Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1904-05-29
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 29 mai 1904 29 mai 1904
Description : 1904/05/29 (N12497). 1904/05/29 (N12497).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2013
cnrM-Q CENTIMES le Numéro. PARIS & DÉPARTEMENTS
Le Numéro CINQ CENTIMES
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De 4 à 8 heures du soir et de 10 heures du soir à 1 heure du matm
N. 12497. — Dimanche 29 Mai 10O4
9 PRAIRIAL AN 112
ADMINISTRATION : 14, RUE DU MAIL, PARIS
Adraser lettres et mandats à l'Administrateur
NOS LEAD ERS
Jnn lalijn
Un congrès des Jeunesses et groupe-
ments laïques du Sud-Ouest vient de
se tenir à Bordeaux. C'est la première
fois qu'une démonstration de ce genre
se produit dans cette région où, je ne
ne dirai pas les idées, mais les habitu-
des religieuses ont encore tant de
force.
Les organisateurs ont bien voulu se
souvenir qu'en novembre 1902, à
Paris, j'ai présidé la séance inaugurale
du premier congrès des Jeunesses laï-
ques; ils m'ont fait le grand honneur
de m'inviter à présider leurs travaux;
il va sans dire que je me suis rendu
avec empressement à leur invitation
cordiale.
Et ç'a été pour moi un réconfortant
plaisir que d'entendre plus de cent
délégués, venus de tous les points de
la région, échanger et discuter bril-
lamment leurs idées.
De leurs délibérations est née la « Li -
gue d'action laïque du Sud-Ouest», en-
core,assurément,à l'état embryonnaire,
mais qui devra être constituée défini-
tivement d'ici le premier juillet, et sur
laquelle on peut fonder de sérieuses
espérances.
Il s'agit de relier entre elles des or-
ganisations éparses,isolées, qui s'igno-
rent mutuellement et qui, s'appuyant
les unes aux autres, deviendront une
force ; il s'agit de coordonner les bon-
nes volontés, Tes initiatives, et tout en
laissant, cela va de soi, à chaque grou-
pement son autonomie propre, de les
fédérer, de les réunir en faisceau ro-
buste.
Tel est le but visé.
Quant aux initiateurs de l'œuvre en-
treprise, ce sont des instituteurs, des
professeurs de l'enseignement secon-
daire, des intellectuels de toutes caté-
gories, étudiants, docteurs, et aussi
des ouvriers ; ceux-ci tout jeunes,
ayant à peine aux joues roses leur pre-
mier duvet, ceux-là grisonnant, déjà
meurtris par la vie — mais qu'importe
l'âge, si le cœur, lui, est jeune, si le
sang reste chaud ? — et les uns, en
politique, sont ce qu'on appelle : des
radicaux de gouvernement, tandis que
les autres ne dissimulent point l'in-
transigeance de leurs convictions col-
lectivistes. Assemblage bien disparate,
dira-t-on.
Moins en réalité qu'en apparence. Et
cela s'est bien vu, lorsqu'il a fallu
prendre des décisions.
Il n'y a guère eu de -discussion que
sur des points de détail ; sur les ques-
tions de principe, on était d'accord.
Parce que ces républicains si divers
d'origine et de tendances, se rendent
bien compte qu'ils ont, avant tout,
un ennemi commun à combattre,
à vaincre. Cet ennemi, c'est le clérica-
lisme; ou, pour parler mieux encore,
c'est l'Eglise, c'est le pauvoir théo-
cratiqae.
***
Ils savent, tous ces républicains,
que l'homme ne sera vraiment libre
que lorsque l'Eglise aura cessé d'op-
primer les consciences.
Tous, ou presque tous, ont dû, arri-
vés à l'âge d'homme, se libérer, au
prix d'un effort parfois rude, de l'édu-
cation religieuse qu'enfants ils avaient
subie ; affranchis eux-mêmes, ils
voient autour d'eux tous ceux qui sont
demeurés dans la servitude ; c'est le
sentiment de la solidarité humaine qui
les jette à l'action ; ils veulent arra-
cher à la corruptrice influence cléri-
cale les enfants et les femmes; ils pen-
sent, et ils ont raison de penser que
tant que les prêtres gouverneront les
enfants et les femmes, les prêtres se-
ront les maîtres des hommes.
Tel est le lien qui les unit.
En parfaite communion d'idées
quant, au moins, au but immédiat à
atteindre, ils marchent au combat à
rangs serrés. Sus à l'ennemi!
L'ennemi, c'est le prêtre ; c'est
l'homme qui enseigne aux ignorants le
mensonge et l'erreur.
La ligue d'action laïque se propose
un double dessein : d'abord, procurer
aux groupements déjà existants des
orateurs, des conférenciers qui vien-
dront porter la bonne parole et faire
cette besogne si utile qui consiste à
exposer en un langage précis les idées
que chacun a,plus ou moins confuses,
en lui, mais que souvent il est hors
d'état de formuler; et puis aider de
tout son pouvoir à la formatidn de
groupements laïques là où il n'en
existe pas encore. Point de besogne
plus urgente.
Cette erreur et ce mensonge dont je
parlais tout à l'heure sont enseignés
dans les plus humbles villages ; par-
tout où il y a une église, une chaire
se trouve d'où tombent sur la foule
des paroles de superstition; il faut
que, partout, se dresse, en face, la tri-
bune de vérité et de lumière, et que,
devant la boutique où l'on débite la
morale religieuse, si immorale, si at-
tentatoire aux droits de l'être hu-
, main, s'ouvre la salle de réunion où
sera proclamée la morale de l'avenir,
la morale altruiste, la morale laïque,
celle qui dit aux hommes : - Ne vous
résignez pas, ne vous courbez pas
humblement dans l'espérance vaine de
félicités posthumes ; révoltez-vous, au
contraire, contre toutes les iniquités,
contre la souffrance, contre la misère,
contre le mal sous toutes ses formes,
contre l'ignorance, source de tous les'
maux ; et travaillez à faire de vos
mains votre bonheur et celui des gé-
nérations futures.
***
Certes! l'œuvre d'émancipation mar-
che à pas de géant; le temps n'est plus
où nulle contradiction n'osait s'élever
contre la parole du prêtre, où toutes
les forces sociales condamnaient au
respect de cette parole empoisonnée ;
le peuple qui, aujourd'hui, sait lire,
apprend tous les jours davantage à
penser et veut grandir sans cesse en
science, ce qui est le salut ; à l'heure
où nous sommes, les insti tu lions d'ins-
truction populaire, jeunesses laïques,
amicales d'anciens élèves, universités
populaires, coopérations des idées, cer-
cles d'études, se sont si merveilleuse-
ment multipliées qu'elles couvrent le
territoire de la République d'un im-
mense rayonnement ; mais on se trom-
perait pourtant si l'on croyait qu'il n'y
a plus rien à faire, que le moment est
venu de se croiser les bras en regar-
dant le blé pousser.
Il y a toujours quelque chose à faire,
la recherche passionnée du mieux
étant une loi à laquelle nul net saurait
se soustraire ; et à ce blé qui pousse,
dru et superbe, se mêlent de mauvai-
ses herbes qui tueraient la moisson si
on les laissait vivre, qu'il faut arra-
cher impitoyablement.
Allez dans les campagnes, vous serez
effrayés de la puissance dont le prêtre
dispose encore. L'homme est républi-
cain,oui ; maisle prêtre tient la femme,
et c'est par elle qu'il agit sur l'homme,
et parvient souvent à faite chanceler
sa volonté. Qui voit cela de près se
rend compte de l'énorme travail qu'il
y a à accomplir encore pour arriver à
la libération complète, à l'époque où
les églises désertées tomberont en rui-
nes, où le dédain public laissera croî-
tre l'herbe, dans les pavés, autour
d'elles. -
J'ai été heureux de m'associer à l'ef-
fort voulu par ceux qui ont tenu ce
congrès des Jeunesses et groupements
laïques du Sud-Ouest. Quel républi-
cain refuserait de collaborer à l'œuvre
commune? Le concours de tous est
dû, puisque les résultats sont pour
tous.
Travaillons, afin que sur cette terre
où si longtemps l'ignorance a régné en
souveraine exécrable, grandisse, pous-
sant vers le ciel ses rameaux couverts
de fruits, cet arbre de la science, de la
vérité, de la raison, qui doit un jour
abriter l'humanité tout entière sous
son feuillage plein de chants d'oi-
seaux.
Lucien Victor-Meunier.
DU VENT
Ne cherchez pas ce que signi-
fie l'ordre du jour que la Cham-
bre a voté hier par 427 voix con-
tre 95. Tout le monde, ou pres-
que., a ainsi approuvé la mesure
prise - par le gouvernement, sans
savoir d une façon exacte en quoi consiste
cette mesure.
Hubbard, M. Maurice Allard, J.-L. de
Lanessan, moi-môme, et quelques républi-
cains, radicaux-socialistes ou socialistes-
révolutionnaires, ennemis des situations
équivoques, nous avons fait le possible
pour amener M. Combes à prononcer une
parole tant soit peu nette, à prendre un
engagement tant soit peu ferme d'appli-
quer le programme laïque du parti répu-
blicain.
L'ouvrage que nous faisions, d'un côté,
était défait avec un soin extrême, de l'au-
tre côté, par les socialistes du groupe Jau-
rès.
M. Briand n'a pas eu trop de tout son
talent pour Iendre acceptable la thèse op-
portuniste nécessaire pour couvrir vague-
ment le recul du parti démocratique.
Car, ne nous bouchons pas les yeux pour
ne point voir : c'est une véritable capitu-
lation qu'a signée le parti républicain. Il
'a renié le principe de la séparation des
Eglises et de l'Etat,, à l'heure où le pape
lui-même lui offrait une merveilleuse oc-
casion de dénoncer le Concordat.
Ceux qui n'ont pas admis une pareil!e
défaillance se sont comptés sur l'ordre du
jour Allar. Nous n'avons été que 146 à ré-
clamer la rupture avec Rome.
Quelle misère ! M. Ribot s'est rmusé
tant qu'il a voulu —et M. Ribot a, hélas,
beaucoup d'esprit - des nouvelles façons
des socialistes parlementaires. Il a prouvé,
textes en mains, queM. Briand était le plus
intelligent disciple de M. Thiers.
A1. Ribot, avec tous ses amis, a voté,
naturellement, les félicitations à M. Com-
bes.
L'anticléricalisme du gouvernement ap-
prouvé, estampillé, recommandé par le
Centre! Spectacle attristant pour les so-
cialistes qui n'abandonnent rien de leurs
idées traditionnelles, ainsi que pour les ra-
dicaux dits « dissidents » et traités de « dé-
fectionnaires ».
On nous avait promis des spectacles
moins choquants, et l'œuvre laïque de M.
Combes devait émerveiller le monde. C'est
toujours l'histoire de la montagne en tra-
vail. Qu'en sort-il souvçat?1 Du vent.! —
Ch. Bt
DES ESPIONS PARTOUT
Une manie. — Comme en 1870. —
L'Allemand du faubourg Mont-
martre. - Espions nationalis-
tes ? Le bal des uhlans
Les bêlises vont-elles recommencer? Al-
lons-nous céder à cette folie contagieuse, née
des catastrophes de l'année terrible, qui nous
portait à expliquer les revers de nos armes,
non à la criminelle imprévoyance de l'empire,
mais aux subtiles et romanesques intrigues
de l'Espion, C9 personnage de l'Ambigu? Que
de ténébreuses affaires depuis quelque temps !
Je ne crois pas du tout au danger des trahi-
sons qu'on nous dénonce au son des trom-
pettes déchainées à l'orchestre dans un oura-
gan tou>. wagnérien. Si le crime est démontré,
il me semble à peu près inutile. On aura beau
acheter tous les plans enfermés dans les ar-
moires de fer de la Défense nationale ou dé-
posés chez les notaires, suivant la formule,
jL'ien ne prévaudra, à l'heure tragique, contra
la calme bravoura des soidats-citoyens réso-
lus à repousser l'envahisseur et l'habileté des
chefs sincèrement dévoués à la République. La
seule trahison qui ait compté en 1870, celle de
Bazaine, s'est accomplie au grand jour, et dans
un intérêt dynastique.
Elles n'en sont pas moins à retenir, ces ma-
nifestations alarmistes qui se multiplient com-
me à un signal donné, parce qu'elles parlent
généralement d'un bon naturel et révèlent un
état d'âme digne de l'âge d'or. Elles aboutis-
sent parfois à des constatations ahurissantes.
Plus ça change, plus c'est la même chose. Millet
n'a-t-il pas été arrêté trois fois à Cherbourg.
en 1871, sous l'inculpation d'espionnage? La
figure de l'auteur de Y Angélus ne revenait pas
aux gabelous. Ne fallut-il pas, un peu plus
tard, l'intervention d'un ministre pour arra-
cher à la gendarmerie départementale un pié-
ton poudreux, qui s'obstinait à voyager sans
motif sérieux, pour .son plaisir ? C'était un
membre de l'Institut.
Liés baleines suspectes
Récemment, le quartier du faubourg Mont-
martre, que le nationalisme a presque mis sur
le pied de guerre, où l'on veille, par consé-
quent, avec plus de sévérité qu'ailleurs, surles
« sourdes menées de l'ennemi héréditaire »,
s'était ému des allures discrètes d'un paisible
allemand, qui avait eu le mauvais goût de ne
raconter à personne, pas même à son con-
cierge, ce qu'il faisait, comment il se débat-
tait avec l'existence. Evidemment, cet homme
tramait quelque chose. Il habitait un pavillon
isolé au fond d'une cour, recevait régulière-
ment une série de petites boîtes énigmatiques,
ficelées avec soin, et, circonstance aggravante,
prenait parfois le chemin de fer pour aller au
delà de la frontière de l'Est.
En 1830, on eût conclu, comme dans un ro-
man célèbre : ce doit être un vampire. L'opi-
nion se traduisit par une autre formule tout
aussi vraisemblable : c'est un espion. Le soir,
si le ménage d'outre-Rhin ouvrait ses fenê-
tres pour humer un semblant d'air frais, aus-
sitôt le voisinage était aux aguets, lorgnettes
en main, cherchant -à pcnétrjr la mysièca—da
cet intérieur bien gardé.
Naturellement, les dénonciations jaillirent
de la situation ; la Sûreté générale, avertie,
ordonna une enquête. Les allées et venues de
M. X. furent observées, les petites boites,
receleuses de documents formidables, inter-
ceptées, ouvertes. On y trouva des échantil-
Ions de baleines de corset proclamées incas-
sables par les prospectus. Dispensez-moi de la
réclame. M. X. était un simple courtier,
opérant pour le compte d'une maison alle-
mande. Le quartier respira. Encore une fois,
la France était sauvée.
Un dossier oublié
Que d'antres secrets « pleins d'horreur »
dorment leur bon sommeil dans les cartons
do la guerre, da la marine et de l'intérieur !
Vers la fin de l'empire, une famille allemande
ardemment catholique, était venue s'établir
dans une petite ville appartenant à un dépar-
tement-frontière et y avait fondé une industrie
un instant prospère. Elle réussit à s'allier à la
bourgeoisie bien pensante du pays. Mais la
guerre éclata et les immigrants sa trouvèrent
en fâcheuse posture, campés en ennemis au
milieu d'une population républicaine,patriote,
prompte e,u soupçon, surexcitée par la sensa-
tion aiguë des défaites imméritées. Il se passa
là un de ces drames obscurs qui rappellent la
déchirante situation misa en scène par M.
René Bazin dans ses Oberlé.
L'ainé des fils était lieutenant de la landwher;
il rejoignit son corps, revint en vainqueur, 11t
le coup de feu contre ses hôtes, ses amis, ses
parents. On le vit parader sur son cheval, sous
l'uniforme maudit, au chef-lieu du départe-
ment, où il tint garnison jusqu'au payement
des milliards. Son frère cadet préféra déser-
ter. La loi du plus fort ayant triomphé, tous
deux so remirent à la tête de leur industrie,
rouvrirent leur fabrique. Mais ils se sentaient
enveloppés d'une atmosphère d'hostilité. On se
taisait sur leur passage, une méliance instinc-
tive accueillait leurs moindres démarches.
Leurs affaires périclitèrent; l'aîné, l'officier
allemand, qui avait seul la signature, perdit
la tète, s'alita, s'éteignit dans l'indigence. Son
frère fut plus heureux, il remonta la côte, se
fiL naturaliser. Il est aujourd'hui riche, con-
sidéré ; membre influent d'une société natio-
naliste.
La Sûreté générale possède, sur les deux
frères, un dossier bien curieux, qui manqua
de sanction faute de prouves convaincantes.
Affolé, poussé à bout, à doux doigts de la
faillite et de la misère, l'ex officier de Guil-
laume fut accusé d'avoir offert ses services à
l'éiat-major de Berlin et essayé d'organiser
une inspection occulte de nos forts. Les dan-
gereuses communications passaient, dit-on,
sous le couvert d'uno correspondance com-
merciale adressée à un commissionnaire de la
place. Le commissaire spécial s'élança avec ar-
deur sur cette piste, parvint à réunir des in-
dices alléchants, mais ne put surprendre le
flagrant délit, peut-être parce qu'il ne dispo-
sait pas d'un crédit suffisant pour agir avec la
rapidité nécessaire. On le fit changer d'air,
afin de lui apprendre cette belle égalité d'âme
qui est le fond de la philosophie administra-
tive. Il est aujourd'hui, je crois, dans-l'Ouest,
aux prises avec les chouans.
Faust et Marguerite
Il paraît, du reste, que les bons Allemands
de Paris ont, en tous temps, aimé à danser
sur un volcan. A la veille de l'incident Hohen-
zollern,ilb se réunissaient au Tambour-Major,
rue Croix-Nivert, une sorte de musette popu-
laire tenue par un brave alsacien du nom de
Kocb. Là, soldats de M. de Moltke et futurs
annexés fraternisaient avec une spontanéité
qu'Alfred Delvau a pittoresquoment décrite
dans ses Cythères parisiennes. Certains soirs,
la musette se transformait en goguette, et l'on
chaulait les mélopées plaintives d'Alsace, les
ballades d'Outre-Rhin.
La légende du Veau capitaine de uhldns —
ancêtre de Tartarin peut-être — y obtenait
un succès délirant. Fritz ne savait comment
résister aux brûlantes obsessions des lavan-
dières énamourées. Il coupe ses longues mous-
taches dorées, rase sa barbe do fleuve ; l'en-
thousiasme persiste, ©ûYahiïSiût, Alors, il
*
prend un parti héroïque, il épouse l'une de ses
amoureuses et, aussitôt, comme par magie,
cesse le troublant pourchas.
Après le traité de Francfort, la colonie ger-
manique se sépara nettement de la colonie al-
acienne. Faust reprit la scène du jardin avec
sles Marguerite de rencontre dans un autre
établissement chorégraphique de la rive
droite. Pas chères les entrées : 25 centimes.
Chaque danse se payait aussi 25 centimes. Par
exemple, on n'arrosait plus de vin à la fran-
çaise les vergiss-mein-nicht d'antan. Après
Bazeilles, la chanson du Beau Frits, qui son-
nait si franc jadis, eût semblé d'une ironie
macabre. Clientèle mêlée : des ouvriers maro-
quiniers, des tailleurs, des domestiques, quel-
ques Gretchen en rupture de cordon-bleu.
- - A cette cohue se mêlaient parfois des person-
nages d'allure louche, à l'état-civil ondoyant
et divers baronnes de stations thermales, com-
tesses dfs quatre chemins, princes de table
d'hôte. Ces nobles passants venaient chercher
dans ce milieu sordide des émotions et des
combinaisons, car ils menaient de front la po-
litique et la galanterie.
Mais Marguerite eut beau effeuiller son
linge en compagnie des Faust casqués de la
prochaine, elle ne put rappeler le succès éva-
noui. Le bal dut fermer ses portes.
Le bal des uhlans, comme on disait dans le
quartier. Et cette légende seule est restée de
ce célèbre rendoz-vous de noble compagnie.Qui
s'en souvient ?
NOEL AMAUDRU.
VOIR A L.A. 3* PAGE
LES DERNIÈRES DËP JCHES
DE L4 NUrr-
et la HEVUE des JOURNAUX
du MATIN
MACHINE A BÉNIR
En réalité, qu'est-ce qu'un pape, sinon une
machine à bénir ou à excommunier ? Un pape
bénit du matin au soir, on gros et en détail,
tout ce que l'on voudra, êtres ou objets, pour-
vu qu'on y mette le prix. Comme, à notre
époque, l'excommunication n'est plus qu'une
vaine formule sans sanction réelle et ne peut
plus servir à dépouiller les incrédules au pro-
o fit de la sainte Eglise, on lui préfère de beau-
coup la bénédiction qui reste d'un excellent
rendement.
Avec leur sens pratique des affaires et des
exigences modernes, les Américains viennent
d'utiliser cette machine à bénir, dans des cir-
constances peu banales.
Soyons fiers ! C'est un de nos confrères qui
a eu cette idée géniale. Voici, en effet, l'in-
formation que nous communiquait, l'autre
jour, la Presse associée :
Le système des primes gratuites qui a sévi ces
temps derniers sur les journaux parisiens vient
d'être déposé à Bucnos-Ayres.sur le Diario, grand
Journal catholique argentin. La prime consiste
dans la bénédiction du pape, transmise télégraphi-
quement par les soins du correspondant spécial du
Diario en Italie, lequel l'a reçue directement à
cet effet de PieJX, dans l'audience particulière qu'il
ant l'hnnaaqE-ii'aa obtenir. -
Enfoncées, toutes les Croix de France et de
Navarre! Quelle prime pourra jamais égaler la
bénédiction de celui qui est le représentant de
Dieu sur ia terre, qui lie et qui délie au nom
du Christ, et qui, par conséquent, peut, d'un
seul mot, vous envoyer, pour l'éternité, jouer
de la harpe au ciel, ou rissoler dans la mar-
mite satanique ? -
Qui hésitera, ne fût-ce qu'une seconde, entre
un réveille-matin, une demi-douzaine de cuil-
lers à café, et la bénédiction de Sarto ? Per-
sonne; pas même les mécréants comme vous
et moi, car nous possédons, enfin, l'occasion
extraordinairement unique de pouvoir aller au
ciel nous promener en compagnie des Chéru
bins, des Séraphins, des Trônes et des Domi-
nations, sans avoir besoin,pour cela, de chan-
ger notre modus vivendi, d'adopter des croyan-
ces qui nous semblent absurdes ou d'exécuter
dos simagrées qui nous répugnent,
Je ne sais combien coùte l'abonnement au
Diario, mais je vais me dépêcher d'en prendre
un, même si l'on ne veut m'accorder aucune
diminution on qualité de confrère ; je passerai
sur tout, mais j'exigerai qu'on m'envoie sans
retard la bénédiction télégraphique du Saint-
Père.
Une fo!s ma bénédiction en poche, il ne me
restera plus la moindre appréhension sur
l'éternité. La vie future, qu'on nous dépeint
comme ayant tant d'analogie avec celle-ci,
me paraissait aussi peu désirable que peu fo-
lâtre, étant donné surtout sa longueur inter-
minable : il me semble, à présent, que je
pourrai la supporter. Quand j'en aurai assez
de roucouler,au ciel,avec les vierges-martyres,
je descendrai faire un tour dans l'enfer avec
tous les gens d'esprit qu'on a mis au tourne-
broche à perpétuité. Quand la fantaisie me
reprendra de chanter des cantiques, je remon-
terai au ciel. Le moyen à saint Pierre de m'en
refuser l'entrée, lorsque que je lui présenterai
la bénédiction télégraphique de son succes-
seur ?
Et je ferai ainsi, tant qu'il me plaira, la
navette entre le ciel et l'enfer.
Il est probable que,grâce à l'immense publi-
cité du Rappel et du Diario, nombre de pro-
testants, de juifs, de bouddhistes et de libras-
penseurs, vont user de ce stratagème, et, si
l'on s'embête encore sur terre, du moins, l'on
ne s'embêtera plus pendant l'éternité.
G. DE VORNEY;
LES PANGERMANISTES
(De notre correspondant particulier.}
Leipzig, 27 mai.
Le dernier congrès des Pangermanistes, qui
a siégé à Cassel, sous la présidence d'un an-
cion diplomate, M. von Braunschweig, mé-
rite quelque attention, car il relève un coin
du voila qui cache les agissements de cette
ligue à l'étranger. Du compte rendu, il res-
sort que des sommes assez considérables ont
été dépensées pour la propagande germaniste
en Hongrie, en Galicia, en Bohême, en Mora-
vie, en Styrie, en Tyrol.
11 paraît que la ligue concentre tous ses ef-
forts sur l'Autriche-Hongrie et laisse pour le
moment en paix les provinces baltiques de la
Russie.
Cependant, les pangermanistes ne négligent
pas le Nouveau-Monde et particulièrement
l'Amériquo du Sui, Dans cette dernière partie
du globe, ils ont dépensé 30.000 francs pour
leur propagande. Ce sont le Brésil et la Répu-
blique Argentine surtout qui ont été l'objet
particulier de leur convoitise.
LA GRÈVE DES COCHERS A LONDRES
IDe noire correspondant particulier.]
Londres, 27 mai.
Les cochers de fiacre de Londres se prépa-
rent à une grande grève. Dans une réunion
tenue sous la présidence de M. Michaels, le
président de leur chambre syndicale, ils ont
décidé de demander une réduction de la taxe
quotidienne qu'ils sont obligés de payer au
propriétaire de la voilure. Dans le cas d'un re-
fus 4,000 cochers se'mettront ed grève.
Li nat » Il Jptii Mitait
LES INTERPELLATIONS SUR LE RAPPEL DE M. NISARD
Ceux qui réclament la dénonciation du Concordat. — Quel es
le sens de la mesure gouvernementale ? — Sanction -
insuffisante et provisoire. — Socialistes contents
de peu. — Une majorité inattendue. -
M. Ribot et M. Jaurès ensemble.
M. Henri Brisson préside cette rude
séance.
Sans perdre de temps, on valide M. Rau-
line, élu député de Saint-Lô.
Tout de suite après, le président donne
la parole à M. Paul Meunier, pour dévelop-
per son interpellation relative au rappel de
l'ambassadeur auprès du Saint-Siège.
M. Lasies, qui veut s'expliquer sur une
motion d'ajournement,a une première dis-
cussion avec le président qui maintient la
parole à M. Paul Meunier.
Celui-ci expose la question avec assez de
fermeté.
M. Paul Meunier. — L'incident ne peut
avoir qu'une conclusion : c'est la suppression,
je ne dis pas de l'ambassadeur, mais de l'am-
bassade auprès du Vatican, et la cessation de
nos rapports avec le nonce, dont la présence à
Paris n'a plus d'objet, neur reprendra les ter-
mes qu'employait naguère M. le ministre des
affaires étrangères à propos de l'ambassadeur
de Turquie. (Très bien ! très bien ! à l'extrême
gauche et sur divers bancs à gauche.)
Il me sembla que l'heure est venue de mettre
notre politique extérieure on accord avec notre
politique intérieure. M. Clemenceau, l'un des
guides les plus sûrs de la majorité républicaine
dans l'autre assemblée, a déclaré que jamais
plus belle occasion ne se rencontrerait pour
briser les dernières chaînes qui nous ratta-
chent à Rome, il ne faut pas qu'on puisse dire
de nous que nous n'avons vécu de l'anticléri-
calisme que pour ajourner sans cesse la solu-
tion de la question qui depuis plus de trente
ans, figure à la première ligne du programme
républicain ! (Très bien ! très bien! à l'extrême
gauche et sur divers bancs à gauche.)
Que le gouvernement parle et se mette réso-
lument à la tête de sa majorité; il sera
suivi. Un illustre penseur vous l'a dit avant
moi, pour vous défendre contre votre adver-
saire, vous avez une force que les gouverne-
ments monarchiques n'avaient pas : le senti-
ment populaire (Applaudissements sur les
mêmes bines,) force irrésistible, force im-
mense à laquelle rien ne résiste dans une dé-
mocratie ! Li peuple est avec vous ; demandez-
lui des armes : il vous les donnera. (Vifs
applaudissements à gauche et à l'extrême
gauche.)
Incident Lasiea
M. Lasies parvient à s'installera la tri
bune pour développer sa motion d'ajour-
nement. Mais il a déposé un véritable ordre
du jour déguisé en projet de résolution.
Aussi le président est-il plusieurs fois force
de le rappeler à la question.
M. Lasies dit soudain à M. Henri Bris-
son :
— Vous savez bien que je resterai ici
quand même 1.
Le président proteste énergiquement
contre ce langage. Il ouvre le livre du rè-
glement.
M. Lasies, avant de retourner à son
banc achève cependant d'exposer ses ar-
guments.
M. Lasies. — En discutant solennellement
ici sur une indiscrétion diplomatique, nous
créons un précédent dangereux, dont la France
pourratt être un jour une victime.
Vous vous prétendez, à gauche, les gardiens
fidèles et jaloux des prérogatives françaises
en face de l'étranger ; vous avez du courage
contre le pape. Vous allez dire si votre, indi-
gnation sait se généraliser. Comme vous, nous
ne voulons pas de l'ingérence du Vatican dans
nos affaires intérieures. Nous déclarons que,
comme vous, nous ne cherchons pas notre mot
d'ordre à Rome ; vous allez prouver,par votre
vote, que vous n'allez le chercher ni à Genève
ni à Berlin. (Applaudissements à droite.)
M. le président. — Je mets aux voix l'a-
journement et non pas la motion qui est un
véritable ordre du jour. (Très bien ! très bien!
à gauche.)
L'ajournement est repousse.
Discours de G. Habuard
Notre ami Hubbard prononce un beau et
courageux discours. Sa parole sincère et
vigoureuse, son aisance d'orateur, sa pro-
fonde connaissance des questions laïques
et desquestions internationales font grande
impression sur la Chambre.
M. Hubbard. — Je dis quo garder le si-
lence sur la note pontificale au moment de la
lutte que la majorité soutient contre les con-
grégations, c'est ne pas fournir au parti les
armea dont il a besoin, et jo demande qu'on
ne renouvelle pas cette faute. (Très bien!
très bien! sur un grand nombre de bancs à
gauche.) ---.
Les conditions mèmes, très pittoresques, ail
départ de notre ambassadeur M. Nisard, préci-
sent bien la situation. (Interruptions.) Il était
accompagné du cardinal Mathieu, qui sur le
quai de la gare lui cria devant tout le monde :
Au revoir! à bientôt! tandis que notre ambas-
sadeur près la cour d'Italie, M. Barrère, disait
au voyageur un adieu énergique et courtois.
Dans la foule, un citoyen romain a tiré la mo-
rale populaire do l'incident en criant : Vive la
France! A bas le Vatican! C'est le cri qui re-
tentit partout en Italie, parce que l'on consi-
dère io départ de l'ambassadeur comme un dé-
part définitif.
Il faut. en effet, que ce congé soit définitif
et qu'il n'y ait aucune équivoque. Nous atten-
dons à ce sujet des déclarations très nettes. Le
nonce ne cache pas sa manière de voir. Il dit
à ses amis et fait répéter dans la presse, selon
les procédés très modernes de quelques diplo-
mates d'aujourd'hui, que M. Nisard reviendra;
que quant à lui, le nonce, il est bien décidé à
ne pas répondré aux provocations et à rester à
son poste, quoi qu'on fasse. (Mouvements di-
vers.)
La papauté tient au Concordat. Jusqu'ici let
gouvernements en France semblaient aussi y
tenir, comme à une arme dè précision très
précieuse. -Cependant, M. le président du con-
seil, au Sénat, en mars 1903, répondant à M.
Delpech, qui demandait la suppression »du
budget des cultes, constatait en quelques li-
gnes très courtes que le clergé catholique sa
livrait aux incursions les plus téméraires dans
le domaine civil et politique.
« Il"csl temps, ajoutait-i!, que ces incursions
sur le terrain ahticoncordatàire Cessent; le
maintien du Concordat est à ce prix.
Eh bien, la papauté n'a-t-elle pas montrt
qu'elle restait la puissance politique ayant le
prétention d'intervenir dans nos affaires? De-
puis le 28 avril vous avez la note dans laquelle.
le pape prétend traiter d'offense la visite faite
par le Président de la République au Quirinal;
vous no pouvez dès lors laisser plus longtemps
en suspens votre appréciation sur le maintien
du Concordat.
Je demande qu'on nous dise nettement ce
que signifie le rappel de notre ambassadeur.
La question de la séparation de l'Eglisa et dt
l'Etat est en dehors ; elle viendra à sfln heure.
(Interruptions à droite.)
Je suis convaincu que le rappel de notre,
ambassadeur ouvre une ère nouvelle, que M,
le président du conseil le caractérisera ainsi,
pour permettre a la majorité d'accéder par
étapes successives à la séparation des Eglisoi
et de l'Etat.
P s d'équivoques ! Notre politique veut de
la clarté! Je demande à M. le président du
conseil et à M. le ministre des affaires étran-
gères de nous dire que c'est la rupture des re-
lations diplomatiques qui a été consommée.
(Très bien ! très bien 1 à l'extrême gauche et à
gauche.)
Des applaudissements répétés remer-
cient G. Hubbard d'avoir si bien dit ce qua
pensent tous les radiéaux et les socialistes
sincères.
Discours de M. Allard
M. Maurice Allàrd est un de ces socialis-
tes qui n'admettent pas les amputajtiona
qu'on veut faire subir, non seulement ait
programme de leur parti, mais au pro-
gramme républicain lui-même. Il prononce
un discours très nerveux et qui paraît dé-
plaire également aux droitiers et à certain.
ministériels trop exclusifs.
M. Allard. — Si je no vous demande pat
la séparation do l'Eglise et de l'Etat, je vous
demande les actes qui peuvent dès aujouiN
d'hui rendre nécessaire pour demain cette sé-
paration, et ces actes sont la suppression com-
plèts de tout rapport avec le Vatican, la dé-
nonciation du Concordat.
Je ne comprendrais pas qu'un républicain
reculât; je ne comprends même pas que M. le
président du conseil n'ait pas pris l'initiative
de ces mesures. S'H n~'a paa fait, c'est sant
doute qu'il a craint de ne pas être suivi par It
majorité de gauche. Je suis au contraire con-
vaincu qu'il eût été suivi. Et s'il ne l'avait pas
été, qu'importe ?
Il y a des circonstances où, lorsqu'on jouit
de la popularité que vous avez, monsieur U
président du conseil, on peut risquer son por-
tefeuille. Votre chute, par l'agitation qu'elle
eût créée, eût rendu cent fois plus de services
à la cause de la libre-pensée que la conserva.-
tion de votre portefeuille à certaines condi-
tions. (Très bien ! très bien 1 à l'extrême gau-
che.)
Vous avez eu. peut-être une autre raisoir
pour ne pas prendra de mesure décisLve. Il 86
peut que vous ne soyez pas personnellement
partisan de la séparation de l'Eglise et dl,
l'Etat. En vertu delà doctrine spiritualiste que
vous exposiez nïguère à cette tribune, voui
hésitez sans doute à proposer une séparation
qui solon vous serait de nature à froisser un
grand nombre de consciences françaises. Pour
moi, j'estime que cette considération n'aurait
pas dû vous arrêter.
Je demande à M. le président du conseil et
à M. le ministre des affaires étrangères de no
pas traiter la papauté plus sérieusement que
Léon X la traitait lui-même. Pensez-y, - et
ici' je m'adresse aux républicains, — si vous
acceptez le caractère divin de la papauté, vous
n'avez aucune raison de ne pas accepter le ca.,
ractère divin de la monarchie. Si vous êtes
vraiment des républicains, vous devez rompre
avec la papauté comme vous avez rompu avec
la monarchie.
En réalité, vous n'aurez pas do République
véritable, si vous ne jetez de côté tous les dé-
combres du passé, si vous ne rompez avec la
reconnaissance d'une religion quelconque et
avec la domination du capital.
Je ne vous demande pas d'appliquer nos doc-
trines, bien que je sois convaincu que la Ré-
publique ne sera intégrale qu'après l'avéne-
ment du socialisme (mouvements divers); mais
je vous demande de nous donner, par la rup-
ture avec la papauté, tout ce que vous pouvez
nous donner de République.
Ce que nous demandons, c'est la rupture
immédiate des relations avec la papauté, Ir
promesse de supprimer dans le prochain bud-
get les crédits de l'ambassade du Vatican, en"
fin la dénonciation du Concordat. (Applaudis-
sements à l'extrême gauche.)
Qu'avez-vous fait? Ce que M. Méline lui-*
même aurait fait. (Applaudissements ironi
ques au centre et à droite.) Je ne suis pal
étonné de voir aujourd'hui M. Barthou, an-
cien ministre du cabinet Méline, accepter vo-
tre solution; car c'est lui qui l'a dictée ao.
bloc.
Je vous demande de secouer cette tutelle
d'anciens ministres et d'agir contre la papauté
avec des moyens eflicaces, c'est-à-dire de sup-
primer toute relationentte la papauté et la
République et de dénoncer le Concordat.
Si vous ne faites pas cela, monsieur le pré-
sident du conseil, c'est la faillite de votre po-
litique soi-disant anticléricale.Si vous ne pre-
nez pas une attitude plus énergique, demain,
votre bloc s'effritera et tombera en poussière;
car alors il n'aura plus pour ciment ce qu'il a
eu jusqu'à présent : la confiance, l'estime et la
sympathie des populations. (Applaudissements
à gauche.)
M. Gayraud parle ensuite pendant une
bonne heure. C'est un orateur, de tout re-
pos. La majeure partie des députés s'of-
frent à cette occasion une petite prame'
nade dans les couloirs. -
M. Gayraud. — Nous ne désirons pas la
séparation, non pas principalement en consi-
dération des intérêts de l'Eglise, mais surtout
en considération des intérêts do la France. Si
le gouvernementpoursuit unsecretdessein,qu'il
'e dise.Qu'il prouve au pays par des paroles sin-
cères que ce qu'il no craint pas par dessus
tout, c'est la liberté de l'Eglise et l'indépen-
dance du clergé. (Applaudissements à droite.)
Réponse de M. Delcassé
On rentre pour écouter la réponse de AL.'
Delcassé aux interpellateara.
Le Numéro CINQ CENTIMES
ANNONCES
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De 4 à 8 heures du soir et de 10 heures du soir à 1 heure du matm
N. 12497. — Dimanche 29 Mai 10O4
9 PRAIRIAL AN 112
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Adraser lettres et mandats à l'Administrateur
NOS LEAD ERS
Jnn lalijn
Un congrès des Jeunesses et groupe-
ments laïques du Sud-Ouest vient de
se tenir à Bordeaux. C'est la première
fois qu'une démonstration de ce genre
se produit dans cette région où, je ne
ne dirai pas les idées, mais les habitu-
des religieuses ont encore tant de
force.
Les organisateurs ont bien voulu se
souvenir qu'en novembre 1902, à
Paris, j'ai présidé la séance inaugurale
du premier congrès des Jeunesses laï-
ques; ils m'ont fait le grand honneur
de m'inviter à présider leurs travaux;
il va sans dire que je me suis rendu
avec empressement à leur invitation
cordiale.
Et ç'a été pour moi un réconfortant
plaisir que d'entendre plus de cent
délégués, venus de tous les points de
la région, échanger et discuter bril-
lamment leurs idées.
De leurs délibérations est née la « Li -
gue d'action laïque du Sud-Ouest», en-
core,assurément,à l'état embryonnaire,
mais qui devra être constituée défini-
tivement d'ici le premier juillet, et sur
laquelle on peut fonder de sérieuses
espérances.
Il s'agit de relier entre elles des or-
ganisations éparses,isolées, qui s'igno-
rent mutuellement et qui, s'appuyant
les unes aux autres, deviendront une
force ; il s'agit de coordonner les bon-
nes volontés, Tes initiatives, et tout en
laissant, cela va de soi, à chaque grou-
pement son autonomie propre, de les
fédérer, de les réunir en faisceau ro-
buste.
Tel est le but visé.
Quant aux initiateurs de l'œuvre en-
treprise, ce sont des instituteurs, des
professeurs de l'enseignement secon-
daire, des intellectuels de toutes caté-
gories, étudiants, docteurs, et aussi
des ouvriers ; ceux-ci tout jeunes,
ayant à peine aux joues roses leur pre-
mier duvet, ceux-là grisonnant, déjà
meurtris par la vie — mais qu'importe
l'âge, si le cœur, lui, est jeune, si le
sang reste chaud ? — et les uns, en
politique, sont ce qu'on appelle : des
radicaux de gouvernement, tandis que
les autres ne dissimulent point l'in-
transigeance de leurs convictions col-
lectivistes. Assemblage bien disparate,
dira-t-on.
Moins en réalité qu'en apparence. Et
cela s'est bien vu, lorsqu'il a fallu
prendre des décisions.
Il n'y a guère eu de -discussion que
sur des points de détail ; sur les ques-
tions de principe, on était d'accord.
Parce que ces républicains si divers
d'origine et de tendances, se rendent
bien compte qu'ils ont, avant tout,
un ennemi commun à combattre,
à vaincre. Cet ennemi, c'est le clérica-
lisme; ou, pour parler mieux encore,
c'est l'Eglise, c'est le pauvoir théo-
cratiqae.
***
Ils savent, tous ces républicains,
que l'homme ne sera vraiment libre
que lorsque l'Eglise aura cessé d'op-
primer les consciences.
Tous, ou presque tous, ont dû, arri-
vés à l'âge d'homme, se libérer, au
prix d'un effort parfois rude, de l'édu-
cation religieuse qu'enfants ils avaient
subie ; affranchis eux-mêmes, ils
voient autour d'eux tous ceux qui sont
demeurés dans la servitude ; c'est le
sentiment de la solidarité humaine qui
les jette à l'action ; ils veulent arra-
cher à la corruptrice influence cléri-
cale les enfants et les femmes; ils pen-
sent, et ils ont raison de penser que
tant que les prêtres gouverneront les
enfants et les femmes, les prêtres se-
ront les maîtres des hommes.
Tel est le lien qui les unit.
En parfaite communion d'idées
quant, au moins, au but immédiat à
atteindre, ils marchent au combat à
rangs serrés. Sus à l'ennemi!
L'ennemi, c'est le prêtre ; c'est
l'homme qui enseigne aux ignorants le
mensonge et l'erreur.
La ligue d'action laïque se propose
un double dessein : d'abord, procurer
aux groupements déjà existants des
orateurs, des conférenciers qui vien-
dront porter la bonne parole et faire
cette besogne si utile qui consiste à
exposer en un langage précis les idées
que chacun a,plus ou moins confuses,
en lui, mais que souvent il est hors
d'état de formuler; et puis aider de
tout son pouvoir à la formatidn de
groupements laïques là où il n'en
existe pas encore. Point de besogne
plus urgente.
Cette erreur et ce mensonge dont je
parlais tout à l'heure sont enseignés
dans les plus humbles villages ; par-
tout où il y a une église, une chaire
se trouve d'où tombent sur la foule
des paroles de superstition; il faut
que, partout, se dresse, en face, la tri-
bune de vérité et de lumière, et que,
devant la boutique où l'on débite la
morale religieuse, si immorale, si at-
tentatoire aux droits de l'être hu-
, main, s'ouvre la salle de réunion où
sera proclamée la morale de l'avenir,
la morale altruiste, la morale laïque,
celle qui dit aux hommes : - Ne vous
résignez pas, ne vous courbez pas
humblement dans l'espérance vaine de
félicités posthumes ; révoltez-vous, au
contraire, contre toutes les iniquités,
contre la souffrance, contre la misère,
contre le mal sous toutes ses formes,
contre l'ignorance, source de tous les'
maux ; et travaillez à faire de vos
mains votre bonheur et celui des gé-
nérations futures.
***
Certes! l'œuvre d'émancipation mar-
che à pas de géant; le temps n'est plus
où nulle contradiction n'osait s'élever
contre la parole du prêtre, où toutes
les forces sociales condamnaient au
respect de cette parole empoisonnée ;
le peuple qui, aujourd'hui, sait lire,
apprend tous les jours davantage à
penser et veut grandir sans cesse en
science, ce qui est le salut ; à l'heure
où nous sommes, les insti tu lions d'ins-
truction populaire, jeunesses laïques,
amicales d'anciens élèves, universités
populaires, coopérations des idées, cer-
cles d'études, se sont si merveilleuse-
ment multipliées qu'elles couvrent le
territoire de la République d'un im-
mense rayonnement ; mais on se trom-
perait pourtant si l'on croyait qu'il n'y
a plus rien à faire, que le moment est
venu de se croiser les bras en regar-
dant le blé pousser.
Il y a toujours quelque chose à faire,
la recherche passionnée du mieux
étant une loi à laquelle nul net saurait
se soustraire ; et à ce blé qui pousse,
dru et superbe, se mêlent de mauvai-
ses herbes qui tueraient la moisson si
on les laissait vivre, qu'il faut arra-
cher impitoyablement.
Allez dans les campagnes, vous serez
effrayés de la puissance dont le prêtre
dispose encore. L'homme est républi-
cain,oui ; maisle prêtre tient la femme,
et c'est par elle qu'il agit sur l'homme,
et parvient souvent à faite chanceler
sa volonté. Qui voit cela de près se
rend compte de l'énorme travail qu'il
y a à accomplir encore pour arriver à
la libération complète, à l'époque où
les églises désertées tomberont en rui-
nes, où le dédain public laissera croî-
tre l'herbe, dans les pavés, autour
d'elles. -
J'ai été heureux de m'associer à l'ef-
fort voulu par ceux qui ont tenu ce
congrès des Jeunesses et groupements
laïques du Sud-Ouest. Quel républi-
cain refuserait de collaborer à l'œuvre
commune? Le concours de tous est
dû, puisque les résultats sont pour
tous.
Travaillons, afin que sur cette terre
où si longtemps l'ignorance a régné en
souveraine exécrable, grandisse, pous-
sant vers le ciel ses rameaux couverts
de fruits, cet arbre de la science, de la
vérité, de la raison, qui doit un jour
abriter l'humanité tout entière sous
son feuillage plein de chants d'oi-
seaux.
Lucien Victor-Meunier.
DU VENT
Ne cherchez pas ce que signi-
fie l'ordre du jour que la Cham-
bre a voté hier par 427 voix con-
tre 95. Tout le monde, ou pres-
que., a ainsi approuvé la mesure
prise - par le gouvernement, sans
savoir d une façon exacte en quoi consiste
cette mesure.
Hubbard, M. Maurice Allard, J.-L. de
Lanessan, moi-môme, et quelques républi-
cains, radicaux-socialistes ou socialistes-
révolutionnaires, ennemis des situations
équivoques, nous avons fait le possible
pour amener M. Combes à prononcer une
parole tant soit peu nette, à prendre un
engagement tant soit peu ferme d'appli-
quer le programme laïque du parti répu-
blicain.
L'ouvrage que nous faisions, d'un côté,
était défait avec un soin extrême, de l'au-
tre côté, par les socialistes du groupe Jau-
rès.
M. Briand n'a pas eu trop de tout son
talent pour Iendre acceptable la thèse op-
portuniste nécessaire pour couvrir vague-
ment le recul du parti démocratique.
Car, ne nous bouchons pas les yeux pour
ne point voir : c'est une véritable capitu-
lation qu'a signée le parti républicain. Il
'a renié le principe de la séparation des
Eglises et de l'Etat,, à l'heure où le pape
lui-même lui offrait une merveilleuse oc-
casion de dénoncer le Concordat.
Ceux qui n'ont pas admis une pareil!e
défaillance se sont comptés sur l'ordre du
jour Allar. Nous n'avons été que 146 à ré-
clamer la rupture avec Rome.
Quelle misère ! M. Ribot s'est rmusé
tant qu'il a voulu —et M. Ribot a, hélas,
beaucoup d'esprit - des nouvelles façons
des socialistes parlementaires. Il a prouvé,
textes en mains, queM. Briand était le plus
intelligent disciple de M. Thiers.
A1. Ribot, avec tous ses amis, a voté,
naturellement, les félicitations à M. Com-
bes.
L'anticléricalisme du gouvernement ap-
prouvé, estampillé, recommandé par le
Centre! Spectacle attristant pour les so-
cialistes qui n'abandonnent rien de leurs
idées traditionnelles, ainsi que pour les ra-
dicaux dits « dissidents » et traités de « dé-
fectionnaires ».
On nous avait promis des spectacles
moins choquants, et l'œuvre laïque de M.
Combes devait émerveiller le monde. C'est
toujours l'histoire de la montagne en tra-
vail. Qu'en sort-il souvçat?1 Du vent.! —
Ch. Bt
DES ESPIONS PARTOUT
Une manie. — Comme en 1870. —
L'Allemand du faubourg Mont-
martre. - Espions nationalis-
tes ? Le bal des uhlans
Les bêlises vont-elles recommencer? Al-
lons-nous céder à cette folie contagieuse, née
des catastrophes de l'année terrible, qui nous
portait à expliquer les revers de nos armes,
non à la criminelle imprévoyance de l'empire,
mais aux subtiles et romanesques intrigues
de l'Espion, C9 personnage de l'Ambigu? Que
de ténébreuses affaires depuis quelque temps !
Je ne crois pas du tout au danger des trahi-
sons qu'on nous dénonce au son des trom-
pettes déchainées à l'orchestre dans un oura-
gan tou>. wagnérien. Si le crime est démontré,
il me semble à peu près inutile. On aura beau
acheter tous les plans enfermés dans les ar-
moires de fer de la Défense nationale ou dé-
posés chez les notaires, suivant la formule,
jL'ien ne prévaudra, à l'heure tragique, contra
la calme bravoura des soidats-citoyens réso-
lus à repousser l'envahisseur et l'habileté des
chefs sincèrement dévoués à la République. La
seule trahison qui ait compté en 1870, celle de
Bazaine, s'est accomplie au grand jour, et dans
un intérêt dynastique.
Elles n'en sont pas moins à retenir, ces ma-
nifestations alarmistes qui se multiplient com-
me à un signal donné, parce qu'elles parlent
généralement d'un bon naturel et révèlent un
état d'âme digne de l'âge d'or. Elles aboutis-
sent parfois à des constatations ahurissantes.
Plus ça change, plus c'est la même chose. Millet
n'a-t-il pas été arrêté trois fois à Cherbourg.
en 1871, sous l'inculpation d'espionnage? La
figure de l'auteur de Y Angélus ne revenait pas
aux gabelous. Ne fallut-il pas, un peu plus
tard, l'intervention d'un ministre pour arra-
cher à la gendarmerie départementale un pié-
ton poudreux, qui s'obstinait à voyager sans
motif sérieux, pour .son plaisir ? C'était un
membre de l'Institut.
Liés baleines suspectes
Récemment, le quartier du faubourg Mont-
martre, que le nationalisme a presque mis sur
le pied de guerre, où l'on veille, par consé-
quent, avec plus de sévérité qu'ailleurs, surles
« sourdes menées de l'ennemi héréditaire »,
s'était ému des allures discrètes d'un paisible
allemand, qui avait eu le mauvais goût de ne
raconter à personne, pas même à son con-
cierge, ce qu'il faisait, comment il se débat-
tait avec l'existence. Evidemment, cet homme
tramait quelque chose. Il habitait un pavillon
isolé au fond d'une cour, recevait régulière-
ment une série de petites boîtes énigmatiques,
ficelées avec soin, et, circonstance aggravante,
prenait parfois le chemin de fer pour aller au
delà de la frontière de l'Est.
En 1830, on eût conclu, comme dans un ro-
man célèbre : ce doit être un vampire. L'opi-
nion se traduisit par une autre formule tout
aussi vraisemblable : c'est un espion. Le soir,
si le ménage d'outre-Rhin ouvrait ses fenê-
tres pour humer un semblant d'air frais, aus-
sitôt le voisinage était aux aguets, lorgnettes
en main, cherchant -à pcnétrjr la mysièca—da
cet intérieur bien gardé.
Naturellement, les dénonciations jaillirent
de la situation ; la Sûreté générale, avertie,
ordonna une enquête. Les allées et venues de
M. X. furent observées, les petites boites,
receleuses de documents formidables, inter-
ceptées, ouvertes. On y trouva des échantil-
Ions de baleines de corset proclamées incas-
sables par les prospectus. Dispensez-moi de la
réclame. M. X. était un simple courtier,
opérant pour le compte d'une maison alle-
mande. Le quartier respira. Encore une fois,
la France était sauvée.
Un dossier oublié
Que d'antres secrets « pleins d'horreur »
dorment leur bon sommeil dans les cartons
do la guerre, da la marine et de l'intérieur !
Vers la fin de l'empire, une famille allemande
ardemment catholique, était venue s'établir
dans une petite ville appartenant à un dépar-
tement-frontière et y avait fondé une industrie
un instant prospère. Elle réussit à s'allier à la
bourgeoisie bien pensante du pays. Mais la
guerre éclata et les immigrants sa trouvèrent
en fâcheuse posture, campés en ennemis au
milieu d'une population républicaine,patriote,
prompte e,u soupçon, surexcitée par la sensa-
tion aiguë des défaites imméritées. Il se passa
là un de ces drames obscurs qui rappellent la
déchirante situation misa en scène par M.
René Bazin dans ses Oberlé.
L'ainé des fils était lieutenant de la landwher;
il rejoignit son corps, revint en vainqueur, 11t
le coup de feu contre ses hôtes, ses amis, ses
parents. On le vit parader sur son cheval, sous
l'uniforme maudit, au chef-lieu du départe-
ment, où il tint garnison jusqu'au payement
des milliards. Son frère cadet préféra déser-
ter. La loi du plus fort ayant triomphé, tous
deux so remirent à la tête de leur industrie,
rouvrirent leur fabrique. Mais ils se sentaient
enveloppés d'une atmosphère d'hostilité. On se
taisait sur leur passage, une méliance instinc-
tive accueillait leurs moindres démarches.
Leurs affaires périclitèrent; l'aîné, l'officier
allemand, qui avait seul la signature, perdit
la tète, s'alita, s'éteignit dans l'indigence. Son
frère fut plus heureux, il remonta la côte, se
fiL naturaliser. Il est aujourd'hui riche, con-
sidéré ; membre influent d'une société natio-
naliste.
La Sûreté générale possède, sur les deux
frères, un dossier bien curieux, qui manqua
de sanction faute de prouves convaincantes.
Affolé, poussé à bout, à doux doigts de la
faillite et de la misère, l'ex officier de Guil-
laume fut accusé d'avoir offert ses services à
l'éiat-major de Berlin et essayé d'organiser
une inspection occulte de nos forts. Les dan-
gereuses communications passaient, dit-on,
sous le couvert d'uno correspondance com-
merciale adressée à un commissionnaire de la
place. Le commissaire spécial s'élança avec ar-
deur sur cette piste, parvint à réunir des in-
dices alléchants, mais ne put surprendre le
flagrant délit, peut-être parce qu'il ne dispo-
sait pas d'un crédit suffisant pour agir avec la
rapidité nécessaire. On le fit changer d'air,
afin de lui apprendre cette belle égalité d'âme
qui est le fond de la philosophie administra-
tive. Il est aujourd'hui, je crois, dans-l'Ouest,
aux prises avec les chouans.
Faust et Marguerite
Il paraît, du reste, que les bons Allemands
de Paris ont, en tous temps, aimé à danser
sur un volcan. A la veille de l'incident Hohen-
zollern,ilb se réunissaient au Tambour-Major,
rue Croix-Nivert, une sorte de musette popu-
laire tenue par un brave alsacien du nom de
Kocb. Là, soldats de M. de Moltke et futurs
annexés fraternisaient avec une spontanéité
qu'Alfred Delvau a pittoresquoment décrite
dans ses Cythères parisiennes. Certains soirs,
la musette se transformait en goguette, et l'on
chaulait les mélopées plaintives d'Alsace, les
ballades d'Outre-Rhin.
La légende du Veau capitaine de uhldns —
ancêtre de Tartarin peut-être — y obtenait
un succès délirant. Fritz ne savait comment
résister aux brûlantes obsessions des lavan-
dières énamourées. Il coupe ses longues mous-
taches dorées, rase sa barbe do fleuve ; l'en-
thousiasme persiste, ©ûYahiïSiût, Alors, il
*
prend un parti héroïque, il épouse l'une de ses
amoureuses et, aussitôt, comme par magie,
cesse le troublant pourchas.
Après le traité de Francfort, la colonie ger-
manique se sépara nettement de la colonie al-
acienne. Faust reprit la scène du jardin avec
sles Marguerite de rencontre dans un autre
établissement chorégraphique de la rive
droite. Pas chères les entrées : 25 centimes.
Chaque danse se payait aussi 25 centimes. Par
exemple, on n'arrosait plus de vin à la fran-
çaise les vergiss-mein-nicht d'antan. Après
Bazeilles, la chanson du Beau Frits, qui son-
nait si franc jadis, eût semblé d'une ironie
macabre. Clientèle mêlée : des ouvriers maro-
quiniers, des tailleurs, des domestiques, quel-
ques Gretchen en rupture de cordon-bleu.
- - A cette cohue se mêlaient parfois des person-
nages d'allure louche, à l'état-civil ondoyant
et divers baronnes de stations thermales, com-
tesses dfs quatre chemins, princes de table
d'hôte. Ces nobles passants venaient chercher
dans ce milieu sordide des émotions et des
combinaisons, car ils menaient de front la po-
litique et la galanterie.
Mais Marguerite eut beau effeuiller son
linge en compagnie des Faust casqués de la
prochaine, elle ne put rappeler le succès éva-
noui. Le bal dut fermer ses portes.
Le bal des uhlans, comme on disait dans le
quartier. Et cette légende seule est restée de
ce célèbre rendoz-vous de noble compagnie.Qui
s'en souvient ?
NOEL AMAUDRU.
VOIR A L.A. 3* PAGE
LES DERNIÈRES DËP JCHES
DE L4 NUrr-
et la HEVUE des JOURNAUX
du MATIN
MACHINE A BÉNIR
En réalité, qu'est-ce qu'un pape, sinon une
machine à bénir ou à excommunier ? Un pape
bénit du matin au soir, on gros et en détail,
tout ce que l'on voudra, êtres ou objets, pour-
vu qu'on y mette le prix. Comme, à notre
époque, l'excommunication n'est plus qu'une
vaine formule sans sanction réelle et ne peut
plus servir à dépouiller les incrédules au pro-
o fit de la sainte Eglise, on lui préfère de beau-
coup la bénédiction qui reste d'un excellent
rendement.
Avec leur sens pratique des affaires et des
exigences modernes, les Américains viennent
d'utiliser cette machine à bénir, dans des cir-
constances peu banales.
Soyons fiers ! C'est un de nos confrères qui
a eu cette idée géniale. Voici, en effet, l'in-
formation que nous communiquait, l'autre
jour, la Presse associée :
Le système des primes gratuites qui a sévi ces
temps derniers sur les journaux parisiens vient
d'être déposé à Bucnos-Ayres.sur le Diario, grand
Journal catholique argentin. La prime consiste
dans la bénédiction du pape, transmise télégraphi-
quement par les soins du correspondant spécial du
Diario en Italie, lequel l'a reçue directement à
cet effet de PieJX, dans l'audience particulière qu'il
ant l'hnnaaqE-ii'aa obtenir. -
Enfoncées, toutes les Croix de France et de
Navarre! Quelle prime pourra jamais égaler la
bénédiction de celui qui est le représentant de
Dieu sur ia terre, qui lie et qui délie au nom
du Christ, et qui, par conséquent, peut, d'un
seul mot, vous envoyer, pour l'éternité, jouer
de la harpe au ciel, ou rissoler dans la mar-
mite satanique ? -
Qui hésitera, ne fût-ce qu'une seconde, entre
un réveille-matin, une demi-douzaine de cuil-
lers à café, et la bénédiction de Sarto ? Per-
sonne; pas même les mécréants comme vous
et moi, car nous possédons, enfin, l'occasion
extraordinairement unique de pouvoir aller au
ciel nous promener en compagnie des Chéru
bins, des Séraphins, des Trônes et des Domi-
nations, sans avoir besoin,pour cela, de chan-
ger notre modus vivendi, d'adopter des croyan-
ces qui nous semblent absurdes ou d'exécuter
dos simagrées qui nous répugnent,
Je ne sais combien coùte l'abonnement au
Diario, mais je vais me dépêcher d'en prendre
un, même si l'on ne veut m'accorder aucune
diminution on qualité de confrère ; je passerai
sur tout, mais j'exigerai qu'on m'envoie sans
retard la bénédiction télégraphique du Saint-
Père.
Une fo!s ma bénédiction en poche, il ne me
restera plus la moindre appréhension sur
l'éternité. La vie future, qu'on nous dépeint
comme ayant tant d'analogie avec celle-ci,
me paraissait aussi peu désirable que peu fo-
lâtre, étant donné surtout sa longueur inter-
minable : il me semble, à présent, que je
pourrai la supporter. Quand j'en aurai assez
de roucouler,au ciel,avec les vierges-martyres,
je descendrai faire un tour dans l'enfer avec
tous les gens d'esprit qu'on a mis au tourne-
broche à perpétuité. Quand la fantaisie me
reprendra de chanter des cantiques, je remon-
terai au ciel. Le moyen à saint Pierre de m'en
refuser l'entrée, lorsque que je lui présenterai
la bénédiction télégraphique de son succes-
seur ?
Et je ferai ainsi, tant qu'il me plaira, la
navette entre le ciel et l'enfer.
Il est probable que,grâce à l'immense publi-
cité du Rappel et du Diario, nombre de pro-
testants, de juifs, de bouddhistes et de libras-
penseurs, vont user de ce stratagème, et, si
l'on s'embête encore sur terre, du moins, l'on
ne s'embêtera plus pendant l'éternité.
G. DE VORNEY;
LES PANGERMANISTES
(De notre correspondant particulier.}
Leipzig, 27 mai.
Le dernier congrès des Pangermanistes, qui
a siégé à Cassel, sous la présidence d'un an-
cion diplomate, M. von Braunschweig, mé-
rite quelque attention, car il relève un coin
du voila qui cache les agissements de cette
ligue à l'étranger. Du compte rendu, il res-
sort que des sommes assez considérables ont
été dépensées pour la propagande germaniste
en Hongrie, en Galicia, en Bohême, en Mora-
vie, en Styrie, en Tyrol.
11 paraît que la ligue concentre tous ses ef-
forts sur l'Autriche-Hongrie et laisse pour le
moment en paix les provinces baltiques de la
Russie.
Cependant, les pangermanistes ne négligent
pas le Nouveau-Monde et particulièrement
l'Amériquo du Sui, Dans cette dernière partie
du globe, ils ont dépensé 30.000 francs pour
leur propagande. Ce sont le Brésil et la Répu-
blique Argentine surtout qui ont été l'objet
particulier de leur convoitise.
LA GRÈVE DES COCHERS A LONDRES
IDe noire correspondant particulier.]
Londres, 27 mai.
Les cochers de fiacre de Londres se prépa-
rent à une grande grève. Dans une réunion
tenue sous la présidence de M. Michaels, le
président de leur chambre syndicale, ils ont
décidé de demander une réduction de la taxe
quotidienne qu'ils sont obligés de payer au
propriétaire de la voilure. Dans le cas d'un re-
fus 4,000 cochers se'mettront ed grève.
Li nat » Il Jptii Mitait
LES INTERPELLATIONS SUR LE RAPPEL DE M. NISARD
Ceux qui réclament la dénonciation du Concordat. — Quel es
le sens de la mesure gouvernementale ? — Sanction -
insuffisante et provisoire. — Socialistes contents
de peu. — Une majorité inattendue. -
M. Ribot et M. Jaurès ensemble.
M. Henri Brisson préside cette rude
séance.
Sans perdre de temps, on valide M. Rau-
line, élu député de Saint-Lô.
Tout de suite après, le président donne
la parole à M. Paul Meunier, pour dévelop-
per son interpellation relative au rappel de
l'ambassadeur auprès du Saint-Siège.
M. Lasies, qui veut s'expliquer sur une
motion d'ajournement,a une première dis-
cussion avec le président qui maintient la
parole à M. Paul Meunier.
Celui-ci expose la question avec assez de
fermeté.
M. Paul Meunier. — L'incident ne peut
avoir qu'une conclusion : c'est la suppression,
je ne dis pas de l'ambassadeur, mais de l'am-
bassade auprès du Vatican, et la cessation de
nos rapports avec le nonce, dont la présence à
Paris n'a plus d'objet, neur reprendra les ter-
mes qu'employait naguère M. le ministre des
affaires étrangères à propos de l'ambassadeur
de Turquie. (Très bien ! très bien ! à l'extrême
gauche et sur divers bancs à gauche.)
Il me sembla que l'heure est venue de mettre
notre politique extérieure on accord avec notre
politique intérieure. M. Clemenceau, l'un des
guides les plus sûrs de la majorité républicaine
dans l'autre assemblée, a déclaré que jamais
plus belle occasion ne se rencontrerait pour
briser les dernières chaînes qui nous ratta-
chent à Rome, il ne faut pas qu'on puisse dire
de nous que nous n'avons vécu de l'anticléri-
calisme que pour ajourner sans cesse la solu-
tion de la question qui depuis plus de trente
ans, figure à la première ligne du programme
républicain ! (Très bien ! très bien! à l'extrême
gauche et sur divers bancs à gauche.)
Que le gouvernement parle et se mette réso-
lument à la tête de sa majorité; il sera
suivi. Un illustre penseur vous l'a dit avant
moi, pour vous défendre contre votre adver-
saire, vous avez une force que les gouverne-
ments monarchiques n'avaient pas : le senti-
ment populaire (Applaudissements sur les
mêmes bines,) force irrésistible, force im-
mense à laquelle rien ne résiste dans une dé-
mocratie ! Li peuple est avec vous ; demandez-
lui des armes : il vous les donnera. (Vifs
applaudissements à gauche et à l'extrême
gauche.)
Incident Lasiea
M. Lasies parvient à s'installera la tri
bune pour développer sa motion d'ajour-
nement. Mais il a déposé un véritable ordre
du jour déguisé en projet de résolution.
Aussi le président est-il plusieurs fois force
de le rappeler à la question.
M. Lasies dit soudain à M. Henri Bris-
son :
— Vous savez bien que je resterai ici
quand même 1.
Le président proteste énergiquement
contre ce langage. Il ouvre le livre du rè-
glement.
M. Lasies, avant de retourner à son
banc achève cependant d'exposer ses ar-
guments.
M. Lasies. — En discutant solennellement
ici sur une indiscrétion diplomatique, nous
créons un précédent dangereux, dont la France
pourratt être un jour une victime.
Vous vous prétendez, à gauche, les gardiens
fidèles et jaloux des prérogatives françaises
en face de l'étranger ; vous avez du courage
contre le pape. Vous allez dire si votre, indi-
gnation sait se généraliser. Comme vous, nous
ne voulons pas de l'ingérence du Vatican dans
nos affaires intérieures. Nous déclarons que,
comme vous, nous ne cherchons pas notre mot
d'ordre à Rome ; vous allez prouver,par votre
vote, que vous n'allez le chercher ni à Genève
ni à Berlin. (Applaudissements à droite.)
M. le président. — Je mets aux voix l'a-
journement et non pas la motion qui est un
véritable ordre du jour. (Très bien ! très bien!
à gauche.)
L'ajournement est repousse.
Discours de G. Habuard
Notre ami Hubbard prononce un beau et
courageux discours. Sa parole sincère et
vigoureuse, son aisance d'orateur, sa pro-
fonde connaissance des questions laïques
et desquestions internationales font grande
impression sur la Chambre.
M. Hubbard. — Je dis quo garder le si-
lence sur la note pontificale au moment de la
lutte que la majorité soutient contre les con-
grégations, c'est ne pas fournir au parti les
armea dont il a besoin, et jo demande qu'on
ne renouvelle pas cette faute. (Très bien!
très bien! sur un grand nombre de bancs à
gauche.) ---.
Les conditions mèmes, très pittoresques, ail
départ de notre ambassadeur M. Nisard, préci-
sent bien la situation. (Interruptions.) Il était
accompagné du cardinal Mathieu, qui sur le
quai de la gare lui cria devant tout le monde :
Au revoir! à bientôt! tandis que notre ambas-
sadeur près la cour d'Italie, M. Barrère, disait
au voyageur un adieu énergique et courtois.
Dans la foule, un citoyen romain a tiré la mo-
rale populaire do l'incident en criant : Vive la
France! A bas le Vatican! C'est le cri qui re-
tentit partout en Italie, parce que l'on consi-
dère io départ de l'ambassadeur comme un dé-
part définitif.
Il faut. en effet, que ce congé soit définitif
et qu'il n'y ait aucune équivoque. Nous atten-
dons à ce sujet des déclarations très nettes. Le
nonce ne cache pas sa manière de voir. Il dit
à ses amis et fait répéter dans la presse, selon
les procédés très modernes de quelques diplo-
mates d'aujourd'hui, que M. Nisard reviendra;
que quant à lui, le nonce, il est bien décidé à
ne pas répondré aux provocations et à rester à
son poste, quoi qu'on fasse. (Mouvements di-
vers.)
La papauté tient au Concordat. Jusqu'ici let
gouvernements en France semblaient aussi y
tenir, comme à une arme dè précision très
précieuse. -Cependant, M. le président du con-
seil, au Sénat, en mars 1903, répondant à M.
Delpech, qui demandait la suppression »du
budget des cultes, constatait en quelques li-
gnes très courtes que le clergé catholique sa
livrait aux incursions les plus téméraires dans
le domaine civil et politique.
« Il"csl temps, ajoutait-i!, que ces incursions
sur le terrain ahticoncordatàire Cessent; le
maintien du Concordat est à ce prix.
Eh bien, la papauté n'a-t-elle pas montrt
qu'elle restait la puissance politique ayant le
prétention d'intervenir dans nos affaires? De-
puis le 28 avril vous avez la note dans laquelle.
le pape prétend traiter d'offense la visite faite
par le Président de la République au Quirinal;
vous no pouvez dès lors laisser plus longtemps
en suspens votre appréciation sur le maintien
du Concordat.
Je demande qu'on nous dise nettement ce
que signifie le rappel de notre ambassadeur.
La question de la séparation de l'Eglisa et dt
l'Etat est en dehors ; elle viendra à sfln heure.
(Interruptions à droite.)
Je suis convaincu que le rappel de notre,
ambassadeur ouvre une ère nouvelle, que M,
le président du conseil le caractérisera ainsi,
pour permettre a la majorité d'accéder par
étapes successives à la séparation des Eglisoi
et de l'Etat.
P s d'équivoques ! Notre politique veut de
la clarté! Je demande à M. le président du
conseil et à M. le ministre des affaires étran-
gères de nous dire que c'est la rupture des re-
lations diplomatiques qui a été consommée.
(Très bien ! très bien 1 à l'extrême gauche et à
gauche.)
Des applaudissements répétés remer-
cient G. Hubbard d'avoir si bien dit ce qua
pensent tous les radiéaux et les socialistes
sincères.
Discours de M. Allard
M. Maurice Allàrd est un de ces socialis-
tes qui n'admettent pas les amputajtiona
qu'on veut faire subir, non seulement ait
programme de leur parti, mais au pro-
gramme républicain lui-même. Il prononce
un discours très nerveux et qui paraît dé-
plaire également aux droitiers et à certain.
ministériels trop exclusifs.
M. Allard. — Si je no vous demande pat
la séparation do l'Eglise et de l'Etat, je vous
demande les actes qui peuvent dès aujouiN
d'hui rendre nécessaire pour demain cette sé-
paration, et ces actes sont la suppression com-
plèts de tout rapport avec le Vatican, la dé-
nonciation du Concordat.
Je ne comprendrais pas qu'un républicain
reculât; je ne comprends même pas que M. le
président du conseil n'ait pas pris l'initiative
de ces mesures. S'H n~'a paa fait, c'est sant
doute qu'il a craint de ne pas être suivi par It
majorité de gauche. Je suis au contraire con-
vaincu qu'il eût été suivi. Et s'il ne l'avait pas
été, qu'importe ?
Il y a des circonstances où, lorsqu'on jouit
de la popularité que vous avez, monsieur U
président du conseil, on peut risquer son por-
tefeuille. Votre chute, par l'agitation qu'elle
eût créée, eût rendu cent fois plus de services
à la cause de la libre-pensée que la conserva.-
tion de votre portefeuille à certaines condi-
tions. (Très bien ! très bien 1 à l'extrême gau-
che.)
Vous avez eu. peut-être une autre raisoir
pour ne pas prendra de mesure décisLve. Il 86
peut que vous ne soyez pas personnellement
partisan de la séparation de l'Eglise et dl,
l'Etat. En vertu delà doctrine spiritualiste que
vous exposiez nïguère à cette tribune, voui
hésitez sans doute à proposer une séparation
qui solon vous serait de nature à froisser un
grand nombre de consciences françaises. Pour
moi, j'estime que cette considération n'aurait
pas dû vous arrêter.
Je demande à M. le président du conseil et
à M. le ministre des affaires étrangères de no
pas traiter la papauté plus sérieusement que
Léon X la traitait lui-même. Pensez-y, - et
ici' je m'adresse aux républicains, — si vous
acceptez le caractère divin de la papauté, vous
n'avez aucune raison de ne pas accepter le ca.,
ractère divin de la monarchie. Si vous êtes
vraiment des républicains, vous devez rompre
avec la papauté comme vous avez rompu avec
la monarchie.
En réalité, vous n'aurez pas do République
véritable, si vous ne jetez de côté tous les dé-
combres du passé, si vous ne rompez avec la
reconnaissance d'une religion quelconque et
avec la domination du capital.
Je ne vous demande pas d'appliquer nos doc-
trines, bien que je sois convaincu que la Ré-
publique ne sera intégrale qu'après l'avéne-
ment du socialisme (mouvements divers); mais
je vous demande de nous donner, par la rup-
ture avec la papauté, tout ce que vous pouvez
nous donner de République.
Ce que nous demandons, c'est la rupture
immédiate des relations avec la papauté, Ir
promesse de supprimer dans le prochain bud-
get les crédits de l'ambassade du Vatican, en"
fin la dénonciation du Concordat. (Applaudis-
sements à l'extrême gauche.)
Qu'avez-vous fait? Ce que M. Méline lui-*
même aurait fait. (Applaudissements ironi
ques au centre et à droite.) Je ne suis pal
étonné de voir aujourd'hui M. Barthou, an-
cien ministre du cabinet Méline, accepter vo-
tre solution; car c'est lui qui l'a dictée ao.
bloc.
Je vous demande de secouer cette tutelle
d'anciens ministres et d'agir contre la papauté
avec des moyens eflicaces, c'est-à-dire de sup-
primer toute relationentte la papauté et la
République et de dénoncer le Concordat.
Si vous ne faites pas cela, monsieur le pré-
sident du conseil, c'est la faillite de votre po-
litique soi-disant anticléricale.Si vous ne pre-
nez pas une attitude plus énergique, demain,
votre bloc s'effritera et tombera en poussière;
car alors il n'aura plus pour ciment ce qu'il a
eu jusqu'à présent : la confiance, l'estime et la
sympathie des populations. (Applaudissements
à gauche.)
M. Gayraud parle ensuite pendant une
bonne heure. C'est un orateur, de tout re-
pos. La majeure partie des députés s'of-
frent à cette occasion une petite prame'
nade dans les couloirs. -
M. Gayraud. — Nous ne désirons pas la
séparation, non pas principalement en consi-
dération des intérêts de l'Eglise, mais surtout
en considération des intérêts do la France. Si
le gouvernementpoursuit unsecretdessein,qu'il
'e dise.Qu'il prouve au pays par des paroles sin-
cères que ce qu'il no craint pas par dessus
tout, c'est la liberté de l'Eglise et l'indépen-
dance du clergé. (Applaudissements à droite.)
Réponse de M. Delcassé
On rentre pour écouter la réponse de AL.'
Delcassé aux interpellateara.
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