Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1907-04-29
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 29 avril 1907 29 avril 1907
Description : 1907/04/29 (N13562). 1907/04/29 (N13562).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75706367
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2013
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Lundi 80 Avril 1807. — N» 13862.
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AUGUSTE VACQUERIE
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OPINIONS
te .jnl .ft Mai
Nous allons avoir un Premier-Mai
moins militaire que l'an dernier. Nous
ne verrons guère défiler d'un bout à
l'autre des boulevards les dragons sous
leurs manteaux sombres, et les cuiras-
siers, sous leurs étincelantes carapa-
ces. Nous n'assisterons pas au pansage
des chevaux de guerre sur nos places
publiques, transformées en quartiers
de cavalerie. Nous n'aurons pas le
spectacle des pioupious en tenue de
campagne, formant les faisceaux et bi-
vouaquant en pleine rue parisienne.
Cependant, des mesures d'ordre très
sérieuses ont été prises d'un commun
accord entre le gouvernement militaire
et la Préfecture de police. La garnison
de Paris restera consignée dans ses
casernes, les escadrons de la grande
banlieue et deux des places de l'Est se
tiendront prêts à accourir en cas de tu-
multe imprévu.
En tout cas, Paris,, qui se sait gardé
et soigneusement gardé, ne s'abandon-
nera pas cette fois à la petite panique,
à laquelle il avait cédé un peu trop
vite, avouons-le, en 1906.
Le Premier-Mai était alors pour lui
ehose neuveMe. Cetui, du moins, de la
Confédération générale du Travail. Car
il y a, on le sait, deux Premier-Mai :
celui des socialistes parlementaires et
celui des vrais, des purs révolutionnai-
res. L'un esl celui que les socialistes
français avaient fêté d'une façon régu-
lière depuis l'année 1890. Le program-
me de la manifestation comportait la
remise de cahiers de revendications
prolétariennes aux ministres, aux pré-
sidents des Chambres, aux préfets et
aux chefs des municipalités.
***
Pourquoi a-t-on renoncé à ces procé-
dés acceptables de revendication ? La
Voix du Peuple nous l'explique dans
on numéro spécial : c'est parce que le
bourgeois ne paraissait pas suffisam-
ment effrayé.
« Le matin du Premier-Mai, dit l'or-
gane de la Confédération générale du
Travail, le patron avait, comme de
coutume, savouré son chocolat, et il
avait ingurgité ses pains beurrés sans
guère d'appréhensions. » Tandis que
maintenant, « au renouveau de Mai, le
chocolat patronal n'a plus même sa-
uveur, »
Et la raison de ce changement ?
C'est que les syndicats révolutionnaires
ne demandent plus de réformes aux
pouvoirs publics et qu'ils s'en prennent
tout de go aux patrons et à la popula-
tion pour leur imposer leur volonté.
Il s'agit — et les théoriciens du syn-
dicalisme révolutionnaire ne s'en ca-
chent pas — de substituer au libre gou-
vernement de la démocratie la dicta-
ture d'une minorité « consciente » —
comme on dit dans les Bourses du Tra-
vail — consciente de la longanimité et
de la iblesse de ceux qui sont le nom-
bre dans le pays, surtout l
Gouverner par la terreur, c'est une
tactique. Je ne recherche pas ce qu'elle
vaut au point de vue philosophique et
moral. Au point de vue pratique, je
crains qu'elle n'expose ceux qui diri-
gent le mouvement Révolutionnaire et
ceux qui les Suivent, à de graves mé-
comptes.
A la Confédération générale du Tra-
vail, on se réclame des origines amé-
ricaines de la campagne du 1er Mai. En
effet le 1er mai 1886, un essai de grève
générale est tenté aux Etats-Unis par
les Federated Trades. Il y eut, à Chi-
cago seulement, 40,000 chômeurs.
Nous avons eu l'occasion de raconter
comment se termina cette expérience.
Des exaltes commirent des attentats, et
l'opinion, effrayée, exigea des pouvoirs
publics une répression sans merci. Pen-
dant des années, il ne fut plus ques-
tion, en Amérique de chômer le 1er mai.
Voilà un résultat possible des procé-
dés terroristes.
***
De ce côté-ci de l'Atlantique, on ne
voit pas que le système de l'action di-
recte ait heureusement servi les travail-
leurs. On a vite fait le compte des quel-
ques avantages conquis par les diver-
ses corporations à la suite des grèves
d'il y a un an ; tandis qu'il est impos-
sible d'énumérer les catégories d'ou-
vriers qui ont usé leurs forces et gas-
pillé leurs ressources sans obtenir la
moindre réduction de journée, ni la
plus minime élévation de salaire.
Donc, les résultats des grèves de 1906
n'ont pas été proportionnés aux efforts
dépensés par le prolétariat, alors que le
patronat et l'opinion pouvaient être
plus ou moins influencés pamne mani-
festation nouvelle et particulièrement
audacieuse de la lutte des classes. A
guette défaite ne s'exposent pas, en
1907, les révolutionnaires, quànd le
gouvernement a eu tout le temps voulu
pour assurer l'ordre, le patronat tout
le loisir nécessaire pour préparer la
résistance, le public toute la réflexion
utile pour éviter raffolement de na-
guère ?
Il n'y a rien qui soit plus vite usé,
qui passe plus vite de mode, qui perde
plus tôt son efficacité que les procédés
de propagande démagogique".
Le parti socialiste allemand a déjà
fait des écoles qui ont éclairé sa reli-
gion. Il ne croit plus à la possibilité
d'arrêter,, à jour fixe, la vie économi-
que du pays. Il ne recommande plus:
que mollement le chômage du 1er Mai,
et il se reJuse à le prescrire dès qu'il y
a lieu de'craindre un lock-out : c'est-à-
dire dans les régions où les patrons,
organisés pour la lutte, opposeraient
la grève des machines à la grève de
l'ouvrier. Les finances du parti socia-
liste allemand ont été gravement éprou-
vées par les locic-outs. Il ne veut plus
provoquer de tels conflits sans savoir
si les chances de succès sont égales aux
risques à courir.
Notez que l'organisation politique et
économique des socialistes allemands
est autrement puissante que celle des
syndicalistes français.
Au fond, ces derniers connaissait
leur faiblesse. Ils n'espèrent pas édi-
fier, en une rouge journée de prin-
temps, la Salente dont ils ont promis
d'ouvrir les portes au prolétariat. Le
chômage du 1er Mai n'est pour eux
qu'un moyet de propagande. Moyen
dangereux entre tous. Ceux qui ont cru
les premiers à la panacée syndicaliste,
seront les premiers désabusés.
HUGUES DESTREM
Barre à gauche
« Barre à gauche ! s'écrie,
dans l'Action, s'adressant au
parti radical, notre ami Cec-
caldi, député de l' Aisne. Bar-
re à gauche ! » Sur quel
point ? Sur quelle question ?
Quel est - donc le députe, relevant de
l'une quelconque de nos organisations,
qui à fait, qui ait même paru faire uri
pas en arrière, un mouvement de recul ?
Oui. Sur deux questions, il vient de sur-
gir un désaccord entre le parti socialiste
unifié et le parti radical. Nos concep-
tions diffèrent et sur l'étendue du droit
syndical à accorder aux fonctionnaires
et sur certaines modalités d'application
du repos hebdomadaire. Mais ce désac-
cord n'a-t-il pas toujours existé ? C'est
un désaccord de principe. Il ne résulte
pas d'un changement, d'un revirement.
Il résulte de nos programmes respectifs,
des engagements formels que nous avons
pris devant le corps électoral.
Le repos hebdomadaire ? Nous le res-
pectons dans son intégralité. Nous ne
demandons que de légers assouplisse-
ments dans l'application, des assouplis-
sements qui existent dans les pays les
plus démocratiques, comme la Suisse. Ce
que nous demandons, c'est de ne pas
ruiner les uns sans profit réel pour les
autres.
Quant au droit syndical pour les
fonctionnaires, notre thèse est aujour-
d'hui œ qu'elle était hier.. Nous avons
toujours voulu, nous. voulons encore que
la loi protège les fonctionnaires et ga-
rantisse pleinement leurs intérêts profes-
sionnels. Nous n'avons jamais vu, - nous
ne voyons encore aucun inconvénient à
ce que les droits accordés aux ouvriers
et employés de l'industrie privée par la
loi de 1884 soient étendus aux fonction-
naires publics. Seulement, nous avons
toujours fait, nous faisons encore.deux
réserves qui tiennent à la nature des cho-
ses et aux conditions essentielles de l'or-
dre public. Nous n'admettons ni le droit
de grève ni l'affiliation à la Confédé-
ration du Travail. De bonne foi, peut-
on voir, dans le maintien de ces deux
réserves, une œuvre de réaction ?
Enfin, nous refusons de nous incli-
ner à merci devant les sommations
plus ou moins hautaines de la Confédé-
ration générale du Travail. M. Ceccaldi
et quelques autres, au contraire, veulent
bien s'incliner sur ces deux points. Ils gé-
missent sur les conséquences éventuelles
de notre résistance. Mais il reste à démon-
trer que le rôle d'un grand parti comme
le nôtre, auquel le pays vient de don-
ner, sur un programme déterminé, la
majorité absolue, une véritable majorité
de gouvernement, consiste en une série
de capitulations qui viendraient succes-
sivement altérer et détruire ce même pro-
gramme. Est-ce que M. Ceccaldi lui-mê-
me est disposé, après avoir'cédé sur ces
deux points, à céder sur tout ce qu'on lui
demandera ? Non, sans doute. C'est du
moins ce qu'il nous affirme : "« Je veux
bien, dit-il, que nous rejetions quelques-
unes de leurs revendications. » Dès lors,
ce qui nous arrive aujourd'hui, arrivera
à M. Ceccaldi demain. Car M. Ceccaldi
n'est pas un naïf. Il ne saurait se faire
la moindre illusion. La: capitulation une
fois acquise sur le repois hebdomadaire et
le droit syndical, des injonctions nou-
velles Tui seront adressées, et M Ceccal di
lui-même refusant d'avance de s'y sou-
mettre, va, lui aussi, jxasserpoux un ré-
trograde.
Le rôle de notre parti. le rôle 3e tout
parti politique digne de ce nom, n'est-il
pas de rester sur ses positions et de les
défendre t
1 Qui' donc, chez nous, .parle de rupture
à gauche et de rapprochement à droite ?
La mission du parti radical a été mer-
veilleusement définie hier ici-même, dans,
ce journal, par notre ami Stèég. « Pour-'
quoi, dit Steeg, puisque les radicaux ont
un nombre suffisant d'élus au Parlement,
ne chercheraient-ils pas à constituer un
parti ayant son programme, sa physio-
nomie, ses hommes et ses chefs ? Il ne
solliciterait ni l'appui des modérés, ni
celui des socialistes. Il ne gouvernerait
ni contre les uns ni contre les autres, ni
pour ceux-ci ni pour ceux-là. Indifférent
aux excès tapageurs des uns, comme à
la pusillanimité criarde des autres, dé-
daigneux de toute surenchère, ennemi de
toute résistance, il s'efforcerait de relier
l'action de demain à celle d'hier et de
réaliser progressivement le programme
du vieux parti républicain en assurant,
d'une façon de plus en plus précise, à
tous les individus les conditions politi-
ques, intellectuelles et économiques
d'une existence moins précaire, d'une li*
berté plus haute. )
N'est-ce pas là, mise en termes d'une
admirable précision, la vraie formule de
la politique radicale ? Et qu'ont à faire
ici les accusations évidemment mal ve-
nues de recul et de réaction ?
M. Ceccaldi me reproche d'avoir per-
sonnellement contribué à créer et de
m'obstiner à élargir le fossé entre le?
socialistes et les radicaux. En quoi
donc ? Est-ce qu'on peut me reprochéi-
même une imprudence de langage ? Se
rait-ce parfê que, rigoureusement fidèle
au programme de notre parti et à mon
propre programme, je cherche à les fai-
re triompher ? Ou bien parce que je re-
fuse de me livrer, pieds et poings liés,
aux exigences d'un groupe voisin ? Se-
rait-ce parce que nous voulons être nous-
mêmes, et que nous ambitionnons pour
le parti radical l'honneur de réaliser, au
cours de son passage aux affaires, ucc
œuvre féconde, conforme à la fois à sti-
engagements et aux aspirations de lë
démocratie ? Que voulez-vous donc quf
pensent de nous ces millions'd'électeur i
qui viennent de faire aux radicaux un*
si large confiance, s'ils ne trouvent en
nous que des émasculés, incapables d'ini-
tiative et d'autonomie, léchant, le do?
courbé, la main qui les frappe, et s'é-
brouant dans le désordre et l'apeuremen*:
dès qu'on fait résonner- à leurs oreille:.
les mots fatidiques de réaction et de re »
cul ? Nous n'injurions, nous n'incrimi.,
nons personne ; nous ne dénonçons au-
cune alliance. Nous voulons seulement
être nous-mêmes.
Je néglige l'allusion que M. Ceccaldi
aurait peut-être dû réserver pour d'àu-
tres à je ne sais quelles ambitions per-
sonnelles. Le reproche est un peu usé, en
tout cas trop commode. Notre ami Cec-
caldi est, dans le Parlement, un nouveau
venu. Il se convaincra bien vite que la
politique de sincérité que nous préconi-
sons n'a rien de commun avec les che-
mins de traverse qui mènent à Corinthe.
L'art d'arriver auquel vous faites cette
allusion légèrement imprudente, mon
cher ami, ne réside pas dans la politique
de sagesse qui est la nôtre. Jetez donc
un peu les yeux autour de vous. Voyez
plutôt ie prestige »des surenchères et de
motions forcenees. Croyez bien que des
considérations de cet ordre ne nous tou-
chent guère. Faites-nous, fout au moins,
crédit sur ce point. Il reste encore, -heu-
reusement, des hommes qui vont droit
leur chemin sans autre préoccupation que
celle du bien public. Notre ambition se
borne à être un de ceux-là.
LOUIS PUECH.
, «fr
LA COMMUNE DE 1811
Racontée par le a Rappel3
Numéro du 30 Avril 1871
Manifestation des francs-maçons ! -
« Grande journée, grand spectacle.
Les francs-maçons avaient dit qu'ils
iraient planter leurs bannières sur les
remparts, et porter aux obus le défi de
la paix. i%. dix heures du matin,, tou-
tes les loges maçonniques des trois ri-
tes — Gran.d Orient, rite Ecossais, Mis-
raïm — sont réunies dans la cour du
Louvre..:. A neuf heures, de l'Hôtel de
Ville, était sortie une députation. es-
cortée d'un bataillon de garde nationa-
le, musique en tête. Cette députation
allait au devant des francs-maçons
.pour les conduire à l'Hôtel de Ville.
Dans la cour du Louvre, la foule était
immense. ; les musiques jouaient la
Marseillaise et le Chant du Départ. Le
cortège se forme et se met en marche à
onze heures par la rue de Rivoli, les
membres de la Commune et les grands
dignitaires (de la maçonnerie) en tête.
La garde nationale fait la haie. Les
dignitaires, les membres du Conseil de
l'ordre et les porte-bannières entrent
seuls dans l'Hôtel de Ville ; les mem-
bres des loges se massent sur la place.
Les membres de la Commune, rangés
sur le perron de l'escalier d'honneur,
devant la statue de la République, cein-
te d'une écharpe rouge frangée 'd'or, re-
çoivent les dignitaires. L'émotion est
dàns tous les cœurs. Toutes les bou-
ches crient.: « Vive la fraternité 1 Vive
la liberté ! » Le citoyen Félix Pyat fait
an pas en avant et s'adresse aux digni-
taires : « Frères-citoyens de la grande
patrie:.. Votre acte citoyens, restera
dans l'histoire de la France et de l'hu-
manité. )î te citoyen Beslày, doyen de
la Commune, prend ensuite la parole :
«. J'ai demandé à aller au-devant de
vous, comme doyen de la Commune de
Paris, et aussi de la franc-maçonnerie
de France, dont j'ai l'honneur de faire
partie depuis 56 ans. Citoyens. frères,
permettez-moi de donner à l'un de vous
l'accolade fraternelle.Le citoyen F.:.
Monière. vénérable d'une loge, lit un
discours écrit.Puis, le citoyen Térifocq,
vénérable d'une autre loge, dit ces
mots, tenant une bannière en mains :
« Je réclame l'honneur de planter la
première bannière sur les remparts de
Paris, la bannière de la Persèveqpnce,
qui existe depuis 1790. » La musique
d'un bataillon joue la Marseillaise. »
.Discours des citoyens Léo Meillet
et Térifocq. Les députations maçonni-
ques sortent, accompagnées des mem-
bres de la Commune. Un ballon libre
est lancé portant, avec les trois points
maçonniques, ces mots : « La Commu-
ne à lav France. »
« Le cortège se dirige par la rue
Saint-Antoine vers la Bastille. puis
par les grands boulevards jusqu'à la
Madeleine. Il s'engage dans le fau-
bourg Saint-Hônoré. Sur la place
Beauvau, les officiers supérieurs et le
bataillon en armes, après avoir accom-
pagné jusque-4à les francs-maçons, les
quittent ,afiu' de laisser à la manifes-
tation son caractère pacifique. Le cor-
tège gagne l'Arc de Triomphe ; une ir-
grue de francs-maçons se forme et ar-
rete la foule ; il serait dangereux de
suivre les délégués de la franc-maçon-
nerie plus loin. Les délégués, arrivés
à la Portjp Maillot, commencent à y
planter vaillamment les bannières.L'or-
dre est donné aux fédérés de cesser le
feu. La bannière blanche (maçonni-
que) portant les mots : « Aimons-nous
les uns les autres » est dressée au
dessus de l'avancée. Le feu des Versail-
lais cesse au même instant. Sur tous
les bastions se déploient et flottent les
bannières. »
« Le groupe des délégués - au nom-
bre de quarante environ - s'avance,
par la grande avenue de Neuilly, sur la
barricade versp,Hlaise du pont de Cour-
bevoie. Au pont, le général Leclerc
reçoit les délégués et les conduit au
général Montaudon. Le général Mon-
taudon est franc-maçon et il reçoit ses
frères avec les saluts maçonniques.
Il leur déclare qu'il n'est que le soldat,
le bras qui exécute. Il a pu prendre sur
lui d'arr ter le feu à la vue des banniè-
res maçonniques. Il engage les frères
à envoyer des députés à Versailles. Il
met une voiture à leur disposition. »
Trois délégués maçons acceptent de
partir pour Versailles, les autres « dé-
cident qu'ils. s'établissent pour la
nuit dans la salle Dourlans, après avoir
désigné ceux d'entre eux qui, à tour de
rôle, garderont les bannières sur les
remparts. » ■/
LES ON - DIT
L'apéritif bien gardé.
Il étonneràit bien les vieux boule-
vardiers d'antan, s'ils revenaient, le
spectacle offert à l'heure verte par la
voie sacrée qui va du faubourg Mont-
martre à l'Opéra.
Les Parisiens du vingtième siècle
continuent, certes, à s'abreuver au mo-
ment fatidique, très exactement, avec
le geste las de l'homme qui s'accorde
une trêve dans la lutte de plus en
plus implacable pour, la conquête du
pain. On cause davantage politique
dans les cafés, mais la clientèle est
aussi dense, aussi ponctuelle qu'au
temps de Scholl. Même, la grève des
garçons n'a été qu'un incident éphé-
mère et l'on commence à se divertir de
prendre son apéritif sous l'céil sévère
des sergents de ville. Ah ! les soucou-
pes sont bien gardées, Français, con-
sommez en paix I La plupart des
; grands établissements ont repris leur
habituelle physionomie, à peine a-t-on
senti passer le souffle révolutionnaire
qui, ; d'aventure, ridait la surface des
breuvages consacrés, en quelques mai-
sons, comme au Cardinal. Les recettes
n'ont pas tardé à rejoindre la moyenne
normale. Cependant, la fermeture gé-
nérale s'imposera, sans doute, au
moins pendant quelques heures, sur
les boulevards, au 1er mai.
On ne peu u, pas favoriser trop exclu-
sivement l'honorable corporation des
vitriers ! Le mieux eût été — on l'a dit
ici même — de faire de l'ordre avec le
désordre, de canaliser la manifestation
du 1er mai en lui assignant un par-
cours déterminé, de décréter. véritable-
ment la Fête du travail avec chômage
et réjouissances appropriées.
Les cadres augmentent
Echo des salons. Les artistes se la-
mentent. Les cadres sont hors de prix
maintenant. Messieurs les encadreurs
ont signifié nettement aux seigneurs
peintres et dessinateurs qu'ils se
voyaient dans la nécessité de majorer
d'un cinquième environ leur tarif. La
cause ? La cherté du bois: Tiens, tiens,
j'aurais cru que l'on aurait accusé les
grèves, : la loi du repos, etc., suivant
la coutume. Il me semble que les .im-
portations de bois surabondent et. que,
de plus en plus, le bâtiment tend à em-
ployer le fer. Comprenez-vous ? Moi
pas!,
Les fumeries d'opium.
Malgré la campagne menée. il existe
encore des fumeries d'opium dans les
ports de meret, à Paris même, il est
assez facile de se procurer les douceurs
du rêve provoqué. Mais'les affirmations
nettes appellent nécessairement la con-
tradiction. Et voici que des littérateurs,
des Hygiénistes aussi — ces deux pro-
fessions ne ont pas inconciliables —
soutiennent que l'opium, à doses pru-
dentes, est une bonne those; ils vont
jusqu'à soutenir que c'est un spécifi-
que certain contre la dysenterie. L'in-
cident n'est pas clos,
Ze Passant.
■
L'«ACQUITTE'
Une visite à M. Nègre. — Ce qu'il
aurait fait. — Ce qu'il compte
faire.—M. Nègre ne croit pas
à sa révocation
M. Nègre est .'hornMts..jout". Son
nom flamboie dans les gazettes et le
dernier lecteur de la plus petite' des
feuilles sail qu'il existe quelque part
à Paris un M. Nègre, instituteur que
son ministre voulait révoquer, mais
que l'autorité disciplinaire 'devant la-
quelle il fut cité vient de solennelle-
ment acquilfér.
Une visite à M. Nègre s'impospit
donc. Il fallait lui demander ses im-
pressions d'acquitté, et surtout connai-
tre ses projets pour le cas où, passant
autre la décision du conseil départe-
mental, le ministre le révoquerait, com-
me on l'annonce.
Et je m'en fus voir M. Nègre..
*
Quatre heures, impasse des Bourdon-
inais. La porte de l'école vient d'ouvrir
ses deux battants.
Marquant le pas, le nez en l'air, deux
à deux sous l'œil des maîtres qui les
accompagnent, les bambins sortent,
classe par classe. Tant qu'ils sont dans
l'impasse, ils demeurent raides et disci-
plinés ; mais à peine sortis dans la rue,
ils s'éparpillent comme une compa-
gnie de moineaux, au milieu des cris,
des appels, des jeux qui commencent.
Que de bruit et que de vie !
Au portrait qui m'en a été fait, je re-
connais aussitôt M. Nègre, à la tête de
sa -classe. Je me présente à lui et, m'ex-
cusant de l'interpeller ainsi en pleine
rue, je lui expose ce que je désire sa-
voir. de lui,
M. Nègre n'est pas du touWrhomme
qu'on se représente en lisant dans les
journaux les notes qui lui sont consa-
crées.
Il est aussi calme d'apparence qu'on
pourrait le croire bouillant, aussi mo-
déré que certains le font croire violent.
Il s'exprime d'une voix douce et sym-
pathique, pas un mot ne dépasse l'au-
tre. Il ne fait aucun geste. L'œil est vif
derrière le lorgnon,spirituel mais bien-
veillant. Cet homme doit être vraiment
aimé de ses élèves, et j'ai l'idée qu'il
les domine plus par la crainte de lui
'Caire de la peine que par celle des puni-
rions.
Je demande donc a M. Nègre: ce qu'il
:a pensé de son acquittement.
— D'une part, me dit-il, j'ai été stu-
péfait du véritable abus de pouvoir
qu'on a commis en me privant de l'as-
: sistance d'un avocat, et d'autre part je
n'ai pas été étonné de la décision du
conseil départemental, qui n'avait pas
de raison pour juger autrement qu'en
.saine justice. Et je ne suis pas'sûr,
',d'ailleurs, que l'acte d'arbitraire plfr le-
quel on a étouffé la voix de mon défen-
seur n'ait pas été pour une certaine
part dans l'importante majorité qui a
décidé en ma faveur.
— Et qu'eussiez-vous fait si vous
aviez été condamné ?
- J'aurais protesté. Protesté d'abord
'auprès de mes collègues les institu-
't.eurs de France. Et protesté auprès du
comité exécutif du parti radical et ra-
dical-socialiste. Quelques-uns de ses
membres peuvent réserver leur opinion
sur la question de fond du droit syn-
dical des instituteurs qui regarde flna-
lement le Parlement, niais il n'en est
pas un seul, j'en suis sûr, qui puisse
approuver les poursuites que M.Briand
a intentées contre moi.
— Vous connaissez beaucoup M.
Briand ?
— M. Briand a été un des premiers
à engager les instituteurs à se syndi-
quer. Et vous avouerez qu'il est étrange
de se voir aujourd'hui inquiété par ses
soins, pour avoir suivi les conseils que
lui-même nous donna.
Je n'avoue rien, car je ne suis pas
venu voir M. Nègre pour lui donner
mon avis, mais pour lui demander le
sien, au contraire — et c'est cet avis
que je rapporte ici fidèlement.
Je montre à M. Nègre une petite note
parue dans un journal du matin et
d'après laquelle le ministre serait dé-
cidé, dit-on, à le révoquer sans tenir
compte de l'arrêt du conseil.
M. Nègre ne connaissait pas cette
note. « Je lis peu les journaux », me
dit-il.
— Que ferez-vong donc, si cette éven-
tualité se réalise ?
— Elle ne se réalisera pas, répond
catégoriquement M. Nègre. Elle ne se
réalisera pas parce qu'elle est impos-
sible : la révocation doit être prononcée
par le préfet suivant certaines condi-
tions .dont l'une, qui est précisément
l'agrément du conseil départemental,
fait aujourd'hui uefaut. Et si elle se
produit cependant, je vous assure bien
que ces messieurs trouveront un hom-
me devant eux !. Leur décision iné-
galé, je la ferai légalement tomber.
D'autre part, comme je vous l'ai dit
tout à l'heure, je saisirai le parti M, di,
cal, c'est-à-dire l'ensemble du parti ré-
publicain, puisque je sais déjà ce qui
pensent les socialistes. -' -
— Ainsi donc, vous vous sentez en
complète sécurité ? ,
— En sécurité absolue. gt je vous le
répète : on trouvera en moi à qui par-
!cr.
Je regarde M. Nègre : il a 'dit cela
aussi calmement, aussi doucement que
le reste. Décidément, M. Nègre est un
pacifique.
C'est l'impression très nette que j'em-
porte de mon entretien avec lui.
H.-R. Essenelle.
L'ENGENDREMENT
METHODIQUE
Peut-on influencer les sens ? Peut-00
même les transformer ?
Il y a trois ans, un jeune paysan ita-
lien, François Hocchi, avait prétendu qu'il
avait trouve le ruoyen de changer des pou-
lels en poules. Il affirmait n'avoir échoué
qu'une fois sur 75. Dans un rapport qu'il
avait remis au professeur Grassi, de l'U-
lûvensiLé do/Rojne, et que celui-ci avait
transmis aux membres de l'Académie tfe
médnc, il déclarait que les poulets ainsi
métamorphosés pondaient absolument tom..
me des poules naturelles, et que son pro-
cédé, infaillible sur. tous les sujets nor-
maux, ne laissait de traces que visibles
au microscope.
On attendit le résultat d'expériences sé-
rieuses, contrôlées d'une façon scientifique
- et l'oit attend encore.
On (l'a pas attendu aussi longtemps pour
Être fixé sur les causes de la transforma-
tion qui s'était opérée dans ie sexe do
Hcnée-Maric-Léonie Gautherot, cette jeune
fille intelligente et instruite, qui ne s'a-
perçut quelle était un charmant jeune
homme qu'après avoir été élève sage-
femme pendant. un an à l'école départe-
mentale d'accouchement de Dijon. Le cas
était tellement simple qu'un modeste con-
seil de revision a suffi pour l'élucider.
Cela ne veut point dire, pourtant, qu'il
faille hausser les épaules, ni faire une
.moue dédaigneuse quand de vrais savants
émettent la prétention de créer à volonté
des filles ou des garçons.
A-t-on assez tourné en ridicule ce pro-
fesseur viennois, le D* Schenck, qui,
a la suite de travaux remarquables, af-
firmait pouvoir imposer un sexe à la cel-
lule humaine en faisant subir à la jeune
mère un régime spécial et en lui faisant
absorber -certains aliments ? Il fut, dit-on
appelé à Péterhof, auprès de la Tsarine,
et, comme il ne réussit pas dans son en-
treprise, il fut honni et bafoué. Il mou-
rut de chagrin dans une petite ville, ré-
pétant jusqu'au drniel' sbupir que ses
théories étaient exactes et oonstituaient
une des plus grandes découvertes moder-
nes.
A quelque temps de là, au congrès in-
tCTnational des savants, réuni à l'Exposi-
tion de Sainl-Louis, le professeur Loeb,
qui est un biologiste d'une réputation uni-
versellc, titulaire d'une chaire à rUnivôr-
sitê ae Chicago, commenta devant l'illus-
tre assistance les théories de Schenck et
en appuya fortement quelques-unes : f!I.es
biologistes, conclut-il, sont désormais sur.
fisamment armés pour pouvoir contrôler
.le sexe des cellules nouvellement formées
et décréter si le corps nouvellement en-
gendré sera de l'un ou l'autre sexe. »
En ceci, bientôt, comme en mille autres
choses, d'ailleurs, ce que nous appelons
le hasard — c'est-à-dire notre ignorance
— fera place à des règles précises et ri-
goureuses.
Quelle révolution ce jour-là, plus vaste
et plus profonde que toutes celles que nous
avons subies jusqu'ici f Quel bouleverse-
ment dans les mœurs ! Que dis-je, dans
les mœurs ? Dans l'existence même de
l'humanité l
Mais, ce jour-là, qui se souviendra du
génie initiateur de Schenck, l'humble mé-
decin, le raillé, le bafoué, mort obscuré-
ment dans une petite ville de province ?
C. de Vorney.
M. Poincaré à Neuilly
Hier soir a eu lieu, à Neuilly, sous la pré-
sidence de M. Raymond Poincaré, séna-
teur, un grand banquet organisé par le
Comité d'action républicaine et radicale —
qui est à Neuilly une section de l'Alliance
dômocratique.
M. Poincaré a prononcé à cette occasion'
un important discours dans lequel il a dit :
En répondant à votre aimable invitation, je
savais d'avance de quelles sympathies politiques
et personnelles j'aurais le plaisir d'ùtre cntouTé ce
soir et je me suis réjoui de passer quelques
heures aux côtés de mon vieil et excellent ami
Delpeuch, de notre vaillant député Hector Do
passe, du vénéré M. Daix et de tous ceux qui
pnt contribué, dans cette circonscription, à l'écla-
tante revanche du parti républicain.
Voici, Messieurs, près d'une année qu'a com-
mncé la législature. La majorité est revenue
agrandie et fortifiée de recrues nouvelles. Dans
la joie d'une victoire qui passait toutes les espé-
rances, elle n'a peut-être pas suffisamment aper-
çu les difficultés de la tâche complexe qui allait
sç'u offrir à elle ; elle a jusqu'ici cherché sa voie
en tâtonnant, dispersé un peu ses efforts et
dépensé sans profit beaucoup de bonne volonté.
Il faut dire à son excuse qu'elle s'est trouvée,
dès les premiers jours, en face des plus grands
problèmes — religieux, financiers, politiques et
sociaux — qui se soient depuis longtemps posés
devant l'opinion.
Il y a dix ans, Messieurs, tcut le monde récla-
mait des économies: on en parlait alors plus
souvent qu'on n'en faisait ; mais on se flattait
du moins d'en vouloir et quelquefois mêlme d'en
chercher. Que les temps sont chahgôs 4 Nous
n'entendons Hus demander aujourd'hui que des
dépenses nouvelles, et malhcureuscxaattt su «a
"-,,.cl.3se.':..1.p.êal.Aalt,ar '¡": ',- "",", ,.\-'<""-,\;':.C.NQ aBrcT":"fl,MBRO
Lundi 80 Avril 1807. — N» 13862.
FondcAenri
AUGUSTE VACQUERIE
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- - IimIs Tnii.itii Siimii Un an
Paris. 2 fr. 5 fr. 9 fr. 18 fr.1
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Adresser les communications au
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- , MimAaw poUtlqm :
LOUIS PUECH :.,
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6, Place de la Bourse, 6
et aux BUREAUX DU JOURNAE
ADMINISTRATION : 14, RUE DU MAIL
Téléphone 102-82
4dresser lettres et mandats i l'Administrateur
OPINIONS
te .jnl .ft Mai
Nous allons avoir un Premier-Mai
moins militaire que l'an dernier. Nous
ne verrons guère défiler d'un bout à
l'autre des boulevards les dragons sous
leurs manteaux sombres, et les cuiras-
siers, sous leurs étincelantes carapa-
ces. Nous n'assisterons pas au pansage
des chevaux de guerre sur nos places
publiques, transformées en quartiers
de cavalerie. Nous n'aurons pas le
spectacle des pioupious en tenue de
campagne, formant les faisceaux et bi-
vouaquant en pleine rue parisienne.
Cependant, des mesures d'ordre très
sérieuses ont été prises d'un commun
accord entre le gouvernement militaire
et la Préfecture de police. La garnison
de Paris restera consignée dans ses
casernes, les escadrons de la grande
banlieue et deux des places de l'Est se
tiendront prêts à accourir en cas de tu-
multe imprévu.
En tout cas, Paris,, qui se sait gardé
et soigneusement gardé, ne s'abandon-
nera pas cette fois à la petite panique,
à laquelle il avait cédé un peu trop
vite, avouons-le, en 1906.
Le Premier-Mai était alors pour lui
ehose neuveMe. Cetui, du moins, de la
Confédération générale du Travail. Car
il y a, on le sait, deux Premier-Mai :
celui des socialistes parlementaires et
celui des vrais, des purs révolutionnai-
res. L'un esl celui que les socialistes
français avaient fêté d'une façon régu-
lière depuis l'année 1890. Le program-
me de la manifestation comportait la
remise de cahiers de revendications
prolétariennes aux ministres, aux pré-
sidents des Chambres, aux préfets et
aux chefs des municipalités.
***
Pourquoi a-t-on renoncé à ces procé-
dés acceptables de revendication ? La
Voix du Peuple nous l'explique dans
on numéro spécial : c'est parce que le
bourgeois ne paraissait pas suffisam-
ment effrayé.
« Le matin du Premier-Mai, dit l'or-
gane de la Confédération générale du
Travail, le patron avait, comme de
coutume, savouré son chocolat, et il
avait ingurgité ses pains beurrés sans
guère d'appréhensions. » Tandis que
maintenant, « au renouveau de Mai, le
chocolat patronal n'a plus même sa-
uveur, »
Et la raison de ce changement ?
C'est que les syndicats révolutionnaires
ne demandent plus de réformes aux
pouvoirs publics et qu'ils s'en prennent
tout de go aux patrons et à la popula-
tion pour leur imposer leur volonté.
Il s'agit — et les théoriciens du syn-
dicalisme révolutionnaire ne s'en ca-
chent pas — de substituer au libre gou-
vernement de la démocratie la dicta-
ture d'une minorité « consciente » —
comme on dit dans les Bourses du Tra-
vail — consciente de la longanimité et
de la iblesse de ceux qui sont le nom-
bre dans le pays, surtout l
Gouverner par la terreur, c'est une
tactique. Je ne recherche pas ce qu'elle
vaut au point de vue philosophique et
moral. Au point de vue pratique, je
crains qu'elle n'expose ceux qui diri-
gent le mouvement Révolutionnaire et
ceux qui les Suivent, à de graves mé-
comptes.
A la Confédération générale du Tra-
vail, on se réclame des origines amé-
ricaines de la campagne du 1er Mai. En
effet le 1er mai 1886, un essai de grève
générale est tenté aux Etats-Unis par
les Federated Trades. Il y eut, à Chi-
cago seulement, 40,000 chômeurs.
Nous avons eu l'occasion de raconter
comment se termina cette expérience.
Des exaltes commirent des attentats, et
l'opinion, effrayée, exigea des pouvoirs
publics une répression sans merci. Pen-
dant des années, il ne fut plus ques-
tion, en Amérique de chômer le 1er mai.
Voilà un résultat possible des procé-
dés terroristes.
***
De ce côté-ci de l'Atlantique, on ne
voit pas que le système de l'action di-
recte ait heureusement servi les travail-
leurs. On a vite fait le compte des quel-
ques avantages conquis par les diver-
ses corporations à la suite des grèves
d'il y a un an ; tandis qu'il est impos-
sible d'énumérer les catégories d'ou-
vriers qui ont usé leurs forces et gas-
pillé leurs ressources sans obtenir la
moindre réduction de journée, ni la
plus minime élévation de salaire.
Donc, les résultats des grèves de 1906
n'ont pas été proportionnés aux efforts
dépensés par le prolétariat, alors que le
patronat et l'opinion pouvaient être
plus ou moins influencés pamne mani-
festation nouvelle et particulièrement
audacieuse de la lutte des classes. A
guette défaite ne s'exposent pas, en
1907, les révolutionnaires, quànd le
gouvernement a eu tout le temps voulu
pour assurer l'ordre, le patronat tout
le loisir nécessaire pour préparer la
résistance, le public toute la réflexion
utile pour éviter raffolement de na-
guère ?
Il n'y a rien qui soit plus vite usé,
qui passe plus vite de mode, qui perde
plus tôt son efficacité que les procédés
de propagande démagogique".
Le parti socialiste allemand a déjà
fait des écoles qui ont éclairé sa reli-
gion. Il ne croit plus à la possibilité
d'arrêter,, à jour fixe, la vie économi-
que du pays. Il ne recommande plus:
que mollement le chômage du 1er Mai,
et il se reJuse à le prescrire dès qu'il y
a lieu de'craindre un lock-out : c'est-à-
dire dans les régions où les patrons,
organisés pour la lutte, opposeraient
la grève des machines à la grève de
l'ouvrier. Les finances du parti socia-
liste allemand ont été gravement éprou-
vées par les locic-outs. Il ne veut plus
provoquer de tels conflits sans savoir
si les chances de succès sont égales aux
risques à courir.
Notez que l'organisation politique et
économique des socialistes allemands
est autrement puissante que celle des
syndicalistes français.
Au fond, ces derniers connaissait
leur faiblesse. Ils n'espèrent pas édi-
fier, en une rouge journée de prin-
temps, la Salente dont ils ont promis
d'ouvrir les portes au prolétariat. Le
chômage du 1er Mai n'est pour eux
qu'un moyet de propagande. Moyen
dangereux entre tous. Ceux qui ont cru
les premiers à la panacée syndicaliste,
seront les premiers désabusés.
HUGUES DESTREM
Barre à gauche
« Barre à gauche ! s'écrie,
dans l'Action, s'adressant au
parti radical, notre ami Cec-
caldi, député de l' Aisne. Bar-
re à gauche ! » Sur quel
point ? Sur quelle question ?
Quel est - donc le députe, relevant de
l'une quelconque de nos organisations,
qui à fait, qui ait même paru faire uri
pas en arrière, un mouvement de recul ?
Oui. Sur deux questions, il vient de sur-
gir un désaccord entre le parti socialiste
unifié et le parti radical. Nos concep-
tions diffèrent et sur l'étendue du droit
syndical à accorder aux fonctionnaires
et sur certaines modalités d'application
du repos hebdomadaire. Mais ce désac-
cord n'a-t-il pas toujours existé ? C'est
un désaccord de principe. Il ne résulte
pas d'un changement, d'un revirement.
Il résulte de nos programmes respectifs,
des engagements formels que nous avons
pris devant le corps électoral.
Le repos hebdomadaire ? Nous le res-
pectons dans son intégralité. Nous ne
demandons que de légers assouplisse-
ments dans l'application, des assouplis-
sements qui existent dans les pays les
plus démocratiques, comme la Suisse. Ce
que nous demandons, c'est de ne pas
ruiner les uns sans profit réel pour les
autres.
Quant au droit syndical pour les
fonctionnaires, notre thèse est aujour-
d'hui œ qu'elle était hier.. Nous avons
toujours voulu, nous. voulons encore que
la loi protège les fonctionnaires et ga-
rantisse pleinement leurs intérêts profes-
sionnels. Nous n'avons jamais vu, - nous
ne voyons encore aucun inconvénient à
ce que les droits accordés aux ouvriers
et employés de l'industrie privée par la
loi de 1884 soient étendus aux fonction-
naires publics. Seulement, nous avons
toujours fait, nous faisons encore.deux
réserves qui tiennent à la nature des cho-
ses et aux conditions essentielles de l'or-
dre public. Nous n'admettons ni le droit
de grève ni l'affiliation à la Confédé-
ration du Travail. De bonne foi, peut-
on voir, dans le maintien de ces deux
réserves, une œuvre de réaction ?
Enfin, nous refusons de nous incli-
ner à merci devant les sommations
plus ou moins hautaines de la Confédé-
ration générale du Travail. M. Ceccaldi
et quelques autres, au contraire, veulent
bien s'incliner sur ces deux points. Ils gé-
missent sur les conséquences éventuelles
de notre résistance. Mais il reste à démon-
trer que le rôle d'un grand parti comme
le nôtre, auquel le pays vient de don-
ner, sur un programme déterminé, la
majorité absolue, une véritable majorité
de gouvernement, consiste en une série
de capitulations qui viendraient succes-
sivement altérer et détruire ce même pro-
gramme. Est-ce que M. Ceccaldi lui-mê-
me est disposé, après avoir'cédé sur ces
deux points, à céder sur tout ce qu'on lui
demandera ? Non, sans doute. C'est du
moins ce qu'il nous affirme : "« Je veux
bien, dit-il, que nous rejetions quelques-
unes de leurs revendications. » Dès lors,
ce qui nous arrive aujourd'hui, arrivera
à M. Ceccaldi demain. Car M. Ceccaldi
n'est pas un naïf. Il ne saurait se faire
la moindre illusion. La: capitulation une
fois acquise sur le repois hebdomadaire et
le droit syndical, des injonctions nou-
velles Tui seront adressées, et M Ceccal di
lui-même refusant d'avance de s'y sou-
mettre, va, lui aussi, jxasserpoux un ré-
trograde.
Le rôle de notre parti. le rôle 3e tout
parti politique digne de ce nom, n'est-il
pas de rester sur ses positions et de les
défendre t
1 Qui' donc, chez nous, .parle de rupture
à gauche et de rapprochement à droite ?
La mission du parti radical a été mer-
veilleusement définie hier ici-même, dans,
ce journal, par notre ami Stèég. « Pour-'
quoi, dit Steeg, puisque les radicaux ont
un nombre suffisant d'élus au Parlement,
ne chercheraient-ils pas à constituer un
parti ayant son programme, sa physio-
nomie, ses hommes et ses chefs ? Il ne
solliciterait ni l'appui des modérés, ni
celui des socialistes. Il ne gouvernerait
ni contre les uns ni contre les autres, ni
pour ceux-ci ni pour ceux-là. Indifférent
aux excès tapageurs des uns, comme à
la pusillanimité criarde des autres, dé-
daigneux de toute surenchère, ennemi de
toute résistance, il s'efforcerait de relier
l'action de demain à celle d'hier et de
réaliser progressivement le programme
du vieux parti républicain en assurant,
d'une façon de plus en plus précise, à
tous les individus les conditions politi-
ques, intellectuelles et économiques
d'une existence moins précaire, d'une li*
berté plus haute. )
N'est-ce pas là, mise en termes d'une
admirable précision, la vraie formule de
la politique radicale ? Et qu'ont à faire
ici les accusations évidemment mal ve-
nues de recul et de réaction ?
M. Ceccaldi me reproche d'avoir per-
sonnellement contribué à créer et de
m'obstiner à élargir le fossé entre le?
socialistes et les radicaux. En quoi
donc ? Est-ce qu'on peut me reprochéi-
même une imprudence de langage ? Se
rait-ce parfê que, rigoureusement fidèle
au programme de notre parti et à mon
propre programme, je cherche à les fai-
re triompher ? Ou bien parce que je re-
fuse de me livrer, pieds et poings liés,
aux exigences d'un groupe voisin ? Se-
rait-ce parce que nous voulons être nous-
mêmes, et que nous ambitionnons pour
le parti radical l'honneur de réaliser, au
cours de son passage aux affaires, ucc
œuvre féconde, conforme à la fois à sti-
engagements et aux aspirations de lë
démocratie ? Que voulez-vous donc quf
pensent de nous ces millions'd'électeur i
qui viennent de faire aux radicaux un*
si large confiance, s'ils ne trouvent en
nous que des émasculés, incapables d'ini-
tiative et d'autonomie, léchant, le do?
courbé, la main qui les frappe, et s'é-
brouant dans le désordre et l'apeuremen*:
dès qu'on fait résonner- à leurs oreille:.
les mots fatidiques de réaction et de re »
cul ? Nous n'injurions, nous n'incrimi.,
nons personne ; nous ne dénonçons au-
cune alliance. Nous voulons seulement
être nous-mêmes.
Je néglige l'allusion que M. Ceccaldi
aurait peut-être dû réserver pour d'àu-
tres à je ne sais quelles ambitions per-
sonnelles. Le reproche est un peu usé, en
tout cas trop commode. Notre ami Cec-
caldi est, dans le Parlement, un nouveau
venu. Il se convaincra bien vite que la
politique de sincérité que nous préconi-
sons n'a rien de commun avec les che-
mins de traverse qui mènent à Corinthe.
L'art d'arriver auquel vous faites cette
allusion légèrement imprudente, mon
cher ami, ne réside pas dans la politique
de sagesse qui est la nôtre. Jetez donc
un peu les yeux autour de vous. Voyez
plutôt ie prestige »des surenchères et de
motions forcenees. Croyez bien que des
considérations de cet ordre ne nous tou-
chent guère. Faites-nous, fout au moins,
crédit sur ce point. Il reste encore, -heu-
reusement, des hommes qui vont droit
leur chemin sans autre préoccupation que
celle du bien public. Notre ambition se
borne à être un de ceux-là.
LOUIS PUECH.
, «fr
LA COMMUNE DE 1811
Racontée par le a Rappel3
Numéro du 30 Avril 1871
Manifestation des francs-maçons ! -
« Grande journée, grand spectacle.
Les francs-maçons avaient dit qu'ils
iraient planter leurs bannières sur les
remparts, et porter aux obus le défi de
la paix. i%. dix heures du matin,, tou-
tes les loges maçonniques des trois ri-
tes — Gran.d Orient, rite Ecossais, Mis-
raïm — sont réunies dans la cour du
Louvre..:. A neuf heures, de l'Hôtel de
Ville, était sortie une députation. es-
cortée d'un bataillon de garde nationa-
le, musique en tête. Cette députation
allait au devant des francs-maçons
.pour les conduire à l'Hôtel de Ville.
Dans la cour du Louvre, la foule était
immense. ; les musiques jouaient la
Marseillaise et le Chant du Départ. Le
cortège se forme et se met en marche à
onze heures par la rue de Rivoli, les
membres de la Commune et les grands
dignitaires (de la maçonnerie) en tête.
La garde nationale fait la haie. Les
dignitaires, les membres du Conseil de
l'ordre et les porte-bannières entrent
seuls dans l'Hôtel de Ville ; les mem-
bres des loges se massent sur la place.
Les membres de la Commune, rangés
sur le perron de l'escalier d'honneur,
devant la statue de la République, cein-
te d'une écharpe rouge frangée 'd'or, re-
çoivent les dignitaires. L'émotion est
dàns tous les cœurs. Toutes les bou-
ches crient.: « Vive la fraternité 1 Vive
la liberté ! » Le citoyen Félix Pyat fait
an pas en avant et s'adresse aux digni-
taires : « Frères-citoyens de la grande
patrie:.. Votre acte citoyens, restera
dans l'histoire de la France et de l'hu-
manité. )î te citoyen Beslày, doyen de
la Commune, prend ensuite la parole :
«. J'ai demandé à aller au-devant de
vous, comme doyen de la Commune de
Paris, et aussi de la franc-maçonnerie
de France, dont j'ai l'honneur de faire
partie depuis 56 ans. Citoyens. frères,
permettez-moi de donner à l'un de vous
l'accolade fraternelle.Le citoyen F.:.
Monière. vénérable d'une loge, lit un
discours écrit.Puis, le citoyen Térifocq,
vénérable d'une autre loge, dit ces
mots, tenant une bannière en mains :
« Je réclame l'honneur de planter la
première bannière sur les remparts de
Paris, la bannière de la Persèveqpnce,
qui existe depuis 1790. » La musique
d'un bataillon joue la Marseillaise. »
.Discours des citoyens Léo Meillet
et Térifocq. Les députations maçonni-
ques sortent, accompagnées des mem-
bres de la Commune. Un ballon libre
est lancé portant, avec les trois points
maçonniques, ces mots : « La Commu-
ne à lav France. »
« Le cortège se dirige par la rue
Saint-Antoine vers la Bastille. puis
par les grands boulevards jusqu'à la
Madeleine. Il s'engage dans le fau-
bourg Saint-Hônoré. Sur la place
Beauvau, les officiers supérieurs et le
bataillon en armes, après avoir accom-
pagné jusque-4à les francs-maçons, les
quittent ,afiu' de laisser à la manifes-
tation son caractère pacifique. Le cor-
tège gagne l'Arc de Triomphe ; une ir-
grue de francs-maçons se forme et ar-
rete la foule ; il serait dangereux de
suivre les délégués de la franc-maçon-
nerie plus loin. Les délégués, arrivés
à la Portjp Maillot, commencent à y
planter vaillamment les bannières.L'or-
dre est donné aux fédérés de cesser le
feu. La bannière blanche (maçonni-
que) portant les mots : « Aimons-nous
les uns les autres » est dressée au
dessus de l'avancée. Le feu des Versail-
lais cesse au même instant. Sur tous
les bastions se déploient et flottent les
bannières. »
« Le groupe des délégués - au nom-
bre de quarante environ - s'avance,
par la grande avenue de Neuilly, sur la
barricade versp,Hlaise du pont de Cour-
bevoie. Au pont, le général Leclerc
reçoit les délégués et les conduit au
général Montaudon. Le général Mon-
taudon est franc-maçon et il reçoit ses
frères avec les saluts maçonniques.
Il leur déclare qu'il n'est que le soldat,
le bras qui exécute. Il a pu prendre sur
lui d'arr ter le feu à la vue des banniè-
res maçonniques. Il engage les frères
à envoyer des députés à Versailles. Il
met une voiture à leur disposition. »
Trois délégués maçons acceptent de
partir pour Versailles, les autres « dé-
cident qu'ils. s'établissent pour la
nuit dans la salle Dourlans, après avoir
désigné ceux d'entre eux qui, à tour de
rôle, garderont les bannières sur les
remparts. » ■/
LES ON - DIT
L'apéritif bien gardé.
Il étonneràit bien les vieux boule-
vardiers d'antan, s'ils revenaient, le
spectacle offert à l'heure verte par la
voie sacrée qui va du faubourg Mont-
martre à l'Opéra.
Les Parisiens du vingtième siècle
continuent, certes, à s'abreuver au mo-
ment fatidique, très exactement, avec
le geste las de l'homme qui s'accorde
une trêve dans la lutte de plus en
plus implacable pour, la conquête du
pain. On cause davantage politique
dans les cafés, mais la clientèle est
aussi dense, aussi ponctuelle qu'au
temps de Scholl. Même, la grève des
garçons n'a été qu'un incident éphé-
mère et l'on commence à se divertir de
prendre son apéritif sous l'céil sévère
des sergents de ville. Ah ! les soucou-
pes sont bien gardées, Français, con-
sommez en paix I La plupart des
; grands établissements ont repris leur
habituelle physionomie, à peine a-t-on
senti passer le souffle révolutionnaire
qui, ; d'aventure, ridait la surface des
breuvages consacrés, en quelques mai-
sons, comme au Cardinal. Les recettes
n'ont pas tardé à rejoindre la moyenne
normale. Cependant, la fermeture gé-
nérale s'imposera, sans doute, au
moins pendant quelques heures, sur
les boulevards, au 1er mai.
On ne peu u, pas favoriser trop exclu-
sivement l'honorable corporation des
vitriers ! Le mieux eût été — on l'a dit
ici même — de faire de l'ordre avec le
désordre, de canaliser la manifestation
du 1er mai en lui assignant un par-
cours déterminé, de décréter. véritable-
ment la Fête du travail avec chômage
et réjouissances appropriées.
Les cadres augmentent
Echo des salons. Les artistes se la-
mentent. Les cadres sont hors de prix
maintenant. Messieurs les encadreurs
ont signifié nettement aux seigneurs
peintres et dessinateurs qu'ils se
voyaient dans la nécessité de majorer
d'un cinquième environ leur tarif. La
cause ? La cherté du bois: Tiens, tiens,
j'aurais cru que l'on aurait accusé les
grèves, : la loi du repos, etc., suivant
la coutume. Il me semble que les .im-
portations de bois surabondent et. que,
de plus en plus, le bâtiment tend à em-
ployer le fer. Comprenez-vous ? Moi
pas!,
Les fumeries d'opium.
Malgré la campagne menée. il existe
encore des fumeries d'opium dans les
ports de meret, à Paris même, il est
assez facile de se procurer les douceurs
du rêve provoqué. Mais'les affirmations
nettes appellent nécessairement la con-
tradiction. Et voici que des littérateurs,
des Hygiénistes aussi — ces deux pro-
fessions ne ont pas inconciliables —
soutiennent que l'opium, à doses pru-
dentes, est une bonne those; ils vont
jusqu'à soutenir que c'est un spécifi-
que certain contre la dysenterie. L'in-
cident n'est pas clos,
Ze Passant.
■
L'«ACQUITTE'
Une visite à M. Nègre. — Ce qu'il
aurait fait. — Ce qu'il compte
faire.—M. Nègre ne croit pas
à sa révocation
M. Nègre est .'hornMts..jout". Son
nom flamboie dans les gazettes et le
dernier lecteur de la plus petite' des
feuilles sail qu'il existe quelque part
à Paris un M. Nègre, instituteur que
son ministre voulait révoquer, mais
que l'autorité disciplinaire 'devant la-
quelle il fut cité vient de solennelle-
ment acquilfér.
Une visite à M. Nègre s'impospit
donc. Il fallait lui demander ses im-
pressions d'acquitté, et surtout connai-
tre ses projets pour le cas où, passant
autre la décision du conseil départe-
mental, le ministre le révoquerait, com-
me on l'annonce.
Et je m'en fus voir M. Nègre..
*
Quatre heures, impasse des Bourdon-
inais. La porte de l'école vient d'ouvrir
ses deux battants.
Marquant le pas, le nez en l'air, deux
à deux sous l'œil des maîtres qui les
accompagnent, les bambins sortent,
classe par classe. Tant qu'ils sont dans
l'impasse, ils demeurent raides et disci-
plinés ; mais à peine sortis dans la rue,
ils s'éparpillent comme une compa-
gnie de moineaux, au milieu des cris,
des appels, des jeux qui commencent.
Que de bruit et que de vie !
Au portrait qui m'en a été fait, je re-
connais aussitôt M. Nègre, à la tête de
sa -classe. Je me présente à lui et, m'ex-
cusant de l'interpeller ainsi en pleine
rue, je lui expose ce que je désire sa-
voir. de lui,
M. Nègre n'est pas du touWrhomme
qu'on se représente en lisant dans les
journaux les notes qui lui sont consa-
crées.
Il est aussi calme d'apparence qu'on
pourrait le croire bouillant, aussi mo-
déré que certains le font croire violent.
Il s'exprime d'une voix douce et sym-
pathique, pas un mot ne dépasse l'au-
tre. Il ne fait aucun geste. L'œil est vif
derrière le lorgnon,spirituel mais bien-
veillant. Cet homme doit être vraiment
aimé de ses élèves, et j'ai l'idée qu'il
les domine plus par la crainte de lui
'Caire de la peine que par celle des puni-
rions.
Je demande donc a M. Nègre: ce qu'il
:a pensé de son acquittement.
— D'une part, me dit-il, j'ai été stu-
péfait du véritable abus de pouvoir
qu'on a commis en me privant de l'as-
: sistance d'un avocat, et d'autre part je
n'ai pas été étonné de la décision du
conseil départemental, qui n'avait pas
de raison pour juger autrement qu'en
.saine justice. Et je ne suis pas'sûr,
',d'ailleurs, que l'acte d'arbitraire plfr le-
quel on a étouffé la voix de mon défen-
seur n'ait pas été pour une certaine
part dans l'importante majorité qui a
décidé en ma faveur.
— Et qu'eussiez-vous fait si vous
aviez été condamné ?
- J'aurais protesté. Protesté d'abord
'auprès de mes collègues les institu-
't.eurs de France. Et protesté auprès du
comité exécutif du parti radical et ra-
dical-socialiste. Quelques-uns de ses
membres peuvent réserver leur opinion
sur la question de fond du droit syn-
dical des instituteurs qui regarde flna-
lement le Parlement, niais il n'en est
pas un seul, j'en suis sûr, qui puisse
approuver les poursuites que M.Briand
a intentées contre moi.
— Vous connaissez beaucoup M.
Briand ?
— M. Briand a été un des premiers
à engager les instituteurs à se syndi-
quer. Et vous avouerez qu'il est étrange
de se voir aujourd'hui inquiété par ses
soins, pour avoir suivi les conseils que
lui-même nous donna.
Je n'avoue rien, car je ne suis pas
venu voir M. Nègre pour lui donner
mon avis, mais pour lui demander le
sien, au contraire — et c'est cet avis
que je rapporte ici fidèlement.
Je montre à M. Nègre une petite note
parue dans un journal du matin et
d'après laquelle le ministre serait dé-
cidé, dit-on, à le révoquer sans tenir
compte de l'arrêt du conseil.
M. Nègre ne connaissait pas cette
note. « Je lis peu les journaux », me
dit-il.
— Que ferez-vong donc, si cette éven-
tualité se réalise ?
— Elle ne se réalisera pas, répond
catégoriquement M. Nègre. Elle ne se
réalisera pas parce qu'elle est impos-
sible : la révocation doit être prononcée
par le préfet suivant certaines condi-
tions .dont l'une, qui est précisément
l'agrément du conseil départemental,
fait aujourd'hui uefaut. Et si elle se
produit cependant, je vous assure bien
que ces messieurs trouveront un hom-
me devant eux !. Leur décision iné-
galé, je la ferai légalement tomber.
D'autre part, comme je vous l'ai dit
tout à l'heure, je saisirai le parti M, di,
cal, c'est-à-dire l'ensemble du parti ré-
publicain, puisque je sais déjà ce qui
pensent les socialistes. -' -
— Ainsi donc, vous vous sentez en
complète sécurité ? ,
— En sécurité absolue. gt je vous le
répète : on trouvera en moi à qui par-
!cr.
Je regarde M. Nègre : il a 'dit cela
aussi calmement, aussi doucement que
le reste. Décidément, M. Nègre est un
pacifique.
C'est l'impression très nette que j'em-
porte de mon entretien avec lui.
H.-R. Essenelle.
L'ENGENDREMENT
METHODIQUE
Peut-on influencer les sens ? Peut-00
même les transformer ?
Il y a trois ans, un jeune paysan ita-
lien, François Hocchi, avait prétendu qu'il
avait trouve le ruoyen de changer des pou-
lels en poules. Il affirmait n'avoir échoué
qu'une fois sur 75. Dans un rapport qu'il
avait remis au professeur Grassi, de l'U-
lûvensiLé do/Rojne, et que celui-ci avait
transmis aux membres de l'Académie tfe
médnc, il déclarait que les poulets ainsi
métamorphosés pondaient absolument tom..
me des poules naturelles, et que son pro-
cédé, infaillible sur. tous les sujets nor-
maux, ne laissait de traces que visibles
au microscope.
On attendit le résultat d'expériences sé-
rieuses, contrôlées d'une façon scientifique
- et l'oit attend encore.
On (l'a pas attendu aussi longtemps pour
Être fixé sur les causes de la transforma-
tion qui s'était opérée dans ie sexe do
Hcnée-Maric-Léonie Gautherot, cette jeune
fille intelligente et instruite, qui ne s'a-
perçut quelle était un charmant jeune
homme qu'après avoir été élève sage-
femme pendant. un an à l'école départe-
mentale d'accouchement de Dijon. Le cas
était tellement simple qu'un modeste con-
seil de revision a suffi pour l'élucider.
Cela ne veut point dire, pourtant, qu'il
faille hausser les épaules, ni faire une
.moue dédaigneuse quand de vrais savants
émettent la prétention de créer à volonté
des filles ou des garçons.
A-t-on assez tourné en ridicule ce pro-
fesseur viennois, le D* Schenck, qui,
a la suite de travaux remarquables, af-
firmait pouvoir imposer un sexe à la cel-
lule humaine en faisant subir à la jeune
mère un régime spécial et en lui faisant
absorber -certains aliments ? Il fut, dit-on
appelé à Péterhof, auprès de la Tsarine,
et, comme il ne réussit pas dans son en-
treprise, il fut honni et bafoué. Il mou-
rut de chagrin dans une petite ville, ré-
pétant jusqu'au drniel' sbupir que ses
théories étaient exactes et oonstituaient
une des plus grandes découvertes moder-
nes.
A quelque temps de là, au congrès in-
tCTnational des savants, réuni à l'Exposi-
tion de Sainl-Louis, le professeur Loeb,
qui est un biologiste d'une réputation uni-
versellc, titulaire d'une chaire à rUnivôr-
sitê ae Chicago, commenta devant l'illus-
tre assistance les théories de Schenck et
en appuya fortement quelques-unes : f!I.es
biologistes, conclut-il, sont désormais sur.
fisamment armés pour pouvoir contrôler
.le sexe des cellules nouvellement formées
et décréter si le corps nouvellement en-
gendré sera de l'un ou l'autre sexe. »
En ceci, bientôt, comme en mille autres
choses, d'ailleurs, ce que nous appelons
le hasard — c'est-à-dire notre ignorance
— fera place à des règles précises et ri-
goureuses.
Quelle révolution ce jour-là, plus vaste
et plus profonde que toutes celles que nous
avons subies jusqu'ici f Quel bouleverse-
ment dans les mœurs ! Que dis-je, dans
les mœurs ? Dans l'existence même de
l'humanité l
Mais, ce jour-là, qui se souviendra du
génie initiateur de Schenck, l'humble mé-
decin, le raillé, le bafoué, mort obscuré-
ment dans une petite ville de province ?
C. de Vorney.
M. Poincaré à Neuilly
Hier soir a eu lieu, à Neuilly, sous la pré-
sidence de M. Raymond Poincaré, séna-
teur, un grand banquet organisé par le
Comité d'action républicaine et radicale —
qui est à Neuilly une section de l'Alliance
dômocratique.
M. Poincaré a prononcé à cette occasion'
un important discours dans lequel il a dit :
En répondant à votre aimable invitation, je
savais d'avance de quelles sympathies politiques
et personnelles j'aurais le plaisir d'ùtre cntouTé ce
soir et je me suis réjoui de passer quelques
heures aux côtés de mon vieil et excellent ami
Delpeuch, de notre vaillant député Hector Do
passe, du vénéré M. Daix et de tous ceux qui
pnt contribué, dans cette circonscription, à l'écla-
tante revanche du parti républicain.
Voici, Messieurs, près d'une année qu'a com-
mncé la législature. La majorité est revenue
agrandie et fortifiée de recrues nouvelles. Dans
la joie d'une victoire qui passait toutes les espé-
rances, elle n'a peut-être pas suffisamment aper-
çu les difficultés de la tâche complexe qui allait
sç'u offrir à elle ; elle a jusqu'ici cherché sa voie
en tâtonnant, dispersé un peu ses efforts et
dépensé sans profit beaucoup de bonne volonté.
Il faut dire à son excuse qu'elle s'est trouvée,
dès les premiers jours, en face des plus grands
problèmes — religieux, financiers, politiques et
sociaux — qui se soient depuis longtemps posés
devant l'opinion.
Il y a dix ans, Messieurs, tcut le monde récla-
mait des économies: on en parlait alors plus
souvent qu'on n'en faisait ; mais on se flattait
du moins d'en vouloir et quelquefois mêlme d'en
chercher. Que les temps sont chahgôs 4 Nous
n'entendons Hus demander aujourd'hui que des
dépenses nouvelles, et malhcureuscxaattt su «a
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