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TRIBUNE LIBRE
Bastilles à démolir
« Il ne suffit pas d'abat-
tre les murailles de la tyran-
nie, quand on conserve au
plus profond de soi la menta-
lité d'absolutisme qui les fit
surgir. » - ,
Je voudrais que cette phrase tapI-
daire fM, en ce jour ann.iversaire de la
prise de la Bastille, gravée sur les écus-
sons, imprimée sur les drapeaux et les
oriflammes qui ornent nos' édifices pu-
blics. Il y faudrait ajouter aussi le nom
le l'auteur : Georges Clemenceau.
Cette « mentalité d'absolutisme » que
l'on « conserve au plus profond de soi ),
M. Clemenceau, mieux que personne,
pouvait la comprendre, la définir, la sen-1
tir ; car elle est, depuis son avènement
au pouvoir, sa propre caractéristique, et
ce n'est rien dire qui ne soit reconnu de
tous, qu'il parle et agit en homme qui
supporte mal la contradiiction, la criti-
que, qui ne souffre pas l'opposition, lui
qui fut un si rude opposant. J'ai pour
l'orateur, pour l'écrivain, pour le polé-
miste, la plus grande admiration ; je
ne puis taire le contraste déconcertant
de sa politique et de ses écrits.
Mais soit, il est entendu que le prési-
dent du Conseil, dont l'esprit libertaire
confinait parfois à l'anarchie, veut au-
jourd'hui rétablir le principe d'autorité.
Et ce sont des Bastilles nouvelles qui
se dressent à chaque pas.
Ces modestes instituteurs, dont M.
Clemenceau défendait jadis avec tant de
véhémence les légitimes réclamations ; ;
ces petits fonctionnaires, ces petits em-
ployés, dont il se plaisait à soutenir les
revendications syndicales, ne sont plus,
à ses yeux, que des « bureaucrates en
révolte ».
Ces ouvriers mineurs, ces grévistes 1
qu'il voulait voir exercer leur droit en
dehors de toute intervention préventive
de la force armée, aujourd'hui, lui ap-
paraissent comme des ennemis dange-
reux de la société et de l'ordre public.
Il s'indignait, en 1882, sous le minis-
tère de M. de Freycinet, de l'envoi de
troupes sur les champs de grève. Il n'en
admettait remploi qu'en cas d'émeute et
se refesait à voir un commencement d'é-
meute dans la possibilité de violences.
« Et comme l'envoi de troupes, ajou-
tait-il, n'a pas la vertu de résoudre les
questions, pendant que vous ajournez
toutes les réformes politiques, la ques-
tion sociale se pose, et avec d'autant
plus d'acuité que la République a néces-
sairement suscité parmi les déshérités
de la société, des espérances que vous,
tépublicains, vous ne pouvez pas con-
damner, que vous n'avez pas le droit de
déclarer illégitimes. »
Et ce sont ces espérances déçues, ce
sont, à cette heure, chez les travailleurs
qui avaient cru aux affirmations sociales
et socialistes de M. Clemenceau, ce sont
les douloureuses contradictions de sa
politique, qui créent la désaffection po-
pulaire, plus apparente, plus intense
efeaque jour.
Les murailles de la tyrannie nouvelle,
pour n'être ni de chaux ni de pierre,
n'en menacent pas moins l'indépendance
et la dignité des citoyens. On sent sour-
dre le mécontentement populaire, et ce
n'est plus un mot de comédie que le cri
fameux : « Il y aura donc toujours des
Bastilles à démolir ! »
Des Bastilles à démolir, il en restera
aussi longtemps que nous n'aurons de
la liberté civique qu'une parodie et que
le gouvernement donnera l'exemple de la
mainmise sur la conscience pol i tique des
élus ou des électeurs, par tous les
moyens dont il dispose et que, tant de
fois, M. Clemenceau a flétris..
Des Bastilles fi démolir, il èn restera
aussi longtemps que l'arbitraire admi-
nistratif fera des esclaves on des victi-
mes et que la faveur ministérielle conti-
nuera de tenir à sa merci des milliers de
citoyens.
Des Bastilles à démolir, il en restera
aussi longtemps que survivront des abus
et des. privilèges renouvelés des anciens
régimes, aussi longtemps que (es travail-
leurs auront l'insécurité de leurs vieux
jours, aussi longtemps que ne sera pas
réalisée la justice sociale. -
Des Bastilles à démolir l. mais lisez
plutôt ces lignes de la Mêlée Sociale :
"« On a dit : <; La Bastille est effacée dJ
la terre et) avec elle, la féodalité. le
despotisme, et aussi l'oppression et tout
nbus sur ses frères en humanité. Hélas !
T'oppression et l'abus ne sont pas aussi
aisément effacés. Voilà le mot cruel et
,vrai. Les pierres sont tombées de la som-
bre tour qui dominait Paris. Mais il
tient toujours, le réduit de haine et de
violence où l'atavisme enferme le trésor
fmcestraJ d'égoïsme meurtrier, et contre
1a chaîne de cette impénétrable Bastille,
le bras de Louis Toumay retombe ira-
puissant,
« .Regardant sa hache ébréchée,
Louis Tournay" pense avec son ami Car-
lyle : « Avez-vous inscrit parmi les
droits de l'homme, que l'homme ne doit
pas mourir de besoin, quand il y a dll'
pain moissonné par lui. Sous d'autres
formes, dans des conditions différentes,
l'homme se débat, comme autrefois, con-
tre l'égoïsme des classes. Le paysan
de La Bruyère était sans doute en
grand progrès de confort sur l'homme
des cavernes. Faute de pouvoir faire la
comparaison, il ne sentait pas son bon-
heur. Ainsi de notre mineur, qui n'éprou-
ve aucun soulagement à entendre parler
des serfs du moyen âge. Il sent son
mal ; peu lui importe le reste. La Bas-
tille a été prise, lui dit-on. C'est bien
possible. Laquelle ? M -
Mot superbe: car il reste toujours des
Bastilles à démolir.
Et M. Clemenceau montre l'oppression
qui pèse sur l'homme de travail, la force
sociale employée contre lui, les associa-
tions ouvrières traquées, désorganisées,
bridées, sous prétexte qu'elles ne con-
duisent pas la lutte comme le souhaite-
raient ceux qu'elles sont chargées de
combattre ; les pouvoirs publics achar-
nés contre les organisations syndicales
privées de leurs chefs librement choisis ;
les lois ouvrières ajournées, les réformes
d'impôt « vainement discutées ».
Et cependant la Bastille fut prise, il y
a plus de cent ans, par.nos pères, et il
reste toujours des Bastilles à démolir.
Paul BOtJRÉLY,
Député de ¡'Ar
LA POLITIQUE
EN VACANCES
Députés et sénateurs ont re-
çu la clef des champs. De-
main, ils seront partis- Puis
les feuilles annonceront les
faits et gestes des minis.-
tres sous la rubrique déplacements et
villégiatures. Et beaucoup de gens pen-
seront : la vie Eolitique. pour un mo-
ment, a cessé. -:
C'est s'en prendre aux seules appa-
rences. La politique ne chôme pas, la vie
parlementaire seule subit un temps d'ar-
rêt et ces récréations ne sont pas sans
bénéfice pour les parlementaires. -
Pour eux c'est l'évasion, loin d'un mi-
lieu factice, d'une ambiance énervante et
parfois déconcertante. Le retour aux
champs, c'est le retour vers l'électeur,
c'est le renouveau du contact avec le
pays. Chacun retrouve à ses origines po-
litiques, le sens de son action, le senti-
ment de son devoir, le but de son ef ffort.
Après trois mois d'absence, les parle-
mentaires reviennent les nerfs détendus,
l'esprit apaisé, la résolution plus nette.
Après le congrès du parti républicain,
radical .et radical socialiste, après le
congrès du part; socialiste aussi, dès les
premiers jours d'octobre, la direction
normale de l'action politique et parle-
mentaire se dégagera.
Nous avons confiance. Tous les élé-
ments démocratiques reviendront à la
tactique du groupement serré, de l'effort
convergent. Tous les éléments conserva-
teurs - de quelque nom qu'ils se déco-
rent — se retireront à droite.
La politique de confusion est à bout
Donftons-lui les quatre-vingt-dix jours
réglementaires ; soyons généreux : cent
jour?.
Et c'est tout,
LES ON ..DIT.:-_.
NOTRE AGENDA
Auiouyd hui 'mardi :
Lever du soleil, à 4 h. 13 ; coucher, à
7 lr. 58. -
Fêle nationale.
Matinées graiunes : Opéra, Cornédio-
Française, Opéra-Comique, Palais-Royal,
Nouveautés, Port o-Sfi i n t-M a ri' n, Thé Aire
Aiit/oine, -\ thé né*3, Folies-Dra.matiques, Glu-
ny, iJéjazet, Bcîleville, Théâtre populaire,
La Fauvette., XXe siècle.
Matinées non gl'n{uil(s - Ambigu, Ci-,
le, Scaja, -Théâtre de -la NoL-ie.
Coures à Snint-Ctoud..
iffle brique de mille battis.
Un huissier qui venait de dresser un
inventaire chez un pauvre paysan bre-
ton décédé, fut fort étonné d'apercevoir
un billet de-banque collé contre un des
murs de la chaumière.';
Le défunt qui l'avait trouvé sur la
grand'roule et qui n'y avait vu qu'une
image, en avait orné la muraille.
II y avait-yifigl ans.qu'il était là, entre
L ! ,,Jui! ei'l'ànf -.) -et, OeÜe-vièrc de
Brabant », sajja. cyi'aucim. visiteur "ij
•eût soupçonné la vaktir. Ceci n'« rîen
nui doive surprendre, car tlans les
i campo^ngJï beaucoup 'de Eçrsoanes
n'ont jamais eu l'occasion de manier
des chiffons do papier de cette impor-
tance
La brique fut détachée, envoyée à Pa-
ris et présentée à la Banque de France
qui, paraît il, paya sans hésitation.
Seulement., comme il n'eût pas été
commode de remettre en circulation un
pareil billei, il fut biffé et conservé
dans les archives.
Nous laissons à penser quelle agréa-
ble surprise ont eue les héritiers, pour
lesquels une somme de mille francs
constituait un héritage très appréciabb.
AUTREFOIS
Rappel du .15 juillet 1872. — Le banquet
qui devait avoir lieu à Paris, en célébration
du 14 juillet, n'a pas été autorisé. Il devait
avoir lieu aux Vendanges de Bourgogne,
et devait réunir une centaine de convives,
convoqués par MM. Bralerett Martin Na-
daud, Topart et Métivier. Louis Blanc de-
vait prononcer un discours. Le gouverneur
de Paris a interdit la réunion.
En fouillant les ruines de l'hôlel de ville,
on a retrouvé un Louis XIV de Coustou et
une statue de François lé' assez endomma-
gée.
Les journaux anglais annoncent que
Stanley est arrivé à la côte, et qu'il part
pour Suez ; il rapporte des lettres de Li-
vingstone. Ce dernier, bien qu'en mauvaise
santé, ne veut rentrer qù'après avoir ache-
vé son oeuvre.
On fait, à Gennevilliers, des expériences
sur les eaux des collecteurs: deux ingé-
nieurs anglais travaillent à épurer ces
eaux de façon à pouvoir sans inconvénient
les rejeter dans la Seine. Avec le dépôt
qu'elles laissent, ils forment des briquettes
d'engrais.
Une belle place.
Un des membres les plus éminents
du corps diplomatique, qui représentait
il y a quelques années l'Angleterre à
Paris, avait pour la France et les Fran-
çais une prédilection marquée.
Il était tellement attaché à Paris qu'il
apprit sans aucun plaisir sa promotion
à la vice-royauté des ïndes.
A son audience de congé, le président
de la République lui dit, en guise 1e
compliment :
« Vous allez, monsieur l'ambassadeur,
occuper une des plus belles places du
monde.
« - Ah ! monsieur le président, fit le
diplomate avec un soupir, la plus belle
place est encore à mes yeux celle que
je quitte : c'est la place de la Concor-
de ! ».
Les asperges du ehah.
Lors de son dernier voyage à Lon-
dres, le feu schah de Perse, Nsar i'd
Dine, assista à un dîner donné par le
prince de Galles. On servit des asper-
ges. Le schah, qui sans doute n'avait ja-
mais goûté au précieux légume, prit la
première asperge, en avala la moitié
avec une visible satisfaction, et jeta dé-
libérément l'autre extrémité derrière
lui.
Ce geste inattendu déconcerta quel-
que peu les convives. Mais le prince
de Galles, voulant éviter que son hôte
pût croire un seul instant avoir fait une
chose contraire à l'étiquette, s'empressa
à son tour de lancer sur le parquet, ses
bouts d'asperges ; comme de juste, tous
les assistants firent de même, de sorle
qu'au bout de quelques minuter-:, -te-*
tapis de l'héritier du trôno d'Angleterre
fureni jonchés dé résidus d'asperges.
Rossini gourmet.
On sait que Rossini était très gour-
met. Il n'aimait pas beaucoup dîner en
ville. Un jour, cependant, il finit par
accepter une invitation qu'il eût été plus
avisé de refuser, car le dîner était exé-
crable. En se levant def table, la maî-
tresse de maison lui dit :
— Eh bien ! monsieur Rossini, j'es-
père que vous voudrez bien revenir dî-
ner chez nous ?
- Oui, madame, tout de suite.
-,
La Marseillaise
Dans un des derniers numéros des An-
nales, Mme Yvonne Sarcey raconte, avec
un charme exquis, la mésaventure qui lui
st arrivée à propos de la Marseillaise.
L'Université des Annales a reçu récem-
mêiir la' visite de trois cents Anglais et
Anglaises.
Nos voisins, croyant rendre hommage à
la France, ont demandé à Mme Yvonne
Sarcey ou plutôt à Mme Adolphe Brissop,
de leur faire chanter la Marseillaise par
les jeunes Françaises qui se trouvaient
groupées autour de la directrice de la
maison.
CI Quelle émotion fut la mienne ! écrit
Mme Yvonne Sarcey. Je ne savais, de notre
chant national, que des bribes :
Àbons, enfants do la patrie,
te jour de gloire est arrive.
« Et puis :
Aux armes citoyens, formez vos hataillons.
Marchons, marchons,
Qu'un sang impur abreuve nos sillons,
Pour le reste, j'eusse été incapable —
quoique l'ayant repassé cent fois — d'en
retrouver l'air et la musique,
« J'interrogeais vivement nos fidèles uni-
versitaires et les amia venus à cette fête :
Connaissez-vous la Marseillaise l Et
vous ? Et vous ? Et vous ?.
« Hélas ! La réponse fut partout la mé-
me'. On pouvait fredonner des fragments
par ci, par là : on 11e se fût pas aventuré
à la chanter d'un bout à l'autre dans la
CiViJhte d'embrouiller entre eux les étan-
dards ean^âuts, les îéroces soldats, leurs
fils -et leurs compagnes » -. -,
Le fait, si spirituellemnt narré par Mme
; Adolphe Dri§sgoa se reproduit au ptu m-
tout. Les Français, non seulement ne con-
naissent pas la Marseillaise, mais ils la
chantent très mal. Les trois quarts déton-
nent d'une façon pitoyable quand ils arri-
vent à la modulation où il faut faire
-. Mugir les féroces soldats.
et clamer
Qu'ils viennent jusque dans nos bras
Egorger nos fils et,nos compagnes.
Ce passage de la Marseillaise fait le dé-
sespoir des oreilles délicates.
Chèque fois que nous avons assisté à
une audition populaire de notre hymne na-
tional, nous avons subi la même torture et
le même écorchement d'organe auditif.
La dramatique modulation de Rouget de
l'Isle ne parait pas faite pour les foules
françaises qui sont — sauf dans le Midi
et dans le Nord — peu musiciennes.
La foule attaque la Marseillaise avec une
furie française, mais avec une méconnais-
sance absolue du rythme et de la tonalité.
On ne sait pas chanter la Marseillaise
en France.
Cette réflexion paradoxale est faite pour
tous les étrangers ayant la moindre notion
de musique.
Nous ne voulons pas saisir cette occa-
sion pour examiner la question de la trans-
formation du texte, un peu vieillot, am-
poulé ou suranné de la Marseillaise.
On a plusieurs fois émis l'idée de confier,
à un grand poète, la tâche d'adapter à la
musique de Rouget do l'Isle, des paroles
mieux en rapport avec l'évolution de notre
mentalité.
Ceux qui préconisaient ce proiet se re-
tranchaient derrière ce précédent consacré
par la tradition. On sait, en effet, que le
dernier couplet de la Marseillaise n'est pas
de Rouget de l'Isle, mais de Marie-Joseph
Chénier.
Nous reconnaissons, jusqu'à" un certain
point, le bien fondé des Observations pré-
citées. Mais nous considérons la Marseil-
laise comme un bloc inattaquable. La Mar-
seillaise D'est certes pas un hymne na-
tional. : c'est un chant de guerre d'une
beauté tragique. C'est l'exacerbation de la
haine contre l'envahisseur du territoire ;
c'est le paroxysme de l'amour de la Fran-
ce et l'exaltation de la foi patriotique d'un
peuple qui ne veut pas mourir. C'est, en
un mot, le chant sacré de la Patrie en
danger.
n faut avoir entendu la Marseillaise dans
les poignantes convulsions populaires pour
se rendre compte de la grandeur épique
de ce cri farouche, entraînant et terrifiant
qui électrisa nos aïeux et leur permit de
refouler réUraiifioe.
Ne touchons donc pas à la Marseillaise:
mais apprenorift-tà -aux jeunes, afin que
l'humiliante mésaventure, si gentiment
avouée par Mme Yvonne Sarcey, ne se
renouvelle plus.
J. C.
P. S. - Nous disons plus haut que le
dernier couplet de la Marseillaise est de
Marie-Joseph Chénier. D'autres prétendent
qu'il est du poète Louis Dubois et. d'au-
cuns affirment que ces paroles ont pour
auteur un abbé qui. en raison de ce
fait. échappa en 1793 à la charrette fatale.
Nous posons la question à nos lecteurs
et nous serions heureux d'avoir leur avis
sur ce point d'histoire.
L'Église met ses foudres
en mouvement
Il parait que l'évêque de Montauban, M.
Marty. vient de déclarer une guerre à ou-
trance -aux maires de son diocèse qui inter-
disent les processions religieuses sur la
voie publique
Sa première victime - qui ne s'en porte
d'ailleurs pas -plus mal — est le maire de
Doo. umont-dre- Lomagne.
Ce magistrat a été informé par une let-
tre de <: Sa Grandeur » qu'il était « exclu
de la communion catholique » et par une
seconde lettre, M. Marty a donné à ses prê-
tres l'ordre de lui refuser les « honneurs de
la sépulture ecclésiastique, s'il meurt avant
d'avoir désavoué la doctrine irréligieuse ».
La lettre ajoute que ces prescriptions se-
ront étendues à tous ceux qui ont interdit
ou interdiront les processions dans le dio-
cèse.
Il est à prévoir que tous les épiscopes de
France, obéissant à un mot d'ordre du Va-
tican, vont Guivire l'exemple de leur collè-
gue de Montauban et que tous les maires
de France qui ont interdit, sur le territoire
de leurs communes, les mascarades reli-
gieuses, seront bientôt boutés hors de l'E-
glise comme le sont déjà 'tous les sénateurs
et les députés qui ont voté la loi. de Sé-
paration.
A l'aliure Que r.pnncnt les foudres de
l'Eglise, il n'y aura bientôt plus en France
que des excommuniés e,t les dimensions de
l'iïnfcr des catholiques vont devenir rapi-
dement insuffisantes pour les contenir
tous.
Satan ne tardera pas à ne plus savoir
où donner de la tête pour arriver à caser
tous ces pensionnaires inattendus, et son
fidèle Caron est menacé d'une besogne au-
dessus de ses forces, à moins que l'idée ne
lui vienne d'augmenter sa 'batellerie ot de
faire circuler des canots automobiles sur
lés eaux du Styx.
Quel nouveau Dante chantera les suppli-
ces qui attendent les mécréants condamnés
par Pie X et ses évêques ? Car au fur et
à mesure que s'est accentuée la marche de
l'humanité vers l'irréligion, on a dû inven-
ter des raffinements de cruautés pour tous
les damnés q'-: ne sont plus la vulgaire
clientèle du temps où le poète fit sa visite
aux Enfers.
Mais parlons plus sérieusement. L'Eglise
s'imagine, en prodiguant ses excommuni-
cations, pouvoir jeter le trouble dans 'es
consciences et faire ainsi obstacle à l'ap-
plication des lois qui doivent assurer la
liberté <5c conscience des citoyens. Ses
fiîïorts seront vains, car la menace de ses
fameuses flammes étemelles n'est même
plus un épouvantail capable de troubler
l'imagination de nos enfants.
L'excommun.icaJtdon va devenir, au con-
traire, pour tous ceux qui en seront l'o})..
jet, un excellent brevet de républicanisme,
et nous verrons une sorte d'émulation se
produira ontro-les citoyens pour se dispu-
ter cette-ferveur. C'est tout ce gué l'Eglise
y gagnas, - P. G.
LA SEPARATION DES CHAMBRES
IIGOKEREliGrBBDGETAIIlE
- - 11 - ,- .t
Les crédits supplémentaires. - Au Sénat, M. Poincaré dl-
nonce les fâcheux procédés financiers des ministres.
- M. Caillaux reconnaît la nécessité d'un --
contrôle plus sérieux.
La dernière journée de travail des
Chambres a été courte : une heure
l'une dans l'autre. En revanche, les As-
semblées ont été matinales. La séance
de la Chambre n'a présenté aucun inté-
rêt. Mais celle du Sénat a été occupée
par une discussion financière où, grâ-
ce à M. Poincaré, - rapporteur général de
la commission des finances, un singu-
lier jour a été jeté sur les habitudes
budgétaires de la plupart de nos dépar-
tements ministériels. Impossible de
montrer une désinvolture plus complè-
te dans l'art- de jongler avec la monnaie
du contribuable.
Le ministre des finances lui-même n'a
pu que reconnaître le bien fondé des
critiques du rapporteur général.
Et, après cet utile échange d'observa-
tions, la tribune parlementaire est de-
venue muette. Jusqu'à quand ? Person-
ne ne le sait, le gouvernement ayant re-
fusé, comme on sait. de prendre aucun
engagement quant à la date de la ren-
trée.
La séance du Sénat est ouverte à neuf
heures du matin, sous la présidence de M.
Antonin Dubost.
Tous les ministres sont à leur banc.
M. Caillaux, ministre des finances, dé-
pose le projet de loi sur l'exploitation provi-
soire du réseau de l'Ouest. Il est renvoyé
à la commission des chemins de fer et à ta
commission des finances.
Le Sénat adopte divers projets de loi, no-
tamment la convention pour préciser la
frontière entre le Congo français et le Ca-
meroun. Il adopte ensuite un projet de loi
relatif aux récompenses à décerner à l'oc-
casion de l'exposition de Bordeaux et de
l'exposition de Lyon et van projet de loi ten-
dant à accorder des décorations aux mili-
tairefc des armées do, -tèff-e et de mer qui
ont pris part aux opérations du Maroc.
Discours de M. Poincaré
Il abord 2 l'examen du projet de loi por-
tant. ouverture de crédits supplémentaires
sur l'exercice 1908.
M. Poincaré. rapporteur général, présen-
te, à ce propos, de très importantes obser-
vations. Il signale tout d'abord le peu de
tetmps laissé pour l'examen des crédits à la
commission des finances {deux jours en
tout : vendredi et samedi).,
Il se sans rien retrancher de ce
qu'exige le vv.. t de l'autre Assemblée, te
Sénat pourrait aisément être mis à même d'exer-
cer le sien dans de tout autres conditions. tAp-
probation.)
Le désordre
M. Poincaré fait ensuite une très vive
critique dra procédés financiers en usage
dans la plupart des ministères :
'Les demandes du gouvernement sur lesquelles
vous aftëz statuer attestent qu'il règne dans cer-
tains ministères de singulières habitudes et mê-
me un véritable désordre. Ce qui s'est passé
pour la reconstruction de l'Imprimerie natio-
nale est tout à fait significatif. Le Sénat n'ap-
prendra pas sans surprise comment a été con-
duite cette étrange opération. [1 trouvera à cet
égard des précisions dans mon rapport et esti-
mera sans doute avec nous que les oouvoirs pu.
blics devront revenir ultérieurement sur cette
question.
Le département de la marine donne de son
côté d'étonnants exemples de son peu de res-
pect pour les règles budgétaires. Les crédits de-
mandés pour Yléna, pour la télégraphie sans fil,
pour les approvisionnements ont été sévèrement
critiqués par la Chambre. Il s'agit là de dépen:
ses qui non seulement ont été engagées sans
ressources volées, mais qui, on peut le dire, ont
été elfeetuées sans que personne en fût prévenu.
Les ouvriers de l'Etat
Le reporteur général continue on traitant
une grave question sociale :
Un crédit spécial demandé par îe ministre de
la guerre soulève une grave question. C'est
celui qui a fait l'objet d'un rapport de M. Wad-
dington et qui a tour but d'améliorer la situa-
tion du personnel d'exploitation des établisse-
ments militaires.
La commission ne peut s'empêcher de vous
soumettre, à cette occasion, des réflexions dont
vous apprécierez l'importance. Le nombre des
ouvriers' actuellement employés par l'Etat est de
81.000. Les diverses fractions de ce personnel
sont soumises aux régimes les plus divers, quant.
à la durée de la journée de travail et à l'avance.
ment, etc.
Il n'existe aucun règlement général, chaque
administration gouverne son personnel à £ 1
guise. -
De temps en temps, l'une d'elles accorde une
amélioration, une satisfaction aux ouvriers,
alors ceux des autres services la réclament et
ainsi on est conduit à uoe série de dépenses que
rien n'a oermis d'envisager dans son ensemble
et dont rien ne permet d'entrevoir la répercus-
sion. Un tel système- - est l'incohérence. (Très
bien ! Très bien !)
, Nous pansons que l'on doit y mettre fin le plus
tôt possible en réglementant d'une manière gé-
nérale, et dans la mesure du possible, uniforme,
la situation de tous les personnels d'ouvriers de
l'Etat. (Très bien !)
Le contrôle des dépenses
Ces réflexions nous ont amenés à une conclu-
sion qu'apparemment le Sénat approuvera. Il
devient chaque jour plus évident qu'il est né-
cessaire de renforcer l'organisation du contrôla
des dépenses engagées. eui rend déjà, teot ee
services, mais qui reste encore inefficace dans
bien des cas.-
Nous demandons que le gouvernement nous
apporte à cet égard des propositions prfcis,
qui trouveront place dans le bungot de 1009.
(Applaudissements.)
M. Thomson plaide
« pro domo »
M. Thomson ministre de la marine,
passe en revue les crédits demandés pour
l'enlèvement de l'épave 'de Tlénà, pour
l'installation de la télégraphie sans fil sur
un grand nombre de navires, enfin pour
is apprQvtgiOûQaQElsets sa .od et fen
obus. Sur chacun de ces points, il s'attaf
che à démontrer que les dépenses auxquel-
les les crédits sollicités doivent pourvoir
ont absolument le caractère de dépenses
additionnelles au budget primitif.
Il était matériellement impossible de les com-
prendre dans les éviluaUons de 1906, car à l'é-
poque oùle budget de 1908 a été établi, les eau-
ses actuelles de dépenses étaient ignorées ou
faisaient l'objet d'études et, par sirite, on ne pou-
vait soumdtre aux Chambres aucune proposi-
tion.
C'est ainsi qu'au cours de l'année, à la suite
de la visite des stocks do poudre .sans fumeo on
a condamné par prudence GOO.OOO kilos de pou-
dre douteuse ou trop ancienne. Cette mesure da
précaution après la catastrophe de l'Una ne sau-
rait être qu'approuvée ; mais peut-on dire que
la marine aurait dû s'y faire autoriser par le
vole d'un crédit il y a six mois ?
Comment l'eût-elle fait, puisque les visites d'ap-
provisionnements n'ont été faites oue tout der-
nièrement el que c'est seulement ensuite qu'on
a pu apprécier l'importance du stock à faire dis-
parai tre ?
De même-, la marine ne peut être rendue res-
ponsable à propos de la fabrication des nou-
veaux abus, des retards de fabrication qui en-
traînent des reports de crédits -et de la hausse
anormale des aciers.
Sous ces réserves, le ministre se déclare tout
disposé à tenir compte des conseils du rappor-
teur général ; il se dréféra volontiers, pour sa
part, à une amélioration du contrôle des dépen-
ses. Un inspecteur des finances a passé dix-
huit mois dans les DorLs. Il a tout vu et tout
vérifié ; c'est la preuve que la marine est pleine
de bonne volonté.
M. Poincaré. — Cet inspecteur a été bien reçu
et on doit le reconnaître, mais il manquait d'au-
torité. On n'arrivera à un résultat ou'au moyen
d'une réorganisation de contrôle des dépenser
publiques el d'une forte centralisation de ce ser.
vice dans les mains du ministre des finances.
M. Le Cour Grandmaison remarque que
l'abus des reports de orédits dont "se plaint
Ja commission fleurit, surtout à l'adminisi
tration des postes et télégraphes.
A/. Poincaré. - Les reports de crédits sont
toujours fâcheux, mais il en est un certain nom
bre.qu'on ne peut éviter. Il en est d'autres, an
contraire, qui ne résultent que de mauvaises prao
tiques.
Les aveux de M. Caillaux
M. Caillaux, ministre des finances, es!
d'accord avec la commission des finances
sur ce derni.er point ù la condition ou cr
n'exagère pas la rigueur d'une règle qrfi
est nécessaire, sans d-oute,mais qui compte
certaines atténuations dans lapratique.
Le rapporteur général a raison.de réclamer un
renforcement du" contrôle des dépenses enga-
gées. La solution est difficile, mais le gouverna
ment la recherche el s'est, déjà livré en conseil t
l'étude d'un texte.
Sous le bénéfice de ces observations. le
ministre prie le Sénat de voter les crédits
Ils n'ont rien d'exagéré puisque sur un bud-
get de plu* de 3 milliards et demi, ils na •
s'élèvent qu'à 30 misons. (Applaudisse-
ments.)
Les différentes dispositions du projet flo
loi sont adoptée. L'ensemble est adopté à'
l'unanimité de 270 votants.
LES QUATRE CONTRIBUTIONS
Le Sénat adopte le projet de loi sur let
quatre contributions directes à l'unanimité
de 280 votante.
DECORATIONS ET CEREMONIES
M. M. F&Tire lit te rapport sur Ta 'pl'oposi
tion de Joi tendent à aMordcr des décora-
tions à l'occasion du cinquantenaire de
la Société chimique de France.
M. Gourju dit que le ministre des afIairoi
étrangères peut accorder un nombre ¡mi{}.
fini de croix à des étrangers. Au contj-nim
pour nos nationaux, il faut ttes lois sp6»
ciales. -
iM. Poincaré. — Le mieux serait de suppri
mer toutes les décorations. (Rires.)
La proposition de loi est adoptôe.
M. Briand, garde des sceaux, donne leo
ture du décret de clôture.
14 séance est en suite levée.
A LA CHAMBRE
La séance cet ouverte à onze heures,
squs la présidence de M. Brisson.
M. Cruppi dépose le projet de loi, adopl
par le Sénat, relatif aux crédits supptf
mentaires.
On suspend la séance pendant un guar
d'heure, pour permettre à la commission
du budget d'en délibérer.
A la reprise de la séance, M. Paul Doû¿
mer, rapporteur général, donne lecture i'ée
son rapport. Il conclut à l'adoption du rrt")o
jet de loi tel qu'il a été modifié par le Sé-
nat.
Les crédits sont adoptés par 476 voi*
contre 44
M. Clemenceau monte à la tribune
donne lecture du décret de clrtfore.
La séance est levée.
- t 11
LA FETE NATIONALE
Les mesures d'ordre prises par ! a préfet
ture de police pour les têtes diffèrent pes
de celles des années précédentes- En voia
le détail :
Revue (le 10 ngcho. -- Les voitures
rendant à a revue ne pourront pénétrer
dans le bois que par la rorte de la SeinE
et ta porte de Soint-Cloud. Tout stationne-
ment de voitures ou de cavaliers sera in-
terdite sur les routes du Bois que doiveit
suivre les troupes.
Des postes médicaux serait établis sut
vingt points différants du bois de Bouto-
gne, aux environs du terrain de la revue
l Les mMcina e-croul préssits à ces pool*
anrq obkti!IIE« LE WUÎHERO
Mercredi lRJuffie* Ï0O8. - W 1400S.-
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TRIBUNE LIBRE
Bastilles à démolir
« Il ne suffit pas d'abat-
tre les murailles de la tyran-
nie, quand on conserve au
plus profond de soi la menta-
lité d'absolutisme qui les fit
surgir. » - ,
Je voudrais que cette phrase tapI-
daire fM, en ce jour ann.iversaire de la
prise de la Bastille, gravée sur les écus-
sons, imprimée sur les drapeaux et les
oriflammes qui ornent nos' édifices pu-
blics. Il y faudrait ajouter aussi le nom
le l'auteur : Georges Clemenceau.
Cette « mentalité d'absolutisme » que
l'on « conserve au plus profond de soi ),
M. Clemenceau, mieux que personne,
pouvait la comprendre, la définir, la sen-1
tir ; car elle est, depuis son avènement
au pouvoir, sa propre caractéristique, et
ce n'est rien dire qui ne soit reconnu de
tous, qu'il parle et agit en homme qui
supporte mal la contradiiction, la criti-
que, qui ne souffre pas l'opposition, lui
qui fut un si rude opposant. J'ai pour
l'orateur, pour l'écrivain, pour le polé-
miste, la plus grande admiration ; je
ne puis taire le contraste déconcertant
de sa politique et de ses écrits.
Mais soit, il est entendu que le prési-
dent du Conseil, dont l'esprit libertaire
confinait parfois à l'anarchie, veut au-
jourd'hui rétablir le principe d'autorité.
Et ce sont des Bastilles nouvelles qui
se dressent à chaque pas.
Ces modestes instituteurs, dont M.
Clemenceau défendait jadis avec tant de
véhémence les légitimes réclamations ; ;
ces petits fonctionnaires, ces petits em-
ployés, dont il se plaisait à soutenir les
revendications syndicales, ne sont plus,
à ses yeux, que des « bureaucrates en
révolte ».
Ces ouvriers mineurs, ces grévistes 1
qu'il voulait voir exercer leur droit en
dehors de toute intervention préventive
de la force armée, aujourd'hui, lui ap-
paraissent comme des ennemis dange-
reux de la société et de l'ordre public.
Il s'indignait, en 1882, sous le minis-
tère de M. de Freycinet, de l'envoi de
troupes sur les champs de grève. Il n'en
admettait remploi qu'en cas d'émeute et
se refesait à voir un commencement d'é-
meute dans la possibilité de violences.
« Et comme l'envoi de troupes, ajou-
tait-il, n'a pas la vertu de résoudre les
questions, pendant que vous ajournez
toutes les réformes politiques, la ques-
tion sociale se pose, et avec d'autant
plus d'acuité que la République a néces-
sairement suscité parmi les déshérités
de la société, des espérances que vous,
tépublicains, vous ne pouvez pas con-
damner, que vous n'avez pas le droit de
déclarer illégitimes. »
Et ce sont ces espérances déçues, ce
sont, à cette heure, chez les travailleurs
qui avaient cru aux affirmations sociales
et socialistes de M. Clemenceau, ce sont
les douloureuses contradictions de sa
politique, qui créent la désaffection po-
pulaire, plus apparente, plus intense
efeaque jour.
Les murailles de la tyrannie nouvelle,
pour n'être ni de chaux ni de pierre,
n'en menacent pas moins l'indépendance
et la dignité des citoyens. On sent sour-
dre le mécontentement populaire, et ce
n'est plus un mot de comédie que le cri
fameux : « Il y aura donc toujours des
Bastilles à démolir ! »
Des Bastilles à démolir, il en restera
aussi longtemps que nous n'aurons de
la liberté civique qu'une parodie et que
le gouvernement donnera l'exemple de la
mainmise sur la conscience pol i tique des
élus ou des électeurs, par tous les
moyens dont il dispose et que, tant de
fois, M. Clemenceau a flétris..
Des Bastilles fi démolir, il èn restera
aussi longtemps que l'arbitraire admi-
nistratif fera des esclaves on des victi-
mes et que la faveur ministérielle conti-
nuera de tenir à sa merci des milliers de
citoyens.
Des Bastilles à démolir, il en restera
aussi longtemps que survivront des abus
et des. privilèges renouvelés des anciens
régimes, aussi longtemps que (es travail-
leurs auront l'insécurité de leurs vieux
jours, aussi longtemps que ne sera pas
réalisée la justice sociale. -
Des Bastilles à démolir l. mais lisez
plutôt ces lignes de la Mêlée Sociale :
"« On a dit : <; La Bastille est effacée dJ
la terre et) avec elle, la féodalité. le
despotisme, et aussi l'oppression et tout
nbus sur ses frères en humanité. Hélas !
T'oppression et l'abus ne sont pas aussi
aisément effacés. Voilà le mot cruel et
,vrai. Les pierres sont tombées de la som-
bre tour qui dominait Paris. Mais il
tient toujours, le réduit de haine et de
violence où l'atavisme enferme le trésor
fmcestraJ d'égoïsme meurtrier, et contre
1a chaîne de cette impénétrable Bastille,
le bras de Louis Toumay retombe ira-
puissant,
« .Regardant sa hache ébréchée,
Louis Tournay" pense avec son ami Car-
lyle : « Avez-vous inscrit parmi les
droits de l'homme, que l'homme ne doit
pas mourir de besoin, quand il y a dll'
pain moissonné par lui. Sous d'autres
formes, dans des conditions différentes,
l'homme se débat, comme autrefois, con-
tre l'égoïsme des classes. Le paysan
de La Bruyère était sans doute en
grand progrès de confort sur l'homme
des cavernes. Faute de pouvoir faire la
comparaison, il ne sentait pas son bon-
heur. Ainsi de notre mineur, qui n'éprou-
ve aucun soulagement à entendre parler
des serfs du moyen âge. Il sent son
mal ; peu lui importe le reste. La Bas-
tille a été prise, lui dit-on. C'est bien
possible. Laquelle ? M -
Mot superbe: car il reste toujours des
Bastilles à démolir.
Et M. Clemenceau montre l'oppression
qui pèse sur l'homme de travail, la force
sociale employée contre lui, les associa-
tions ouvrières traquées, désorganisées,
bridées, sous prétexte qu'elles ne con-
duisent pas la lutte comme le souhaite-
raient ceux qu'elles sont chargées de
combattre ; les pouvoirs publics achar-
nés contre les organisations syndicales
privées de leurs chefs librement choisis ;
les lois ouvrières ajournées, les réformes
d'impôt « vainement discutées ».
Et cependant la Bastille fut prise, il y
a plus de cent ans, par.nos pères, et il
reste toujours des Bastilles à démolir.
Paul BOtJRÉLY,
Député de ¡'Ar
LA POLITIQUE
EN VACANCES
Députés et sénateurs ont re-
çu la clef des champs. De-
main, ils seront partis- Puis
les feuilles annonceront les
faits et gestes des minis.-
tres sous la rubrique déplacements et
villégiatures. Et beaucoup de gens pen-
seront : la vie Eolitique. pour un mo-
ment, a cessé. -:
C'est s'en prendre aux seules appa-
rences. La politique ne chôme pas, la vie
parlementaire seule subit un temps d'ar-
rêt et ces récréations ne sont pas sans
bénéfice pour les parlementaires. -
Pour eux c'est l'évasion, loin d'un mi-
lieu factice, d'une ambiance énervante et
parfois déconcertante. Le retour aux
champs, c'est le retour vers l'électeur,
c'est le renouveau du contact avec le
pays. Chacun retrouve à ses origines po-
litiques, le sens de son action, le senti-
ment de son devoir, le but de son ef ffort.
Après trois mois d'absence, les parle-
mentaires reviennent les nerfs détendus,
l'esprit apaisé, la résolution plus nette.
Après le congrès du parti républicain,
radical .et radical socialiste, après le
congrès du part; socialiste aussi, dès les
premiers jours d'octobre, la direction
normale de l'action politique et parle-
mentaire se dégagera.
Nous avons confiance. Tous les élé-
ments démocratiques reviendront à la
tactique du groupement serré, de l'effort
convergent. Tous les éléments conserva-
teurs - de quelque nom qu'ils se déco-
rent — se retireront à droite.
La politique de confusion est à bout
Donftons-lui les quatre-vingt-dix jours
réglementaires ; soyons généreux : cent
jour?.
Et c'est tout,
LES ON ..DIT.:-_.
NOTRE AGENDA
Auiouyd hui 'mardi :
Lever du soleil, à 4 h. 13 ; coucher, à
7 lr. 58. -
Fêle nationale.
Matinées graiunes : Opéra, Cornédio-
Française, Opéra-Comique, Palais-Royal,
Nouveautés, Port o-Sfi i n t-M a ri' n, Thé Aire
Aiit/oine, -\ thé né*3, Folies-Dra.matiques, Glu-
ny, iJéjazet, Bcîleville, Théâtre populaire,
La Fauvette., XXe siècle.
Matinées non gl'n{uil(s - Ambigu, Ci-,
le, Scaja, -Théâtre de -la NoL-ie.
Coures à Snint-Ctoud..
iffle brique de mille battis.
Un huissier qui venait de dresser un
inventaire chez un pauvre paysan bre-
ton décédé, fut fort étonné d'apercevoir
un billet de-banque collé contre un des
murs de la chaumière.';
Le défunt qui l'avait trouvé sur la
grand'roule et qui n'y avait vu qu'une
image, en avait orné la muraille.
II y avait-yifigl ans.qu'il était là, entre
L ! ,,Jui! ei'l'ànf -.) -et, OeÜe-vièrc de
Brabant », sajja. cyi'aucim. visiteur "ij
•eût soupçonné la vaktir. Ceci n'« rîen
nui doive surprendre, car tlans les
i campo^ngJï beaucoup 'de Eçrsoanes
n'ont jamais eu l'occasion de manier
des chiffons do papier de cette impor-
tance
La brique fut détachée, envoyée à Pa-
ris et présentée à la Banque de France
qui, paraît il, paya sans hésitation.
Seulement., comme il n'eût pas été
commode de remettre en circulation un
pareil billei, il fut biffé et conservé
dans les archives.
Nous laissons à penser quelle agréa-
ble surprise ont eue les héritiers, pour
lesquels une somme de mille francs
constituait un héritage très appréciabb.
AUTREFOIS
Rappel du .15 juillet 1872. — Le banquet
qui devait avoir lieu à Paris, en célébration
du 14 juillet, n'a pas été autorisé. Il devait
avoir lieu aux Vendanges de Bourgogne,
et devait réunir une centaine de convives,
convoqués par MM. Bralerett Martin Na-
daud, Topart et Métivier. Louis Blanc de-
vait prononcer un discours. Le gouverneur
de Paris a interdit la réunion.
En fouillant les ruines de l'hôlel de ville,
on a retrouvé un Louis XIV de Coustou et
une statue de François lé' assez endomma-
gée.
Les journaux anglais annoncent que
Stanley est arrivé à la côte, et qu'il part
pour Suez ; il rapporte des lettres de Li-
vingstone. Ce dernier, bien qu'en mauvaise
santé, ne veut rentrer qù'après avoir ache-
vé son oeuvre.
On fait, à Gennevilliers, des expériences
sur les eaux des collecteurs: deux ingé-
nieurs anglais travaillent à épurer ces
eaux de façon à pouvoir sans inconvénient
les rejeter dans la Seine. Avec le dépôt
qu'elles laissent, ils forment des briquettes
d'engrais.
Une belle place.
Un des membres les plus éminents
du corps diplomatique, qui représentait
il y a quelques années l'Angleterre à
Paris, avait pour la France et les Fran-
çais une prédilection marquée.
Il était tellement attaché à Paris qu'il
apprit sans aucun plaisir sa promotion
à la vice-royauté des ïndes.
A son audience de congé, le président
de la République lui dit, en guise 1e
compliment :
« Vous allez, monsieur l'ambassadeur,
occuper une des plus belles places du
monde.
« - Ah ! monsieur le président, fit le
diplomate avec un soupir, la plus belle
place est encore à mes yeux celle que
je quitte : c'est la place de la Concor-
de ! ».
Les asperges du ehah.
Lors de son dernier voyage à Lon-
dres, le feu schah de Perse, Nsar i'd
Dine, assista à un dîner donné par le
prince de Galles. On servit des asper-
ges. Le schah, qui sans doute n'avait ja-
mais goûté au précieux légume, prit la
première asperge, en avala la moitié
avec une visible satisfaction, et jeta dé-
libérément l'autre extrémité derrière
lui.
Ce geste inattendu déconcerta quel-
que peu les convives. Mais le prince
de Galles, voulant éviter que son hôte
pût croire un seul instant avoir fait une
chose contraire à l'étiquette, s'empressa
à son tour de lancer sur le parquet, ses
bouts d'asperges ; comme de juste, tous
les assistants firent de même, de sorle
qu'au bout de quelques minuter-:, -te-*
tapis de l'héritier du trôno d'Angleterre
fureni jonchés dé résidus d'asperges.
Rossini gourmet.
On sait que Rossini était très gour-
met. Il n'aimait pas beaucoup dîner en
ville. Un jour, cependant, il finit par
accepter une invitation qu'il eût été plus
avisé de refuser, car le dîner était exé-
crable. En se levant def table, la maî-
tresse de maison lui dit :
— Eh bien ! monsieur Rossini, j'es-
père que vous voudrez bien revenir dî-
ner chez nous ?
- Oui, madame, tout de suite.
-,
La Marseillaise
Dans un des derniers numéros des An-
nales, Mme Yvonne Sarcey raconte, avec
un charme exquis, la mésaventure qui lui
st arrivée à propos de la Marseillaise.
L'Université des Annales a reçu récem-
mêiir la' visite de trois cents Anglais et
Anglaises.
Nos voisins, croyant rendre hommage à
la France, ont demandé à Mme Yvonne
Sarcey ou plutôt à Mme Adolphe Brissop,
de leur faire chanter la Marseillaise par
les jeunes Françaises qui se trouvaient
groupées autour de la directrice de la
maison.
CI Quelle émotion fut la mienne ! écrit
Mme Yvonne Sarcey. Je ne savais, de notre
chant national, que des bribes :
Àbons, enfants do la patrie,
te jour de gloire est arrive.
« Et puis :
Aux armes citoyens, formez vos hataillons.
Marchons, marchons,
Qu'un sang impur abreuve nos sillons,
Pour le reste, j'eusse été incapable —
quoique l'ayant repassé cent fois — d'en
retrouver l'air et la musique,
« J'interrogeais vivement nos fidèles uni-
versitaires et les amia venus à cette fête :
Connaissez-vous la Marseillaise l Et
vous ? Et vous ? Et vous ?.
« Hélas ! La réponse fut partout la mé-
me'. On pouvait fredonner des fragments
par ci, par là : on 11e se fût pas aventuré
à la chanter d'un bout à l'autre dans la
CiViJhte d'embrouiller entre eux les étan-
dards ean^âuts, les îéroces soldats, leurs
fils -et leurs compagnes » -. -,
Le fait, si spirituellemnt narré par Mme
; Adolphe Dri§sgoa se reproduit au ptu m-
tout. Les Français, non seulement ne con-
naissent pas la Marseillaise, mais ils la
chantent très mal. Les trois quarts déton-
nent d'une façon pitoyable quand ils arri-
vent à la modulation où il faut faire
-. Mugir les féroces soldats.
et clamer
Qu'ils viennent jusque dans nos bras
Egorger nos fils et,nos compagnes.
Ce passage de la Marseillaise fait le dé-
sespoir des oreilles délicates.
Chèque fois que nous avons assisté à
une audition populaire de notre hymne na-
tional, nous avons subi la même torture et
le même écorchement d'organe auditif.
La dramatique modulation de Rouget de
l'Isle ne parait pas faite pour les foules
françaises qui sont — sauf dans le Midi
et dans le Nord — peu musiciennes.
La foule attaque la Marseillaise avec une
furie française, mais avec une méconnais-
sance absolue du rythme et de la tonalité.
On ne sait pas chanter la Marseillaise
en France.
Cette réflexion paradoxale est faite pour
tous les étrangers ayant la moindre notion
de musique.
Nous ne voulons pas saisir cette occa-
sion pour examiner la question de la trans-
formation du texte, un peu vieillot, am-
poulé ou suranné de la Marseillaise.
On a plusieurs fois émis l'idée de confier,
à un grand poète, la tâche d'adapter à la
musique de Rouget do l'Isle, des paroles
mieux en rapport avec l'évolution de notre
mentalité.
Ceux qui préconisaient ce proiet se re-
tranchaient derrière ce précédent consacré
par la tradition. On sait, en effet, que le
dernier couplet de la Marseillaise n'est pas
de Rouget de l'Isle, mais de Marie-Joseph
Chénier.
Nous reconnaissons, jusqu'à" un certain
point, le bien fondé des Observations pré-
citées. Mais nous considérons la Marseil-
laise comme un bloc inattaquable. La Mar-
seillaise D'est certes pas un hymne na-
tional. : c'est un chant de guerre d'une
beauté tragique. C'est l'exacerbation de la
haine contre l'envahisseur du territoire ;
c'est le paroxysme de l'amour de la Fran-
ce et l'exaltation de la foi patriotique d'un
peuple qui ne veut pas mourir. C'est, en
un mot, le chant sacré de la Patrie en
danger.
n faut avoir entendu la Marseillaise dans
les poignantes convulsions populaires pour
se rendre compte de la grandeur épique
de ce cri farouche, entraînant et terrifiant
qui électrisa nos aïeux et leur permit de
refouler réUraiifioe.
Ne touchons donc pas à la Marseillaise:
mais apprenorift-tà -aux jeunes, afin que
l'humiliante mésaventure, si gentiment
avouée par Mme Yvonne Sarcey, ne se
renouvelle plus.
J. C.
P. S. - Nous disons plus haut que le
dernier couplet de la Marseillaise est de
Marie-Joseph Chénier. D'autres prétendent
qu'il est du poète Louis Dubois et. d'au-
cuns affirment que ces paroles ont pour
auteur un abbé qui. en raison de ce
fait. échappa en 1793 à la charrette fatale.
Nous posons la question à nos lecteurs
et nous serions heureux d'avoir leur avis
sur ce point d'histoire.
L'Église met ses foudres
en mouvement
Il parait que l'évêque de Montauban, M.
Marty. vient de déclarer une guerre à ou-
trance -aux maires de son diocèse qui inter-
disent les processions religieuses sur la
voie publique
Sa première victime - qui ne s'en porte
d'ailleurs pas -plus mal — est le maire de
Doo. umont-dre- Lomagne.
Ce magistrat a été informé par une let-
tre de <: Sa Grandeur » qu'il était « exclu
de la communion catholique » et par une
seconde lettre, M. Marty a donné à ses prê-
tres l'ordre de lui refuser les « honneurs de
la sépulture ecclésiastique, s'il meurt avant
d'avoir désavoué la doctrine irréligieuse ».
La lettre ajoute que ces prescriptions se-
ront étendues à tous ceux qui ont interdit
ou interdiront les processions dans le dio-
cèse.
Il est à prévoir que tous les épiscopes de
France, obéissant à un mot d'ordre du Va-
tican, vont Guivire l'exemple de leur collè-
gue de Montauban et que tous les maires
de France qui ont interdit, sur le territoire
de leurs communes, les mascarades reli-
gieuses, seront bientôt boutés hors de l'E-
glise comme le sont déjà 'tous les sénateurs
et les députés qui ont voté la loi. de Sé-
paration.
A l'aliure Que r.pnncnt les foudres de
l'Eglise, il n'y aura bientôt plus en France
que des excommuniés e,t les dimensions de
l'iïnfcr des catholiques vont devenir rapi-
dement insuffisantes pour les contenir
tous.
Satan ne tardera pas à ne plus savoir
où donner de la tête pour arriver à caser
tous ces pensionnaires inattendus, et son
fidèle Caron est menacé d'une besogne au-
dessus de ses forces, à moins que l'idée ne
lui vienne d'augmenter sa 'batellerie ot de
faire circuler des canots automobiles sur
lés eaux du Styx.
Quel nouveau Dante chantera les suppli-
ces qui attendent les mécréants condamnés
par Pie X et ses évêques ? Car au fur et
à mesure que s'est accentuée la marche de
l'humanité vers l'irréligion, on a dû inven-
ter des raffinements de cruautés pour tous
les damnés q'-: ne sont plus la vulgaire
clientèle du temps où le poète fit sa visite
aux Enfers.
Mais parlons plus sérieusement. L'Eglise
s'imagine, en prodiguant ses excommuni-
cations, pouvoir jeter le trouble dans 'es
consciences et faire ainsi obstacle à l'ap-
plication des lois qui doivent assurer la
liberté <5c conscience des citoyens. Ses
fiîïorts seront vains, car la menace de ses
fameuses flammes étemelles n'est même
plus un épouvantail capable de troubler
l'imagination de nos enfants.
L'excommun.icaJtdon va devenir, au con-
traire, pour tous ceux qui en seront l'o})..
jet, un excellent brevet de républicanisme,
et nous verrons une sorte d'émulation se
produira ontro-les citoyens pour se dispu-
ter cette-ferveur. C'est tout ce gué l'Eglise
y gagnas, - P. G.
LA SEPARATION DES CHAMBRES
IIGOKEREliGrBBDGETAIIlE
- - 11 - ,- .t
Les crédits supplémentaires. - Au Sénat, M. Poincaré dl-
nonce les fâcheux procédés financiers des ministres.
- M. Caillaux reconnaît la nécessité d'un --
contrôle plus sérieux.
La dernière journée de travail des
Chambres a été courte : une heure
l'une dans l'autre. En revanche, les As-
semblées ont été matinales. La séance
de la Chambre n'a présenté aucun inté-
rêt. Mais celle du Sénat a été occupée
par une discussion financière où, grâ-
ce à M. Poincaré, - rapporteur général de
la commission des finances, un singu-
lier jour a été jeté sur les habitudes
budgétaires de la plupart de nos dépar-
tements ministériels. Impossible de
montrer une désinvolture plus complè-
te dans l'art- de jongler avec la monnaie
du contribuable.
Le ministre des finances lui-même n'a
pu que reconnaître le bien fondé des
critiques du rapporteur général.
Et, après cet utile échange d'observa-
tions, la tribune parlementaire est de-
venue muette. Jusqu'à quand ? Person-
ne ne le sait, le gouvernement ayant re-
fusé, comme on sait. de prendre aucun
engagement quant à la date de la ren-
trée.
La séance du Sénat est ouverte à neuf
heures du matin, sous la présidence de M.
Antonin Dubost.
Tous les ministres sont à leur banc.
M. Caillaux, ministre des finances, dé-
pose le projet de loi sur l'exploitation provi-
soire du réseau de l'Ouest. Il est renvoyé
à la commission des chemins de fer et à ta
commission des finances.
Le Sénat adopte divers projets de loi, no-
tamment la convention pour préciser la
frontière entre le Congo français et le Ca-
meroun. Il adopte ensuite un projet de loi
relatif aux récompenses à décerner à l'oc-
casion de l'exposition de Bordeaux et de
l'exposition de Lyon et van projet de loi ten-
dant à accorder des décorations aux mili-
tairefc des armées do, -tèff-e et de mer qui
ont pris part aux opérations du Maroc.
Discours de M. Poincaré
Il abord 2 l'examen du projet de loi por-
tant. ouverture de crédits supplémentaires
sur l'exercice 1908.
M. Poincaré. rapporteur général, présen-
te, à ce propos, de très importantes obser-
vations. Il signale tout d'abord le peu de
tetmps laissé pour l'examen des crédits à la
commission des finances {deux jours en
tout : vendredi et samedi).,
Il se sans rien retrancher de ce
qu'exige le vv.. t de l'autre Assemblée, te
Sénat pourrait aisément être mis à même d'exer-
cer le sien dans de tout autres conditions. tAp-
probation.)
Le désordre
M. Poincaré fait ensuite une très vive
critique dra procédés financiers en usage
dans la plupart des ministères :
'Les demandes du gouvernement sur lesquelles
vous aftëz statuer attestent qu'il règne dans cer-
tains ministères de singulières habitudes et mê-
me un véritable désordre. Ce qui s'est passé
pour la reconstruction de l'Imprimerie natio-
nale est tout à fait significatif. Le Sénat n'ap-
prendra pas sans surprise comment a été con-
duite cette étrange opération. [1 trouvera à cet
égard des précisions dans mon rapport et esti-
mera sans doute avec nous que les oouvoirs pu.
blics devront revenir ultérieurement sur cette
question.
Le département de la marine donne de son
côté d'étonnants exemples de son peu de res-
pect pour les règles budgétaires. Les crédits de-
mandés pour Yléna, pour la télégraphie sans fil,
pour les approvisionnements ont été sévèrement
critiqués par la Chambre. Il s'agit là de dépen:
ses qui non seulement ont été engagées sans
ressources volées, mais qui, on peut le dire, ont
été elfeetuées sans que personne en fût prévenu.
Les ouvriers de l'Etat
Le reporteur général continue on traitant
une grave question sociale :
Un crédit spécial demandé par îe ministre de
la guerre soulève une grave question. C'est
celui qui a fait l'objet d'un rapport de M. Wad-
dington et qui a tour but d'améliorer la situa-
tion du personnel d'exploitation des établisse-
ments militaires.
La commission ne peut s'empêcher de vous
soumettre, à cette occasion, des réflexions dont
vous apprécierez l'importance. Le nombre des
ouvriers' actuellement employés par l'Etat est de
81.000. Les diverses fractions de ce personnel
sont soumises aux régimes les plus divers, quant.
à la durée de la journée de travail et à l'avance.
ment, etc.
Il n'existe aucun règlement général, chaque
administration gouverne son personnel à £ 1
guise. -
De temps en temps, l'une d'elles accorde une
amélioration, une satisfaction aux ouvriers,
alors ceux des autres services la réclament et
ainsi on est conduit à uoe série de dépenses que
rien n'a oermis d'envisager dans son ensemble
et dont rien ne permet d'entrevoir la répercus-
sion. Un tel système- - est l'incohérence. (Très
bien ! Très bien !)
, Nous pansons que l'on doit y mettre fin le plus
tôt possible en réglementant d'une manière gé-
nérale, et dans la mesure du possible, uniforme,
la situation de tous les personnels d'ouvriers de
l'Etat. (Très bien !)
Le contrôle des dépenses
Ces réflexions nous ont amenés à une conclu-
sion qu'apparemment le Sénat approuvera. Il
devient chaque jour plus évident qu'il est né-
cessaire de renforcer l'organisation du contrôla
des dépenses engagées. eui rend déjà, teot ee
services, mais qui reste encore inefficace dans
bien des cas.-
Nous demandons que le gouvernement nous
apporte à cet égard des propositions prfcis,
qui trouveront place dans le bungot de 1009.
(Applaudissements.)
M. Thomson plaide
« pro domo »
M. Thomson ministre de la marine,
passe en revue les crédits demandés pour
l'enlèvement de l'épave 'de Tlénà, pour
l'installation de la télégraphie sans fil sur
un grand nombre de navires, enfin pour
is apprQvtgiOûQaQElsets sa .od et fen
obus. Sur chacun de ces points, il s'attaf
che à démontrer que les dépenses auxquel-
les les crédits sollicités doivent pourvoir
ont absolument le caractère de dépenses
additionnelles au budget primitif.
Il était matériellement impossible de les com-
prendre dans les éviluaUons de 1906, car à l'é-
poque oùle budget de 1908 a été établi, les eau-
ses actuelles de dépenses étaient ignorées ou
faisaient l'objet d'études et, par sirite, on ne pou-
vait soumdtre aux Chambres aucune proposi-
tion.
C'est ainsi qu'au cours de l'année, à la suite
de la visite des stocks do poudre .sans fumeo on
a condamné par prudence GOO.OOO kilos de pou-
dre douteuse ou trop ancienne. Cette mesure da
précaution après la catastrophe de l'Una ne sau-
rait être qu'approuvée ; mais peut-on dire que
la marine aurait dû s'y faire autoriser par le
vole d'un crédit il y a six mois ?
Comment l'eût-elle fait, puisque les visites d'ap-
provisionnements n'ont été faites oue tout der-
nièrement el que c'est seulement ensuite qu'on
a pu apprécier l'importance du stock à faire dis-
parai tre ?
De même-, la marine ne peut être rendue res-
ponsable à propos de la fabrication des nou-
veaux abus, des retards de fabrication qui en-
traînent des reports de crédits -et de la hausse
anormale des aciers.
Sous ces réserves, le ministre se déclare tout
disposé à tenir compte des conseils du rappor-
teur général ; il se dréféra volontiers, pour sa
part, à une amélioration du contrôle des dépen-
ses. Un inspecteur des finances a passé dix-
huit mois dans les DorLs. Il a tout vu et tout
vérifié ; c'est la preuve que la marine est pleine
de bonne volonté.
M. Poincaré. — Cet inspecteur a été bien reçu
et on doit le reconnaître, mais il manquait d'au-
torité. On n'arrivera à un résultat ou'au moyen
d'une réorganisation de contrôle des dépenser
publiques el d'une forte centralisation de ce ser.
vice dans les mains du ministre des finances.
M. Le Cour Grandmaison remarque que
l'abus des reports de orédits dont "se plaint
Ja commission fleurit, surtout à l'adminisi
tration des postes et télégraphes.
A/. Poincaré. - Les reports de crédits sont
toujours fâcheux, mais il en est un certain nom
bre.qu'on ne peut éviter. Il en est d'autres, an
contraire, qui ne résultent que de mauvaises prao
tiques.
Les aveux de M. Caillaux
M. Caillaux, ministre des finances, es!
d'accord avec la commission des finances
sur ce derni.er point ù la condition ou cr
n'exagère pas la rigueur d'une règle qrfi
est nécessaire, sans d-oute,mais qui compte
certaines atténuations dans lapratique.
Le rapporteur général a raison.de réclamer un
renforcement du" contrôle des dépenses enga-
gées. La solution est difficile, mais le gouverna
ment la recherche el s'est, déjà livré en conseil t
l'étude d'un texte.
Sous le bénéfice de ces observations. le
ministre prie le Sénat de voter les crédits
Ils n'ont rien d'exagéré puisque sur un bud-
get de plu* de 3 milliards et demi, ils na •
s'élèvent qu'à 30 misons. (Applaudisse-
ments.)
Les différentes dispositions du projet flo
loi sont adoptée. L'ensemble est adopté à'
l'unanimité de 270 votants.
LES QUATRE CONTRIBUTIONS
Le Sénat adopte le projet de loi sur let
quatre contributions directes à l'unanimité
de 280 votante.
DECORATIONS ET CEREMONIES
M. M. F&Tire lit te rapport sur Ta 'pl'oposi
tion de Joi tendent à aMordcr des décora-
tions à l'occasion du cinquantenaire de
la Société chimique de France.
M. Gourju dit que le ministre des afIairoi
étrangères peut accorder un nombre ¡mi{}.
fini de croix à des étrangers. Au contj-nim
pour nos nationaux, il faut ttes lois sp6»
ciales. -
iM. Poincaré. — Le mieux serait de suppri
mer toutes les décorations. (Rires.)
La proposition de loi est adoptôe.
M. Briand, garde des sceaux, donne leo
ture du décret de clôture.
14 séance est en suite levée.
A LA CHAMBRE
La séance cet ouverte à onze heures,
squs la présidence de M. Brisson.
M. Cruppi dépose le projet de loi, adopl
par le Sénat, relatif aux crédits supptf
mentaires.
On suspend la séance pendant un guar
d'heure, pour permettre à la commission
du budget d'en délibérer.
A la reprise de la séance, M. Paul Doû¿
mer, rapporteur général, donne lecture i'ée
son rapport. Il conclut à l'adoption du rrt")o
jet de loi tel qu'il a été modifié par le Sé-
nat.
Les crédits sont adoptés par 476 voi*
contre 44
M. Clemenceau monte à la tribune
donne lecture du décret de clrtfore.
La séance est levée.
- t 11
LA FETE NATIONALE
Les mesures d'ordre prises par ! a préfet
ture de police pour les têtes diffèrent pes
de celles des années précédentes- En voia
le détail :
Revue (le 10 ngcho. -- Les voitures
rendant à a revue ne pourront pénétrer
dans le bois que par la rorte de la SeinE
et ta porte de Soint-Cloud. Tout stationne-
ment de voitures ou de cavaliers sera in-
terdite sur les routes du Bois que doiveit
suivre les troupes.
Des postes médicaux serait établis sut
vingt points différants du bois de Bouto-
gne, aux environs du terrain de la revue
l Les mMcina e-croul préssits à ces pool*
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