Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1907-03-19
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 19 mars 1907 19 mars 1907
Description : 1907/03/19 (N13521). 1907/03/19 (N13521).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7570595r
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2013
N° lm 28 Venttse An 118.CINQ CENTIMES LEIWCDIURO Hardi 16 Mars J907. — W» I388I
bM«b -,. -- -- - maffl 2-0 IKS" 1907. - Wb 19321 -
Fondateur >
AUGUSTE VACQUERIE
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ADMINISTRATION : 14, RUE DU MAIL?
Téléphone 102-82
Adresser lettres et mandats â l'Administrâtes
Taperie on curiosité
On va encore un peu se battre, à la
Chambre, à propos des papiers Monta-
gnini ! Il paraît que cela intéresse pro-
digieusement le parti socialiste, de sa-
voir ce que contient la correspondance
saisie par la Sûreté générale au domi-
cile de ce monsignor eberlué qui a laissé
traîner, avec toutes les lettres qu'il
avait reçues, toutes les notes qu'il pre-
nait, tous ses carnets de comptes et tou-
tes ses factures. Le groupe qui obéit à
l'impulsion de M. Sembat et dont M.
Jaurès est le retentissant interprète ne
se tient pas de connaître les noms des
députés ou des sénateurs, voire des mi-
nistres d'hier ou d'avant-hier, qui ont
pu causer avec le commis de l'ex-non-
ciature. C'est leur politique de compro-
mettre, dans les autres partis républi-
cains, le plus de gens possible, et ils
comptent bien que, si l'on fouille dans
cette poubelle diplomatique, on va y pê-
cher quelques documents de nature à
gêner des adversaires. Précieux régal !
Déjà, plusieurs journaux espéraient
voir M. Rouvier sur la sellette. Quelle
aubaine, en effet, si, en levant les scel-
lés, on allait découvrir que le chef d'un
des gouvernements qui ont travaillé offi-
ciellement à la Séparation négociait
sous mains avec les derniers tenants du
Pape !
Malheureusement, c'est un espoir où
il faut renoncer. Le prédécesseur de M.
Sarrien, qui est en même temps le suc-
cesseur de M. Combes, met les enquê-
teurs au défi de trouver un seul mot de
lui dans les liasses mystérieuses qui ex-
citent tant de curiosités.
Alors, qui ? Quel est le nom que l'on
attend ? Quelle signature cherche-t-on
au pied de ces poulets refroidis: ? Celle
de M. Piou ? La belle avance, quand on
l'aura trouvée ! Est-ce que tout le mon-
de ne sait pas bien que le chef de l'Ac-
tion « libérale » (et cléricale) est en re-
lations avec Rome et avec ses représen-
tants ? Est-ce qu'il y a le moindre mys-
tère sur les combinaisons électorals
formées l'an dernier par le parti des
faux alliés avec les meneurs de la poli-
tique ecclésiastique ?
C'est pour enfoncer cetite porte ou-
verte, c'est pour porter la lumière sur
ce point parfaitement éclairé que M.
Jaurès va demander la nomination d'une
commission parlementaire chargée tre
compulser les papiers Montagnini ?
En vérité, voilà une besogne bien di-
gne dé tenter la représentation nationa-
le ! Et c'est étrangement choisir l'heure,
pour s'attarder à des potins de sacristie,
quand se dressent devant les ssfniblî-
cains et les patriotes des problèmes de
toutes sortes, dont la France attend la
solution !
On dit que le garde des sceaux fera
remarquer à la Chambre qu'on ne sau-
rait dessaisir la Justice, actuellement en
possession de ces dossiers, pour l'exa-
men d'un procès fait à des curés. Rai-
son juridique, en effet, qui déterminera
sans aucun doute la majorité à repous-
ser la motion Jaurès. Mais on ne devrait
pas avoir besoin d'invoquer un tel argu-
ment pour clore une discussion qui, si
elle n'est engagée par pure taquinerie,
ne le sera que par simple curiosité.
La saisie des papiers Montagnini a
été une excellente leçon donnée au mon-
de clérical, qui se refusait encore à croi-
re que la République osât jamais aller
jusqu'au bout de sa résolution et qui se
fiait à la longue impunité dont il avait
joui, malgré d'incessantes provocations
et d'intolérables ingérences dans notre
politique.
Mais, quant à la publication de ces
pièces, on admettra bien que le gouver-
nement qui les a fait prendre par me-
sure de police a le droit de choisir le
moment où il sera utile de les mettre en
pleine lumière.
Se dBfie-t-on, par hasard, de ses in-
tentions ? Le croit-on capable de pacti-
ser avec Rome ? N'a-t-il pas assez prou-
vé jusqu'à ce jour qu'il mettait tous ses
soins tft toute sa prudence à réaliser et
à rendre définitive la grande mesure po-
litique réclamée par le suffrage univer-
sel ? Craint-on qu'il ne veuille revenir
en arrière et ménager la chèvre. quand
il a déjà mangé le chou ?
Alors, qu'on le dise bien haut ! Qu'on
l'attaque en face, non pas à propos du
livre de blanchisseuse d'un prèlat désa-
voué, mais sur ses actes à lui-même, si
l'on en trouve qui prêtent à la critique.
Cela sera plus digne. Cela ne fera pas
ressembler la salle des séances du Pa-
lais-Bourbon à une loge de concierge, et
nos députés n'apparaîtront pas au corps
électoral comme des personnages affai-
rés à la fois et désœuvrés, collant leurs
yeux ou leurs oreilles âux fentes d'une
porte ou au trou d'une serrure pour sur-
prendre des secrets de polichinelle.
r M. Jaurès interpellera, il n'en faut
pas douter. Le gouvernement lui répon-
dra : c'est dans l'ordre. Mais, franche-
ment, CIe sera encore bien du temps
perdu 1
CHARLES LAURENT;
■
LES ON-DIT
RIEN QUE LA FATALITÉ ?
J'entends dire çà et là dans
le public : '« Savez-vous que
ça fait beaucoup, et qu'il de-
vient difficile d'accuser uni-
quement la fatalité ? »
M. Fallières aurait pu res-
ter à Toulon. Il aurait eu encore des
cercueils de marins à suivre. Pendant
que le train présidentiel regagnait Paris,
un torpilleur était abordé par un « des-
troyer ». Deux hommes tués et un bles-
sé. La comparaison avec l'immense et
si récente catastrophe de l'Iéna ne rend
pas la nouvelle de l'accident d'hier
moins tragique. Au contraire, il y a
quelque chose d'angoissant dans cette
persistance du malheur à frapper nos
matelots.
L'abordage et l'explosion du torpil-
leur 263 suit d'un peu trop près, non
seulement l'incendie de l'Iéna, mais l'é-
chouement du Jean-Bart, le coincement
du Sully entre deux roches qu'on avait
oublié de porter sur les cartes, la dispa-
rition de la Vienne et de son équipage,
les noyades du Farfadet et du Lutin.
Si le hasard est le seul artisan de ces
épouvantables événements, il faut avouer
qu'il met beaucoup de persistance et de
raffinement dans la persécution à la-
quelle notre marine est livrée. Il ajoute
même une sorte d'ironie à son œuvre
tragique ; et M. Fallières doit se faire
d'étranges réflexions en lisant les dépê-
ches : l'une d'elles raconte que la cha-
loupe dans laquelle le président de la
République avait pris place pour aller
visiter l'escadre a sombré la nuit der-
nière dans la darse du quai de l'Hor-
loge. Heureusement que la chaloupe n'a
pas été prise de cette-défaillance quel-
ques heures( plus tôt !
Le public, je le répète, comprend mal
que notre marine soit si malchanceuse.
Il trouve qu'on met en cause un peu trop
souvent le hasard, la fatalité, l'antique
ananké. Il préférerait voir établir des
responsabilités plus concrètes. Sans vou-
loir être féroce pour personne, ni préju-
ger du résuTIart: des enquêtes en cours et
de celles qu'on va ouvrir, il faut avouer
que l'opinion n'a pas tout à fait tort.
LA COMMUNE DE 1871
Racontée par le « Rappel »
Numéro du 20 Mars 1871
Aux monarchistes. — « Eh bien, mes-
sieurs les réactionnaires, orléanistes, lé-
gitimistes, bonapartistes, eh bien, êtes-
vous contents ? Oui, ils sont contents,
sous leur frayeur, parce qu'ils espèrent;
ils comptent que l'agitation actuelle va
effaroucher le crédit, et qu'alors les
Prussiens exigeront un gage et que ce
gage sera Paris. Les monarchistes n'au-
ront pas cet honnête et patriotique bon-
heur. Le peuple, qui vient de leur prou-
ver sa force en leur brisant leurs me-
naces en plein visage, leur prouvera
son intelligence en modérant sa victoi-
re. Il n'oubliera pas que les hordes qui
nous ont envahis, sont encore là qui
nous observent et qui nous épient. —
AUGUSTE VACQUERIE. »
La Journée. — « Le gouvernement est
au complet à Versailles. Ordre a été té-
légraphié par M. Thiers au personnel
de tous les ministères d'avoir à quitter
Paris pour aller rejoindre leurs postes
à Versailles. »
Neuj heures du matin. — « Une trou-
pe de gardes nationaux vient installer
à la mairie du sixième arrondissement
M. Tony-Moilin comme maire, à la pla-
ce de l'ancienne municipalité. »
Deux heures. — « Le ministère de
l'intérieur a été occupé par les membres
du Comité central. Le télégraphe de la
rue de Grenelle, le Journal officiel et
l'Imprimerie nationale sont également
occupés. — Trois heures, occupation de
l'Elysée. » -
« A cinq heures du soir, un fort dé-
tachement de gardes nationaux envahit
les bureaux du Figaro et du Gaulois,
met les scellés sur les portes de la com-
position et installe un poste avec sen-
tinelle. Ce sont là encore des attentats
à la liberté contre lesquels nous protes-
tons de toute notre énergie. »
« Parmi les citoyens armés qui mon-
tent la garde autour des barricades, on
voit des soldats de la ligne, des marins
et des mobiles qui n'ont pas eu de peine
à se procurer des fusils. Rue de Rivoli,
grande foule qui se promène, tranquille
sinon gaie. La physionomie des quar-
tiers du centre ressemble à celle des di-
manches ordinaires. Sur la place (de
l'Hôtel de Viile) se tiennent plusieurs
bataillons de gardes nationaux, l'arme
au pied. Même affluence rue Saint-An-
toine, où s'élèvent des barricades. Rue
de Sévigné, foule compacte. Il y a là
une caserne de pompiers où une compa-
gnie de francs-tireurs, munie (Tun bon
du Comité central, se présente pour
avoir les chassepots inutiles dont les
soldats sont armés. Une fenêtre est en-
foncée, les gardes nationaux pénètrent
dans la caserne. L'affaire se termine par
la livraison des armes. »
« La gare Montparnasse a été occu-
pée par le 202e et le 213° bataillon. Ils
ont procédé au désarmement d'un
grand nombre de soldats de la ligne
qui prenaient le train pour Versailles.
Le Luxembourg est gardé par le 248e
bataillon. On ne laisse pas entrer dans
le jardin « « Pourquoi ? » Id. sentinelle
répond : « Parce qu'il y a eu des dégâts
commis, et qu'il faut de l'ordre avant
tout. » Le bataillon est armé de chas-
sepots abandonnés par les soldats. »
« 25 gardes municipaux étaient pri-
sonniers à la salle de la Marseillaise.
Le commandant du poste a mis aux
voix la question de savoir si l'on devait
les garder ou les délivrer. La majorité
s'est prononcée pour la mise en liberté.»
« Le Petit Journal olliciel du soir n'a
pas paru nier. »
« Samedi soir (18 mars), le général
Chanzy a été arrêté à la gare d'Orléans.
M. Edmond Turquet, député de l'Aisne,
a été également arrêté. »
Les affiches. — « Le peuple de Paris
a secoué le joug qu'on essayait de lui
imposer. Il a attendu sans crainte com-
me sans provocation les fous éhontés
qui voulaient toucher à la République.
Cette fois, nos frères de l'armée n'ont
pas voulu porter la main suc l'arche
sainte de nos libertés. Merci à tous, et
que Paris et la France jettent les bases
d'une République, acclamée avec toutes
ses conséquences, le seul gouvernement
qui fermera pour toujours l'ère des in-
vasions et des guerres civiles. — Le Co-
mité central de la garde nationale. 5(Sui-
vent les signatures.)
Les on-dit. — « Cambrai. Monsieur le
directeur du Rappel. Le nom de l'ex-em-
pereur est-il rayé des contrôles de la
Légion d'honneur ? Salut fraternel. -
CHARLES HENRY. »
« La Compagnie des omnibus a in-
terrompu son service sur toutes les li-
gnes, à cause des barricades qui barrent
le passage et auxquelles on aurait pu
ajouter ses voitures. »
Zigzags dans Paris. — « Ce qui a été
le plus curieux hier, ça été la physiono-
mie de cet étonnant Paris. Les boule-
vards) dtaient littéralement encombrés
par une foule qui se promenait tran-
quille et calme, comme par un jour de
fête. Des femmes, des enfants endiman-
chés allaient et venaient, sans souci, et
sans penser à autre chose qu'à jouir du
soleil et du beau temps. — ERNEST
BLUM. »
HORLOGE VOLCANIQUE
Le Sun de New-York parle d'une hor-
loge des plus curieuses dans un petit
village de l'Amérique du Nord. Elle se
compose exclusivement du cadran, des
aiguilles et d'une espèce de levier. Ce
levier est en communication avec un
geiser qui projette chaque trente-huit
secondes une colonne d'eau chaude.
Chaque fois que cela se produit, le le-
vier fait parcourir aux aiguilles sur le
cadran un espace équivalant à trente-
huit secondes. L'horloge est relative-
ment d'une grande précision, puisque
le geiser accomplit sa besogne sans va-
rier jamais plus d'un dixième de secon-
de entre chaque intervalle.
LES LIÊVRES EUNUQUES
Notre excellent collaborateur (¡t ami,
le Dr Georges Vitoux, vient de publier
dans la Presse médicale un curieux ar-
ticle sur l'existence, dans certaines
chasses, de lièvres eunuques. L'infirmi-
té spéciale dont sont atteints ces infor-
tunés rongeurs vient de leurs impru-
dentes randonnées autour des terriers
de lapins. Les lapins mâles, que domine
à un haut degré le génie de l'espèce,
comme dit Schopenhaüer, et qui vivent
en association, se liguent contre le liè-
vre isolé et lui font sulttr le même châ-
timent qui fut infligé à Abélard par le
chanoine Fulbert. Un Nemrod borde-
lais, M. J. Kunster, prétend avoir assis-
té à l'une de ces exécutions sommaires,
qui eut lieu sous rceil des femelles in-
téress-ées, mais impartiales. Il mit tout
le monde d'accord par un heureux coup
doublé qui étendit sur le gazon les
bourreaux et la victime.
LES TOMBÉES DE NEIGE
In caudâ venenum, dit le proverbe la-
tin. La guerre de l'hiver, ajoute la sa-
gesse des nations, est souvent fertile en
surprises. Voilà qu'on annonce de for-
tes tombées de neige dans les Vosges et
dans le Jura. Même les loups ont lait
leur apparition. Sur..la grande route de
Genève, qui traverse les trois plateaux
jurassiques et qu'encadrent parfois de
superbes forêts, un jardinier, qui allait
récemment vendre ses légumes à la pe-
tite ville de Champagnole, dont M. le
ministre des affaires étrangères est
conseiller général, a vu surgir des tail-
lis, le soir, deux loups de bonne taille.
N'ayant pas d'armes, il se contenta de
fouetter son cheval. Les fauves l'escor-
tèrent en galopant sur la neige durcie,
puis soudain disparurent. Une battue,
opérée le lendemain par les chasseurs
des alentours, a permis de relever la
piste, mais les loups n'ont pu être re-
joints.
Le Passant
--
EN BULGARIE
Sur la tombe de M. Pelkol
Sofia, 17 mars.
Lô grince de Bulgarie a visité cet après-
midi la. tombe de M. Petkof et a déclaré que
la Bulgarie avait perdu en lui un grand pa-
triote. Le prince a également visité le lieu
où le meurtre a été commis.
On assure, dans les milieux bien infor-
més, que la liste ministérielle annoncée en
dernier lieu rencontre de la résistance de
la part des milieux stamboulovistes diri-
geants. Ce parti réclame un cabinet stam-
bouloviste homogène. La décision définitive
du prince en sera vraisemblablement re-
tardée.
Le nouveau ministère
Sofia, 17 mars.
Dans le nouveau ministère qu'il a formé,
M. Goudef s'est adjoint M. Apostoloff pour
l'instruction publique.
M. Stanciof, ministre des affaires étran-
gères, garde l'intérim des travaux publics.
»
UN ABORDAGE
Contre-torpilleur et torpilleur. — 2 morts
- Ajaccio, 17 mars.
Pendant des manœuvres de nuit, sans
feux, le contre-torpilleur Epée a abordé le
torpilleur 263, de la flottille de la Méditer-
ranée. Le choc a fait éclater un tube de
vapeur dans la chambre de chauffe du tor-
pilleur. Un quartier-maître et un chauffeur
ont été tués, un autre chauffeur a été
grièvement blessé. Les corps ont été ap-
portés à Ajaccio.
Le contre-torpilleur Epée est rentré re-
morquant le torpilleur.
L'accident s'est produit par le travers de
Saint-Florent.
PHILEMON ET BAUCIS
Le soir d'un beau jour.
Heureux Franklin ! Il n'a pas été seule-
ment le Benjamin des peuples, il a été en
outre le Benjamin des femmes ! A 70 ans,
il inspirait encore une folle passion à Mme
Jouy de Brillon, qui venait à peine de dou-
bler le cap de la quarantaine et demeurait
une personne fort accomplie, frêle, alerte,
spirituelle, séduisante au possible, ce qui
ne l'empêchait d'être ni très instruite) ni
très sincère, ni très dévouée.
Franklin, dans des lettres que M. Wor-
thington Chauncey Ford a publiées dans
le Harpe r's Magazine, avoue que cet amour
l'a rajeuni de quatre ans. Ce qui tue géné-
ralement les vieillards ressuscitait Fran-
klin : le maître du tonnerre échappait à
nos communes faiblesses, il puisait de la
force où les hommes en perdent.
Dumas a dit, après les Chinois, d'ail-
leurs : « La femme a les cheveux longs et
les idées courtes. » Il semble bien que,
malgré toutes ses qualités, Mme de Brillon
ne puisse aller à l'encontre de cette appré-
ciation.
Elle n'est pas injuste, écrit-elle; elle sait
que soin mari est un homme de mérite, elle
le respecte, mais elle lui reproche d'a.voir
24 ans de plus qu'elle, et d'avoir reçu une
éducation trop sévère; et elle tombe dans
les bras d'un homme qui a la réputation
d'être de mœurs austères et qui a dix ans
de plus que le mari trompé !
En elle le sentiment de la famille est
très développé ;elle vénère son père « qui
fut son premier et son meilleur ami H, et
elle écrit à Franklin :
'Vous m'avez parlé d'une coutume qu'un sen-
timent d'humanité a fait naître chez certaines
tribus de sauvages qui adoptent leurs prison-
niers de guertre et leur font occuper la place
laissée vide par les parents qu'ils ont perdus.
Vous avez occupé dans mon cœur la place de
mon père qui m'inspirait tant de respect et
d'amour.
Mais elle oublie qu'elle est mère et
qu'elle a deux filles à marier.
Cependant elle a le cœur tendre). trop
expansif même, avoue-t-e?le.
Née avec une sensibilité excessive, je suis,
déolare-trelle à son tour à Franklin. trop sou-
vent victime d'une âme trop tendre et d'une
imagination trop viv, La raison et les occupa-
tions me soutiennent, mais l()nquc je suis ma-
lade, je m'abandonne à la douleur et à une
incurable mélancolie.
Et elle le prouve bien, quand elle écrit à
son père adoptif :
Je n'ai pas voulu revoir votre chambre parce
que tout m'aurait rappelé que vous n'étiez plus
là ; mais je suis allée dans les champs ; j'y ai
retrouvé partout la trace de vos pas ; les arbres
m'ont paru d'un vert plus triste et il m'a sem-
blé que l'eau de notre ruisseau coulait avec plus
de lenteur.
En 1781, comme Franklin, alors âgé de
75 ans, s'excusait de ses incorrections.
7g5 raamnms, aticales, elle lui répondit :
C'est toujours pour moi du très bon français
que de me dire : « Je vous aime » ; ce mot si
doux fait palpiter mon cœur chaque fois que
c'est vous qui me l'adressez.
Malgré la différence des âges, leurs en-
trevues étaient toujours harmonieuses :
elle jouait la Marche des Rebelles, dont
elle avait composé elle-même les paroles et
la musique; lui, jouait de l'harmonica.
Quelquefois, ils jouaient aux échecs : un
jour, pendant que Mme de Brillon était au
bain, il engagea une partie qui dura qua-
tre heures.
Cependant, le monde commence à jaser.
Cela, il ne le faut pas, pour l'honneur du
demi-dieu. Courageusement elle écrit à
Franklin :
Le genre de familiarité qui existe entre nous
donne lieu à des critiques. Je méprise ces bavar-
dages, car je me sens la conscience en repos,
mais ce n'est pas assez. Il est nécessaire de
donner satisfaction à «ce qu'on appelle la bien-
séance. Le sens de ce mot varie chaque siècle
et dans chaque pays. Si je ne m'assieds pas
aussi souvent sur vos genoux, est-ce que je
vous en aimerai moins, est-ce que nos cœurs
seront plus ou moins purs pour cela ? Mais
nous fermerons la bouche aux médisants, et les
faire taire n'est pas une question d'un tmédiocre
intérêt, même pour les Sages.
C'est la séparation. Mme de Brillon ne
s'assoiera plus sur les genoux de Franklin;
mais son cœur reste aussi pur et aussi
énamouré elle ne cesse d'écrire au grand
homme. Il ne répond que peu ou point;
qu'importe ? Il est trop au-dessus des au-
tres êtres pour qu'on s'en formalise.
Quand M. do Brillon tombe gravement
malade; quand il meurt; quand elle perd
ses deux petits-enfants; quand elle est rui-
née et tombe à la charge de ses deux filles;
quand elle voit la tourmente révolution-
naire ébranler sa patrie, c'est à Franklin
qu'elle s'adresse, comme elle s'adresserait
à Dieu :
Nous sommes en pleine crise, lui écrit-aile au
mois de mars 1789 Vos prières si pures, car
celles des à justes sont kis seules qui soient
agréables à rEtre Suprûmê, vont nous être né-
»
cessaires. Priez pour nous, mon bon ami vous
qui aimez la France, qui aimez les Français.
Les prières de Franklin ne pouvaient
exercer aucune influence sur les événe-
ments, et l'appel désespéré de son amou-
reuse amie nous fait un peu sourire.
Nous avons beau répéter avec convic-
tion : « Non, le cœur ne vieillit jamais »,
cette formffle demeure obscure, abstraite
et inconcevable. Lorsque nous nous en ser-
vons, soit pour nous, soit pour des amis,
nous prenons bien garde d'envisager tou-
tes les conséquences qu'elle comporte,
c'est-à-dire toutes les niaiseries et tous les
enfantillages d'un cœur resté jeune, char-
mantes niaiseries, délicieux enfantillages
pour les intéressés — mais qui paraissent
toujours ridicules aux seuls curieux et aux
indifférents.
Pour la foule, Philémon et Baucis ne se-
ront jamais que des personnages mytholo-
giques, ou, qui pis est, des héros d'opéra-
comique.
S. de Vorney.
»
1 LA GIS OSE (il
LITTERATURE ET
PHILOSOPHIE BNOSTIQUES
Lorsque le poète Fabre des Essarts
devint le patriarche Synésius, quoique
chef de l'Eglise gnostique de France, il
resta, malgré tout, un poète. Il est vrai-
ment ce que les Romains appelaient
vates : prêtre et poète.
Pourtant, M. des Essarts place sa
doctrine au-dessus de tout — quoi
qu'on en dise, il lui sacrifie chaque jour
un peu de sa fortune — et on retrouve
actuellement dans ses œuvres toute
l'âme gnostique. Le poète profane des
Eclogues de Virgile, d'Humanité, le
philosophe des Hiérophantes, produit
des œuvres toutes empreintes de gnos-
ticisme et cela n'amoindrit pas leur va-
leur, au contraire.
A ce sujet, je citerai son dernier
et magistral ouvrage : le Christ sau-
veur. La gnose considère le Christ
d'une manière toute spéciale. Pour les
gnostiques, le Christ sauveur n'est nul-
lement Jésus de Nazareth. « Christ sau-
veur » est l'expression symbolique de
l'universelle rédemption qui doit être
accomplie par la Vierge de Lumière,
dont j'ai parlé dans mon dernier article.
Dans le grand drame théologique de
Valentin, le mythe de Sophia, Christos,
personnifie le Grand Harmonisateur.
La gnose considère Jésus de Naza-
reth comme un homme très supérieur,
le plus parfait des hommes, qui, plus
que tout autre, subit l'influence de la
Vierge de lumière. Les gnostiques le
regardent comme dieu en ce sens
qu'aucun homme n'a jamais été plus di-
vin que lui, et c'est ce privilège spécial
qui a donné à ses enseignements tout ce
qu'ils ont de sublime.
c est ce Christ nouveau, qui n'est pas
seulement celui des humbles et des pe-
tits, le Christ de mansuétude et de
bonté, mais aussi le Christ ésotérique,
le Christ cl* science et de lumière, tel
que les gnostiques l'ont prêché, tel que
saint Jean l'a laissé entrevoir dans son
évangile que M. Fabre des Essarts nous
montre dans son dernier ouvrage.
Selon la gnose, le Christ a eu en plus
de ses apôtres — des simples — quel-
ques autres confidents d'une intellec-
tualité supérieure comme Philon, Ce-
rinthe et Simon de Gitton..
***
Le Christ sauveur est divisé en trois
journées — trois actes. La première est
la tentation et nous montre, dans le dé-
sert, Satan tentateur, apparaissant sou-
dainement à Jésus. Il y a dans cet acte
— au dire de toute la critique — de très
beaux vers et de très belles scènes. Le
lecteur jugera de lui-même en lisant
ces quelques vers — cri de rage sour-
de, d'orgueil hautain et de haine farou-
che, poussé par Satan lorsqu'il aper-
çoit le Christ :
J'aurais vu l'univers trembler devant ma face
Et demain l'univers se rirait de Satan !
J'aurais, toujours veillant, rugissant et luttant,
Déchaîné les Nemrods et lâché les Cambyses,
Fait crouler les cités, comme au souffle des bi-
Ises
S'éparpille l'amas des neiges, et tordu
Dans ses chaînes d'acier, Prométhée éperdu;
Jusqu'ici tous auraient adoré ce que j'aime;
Par mon ingénieux et savant stratagème
J'aurais, plus de mille ans, fait prendre au peu-
[ple hébreu,
Le Dieu sanglant, le Dieu de mort, pour le vrai
[Dieu;
J'aurais mis le poison dans les fleurs et la haine
Dans les cœurs,et versée les feux de la géhenne
Au ventre des volcans en fureur 1 Tout cela,
Pour qu'un jour, ô douleur, ce Jésus que voilà,
Sur mon trône en poussière, érige son empire 1
Plus fort que Satan, Jésus triomphe
de toutes les tentations et l'acte se ter-
mine par la bénédiction des disciples
accourus à sa voix.
La seconde journée se passe au jar-
din des Oliviers ; Satan se venge. Le
démon fait boire à Jésus un breuvage
empoisonné, et, dans un cauchemar af-
freux, Jésus voit venir à lui l'avenir et
tous ceux qui profaneront son œuvre
divine, C'est une heureuse fiction du
poète que de mettre le Christ face à fa-
ce avec les spectres insultants : l'Inqui-
sition,les tortionnaires de Jeanne d'Arc,
la Saint-Barthélemy, Borgia.
Voiçi comment s'exprime l'Inquisi-
tion :
SO"'A mon bras tout puissant.
Tout tremble. Dans les plis de ma sombre t.:-
[nique,
JA porte les vertus du grand saint Dominique
Et mon nom dans l'histoire est l'Inquisition !
Pour sauver tes enfants de la damnation.
Je romps les os, je cuis les chairs, j'ouvre les
[ventres,
Le s-lence et l'horreur habitent dans mes antres
C'est moi qui fis rôtir en une seule fois, -----
(1) Voir le Rappel des 4 et 9 mars 1907.
Au siège de Béziers trente mille Albigeois.
Et qui, de Lille à Rome et de Madrid à Prague"
Comme en un flot bourbeux on promène la
ldrague.
Ai, cinq siècles durant, parmi la chrétienté,
Pratiqué sans repos ma sainte cruauté 1
Devant ce flot d'apparitions macabres',
Christ n'a qu'un désir : s'enfuir, revoix
Galilée et mourir oublié. Mais un angd
apparaît qui évoque aussitôt ceux qui
porteront à travers les temps le glO-t
rieux verbe du Christ : Vanini, Cam-
panella, Jean Huss, Jordano Bruno, Sa-
vonarole, Luther, Zwingle, Calvin, etc,
Jésus se ressaisit et vole au Golgotha;
La troisième journée est la vengeance
de Dieu, elle évoque à nos yeux une hu-,
manité future qui ne connait plus le
mal. Plus de guerre, plus de crimes,
plus de justice, c'est la cité de Dieu.
Tel est le beau drame du poète, dés
Essarts. En libre penseur irréductible-
je ne considère point le sens religieux
de la pièce, je n'y vois que l'éternel
symbole de la lutte entre le bien et If)
mal. L'œuvre du patriarche gnostique
est d'une belle facture littéraire çf,
d'une magnifique envolée poétique, ce-
la me suffit et j'oublie volontiers le pa-
triarche et sa religion — toute de pure
philosophie — pour aimer le poète.
***
M. des Essvts n'a pas seulement
donné une poésie à la gnose, il a dé-
fendu sa philosophie..Sa qualité domh
Dante est la franchise. On avait' compa-
ré un jour la gnose au satanisme, le
patriarche répondit bien vite par une
brochure d'une extrême documentatioi-4,
et d'une philosophie serrée : aadismen
Satanisme et Gnose, il y expose aveo
science ce que fut la gnose d'autrefoi5,
celle qui peut, à la rigueur, être com.
parée au satanisme, mais il dit, surtout,.
ce qu'est la gnose — et la morale gnos-
tique — aujourd'hui.
Ce combat pour les idées gnostÍques-
M. des Essarts le poursuit partout : ses
articles des Annales politiques et socia..
les, sont des plus intéressants ; il est!
dommage que le profane y l'encont
trop de termes gnostiques qui obscur-
cissent le style à ses yeux. Pourtant,,
quelques-uns sont enthousiastes, ar-
dents et pleins de foi. Dans son article
le Nouveau Messie, publié le 15 janviery,
M. des Essarts expose ainsi la nature.
féminine du prochain messie :
Il est des vocables prophétiques.' Le mot
Ruasch qui, dans la langue hébraïque, corres-
pond au Spiritus des Latins et au Pneuma des
Grecs, est du genre féminin. Les vieux Catha-
res désignaient eux-mêmes la troisième hypos-
tasc divine sous la gracieuse formule Notre-
Dame-le-Saint-Esprit, expression que devaifl
plus tard faire revivre le patriarche Doirret.
dans Ses enseignements gnostiques.
Ce Messie féminin sera lé vivant reflet de cette
mystérieuse « Vierge de Lumière », qui, selon la
Doctrine secrète de la Gnose, est tout ce que
nous savons présentement de la* Divinité et qui
s'irradie dans la spiritualité de. tous les êtres
et se prête à toutes les âmes.
Une question se pose ici. Quelle sera, dans
les contingences de l'espace et du temps, la
forme concrète de ce Messie ? Verrons-nous sur-
gir, dans la splendeur de son torse, dans l'é-
clat impressionnant de sa face, dans l'attirance
irrésistible de son regard d'or ardent ou de
velours sombre, dans la grooe entraînante dei
son geste, dans le charme divin de son verbe,
quelque femme admirable, qui sera la plus bel-
le des filles d'Eve, comme Jésus fut, dit-on, le
plus beau des enfants des hommes ? Il est pos-
sible. Mais il se peut aussi que ce Messie u'ail
rien de personnel, qu'il soit un harmonique
groupement de volontés, une somme de puis-
sants désirs orientés vers le même but, une'
ascèse générale emportant l'humanité tout en-
tière vers la réalisation du rêve de bonheur.
de fraternité et d'universelle pacification, que
tout esprit animé du souffle de Dieu se plaît êt
caresser. -
Mais soyons sûrs que cette Rédemption d'A
mour s'opérera par la femme !.
Et quand l'Arche humaine, enfin sortie dit
déluge sanglant qui, depuis tant de siècles, bat
ses flancs désemparés, se posera, épuisée de.
souffrir, et désespérée d'attendre, sur quelque
mystérieux Ararat, c'est elle, la Vierge de Lu-
mière, la Colombe du Paraciet, la Femme au-
guste et triomphante, qui viendra apporter aux
passagers du sombre navire la branche paci
fique do l'olivier 1
Tel est ce nouveau rédempteur atten-t
du par la gnose.
J'arrêterai ici mon étude. Elle fui
pour moi atrayante ; il est rare de
lencontrer une religion si parfaite,)
si « progressiste », uniquement basée
.ur une doctrine philosophique et scien-*
tinque. Par la science, elle exprima
tout, sauf Dieu. C'est dommage. C'est
gommage surtout qu'elle ne s'adresse
,lu'à des intellectuels, car, aujourd'hui'l
s intellectuels ne croient plus ou res*
Vtnt fidèlement attachés à la loi de leurç
IHres.
Georges Dangon
»
LES INCIDENTS DE NANTES
Comment la bagarre a éclaté. — L'enquête
judiciaire
Nantes, 17 mars.
Aucune des personnes présentes à l'é-
chauffourée d'hier ne peut faire un récit
exact de ce qui s'est passé.
Le quai était noir de monde. 11 est im-*
possible aux gendarmes de circuler et d'as-
surer l'ordre.
Tout se borna d'abord à des bouscu]adèS
qui, en se prolongeant, contribuèrent à
surexciter les esprits.
Le capitaine de gendarmerie, voyant ses
hommes menacés, -leur commanda de met,
tre sabre au clair.
Par un hasard fâcheux, un tombereau
de pierres se trouvait là. Les grévistes
s'emparèrent de pierres et les lancèrent
sur les gendarmes et la police.
Une bousculade se produit. N
Un commissaire de police, est menace
d'un couteau. La police met alors sabre au.
poing pour dégager les quais. La mêlée B8
à son comble. Agents et gendarmes fral!
pent à coups de plat de sabre.
Quelques blessés sont transportés dansl
les pharmacies voisines. Finalement, Jeal
dockers sont refoulés jusqu'à la Bource du
travail.
L'apaisement semblait revenir, quand uni
coup de feu retentit. Le docker Victoï
bM«b -,. -- -- - maffl 2-0 IKS" 1907. - Wb 19321 -
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AUGUSTE VACQUERIE
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ADMINISTRATION : 14, RUE DU MAIL?
Téléphone 102-82
Adresser lettres et mandats â l'Administrâtes
Taperie on curiosité
On va encore un peu se battre, à la
Chambre, à propos des papiers Monta-
gnini ! Il paraît que cela intéresse pro-
digieusement le parti socialiste, de sa-
voir ce que contient la correspondance
saisie par la Sûreté générale au domi-
cile de ce monsignor eberlué qui a laissé
traîner, avec toutes les lettres qu'il
avait reçues, toutes les notes qu'il pre-
nait, tous ses carnets de comptes et tou-
tes ses factures. Le groupe qui obéit à
l'impulsion de M. Sembat et dont M.
Jaurès est le retentissant interprète ne
se tient pas de connaître les noms des
députés ou des sénateurs, voire des mi-
nistres d'hier ou d'avant-hier, qui ont
pu causer avec le commis de l'ex-non-
ciature. C'est leur politique de compro-
mettre, dans les autres partis républi-
cains, le plus de gens possible, et ils
comptent bien que, si l'on fouille dans
cette poubelle diplomatique, on va y pê-
cher quelques documents de nature à
gêner des adversaires. Précieux régal !
Déjà, plusieurs journaux espéraient
voir M. Rouvier sur la sellette. Quelle
aubaine, en effet, si, en levant les scel-
lés, on allait découvrir que le chef d'un
des gouvernements qui ont travaillé offi-
ciellement à la Séparation négociait
sous mains avec les derniers tenants du
Pape !
Malheureusement, c'est un espoir où
il faut renoncer. Le prédécesseur de M.
Sarrien, qui est en même temps le suc-
cesseur de M. Combes, met les enquê-
teurs au défi de trouver un seul mot de
lui dans les liasses mystérieuses qui ex-
citent tant de curiosités.
Alors, qui ? Quel est le nom que l'on
attend ? Quelle signature cherche-t-on
au pied de ces poulets refroidis: ? Celle
de M. Piou ? La belle avance, quand on
l'aura trouvée ! Est-ce que tout le mon-
de ne sait pas bien que le chef de l'Ac-
tion « libérale » (et cléricale) est en re-
lations avec Rome et avec ses représen-
tants ? Est-ce qu'il y a le moindre mys-
tère sur les combinaisons électorals
formées l'an dernier par le parti des
faux alliés avec les meneurs de la poli-
tique ecclésiastique ?
C'est pour enfoncer cetite porte ou-
verte, c'est pour porter la lumière sur
ce point parfaitement éclairé que M.
Jaurès va demander la nomination d'une
commission parlementaire chargée tre
compulser les papiers Montagnini ?
En vérité, voilà une besogne bien di-
gne dé tenter la représentation nationa-
le ! Et c'est étrangement choisir l'heure,
pour s'attarder à des potins de sacristie,
quand se dressent devant les ssfniblî-
cains et les patriotes des problèmes de
toutes sortes, dont la France attend la
solution !
On dit que le garde des sceaux fera
remarquer à la Chambre qu'on ne sau-
rait dessaisir la Justice, actuellement en
possession de ces dossiers, pour l'exa-
men d'un procès fait à des curés. Rai-
son juridique, en effet, qui déterminera
sans aucun doute la majorité à repous-
ser la motion Jaurès. Mais on ne devrait
pas avoir besoin d'invoquer un tel argu-
ment pour clore une discussion qui, si
elle n'est engagée par pure taquinerie,
ne le sera que par simple curiosité.
La saisie des papiers Montagnini a
été une excellente leçon donnée au mon-
de clérical, qui se refusait encore à croi-
re que la République osât jamais aller
jusqu'au bout de sa résolution et qui se
fiait à la longue impunité dont il avait
joui, malgré d'incessantes provocations
et d'intolérables ingérences dans notre
politique.
Mais, quant à la publication de ces
pièces, on admettra bien que le gouver-
nement qui les a fait prendre par me-
sure de police a le droit de choisir le
moment où il sera utile de les mettre en
pleine lumière.
Se dBfie-t-on, par hasard, de ses in-
tentions ? Le croit-on capable de pacti-
ser avec Rome ? N'a-t-il pas assez prou-
vé jusqu'à ce jour qu'il mettait tous ses
soins tft toute sa prudence à réaliser et
à rendre définitive la grande mesure po-
litique réclamée par le suffrage univer-
sel ? Craint-on qu'il ne veuille revenir
en arrière et ménager la chèvre. quand
il a déjà mangé le chou ?
Alors, qu'on le dise bien haut ! Qu'on
l'attaque en face, non pas à propos du
livre de blanchisseuse d'un prèlat désa-
voué, mais sur ses actes à lui-même, si
l'on en trouve qui prêtent à la critique.
Cela sera plus digne. Cela ne fera pas
ressembler la salle des séances du Pa-
lais-Bourbon à une loge de concierge, et
nos députés n'apparaîtront pas au corps
électoral comme des personnages affai-
rés à la fois et désœuvrés, collant leurs
yeux ou leurs oreilles âux fentes d'une
porte ou au trou d'une serrure pour sur-
prendre des secrets de polichinelle.
r M. Jaurès interpellera, il n'en faut
pas douter. Le gouvernement lui répon-
dra : c'est dans l'ordre. Mais, franche-
ment, CIe sera encore bien du temps
perdu 1
CHARLES LAURENT;
■
LES ON-DIT
RIEN QUE LA FATALITÉ ?
J'entends dire çà et là dans
le public : '« Savez-vous que
ça fait beaucoup, et qu'il de-
vient difficile d'accuser uni-
quement la fatalité ? »
M. Fallières aurait pu res-
ter à Toulon. Il aurait eu encore des
cercueils de marins à suivre. Pendant
que le train présidentiel regagnait Paris,
un torpilleur était abordé par un « des-
troyer ». Deux hommes tués et un bles-
sé. La comparaison avec l'immense et
si récente catastrophe de l'Iéna ne rend
pas la nouvelle de l'accident d'hier
moins tragique. Au contraire, il y a
quelque chose d'angoissant dans cette
persistance du malheur à frapper nos
matelots.
L'abordage et l'explosion du torpil-
leur 263 suit d'un peu trop près, non
seulement l'incendie de l'Iéna, mais l'é-
chouement du Jean-Bart, le coincement
du Sully entre deux roches qu'on avait
oublié de porter sur les cartes, la dispa-
rition de la Vienne et de son équipage,
les noyades du Farfadet et du Lutin.
Si le hasard est le seul artisan de ces
épouvantables événements, il faut avouer
qu'il met beaucoup de persistance et de
raffinement dans la persécution à la-
quelle notre marine est livrée. Il ajoute
même une sorte d'ironie à son œuvre
tragique ; et M. Fallières doit se faire
d'étranges réflexions en lisant les dépê-
ches : l'une d'elles raconte que la cha-
loupe dans laquelle le président de la
République avait pris place pour aller
visiter l'escadre a sombré la nuit der-
nière dans la darse du quai de l'Hor-
loge. Heureusement que la chaloupe n'a
pas été prise de cette-défaillance quel-
ques heures( plus tôt !
Le public, je le répète, comprend mal
que notre marine soit si malchanceuse.
Il trouve qu'on met en cause un peu trop
souvent le hasard, la fatalité, l'antique
ananké. Il préférerait voir établir des
responsabilités plus concrètes. Sans vou-
loir être féroce pour personne, ni préju-
ger du résuTIart: des enquêtes en cours et
de celles qu'on va ouvrir, il faut avouer
que l'opinion n'a pas tout à fait tort.
LA COMMUNE DE 1871
Racontée par le « Rappel »
Numéro du 20 Mars 1871
Aux monarchistes. — « Eh bien, mes-
sieurs les réactionnaires, orléanistes, lé-
gitimistes, bonapartistes, eh bien, êtes-
vous contents ? Oui, ils sont contents,
sous leur frayeur, parce qu'ils espèrent;
ils comptent que l'agitation actuelle va
effaroucher le crédit, et qu'alors les
Prussiens exigeront un gage et que ce
gage sera Paris. Les monarchistes n'au-
ront pas cet honnête et patriotique bon-
heur. Le peuple, qui vient de leur prou-
ver sa force en leur brisant leurs me-
naces en plein visage, leur prouvera
son intelligence en modérant sa victoi-
re. Il n'oubliera pas que les hordes qui
nous ont envahis, sont encore là qui
nous observent et qui nous épient. —
AUGUSTE VACQUERIE. »
La Journée. — « Le gouvernement est
au complet à Versailles. Ordre a été té-
légraphié par M. Thiers au personnel
de tous les ministères d'avoir à quitter
Paris pour aller rejoindre leurs postes
à Versailles. »
Neuj heures du matin. — « Une trou-
pe de gardes nationaux vient installer
à la mairie du sixième arrondissement
M. Tony-Moilin comme maire, à la pla-
ce de l'ancienne municipalité. »
Deux heures. — « Le ministère de
l'intérieur a été occupé par les membres
du Comité central. Le télégraphe de la
rue de Grenelle, le Journal officiel et
l'Imprimerie nationale sont également
occupés. — Trois heures, occupation de
l'Elysée. » -
« A cinq heures du soir, un fort dé-
tachement de gardes nationaux envahit
les bureaux du Figaro et du Gaulois,
met les scellés sur les portes de la com-
position et installe un poste avec sen-
tinelle. Ce sont là encore des attentats
à la liberté contre lesquels nous protes-
tons de toute notre énergie. »
« Parmi les citoyens armés qui mon-
tent la garde autour des barricades, on
voit des soldats de la ligne, des marins
et des mobiles qui n'ont pas eu de peine
à se procurer des fusils. Rue de Rivoli,
grande foule qui se promène, tranquille
sinon gaie. La physionomie des quar-
tiers du centre ressemble à celle des di-
manches ordinaires. Sur la place (de
l'Hôtel de Viile) se tiennent plusieurs
bataillons de gardes nationaux, l'arme
au pied. Même affluence rue Saint-An-
toine, où s'élèvent des barricades. Rue
de Sévigné, foule compacte. Il y a là
une caserne de pompiers où une compa-
gnie de francs-tireurs, munie (Tun bon
du Comité central, se présente pour
avoir les chassepots inutiles dont les
soldats sont armés. Une fenêtre est en-
foncée, les gardes nationaux pénètrent
dans la caserne. L'affaire se termine par
la livraison des armes. »
« La gare Montparnasse a été occu-
pée par le 202e et le 213° bataillon. Ils
ont procédé au désarmement d'un
grand nombre de soldats de la ligne
qui prenaient le train pour Versailles.
Le Luxembourg est gardé par le 248e
bataillon. On ne laisse pas entrer dans
le jardin « « Pourquoi ? » Id. sentinelle
répond : « Parce qu'il y a eu des dégâts
commis, et qu'il faut de l'ordre avant
tout. » Le bataillon est armé de chas-
sepots abandonnés par les soldats. »
« 25 gardes municipaux étaient pri-
sonniers à la salle de la Marseillaise.
Le commandant du poste a mis aux
voix la question de savoir si l'on devait
les garder ou les délivrer. La majorité
s'est prononcée pour la mise en liberté.»
« Le Petit Journal olliciel du soir n'a
pas paru nier. »
« Samedi soir (18 mars), le général
Chanzy a été arrêté à la gare d'Orléans.
M. Edmond Turquet, député de l'Aisne,
a été également arrêté. »
Les affiches. — « Le peuple de Paris
a secoué le joug qu'on essayait de lui
imposer. Il a attendu sans crainte com-
me sans provocation les fous éhontés
qui voulaient toucher à la République.
Cette fois, nos frères de l'armée n'ont
pas voulu porter la main suc l'arche
sainte de nos libertés. Merci à tous, et
que Paris et la France jettent les bases
d'une République, acclamée avec toutes
ses conséquences, le seul gouvernement
qui fermera pour toujours l'ère des in-
vasions et des guerres civiles. — Le Co-
mité central de la garde nationale. 5(Sui-
vent les signatures.)
Les on-dit. — « Cambrai. Monsieur le
directeur du Rappel. Le nom de l'ex-em-
pereur est-il rayé des contrôles de la
Légion d'honneur ? Salut fraternel. -
CHARLES HENRY. »
« La Compagnie des omnibus a in-
terrompu son service sur toutes les li-
gnes, à cause des barricades qui barrent
le passage et auxquelles on aurait pu
ajouter ses voitures. »
Zigzags dans Paris. — « Ce qui a été
le plus curieux hier, ça été la physiono-
mie de cet étonnant Paris. Les boule-
vards) dtaient littéralement encombrés
par une foule qui se promenait tran-
quille et calme, comme par un jour de
fête. Des femmes, des enfants endiman-
chés allaient et venaient, sans souci, et
sans penser à autre chose qu'à jouir du
soleil et du beau temps. — ERNEST
BLUM. »
HORLOGE VOLCANIQUE
Le Sun de New-York parle d'une hor-
loge des plus curieuses dans un petit
village de l'Amérique du Nord. Elle se
compose exclusivement du cadran, des
aiguilles et d'une espèce de levier. Ce
levier est en communication avec un
geiser qui projette chaque trente-huit
secondes une colonne d'eau chaude.
Chaque fois que cela se produit, le le-
vier fait parcourir aux aiguilles sur le
cadran un espace équivalant à trente-
huit secondes. L'horloge est relative-
ment d'une grande précision, puisque
le geiser accomplit sa besogne sans va-
rier jamais plus d'un dixième de secon-
de entre chaque intervalle.
LES LIÊVRES EUNUQUES
Notre excellent collaborateur (¡t ami,
le Dr Georges Vitoux, vient de publier
dans la Presse médicale un curieux ar-
ticle sur l'existence, dans certaines
chasses, de lièvres eunuques. L'infirmi-
té spéciale dont sont atteints ces infor-
tunés rongeurs vient de leurs impru-
dentes randonnées autour des terriers
de lapins. Les lapins mâles, que domine
à un haut degré le génie de l'espèce,
comme dit Schopenhaüer, et qui vivent
en association, se liguent contre le liè-
vre isolé et lui font sulttr le même châ-
timent qui fut infligé à Abélard par le
chanoine Fulbert. Un Nemrod borde-
lais, M. J. Kunster, prétend avoir assis-
té à l'une de ces exécutions sommaires,
qui eut lieu sous rceil des femelles in-
téress-ées, mais impartiales. Il mit tout
le monde d'accord par un heureux coup
doublé qui étendit sur le gazon les
bourreaux et la victime.
LES TOMBÉES DE NEIGE
In caudâ venenum, dit le proverbe la-
tin. La guerre de l'hiver, ajoute la sa-
gesse des nations, est souvent fertile en
surprises. Voilà qu'on annonce de for-
tes tombées de neige dans les Vosges et
dans le Jura. Même les loups ont lait
leur apparition. Sur..la grande route de
Genève, qui traverse les trois plateaux
jurassiques et qu'encadrent parfois de
superbes forêts, un jardinier, qui allait
récemment vendre ses légumes à la pe-
tite ville de Champagnole, dont M. le
ministre des affaires étrangères est
conseiller général, a vu surgir des tail-
lis, le soir, deux loups de bonne taille.
N'ayant pas d'armes, il se contenta de
fouetter son cheval. Les fauves l'escor-
tèrent en galopant sur la neige durcie,
puis soudain disparurent. Une battue,
opérée le lendemain par les chasseurs
des alentours, a permis de relever la
piste, mais les loups n'ont pu être re-
joints.
Le Passant
--
EN BULGARIE
Sur la tombe de M. Pelkol
Sofia, 17 mars.
Lô grince de Bulgarie a visité cet après-
midi la. tombe de M. Petkof et a déclaré que
la Bulgarie avait perdu en lui un grand pa-
triote. Le prince a également visité le lieu
où le meurtre a été commis.
On assure, dans les milieux bien infor-
més, que la liste ministérielle annoncée en
dernier lieu rencontre de la résistance de
la part des milieux stamboulovistes diri-
geants. Ce parti réclame un cabinet stam-
bouloviste homogène. La décision définitive
du prince en sera vraisemblablement re-
tardée.
Le nouveau ministère
Sofia, 17 mars.
Dans le nouveau ministère qu'il a formé,
M. Goudef s'est adjoint M. Apostoloff pour
l'instruction publique.
M. Stanciof, ministre des affaires étran-
gères, garde l'intérim des travaux publics.
»
UN ABORDAGE
Contre-torpilleur et torpilleur. — 2 morts
- Ajaccio, 17 mars.
Pendant des manœuvres de nuit, sans
feux, le contre-torpilleur Epée a abordé le
torpilleur 263, de la flottille de la Méditer-
ranée. Le choc a fait éclater un tube de
vapeur dans la chambre de chauffe du tor-
pilleur. Un quartier-maître et un chauffeur
ont été tués, un autre chauffeur a été
grièvement blessé. Les corps ont été ap-
portés à Ajaccio.
Le contre-torpilleur Epée est rentré re-
morquant le torpilleur.
L'accident s'est produit par le travers de
Saint-Florent.
PHILEMON ET BAUCIS
Le soir d'un beau jour.
Heureux Franklin ! Il n'a pas été seule-
ment le Benjamin des peuples, il a été en
outre le Benjamin des femmes ! A 70 ans,
il inspirait encore une folle passion à Mme
Jouy de Brillon, qui venait à peine de dou-
bler le cap de la quarantaine et demeurait
une personne fort accomplie, frêle, alerte,
spirituelle, séduisante au possible, ce qui
ne l'empêchait d'être ni très instruite) ni
très sincère, ni très dévouée.
Franklin, dans des lettres que M. Wor-
thington Chauncey Ford a publiées dans
le Harpe r's Magazine, avoue que cet amour
l'a rajeuni de quatre ans. Ce qui tue géné-
ralement les vieillards ressuscitait Fran-
klin : le maître du tonnerre échappait à
nos communes faiblesses, il puisait de la
force où les hommes en perdent.
Dumas a dit, après les Chinois, d'ail-
leurs : « La femme a les cheveux longs et
les idées courtes. » Il semble bien que,
malgré toutes ses qualités, Mme de Brillon
ne puisse aller à l'encontre de cette appré-
ciation.
Elle n'est pas injuste, écrit-elle; elle sait
que soin mari est un homme de mérite, elle
le respecte, mais elle lui reproche d'a.voir
24 ans de plus qu'elle, et d'avoir reçu une
éducation trop sévère; et elle tombe dans
les bras d'un homme qui a la réputation
d'être de mœurs austères et qui a dix ans
de plus que le mari trompé !
En elle le sentiment de la famille est
très développé ;elle vénère son père « qui
fut son premier et son meilleur ami H, et
elle écrit à Franklin :
'Vous m'avez parlé d'une coutume qu'un sen-
timent d'humanité a fait naître chez certaines
tribus de sauvages qui adoptent leurs prison-
niers de guertre et leur font occuper la place
laissée vide par les parents qu'ils ont perdus.
Vous avez occupé dans mon cœur la place de
mon père qui m'inspirait tant de respect et
d'amour.
Mais elle oublie qu'elle est mère et
qu'elle a deux filles à marier.
Cependant elle a le cœur tendre). trop
expansif même, avoue-t-e?le.
Née avec une sensibilité excessive, je suis,
déolare-trelle à son tour à Franklin. trop sou-
vent victime d'une âme trop tendre et d'une
imagination trop viv, La raison et les occupa-
tions me soutiennent, mais l()nquc je suis ma-
lade, je m'abandonne à la douleur et à une
incurable mélancolie.
Et elle le prouve bien, quand elle écrit à
son père adoptif :
Je n'ai pas voulu revoir votre chambre parce
que tout m'aurait rappelé que vous n'étiez plus
là ; mais je suis allée dans les champs ; j'y ai
retrouvé partout la trace de vos pas ; les arbres
m'ont paru d'un vert plus triste et il m'a sem-
blé que l'eau de notre ruisseau coulait avec plus
de lenteur.
En 1781, comme Franklin, alors âgé de
75 ans, s'excusait de ses incorrections.
7g5 raamnms, aticales, elle lui répondit :
C'est toujours pour moi du très bon français
que de me dire : « Je vous aime » ; ce mot si
doux fait palpiter mon cœur chaque fois que
c'est vous qui me l'adressez.
Malgré la différence des âges, leurs en-
trevues étaient toujours harmonieuses :
elle jouait la Marche des Rebelles, dont
elle avait composé elle-même les paroles et
la musique; lui, jouait de l'harmonica.
Quelquefois, ils jouaient aux échecs : un
jour, pendant que Mme de Brillon était au
bain, il engagea une partie qui dura qua-
tre heures.
Cependant, le monde commence à jaser.
Cela, il ne le faut pas, pour l'honneur du
demi-dieu. Courageusement elle écrit à
Franklin :
Le genre de familiarité qui existe entre nous
donne lieu à des critiques. Je méprise ces bavar-
dages, car je me sens la conscience en repos,
mais ce n'est pas assez. Il est nécessaire de
donner satisfaction à «ce qu'on appelle la bien-
séance. Le sens de ce mot varie chaque siècle
et dans chaque pays. Si je ne m'assieds pas
aussi souvent sur vos genoux, est-ce que je
vous en aimerai moins, est-ce que nos cœurs
seront plus ou moins purs pour cela ? Mais
nous fermerons la bouche aux médisants, et les
faire taire n'est pas une question d'un tmédiocre
intérêt, même pour les Sages.
C'est la séparation. Mme de Brillon ne
s'assoiera plus sur les genoux de Franklin;
mais son cœur reste aussi pur et aussi
énamouré elle ne cesse d'écrire au grand
homme. Il ne répond que peu ou point;
qu'importe ? Il est trop au-dessus des au-
tres êtres pour qu'on s'en formalise.
Quand M. do Brillon tombe gravement
malade; quand il meurt; quand elle perd
ses deux petits-enfants; quand elle est rui-
née et tombe à la charge de ses deux filles;
quand elle voit la tourmente révolution-
naire ébranler sa patrie, c'est à Franklin
qu'elle s'adresse, comme elle s'adresserait
à Dieu :
Nous sommes en pleine crise, lui écrit-aile au
mois de mars 1789 Vos prières si pures, car
celles des à justes sont kis seules qui soient
agréables à rEtre Suprûmê, vont nous être né-
»
cessaires. Priez pour nous, mon bon ami vous
qui aimez la France, qui aimez les Français.
Les prières de Franklin ne pouvaient
exercer aucune influence sur les événe-
ments, et l'appel désespéré de son amou-
reuse amie nous fait un peu sourire.
Nous avons beau répéter avec convic-
tion : « Non, le cœur ne vieillit jamais »,
cette formffle demeure obscure, abstraite
et inconcevable. Lorsque nous nous en ser-
vons, soit pour nous, soit pour des amis,
nous prenons bien garde d'envisager tou-
tes les conséquences qu'elle comporte,
c'est-à-dire toutes les niaiseries et tous les
enfantillages d'un cœur resté jeune, char-
mantes niaiseries, délicieux enfantillages
pour les intéressés — mais qui paraissent
toujours ridicules aux seuls curieux et aux
indifférents.
Pour la foule, Philémon et Baucis ne se-
ront jamais que des personnages mytholo-
giques, ou, qui pis est, des héros d'opéra-
comique.
S. de Vorney.
»
1 LA GIS OSE (il
LITTERATURE ET
PHILOSOPHIE BNOSTIQUES
Lorsque le poète Fabre des Essarts
devint le patriarche Synésius, quoique
chef de l'Eglise gnostique de France, il
resta, malgré tout, un poète. Il est vrai-
ment ce que les Romains appelaient
vates : prêtre et poète.
Pourtant, M. des Essarts place sa
doctrine au-dessus de tout — quoi
qu'on en dise, il lui sacrifie chaque jour
un peu de sa fortune — et on retrouve
actuellement dans ses œuvres toute
l'âme gnostique. Le poète profane des
Eclogues de Virgile, d'Humanité, le
philosophe des Hiérophantes, produit
des œuvres toutes empreintes de gnos-
ticisme et cela n'amoindrit pas leur va-
leur, au contraire.
A ce sujet, je citerai son dernier
et magistral ouvrage : le Christ sau-
veur. La gnose considère le Christ
d'une manière toute spéciale. Pour les
gnostiques, le Christ sauveur n'est nul-
lement Jésus de Nazareth. « Christ sau-
veur » est l'expression symbolique de
l'universelle rédemption qui doit être
accomplie par la Vierge de Lumière,
dont j'ai parlé dans mon dernier article.
Dans le grand drame théologique de
Valentin, le mythe de Sophia, Christos,
personnifie le Grand Harmonisateur.
La gnose considère Jésus de Naza-
reth comme un homme très supérieur,
le plus parfait des hommes, qui, plus
que tout autre, subit l'influence de la
Vierge de lumière. Les gnostiques le
regardent comme dieu en ce sens
qu'aucun homme n'a jamais été plus di-
vin que lui, et c'est ce privilège spécial
qui a donné à ses enseignements tout ce
qu'ils ont de sublime.
c est ce Christ nouveau, qui n'est pas
seulement celui des humbles et des pe-
tits, le Christ de mansuétude et de
bonté, mais aussi le Christ ésotérique,
le Christ cl* science et de lumière, tel
que les gnostiques l'ont prêché, tel que
saint Jean l'a laissé entrevoir dans son
évangile que M. Fabre des Essarts nous
montre dans son dernier ouvrage.
Selon la gnose, le Christ a eu en plus
de ses apôtres — des simples — quel-
ques autres confidents d'une intellec-
tualité supérieure comme Philon, Ce-
rinthe et Simon de Gitton..
***
Le Christ sauveur est divisé en trois
journées — trois actes. La première est
la tentation et nous montre, dans le dé-
sert, Satan tentateur, apparaissant sou-
dainement à Jésus. Il y a dans cet acte
— au dire de toute la critique — de très
beaux vers et de très belles scènes. Le
lecteur jugera de lui-même en lisant
ces quelques vers — cri de rage sour-
de, d'orgueil hautain et de haine farou-
che, poussé par Satan lorsqu'il aper-
çoit le Christ :
J'aurais vu l'univers trembler devant ma face
Et demain l'univers se rirait de Satan !
J'aurais, toujours veillant, rugissant et luttant,
Déchaîné les Nemrods et lâché les Cambyses,
Fait crouler les cités, comme au souffle des bi-
Ises
S'éparpille l'amas des neiges, et tordu
Dans ses chaînes d'acier, Prométhée éperdu;
Jusqu'ici tous auraient adoré ce que j'aime;
Par mon ingénieux et savant stratagème
J'aurais, plus de mille ans, fait prendre au peu-
[ple hébreu,
Le Dieu sanglant, le Dieu de mort, pour le vrai
[Dieu;
J'aurais mis le poison dans les fleurs et la haine
Dans les cœurs,et versée les feux de la géhenne
Au ventre des volcans en fureur 1 Tout cela,
Pour qu'un jour, ô douleur, ce Jésus que voilà,
Sur mon trône en poussière, érige son empire 1
Plus fort que Satan, Jésus triomphe
de toutes les tentations et l'acte se ter-
mine par la bénédiction des disciples
accourus à sa voix.
La seconde journée se passe au jar-
din des Oliviers ; Satan se venge. Le
démon fait boire à Jésus un breuvage
empoisonné, et, dans un cauchemar af-
freux, Jésus voit venir à lui l'avenir et
tous ceux qui profaneront son œuvre
divine, C'est une heureuse fiction du
poète que de mettre le Christ face à fa-
ce avec les spectres insultants : l'Inqui-
sition,les tortionnaires de Jeanne d'Arc,
la Saint-Barthélemy, Borgia.
Voiçi comment s'exprime l'Inquisi-
tion :
SO"'A mon bras tout puissant.
Tout tremble. Dans les plis de ma sombre t.:-
[nique,
JA porte les vertus du grand saint Dominique
Et mon nom dans l'histoire est l'Inquisition !
Pour sauver tes enfants de la damnation.
Je romps les os, je cuis les chairs, j'ouvre les
[ventres,
Le s-lence et l'horreur habitent dans mes antres
C'est moi qui fis rôtir en une seule fois, -----
(1) Voir le Rappel des 4 et 9 mars 1907.
Au siège de Béziers trente mille Albigeois.
Et qui, de Lille à Rome et de Madrid à Prague"
Comme en un flot bourbeux on promène la
ldrague.
Ai, cinq siècles durant, parmi la chrétienté,
Pratiqué sans repos ma sainte cruauté 1
Devant ce flot d'apparitions macabres',
Christ n'a qu'un désir : s'enfuir, revoix
Galilée et mourir oublié. Mais un angd
apparaît qui évoque aussitôt ceux qui
porteront à travers les temps le glO-t
rieux verbe du Christ : Vanini, Cam-
panella, Jean Huss, Jordano Bruno, Sa-
vonarole, Luther, Zwingle, Calvin, etc,
Jésus se ressaisit et vole au Golgotha;
La troisième journée est la vengeance
de Dieu, elle évoque à nos yeux une hu-,
manité future qui ne connait plus le
mal. Plus de guerre, plus de crimes,
plus de justice, c'est la cité de Dieu.
Tel est le beau drame du poète, dés
Essarts. En libre penseur irréductible-
je ne considère point le sens religieux
de la pièce, je n'y vois que l'éternel
symbole de la lutte entre le bien et If)
mal. L'œuvre du patriarche gnostique
est d'une belle facture littéraire çf,
d'une magnifique envolée poétique, ce-
la me suffit et j'oublie volontiers le pa-
triarche et sa religion — toute de pure
philosophie — pour aimer le poète.
***
M. des Essvts n'a pas seulement
donné une poésie à la gnose, il a dé-
fendu sa philosophie..Sa qualité domh
Dante est la franchise. On avait' compa-
ré un jour la gnose au satanisme, le
patriarche répondit bien vite par une
brochure d'une extrême documentatioi-4,
et d'une philosophie serrée : aadismen
Satanisme et Gnose, il y expose aveo
science ce que fut la gnose d'autrefoi5,
celle qui peut, à la rigueur, être com.
parée au satanisme, mais il dit, surtout,.
ce qu'est la gnose — et la morale gnos-
tique — aujourd'hui.
Ce combat pour les idées gnostÍques-
M. des Essarts le poursuit partout : ses
articles des Annales politiques et socia..
les, sont des plus intéressants ; il est!
dommage que le profane y l'encont
trop de termes gnostiques qui obscur-
cissent le style à ses yeux. Pourtant,,
quelques-uns sont enthousiastes, ar-
dents et pleins de foi. Dans son article
le Nouveau Messie, publié le 15 janviery,
M. des Essarts expose ainsi la nature.
féminine du prochain messie :
Il est des vocables prophétiques.' Le mot
Ruasch qui, dans la langue hébraïque, corres-
pond au Spiritus des Latins et au Pneuma des
Grecs, est du genre féminin. Les vieux Catha-
res désignaient eux-mêmes la troisième hypos-
tasc divine sous la gracieuse formule Notre-
Dame-le-Saint-Esprit, expression que devaifl
plus tard faire revivre le patriarche Doirret.
dans Ses enseignements gnostiques.
Ce Messie féminin sera lé vivant reflet de cette
mystérieuse « Vierge de Lumière », qui, selon la
Doctrine secrète de la Gnose, est tout ce que
nous savons présentement de la* Divinité et qui
s'irradie dans la spiritualité de. tous les êtres
et se prête à toutes les âmes.
Une question se pose ici. Quelle sera, dans
les contingences de l'espace et du temps, la
forme concrète de ce Messie ? Verrons-nous sur-
gir, dans la splendeur de son torse, dans l'é-
clat impressionnant de sa face, dans l'attirance
irrésistible de son regard d'or ardent ou de
velours sombre, dans la grooe entraînante dei
son geste, dans le charme divin de son verbe,
quelque femme admirable, qui sera la plus bel-
le des filles d'Eve, comme Jésus fut, dit-on, le
plus beau des enfants des hommes ? Il est pos-
sible. Mais il se peut aussi que ce Messie u'ail
rien de personnel, qu'il soit un harmonique
groupement de volontés, une somme de puis-
sants désirs orientés vers le même but, une'
ascèse générale emportant l'humanité tout en-
tière vers la réalisation du rêve de bonheur.
de fraternité et d'universelle pacification, que
tout esprit animé du souffle de Dieu se plaît êt
caresser. -
Mais soyons sûrs que cette Rédemption d'A
mour s'opérera par la femme !.
Et quand l'Arche humaine, enfin sortie dit
déluge sanglant qui, depuis tant de siècles, bat
ses flancs désemparés, se posera, épuisée de.
souffrir, et désespérée d'attendre, sur quelque
mystérieux Ararat, c'est elle, la Vierge de Lu-
mière, la Colombe du Paraciet, la Femme au-
guste et triomphante, qui viendra apporter aux
passagers du sombre navire la branche paci
fique do l'olivier 1
Tel est ce nouveau rédempteur atten-t
du par la gnose.
J'arrêterai ici mon étude. Elle fui
pour moi atrayante ; il est rare de
lencontrer une religion si parfaite,)
si « progressiste », uniquement basée
.ur une doctrine philosophique et scien-*
tinque. Par la science, elle exprima
tout, sauf Dieu. C'est dommage. C'est
gommage surtout qu'elle ne s'adresse
,lu'à des intellectuels, car, aujourd'hui'l
s intellectuels ne croient plus ou res*
Vtnt fidèlement attachés à la loi de leurç
IHres.
Georges Dangon
»
LES INCIDENTS DE NANTES
Comment la bagarre a éclaté. — L'enquête
judiciaire
Nantes, 17 mars.
Aucune des personnes présentes à l'é-
chauffourée d'hier ne peut faire un récit
exact de ce qui s'est passé.
Le quai était noir de monde. 11 est im-*
possible aux gendarmes de circuler et d'as-
surer l'ordre.
Tout se borna d'abord à des bouscu]adèS
qui, en se prolongeant, contribuèrent à
surexciter les esprits.
Le capitaine de gendarmerie, voyant ses
hommes menacés, -leur commanda de met,
tre sabre au clair.
Par un hasard fâcheux, un tombereau
de pierres se trouvait là. Les grévistes
s'emparèrent de pierres et les lancèrent
sur les gendarmes et la police.
Une bousculade se produit. N
Un commissaire de police, est menace
d'un couteau. La police met alors sabre au.
poing pour dégager les quais. La mêlée B8
à son comble. Agents et gendarmes fral!
pent à coups de plat de sabre.
Quelques blessés sont transportés dansl
les pharmacies voisines. Finalement, Jeal
dockers sont refoulés jusqu'à la Bource du
travail.
L'apaisement semblait revenir, quand uni
coup de feu retentit. Le docker Victoï
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