, qui trouvait
son plaisir à étouffer les petits enfants,
après avoir étouffé les siens même,
probablement ! La voilà internée com-
me folle et irresponsable, sans autre
jugement. Il semblerait qu'on a voui i
étouffer aussi son affaire. Pourquoi ?
Le docteur Doyen a publié sur ce cas
un livre troublant. Internée une premiè-
re fois, elle à été reconnue saine des
prit et rendue à la liberté. Elle en a
profité pour étouffer un autre enfant.
Cela peut se renouveler. Un débat pu-
blic serait nécessaire, ne fût-ce que
pour bien établir les responsabilités de
ceux qui 4es ont encourues.
Que faut-il faire d'un Gilles de Retz,
d'un Jack l'éventreur, des ogres, des
ogresses, des Barbe-bleue, des mères,
des pères qui tuent leurs propres en-
fants, des nlles qui assassinent leur
mari et leur mère tout-à-la fois ? Assez
de littérature sur de pareils sujets.
Malades irresponsables ? C'est possi-
ble. Mais êtres répugnants, odieux et
irrémédiablement, dangereux, c'est cer-
tain.
Si vous estimez que la peine de mort,
par un quelconque procédé, ne doit pas
être appliquée aux Gilles de Retz, aux
Jack l'éventreur et êtres similaires, ce
n'est point dans les établissements d'a-
liénés ou les bagnes que vous devez W
envoyer, mais en des cellules où, sépa
rés définitivement du reste du monde:
morts à la vie civile, morts à la vie so
ciale, ils termineront, dans l'isolement
le plus absolu, leur existence de bêtps
monstrueuses.
Je voudrais bien que le curé de JlJh
paroisse me dise si ces gens-là ont été
faits, comme lui-même, à l'image OP
Dieu ?
DFXPECH,
sénateur de l'Ariège.
Président d'honneur du Comité Exécutif
du Parti radical et radical-socialiste.
LA POLITIQUE
LA GUERRE ECONOMIQUE
Le boycottage des marchan-
dises autrichiennes continue.
Ce n'est plus une riposte un
peu vive aux agissements de M.
d'Ærenthal, c'est tout un sys-
tème d'hostilités.
Chaque jour marque un progrès dans
l'organisation. Un comité de boycottage,
officiellement constitué, délivre des diplô
mes et des satisfecits..
En même temps les marchandises autri-
chiennes restent invendues et les navdres
marchands sous pavillon autrichien ne
peuvent plus aborder aux quais des ports
ottomans. C'est le début d'une guerre
nouvelle : la guerre économique.
Celle-ci échappe aux règles de l'autre
guerre, celle des fusils et des canons ; elle
ne dépend ni des gouvernements, ni des
chefs militaires, ni des ambassadeurs.
Elle est menée par des volontaires, ou
pour mieux dire, par des volontaires qui
se refusent à acheter, adopter ou consom-
mer les produits de l'adversaire.
Le gouvernement turc ne pouvant im-
poser aux Ottomans des fournisseurs ve-
nus des bords du Danube, le gouverne-
ment de Vienne sera bien obligé de cons-
tater l'impuissance de la Porte à soula-
ger sa peine.
D'autres Etats profitent des malheurs
de l'Autriche. Les concurrents vendent
leurs marchandises et se créent facilement
une clientèle inespérée.
Les à-coups de la politique autrichien-
ne devaient avoir ce résultat. En sollici-
tant la France d'intervenir à Constanti-
nople pour enrayer la catastrophe com-
lTlertia]eJes diplomates viennois ont mon-
tré simplement leur désarroi. Notre di-
plomatie pourra certes fournir quelques
consolations à la chancellerie des Habs-
bourgs. Les marchands autrichiens n'en
vendront pas un paquet de biscuits de
plus. - -
Les peuples payent cher les fautes de
leurs gouvernements. C'est ce que prouve
cette fable.
♦ -
LES ON-DIT
NOTRE AGENDA
Aujourd'hui lundi :
Lever du soleil à 7 h. 32 ; coucher à
4 h. 5, ; -
i - Courses à Saint-Ouen.
l Maujaniana. -. ,,-,
! Pendant le séjour en France du roi
de Suède, il y eut — naturellement —
grande chasse officielle à Rambouillet.
Les ministres y assistaient ; les sous-
secrétaires d'Etat aussi !
Le tir du gibier s'effectua selon les
règles protocolaires les plus rigoureu-
ses. Le roi tira le premier un superbe
faisan, le président tira" le. second une
belle poule, le président-du conseil tira
un lapin, et ainsi de suite.
Quand Son tour arriva, Il ne se pré-
senta qu'un geai devant son fusil. Par
hasard il le tua.
— « Il ne lui manque qu'une plume
de paon où tu sais. pour être à ton
image » .lui dit le président du conseil
facétieux.
Et le roi, qui avait entendu, se con-
tint pour ne pas éclater de rire.
Paquets à leur adresse
M. Dumont, avocat, état persuadé
qu'un défenseur ne doit négliger aucun
nroyen.. même, .le .pt\J? futile, pour faire
triompher la muse. qu'il défend ; parce
que, disait-il, chaque juge a son idée
de derrière la tête, bonne ou mauvaise,
mais suivant se décide. -
Un jour; plaidant "une cause à la
grand châmbre du Parlement de Paris,
il mêlait h des - argumentations victo-
rieuses et très solides, d'autres argu-
mentations très faibles et. paraissant
n'être d'aucune valeur. Ce que lui re-
prochait, après l'audience, le premier
président M. de - Harlay.
- -«( MpI).$elgn\lJ',. tel. argument était
pour tel des juges, cet autre pour tel
autre juge .;. il-faut-q-u'à chacun soit en-
voyé 'sffl, - petit paquet spécial de
moyens qui le puissent convaincre.
Au bout de quelques audiences, l'af-
faire étanV jugéç, Dumont gagnait son
procès. -.
M. le Premier rasant appelé et pris
à part : -
— « Vous voyez M. Dumont, lui dit-
il, que chaque paquet est fort bien ar-
rivé à son adresse. »
AtfT9?epfHS
Rappel -du. ltl. décembre 1872. — Grande !
séance à îiationale. On discute
les conclusions- da La. commission Kerdrcl.
M. Thiersr jpiésuLent de la République, de-
mande un vole de cou/iance. Il rappelle
qu'au moment où la Commune était mai-
tresse de Pa ris, il a reçu des députations
de toutes hrsgrandcs xiïttzs~qvi de-
mandé s'il était pour la lépilbHq-ue M.
Thiërs ajoute : tt Moi, monarchiste, je me
suis engagé, envers la République, devant
les représentants des Communes. Il n'y a
pas aujourd'hui, pour la France, d'autre
gouvernement possible que la République
conservatrice. Ce n'est pas seulement par
honnêteté que je ne fais pas un coup d'Etat.
Est-ce que l'armée, cette brave armée m'o-
béiradt si je-tentais ce coup insensé ? » La
motion du gouvernement est adoptée par
375 voix contre 334. Ce vole soulève l'en-
thousiasme du.:>pm'ti républicain.
On annonce que Raspail est de nouveau
gravement indisposé.
Boulevard des ltal'lens,'I.en chemisier ayant
étalé dans sa vitrine un brassard blanc,orne
de fleurs de lys, des groupes hostiles se
sont formés devant la boutique ; Pin dus-
triel a dû retirer de sa devanture l'cmblénw
factieux.
Un commencement d'incendi s'est pro-
duit hier après-midi au Panthéoil.
Ce qu'est l'amour
Le savant Charles Huet (1630-1712)
qui fut précepteur du Dauphin et, quel-
que temps, évêque d'Avranches, défi-
nissait ainsi l'amour :
,« L'amour est une maladie du corps,
comme la fièvre. Elle est dans le sang
et dans les esprits qui s'allument et
s'agitent extraordinairement et. on la
pourrait traiter méthodiquement, par
les règles de la médecine, pour la gué-
rir.
Je crois que l'on en viendrait à bout
par les grandes sueurs et de copieuses
saignées qui, emportant avec l'humeur
ces esprits enflammés purgeraient le
sang, calmeraient son émotion et le ré-
tabliraient. dans son état naturel. C'est
une opinion fondée sur l'expérience.
Un grand prince atteint d'un amour
violent pour une demoiselle de mérite
fut contraint de partir pour l'armée.
Tant que son absence dura, sa pas-
sion s'entretint par le souvenir et par
un commerce de lettres fort, frénuenL
jusqu'à la lin de la campagne.
Puis une maladie dangereuse le ré-
duisit à l'extrémité. Il en nut, guérir
mais sans toutefois reprendre son
amour que de grandes évacuations
avaient emporté à son ineu ; car se per-
suadant d'être toujours amoureux et
ne l'étant plus que-de mémoire, il se
trouva froid et sans passion .auprès' de
celle qu'il croyait encore aimer. »
La manière.
On représentait à un chroniqueur
Connu par ses mensonges qu'il avait -al-
téré la narration d'un fait. « Cela se
peut, dit-il, mais qu'importe ? le fait,
n'est-il pas mieux tel que je l'ai ra-
conté ? »
Ses pieds.
Les pieds.de M. Aynard sont légen-
daires et c'est un peu de sa faute, car
toute légende à son commencement. Or
l'honorable député de Lyon, chausse, il
est vrai, du 1 6.
Un de. ses amis lyonnais" M. Mau-
gini, dit-on, lui écrivit un jour : « Vous
savez que je suis un collectionneur.
Envoyez-moi donc une de vos botti-
nes? .)> - : - -
M. Aynard qui est — quoique écono:
miste — un aimable pince-sans-rire,
avisa le géant des Folies-Bergère, et lui
acheta une de' ses chaussures qu'il ex-
pédia à Lyon.
Il paraît qu'elle figure au Musée de
la place des Terreaux.
«0
SABOTAGE
M. Simyan. sous-secrétaire d'Etat pro-
visoire des P. T. T., ne doute plus de
rien.
Parce qu'il a échappé à doux reprises
aux justes sanctions de la Chambre, la
première fois grâce aux cinq déserteurs de
Casablanca et l'habile intervention de M.
BartJwu) la seconde en niant la réalité et
en prodiguant sa parole d'honneur comme
un appel téléphonique, le satrapicule de ia
rue de Grenelle entend continuer en paix
son règne de bon plaisir et ses procédés
d'arbitraire.
Il ne craint pas d'aller jusqu'au sabotage
des journaux indépendants, qui ne sont
plus distribués à leurs abonnés qu'avec dCl"
retards inexplicables et inexpliqués.
« Notes secrètes » pour les employés ;
« Postes d'écoute » 'Pour les abonnés ;
m Cabinet noir » pour les lettres ; « Sabo-
tage » pour les journaux. M. le sous-secré-
taire d'Etat des P. T. T. nous comble.
Mais s'il s'imagine que tout lui est per-
mis, et que la France entière est livrée à
son pouvoir discrétionnaire, il se trompe
étrangement. ,
« Tel ouide engeigner autrui
- Il Qui souvent s'engeigne lui-même »
a dit le bon fabuliste.
- M. le sous-secrétaire d'Etat des P. T. T.
est sur une pente qui lui sera fatale à bref
délai..
Il est averti.
po- ———————————.
Les paroles et les actes
LA JUSTICE MILITAIRE
M. Clemenceau — naguère ! — nous di-
sait :
Parmi les dincu n.. , réformes qui nous
furent promises par le gouvernement ac-
tuel., l'une des plus urgentes, est, sans con-
tredit, la réforme de ce qu'on appelle la jus-
tice militaire.
: Au prix d'une crise de deux années, un
innocent a pu. malgré le gouvernement et
les deux Chambres de ta République, Irou-
ver des juges civils' dignes de ce nom à la
Cour suprême. Il n'en a pas trouvé dans
l'armée.
Dans un premier procès les lois protec-
trices de l'accusé furent impunément vio-
lées par ceux-là mêmes qui avaient mis-
sion de les appliquer. Ainsi dans un second
procès où triompha publiquement le faux
témoignage, sans que ni magistrats, ni
gouvernement trouvassent le courage de
mettre la main au collet des menteurs con-
fondus. -
Depuis, un homme quj porte l'un des
noms dont notre temps, s'honore a pu écrire
que les juges de Rennes avaient, condamné
un homme qu'ils savaient innocent., et pas
un de ces militaires professionnellement si
ehatouilleur sur le point d'honneur: n'a
osé protester contre l'outrage sanglant fait
à sa probité de juge ni intenter le procès
gui eut fait, éclater sa honte. Quelle peut
être l'autorité ,:p la Justice militaire dans le
pays qui do'ine A r _lIrGrp ce spectacle, et
quelle est .'a menlaVlë du gouvernement
gui, découvrant, la plaie, n'ose y porter le
fer rouge jusqu'à complète guérison ?
Quelle est en fait, l'étrange mentalité d.
ce gouvernement, présidé par Ctlui-là
même qui posait si véhémentement la
question hier, et qui devrait bien y répon-
dre aujourd'hui.
CARNET DU LIBRE PENSEUR
Le Congrès des amicales
de congréganistes
Prenant exemple sur les Amicales d'ins-
tituteurs, dont on connaît les progrès rapi-
des et les succès,.Ies membres de l'enseigne-
ment libre catholique ont créé des associg,-
tions du même genre, lesquelles viennent
de tenir un congrés.
'La question des associations cléricales de
pères de famille a été naturellement, dans
cette réunion, l'objet d'une importante dis-
cltssion. Il a été dit, notamment, que ces
groupements destinés à combattre l'ensei-
gnement laïque avaient déjà donné d'ex-
cellents résultats au point de vue de l'es-
priJ. dans tequel ils ont été conçus et un
vœu favorable à leur développement a été
adopté.
Mais ,.me question plus importante encore
a été mise sur le tapis.
Il s'agit de la collaboration des Amicales
congréganistes au mouvement syndical.
Voici le vœu qu'a adopté l'assemblée :
Considérant que l'organisation professionnelle
est absolument, indispensable à l'heure actuelle
et ou'cHc doit être faite dans un esprit (Se con-
corde et de justice, et non dans un esprit ce
violence et de lutte de classes ;
Considérant que la neutralité syndicale n'est
pas suffisamment -assurée pour que les catholi-
ques puissent, sons froissement pour leurs Cff).
piétions religieuses, entrer dans des syndicats
quelconques ;
Emet le vœu,
Que les Amicales apfortent leur concoiir* su
mouvement syndicat, en tant que ce mouvement
sera professionnel dans son action et cath clique
dans son recrutement ;
Que les eatlioiiques apportent leur coneour-. i
la formation de .sections de syndicats eXHt. '!:-
ou à la création de syndicats nouveaux en les
soutenant de leur influence et en leur pr-Huit
J aide morale et matérielle indispensable..
En' vertu de celle décision, nous pouvons
nous attendre à VOiji s'ouyrir partout une
campagne en faveur de l'organisation des
syndicats catholiques. Les apôtres en se-
ront les évêques, les curés et tous les con-
gréganisles plus ou mois défroqués qui
pullulent encore en France.
Nos gouvernants ne verront-ils pas bien
tôt que le moment est venu de onqet. en.
lin à abroger la loi Falloux ? — P. G.
L'AFFAIRE STEINHEIL
LIOmPSlÊlï VICTIMES
* >.---..
On exhume les cadavres de M. Steinheil et de
Mme Japy. — Les lacunes de l'instruction.-
Les magistrats à l'impasse Ronsin. — Ce qu'é-
tait M. Steinheil. — Les familiers de la villa.
M. And -ré, le nouveau juge d'nstruction,
semble vouloir reprendre ab ovo l'affaire
Steinheil et il faut l'en féliciter, car il ap-
paraît clairement que rien ou à peu près
n'a été fait pour permettre à l'œuvre de
justice de suivre normalement son cours.
A qui la faut;e ? On le devine sans -peine.
N'avons-nous pas assez répété, dès les pre-
miers jours de l'affaire, que l'enquête et
l'instruction, cette dernière surtout, avaient
été mal engagées ?
Toutes les-négligences ou tous les efforts
faits pour ne point arriver à la découverte
de la vérité — comme on voudra— appa-
raissent aujourd'hui nettement.
En vérité, la façon dont l'affaire fut en-
gagée dès le début, prête à de singulières
réflexions. ,'
C'est M. Leydet, ami de la famille Stein-
heil, qui. est chargé de l'instruction ; c'est
M. le docteur Courtois-Suffit, médecin de la
famille Steinheil, qui est chargé de l'autop-
sie des cadavres. Il y avait peut-être enco-
lle d'autres fonctions confiées à des amis
de la famille.
Sans doute, l'honorabilité et l'indépen-
dance de M. Leydet et du docteur Courtois-
Suffit sont à l'abri du soupçon, mais tout
de même, il y avait un peu trop d'amis de
la famille à la recherche de la vérité.
Et il a fallu toute l'imprudence de Mme
Steinheil pour amener un changement qui
permit enfin à l'opinion publique d'espé-
rer une orientation sérieuse dans les recher-
ches.
LES LACUNES DU DOSSIER
M. André aurait, dit-on, constaté d'étran-
ges choses en compulsant le dossier, et il
en serait à se demander si, étant donnés ce
qu'a révélé l'autopsie, la position des ca-
davres et un certain nombre d'autres re.
marquies. le peintre Steinheil et sa belle-
mère n'auraient pas été étranglés alors
qu'ils étaient déjà empoisonnés ou sous
l'influence d'un narcotique. d
Le dossier établirait en ci t et : ,
1° Par le rapport du docteur CourLois-
Suffit. qui procéda à l'autopsie des deux
cadavres, que les traces de violences rele-
vées sur le corps de M. Steinheil et sur ce-
lui de Mme Japy étaient antérieures à la
mort ;
, 2° Par une déposition de Rémy.Couîlîarei,
que Mme Steinheil, qui n'avait pas l'habi-
tude de verser à boire à son mari et à sa
mère, lesquels se servaient toujours eux-
mêmes, avait, à la fin du repas pris en
commun le 30 mai, impasse Ronsin, versé
du rhum dans les verres de M. Steinheil
et de Mme ,lapy. Que la même Mme Stein-
heil, lorsqu'elle eut regagné sa chambre, se
fit apporter des verres par le jeune domes-
tique ; que lors des constatations judiciai-
res faites le 31 mai, on retrouva ces ver-
res dans lesouels on avait bu ; -
3° D'après le procès-verbal de M. Bu-
chotte commissaire de police, que le corps
de M." Steinheil fut découvert dans le ca-
binet de toilette attenant à sa chambre et
donnant accès dans celle de Mme Japy ;
que le corps était affaissé, à demi replié sur
lui-même, les bras ballants, alors que la
rigidité cadavérique aurait dû immobiliser
ses bras dans l'attitude défensive d'un
hoanme qui. se sentant étrangler, porte
instinctivement la main à son cou pour des.
serrer la cord-e qui le lie ;
4° D'après le même procès-verbal, que
l'alpenstock dont il a été parlé lors de la
découverte du crime se trouvait sur le par-
quet, à 50 centimètres du cadavre et à sa
gauche, et M Steinheil n'était pas gaucher.
IMPORTANTES DECLARATIONS
Dans l'interrogatoire qu'isl a fait subir à
Mariette Wolf, le juge s'est surtout préoc-
cupé d'éclaircir ces divers points :
Le lendemain du crime, Rémy Couillard vous
a-t-il dit, en vous racontant les événements de
la soirée du 30 mai : « Mme Steinheil, son mari
et sa mère sont montés se coucher vers dix
heures du soir. Qulques minutes plus tard,
Mme Steinheil m'a sonné pour me demander
die lui apporter des verres » ? * ,
- C'est exact, répond Mariette. Remy m'a
bien raconté cela.
— Le môme Remy Couillard ne vous a-t-il pas
également parlù d'un autre ordre que lui au-
rait donné Mme Steinheil ?
Mariette qui ne comprend pas du tout où
veut en venir le juge, le regarde d'un air d'é-
tonnement. M. André précise :
— Mme Stûinlieit, n'aurait-elle pas dit à
Remy Couillard : « Apportez-moi également
l'alplnstock. Je couclie dans la chambre de
Mlle Marthe ; munie de cette arme, je n'aurai
pas peur. » ?
- Oui, fait Manette, je me souviens que
Remy. m'a raconté cela aussi..
M. André poursuit :
— On a bu dans les verres qu'avait appor-
les Remy Couillard. Savez-vous qui a bu et co
qu'on a bu Y
— Non, je ne le sais pas.
Le juge d'instruction, après un court répit,
demande à Mariette :
- Il y avait bien une armoire à pharmacie
au premier étage de la maison de l'impusse
Ronsin ?
— Oui, monsieur le juge.
— Couillard, dans un de ses interrogatoires
a raconté ceci à propos de cette pharmacie r
« Quelque temps après le crime, Mme Steinheil
rnc fit .déménager les fioles qui se trouvaient
dans l'armoire. Elle me donna l'ordre de jeter
certaines d'entre elles. » Vous avez sûrement
été au courant de ce déménagement.?
Marietté Wolf paraît rassembler ses bouve.
nirs, puis elle dit
, — je crois me souvenir, en effet, que l'en
changea. la pharmacie d'armoire, mais je ne
sais pas si des fioles furent- jetées.
M. André insiste,. mais 'Mariette Wolf rérond
touiours •
— Moi, je ne sais rien là-dessus. C'e^t tout
ce que je * puis vous dire, et c'est la vérité.
LA DECISION DE M. ANDRE
Pour tâcher d'être fixé sur ce point im-
portant, capital même, comme nous Pavons
qualifié au début de l'affaire en manifestant
notre surprise que l'autopeie n'ait pas été*
suivie d une analyse des viscèrés, M. Aii-,
drée a décidé de faire exhumer les cadavres.
- Le docteur Balthazard, médecin-expert a.
été désigné pour autopsier les restes de M.',
Stcinhcil inhumés au cimetière de J'Ilay * -
qaanl à l'autopsie de Mme Japy elle sera:
pratiquée à Beaumont, où son corps re-
pose. * r
A l'heure ou nous écrivons s lignes les
autopsies en question doivent être teMni-
nées. Nous ne tarderons donc pas à ea
connaître le résultat.
Que donnera l'analyse toxicolosique, six
mois exactement après le crime, surtout s'il!
s'agit de la recherche d'un narcotique ?,:
Après un si long temps, en restefa-t-il dos1
traces ?
Cest au lendemain du drame que cette
mesuiie eût dû être prise. Pourquoi M. Ly
det a-t-il fïégdigé de le faire ?
Détail macabre : On crovait oue les vis-
cères des victimes se trouvaient dans le
laboratoire de M. Ogier. Il n'en est rien, pa.
ralt-H. Les bocaux qui les contiennent se-
raient égarés parmi d'autres à la Morgue.
Comment les reconnaître. On est stupéfié
quand on songe à la façon dont les choses
se sont passées.
L'AUTOPSIE DE M. STEINHEIL
Ainsi que nous le disons plus haut, l'au-
topsie de M. Steinheil a été pratiquée hier.
Hier, à la première heure, M. Hamard
chef de la Sûreté, accompagné de son se>ré:
taire M. Joum et du brigadier Dechet, s'est
transporté au petit cimetière de l'Hay, près
de Bourg-la-Reine, où il a été procédé à
l'exhumation du cercueil de M. Adoii>he.
SteinheB, qui se trouvait non loin du tom-
beau de Chevreul dans l'allée principale
portant ce nom.
En présence du magistrat et de M. Hem- ,
hard, maire de l'Hay, le cercueil du peintre
a été remonté. Il portait une plaque de
nickol sur laquelle était gravés ces mots :
iî Adolphe Steinheil ».
C'est à la Morgue, devant ses collègues,
les docteurs Courtois-Suffit et Socquet. que
le docteur Balthazard, médecin légiste a
procédé à l'ouverture du cercueil du peiûh e
et a tenté de recommencer l'autopsie cm
avait été. déjà pratiquée par ; le docteur
Courtois-Suffit le surlendemain du .crime. ;
Malheureusement, le oojps ne Tonnait
plus qu'une bouillie noire et informe et il
est douteux qu'étant donné l'effroyable état
de décomposition du cadavre, ce nouvel exa*
men ait permis d'enregistrer des consta-
latkMis sérieuses.
Le rapport du docteur Baltbazard sera
transmis directement au parquet.
M. Leydet ayant également omis-de foire
analyser le résidu des verres dans lesquolg
Mme Steinheil aurait versé du rhum le soir
du eu-inie. M. André a prescrit à M. Ogier
de procéder à cette analyse.
LES MAGISTRATS A L'IMPASSE RONSIN
De retour de l'Hay, après l'inhumation,
M. Hamard s'est rendu vers neuf heures,
accompagné de MM. Grandjean, substitut,
et André, juge d'instruction, à l'impayé
Ronsiu pour faire visiter au nouveau juge
toutes les pièces où le drame s'était de-
roulé. , :
Mais depuis l'époque du crime, la villa
du peintre avait subi de nombreuses Irana-
formations. Au rez-de-chaussée, les deux
pièces, le salon et la salle à manger, ont.
été partagées. Le fond de la salle à manger
a été transformé en une garde-robe et
cabinet de toilette.
Le fond du salon est devenu la chambre
à coucher de Mme Steinheil et de sa liJle
Marthe.
Le premier étage est occupé par ba
Ip()lux Ohabrier, qui couchent dans ho'
chambre de Mlle Marthe. Le petit salon
de Mme Steinheil leur sert de salle à man-
ger. La chambre où fut trouvée assassæe
Mme Vve Japy a été divisée en salon ot
cuisine ; l'ancienne -salle de bains en salon-
fumoir ; la chambre de M. Steinheil e-,.
devenue une chambre d'ami souvent occi*-
pée par l'institutrice de Mlle Marthe
Au deuxtAne étage .se trouve le grandi
atelier du peintre avec, à côté, un cabinet,
de toilette et une chambre à coucher. Css
deux pièces destinées au peintre qui a c!è'
locataire de l'atelier.
Le grenier n'a pas changé. La chambre
de la bonne et-celle de Couillard renfer-
ment la première des. tableaux et la deuxiè-
me du linge et des débarras.
La cave a été coupée en trois ]>nr(4o9
.pour que chaque locataire ait la part Ù.
vaut lui revenir..
Malgré cette transformation et grâce ail
plan de la villa dressé avant le drame, M.
André, a pu se rendre compte de visu de
la disposition exacte où se trouvaient les
lieux, au moment de l'assassinat de M.
Steinheil et de Mme Japy.
Au eours de cette visite, M. Hamard- à
placé sous deux scellés divers objets pou-
vant être utiles pour l'instruction de l'af-
faire. ;
Mlle Marthe Steinheil est souffrante — on
le serait à moins. Elle ne peut recevoir per-
sonne. Du reste, Me Antony Aubin a re-
commandé aux hôtes de la villa .de ne plus
répondre aux questions des. journalistes.
A l'entrée de l'impasse, des curieux sta,
tionnent comme les jours précédents, corn-
f mentant les récits'des journaux. Un service
d'ordre assez important est organisé aux
abords de' la maison de Mme Steinheil et
lots gardiens de la paix demandent : « Où
allez-vous ? Ii à quiconque fait mine de s'en
approcher. ';bl').. 1"
Un rnarc!:?nd de vins est établi il l'an-
clo de la rue de Vaugirard et de l'impasse
Ronsin. Il s'y déroula samedi soir une
scène à la ïois burlesque et mouvementée.
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