Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1908-09-06
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 06 septembre 1908 06 septembre 1908
Description : 1908/09/06 (N14058). 1908/09/06 (N14058).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7570946n
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
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Dimanche 6 Septembre 1908. - 3,14059.
LE XIX SIECLE
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TRIBUNE LIBRE Il 1
L"Alle agne et l'Islam
Le départ de M. Vassel
pour Fez, la note de la Wi-
lhelmstrasse pressant les
puissances signataires de
l'acte d'Algésiras de recon-
naître Moulay Hafid, ont fait
fturçgfr de nombreux commentaires et
, des récriminations multipliées dans la
presse française et dans la presse an-
glaise.
Ce qui surprend, c'est l'étonnement
même de nos confrères. « Eh ! quoi ! di-
sent les uns, au lendemain du jour où
Guillaume II a prononcé des paroles de
paix à Strasbourg, inopinément, il agit
comme s'il voulait déchaîner la tem-
pête ? » — « Eh ! quoi ! disent les au-
tres, l'Allemagne qui a convié les puis-
sances à régler collectivement la ques-
tion marocaine dans une conférence in-
ternationale, prétend maintenant s'iso-
ler, faire cavalier seul, envoyer son con-
sul au sultan sans consulter les autres
puissances, sans lier son action à la
leur ? » — « Comment ! disent enfin les
plus exacts diplomates, l'Allemagne pré-
tend prendre une initiative, en matière
marocaine, alors que, d'après l'acte d'Al-
gésiras, l'initiative appartient visible-
ment à TEsnagne et à la France ! »
Et, en effet, au point de vue de la di-
plomatie usitée généralement, l'Allema-
gne adopte une- façon d'agir qui déroute
et qui blesse. Cependant, nos confrères
avaient-ils lieu d'être surnris, après tant
de précédents ?
La tradition de la diplomatie alleman-
de remonte à la victoire de la Prusse
sur l'Allemagne et sur la France et c'est
la tradition même de la diplomatie prus-
sienne. Or, aux époques mêmes où la
Prusse a eu de grands' diplomates, Fré-
-. déric II ou Bismarck, elle a altérné sa-
vamment les brusques effets de force et
les apparences d'effusions confiantes.
Que la Wilhelmstrasse ait fait un sys-
tème de procédés usités par deux hom-
mes illustres, c'est vraisemblable. N'ou-
blions qu'il y a toujours une école bis-
marckienne dont les disciples, sans éga-
ler le maître, se flattent assurément
d'appliquer la méthode. Peut-être bien,
les effets seront-ils moins efficaces qu'au-
trefois, car malgré le semi-absolutisme
du régime impérial, les diplomates al-
lemands d'aujourd'hui se contentent de
caresser de la main le pommeau du glai-
ve germanique ; ils hésitent — voyez
Strasbourg — à le jeter dans la balance.
Diplomatie donc, qui ne réussit point
à gagner les cœurs et qui ne réussit plus,
non plus, à jeter le trouble et la cons-
ternation en Europe. Mais cette diplo-
matie est-elle inutile, complètement,
parce qu'inopérante, sur le continent ?
Non pas. Cette manière, ce style des
diplomates allemands sert fort bien la
politique qu'ils veulent faire dans le
nnvs rl'TlAm-
Avec la ténacité, l'obstination qu'on
connaît à nos voisins d'Outre-Rhin, ils
tendent à incarner au}, yeux des musul-
mans le type de la puissance amie; fi-
dèle, dévouée, secourable. « On n'invo-
qué pas l'appui de l'Allemagne en vain !
disent les agents de la Wilhelmstrasse
aux peuples fidèles à la religion du pro-
Itète. Et le (gouvernement allemand ne
iuclamait-il pas en 1905 : « Nous som-
mes derrière le Maroc avec toutes nos
Îor016 ! » « Nous défendrons le sultan
Abd el Aziz contre.la France », disaient-
ils alors au maghzen. « Nous reconnaî-
trons Hafid, avant la France », disent-
ils maintenant encore au maghzen.
Quelque irritation que nous devions
légitimement éprouver d'une semblable
attitude, avouons que les Allemands ont
cependant chance, en l'adoptant, d'ob-
tenir l'effet cherché. Le réalisme bis-
marckien reçoit ici une satisfaction.
Mais combien eut-il mieux valu pour
nous, couper les effets faciles de M.
Vassel pas notre décision rapide.
D'ailleurs, si le gouvernement germa-
nique a précipitamment tenté d'obtenir
un avantage moral au Maroc, c'est qu'il
ne voulait pas rester sur ses déceptions
de Turquie.
La révolution turque, en effet, a jeté
à terre d'un geste bref, tout le château
ne cartes édifié depuis vingt ans par
l'empereur Guillaume Il en pays otto-
man.
C'était un beau rêve pour les hommes
d'Etat des bords de la Sprée que de do-
miner, du fond de leur sablière, l'im-
mense empire qui s'étend sur les deux
rives, également enchanteresses, du Bos-
phore.
Et, derrière ce rêve, deux réalités ap-
préciables : La Turquie d'Abdûl Hamid
tout puissant pouvait fournir le secours
d'une armée dont là vaillance est légen-
daire et dont l'éducation avait été faite
par r,"," officiers allemands. On pouvait
donc mmpenser à la rigueur des allian-
ces hésitantes ou des concours tardifs.
L'autre réalité, c'était l'exploitation
économique de J'empire ottoman par
l'Allemagne, grâce à son commerce et à
ses voies ferrées. Les nouvelles influen-
ces, qui vont s'exercer en Turquie, se-
ront-elles aussi favorables à l'Allema-
gne que l'amitié d'Abdul Hamid ? C'est
ce qu'on ne sait trop encore.
Dans tous les cas, la révolution tur-
que, avec ses allures généreuses, s'ac-
complit au chant de la Marseillaise.
La conduite des Jeunes Turcs à l'é-
gard de la France est digne d'être no-
tée. C'est un démocrate français, Ca-
mille Pelletan, qui, de passage à Cons-
tantinople, est acclamé dans un théâtre
où il harangue les spectateurs enthou-
siastes. C'est à l'ambassade d'Angleterre
que les vainqueurs ont fait entendre
les cris d'une longue ovation qui chan-
tait le respect de la vieille nation libé-
rale.
Les salamalecs de quelques Marocains
autour de l'équipage de M. Vassel par-
tant pour Fez, eussent produit, certes,
un effet médiocre à côté des grandes
manifestations francophiles et anglophi-
les de Stamboul, si les journaux fran-
çais et anglais n'avaient fait très gros
effort pour donner une importance dis-
proportionnée, et dont il doit exulter,
aux actes et à la personne d'un agent
subalterne du corps diplomatique alle-
mand.
Albert MILHAUD.
LA POLITIQUE
AU MAROC
Il est clair que la politique
allemande au Maroc manque
de courtoisie et d'aménité. Les
procédés auxquels elle revient
sont détestables; la presse et
l'opinion publique en France
seront unanimes à les condamner.
Unanimement, nous en avons la con-
victrion, nous nous trouverons tous d'ac-
cord pour l'admettre d'autre solution
que celle qui sera compatible avec l'hon-
neur et l'intérêt supérieur de notre pays.
Sur le terrain du véritable patriotis-
me, nous nous montrerons riCl d'autant
plus jaloux de notre dignité nationale,
que nous n'aurons jamais galvaudé les
grands mots d'honneur et de patrie pour
dissimuler des intérêts inavoués et des
affaires inavouables.
Mais si les procédés allemands sont
infiniment blâmables, il n'en résulte pas
que la politique marocaine de notre gou-
vernement soit exempte de reproches. Là
encore il convient de s'opposer nettement
aux diversions et aux échappatoires.
Nous ne consentirons pas à nous
hypnotiser devant les manœuvres de
l'Allemagne pour permettre entre temps
à M. Pichon d'esquiver ses propres res-
ponsabilités.
La rigueur excessive dont on usa à
l'égard de M. Delcassé ne doit pas dé-
générer vis-à-vis de M. Pichon en une
complaisance dangereuse. Or il est évi-
dent aux yeux de tout homme de bonne
foi que nous ne faisons- que récolter au-
jourd'hui la mauvanse moisson semée au
Maroc par M. le ministre des affaires
1 étrangères.
Le gouvernement n'a jamais su pren-
dre un dessein ferme, ni osé faire con-
naître loyalement ses intentions.
Il n'a cessé, en réalité, de soutenir Abd
el Aziz tout en s'en défendant, et de
combattre Moulay Hafid tout en. protes-
tant du contraire. Combattant Moulay
Haifid, il n'a pas su le réduire à l'impuis-
sance, et soutenant Abd el Aziz, jusqu'au
dernier jour, il n'a su que le livrer à la
défaite.
Et il s'étonnera du prestige qu'une
telle impéritie vaudra à la France, aux
yeux de l'Islam!
Plus récemment encore, il a fourni un
prétexte à l'Allemagne en continuant à
occuper militairement la Chaouia paci-
fiée, bien qu'il eut annoncé depuis plu-
sieurs mois son évacuation.
La pointe de M. Wassel sur Fez est
la conséquence de la pointe du général
d'Amade sur Azemmour.
Certes, nous avons le devoir de protes
ter hautement contre le procédé discour-
tois de l'Allemagne, mais nous devons
reconnaître franchement que le gouver-
nement devait et pouvait le prévenir.
Si nous avions des diplomates (ils sont
sans cesse partout, sauf à leur poste) qui
sachent voir, et des ministres qui veulent
entendre,n-ous serions déjà sortis à notre
honneur de cette aventure marocaine,
dont nul ne saurait plus prévoir aujour-
d'hui les conséquences.
M. le président du Conseil, chez qu- -
le" situations les DIUS redoutables ne
provoquent que des boutades, décrète, en
sa villégiature de Carlsbad, qu'il est
« très satisfait de la situation ». Il n'est
certainement pas difficile.
Pendant qu'il délibère à table, l'Alle-
magne agit au Maroc, notre frontière
algérienne est envahie, et le Tonkin se
soulève. On serait satisfait à moins.
Il ne reste plus qu'à faire partager
cette satisfaction aux Chambres et au
pays, et entonner à la rentrée un hym-
ne d'allégresse générale.
Un de nos confrères disait hier excel-
lemment que « notre adversaire nous bat
avec les cartes gue nous lui abandon-
nons
C'est à la Chambre de dire si elle en-
tend maintenir sa confiance à un minis-
tre aussi étrange qu'étraftger aux affai-
res étrangères.
LES ON-DIT
NOTRE ACENDII
Aujourd'hui samedi :
Lever du soleil à 5 h. 23; coucher à 6 heu-
res 34.
- Courses à Saint-Cloud.
- Premières : Ambigu, réouverture : Ro-
ger ta Honte ; Théâtre Molière, réouvertu-
re : Les Exploits d'un Titi parisien,,
Maujaniana.
L'autre soir, en attendant un coup
de sonnette de Carlsbad il phitosophaiO
gravement : « Je ne connais pas, dit-il,
d endroit où il se passe plus de choses
que dans le monde. » (sic)
Bonjour.
M. Casimir Bonjour, candidat à l'A-
cadémie, se présente un jour pour faire
sa visite chez un des Quarante. Une
femme de chambre vient lui ouvrir la
porte. « Votre nom, monsieur ? » dit-
elle. Le candidat répond avec son plus
gracieux sourire : « Bonjour. » Flattée
de cette politesse, la jeune fille ré-
pond : « Bonjour, monsieur, voulez-
vous me dire votre nom ? - Je vous
dis, Bonjour. — Et moi aussi, bonjour,
monsieur ; qui faut-Il que j'annonce ?
— Eh, Bonjour ! c'est mon nom. » La
camériste comprit alors qu'au lieu de
dire Bonjour, monsieur il fallait dire :
Monsieur Bonjour.
AUTREFOIS
Rappel du 6 septembre 1872. — Avant-
hier 4 septembre, les troupes avaient été
consignées, et les patrouilles chevauchaient
dans Paris à la recherche de manifestations
qui ne se sont pas produites,
Cinquante fontaines XVallace sont fon-
dues au Val d'Osne et prêtes à être placées.
On en pose trois aujourd'hui, à la Gla-
cière, à la barrière Montparnasse et à la
barrière d'Enfer.
M. Lapeyre, entrepreneur, s'est rendu
hier adjudicataire des matériaux de L'ex-pri.
son pour dettes de la rue de Clichy, pour
une somme de 92,510 Ir. 75.
On dit que le shah de Perse sera à Paris
le 22 de ce mois.
La cathédrale de Canterbury a failli être
détruite par un incendie. Une partie de la
voûte a,été dévorée par les flammes.
L'entrevue des trois empereurs va avoir
lieu : l'empereur de Russie est déjà arrivé
à Berlin avec le tsarewich ; l'empereur
d'Autriche arrivera aujourd'hui. Les divers
ministres sont arrivés depuis plusieurs
jours.
Conflit de Genève avec la papauté. Le
Saint-Siège voudrait installer dans la ville
un évêque catholique, M. Mermillod. Le
Conseil d'Etat de Genève a signifié à M.
Mermillod lt. défense d'exercer aucune
fonction épiscopala
Avant la lettre.
Il y a des causeurs agréables qui sont
incapables d'écrire vingt lignes. Un de
ces beaux esprits de société s'étanb
avisé d'adlresser une sorte d'épîOre à
une jolie femme, qui avait asisez de
goût pour sa conversaiion, fit, dire à
celle-ci : « Ce pauvre X. est comme
une estampe ; je le trouve bien meil-
leur avant la lettre. »
Une boutade de Voltaire.
Voltaire ouvrant un volume des OEu-
vres de l'abbé de Voisenoai, tomba sur
son épî'tre au chevalier de Boufllers,
qui commence ainsi :
« Croyez qu'un vieillard cacochyme.»
« Agé de soixante et douze ans. »
L'auteur de la Henriade entra en fu-
reur et déchira le feuillet en s'écriant :
« Barbare, dis donc chargé, et non pas
âgé ! Fais une image, et non pas un
extrait baptistaire 1 »
Feu Royer-Co!lard.
MM. Arnault, Jay, Jotiy, jNOrvIns ont
publié, sous la restauration, une Bio-
grapbie des Contemporains, tout em-
preinte de cet esprit de partialité qui
est le propre des époques de dissen-
sions civiles. On était bien ou mal trai-
té, dans ce livre, suivant qu'on était
plus ou moins attaché à la coterie des
auteurs. Mais, par le mouvement natu-
rel des choses, tel qui se trouvait dans
le parti du gouvernement, à l'époque
où la Biographie commença à parattre,
se trouvait cinq ans plus tard', et avant
qu'elle fût terminée, dans l'opposition.
M. Royer Collard fut un de ces der-
niers. Son article arrivant vers !a fin,
discours de nuageux, d'obscurs, etc.
Depuis tout avait bien changé : il était
substantiel, plein de sens, d'esprit et
de clarté. Cela fit dire : « Il est bien
heureux que M. Royer-Collard ne se
soit pas appelé CollardRoyer. »
par le fait de l'ordre alphabétique, il
fut assez bien traité. Cinq ans plus tôt
il était de mode, dans la polémique li-
bérale, de ne pas comprendre M. Royer-
Collard, et,.de qualifier ses excellents
Heureuse précaution.
Un jésuite disait qu'il faut admirer la
Providence, qui a pris soin de faire
passer les grandes rivières auprès dea
grandes villes. -
Les oreilles de Voltaire. ;:,
Le frère du président de Pompignan
ayant écrit à Voltaire qu'il lui couperait
les oreilles, celui-ci adressa cette lettre
à M. de Choiseul : « La famille Pom-
pignan en veut particulièrement à mes
oreilles. L'un des frères les écorche de-
puis trente ans, et l'autre se propose
de me les couper. Délivrez-moi du spa-
dassin, je me charge de l'écorcheur.
J'ai besoin de mes oreilles pour enten-
dre les merveilles que la renommée pu-
blie de yous. »
Sa famille.
Pardieu, disait un jour à une aima-
ble actrice du Vaudeville un protecteur
en colère, vous devriez bien chasser
votre portier. — « Je le sais bien, dit-
elle, j'y ai déjà pensé ; mais c'est mon
père. »
A PROPOS DE TAINE
On se chamaille ferme dans le monde
des historiens à propos de Taine.
Des articles aigres-doux s'alignent sous
les plumes savantes d'hommes très éru-
dits.
M. Alphonse Aulard, le savant professeur
de la Sorbonne, qui a écrit, après tant d'ou-
vrages d'histoire sur la Révolution, un vo-
lume sur la méthode de Taine, et tenté de
démontrer que cet auteur hostile aux hom-
mes et aux idées de 1789 et de 1793 n'était
point toujours un historien impeccable.
M. Albert Mathiez, un jeune érudit d'un
talent, très distingué, maître de conféren-
ces à la Faculté de Nancy, avait déjà ana-
lysé Taine historien et critiqué son œuvre
avec force.
Et cependant les deux historiens, qui se
complaisent également dans la défiance à
l'égard d'un contempteur de la Révolution
et dans le culte intelligent de cette grande
époque, ont fini par rompre tant de lances
qu'ils ont disloqué l'ancien bloc des études
.rÓvŒ'JtÏonnaires en deux groupes différents
d'études historiques.
M. Aulard réunit toujours autour de lui
Jesmembres de la Société de l'histoire de
la Révolution française, et dirige la Revue
de la Révolution française, M. Mathiez est,
avec M. Chuquet, du Collège de France, et
M. Vellay, l'un des fondateurs des Annales
révolutionnaires, dont les éludes ne man-
quent ni d'érudition ni de saveur.
Souhaitons vivement aux deux Revues ri-
vales de remplacer les polémiques trop vi-
ves par une féconde émulation scientifique.
Les bons républicains qu'on trouve dans
les deux camps ne voudront pas s'entre-
déchirer comme dantonistes et robespier-
ristes.
Et surtout à cause. de Taine.
40»
CARNET DU LIBRE PENSEUR
Je propose, pour Eourdes9
une solution élégante
Pour avoir demandé la suppression des
pélerinages religieux de Lourdes et la
transformation de la jameuse piscine mira-
culeuse en établissement de ps-yciwterapie,
me voici arrangé de la belle façon par les
excellentes Croix de province. Je suis un
reptile baveux, un folliculaire exaspéré bon
pour la douche, un remueur de fange et
d'ordure - oui, de la vôtre. bouchez-vous
le nez. messieurs les cléricaux — un plat
valet des loges où l'on ne cultive que la ca-
lomnie et la pornographie, un mercenaire
enragé, un spoliateur d'églises, que sais-je ?
Je ne suis pas encore un satyre., ni un
violateur de sévullures, mais ça viendra.
J'irai plutôt prendre des leçons dans le ci-
metière d'Amiens. Il ne me restera alors
plus rien à envier des qualités que possè-
dent si bièn les gens d'église.
On a raison de dire que la puissance des
mots est incalculable. Il m'a suffi d'écrire
celui de psychotérapie pour déchaîner toute
cette tempête d'aménités. C'est à croire que
j'ai touché plus juste que je ne supposais
en demandant la transformation de Lour-
des en un établissement exploité par l'Etat.
« Psychotérapie ! écrit une Croix du Midi,
mais c'en est une, précisément, et que de
gens, malades d'âme. y ont recouvré la
santé religieuse, et ont vu, grdee à l'Imma-
culée de Lourdes, refleurir leur foi d'antan,
la paix et la joie de leur première commu-
nion. »
Pardon, suave confrère, qu'est-ce que ça
rapporte à la caisse de l'Eglise, cette petite
culture qui consiste à faire refleurir la paix
et la joie de la première communion dans
les plates-bandes de l'existence ? Car, j'-i-
magine que c'est surtout ce point qui a de
l'importance pour vous, de même qu'il en a
une pour moi. Nous pourrions peut-être
nous entendre. C'est une question de chif-
fres. L'Etat a l'habitude d'affermer la pro-
priété de ses sources moyennant des rede-
tances, Comme les gens d'église sont d'in-
comparables mercantis, il pourrait laisser
la préférence à ceux qui exploitent Lourdes
depuis cinquante ans. En payant quelques
millions de location, ils y trouveraient lar-
gement leur compte. Vous ne direz pas que
fe ne suis pas conciliant ? Je veux bien en-
core vous laisser la possibilité d'exploiter la
bêtise humaine, mais sous conditionS, Busi-
ness is business !
Si cette solution vous parall élégante,
Croix de Mamers et d'ailleurs, vous n'avez
qu'à montrer vos bilans de Lourdes, et le
m'engage, dans la mesure de mes moyens,
à mener une campagne pour la faire abou-
tir. Sinon, au risque de voir déverser sur
mon dos tout le répertoire de la scatologie,
qui vous est si familier, je persisterai à de-
mander la fermeture de la grotte de Massa-
bielle, au nom de L'hygiène publique et de
la santé de l'esprit. P. G. -'
LA GUERRE AU MAROC
LA IOlE FRANGO - ESP AGIOLE
La réponse du gouvernement espagnol est attendue. - Les
nouvelles de Bou-Denib. — L'opinion étrangère. l
M. Pichon, souffrant de la grippe, n'a pu
se rendre hier ni à Rambouillet où il devait
adler ni au quai d'Orsay. Il est resté à sa
maison de Mamés.
Aucun fait n'est survenu d'ailleurs de-
puis vingt-quatre heures qui modifie sen-
siblement la situation.
La conversation que le baron de Ber-
kheim, chargé d'affaires de France à Ber-
lin, a eue avec M. Stemrich, sous-secré-
taire d'Etat, a fait dans certains journaux
l'objet d'informations inexactes, dit le
Temps.
M. de Berckheim n'a remis à M. Stem-
rich aucune note, ni écrite ni verbale, re-
lative aux propositions franco-espagnoles,
et ce pour cette raison excellente que ces
propositions ne sont pas encore arrêtées.
La démarche de M. de Berkheim à la
chancellerie était une réponse à la démar-
che faite lundi au quai d'Orsay par M. de
Lancken, rien de plus.
Au cours de cette visite, le chargé d'af-
faires de France s'est borné à faire con-
naître une fois de plus à M. Stemrich la
procédure adoptée par la France et les
motifs qu'elle a de s'y tenir.
Cette procédure a déjà fait l'objet de
deux entretiens entre le ministre d'Etat
espagnol, M. Allendesalazar, et M. Dœs-
chner, chargé d'affaires de France à Ma-
drid. Sauf certaines questions de détail qui
seront rapidement réglées, l'accord sur les
grandes lignes est dès maintenant assuré.
Adphonse XIII. en traversant avant-hier
Paris, a pleinement approuvé les explica-
tions sommaires que lui a fournies M. Pi-
chon, qui, dans l'après-midi, s'était lon-
guement entretenu avec M. de Léon y Cas-
tillo, ambassadeur dEspagne en France.
Au quai dtOrsay, on se refuse naturel-
lement à rien communiquer de la note re-
mise au caDinet de Madrid avant que cette
note ne soit définitivement approuvée par
le gouvernement espagnol.
On espère qu'aujourd'hui ou demain, ie
texte dénnillf reviendra à Paris. Il sera
aussitôt communiqué aux puissances.
Nous croyons cependant pouvoir indi-
quer dès maintenant, ajoute le Temps, qué,
dans leur note concertée, la France et l'Es-
pagne se placent sur le terrain des inté-
rêts généraux, toutes les questions parti-
culières, c'est-à-dire relatives aux régions
marocaines limitrophes de l'Algérie et des
présides espagnols, étant réservées.
Ainsi définie, la note franco-espagnole
énumère les conditions auxquelles devrait
être. à l'avis des deux gouvernements, su-
oordonnée la reconnaissance de Moulay
Hafid.
Les principales de ces conditions sont
les suivantes :
1° Promesse de respecter l'Acte d'Algési-
ras sans restrictions ni réserves.
2° Promesse de respecter tous les traités
internationaux conclus par le Maroc et les
engagements, notamment financiers, qui
en résultent.
3° Règlement équitable et d'accord de la
situation d'Ab el Aziz.
4° Engagement de rembourser, confor-
mément aux précédents juridiques, les dé-
penses occasionnées par les troupes surve-
nues dans les ports et par les mesures
d'ordre que ces iroupes ont rendue$ néces-
saires.
Le gouvernement anglais, en l'espèce sir
F^ rancis Compbell, secrétaire assistant au
- oreigli office, a répondu que il'Angleterre
ne ferait rien avant d'avoir été saisie de
ia note franco-espagnole, dont elle approu-
vait pleinement la préparation. Sir Edward
Grey, absent de Londres, partage cette
manière de voir.
M. Pompili, sous-secrétaire d'Etat au mi-
nistère des affaires étrangères d'Italie, a
donné à entendre, quand il a reçu la com-
munication allemande, qu'il attendrait,
avant d'y répondre, d'avoir été saisi de là
note franco-espagnole. MM. Giolitti, pré-
sident du conseil, Tittoni, ministre des af-
iaires étrangères, et Bollati, secrétaire gé-
néral de la Consulta, sont d'ailleurs ab-
sents de Rome.
Le gouvernement allemand n'a fait au-
une démarche nouvelle depuis la note de
la Gazelle de l'Allemagne du Nord, et ne
parait pas actuellement décidé à reconnaî-
tre Moulay Hafid avant les autres puis-
sances.
L'Agence Havas nous communique la
note suivante :
Nous sommes autorisés à déclarer qu'au-
cune communication n'a été faite à aucun
journal par le ministère des affaires étran-
gères au sujet du contenu de la future note
franco-espagnole. -
Le texte de cette note a été soumis au
gouvernement espagnol dont la réponse
n'était pas encore parvenue à Paris à la fin
de l'après-midi.
Dans le Sud-Oranais
La colonne Allix
Colomb-Béchar, 4 septembre.
Bou-Anane, — La oolonne Allix, entière,
est partie ce matin pour Bou-Denib où elle
sera demain matin samedi. Suivant les
dernières nouvelles de la soirée,, à Bou-
Dcnib, la situation n'est pas changée. Au-
cune nouvelle de cette nuit n'est arrivée,
la ligne télégraphique ayant été à nou-
veau coupée 'hier soir à dix neures, au mo-
ment où le général Vigy entrait en com-
munication téléphonique avec le comman-
dant Fcscli. Le poste optique ne fonctionne
pas.
L'attaque du 1er septembre
Colomb-Béchar, 4 septembre.
Le poste optique de Bou-Denib télégra-
phie que les pertes subies par les Berabcrs
dans l'attaque du l'r septembre ont été
considérables.
Nos troupes ont relevé sur le terrain
vingt-cinq cadavres que les Berabcrs n'ont
pas eu le temps d'emporter. ,
Un bataillon du 3° .zouaves fîfit arrivé à
Colomb-Béchar. -,
Les communications télégraphiques eut
tre Béchar et Bou-Denib sont rétablies., ,t
Londres, 4 septembre.
On télégraphie de Tanger au Standard j
On a reçu de nouveaux détails sur la ba-
taille qui a eu lieu dans le voisinage d*
Marrakecii entre les partisans de Moulay
Hafid et ceux d'Abd el Aziz. Ces détails:
confirment la défaite des hafidistes. Il sem-.
ble qu'une colonne de troupes de MouJay,
Hafid, composée de 6,000 hommes, avais
quitté Marrakech pour combattre M'Tou-,
gui. Elle a été battue complètement par ses,
adversaires et a eu 500 tués et 1,000 bles-,
sés. 300 chevaux ont été tués. Les troupe
hafidistes sont rentrées à Marrakech com-,
plètement démoralisées. Leur commandant
a envoyé un appel urgent à Moulay Hatid,:
à Fez, pour lui demander des renforts.
Cette même dépêche signale d'autres^
faits déjà connus : qu'El Glaoui, gouver.
neur de Marrakech, a été tué par ses trou-,
pes, et les troupes de son lieutenant se sonfc
*
dispersées et ont regagné leurs foyers.
Départ d'infirmières
Bien que depuis un an, ses infirmière"
n'aient pas interrompu un seul jour leta:,
soins qu'elles prodiguent à l'hôpital milK
taire d'Oran, aux malades évacués du Ma-
roc, l'Union des Femmes de France vient-
de mettre à la disposition du service de,,
santé, une équipe spécialement destinée à
AIn Sefra et Colomb-Béchar.
Sur l'ordre du ministre de la.gurre",
deux infirmières major, Mme Jacques Feuil-,
let et Mlle Le Bidan de Saint-Mars, secon-
dées par Mlles Flourens. Gornille, Haffner,
Poirier et Mmes Féron et Moron s'embar-
queront aujourd'hui 5 septembre poun.
Oran, d'où elles se dirigeront de suite dans
le Sud-Oranais.
Le médecin inspecteur Viry, membre dtt
comité consultatif de l'Union des Femmes.
de France, accompagne ces vaillantes et
dévouées infirmières pour veiller à leuf
installation.
Nouvelles diverses
La défaite de M'Tougui
Londres, 4 septemi/rt.
On mande de Tanger au Times, le 3 sep-
tembre :
L'armée du caïd M'Tougui a été écrasée,
dans le sud du Maroc par les troupes hafj"
distes. Le frère du caïd, qui commandait
l'armée dé M'Tougui, a été fait prisonnier,
et amené à Marrakech avec beaucoup d*
butin.
M'Tougui serait cerné dans son château..
fort ; les tribus qui étaient auparavant en;
faveur d'Abd el Aziz le combattent à F
sent.
Un bruit d'abdication
Londres, 4 septembre.
On télégraphie de Casablanca au Daily,
Telegraph, le 31 août :
Abd el Aziz est attendu ici. On assura
qu'il abdiquera en faveur de son irères
Moulay Mohammed, qui est à Casablanca
depuis quelque temps.
M'Tougui à Marrakech
Casablanca, 3 septembre.
Le bruit court que M'Tougui est entré iC
Marrakech et qu'il demandera à Abd et
Aziz de le rejoindre sur l'Oum-Er-Rebia.
L'assassinat d'Anflous
Mogador, 3 septembre.
On confirme l'assassinat d'Anflous par.
un nègre, partisan de M'Tougui, qui l'a tué
d'un coup de revolver.
L'opinion étrangère
En Allemagne
Londres, 4 septembre.
Le correspondant du Daily Mail à Bci-Ji»,
se dit en mesure de publier une déclara-
tion officielle, de laquelle il ressort que N
l'Allemagne n a pas reconnu Moulay Hafid,,
mais qu'elle a simplement suggéré que lof
moment était venu de le reconnaître..
L'Allemagne n'a pas l'intention d'agir,
d'une façon indépendante ; elle désire le. ,
rétablissement de la paix et la stabilité au
Maroc le plus tôt possible et elle croit que
le moyen qui amènera le plus promptement
ce résultat est la reconnaissance de Mou-
lay Hafid.
Francfort, 4 septembre.
La Gazelle de Francfort publie le lél,
gramme suivant de Berlin : t
Le chargé d'affaires français baron de"
Berckheim, a, dans son entretien d'hier,
avec le docteur Stemrich, sous-secrétaire
d'Etat à l'office des affaires étrangères, fait
une communication provisoire - qui était
faite en même temps dans les autres capi-
tales — relative aux intentions du gouver-
nement français en ce qui concerne la l'a-..
connaissance de Moulay Hafid.
D'après cette communication, la France
attend que Moulay Hafid notifie officielle-
ment son avènement au trône. Elle est prê-
te à Je reconnaître, s'il offre certaines ga-
ranties. M. de Berckheim n'a pas indique
d'une manière précise et détaillée quelles
étaient ces garanties et s-cule la note franco-
espagnole le fera savoir ultérieurement
mais elles ne sont pas celles gui ont. été
exposées dans un article d'un journal Paris à allures officieuses.
Le gouvernement français désire qu'une:
entente se fasse entre toutes les puissll nces
signataires au sujet des garanties auxquel-
les Moulay Hafid doit consentir.
Le docteur Stemrich lui a déclaré que la
gouvernement allemand attendait la note!.
franco-espagnole dans laquelle seraient for-
mulées les garanties demandées et qu'il
était disposé à coopérer à la réalisat on
d'une entente à ce sujet dans un esprit ami-
cal.
M. de Berckheim a répondu que c'était IN
tout ce que son gouvernement pouvait de-
mander.
On dit que Moulay Hafid se prépare à no-
tifier officiellement son avènement, a;*;,
corns a.'lHOllSull,'lUP:.,. il Tanger. -
La Gazelle ae Cologne publie un télé»;
, - .,>
ca.. eaSPTKTNMBW JUE 2WV. *MJEWLO
Dimanche 6 Septembre 1908. - 3,14059.
LE XIX SIECLE
ANNONCES
IW-X BUREAUX DU JOURNAL
44, rue du Mail, Paria.
Et chez MM. LAGRANGE, CERF etC*
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ADMINISTRATION : 53, RUE DU CHATEAU-D'EAU. - PARIS
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Adresser lettres et mandats à VAdministrateur
TRIBUNE LIBRE Il 1
L"Alle agne et l'Islam
Le départ de M. Vassel
pour Fez, la note de la Wi-
lhelmstrasse pressant les
puissances signataires de
l'acte d'Algésiras de recon-
naître Moulay Hafid, ont fait
fturçgfr de nombreux commentaires et
, des récriminations multipliées dans la
presse française et dans la presse an-
glaise.
Ce qui surprend, c'est l'étonnement
même de nos confrères. « Eh ! quoi ! di-
sent les uns, au lendemain du jour où
Guillaume II a prononcé des paroles de
paix à Strasbourg, inopinément, il agit
comme s'il voulait déchaîner la tem-
pête ? » — « Eh ! quoi ! disent les au-
tres, l'Allemagne qui a convié les puis-
sances à régler collectivement la ques-
tion marocaine dans une conférence in-
ternationale, prétend maintenant s'iso-
ler, faire cavalier seul, envoyer son con-
sul au sultan sans consulter les autres
puissances, sans lier son action à la
leur ? » — « Comment ! disent enfin les
plus exacts diplomates, l'Allemagne pré-
tend prendre une initiative, en matière
marocaine, alors que, d'après l'acte d'Al-
gésiras, l'initiative appartient visible-
ment à TEsnagne et à la France ! »
Et, en effet, au point de vue de la di-
plomatie usitée généralement, l'Allema-
gne adopte une- façon d'agir qui déroute
et qui blesse. Cependant, nos confrères
avaient-ils lieu d'être surnris, après tant
de précédents ?
La tradition de la diplomatie alleman-
de remonte à la victoire de la Prusse
sur l'Allemagne et sur la France et c'est
la tradition même de la diplomatie prus-
sienne. Or, aux époques mêmes où la
Prusse a eu de grands' diplomates, Fré-
-. déric II ou Bismarck, elle a altérné sa-
vamment les brusques effets de force et
les apparences d'effusions confiantes.
Que la Wilhelmstrasse ait fait un sys-
tème de procédés usités par deux hom-
mes illustres, c'est vraisemblable. N'ou-
blions qu'il y a toujours une école bis-
marckienne dont les disciples, sans éga-
ler le maître, se flattent assurément
d'appliquer la méthode. Peut-être bien,
les effets seront-ils moins efficaces qu'au-
trefois, car malgré le semi-absolutisme
du régime impérial, les diplomates al-
lemands d'aujourd'hui se contentent de
caresser de la main le pommeau du glai-
ve germanique ; ils hésitent — voyez
Strasbourg — à le jeter dans la balance.
Diplomatie donc, qui ne réussit point
à gagner les cœurs et qui ne réussit plus,
non plus, à jeter le trouble et la cons-
ternation en Europe. Mais cette diplo-
matie est-elle inutile, complètement,
parce qu'inopérante, sur le continent ?
Non pas. Cette manière, ce style des
diplomates allemands sert fort bien la
politique qu'ils veulent faire dans le
nnvs rl'TlAm-
Avec la ténacité, l'obstination qu'on
connaît à nos voisins d'Outre-Rhin, ils
tendent à incarner au}, yeux des musul-
mans le type de la puissance amie; fi-
dèle, dévouée, secourable. « On n'invo-
qué pas l'appui de l'Allemagne en vain !
disent les agents de la Wilhelmstrasse
aux peuples fidèles à la religion du pro-
Itète. Et le (gouvernement allemand ne
iuclamait-il pas en 1905 : « Nous som-
mes derrière le Maroc avec toutes nos
Îor016 ! » « Nous défendrons le sultan
Abd el Aziz contre.la France », disaient-
ils alors au maghzen. « Nous reconnaî-
trons Hafid, avant la France », disent-
ils maintenant encore au maghzen.
Quelque irritation que nous devions
légitimement éprouver d'une semblable
attitude, avouons que les Allemands ont
cependant chance, en l'adoptant, d'ob-
tenir l'effet cherché. Le réalisme bis-
marckien reçoit ici une satisfaction.
Mais combien eut-il mieux valu pour
nous, couper les effets faciles de M.
Vassel pas notre décision rapide.
D'ailleurs, si le gouvernement germa-
nique a précipitamment tenté d'obtenir
un avantage moral au Maroc, c'est qu'il
ne voulait pas rester sur ses déceptions
de Turquie.
La révolution turque, en effet, a jeté
à terre d'un geste bref, tout le château
ne cartes édifié depuis vingt ans par
l'empereur Guillaume Il en pays otto-
man.
C'était un beau rêve pour les hommes
d'Etat des bords de la Sprée que de do-
miner, du fond de leur sablière, l'im-
mense empire qui s'étend sur les deux
rives, également enchanteresses, du Bos-
phore.
Et, derrière ce rêve, deux réalités ap-
préciables : La Turquie d'Abdûl Hamid
tout puissant pouvait fournir le secours
d'une armée dont là vaillance est légen-
daire et dont l'éducation avait été faite
par r,"," officiers allemands. On pouvait
donc mmpenser à la rigueur des allian-
ces hésitantes ou des concours tardifs.
L'autre réalité, c'était l'exploitation
économique de J'empire ottoman par
l'Allemagne, grâce à son commerce et à
ses voies ferrées. Les nouvelles influen-
ces, qui vont s'exercer en Turquie, se-
ront-elles aussi favorables à l'Allema-
gne que l'amitié d'Abdul Hamid ? C'est
ce qu'on ne sait trop encore.
Dans tous les cas, la révolution tur-
que, avec ses allures généreuses, s'ac-
complit au chant de la Marseillaise.
La conduite des Jeunes Turcs à l'é-
gard de la France est digne d'être no-
tée. C'est un démocrate français, Ca-
mille Pelletan, qui, de passage à Cons-
tantinople, est acclamé dans un théâtre
où il harangue les spectateurs enthou-
siastes. C'est à l'ambassade d'Angleterre
que les vainqueurs ont fait entendre
les cris d'une longue ovation qui chan-
tait le respect de la vieille nation libé-
rale.
Les salamalecs de quelques Marocains
autour de l'équipage de M. Vassel par-
tant pour Fez, eussent produit, certes,
un effet médiocre à côté des grandes
manifestations francophiles et anglophi-
les de Stamboul, si les journaux fran-
çais et anglais n'avaient fait très gros
effort pour donner une importance dis-
proportionnée, et dont il doit exulter,
aux actes et à la personne d'un agent
subalterne du corps diplomatique alle-
mand.
Albert MILHAUD.
LA POLITIQUE
AU MAROC
Il est clair que la politique
allemande au Maroc manque
de courtoisie et d'aménité. Les
procédés auxquels elle revient
sont détestables; la presse et
l'opinion publique en France
seront unanimes à les condamner.
Unanimement, nous en avons la con-
victrion, nous nous trouverons tous d'ac-
cord pour l'admettre d'autre solution
que celle qui sera compatible avec l'hon-
neur et l'intérêt supérieur de notre pays.
Sur le terrain du véritable patriotis-
me, nous nous montrerons riCl d'autant
plus jaloux de notre dignité nationale,
que nous n'aurons jamais galvaudé les
grands mots d'honneur et de patrie pour
dissimuler des intérêts inavoués et des
affaires inavouables.
Mais si les procédés allemands sont
infiniment blâmables, il n'en résulte pas
que la politique marocaine de notre gou-
vernement soit exempte de reproches. Là
encore il convient de s'opposer nettement
aux diversions et aux échappatoires.
Nous ne consentirons pas à nous
hypnotiser devant les manœuvres de
l'Allemagne pour permettre entre temps
à M. Pichon d'esquiver ses propres res-
ponsabilités.
La rigueur excessive dont on usa à
l'égard de M. Delcassé ne doit pas dé-
générer vis-à-vis de M. Pichon en une
complaisance dangereuse. Or il est évi-
dent aux yeux de tout homme de bonne
foi que nous ne faisons- que récolter au-
jourd'hui la mauvanse moisson semée au
Maroc par M. le ministre des affaires
1 étrangères.
Le gouvernement n'a jamais su pren-
dre un dessein ferme, ni osé faire con-
naître loyalement ses intentions.
Il n'a cessé, en réalité, de soutenir Abd
el Aziz tout en s'en défendant, et de
combattre Moulay Hafid tout en. protes-
tant du contraire. Combattant Moulay
Haifid, il n'a pas su le réduire à l'impuis-
sance, et soutenant Abd el Aziz, jusqu'au
dernier jour, il n'a su que le livrer à la
défaite.
Et il s'étonnera du prestige qu'une
telle impéritie vaudra à la France, aux
yeux de l'Islam!
Plus récemment encore, il a fourni un
prétexte à l'Allemagne en continuant à
occuper militairement la Chaouia paci-
fiée, bien qu'il eut annoncé depuis plu-
sieurs mois son évacuation.
La pointe de M. Wassel sur Fez est
la conséquence de la pointe du général
d'Amade sur Azemmour.
Certes, nous avons le devoir de protes
ter hautement contre le procédé discour-
tois de l'Allemagne, mais nous devons
reconnaître franchement que le gouver-
nement devait et pouvait le prévenir.
Si nous avions des diplomates (ils sont
sans cesse partout, sauf à leur poste) qui
sachent voir, et des ministres qui veulent
entendre,n-ous serions déjà sortis à notre
honneur de cette aventure marocaine,
dont nul ne saurait plus prévoir aujour-
d'hui les conséquences.
M. le président du Conseil, chez qu- -
le" situations les DIUS redoutables ne
provoquent que des boutades, décrète, en
sa villégiature de Carlsbad, qu'il est
« très satisfait de la situation ». Il n'est
certainement pas difficile.
Pendant qu'il délibère à table, l'Alle-
magne agit au Maroc, notre frontière
algérienne est envahie, et le Tonkin se
soulève. On serait satisfait à moins.
Il ne reste plus qu'à faire partager
cette satisfaction aux Chambres et au
pays, et entonner à la rentrée un hym-
ne d'allégresse générale.
Un de nos confrères disait hier excel-
lemment que « notre adversaire nous bat
avec les cartes gue nous lui abandon-
nons
C'est à la Chambre de dire si elle en-
tend maintenir sa confiance à un minis-
tre aussi étrange qu'étraftger aux affai-
res étrangères.
LES ON-DIT
NOTRE ACENDII
Aujourd'hui samedi :
Lever du soleil à 5 h. 23; coucher à 6 heu-
res 34.
- Courses à Saint-Cloud.
- Premières : Ambigu, réouverture : Ro-
ger ta Honte ; Théâtre Molière, réouvertu-
re : Les Exploits d'un Titi parisien,,
Maujaniana.
L'autre soir, en attendant un coup
de sonnette de Carlsbad il phitosophaiO
gravement : « Je ne connais pas, dit-il,
d endroit où il se passe plus de choses
que dans le monde. » (sic)
Bonjour.
M. Casimir Bonjour, candidat à l'A-
cadémie, se présente un jour pour faire
sa visite chez un des Quarante. Une
femme de chambre vient lui ouvrir la
porte. « Votre nom, monsieur ? » dit-
elle. Le candidat répond avec son plus
gracieux sourire : « Bonjour. » Flattée
de cette politesse, la jeune fille ré-
pond : « Bonjour, monsieur, voulez-
vous me dire votre nom ? - Je vous
dis, Bonjour. — Et moi aussi, bonjour,
monsieur ; qui faut-Il que j'annonce ?
— Eh, Bonjour ! c'est mon nom. » La
camériste comprit alors qu'au lieu de
dire Bonjour, monsieur il fallait dire :
Monsieur Bonjour.
AUTREFOIS
Rappel du 6 septembre 1872. — Avant-
hier 4 septembre, les troupes avaient été
consignées, et les patrouilles chevauchaient
dans Paris à la recherche de manifestations
qui ne se sont pas produites,
Cinquante fontaines XVallace sont fon-
dues au Val d'Osne et prêtes à être placées.
On en pose trois aujourd'hui, à la Gla-
cière, à la barrière Montparnasse et à la
barrière d'Enfer.
M. Lapeyre, entrepreneur, s'est rendu
hier adjudicataire des matériaux de L'ex-pri.
son pour dettes de la rue de Clichy, pour
une somme de 92,510 Ir. 75.
On dit que le shah de Perse sera à Paris
le 22 de ce mois.
La cathédrale de Canterbury a failli être
détruite par un incendie. Une partie de la
voûte a,été dévorée par les flammes.
L'entrevue des trois empereurs va avoir
lieu : l'empereur de Russie est déjà arrivé
à Berlin avec le tsarewich ; l'empereur
d'Autriche arrivera aujourd'hui. Les divers
ministres sont arrivés depuis plusieurs
jours.
Conflit de Genève avec la papauté. Le
Saint-Siège voudrait installer dans la ville
un évêque catholique, M. Mermillod. Le
Conseil d'Etat de Genève a signifié à M.
Mermillod lt. défense d'exercer aucune
fonction épiscopala
Avant la lettre.
Il y a des causeurs agréables qui sont
incapables d'écrire vingt lignes. Un de
ces beaux esprits de société s'étanb
avisé d'adlresser une sorte d'épîOre à
une jolie femme, qui avait asisez de
goût pour sa conversaiion, fit, dire à
celle-ci : « Ce pauvre X. est comme
une estampe ; je le trouve bien meil-
leur avant la lettre. »
Une boutade de Voltaire.
Voltaire ouvrant un volume des OEu-
vres de l'abbé de Voisenoai, tomba sur
son épî'tre au chevalier de Boufllers,
qui commence ainsi :
« Croyez qu'un vieillard cacochyme.»
« Agé de soixante et douze ans. »
L'auteur de la Henriade entra en fu-
reur et déchira le feuillet en s'écriant :
« Barbare, dis donc chargé, et non pas
âgé ! Fais une image, et non pas un
extrait baptistaire 1 »
Feu Royer-Co!lard.
MM. Arnault, Jay, Jotiy, jNOrvIns ont
publié, sous la restauration, une Bio-
grapbie des Contemporains, tout em-
preinte de cet esprit de partialité qui
est le propre des époques de dissen-
sions civiles. On était bien ou mal trai-
té, dans ce livre, suivant qu'on était
plus ou moins attaché à la coterie des
auteurs. Mais, par le mouvement natu-
rel des choses, tel qui se trouvait dans
le parti du gouvernement, à l'époque
où la Biographie commença à parattre,
se trouvait cinq ans plus tard', et avant
qu'elle fût terminée, dans l'opposition.
M. Royer Collard fut un de ces der-
niers. Son article arrivant vers !a fin,
discours de nuageux, d'obscurs, etc.
Depuis tout avait bien changé : il était
substantiel, plein de sens, d'esprit et
de clarté. Cela fit dire : « Il est bien
heureux que M. Royer-Collard ne se
soit pas appelé CollardRoyer. »
par le fait de l'ordre alphabétique, il
fut assez bien traité. Cinq ans plus tôt
il était de mode, dans la polémique li-
bérale, de ne pas comprendre M. Royer-
Collard, et,.de qualifier ses excellents
Heureuse précaution.
Un jésuite disait qu'il faut admirer la
Providence, qui a pris soin de faire
passer les grandes rivières auprès dea
grandes villes. -
Les oreilles de Voltaire. ;:,
Le frère du président de Pompignan
ayant écrit à Voltaire qu'il lui couperait
les oreilles, celui-ci adressa cette lettre
à M. de Choiseul : « La famille Pom-
pignan en veut particulièrement à mes
oreilles. L'un des frères les écorche de-
puis trente ans, et l'autre se propose
de me les couper. Délivrez-moi du spa-
dassin, je me charge de l'écorcheur.
J'ai besoin de mes oreilles pour enten-
dre les merveilles que la renommée pu-
blie de yous. »
Sa famille.
Pardieu, disait un jour à une aima-
ble actrice du Vaudeville un protecteur
en colère, vous devriez bien chasser
votre portier. — « Je le sais bien, dit-
elle, j'y ai déjà pensé ; mais c'est mon
père. »
A PROPOS DE TAINE
On se chamaille ferme dans le monde
des historiens à propos de Taine.
Des articles aigres-doux s'alignent sous
les plumes savantes d'hommes très éru-
dits.
M. Alphonse Aulard, le savant professeur
de la Sorbonne, qui a écrit, après tant d'ou-
vrages d'histoire sur la Révolution, un vo-
lume sur la méthode de Taine, et tenté de
démontrer que cet auteur hostile aux hom-
mes et aux idées de 1789 et de 1793 n'était
point toujours un historien impeccable.
M. Albert Mathiez, un jeune érudit d'un
talent, très distingué, maître de conféren-
ces à la Faculté de Nancy, avait déjà ana-
lysé Taine historien et critiqué son œuvre
avec force.
Et cependant les deux historiens, qui se
complaisent également dans la défiance à
l'égard d'un contempteur de la Révolution
et dans le culte intelligent de cette grande
époque, ont fini par rompre tant de lances
qu'ils ont disloqué l'ancien bloc des études
.rÓvŒ'JtÏonnaires en deux groupes différents
d'études historiques.
M. Aulard réunit toujours autour de lui
Jesmembres de la Société de l'histoire de
la Révolution française, et dirige la Revue
de la Révolution française, M. Mathiez est,
avec M. Chuquet, du Collège de France, et
M. Vellay, l'un des fondateurs des Annales
révolutionnaires, dont les éludes ne man-
quent ni d'érudition ni de saveur.
Souhaitons vivement aux deux Revues ri-
vales de remplacer les polémiques trop vi-
ves par une féconde émulation scientifique.
Les bons républicains qu'on trouve dans
les deux camps ne voudront pas s'entre-
déchirer comme dantonistes et robespier-
ristes.
Et surtout à cause. de Taine.
40»
CARNET DU LIBRE PENSEUR
Je propose, pour Eourdes9
une solution élégante
Pour avoir demandé la suppression des
pélerinages religieux de Lourdes et la
transformation de la jameuse piscine mira-
culeuse en établissement de ps-yciwterapie,
me voici arrangé de la belle façon par les
excellentes Croix de province. Je suis un
reptile baveux, un folliculaire exaspéré bon
pour la douche, un remueur de fange et
d'ordure - oui, de la vôtre. bouchez-vous
le nez. messieurs les cléricaux — un plat
valet des loges où l'on ne cultive que la ca-
lomnie et la pornographie, un mercenaire
enragé, un spoliateur d'églises, que sais-je ?
Je ne suis pas encore un satyre., ni un
violateur de sévullures, mais ça viendra.
J'irai plutôt prendre des leçons dans le ci-
metière d'Amiens. Il ne me restera alors
plus rien à envier des qualités que possè-
dent si bièn les gens d'église.
On a raison de dire que la puissance des
mots est incalculable. Il m'a suffi d'écrire
celui de psychotérapie pour déchaîner toute
cette tempête d'aménités. C'est à croire que
j'ai touché plus juste que je ne supposais
en demandant la transformation de Lour-
des en un établissement exploité par l'Etat.
« Psychotérapie ! écrit une Croix du Midi,
mais c'en est une, précisément, et que de
gens, malades d'âme. y ont recouvré la
santé religieuse, et ont vu, grdee à l'Imma-
culée de Lourdes, refleurir leur foi d'antan,
la paix et la joie de leur première commu-
nion. »
Pardon, suave confrère, qu'est-ce que ça
rapporte à la caisse de l'Eglise, cette petite
culture qui consiste à faire refleurir la paix
et la joie de la première communion dans
les plates-bandes de l'existence ? Car, j'-i-
magine que c'est surtout ce point qui a de
l'importance pour vous, de même qu'il en a
une pour moi. Nous pourrions peut-être
nous entendre. C'est une question de chif-
fres. L'Etat a l'habitude d'affermer la pro-
priété de ses sources moyennant des rede-
tances, Comme les gens d'église sont d'in-
comparables mercantis, il pourrait laisser
la préférence à ceux qui exploitent Lourdes
depuis cinquante ans. En payant quelques
millions de location, ils y trouveraient lar-
gement leur compte. Vous ne direz pas que
fe ne suis pas conciliant ? Je veux bien en-
core vous laisser la possibilité d'exploiter la
bêtise humaine, mais sous conditionS, Busi-
ness is business !
Si cette solution vous parall élégante,
Croix de Mamers et d'ailleurs, vous n'avez
qu'à montrer vos bilans de Lourdes, et le
m'engage, dans la mesure de mes moyens,
à mener une campagne pour la faire abou-
tir. Sinon, au risque de voir déverser sur
mon dos tout le répertoire de la scatologie,
qui vous est si familier, je persisterai à de-
mander la fermeture de la grotte de Massa-
bielle, au nom de L'hygiène publique et de
la santé de l'esprit. P. G. -'
LA GUERRE AU MAROC
LA IOlE FRANGO - ESP AGIOLE
La réponse du gouvernement espagnol est attendue. - Les
nouvelles de Bou-Denib. — L'opinion étrangère. l
M. Pichon, souffrant de la grippe, n'a pu
se rendre hier ni à Rambouillet où il devait
adler ni au quai d'Orsay. Il est resté à sa
maison de Mamés.
Aucun fait n'est survenu d'ailleurs de-
puis vingt-quatre heures qui modifie sen-
siblement la situation.
La conversation que le baron de Ber-
kheim, chargé d'affaires de France à Ber-
lin, a eue avec M. Stemrich, sous-secré-
taire d'Etat, a fait dans certains journaux
l'objet d'informations inexactes, dit le
Temps.
M. de Berckheim n'a remis à M. Stem-
rich aucune note, ni écrite ni verbale, re-
lative aux propositions franco-espagnoles,
et ce pour cette raison excellente que ces
propositions ne sont pas encore arrêtées.
La démarche de M. de Berkheim à la
chancellerie était une réponse à la démar-
che faite lundi au quai d'Orsay par M. de
Lancken, rien de plus.
Au cours de cette visite, le chargé d'af-
faires de France s'est borné à faire con-
naître une fois de plus à M. Stemrich la
procédure adoptée par la France et les
motifs qu'elle a de s'y tenir.
Cette procédure a déjà fait l'objet de
deux entretiens entre le ministre d'Etat
espagnol, M. Allendesalazar, et M. Dœs-
chner, chargé d'affaires de France à Ma-
drid. Sauf certaines questions de détail qui
seront rapidement réglées, l'accord sur les
grandes lignes est dès maintenant assuré.
Adphonse XIII. en traversant avant-hier
Paris, a pleinement approuvé les explica-
tions sommaires que lui a fournies M. Pi-
chon, qui, dans l'après-midi, s'était lon-
guement entretenu avec M. de Léon y Cas-
tillo, ambassadeur dEspagne en France.
Au quai dtOrsay, on se refuse naturel-
lement à rien communiquer de la note re-
mise au caDinet de Madrid avant que cette
note ne soit définitivement approuvée par
le gouvernement espagnol.
On espère qu'aujourd'hui ou demain, ie
texte dénnillf reviendra à Paris. Il sera
aussitôt communiqué aux puissances.
Nous croyons cependant pouvoir indi-
quer dès maintenant, ajoute le Temps, qué,
dans leur note concertée, la France et l'Es-
pagne se placent sur le terrain des inté-
rêts généraux, toutes les questions parti-
culières, c'est-à-dire relatives aux régions
marocaines limitrophes de l'Algérie et des
présides espagnols, étant réservées.
Ainsi définie, la note franco-espagnole
énumère les conditions auxquelles devrait
être. à l'avis des deux gouvernements, su-
oordonnée la reconnaissance de Moulay
Hafid.
Les principales de ces conditions sont
les suivantes :
1° Promesse de respecter l'Acte d'Algési-
ras sans restrictions ni réserves.
2° Promesse de respecter tous les traités
internationaux conclus par le Maroc et les
engagements, notamment financiers, qui
en résultent.
3° Règlement équitable et d'accord de la
situation d'Ab el Aziz.
4° Engagement de rembourser, confor-
mément aux précédents juridiques, les dé-
penses occasionnées par les troupes surve-
nues dans les ports et par les mesures
d'ordre que ces iroupes ont rendue$ néces-
saires.
Le gouvernement anglais, en l'espèce sir
F^ rancis Compbell, secrétaire assistant au
- oreigli office, a répondu que il'Angleterre
ne ferait rien avant d'avoir été saisie de
ia note franco-espagnole, dont elle approu-
vait pleinement la préparation. Sir Edward
Grey, absent de Londres, partage cette
manière de voir.
M. Pompili, sous-secrétaire d'Etat au mi-
nistère des affaires étrangères d'Italie, a
donné à entendre, quand il a reçu la com-
munication allemande, qu'il attendrait,
avant d'y répondre, d'avoir été saisi de là
note franco-espagnole. MM. Giolitti, pré-
sident du conseil, Tittoni, ministre des af-
iaires étrangères, et Bollati, secrétaire gé-
néral de la Consulta, sont d'ailleurs ab-
sents de Rome.
Le gouvernement allemand n'a fait au-
une démarche nouvelle depuis la note de
la Gazelle de l'Allemagne du Nord, et ne
parait pas actuellement décidé à reconnaî-
tre Moulay Hafid avant les autres puis-
sances.
L'Agence Havas nous communique la
note suivante :
Nous sommes autorisés à déclarer qu'au-
cune communication n'a été faite à aucun
journal par le ministère des affaires étran-
gères au sujet du contenu de la future note
franco-espagnole. -
Le texte de cette note a été soumis au
gouvernement espagnol dont la réponse
n'était pas encore parvenue à Paris à la fin
de l'après-midi.
Dans le Sud-Oranais
La colonne Allix
Colomb-Béchar, 4 septembre.
Bou-Anane, — La oolonne Allix, entière,
est partie ce matin pour Bou-Denib où elle
sera demain matin samedi. Suivant les
dernières nouvelles de la soirée,, à Bou-
Dcnib, la situation n'est pas changée. Au-
cune nouvelle de cette nuit n'est arrivée,
la ligne télégraphique ayant été à nou-
veau coupée 'hier soir à dix neures, au mo-
ment où le général Vigy entrait en com-
munication téléphonique avec le comman-
dant Fcscli. Le poste optique ne fonctionne
pas.
L'attaque du 1er septembre
Colomb-Béchar, 4 septembre.
Le poste optique de Bou-Denib télégra-
phie que les pertes subies par les Berabcrs
dans l'attaque du l'r septembre ont été
considérables.
Nos troupes ont relevé sur le terrain
vingt-cinq cadavres que les Berabcrs n'ont
pas eu le temps d'emporter. ,
Un bataillon du 3° .zouaves fîfit arrivé à
Colomb-Béchar. -,
Les communications télégraphiques eut
tre Béchar et Bou-Denib sont rétablies., ,t
Londres, 4 septembre.
On télégraphie de Tanger au Standard j
On a reçu de nouveaux détails sur la ba-
taille qui a eu lieu dans le voisinage d*
Marrakecii entre les partisans de Moulay
Hafid et ceux d'Abd el Aziz. Ces détails:
confirment la défaite des hafidistes. Il sem-.
ble qu'une colonne de troupes de MouJay,
Hafid, composée de 6,000 hommes, avais
quitté Marrakech pour combattre M'Tou-,
gui. Elle a été battue complètement par ses,
adversaires et a eu 500 tués et 1,000 bles-,
sés. 300 chevaux ont été tués. Les troupe
hafidistes sont rentrées à Marrakech com-,
plètement démoralisées. Leur commandant
a envoyé un appel urgent à Moulay Hatid,:
à Fez, pour lui demander des renforts.
Cette même dépêche signale d'autres^
faits déjà connus : qu'El Glaoui, gouver.
neur de Marrakech, a été tué par ses trou-,
pes, et les troupes de son lieutenant se sonfc
*
dispersées et ont regagné leurs foyers.
Départ d'infirmières
Bien que depuis un an, ses infirmière"
n'aient pas interrompu un seul jour leta:,
soins qu'elles prodiguent à l'hôpital milK
taire d'Oran, aux malades évacués du Ma-
roc, l'Union des Femmes de France vient-
de mettre à la disposition du service de,,
santé, une équipe spécialement destinée à
AIn Sefra et Colomb-Béchar.
Sur l'ordre du ministre de la.gurre",
deux infirmières major, Mme Jacques Feuil-,
let et Mlle Le Bidan de Saint-Mars, secon-
dées par Mlles Flourens. Gornille, Haffner,
Poirier et Mmes Féron et Moron s'embar-
queront aujourd'hui 5 septembre poun.
Oran, d'où elles se dirigeront de suite dans
le Sud-Oranais.
Le médecin inspecteur Viry, membre dtt
comité consultatif de l'Union des Femmes.
de France, accompagne ces vaillantes et
dévouées infirmières pour veiller à leuf
installation.
Nouvelles diverses
La défaite de M'Tougui
Londres, 4 septemi/rt.
On mande de Tanger au Times, le 3 sep-
tembre :
L'armée du caïd M'Tougui a été écrasée,
dans le sud du Maroc par les troupes hafj"
distes. Le frère du caïd, qui commandait
l'armée dé M'Tougui, a été fait prisonnier,
et amené à Marrakech avec beaucoup d*
butin.
M'Tougui serait cerné dans son château..
fort ; les tribus qui étaient auparavant en;
faveur d'Abd el Aziz le combattent à F
sent.
Un bruit d'abdication
Londres, 4 septembre.
On télégraphie de Casablanca au Daily,
Telegraph, le 31 août :
Abd el Aziz est attendu ici. On assura
qu'il abdiquera en faveur de son irères
Moulay Mohammed, qui est à Casablanca
depuis quelque temps.
M'Tougui à Marrakech
Casablanca, 3 septembre.
Le bruit court que M'Tougui est entré iC
Marrakech et qu'il demandera à Abd et
Aziz de le rejoindre sur l'Oum-Er-Rebia.
L'assassinat d'Anflous
Mogador, 3 septembre.
On confirme l'assassinat d'Anflous par.
un nègre, partisan de M'Tougui, qui l'a tué
d'un coup de revolver.
L'opinion étrangère
En Allemagne
Londres, 4 septembre.
Le correspondant du Daily Mail à Bci-Ji»,
se dit en mesure de publier une déclara-
tion officielle, de laquelle il ressort que N
l'Allemagne n a pas reconnu Moulay Hafid,,
mais qu'elle a simplement suggéré que lof
moment était venu de le reconnaître..
L'Allemagne n'a pas l'intention d'agir,
d'une façon indépendante ; elle désire le. ,
rétablissement de la paix et la stabilité au
Maroc le plus tôt possible et elle croit que
le moyen qui amènera le plus promptement
ce résultat est la reconnaissance de Mou-
lay Hafid.
Francfort, 4 septembre.
La Gazelle de Francfort publie le lél,
gramme suivant de Berlin : t
Le chargé d'affaires français baron de"
Berckheim, a, dans son entretien d'hier,
avec le docteur Stemrich, sous-secrétaire
d'Etat à l'office des affaires étrangères, fait
une communication provisoire - qui était
faite en même temps dans les autres capi-
tales — relative aux intentions du gouver-
nement français en ce qui concerne la l'a-..
connaissance de Moulay Hafid.
D'après cette communication, la France
attend que Moulay Hafid notifie officielle-
ment son avènement au trône. Elle est prê-
te à Je reconnaître, s'il offre certaines ga-
ranties. M. de Berckheim n'a pas indique
d'une manière précise et détaillée quelles
étaient ces garanties et s-cule la note franco-
espagnole le fera savoir ultérieurement
mais elles ne sont pas celles gui ont. été
exposées dans un article d'un journal
Le gouvernement français désire qu'une:
entente se fasse entre toutes les puissll nces
signataires au sujet des garanties auxquel-
les Moulay Hafid doit consentir.
Le docteur Stemrich lui a déclaré que la
gouvernement allemand attendait la note!.
franco-espagnole dans laquelle seraient for-
mulées les garanties demandées et qu'il
était disposé à coopérer à la réalisat on
d'une entente à ce sujet dans un esprit ami-
cal.
M. de Berckheim a répondu que c'était IN
tout ce que son gouvernement pouvait de-
mander.
On dit que Moulay Hafid se prépare à no-
tifier officiellement son avènement, a;*;,
corns a.'lHOllSull,'lUP:.,. il Tanger. -
La Gazelle ae Cologne publie un télé»;
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