Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1900-03-07
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 07 mars 1900 07 mars 1900
Description : 1900/03/07 (N10953). 1900/03/07 (N10953).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
CINQ CENTIMES le Numéro: PARIS & DÉPARTEMENTS -Mie ip CINQ "CENTIMES
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De 4 à 8 heures du soir et de 10 heures du soir à 1 heure du matin
No 10953. — Mercredi 7 Mars 1900
14 VENTOSE AN 108
JDMINISTRATION : 131, rue Montmartre, 131
J Adresser lettres et mandats à l'administrateur
NOS LEADERS
Acte de Fai
Qui donc prétend que la foi est
éteinte dans nos âmes, depuis que Vol-
taire a dit que l'homme a fait la Divinité
à son image, et depuis que Diderot divi-
nisa la nature ? Qui donc désespère de
la France des croisades et de Bossuet,
des Emigrés et des Chouans ? Que les
élus de Dieu se réveillent, non que
l'heure du jugement dernier soit venue,
et qu'il n'y ait encore devant nous de
longs siècles de discussions théologi-
ques et politiques. Mais un Messie mo-
derne vient de se lever, apportant au
monde le signe d'une nouvelle Rédemp-
tion. Ce Messie, c'est M. Brunetière,
tout frais conçu par quelque Vierge
romaine. La crêche est à Besançon. Sa
divine parole vient d'y émerveiller les
docteurs et les Mages. Là, en effet, en
présence de plusieurs archevêques dont
ceux de Sens, de Quimper et de Monaco,
il a brûlé la science sur l'autel du ca-
tholicisme. Il a fait l'histoire de sa con-
version, qui a duré quatre ans, à peu
près toute l'affaire Dreyfus. Il a soutenu
cette thèse, qu'il y a des vérités d'ordre
naturel qne l'homme peut atteindre, et
d'autres vérités d'ordre surnaturel que
la révélation seule peut dévoiler. « C'est,
dit la Croix, une des plus heureuses ré-
volutions dans le monde des intelli-
gences. »
La Croix a un peu raison. Car, il n'ar-
rive pas toujours qu'un homme ait tra-
vaillé toute sa vie pour aboutir à cette
découverte.
Du reste, nous ne nous occuperions
pas des nouvelles idées philosophiques
de M. Brunetière, s'il ne les avait ré-
vélées à la France, moins comme pen-
Heui- qne comme homme politique.
C'est ainsi que les prières de M. Gou-
the-Soulard laisseraient tout le monde
indifférent, si ce prélat restait dans les
limites de ses fonctions épiscopales.
Mais, ces écrivains, ces poètes, ces évê-
ques, ne sont que les agents militants
du parti ultramontain ayant pour but
de faire prévaloir dans l'ordre social la
méthode qu'ils appliquent à leur cons-
cience théologique. Ils continuent de
sette façon leur campagne nationaliste
et antisémite, qui consiste à réaliser
une prétendue uaion morale sur la ré-
surrection de l'ancien dogme romain. Il
s'agit toujours de l'excommunication de
tous les éléments de libre pensée et de
libre discussion. Les points de vue de
la campagne ont beau varier, suivant
les circonstances et les hommes. C'est
le Protée aux mille formes, l'enfant ché-
ri, mis au monde par les Pères de l'As-
somption, dans le berceau de la Répu-
blique.
Tout est. dans ce mot magique : la
Révélation. On n'a rien inventé, d'ail-
leurs.
Le raisonnement est vieux comme la
religion de Moïse ou de Boudah.
L'homme ne pouvant, par la science
ou la raison connaître et dominer toute
la nature, il ne reste plus qu'à faire un
acte de foi dans le surnaturel.
Or, le surnaturel vaHant à l'infini,
suivant la mythologie de chaque peu-
ple et la digestion de chaque individu,
le prêtre se trouve naturellement char-
gé de le formuler. Voilà la Révéla-
tion,
Diderot se moquait agréablement des
Brunetière et des théologiens de son
époque en leur disant :
« Vous faites comme celui qui n'ayant
qu'une faible lanterne pour se guider
dans les ténèbres, l'éteindraient pour y
mieux voir ».
Ce système religieux a servi de base
pendant des siècles d'oppression à l'an-
cien système politique. Le droit divin
des rois n'en était qu'une des consé-
quences.
Il s'agit tout simplement de le faire
tevivre dans l'esprit des masses, afin de
l'appliquer à la démocratie.
C'est pourquoi, ceux qui s'enrôlent
îans le nationalisme, ou le suivent,mar-
chent quelquefois, sans s'en douter, vers
la restauration d'une puissance surnatu-
relle, au-dessus de la raison, de la pen-
sée, de la conscience individuelles. Lo-
giquement, fatalement, ils tendent à
fortifier dans l'ordre social le principe
d'intolérance au détriment de la li-
berté.
Nous demandons où peut aboutir une
République qui proclamerait la supério-
rité de la foi sur la science, de la chose
révélée sur la chose prouvée ? La théo-
logie réussit peut-être à les concentrer
dans ses spéculations abstraites. En fait,
dans la lutte sociale, ces éléments sont
Irréconciliables. Tout au plus peut-on
les séparer par la classification artifi-
cielle du spirituel et du temporel, mais
les unir, jamais.
Aussi, les hommes qui nous combat-
lent sur le terrain catholique, ou sur le
terrain de toute autre confession reli-
gieuse, ne sont pas des démocrates. De
, même, ceux qui prétendent dans les
discussions politiques, introduire un
dogme, un acte de foi quelconque, à
l'aide duquel on imposerait des limites
à la pensée. Us procèdent, en réalité,de
la même école. La théologie se trouve
transportée dans le domaine politique,
voilà tout.
Ils oublient qu'en République, la
nfîanoe ne saurait se décréter, ni être
obtenue qu'avec la lumière et la raison.
C'est ce qui explique que les Assomp-
tionnistes aient trouvé tant d'adhérents
chez les républicains. Ceux-là sont aussi
dignes que M. Brunetière de trouver à
Rome le chemin de Damas, cléricaux
honteux, n'osant répudier toute solida-
rité avec l'esprit ultramontain, milita-
ristes outranciers, dont le patriotisme
est si chatouilleux, qu'il ne saurait tolé-
rer la critique de notre organisation mi-
litaire sans y voir une atteinte à l'armée
nationale, à la France !
Avons-nous donc péniblement détruit
les Brunetière et leur surnaturel d'au-
trefois pour leur substituer les Brune-
tière et leur surnaturel d'aujourd'hui ?
La foi, nous la voulons reléguée et
respectée dans son domaine propre, dans
celui de l'imagination et des temples.
Nous ne la voulons pas s'installant en
force dominatrice dans l'ordre social,
où le droit de la raison et le pouvoir de
la science doivent rester souverains.
Cela entraîne des abuset concourt sou-
vent au désordre.
C'est possible.
M. Deschanel, dans son récent dis-
cours, justement signalait les excès de
cette âpre lutte de tous les jours pour la
conquête de la justice, où l'homme le
meilleur se meurtrit le cœur et se brise
contre les passions déchaînées.
Mais, les hommes vraiment forts
trouvent en eux-mêmes leur soutien. Ce
sont ces hommes forts qu'une démocra-
tie doit former, et non des croyants
aveugles prêts, à chaque défaillance, à
invoquer la force surnaturelle. En cour-
bant le front devant celle-ci, ils cour-
bent les droits de l'humanité.
Avec ces derniers, une République
n'aurait plus qu'à passer, la main au
seul régime compatible avec le dogme
de la Révélation, — à la monarchie.
Mais qu'on le dise alors, loyalement,
et nous partirons tous pour Besançon,
nous convertir au nouveau Messie,
M. Brunetière.
Olivier Bascou.
Nous publierons demain un article
- - de M. Philippe Laloge.
NOUVEL ÉCHEC
Aucun de nous n'ignore que
les ministères de la guerre et de
la marine abritent quelques of-
ficines d'affaires véreuses. Tant
de scandales ont été déjà dévoi-
lés que nous aurions bien tort
de douter. En voici un de plus : le scandale
Philipp Jude au ministère de la marine. Et
Philipp n'est pas le seul employé qui se
livre à des malversations. Il a des complices,
trop nombreux, hélas ! -
Mais ce n'est pas une raison pour rendre
le ministre responsable de ces vilaines af-
faires et s'écrier que lui aussi est complice,
comme l'a fait hier M. Georges Berry. Ces
messieurs de la droite et du centre
ont la mémoire bien courte Faut-il
leur rappeler que tout récemment ils sym-
bolisaient « l'honneur de l'armée )) en la
personne du uhlan Esterhazy, escroc, faus-
saire,traitre; et qu'ils donnaient comme des
agneaux sans tache les associés de cette
merveilleuse usine de faux qui sévissait rue
St-Dominique, au beau moment de l'affaire
Dreyfus ? Qui donc alors a songé à solida-
riser leur ministre préféré, M. Cavaignac,
avec ces brigands de grand chemin ?
M. Berry a été mal inspiré. M. Pelletan,
au contraire, dans un discours dont la
Chambre conservera le souvenir, s'est
borné à dénoncer le mal et à demander au
gouvernement de frapper sans pitié les cou-
pables. Un amendement qu'il a déposé dans
ce sens a primé celui de M. Berry. Le gou-
vernement l'a accepté, bien entendu, et il a
été vengé par une majorité énorme des
insinuations du député de la droite.
Celle-ci, le centre de M. Méline et tous
ceux qui rêvent chaque nuit d'un porte-
feuille, ont été cruellement déçus. Ils pen-
saient tenir la victoire, c'est-à-dire avoir
renversé le cabinet. Ils en sont pour leurs
calculs et leurs espérances. Je ne serais,
d'ailleurs, pas étonné, le coup n'ayant pas
réussi, qu'ils en vinssent à trouver que le
gouvernement a été trop sévère quand ce
dernier aura donné le coup de balai qui
s'impose. — Ch. B.
L'AMNISTIE AU SÉNAT
La commission sénatoriale de l'amnistie s'est
réunie, hier, sous la présidence de M. Clama-
jeran. Cinq membres seulement étaient pré-
sents. Ils ont commencé l'examen du projet de
loi déposé par le gouvernement sur le bureau
du Sénat.
MM. Waldeck-Rousseau et Monis devaient
être entendus. Ils ont fait prévenir qu'ils ne
pourraient venir que samedi prochain.
La commission a décidé de ne prendre au-
cune décision avant d'avoir entendu le prési-
dent du conseil.
UNE REUNION PUBLIQUE D'OFFICIERS MARINIERS
Brest, 5 mars.
A la suite des décrets organisant le corps de
maistrance et des dessinateurs des arsenaux,
décrets conférant des avantages à ces corps
non-combattants, un certain mécontentement
s'est produit parmi les officiers mariniers des
équipages de la flotte, qui se prétendent lésés.
Dans une réunion publique qu'ils viennent
dé tenir, les officiers mariniers en activité du
2e arrondissement maritime ont, après de nom-
breuses discussions, élu un comité d'action de
huit membres pour transmettre les revendica-
tions du personnel combattant au ministre de
la marine.
C'est la première fois que les officiers mari-
niers organisent une réunion publique.
'e
A LA SOCIETE DES AMIS DE L'UNIVERSITÉ
La Société des Amis de l'Université que pré-
side M. Casimir-Perier, a réuni, hier, à quatre
heures et demie, à la Sorbonne, ses membres
titulaires, fondateurs et donateurs, en assem-
blée générale..
La réunion, qui était nombreuse, a été tenue
dans l'amphithéâtre Richelieu. M. Casimir-Pe-
rier présidait, assisté des meçabres du bureau
dtt comité.
LA MAISON DES ROIS
M. Protocole triomphe. — Un post-
scriptum aux mémoires d'un den-
tiste. — Le secret des pierres.
— Restaurons, meublons,
payons.
La surprise est peut-être désolante pour les
Majestés qui aiment à séjourner incognito chez
nous, — et le sévère Gotha sait s'il y en a f
Mais l'Exposition de 1900 leur retire cet im-
muable prétexte, qu'elles invoquaient jusqu'à
présent, pour mener à Paris l'existence à leur
gré et pour se loger à leur guise.
Le souverain disparaissait et le snob seul
restait au milieu de nous. C'était tant pis pour
l'Académie et tant mieux pour l'Opéra.
Désormais, changement imprévu; dès que
les rois, nos visiteurs, auront mis pied à terre,
leur équipage gravira au grand trot l'avenue
des Champs-Elysées, et ira stopper devant le
n° 41 de l'avenue du Bois.
Les monarques pénétreront dans un hôtel
blanc, enfoui discrètement au fond d'un parc.
On leur apprendra que c'est en cette maison
que la France les hébergera pendant la du rée
de leur visite. Et nul n'osera, par politesse, leur
rappeler que trente ans auparavant, sous le
même toit où les acclamations du peuple les
accompagnent, une souveraine déchue, dont la
couronne eut l'éclat de la leur, vint se réfugier
honteuse avant de partir en exil.
L'Etat locataire
Car la singularité des choses a voulu que ce
fût précisément sur l'hôtel du célèbre dentiste
Evans, qui protégea, le 4 septembre 1870, la
fuite de l'impératrice Eugénie,que l'Etat arrêtât
ses préférences. Depuis l'Exposition de 1889,
plus de cinquante projets-avaient été patronés,
examinés, et finalement repoussés. Le gouver-
nement souffrait beaucoup de ne point avoir
une demeure disponible à offrir à ses hôtes
d'importance. Il se tira d'affaire lors de la der-
nière Exposition, en logeant le shah de Perse
en un assez confortable hôtel de la rue Goper-
nic. La visite de l'empereur de Russie lui sus-
cita plus d'ennuis. La difficulté fut tranchée par
la décision que prit le tsar en descendant à sa
propre ambassade. Nous eûmes à traiter, en
1896, le prince de Bulgarie et, en 1897, le roi
de Siam. On les casa tant bien que mal en un
appartement de l'avenue Hoche. Ces déménage-
ments continuels prêtaient à la raillerie. Ma-
rianne avait l'air de retirer ses meubles à la
cloche des bois. Désaffecter le ministère des
Affaires Etrangères, on y songea. Etait-ce vrai-
ment pratique ? Désigner le château de Com-
piègne, celui de Versailles ou celui de Saint-
Germain? Qu'auraient dit les rois, infortunés
mortels, condamnés à brûler vingt kilomètres
soir et matin?..
L'hôtel du docteur Evans a paré à cet incon-
vénient.
Il était justement vacant; son ancien proprié-
taire l'avait abandonné depuis quelques an-
nées déjà, pour aller habiter l'un des étages
du magnifique immeuble voisin, qui dessine
l'angle de la rue de la Pompe.
, Il louait l'hôtel moyennant soixant e mille
francs l'an.
La ville de Philadelphie qui est son héritière,
avait abaissé à cinquante mille francs le prix
de location. C'est à ce chiffre que le marché a
été conclu entre l'Etat et la cité américaine, qui
cède du même coup tout le premier étage de la
maison do rapport où seront installés les gens
de l'escorte des souverains.
La propriété
Cette dépense supplémentaire a été rendue
obligatoire par l'insuffisance relative des locaux
de l'hôtel Evans. Cette destination nouvelle n'a
pas été prévue. Il n'est donc point étonnant que
les pièces pêchent un peu par leur exiguité ;
mais, ce qui manque en superficie est large-
ment compensé par tout le charme d'une si-
tuation unique, qu'aucun autre quartier n'était
à même de présenter. Que rêver, en effet, de
plus joli et de plus séduisant que cette claire
villa, perdue dans la fougère, encadrée de mar-
ronniers touffus et de sapins géants, entre l'Arc
de Triomphe, qui renvoie l'écho atténué du
tumulte de la ville et du Bois de Boulogne dont
une brise légère apporte, au printemps, les ex-
quises senteurs.
La propriété porte trois numéros : 105, ave-
nue Malakoff, 180, rue de la Pompe, et 80, ave-
nue du Bois-de-Boulogne. Les grilles du jardin
sont en bordure de ces voies. La maison est
mignonne. Elle n'a que trois étages. Le r re-
mier, un rez-de-chaussée, élevé sur une haute
terrasse, est percé de sept fenêtres de façade,
en comprenant celles des deux ailes que déploie
la villa, de droite et de gauche.
Les appartements du premier étage répètent
exactement ceux du rez-de-chaussée. Le second
étage a des proportions moins vastes. Au fond
du jardin, il n'existe actuellement qu'un corps
de logis isolé réservé à la concierge et une écu-
rie capable d'abriter sept chevaux. Il est pro-
bable que deux ou trois pavillons seront
construits encore dans le jardin, à l'usage des
inévitables policiers que sollicite à l'intérieur
la surveillance à exercer.
La disposition et la distribution des salles
sont des plus élégantes. Le rez-de-chaussée com-
porte une assez spacieuse salle à mangor, une
bibliothèque, une galerie, trois salons et un
jardin d'hiver. On accède dans le vestibule par
un premier perron extérieur, en face des salons
qui prennent jour avenue du Bois-de-Boulogne
dont on aperçoit les massifs verdoyants. L'esca-
lier est une des curiosités de la maison. Il est
tout de marbre, marbre blanc, marbre veiné,
marbre polychromé. Au premier étage, on a
cinq grandes chambres à coucher, avec cabi-
net de toilette. Deux de ces chambres pourront
être transformées en salles d'attente ou en salle
de billard. Quatre autres chambres confortables
sont situées à l'étage supérieur. Telle est, au-
jourd'hui, la maison. Comment sera-t-elle
demain ?
Chez l'architecte
Nous avons été interroger sur ce point,
M. Carré, architecte du ministère des affaires
étrangères, à qui l'on a demandé de restaurer
la bâtisse.
— Les travaux, nous a-t-il dit, ne sont encore que
fort peu avancés. Je ne fais absolument qu'un re-
plâtrage général afin de mettre la maison en état,
c'est-à dire de la rendre habitable, purement et
simplement. Il nous sera utile d'être prévenus sur
la qualité de nos hôtes pour aménager l'immeuble
en conséquence. Or,nous ne savons rien encore. La
surface de la villa ne lui permet pas de prétendre
au grandiose. Elle sera adorable. N'est-ce pas
assez ?
Au Garde-Meuble
Faisons nous, pour un instant, architecte, ta-
pissier, protocolaire et financier. Ces attribu-
tions ne sont pas superflues pour s'intéresser
à un projet qui se réclame d'elles.. L'architecte
est en train de rendre la maison habitable. Que
va faire le tapissier? Et M. Loquet, le très ai-
mable conservateur du Garde-Meuble national,
de nous répondre :
Nous non plus, de notre côté, nous n'avons été
officiellement avertis de la venue des souverains
étrangers dont on attend la visite. Notre rôle ne
commencera que d'ici quelques semaines, lorsque les
créditsdemandés saurontété accordés. Le directeur
des Beaux-Arts, dont dépend ce service,sera prié alors
par le ministère des affaires étrangères de- meubler
la maison, en se conformant aux indications qu'il
aura reçues.Je me propose, d'ailleurs, d'aller ins-
pecter fréquemment les lieux, en compagnie de
l'architecte, pour juger moi-même de la place à as-
signer aux objets gae fournira le garde-meuble.
Mon initiative personnelle sera forcément limitée.
On me dira : que ce soit en cet endroit un salon,en
cet autre un fumoir, et je n'aurai qu'à exécuter ces
ordres. Les rois afflueront-ils, ainsi que certains
nous l'assurent?
Je serai plutôt enclin à croire que nous n'aurons
guère dans nos murs que des missions extraordi-
res. Aucune ambassade n'est annoncée avant le
mois de mai prochain, mais je serai tout prêt
néanmoins à livrer les locaux meublés, dès le 15
avril, jour de l'ouverture de l'Exposition, si cette
date m'est imposée.
Au service du protocole
Au fait, la circonstance serait bizarre :
Attendre des rois et n'en pas avoir. Qui donc
nous renseignerait mieux sur cette éventualité
que M. Armand Mollard, directeur adjoint du
Protocole:
On se trompe ordinairement, nous dit-il, sur la
nature de notre tâche. Ce n'est pas par notre entre-
mise que s'échangent les invitations et les accep-
tations. Nous ne sommes appelés qu'au dernier
moment pour nous occuper de l'ordonnance des
cérémonies de présentation, Le ministre ne nous a
communiqué aucune nouvelle encore, et je doute
qu'il soit lui-même fixé de manière irrévocable sur
les visites qui nous seront faites.
La « Petite note »
Soyons maintenant comptables. Pour rece-
voir des rois, il faut payer la note. Sera-t-elle
onéreuse, M. Roger, chef du service de la
comptabilité au ministère des affaires étran-
gères, nous rassure en ces termes :
Cent vin-, t mille francs tout au plus. Mes devis
sont coordonnés et mon bilan établi. La demande
de crédit sera déposée à la Chambre, au cours de ce
mois, par M. Delcassé. Vous n'ignorez pas que nous
avons dû louer deux, appartements contigus, à
proximité de l'hôtel. Nous avons pu, grâce à ce
double marché, obtenir une diminution sensible
sur la somme de location. Vous voyez que ce chif-
fre n'a rien d'exorbitant et que les deniers publics
n'auront pas à en pâtir. La direction des beaux-arts
me remettra bientôt un petit travail, où sont mi-
nutieusement relevées les dépenses que nécessite-
rait la venue d'un souverain, dont la présence
n'aurait pas été escomptée. Cette hypothèse, du
reste, est assez peu vraisemblable. Quand nous au-
rons vu défiler la légation marQcaine, le shah de
Perse et l'empereur Ménelick, qu'aurons-nous en-
core à espérer ?
-Et si, demandons-nous,deux souverains se trou-
vaient simultanément à Paris ?
— Oh bien ! alors ! reprit en riant notre interlo-
cuteur, nous ouvririons la volière et rendrions sa
liberté à l'un des deux.
Quel serait le plus heureux ?
Voir à la 3e page
LES DERNIÈRES DÉPÊCHES
de la nuit et la
REVUE DES JOURNAUX
du matin
AU CONSEIL DE L'UNIVERSITE
M. Gréard, vice-recteur de l'Académie, a pré-
sidé hier la réunion du conseil de l'Université
de Paris.
Le conseil a enregistré les nominations de :
M. Gautier, comme professeur de toxicologie
de l'Ecole supérieure de pharmacie, et des pro-
fesseurs adjoints suivants : MM. Lafaye (lan-
gue et littérature latines à la Faculté des let-
tres) ; Hang (géologie à la Faculté des scien-
ces) : Matruchot (botanique) ; Leduc (physique);
Hadamard (mathématiques).
Le conseil s'est occupé des mesures à pren-
dre en vue de la participation de l'Université
de Paris à l'Exposition universelle de 1900.
Le recteur a rendu ensuite compte du suc-
cès des conférences organisées à la Sorbonne
par la Société des amis de l'Université de Pa-
ris en faveur de ses membres, et par l'Univer-
sité en faveur des étudiants.
Le conseil a autorisé l'ouverture des cours
libres ci-après :
Faculté de médecine. — M. Bérillon : Psycholo-
gie physiologique et pathologique. Applications
chimiques et thérapeutiques de l'hypnotisme.
M. Bonnet : Les découvertes modernes et leurs
applications aux sciences médicales. « électricité
médicale rayons X de Rœntgen, chromo-photogra-
phie air liquide ».
M. Dunogier : Pathologie et chirurgie dentaires.
M. Gaube : Cours de minéralogie biologique. Dé-
minéralisation et reminéralisation hioaaines. Trai-
tement des maladies bactériennes do l'homme par
un spécifique minéral.
Faculté des sciences. — M. Michel : Morphologie
générale et expérimentale.
M. Labbé : Cytologie.
M. Bonet-Maury a été désigné pour préparer
le rapport sur les travaux et la situation des
facultésen 1899-1900.
Les cours et exercices seront suspendus
à l'Université, le jeudi de la mi-carême, 22
mars.
ACADÉMIE DES SCIENCES
La greffe herbacée.— Un nouveau mode
de production d'espèces
nouvelles.
Depuis déjà plusieurs années un botaniste
avisé, M. Daniel, poursuit d'intéressantes re-
cherches sur la greffe dans les diverses espèces
végétales et on lui doit en particulier la dé-
monstration de ce fait que l'on croyait jadis
irréalisable, à savoir que les plantas herbacées
sont susceptibles tout comme les ligneuses de
bénéficier de l'opération de la greffe.
Cette trouvaille a été pour M. Daniel l'origine
d'une nouvelle et importante découverte. En
greffant certaines espèces herbacées l'une sur
l'autre, cet auteur en effet a obtenu des plantes
traitées des graines qui, par sélection,ont donné
naissance à des variétés nouvelles.
Cette expérience fort remarquable au point de
vue théorique, puisqu'elle montre sans réplique
que le sujet agit sur le greffon, contrairement
à l'opinion communément admise, est appelée
à avoir d'importants résultats pratiques, puis-
qu'elle apporte aux horticulteurs et aux ma-
raîchers en particulier un moyen inédit pour
l'obtention d'espèces nouvelles.
Communications diverses
A mentionner encore parmi les communica-
tions présentées hier à l'Académie une note de
M. Henri Moissan relative à la préparation et à
l'étude des propriétés d'un nouveau perchlorure
de manganèse, une autre de M. Georges Ma-
ronneau sur la préparation des phosphures de
fer, de nickel, de cobalt et de chrome et une
dernière note de M. Charrin, note présentéepar
M. d'Arsonval, sur la glycosurie durant la pé-
riode de la gestation.
Election d'un correspondant
Enfin, mentionnons l'élection, au cours de la
séance, en qualité de membre correspondant
dans la section de chimie de M. E. Fischer, de
Berlin.
M. Fischer, qui était présenté en première li-
gne, a été élu par quarante-sept suffrages sur
cinquante-deux votants. Ses concurrents étaient
MM. Crooker, de Londres ; Henry, de Louvain;
Ladenburg, de Breslau et Longuini, de Mos-
cou.
———————————- ————————————.
LE FROID ET LA NEIGE
Une violente tourmente de neige sévit sur
tout le midi, où le froid persiste depuis trois
jours. A Privas les récoltes de pêchers et d'a-
mandiers sont perdues. On nous écrit de Perpi-
gnan que de gros flocons sont tombés dans le
canton de Saint Paul de Fenouillet et que l'on
redoute les suites que cette recrudescence de
froid pourra avoir pour les récoltes de céréales.
La neige tombe aussi avec abandance à Pau
et à Calmes où la rafale « soufflé aveo fureur.
LA SÉANCE DE LA CHAMBRE
L'INTERPELLATION GEORGES BERRY
Le budget de la marine. — Le cas de M. Philipp. - Les nationalistes 1
l'assaut. — Intervention de M. Camille Pelletan, rapporteur du budget.
- Vote de l'amendement Camille Pelletan. — Discours de
MM. de Lanessan et Waldeck-Rousseau. — La victoire du
gouvernement.
Les nationalistes ont, tm instant, frétillé
hier.
Pendant le quart d'une minute, ils ont
pu, prenant leurs désirs pour des réalités
et les vessies pour des lanternes, espérer
que l'existence du ministère était menacée.
Fugace espoir. La majorité qui soutient
le gouvernement de défense républicaine
ne s'est pas laissée entamer, et cette fois
encore, la réaction en a été pour ses pei-
nes.
Il s'agissait — à propos du chapitre Ier
du budget de la marine — du cas de ce
M. Philipp, ancien employé au ministère
de la marine, accusé d'avoir fourni à l'An-
gleterre des renseignements sur les affrète-
ments du Transvaal. Une de ces affaires,
vous savez, que l'opposition grossit déme-
surément, dans un dessein facile à com-
prendre. C'est M. Georges Berry qui a hissé
la question à la tribune ; il l'a fait pesam-
ment; on fait ce qu'on peut. L'un des moin-
dres défauts de M, Georges Berry est qu'on
n'entend guère ce qu'il dit, tant son articu-
lation est défectueuse. Que ne prenait-il des
leçons de déclamation. Il a essayé d'être
méchant, tant que possible, si bien qu'n ce
moment, M. Jourde lui a crié :
— Dites tout de suite que le ministre est
complice de M. Philipp.
En somme ce qu'il y avait dans la vitu-
père de M. Berry, ce n'était que des insinua-
tions. En l'écoutant, les gens de bonne foi
se disaient étonnés du tapage fait autour de
cette misérable affaire : - Quoi 1 ce n'est
que cela !.
M. de Lanessan, ministre de la marine, a
répondu de façon sobre et précise: expli-
quant que M. Philipp, en congé hors cadres et
sans solde, n'appartient plus en fait à l'ad-
ministration de la marine ; que, du reste,
le dit M. Philipp ne pouvait fournir au-
cun renseignement sérieux sur les affrète-
ments du Transvaal, et ajoutant :
M. de Lanessan. — Jo fis aussitôt pren-
dre des renseignements sur les agissements do
M. Philipp.
Le 14 février, le conseil des directeurs fut
convoqué ; M. Philipp fut invité à comparaître
devant lui.
La presse ne s'est emparée de l'affaire que le
16 février. Le ministre avait pris auparavant
les mesures nécessaires. Mais il fallait bien
entendre les explications de l'intéressé. Il fallait
aussi laisser le temps à ceux qui détien-
nent la lettre en question de la porter au mi-
nistre de la marine.
Cette lettre, le ministre ne la connait pas en-
core. Il a besoin pour être renseigné sur son
authenticité d'en être saisi.
Le conseil des directeurs fera son devoir : il
s'inspirera des véritables notions de justice et
il frappera M. Philipp et ses complices, s'il en a.
Ces déclarations si nettes n'ont pas été
du goût de tout le monde, et M. Lasies, en
particulier, a crié si fort que M. Deschanel
s'est vu dans la nécessité de lui infliger un
rappel à l'ordre avec inscription au procès-
verbal.
Le débat aurait pu se terminer là, mais
M. Camille Pelletan est monté à la tribune,
annonçant son intention d'élargir le terrain
de la discussion.
Il l'a fait avec son talent et son esprit
habituels, dressant un véritable et succinct
acte d'accusation contre M. Philipp.
M. Camille Pelletan. — A l'ombre de
la flotte de la rue Royale, il s'est formé une
petite escadre armée en corsaire qui a rétabli à
son profit la vieille industrie des naufrageurs
avec le droit d'épave.
C'est ce groupe qui a monté l'affaire de la
société française de la blanchisserie antisepti-
que et microbicide.
Les administrateurs étaient sous-chefs et ré-
dacteurs au ministère de la marine, et comme
une blanchisserie justifiait tout un état-major
masculin, mais aussi féminin, on dit, hélas !
que les actionnaires se sont plaints qu'on y
fêtait trop joyeusement la description des mi-
crobes.
Un inventeur de système de pompes, M.
Beau, a été dépouillé de son invention par les
agissements de ce groupe auquel appartenait
M. Philipp.
Philipp était sous-chef au bureau des pêches.
Son ami Sauvage était sous-chef du bureau de
la correspondance au cabinet du ministère.
C'était un excellent moyen pour empêcher les
lettres de réclamation concernant Philipp d'ar-
river jusqu'au ministre.
Devant de telles pratiques, il est urgent de
procéder à un nettoyage antiseptique et micro-
bicide.
Il est nécessaire de faire remarquer que
ces faits sont notablement antérieurs à l'ar-
rivée de M. de Lanessan à la marine. Un
peu auparavant, comme M. Georges Berry
faisait allusion à cette blanchisserie anti-
septique, notre ami Charles Bos avait crié :
Adressez-vous à l'amiral Rieunier 1
M. Pelletan a ajouté :
Un ministre peut n'être pas au courant de
tous les détails de son administration. Mais ici
les faits étaient de notoriété publique; ils re-
montent à plusieurs années.
On a inventé pour les personnages en ques-
tion des procédés d'avancement foudroyant.
Philip'p et Sauvage arrivent, d'emblée, de ré-
dacteurs de 2" classe, sous-chefs de bureau,
sautant ainsi trois classes.
C'est un peu comme un lieutenant qui passe-
rait colonel.
Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas fait
rechercher la lettre dont on a parlé. Ou elle est
fausse, ou elle est authentique.
Dans les deux cas, elle doit être communi-
quée à la justice..
Il faut que nous sachions la vérité ; et il faut
qu'on nous explique la faveur inexplicable
dont a profité l'auteur d'une tentative de trahi-
son.
M. Pelletan a été très applaudi ; mais il a
dû être étonné — et peu charmé - de cons-
tater qu'il était applaudi le plus bruyam-
ment â droite et sur les bancs nationa-
listes,
Ce'n'est pas assurément là le succès,qu'il
souhaitait.
M. de Lanessan est remonté à la tribune,
répétant que le comité des directeurs, pré-
sidé par le chef d'état-major général, a été
saisi des affaires de M. PhUippJl
M. de Lanessan. — Il les jugera, et i?
frappera tous ceux dont la responsabilité esi
engagée.
Le ministre ne connaissait pas tous les faits
qui viennent d'être exposés à la Chambre. Ils
feront l'objet d'un examen rigoureux, et tous
les coupables seront frappés.
M. Pourquery de Boisserin est venu alors
apporter son concours à M. Georges Berry.
Sévèrement boutonné dans sa redingote,
comme tout justicier doit l'être, M. de Bois-
serin a adressé à M. de Lanessan des som-
mations assez peu courtoises.
C'est M. Waldeck-Rousseau qui a ré-
pondu. Il l'a fait avec sa fermeté et sa so-
briété habituelles, avec aussi cet incompa-
rable talent de parole que tous, amis et
ennemis, admirent.
M. Waldeek-Roosseao, — M. Pelle-
tan a retracé le tableau de certains ractes et de
certains faits remontant là des époques plus ou
moins lointaines et desquels il résulterait que,
depuis trop longtemps, certains fonctionnaires
auraient pris l'habitude, non seulement de par-
ticiper à des affaires, mais même d'en 'prendre
la direction.
Nous n'entendons pas attribuer à nos prédé-
cesseurs des responsabilités qui ne leur incom-
bent pas ; mais, d'autre part, nous avons le
droit de demander au Parlement de n'être ren-
dus responsables que des actes que nous avons
accomplis ou des incorrections connues de
nous, que nous aurions négligé de réprimer.
A ce point de vue général, je tiens à confir-
mer la réponse de M. le ministre de la marine.
Dans un intérêt de gouvernement, il faut
protester contre toute pensée que les abus
constituent autre chose que des actes isolés.
M, Pelletan l'a dit avec raison: ce sont des
exceptions ; il a rendu lui-même hommage au
dévouement et à l'intégrité de nos administra-
tions.
Que. certains faits particuliers doivent être
l'objet d'un examen et d'une sanction, personne
n'en disconviendra; et M. le ministre de la ma-
rine vous a fait connaître les mesures qu'il
compte prendre. - 1
Tous ceux qui, après un mûr examen, non
pas sur une incrimination, même de bonne foi,
ou une dénonciation hâtive, mais après une
instruction approfondie, seront reconnus cou-i
pables d'avoir manqué au devoir professionnel
seront frappés. i
Voix à droite : Il est trop tard. ■
M. le président du conseil. — On
nous demande aussi — et c'est à M. Pourquery
de Boisserin que je réponds — comment, ayant
été informés le 21 janvier qu'on promenait
cette lettre de M. Philipp, nous n'ayons pas
saisi la justice dès le 22.
Ayant examiné avec M. le ministre de la ma-
rine cette question, j'ai pensé et je pense qu'en
pareille matière il faut plus de sang-froid que
de précipitation.
M. Camille Pelletan. — Au risque do
laisser détruire la pièce.
M. le président du conseil. — Je dis
que l'intérêt public ne risquait rien, au con-
traire, à ce que, non pas sur le vu de la pièce,,
mais sur le ouï-dire de son existence, on na
mit pas immédiatement en mouvement l'appa-
reil de la justice.
Nous avons voulu prendre les renseigne-
ments qui nous ont paru strictement indispen-
sables. Nous considérons qu'en prenant le
temps d'apprécier, nous n'avons pas manqué à"
notre devoir. Je vais plus loin.
Nous considérons que nous avons agi avea,
prudence, dans l'intérêt même du pays et d'une
bonne justice. Je déclare donc que si la Cham-
bre ne partageant pas ce sentiment et donnant
suite à la proposition de M. Berry, émettait
non pas une indication que nous nous sommes
déclarés prêts à suivre, mais un blâme que nous
ne saurions accepter avec dignité, le Gouver-
nement saurait comprendre.
C'était la question de confiance nette-
ment, carrément posée. C'est à ce moment
que les nationalistes ont eu ce frétillement
de joie dont je parlais en commençant. Mais
la déception a suivi de près. En bon répu-
blicain, M. Camille Pelletan a refusé de
s'associer aux manoeuvres des Georges Ber-
ry et des Pourquery de Boisserin.A l'amen-
dement de M. Berry, il en a opposé un au-
tre tendant à une diminution dé 500 francs
sur le chapitre premier « comme sanction
des mesures à prendre contre certains fonc-
tionnaires du ministère de la marine ». De
grands applaudissements se sont élevés ; et
cet amendement, accepté bien entendu par
M. de Lanessan, — n'étant qu'acte pris des
déclarations qu'il venait de faire — a été
adopté par 488 voix contre 20. Les nationa-
listes en ont été pour leur courte honte.
Au début de la séance, la Chambre avait
renvoyé après le budget la discussion d'une
interpellation de M. d'Anlen sur les der-
nières promotions de la Légion d'honneur.
— Aujourd'hui, suite du budget de la ma-
rine.
Lucien Victor-Meunier.
L'ACADÉMIE DES CONCOURT
Les parents de M. Edmond de Goncourt qui
contestaient la validité du testament instituant
la fameuse académie, viennent d'être déboutés
de leur demande par la Cour d'appel. ,MM.
Léon Hennique et Léon Daudet se proposent
de demander au conseil d'Etat, la reconnais-
sance d'utilité publique de la nouvelle institu-
tion.
Voici en quels termes Edmond de Goncourt
manifestait ses intentions à ce sujet :
Mes exécuteurs testamentaires. les associés à la
création de la jeune académie que je fonde, la de-
vront faire reconnaître d'utilité publigue, afin de
recevoir tous les autres dons et legs.
Les exécuteurs testamentaires, devront rem-
plir les deux clauses suivantes :
Je veux qu'il soit distrait chaque année sur les
arrérages : f
1* La somme nécessaire pour faire la rente d'un
dîner mensuel, à vingt francs par tête, dont fo-
raient partie les dix membres désignés, pendant les
mois de novembre, décembre, janvier, février,
mars, avril et mai ;
2- La somme nécessaire pour faire la rente d'un
prix provisoire de douze cents francs pour le meil-
leur ouvrage d'imagination en prose paru pendant
l'année.
Comme on le sait, la réalisation des biens et
des collections de Goncourt a fourni une
somme d'environ un million et demi de francs,
laquelle est grevée de plusieurs legs et dons.
Ces sommes défalquées, il resterait 2,400 fr.
de rente pour chacun des membres de l'acadé-
mie C'est moins que la somme prévue pat
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NOS LEADERS
Acte de Fai
Qui donc prétend que la foi est
éteinte dans nos âmes, depuis que Vol-
taire a dit que l'homme a fait la Divinité
à son image, et depuis que Diderot divi-
nisa la nature ? Qui donc désespère de
la France des croisades et de Bossuet,
des Emigrés et des Chouans ? Que les
élus de Dieu se réveillent, non que
l'heure du jugement dernier soit venue,
et qu'il n'y ait encore devant nous de
longs siècles de discussions théologi-
ques et politiques. Mais un Messie mo-
derne vient de se lever, apportant au
monde le signe d'une nouvelle Rédemp-
tion. Ce Messie, c'est M. Brunetière,
tout frais conçu par quelque Vierge
romaine. La crêche est à Besançon. Sa
divine parole vient d'y émerveiller les
docteurs et les Mages. Là, en effet, en
présence de plusieurs archevêques dont
ceux de Sens, de Quimper et de Monaco,
il a brûlé la science sur l'autel du ca-
tholicisme. Il a fait l'histoire de sa con-
version, qui a duré quatre ans, à peu
près toute l'affaire Dreyfus. Il a soutenu
cette thèse, qu'il y a des vérités d'ordre
naturel qne l'homme peut atteindre, et
d'autres vérités d'ordre surnaturel que
la révélation seule peut dévoiler. « C'est,
dit la Croix, une des plus heureuses ré-
volutions dans le monde des intelli-
gences. »
La Croix a un peu raison. Car, il n'ar-
rive pas toujours qu'un homme ait tra-
vaillé toute sa vie pour aboutir à cette
découverte.
Du reste, nous ne nous occuperions
pas des nouvelles idées philosophiques
de M. Brunetière, s'il ne les avait ré-
vélées à la France, moins comme pen-
Heui- qne comme homme politique.
C'est ainsi que les prières de M. Gou-
the-Soulard laisseraient tout le monde
indifférent, si ce prélat restait dans les
limites de ses fonctions épiscopales.
Mais, ces écrivains, ces poètes, ces évê-
ques, ne sont que les agents militants
du parti ultramontain ayant pour but
de faire prévaloir dans l'ordre social la
méthode qu'ils appliquent à leur cons-
cience théologique. Ils continuent de
sette façon leur campagne nationaliste
et antisémite, qui consiste à réaliser
une prétendue uaion morale sur la ré-
surrection de l'ancien dogme romain. Il
s'agit toujours de l'excommunication de
tous les éléments de libre pensée et de
libre discussion. Les points de vue de
la campagne ont beau varier, suivant
les circonstances et les hommes. C'est
le Protée aux mille formes, l'enfant ché-
ri, mis au monde par les Pères de l'As-
somption, dans le berceau de la Répu-
blique.
Tout est. dans ce mot magique : la
Révélation. On n'a rien inventé, d'ail-
leurs.
Le raisonnement est vieux comme la
religion de Moïse ou de Boudah.
L'homme ne pouvant, par la science
ou la raison connaître et dominer toute
la nature, il ne reste plus qu'à faire un
acte de foi dans le surnaturel.
Or, le surnaturel vaHant à l'infini,
suivant la mythologie de chaque peu-
ple et la digestion de chaque individu,
le prêtre se trouve naturellement char-
gé de le formuler. Voilà la Révéla-
tion,
Diderot se moquait agréablement des
Brunetière et des théologiens de son
époque en leur disant :
« Vous faites comme celui qui n'ayant
qu'une faible lanterne pour se guider
dans les ténèbres, l'éteindraient pour y
mieux voir ».
Ce système religieux a servi de base
pendant des siècles d'oppression à l'an-
cien système politique. Le droit divin
des rois n'en était qu'une des consé-
quences.
Il s'agit tout simplement de le faire
tevivre dans l'esprit des masses, afin de
l'appliquer à la démocratie.
C'est pourquoi, ceux qui s'enrôlent
îans le nationalisme, ou le suivent,mar-
chent quelquefois, sans s'en douter, vers
la restauration d'une puissance surnatu-
relle, au-dessus de la raison, de la pen-
sée, de la conscience individuelles. Lo-
giquement, fatalement, ils tendent à
fortifier dans l'ordre social le principe
d'intolérance au détriment de la li-
berté.
Nous demandons où peut aboutir une
République qui proclamerait la supério-
rité de la foi sur la science, de la chose
révélée sur la chose prouvée ? La théo-
logie réussit peut-être à les concentrer
dans ses spéculations abstraites. En fait,
dans la lutte sociale, ces éléments sont
Irréconciliables. Tout au plus peut-on
les séparer par la classification artifi-
cielle du spirituel et du temporel, mais
les unir, jamais.
Aussi, les hommes qui nous combat-
lent sur le terrain catholique, ou sur le
terrain de toute autre confession reli-
gieuse, ne sont pas des démocrates. De
, même, ceux qui prétendent dans les
discussions politiques, introduire un
dogme, un acte de foi quelconque, à
l'aide duquel on imposerait des limites
à la pensée. Us procèdent, en réalité,de
la même école. La théologie se trouve
transportée dans le domaine politique,
voilà tout.
Ils oublient qu'en République, la
nfîanoe ne saurait se décréter, ni être
obtenue qu'avec la lumière et la raison.
C'est ce qui explique que les Assomp-
tionnistes aient trouvé tant d'adhérents
chez les républicains. Ceux-là sont aussi
dignes que M. Brunetière de trouver à
Rome le chemin de Damas, cléricaux
honteux, n'osant répudier toute solida-
rité avec l'esprit ultramontain, milita-
ristes outranciers, dont le patriotisme
est si chatouilleux, qu'il ne saurait tolé-
rer la critique de notre organisation mi-
litaire sans y voir une atteinte à l'armée
nationale, à la France !
Avons-nous donc péniblement détruit
les Brunetière et leur surnaturel d'au-
trefois pour leur substituer les Brune-
tière et leur surnaturel d'aujourd'hui ?
La foi, nous la voulons reléguée et
respectée dans son domaine propre, dans
celui de l'imagination et des temples.
Nous ne la voulons pas s'installant en
force dominatrice dans l'ordre social,
où le droit de la raison et le pouvoir de
la science doivent rester souverains.
Cela entraîne des abuset concourt sou-
vent au désordre.
C'est possible.
M. Deschanel, dans son récent dis-
cours, justement signalait les excès de
cette âpre lutte de tous les jours pour la
conquête de la justice, où l'homme le
meilleur se meurtrit le cœur et se brise
contre les passions déchaînées.
Mais, les hommes vraiment forts
trouvent en eux-mêmes leur soutien. Ce
sont ces hommes forts qu'une démocra-
tie doit former, et non des croyants
aveugles prêts, à chaque défaillance, à
invoquer la force surnaturelle. En cour-
bant le front devant celle-ci, ils cour-
bent les droits de l'humanité.
Avec ces derniers, une République
n'aurait plus qu'à passer, la main au
seul régime compatible avec le dogme
de la Révélation, — à la monarchie.
Mais qu'on le dise alors, loyalement,
et nous partirons tous pour Besançon,
nous convertir au nouveau Messie,
M. Brunetière.
Olivier Bascou.
Nous publierons demain un article
- - de M. Philippe Laloge.
NOUVEL ÉCHEC
Aucun de nous n'ignore que
les ministères de la guerre et de
la marine abritent quelques of-
ficines d'affaires véreuses. Tant
de scandales ont été déjà dévoi-
lés que nous aurions bien tort
de douter. En voici un de plus : le scandale
Philipp Jude au ministère de la marine. Et
Philipp n'est pas le seul employé qui se
livre à des malversations. Il a des complices,
trop nombreux, hélas ! -
Mais ce n'est pas une raison pour rendre
le ministre responsable de ces vilaines af-
faires et s'écrier que lui aussi est complice,
comme l'a fait hier M. Georges Berry. Ces
messieurs de la droite et du centre
ont la mémoire bien courte Faut-il
leur rappeler que tout récemment ils sym-
bolisaient « l'honneur de l'armée )) en la
personne du uhlan Esterhazy, escroc, faus-
saire,traitre; et qu'ils donnaient comme des
agneaux sans tache les associés de cette
merveilleuse usine de faux qui sévissait rue
St-Dominique, au beau moment de l'affaire
Dreyfus ? Qui donc alors a songé à solida-
riser leur ministre préféré, M. Cavaignac,
avec ces brigands de grand chemin ?
M. Berry a été mal inspiré. M. Pelletan,
au contraire, dans un discours dont la
Chambre conservera le souvenir, s'est
borné à dénoncer le mal et à demander au
gouvernement de frapper sans pitié les cou-
pables. Un amendement qu'il a déposé dans
ce sens a primé celui de M. Berry. Le gou-
vernement l'a accepté, bien entendu, et il a
été vengé par une majorité énorme des
insinuations du député de la droite.
Celle-ci, le centre de M. Méline et tous
ceux qui rêvent chaque nuit d'un porte-
feuille, ont été cruellement déçus. Ils pen-
saient tenir la victoire, c'est-à-dire avoir
renversé le cabinet. Ils en sont pour leurs
calculs et leurs espérances. Je ne serais,
d'ailleurs, pas étonné, le coup n'ayant pas
réussi, qu'ils en vinssent à trouver que le
gouvernement a été trop sévère quand ce
dernier aura donné le coup de balai qui
s'impose. — Ch. B.
L'AMNISTIE AU SÉNAT
La commission sénatoriale de l'amnistie s'est
réunie, hier, sous la présidence de M. Clama-
jeran. Cinq membres seulement étaient pré-
sents. Ils ont commencé l'examen du projet de
loi déposé par le gouvernement sur le bureau
du Sénat.
MM. Waldeck-Rousseau et Monis devaient
être entendus. Ils ont fait prévenir qu'ils ne
pourraient venir que samedi prochain.
La commission a décidé de ne prendre au-
cune décision avant d'avoir entendu le prési-
dent du conseil.
UNE REUNION PUBLIQUE D'OFFICIERS MARINIERS
Brest, 5 mars.
A la suite des décrets organisant le corps de
maistrance et des dessinateurs des arsenaux,
décrets conférant des avantages à ces corps
non-combattants, un certain mécontentement
s'est produit parmi les officiers mariniers des
équipages de la flotte, qui se prétendent lésés.
Dans une réunion publique qu'ils viennent
dé tenir, les officiers mariniers en activité du
2e arrondissement maritime ont, après de nom-
breuses discussions, élu un comité d'action de
huit membres pour transmettre les revendica-
tions du personnel combattant au ministre de
la marine.
C'est la première fois que les officiers mari-
niers organisent une réunion publique.
'e
A LA SOCIETE DES AMIS DE L'UNIVERSITÉ
La Société des Amis de l'Université que pré-
side M. Casimir-Perier, a réuni, hier, à quatre
heures et demie, à la Sorbonne, ses membres
titulaires, fondateurs et donateurs, en assem-
blée générale..
La réunion, qui était nombreuse, a été tenue
dans l'amphithéâtre Richelieu. M. Casimir-Pe-
rier présidait, assisté des meçabres du bureau
dtt comité.
LA MAISON DES ROIS
M. Protocole triomphe. — Un post-
scriptum aux mémoires d'un den-
tiste. — Le secret des pierres.
— Restaurons, meublons,
payons.
La surprise est peut-être désolante pour les
Majestés qui aiment à séjourner incognito chez
nous, — et le sévère Gotha sait s'il y en a f
Mais l'Exposition de 1900 leur retire cet im-
muable prétexte, qu'elles invoquaient jusqu'à
présent, pour mener à Paris l'existence à leur
gré et pour se loger à leur guise.
Le souverain disparaissait et le snob seul
restait au milieu de nous. C'était tant pis pour
l'Académie et tant mieux pour l'Opéra.
Désormais, changement imprévu; dès que
les rois, nos visiteurs, auront mis pied à terre,
leur équipage gravira au grand trot l'avenue
des Champs-Elysées, et ira stopper devant le
n° 41 de l'avenue du Bois.
Les monarques pénétreront dans un hôtel
blanc, enfoui discrètement au fond d'un parc.
On leur apprendra que c'est en cette maison
que la France les hébergera pendant la du rée
de leur visite. Et nul n'osera, par politesse, leur
rappeler que trente ans auparavant, sous le
même toit où les acclamations du peuple les
accompagnent, une souveraine déchue, dont la
couronne eut l'éclat de la leur, vint se réfugier
honteuse avant de partir en exil.
L'Etat locataire
Car la singularité des choses a voulu que ce
fût précisément sur l'hôtel du célèbre dentiste
Evans, qui protégea, le 4 septembre 1870, la
fuite de l'impératrice Eugénie,que l'Etat arrêtât
ses préférences. Depuis l'Exposition de 1889,
plus de cinquante projets-avaient été patronés,
examinés, et finalement repoussés. Le gouver-
nement souffrait beaucoup de ne point avoir
une demeure disponible à offrir à ses hôtes
d'importance. Il se tira d'affaire lors de la der-
nière Exposition, en logeant le shah de Perse
en un assez confortable hôtel de la rue Goper-
nic. La visite de l'empereur de Russie lui sus-
cita plus d'ennuis. La difficulté fut tranchée par
la décision que prit le tsar en descendant à sa
propre ambassade. Nous eûmes à traiter, en
1896, le prince de Bulgarie et, en 1897, le roi
de Siam. On les casa tant bien que mal en un
appartement de l'avenue Hoche. Ces déménage-
ments continuels prêtaient à la raillerie. Ma-
rianne avait l'air de retirer ses meubles à la
cloche des bois. Désaffecter le ministère des
Affaires Etrangères, on y songea. Etait-ce vrai-
ment pratique ? Désigner le château de Com-
piègne, celui de Versailles ou celui de Saint-
Germain? Qu'auraient dit les rois, infortunés
mortels, condamnés à brûler vingt kilomètres
soir et matin?..
L'hôtel du docteur Evans a paré à cet incon-
vénient.
Il était justement vacant; son ancien proprié-
taire l'avait abandonné depuis quelques an-
nées déjà, pour aller habiter l'un des étages
du magnifique immeuble voisin, qui dessine
l'angle de la rue de la Pompe.
, Il louait l'hôtel moyennant soixant e mille
francs l'an.
La ville de Philadelphie qui est son héritière,
avait abaissé à cinquante mille francs le prix
de location. C'est à ce chiffre que le marché a
été conclu entre l'Etat et la cité américaine, qui
cède du même coup tout le premier étage de la
maison do rapport où seront installés les gens
de l'escorte des souverains.
La propriété
Cette dépense supplémentaire a été rendue
obligatoire par l'insuffisance relative des locaux
de l'hôtel Evans. Cette destination nouvelle n'a
pas été prévue. Il n'est donc point étonnant que
les pièces pêchent un peu par leur exiguité ;
mais, ce qui manque en superficie est large-
ment compensé par tout le charme d'une si-
tuation unique, qu'aucun autre quartier n'était
à même de présenter. Que rêver, en effet, de
plus joli et de plus séduisant que cette claire
villa, perdue dans la fougère, encadrée de mar-
ronniers touffus et de sapins géants, entre l'Arc
de Triomphe, qui renvoie l'écho atténué du
tumulte de la ville et du Bois de Boulogne dont
une brise légère apporte, au printemps, les ex-
quises senteurs.
La propriété porte trois numéros : 105, ave-
nue Malakoff, 180, rue de la Pompe, et 80, ave-
nue du Bois-de-Boulogne. Les grilles du jardin
sont en bordure de ces voies. La maison est
mignonne. Elle n'a que trois étages. Le r re-
mier, un rez-de-chaussée, élevé sur une haute
terrasse, est percé de sept fenêtres de façade,
en comprenant celles des deux ailes que déploie
la villa, de droite et de gauche.
Les appartements du premier étage répètent
exactement ceux du rez-de-chaussée. Le second
étage a des proportions moins vastes. Au fond
du jardin, il n'existe actuellement qu'un corps
de logis isolé réservé à la concierge et une écu-
rie capable d'abriter sept chevaux. Il est pro-
bable que deux ou trois pavillons seront
construits encore dans le jardin, à l'usage des
inévitables policiers que sollicite à l'intérieur
la surveillance à exercer.
La disposition et la distribution des salles
sont des plus élégantes. Le rez-de-chaussée com-
porte une assez spacieuse salle à mangor, une
bibliothèque, une galerie, trois salons et un
jardin d'hiver. On accède dans le vestibule par
un premier perron extérieur, en face des salons
qui prennent jour avenue du Bois-de-Boulogne
dont on aperçoit les massifs verdoyants. L'esca-
lier est une des curiosités de la maison. Il est
tout de marbre, marbre blanc, marbre veiné,
marbre polychromé. Au premier étage, on a
cinq grandes chambres à coucher, avec cabi-
net de toilette. Deux de ces chambres pourront
être transformées en salles d'attente ou en salle
de billard. Quatre autres chambres confortables
sont situées à l'étage supérieur. Telle est, au-
jourd'hui, la maison. Comment sera-t-elle
demain ?
Chez l'architecte
Nous avons été interroger sur ce point,
M. Carré, architecte du ministère des affaires
étrangères, à qui l'on a demandé de restaurer
la bâtisse.
— Les travaux, nous a-t-il dit, ne sont encore que
fort peu avancés. Je ne fais absolument qu'un re-
plâtrage général afin de mettre la maison en état,
c'est-à dire de la rendre habitable, purement et
simplement. Il nous sera utile d'être prévenus sur
la qualité de nos hôtes pour aménager l'immeuble
en conséquence. Or,nous ne savons rien encore. La
surface de la villa ne lui permet pas de prétendre
au grandiose. Elle sera adorable. N'est-ce pas
assez ?
Au Garde-Meuble
Faisons nous, pour un instant, architecte, ta-
pissier, protocolaire et financier. Ces attribu-
tions ne sont pas superflues pour s'intéresser
à un projet qui se réclame d'elles.. L'architecte
est en train de rendre la maison habitable. Que
va faire le tapissier? Et M. Loquet, le très ai-
mable conservateur du Garde-Meuble national,
de nous répondre :
Nous non plus, de notre côté, nous n'avons été
officiellement avertis de la venue des souverains
étrangers dont on attend la visite. Notre rôle ne
commencera que d'ici quelques semaines, lorsque les
créditsdemandés saurontété accordés. Le directeur
des Beaux-Arts, dont dépend ce service,sera prié alors
par le ministère des affaires étrangères de- meubler
la maison, en se conformant aux indications qu'il
aura reçues.Je me propose, d'ailleurs, d'aller ins-
pecter fréquemment les lieux, en compagnie de
l'architecte, pour juger moi-même de la place à as-
signer aux objets gae fournira le garde-meuble.
Mon initiative personnelle sera forcément limitée.
On me dira : que ce soit en cet endroit un salon,en
cet autre un fumoir, et je n'aurai qu'à exécuter ces
ordres. Les rois afflueront-ils, ainsi que certains
nous l'assurent?
Je serai plutôt enclin à croire que nous n'aurons
guère dans nos murs que des missions extraordi-
res. Aucune ambassade n'est annoncée avant le
mois de mai prochain, mais je serai tout prêt
néanmoins à livrer les locaux meublés, dès le 15
avril, jour de l'ouverture de l'Exposition, si cette
date m'est imposée.
Au service du protocole
Au fait, la circonstance serait bizarre :
Attendre des rois et n'en pas avoir. Qui donc
nous renseignerait mieux sur cette éventualité
que M. Armand Mollard, directeur adjoint du
Protocole:
On se trompe ordinairement, nous dit-il, sur la
nature de notre tâche. Ce n'est pas par notre entre-
mise que s'échangent les invitations et les accep-
tations. Nous ne sommes appelés qu'au dernier
moment pour nous occuper de l'ordonnance des
cérémonies de présentation, Le ministre ne nous a
communiqué aucune nouvelle encore, et je doute
qu'il soit lui-même fixé de manière irrévocable sur
les visites qui nous seront faites.
La « Petite note »
Soyons maintenant comptables. Pour rece-
voir des rois, il faut payer la note. Sera-t-elle
onéreuse, M. Roger, chef du service de la
comptabilité au ministère des affaires étran-
gères, nous rassure en ces termes :
Cent vin-, t mille francs tout au plus. Mes devis
sont coordonnés et mon bilan établi. La demande
de crédit sera déposée à la Chambre, au cours de ce
mois, par M. Delcassé. Vous n'ignorez pas que nous
avons dû louer deux, appartements contigus, à
proximité de l'hôtel. Nous avons pu, grâce à ce
double marché, obtenir une diminution sensible
sur la somme de location. Vous voyez que ce chif-
fre n'a rien d'exorbitant et que les deniers publics
n'auront pas à en pâtir. La direction des beaux-arts
me remettra bientôt un petit travail, où sont mi-
nutieusement relevées les dépenses que nécessite-
rait la venue d'un souverain, dont la présence
n'aurait pas été escomptée. Cette hypothèse, du
reste, est assez peu vraisemblable. Quand nous au-
rons vu défiler la légation marQcaine, le shah de
Perse et l'empereur Ménelick, qu'aurons-nous en-
core à espérer ?
-Et si, demandons-nous,deux souverains se trou-
vaient simultanément à Paris ?
— Oh bien ! alors ! reprit en riant notre interlo-
cuteur, nous ouvririons la volière et rendrions sa
liberté à l'un des deux.
Quel serait le plus heureux ?
Voir à la 3e page
LES DERNIÈRES DÉPÊCHES
de la nuit et la
REVUE DES JOURNAUX
du matin
AU CONSEIL DE L'UNIVERSITE
M. Gréard, vice-recteur de l'Académie, a pré-
sidé hier la réunion du conseil de l'Université
de Paris.
Le conseil a enregistré les nominations de :
M. Gautier, comme professeur de toxicologie
de l'Ecole supérieure de pharmacie, et des pro-
fesseurs adjoints suivants : MM. Lafaye (lan-
gue et littérature latines à la Faculté des let-
tres) ; Hang (géologie à la Faculté des scien-
ces) : Matruchot (botanique) ; Leduc (physique);
Hadamard (mathématiques).
Le conseil s'est occupé des mesures à pren-
dre en vue de la participation de l'Université
de Paris à l'Exposition universelle de 1900.
Le recteur a rendu ensuite compte du suc-
cès des conférences organisées à la Sorbonne
par la Société des amis de l'Université de Pa-
ris en faveur de ses membres, et par l'Univer-
sité en faveur des étudiants.
Le conseil a autorisé l'ouverture des cours
libres ci-après :
Faculté de médecine. — M. Bérillon : Psycholo-
gie physiologique et pathologique. Applications
chimiques et thérapeutiques de l'hypnotisme.
M. Bonnet : Les découvertes modernes et leurs
applications aux sciences médicales. « électricité
médicale rayons X de Rœntgen, chromo-photogra-
phie air liquide ».
M. Dunogier : Pathologie et chirurgie dentaires.
M. Gaube : Cours de minéralogie biologique. Dé-
minéralisation et reminéralisation hioaaines. Trai-
tement des maladies bactériennes do l'homme par
un spécifique minéral.
Faculté des sciences. — M. Michel : Morphologie
générale et expérimentale.
M. Labbé : Cytologie.
M. Bonet-Maury a été désigné pour préparer
le rapport sur les travaux et la situation des
facultésen 1899-1900.
Les cours et exercices seront suspendus
à l'Université, le jeudi de la mi-carême, 22
mars.
ACADÉMIE DES SCIENCES
La greffe herbacée.— Un nouveau mode
de production d'espèces
nouvelles.
Depuis déjà plusieurs années un botaniste
avisé, M. Daniel, poursuit d'intéressantes re-
cherches sur la greffe dans les diverses espèces
végétales et on lui doit en particulier la dé-
monstration de ce fait que l'on croyait jadis
irréalisable, à savoir que les plantas herbacées
sont susceptibles tout comme les ligneuses de
bénéficier de l'opération de la greffe.
Cette trouvaille a été pour M. Daniel l'origine
d'une nouvelle et importante découverte. En
greffant certaines espèces herbacées l'une sur
l'autre, cet auteur en effet a obtenu des plantes
traitées des graines qui, par sélection,ont donné
naissance à des variétés nouvelles.
Cette expérience fort remarquable au point de
vue théorique, puisqu'elle montre sans réplique
que le sujet agit sur le greffon, contrairement
à l'opinion communément admise, est appelée
à avoir d'importants résultats pratiques, puis-
qu'elle apporte aux horticulteurs et aux ma-
raîchers en particulier un moyen inédit pour
l'obtention d'espèces nouvelles.
Communications diverses
A mentionner encore parmi les communica-
tions présentées hier à l'Académie une note de
M. Henri Moissan relative à la préparation et à
l'étude des propriétés d'un nouveau perchlorure
de manganèse, une autre de M. Georges Ma-
ronneau sur la préparation des phosphures de
fer, de nickel, de cobalt et de chrome et une
dernière note de M. Charrin, note présentéepar
M. d'Arsonval, sur la glycosurie durant la pé-
riode de la gestation.
Election d'un correspondant
Enfin, mentionnons l'élection, au cours de la
séance, en qualité de membre correspondant
dans la section de chimie de M. E. Fischer, de
Berlin.
M. Fischer, qui était présenté en première li-
gne, a été élu par quarante-sept suffrages sur
cinquante-deux votants. Ses concurrents étaient
MM. Crooker, de Londres ; Henry, de Louvain;
Ladenburg, de Breslau et Longuini, de Mos-
cou.
———————————- ————————————.
LE FROID ET LA NEIGE
Une violente tourmente de neige sévit sur
tout le midi, où le froid persiste depuis trois
jours. A Privas les récoltes de pêchers et d'a-
mandiers sont perdues. On nous écrit de Perpi-
gnan que de gros flocons sont tombés dans le
canton de Saint Paul de Fenouillet et que l'on
redoute les suites que cette recrudescence de
froid pourra avoir pour les récoltes de céréales.
La neige tombe aussi avec abandance à Pau
et à Calmes où la rafale « soufflé aveo fureur.
LA SÉANCE DE LA CHAMBRE
L'INTERPELLATION GEORGES BERRY
Le budget de la marine. — Le cas de M. Philipp. - Les nationalistes 1
l'assaut. — Intervention de M. Camille Pelletan, rapporteur du budget.
- Vote de l'amendement Camille Pelletan. — Discours de
MM. de Lanessan et Waldeck-Rousseau. — La victoire du
gouvernement.
Les nationalistes ont, tm instant, frétillé
hier.
Pendant le quart d'une minute, ils ont
pu, prenant leurs désirs pour des réalités
et les vessies pour des lanternes, espérer
que l'existence du ministère était menacée.
Fugace espoir. La majorité qui soutient
le gouvernement de défense républicaine
ne s'est pas laissée entamer, et cette fois
encore, la réaction en a été pour ses pei-
nes.
Il s'agissait — à propos du chapitre Ier
du budget de la marine — du cas de ce
M. Philipp, ancien employé au ministère
de la marine, accusé d'avoir fourni à l'An-
gleterre des renseignements sur les affrète-
ments du Transvaal. Une de ces affaires,
vous savez, que l'opposition grossit déme-
surément, dans un dessein facile à com-
prendre. C'est M. Georges Berry qui a hissé
la question à la tribune ; il l'a fait pesam-
ment; on fait ce qu'on peut. L'un des moin-
dres défauts de M, Georges Berry est qu'on
n'entend guère ce qu'il dit, tant son articu-
lation est défectueuse. Que ne prenait-il des
leçons de déclamation. Il a essayé d'être
méchant, tant que possible, si bien qu'n ce
moment, M. Jourde lui a crié :
— Dites tout de suite que le ministre est
complice de M. Philipp.
En somme ce qu'il y avait dans la vitu-
père de M. Berry, ce n'était que des insinua-
tions. En l'écoutant, les gens de bonne foi
se disaient étonnés du tapage fait autour de
cette misérable affaire : - Quoi 1 ce n'est
que cela !.
M. de Lanessan, ministre de la marine, a
répondu de façon sobre et précise: expli-
quant que M. Philipp, en congé hors cadres et
sans solde, n'appartient plus en fait à l'ad-
ministration de la marine ; que, du reste,
le dit M. Philipp ne pouvait fournir au-
cun renseignement sérieux sur les affrète-
ments du Transvaal, et ajoutant :
M. de Lanessan. — Jo fis aussitôt pren-
dre des renseignements sur les agissements do
M. Philipp.
Le 14 février, le conseil des directeurs fut
convoqué ; M. Philipp fut invité à comparaître
devant lui.
La presse ne s'est emparée de l'affaire que le
16 février. Le ministre avait pris auparavant
les mesures nécessaires. Mais il fallait bien
entendre les explications de l'intéressé. Il fallait
aussi laisser le temps à ceux qui détien-
nent la lettre en question de la porter au mi-
nistre de la marine.
Cette lettre, le ministre ne la connait pas en-
core. Il a besoin pour être renseigné sur son
authenticité d'en être saisi.
Le conseil des directeurs fera son devoir : il
s'inspirera des véritables notions de justice et
il frappera M. Philipp et ses complices, s'il en a.
Ces déclarations si nettes n'ont pas été
du goût de tout le monde, et M. Lasies, en
particulier, a crié si fort que M. Deschanel
s'est vu dans la nécessité de lui infliger un
rappel à l'ordre avec inscription au procès-
verbal.
Le débat aurait pu se terminer là, mais
M. Camille Pelletan est monté à la tribune,
annonçant son intention d'élargir le terrain
de la discussion.
Il l'a fait avec son talent et son esprit
habituels, dressant un véritable et succinct
acte d'accusation contre M. Philipp.
M. Camille Pelletan. — A l'ombre de
la flotte de la rue Royale, il s'est formé une
petite escadre armée en corsaire qui a rétabli à
son profit la vieille industrie des naufrageurs
avec le droit d'épave.
C'est ce groupe qui a monté l'affaire de la
société française de la blanchisserie antisepti-
que et microbicide.
Les administrateurs étaient sous-chefs et ré-
dacteurs au ministère de la marine, et comme
une blanchisserie justifiait tout un état-major
masculin, mais aussi féminin, on dit, hélas !
que les actionnaires se sont plaints qu'on y
fêtait trop joyeusement la description des mi-
crobes.
Un inventeur de système de pompes, M.
Beau, a été dépouillé de son invention par les
agissements de ce groupe auquel appartenait
M. Philipp.
Philipp était sous-chef au bureau des pêches.
Son ami Sauvage était sous-chef du bureau de
la correspondance au cabinet du ministère.
C'était un excellent moyen pour empêcher les
lettres de réclamation concernant Philipp d'ar-
river jusqu'au ministre.
Devant de telles pratiques, il est urgent de
procéder à un nettoyage antiseptique et micro-
bicide.
Il est nécessaire de faire remarquer que
ces faits sont notablement antérieurs à l'ar-
rivée de M. de Lanessan à la marine. Un
peu auparavant, comme M. Georges Berry
faisait allusion à cette blanchisserie anti-
septique, notre ami Charles Bos avait crié :
Adressez-vous à l'amiral Rieunier 1
M. Pelletan a ajouté :
Un ministre peut n'être pas au courant de
tous les détails de son administration. Mais ici
les faits étaient de notoriété publique; ils re-
montent à plusieurs années.
On a inventé pour les personnages en ques-
tion des procédés d'avancement foudroyant.
Philip'p et Sauvage arrivent, d'emblée, de ré-
dacteurs de 2" classe, sous-chefs de bureau,
sautant ainsi trois classes.
C'est un peu comme un lieutenant qui passe-
rait colonel.
Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas fait
rechercher la lettre dont on a parlé. Ou elle est
fausse, ou elle est authentique.
Dans les deux cas, elle doit être communi-
quée à la justice..
Il faut que nous sachions la vérité ; et il faut
qu'on nous explique la faveur inexplicable
dont a profité l'auteur d'une tentative de trahi-
son.
M. Pelletan a été très applaudi ; mais il a
dû être étonné — et peu charmé - de cons-
tater qu'il était applaudi le plus bruyam-
ment â droite et sur les bancs nationa-
listes,
Ce'n'est pas assurément là le succès,qu'il
souhaitait.
M. de Lanessan est remonté à la tribune,
répétant que le comité des directeurs, pré-
sidé par le chef d'état-major général, a été
saisi des affaires de M. PhUippJl
M. de Lanessan. — Il les jugera, et i?
frappera tous ceux dont la responsabilité esi
engagée.
Le ministre ne connaissait pas tous les faits
qui viennent d'être exposés à la Chambre. Ils
feront l'objet d'un examen rigoureux, et tous
les coupables seront frappés.
M. Pourquery de Boisserin est venu alors
apporter son concours à M. Georges Berry.
Sévèrement boutonné dans sa redingote,
comme tout justicier doit l'être, M. de Bois-
serin a adressé à M. de Lanessan des som-
mations assez peu courtoises.
C'est M. Waldeck-Rousseau qui a ré-
pondu. Il l'a fait avec sa fermeté et sa so-
briété habituelles, avec aussi cet incompa-
rable talent de parole que tous, amis et
ennemis, admirent.
M. Waldeek-Roosseao, — M. Pelle-
tan a retracé le tableau de certains ractes et de
certains faits remontant là des époques plus ou
moins lointaines et desquels il résulterait que,
depuis trop longtemps, certains fonctionnaires
auraient pris l'habitude, non seulement de par-
ticiper à des affaires, mais même d'en 'prendre
la direction.
Nous n'entendons pas attribuer à nos prédé-
cesseurs des responsabilités qui ne leur incom-
bent pas ; mais, d'autre part, nous avons le
droit de demander au Parlement de n'être ren-
dus responsables que des actes que nous avons
accomplis ou des incorrections connues de
nous, que nous aurions négligé de réprimer.
A ce point de vue général, je tiens à confir-
mer la réponse de M. le ministre de la marine.
Dans un intérêt de gouvernement, il faut
protester contre toute pensée que les abus
constituent autre chose que des actes isolés.
M, Pelletan l'a dit avec raison: ce sont des
exceptions ; il a rendu lui-même hommage au
dévouement et à l'intégrité de nos administra-
tions.
Que. certains faits particuliers doivent être
l'objet d'un examen et d'une sanction, personne
n'en disconviendra; et M. le ministre de la ma-
rine vous a fait connaître les mesures qu'il
compte prendre. - 1
Tous ceux qui, après un mûr examen, non
pas sur une incrimination, même de bonne foi,
ou une dénonciation hâtive, mais après une
instruction approfondie, seront reconnus cou-i
pables d'avoir manqué au devoir professionnel
seront frappés. i
Voix à droite : Il est trop tard. ■
M. le président du conseil. — On
nous demande aussi — et c'est à M. Pourquery
de Boisserin que je réponds — comment, ayant
été informés le 21 janvier qu'on promenait
cette lettre de M. Philipp, nous n'ayons pas
saisi la justice dès le 22.
Ayant examiné avec M. le ministre de la ma-
rine cette question, j'ai pensé et je pense qu'en
pareille matière il faut plus de sang-froid que
de précipitation.
M. Camille Pelletan. — Au risque do
laisser détruire la pièce.
M. le président du conseil. — Je dis
que l'intérêt public ne risquait rien, au con-
traire, à ce que, non pas sur le vu de la pièce,,
mais sur le ouï-dire de son existence, on na
mit pas immédiatement en mouvement l'appa-
reil de la justice.
Nous avons voulu prendre les renseigne-
ments qui nous ont paru strictement indispen-
sables. Nous considérons qu'en prenant le
temps d'apprécier, nous n'avons pas manqué à"
notre devoir. Je vais plus loin.
Nous considérons que nous avons agi avea,
prudence, dans l'intérêt même du pays et d'une
bonne justice. Je déclare donc que si la Cham-
bre ne partageant pas ce sentiment et donnant
suite à la proposition de M. Berry, émettait
non pas une indication que nous nous sommes
déclarés prêts à suivre, mais un blâme que nous
ne saurions accepter avec dignité, le Gouver-
nement saurait comprendre.
C'était la question de confiance nette-
ment, carrément posée. C'est à ce moment
que les nationalistes ont eu ce frétillement
de joie dont je parlais en commençant. Mais
la déception a suivi de près. En bon répu-
blicain, M. Camille Pelletan a refusé de
s'associer aux manoeuvres des Georges Ber-
ry et des Pourquery de Boisserin.A l'amen-
dement de M. Berry, il en a opposé un au-
tre tendant à une diminution dé 500 francs
sur le chapitre premier « comme sanction
des mesures à prendre contre certains fonc-
tionnaires du ministère de la marine ». De
grands applaudissements se sont élevés ; et
cet amendement, accepté bien entendu par
M. de Lanessan, — n'étant qu'acte pris des
déclarations qu'il venait de faire — a été
adopté par 488 voix contre 20. Les nationa-
listes en ont été pour leur courte honte.
Au début de la séance, la Chambre avait
renvoyé après le budget la discussion d'une
interpellation de M. d'Anlen sur les der-
nières promotions de la Légion d'honneur.
— Aujourd'hui, suite du budget de la ma-
rine.
Lucien Victor-Meunier.
L'ACADÉMIE DES CONCOURT
Les parents de M. Edmond de Goncourt qui
contestaient la validité du testament instituant
la fameuse académie, viennent d'être déboutés
de leur demande par la Cour d'appel. ,MM.
Léon Hennique et Léon Daudet se proposent
de demander au conseil d'Etat, la reconnais-
sance d'utilité publique de la nouvelle institu-
tion.
Voici en quels termes Edmond de Goncourt
manifestait ses intentions à ce sujet :
Mes exécuteurs testamentaires. les associés à la
création de la jeune académie que je fonde, la de-
vront faire reconnaître d'utilité publigue, afin de
recevoir tous les autres dons et legs.
Les exécuteurs testamentaires, devront rem-
plir les deux clauses suivantes :
Je veux qu'il soit distrait chaque année sur les
arrérages : f
1* La somme nécessaire pour faire la rente d'un
dîner mensuel, à vingt francs par tête, dont fo-
raient partie les dix membres désignés, pendant les
mois de novembre, décembre, janvier, février,
mars, avril et mai ;
2- La somme nécessaire pour faire la rente d'un
prix provisoire de douze cents francs pour le meil-
leur ouvrage d'imagination en prose paru pendant
l'année.
Comme on le sait, la réalisation des biens et
des collections de Goncourt a fourni une
somme d'environ un million et demi de francs,
laquelle est grevée de plusieurs legs et dons.
Ces sommes défalquées, il resterait 2,400 fr.
de rente pour chacun des membres de l'acadé-
mie C'est moins que la somme prévue pat
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