Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1883-11-08
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Description : 08 novembre 1883 08 novembre 1883
Description : 1883/11/08 (A13,N4327). 1883/11/08 (A13,N4327).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
Treizième vannée.—Ati—N° 4327 Prix du numéroàParis: 15 centimes. —• Départements: 20 centimes Jeudi 8 Novembre 1883
LE - SIECLE
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Egypte 352 50.
Rio Tinto. 527 50, 53 52937,
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phénix. 438, 441.
PARIS, 7 NOVEMBRE 1883
La Chambre a abordé les derniers arti-
cles du projet de loi municipale ; ce
sont ceux qui concernent Paris. Dans les
vues du gouvernement, comme dans le
projet de la commission, il ne s'agit
point de donner à la ville de Paris une
organisation municipale définitive; cette
grosse affaire est réservée, et l'on se
borne à introduire un nouveau mode
d'élection pour le conseil municipal pa-
risien. C'est la seule question qui puisse
êlre résolue maintenant, à vrai dire.
Cependant M. Sigismond Lacroix et
M. Anatole de La Forge proposent d'abor-
der, par voie d'amendement, l'étude
complète des systèmes d'administration
municipale dont il conviendrait, suivant
eux, de doter Paris. Dans la séance
d'hier, l'honorable M. Sigismond Lacroix
a développé le système connu sous le
nom d'autonomie communale, et son
discours élégant sera lu avec un intérêt
très vif. Mais il n'aura et ne peut avoir
qu'un succès de lecture. La question a
été déjà jugée par la Chambre actuelle,
devant qui ce débat n'offre pas, désor-
mais, d'intérêt pratique. L'organisation
des élections municipales à Paris est le
seul point qui puisse être aujourd'hui
traité en vue d'un résultat.
Le projet de la commission est connu
depuis assez longtemps déjà, puisqu'il
eut pour premier auteur le regretté M.
Herold, qui l'avait préparé tandis qu'il
était préfet de la Seine. Le principe est
de ramener Paris au régime du scrutin
de liste, qui fonctionne dans toutes les
autres communes. Mais, comme il est à
Deu près impossible d'établir le scrutin
de liste sans sectionnement dans une
ville de plus de deux millions d'habi-
tants, il devient nécessaire de sectianner
Paris en plusieurs circonscriptions élec-
torales. Le projet primitif de la com-
mission divisait Paris en cinq circons-
criptions (dont on trouvera plus loin le
détail) ; le projet du gouvernement, au-
quel la commission s'est hier raliiée,
réduit ces circonscriptions à quatre :
1° les S,, 9°, 16e, 17e et 18e arrondisse-
ments ; 2° les l«r, 2e, 3e, 10' et 19e ; 3°
les 4e, 11e, 12e et 20e ; 4° les six arron-
dissements de la rive gauche. Chacune
de ces circonscriptions élirait de vingt
à vingt-trois conseillers, soit quatre-
vingt huit conseillers en tout, au lieu
de quatre-vingts, nombre actuel.
Quand nous ne serions pas absolu-
ment acquis au principe du scrutin de
liste, nous ne demanderions certes pas
mieux que d'en faire ici l'expérience,
à cause des pitoyables résultats que
donnp le scrutin par quartier. N'ou-
blions pas, -, d'ailleurs, que les différen-
ces de population, qui sont énormes
entre plusieurs quartiers, entraînent des
anomalies singulières au point de vue
de la représentation proportionnelle,
puisque des quartiers presque déserts
nomment chacun leur représentant
comme les quartiers les plus populeux.
Au contraire, le gouvernement propose
cette base équitable : un conseiller mù-
nicipal par 25,000 habitants. Sur le prin-
cipe nous sommes tout à fait d'accord
avec la commission et le ministère.
Quant à l'application, il nous semble que
quatre circonscriptions, c'est trop peu,
et que les cinq projetées d'abord suffi-
saient à peine. La question sera certai-
nement débattue , et nous attendons
les raisons que fera valoir le ministère
à l'appui de son plan. Mais il nous pa-
raîtrait plus juste de créer sept ou huit
circonscriptions, et nous ne voyons pas
biy, la nécessité de réunir cinq ou six
arrondissements en un gros bloc. Voici
fa première circonscription, par exem-
ple : ne serait-il pas équitable de la edu-
per en deux et de faire voter ensemble,
d'une part, les 8% 9° et 16e, et, d'autre
part, les 17 e et 18e ? Dans la quatrième
circonscription, pourquoi ne pas créer
un collège avec les 5% 6e et 7e, qui ont
entre eux tant d'affinités naturelles, et
un autre collège avec les 13e, 14e et 15e,
'qui sont des arrondissements de l'an-
cienne banlieue ?
Nous n'ignorons pas qu'il y aura des
objections contre toutes espèce de sec-
tionnement Nous indiquons aujourd'hui,
les nôtres contre le sectionnement pro-
posé par le ministère, tout prêts, d'ail-
leurs, à nous rendre aux bonnes raisons,
Si Ion en donne. Le projet du gouver-
nement, tel qu'il est, nous semble assu-
rément très préférable au système de
Iélection .pa! quartier; mais ses quatre
circonscriptions nous paraissent trop
!l:at et comDo es d'éléments trop
divers que l'on cherche un peu trop
visiblement à neutraliser. En dédoublant
ces circonscriptions, on assurerait, selon
nous, aux habitants de Paris une re-
présentation plus fidèle ; et c'est ce but
que nous nous permettons de recom-
mander.;
EUG. LIÉBERT.
—————— ——————
LE PARLEMENT
COURRIER DE LA CHAMBRE
Paris, 6 novembre 1883.
Dans cette séance, qui a pu paraître
terne à l'auditeur d'occasion, il y a néan-
moins deux scintillements, d'inégale di-
mension : l'un, destiné à jeter simple-
ment quelques lueurs plus ou moins ful-
gurantes; l'autre, plus éteint d'apparence,
mais susceptible de fixer l'attention des
astronomes politiques, à notre humble
avis.
Nous commencerons par nous occuper
du premier, celui qui était annoncé, at-
tendu. La ville de Paris, son conseil mu-
nicipal, son maire, font irruption dans la
loi d'organisation municipale.
Comment sera régie la capitale ?
Ce ne sont pas les systèmes qui man-
quent. M. Laroclie-Joubert, gros papetier
d'Angoulême, et M. Calla, député de la
Muette, ont chacun le leur : M. Laroche-
Joubertfait nommer les conseillers muni-
cipaux de Paris par les fractions de la pro-
vince; moins original, M. Calla se con-
tente d'en faire élire un certain nombre
par. l'Institut. Tous deux paraissent en-
j* ,-- - --_.L--- T - m t
cuames ue leur concepuun. j-ia miaiiiure,
en laissant percer un certain ravisse-
ment, écarte l'une et l'autre de ces com-
binaisons fantaisistes.
Et nous voici en présence du contre-
projet de M. Sigismond Lacroix, c'est-à-
dire de la quintessence des aspirations
d'autonomie communale.
Les visées de la commission ainsi que
les prétentions du groupe autonomiste
ayant été exposées plus haut, nous nous
garderons bien de disserter sur les systè-
mes ; l'intérêt de la séance git dans la fa-
çon dont ils sont présentés.
Sous ce rapport, M. Sigismond Lacroix
a, pour son coup d'essai, fait un coup de
maître.
La physionomie est ingrate, accentuée,
rappelant l'origine étrangère : ces che-
veux blonds, taillés en brosse, se dressant
drus et droits pour surmonter des pom-
mettes saillantes que relie l'acier bril-
lant d'un binocle permanent, se conti-
nuent par une barbe d'un blond clair,
courte, raide; on devine le moujick.
Ce moujick est policé, La parole n'est
peut-être pas brillante, mais elle coule
claire, sans bouillonnements tumultueux,
comme de source; la voix est sans éclat,
mais elle porte admirablement ; le geste
est à peu près nul, la main gauche s'é-
gare même trop souvent dans la poche
du pantalon, et cependant le discours a
de la vivacité, grâce à la façon dont il est
naturellement découplé, si l'on nous per-
met l'expression.
Ce plaidoyer en faveur de l'autonomie
communale de Paris nous a fait l'effet
d'être bâti avec beaucoup d'art, sous des
allures simples : chaque argument est
placé à son rang, préparant l'argument
qui va suivre, et l'enchaînement est assez
serré pour dissimuler suffisamment les
trous produits par les arguments qui
manquent.
Paris appartient-il à la France ou aux
Parisiens? Entre ces deux théories, il faut
choisir. Telle est la thèse de l'orateur,
dont l'habileté consiste à ne pas nier que
souvent l'intérêt de l'Etat et l'intérêt com-
munal s'entremêlent et à soutenir simple-
ment qu'il ne s'agit que de mettre un
peu de bonne volonté à répartir les attri-
butions 4e chacun. Ces attributions, il les
passe en revue : travaux de voirie, assis-
tance publique, impôts, questions d'en-
seignement et même police.
M. Sigismond Lacroix a une méthode
oratoire absolument différente de celle de
M. Clémenceau : pas d'attaques passion-
nées, pas de raisonnements tenant sur
une pointe. d'aiguille ou de chicanes pivo-
tant sur une expression plus ou moins
impropre ; il procède par des faits qui
traînent à leur suite leur développement
naturel — et que, bien entendu, il se ré-
serve de choisir à sa guise. Si M. Clémen-
ceau avait eu à soutenir ce débat, il n'au-
rait certainement pas résisté à la déman-
geaison de cribler d'épigrammes ceux de
ses adversaires actuels qui ont jadis de-
mandé la suppression de la préfecture de
police : M. Jules Ferry, en 1870; M. Bris-
son, en 1871; M. Ranc, en 1872 ; M. Hé-
risson, en 1881. M. Sigismond Lacroix a
effleuré ce point avec une aisance discrète
qui était véritablement de bon ton. Con-
clusion : Ah ! que M. Clémenceau doit
être heureux de sentir enfin, à ses côtés,
un collègue de l'Extrême Gauche capable
de le suppléer parfois, dans le rôle de
chef d'opposition, et même de l'y suppléer
avec avantage I
Cent bravos tout au plus ont fêté ce
début. Ce n'est pas assez, à notre avis ;
ce talent naissant méritait d'être plus
chaudement encouragé, — car, au fond,
il ne s'agit absolument que d'une joûte
oratoire.,
Quelques mots seulement sur' un inci-
dent qui, à nos yeux, a une autre impor-
tance qu'un discours de M. Sigismond
Lacroix.
Vers la fin de la loi municipale, M. Paul
Bert a produit un article additionnel, dé-
taché d'une loi d'ensemble dont s'occupe
depuis quelque temps déjà une commis-
sion spéciale et qui a pour but de retirer
soit aux services du cuite, soit à des éta-
blissements ecclésiastiques ou religieux,
les immeubles affectés à cet usage par
l'Etat,les départements ou les commune
Cet article additionnel 'le que
les communes et leur permet de rentrer
immédiatemenC si elles le veulent, en
possession des immeubles qui leur appar-
tiennent -. --- -"
Rien qu'en entendant la lecture de l'a-
mendement, nous avons deviné ce qui
allait se passer. La Chambre ne manque
jamais de céder à un entraînement de ce
genre et elle résiste rarement au plaisir
de légiférer « à côté ». N'est-ce pas dans
une discussion sur le trajet des paque-
bots transatlantiques qu'elle a glissé une
interdiction de cumul pour les députés?
En effet, malgré l'oppositiode M. de
Marcère, rapporteur, qui a fait remarquer
que la loi municipale avait à se préoccuper
simplement de l'administration des com-
munes, non de l'affectation des biens
communaux, et que l'article additionnel
était une façon un peu détournée de
trancher une grosse question pendante,
la Chambre a, par 315 voix contre 135,
pris en considération la proposition de
M. Paul Bert.
MM. Jules Ferry et Waldeck-Rousseau
avaient, par malheur, été prendre l'air au
moment où l'incident se produisait, très
rapide. Mais, après-demain, quand il s'a-
gira d'inscrire définitivement dans la loi
cette prise en considération, il faudra bien
prendre un parti.
La mesure, une fois admise en ce qui
concerne les communes, entraine forcé-
ment l'équivalent en ce qui concerne les
départements. Cela établi, comment l'Etat
pourrait-il faire exception ?
En vérité, si concordataire que cela
soit, c'est grave, on ne saurait se le dissi-
muler, et doit être particulièrement grave
aux yeux d'un gouvernement gui vise
plutôt à la détente avec Rome.
Vous me direz qu'il y a le Sénat!..,
PAUL LAFARGUE.
COURRIER DU SÉNAT
Nous remarquions bien que, aepuls le
commencement de la session, la Droite
monarchiste, à cinq ou six exceptions
près, s'abstient de siéger. Nous nous
gardions certes de nous en plaindre,
d'attirer l'attention sur cette particula-
rité, de peur de piquer les amours-propres
et de mettre fin à une si heureuse situa-
tion, car la besogne n'en allait que mieux.
C'était un rêve. Le seul profil de M. de
Gavardie, nettement découpé sur le fond
rouge des tentures, nous ramenait seul
au sentiment de la réalité et les longues
heures d'absorption silencieuse, calme
en apparence, pendant lesquelles il a l'ha-
bitude de s'effiler méthodiquement la
pointe du nez entre le pouce et l'index,
ne suffisaient pas à nous rassurer contre
la crainte d'une explosion subite. L'ex-
plosion s'est produite : la minute du dé-
traquement est arrivée. Sa voix mordante
a retenti au travers des discussions sé-
rieuses. A propos de quoi ? Le sait-il lui-
même? A propos de rien, comme le jap-
pement d'un roquet au milieu d'un
adagio symphonique. Il s'oppose à l'au-
torisation d'emprunt que demande la
ville du Havre, parce qu'une partie de la
somme doit être employée aux « inutiles
dépenses » de l'instruction publique. Mais
ne tremblez point. L'autorisation n'en est
votée qu'à une plus forte majorité. Dors-
tu content, Voltaire?
Un instant plus tard, nous retrouvions
M. Teisserenc de Bort acharné sur les
objets d'or et d'argent, contre la liberté
du titre. Il en a gros sur le cœur, l'ancien
ministre du commerce. On lui a jeté
de grosses pierres dans ses statistiques,
labouré le sable, détruit les bordures;
et patiemment il se met en devoir de re-
commencer à râlisser les allées. C'est un
terrible ami, M. Teisserenc de Bort, et
qui n'aime pas à demi. Il n'entend pas
seulement faire le bonheur de l'horloge-
rie malgré elle; il veut lui persuader
qu'elle est dans une position délicieuse,
que tout pour elle va au mieux dans le
meilleur des mondes possibles. Et si la
capricieuse déclare qu'elle se sent mal
à l'aise, de gros chiffres sont là pour lui
fermer la bouche.
Toutes les données d'une expérience,
terre à terre parfois, mais toujours pra-
tique, qu'ont accumulées, hier, M. Oudet
et M. Dietz-Monnin, paraissent avoir glissé
sur M. Teisserenc de Bort, sans trouver
plus de prise que l'eau sur le marbre. Il
s'obstine à soutenir que la valeur de no-
tre bijouterie et la confiance qu'elle ins-
pire au dehors tient tout entière dans la
rigoureuse surveillance dont la loi en-
toure la fabrication. Il n'est, selon M.
Teisserenc de Bort, meilleure garantie
d'honorabilité que de ne pouvoir être
malhonnête.
C'est contre cette théorie que s'insurge
le ministre des finances, et les choses ont
tourné de telle sorte que nous voyons le
représentant même du gouvernement
obligé d'invoquer contre la garantie
de l'Etat une garantie plus sûre, la
dignité de nos grands commerçants, la
responsabilité personnelle, le souci de
leur marque et de leur réputation. Les pe-
tites pratiques révélées par M. Dietz-
Monnin ne donnent-elles pas cent fois
raison à ces vues si larges? C'est un usage
assez répandu chez les exportateurs alle-
mands de demander le poinçon français
sur des bijoux au titre légal et de le trans-
porter intact sur des marchandises de
pacotille. Qui empêcherait nos bijoutiers
d'imiter ce procédé? Il est vrai qu'en Al-
lemagne le gouvernement ferme les yeux
paternellement sur une fraude très pro-
fitable à l'exportation nationale , et qu'il
est alors presque impossible d'atteindre
les fraudeurs. Mais que devient par
suite l'argument tiré de l'inviolabilité
de nos marques?
Avec une parfaite netteté de langage et
sans s'arrêter à d'autres considérations
que l'intérêt des producteurs français, le
ministre des finances reprend tour à tour
et met en lumière tous les points de cette
laborieuse discussion. Il montre quelle
importance présente, au point de vue
même des ouvriers, la solution demandée
paç la loi. C'est un immense débouché que
nous rouvrent une massé énorme de
produits manufacturés que nous jetons
dans les cinq parties du monde; car nous
avons, en dépit de tout, conservé la vogue
par notre goût et notre probité, et c'est à
torce de baisser les prix que les nation"
rivales sont parvenues à nous écraser
sous leur concurrence jusque dans nos
propres colonies. Donc, qu'on ferme
l'oreille à des préjugés dès longtemps
renversés par la pression des événements.
Toutes les chambres syndicales, autrefois
réfractaires, sont maintenant d'accord
pour s'unir aux efforts du gouvernement.
Il n'est pas de meilleurs juges.
Après cet exposé impartial et chaleu-
reux à la fois, personne n'est d'humeur
à écouter les balivernes que M. de Ga-
vardie essaye ici encore de débiter. L'in-
tervention de M. Tirard a produit l'effet
qu'elle devait produire. Le projet est
voté et le Sénat décide qu'il passera à
une deuxième délibération.
PAUL PELLEGRIN..
AU CONSEIL MUNICIPAL
M. Joffrin n'a pas été heureux à la
dernière séance du conseil municipal.
On se souvient que les terrains de Cha-
ronne, voisins du Père-Lachaise, fu-
rent, au mois de mai 1871, le dernier
théâtre de la résistance de la Commune.
Le conseiller de Montmartre demandait
que cet enclos, actuellement « profané »,
fùt « concédé à perpétuité aux parents
et amis de ceux qui, fidèles jusqu'à la
mort à leur foi politique et sociale, sont
héroïquement tombés en cet endroit b.
Ce - n'était rien moins, on le voit,
qu'une réhabilitation, disons mieux,
une glorification de la Commune. L'am-
nistie en 1879 avait voulu effacer jus-
qu'au souvenir d'une guerre civile dou-
loureuse ; d'autres semblent n'avoir
qu'une pensée, réveiller tous ces sou-
venirs, empêcher les haines de s'étein-
dre, et les transmettre d'une généra-
tion à l'autre.
M. Joffrin demandait i urgence puur
sa proposition : le conseil l'a repoussée.
Espérons qu'il n'en sera plus parlé.
Ensuite venait l'affaire chère entre
toutes au cœur de M. Joffrin : le réta-
blissement de la garde nationale. On
connaît de longue date le projet : sup-
primer les armées permanentes et les
remplacer par des milices municipales,
composées de tous les hommes valides
de vingt à cinquante ans. A elles re-
viendrait le -soin de maintenir l'ordre
en temps de paix et de repousser l'é-
tranger en cas d'invasion. C'est là ce
que M. Joffrin appelle la nation armée,
et son avis était partagé par le rappor-
teur de la commission" M. Desmoulins..
Si l'on nous demandait en quoi de
telles questions sont du ressort d'un
conseil municipal et ce qui restera aux
sénateurs et aux députés si les assem-
blées 'communales se mêlent de régler
le service militaire du pays, nous se-
rions fort embarrassés de répondre ;
mais ces sortes de scrupules, on le sait,
ne gênent guère nos édiles parisiens.
Cette délibération n'est pas, à tout pren-
dre, beaucoup plus étrange que nom-
bre de celles qui ont précédé.
Nous aimons mieux, aujourd'hui, féli-
citer le conseil municipal. Il a fait vite
et il a fait bien. Après la lecture du
rapport, on proposait de remettre la
discussion à huitaine ; il a décidé qu'elle
aurait lieu immédiatement. Puis, après
un débat relativement court et animé,
selon l'habitude, par de nombreuses
interruptions se croisant, il a décidé
qu'il ne passerait pas à la discussion
des articles. La proposition de M. Jof-
frin a rallié seulement 9 suffrages con-
tre 58. Nous n'entendrons donc plus,
de quelque temps du moins, parler de
la garde nationale, ni au conseil muni-
cipal, ni ailleurs
Nous ne sommes pas de ces gens
soupçonneux qui cherchent au vote si
raisonnable de nos conseillers des in-
tentions secrètes ou machiavéliques, qui
les accusent d'avoir voulu à dessein se
montrer modérés au moment même où
M. Sigismond Lacroix demandait à la
Chambre le rétablissement de la mairie
centrale. C'est très sincèrement; et
sans nulle arrière-pensée, que nous féli-
citons pour notre part le conseil muni-
cipal; il n'a pas eu besoin pour re-
pousser la proposition de M. Joffrin de
s'inspirer d'autre chose que de son pa-
triotisme.
On peut être indifférent à la patrie,
on peut, même après les leçons de 1870,
s'imaginer qu'il n'y a d'importantes que
les questions sociales, et répéter: « Que
m'importe d'être Français, Allemand,
Belge, Anglais, Italien ou Russe? » On
peut plaindre ceux qui professent cette
indifférence. Il est inutile de discuter
avec eux. Si l'on est résigné à se laisser
dévorer par le premier voisin venu, am-
bitieuxou violent, c'est chose assurément
superflue d'avoir un armée permanente
qui coûte fort cher. Mais alors il n'est
pas moins superflu d'avoir même une
garde nationale. 11 est bien plus simple
de se laisser tout bonnement prendre
par qui voudra. Plus ae soldats, plus
de forteresses, plus de canons ni de
fusils. Entrez dans la maison quand il
vous plaira, messieurs de l'étranger, et
ne vous gênez pas.
Mais si l'on pense autrement, si l'on
se trouve bien d'être Français et si l'on
tient à rester Français, si l'on n'est pas
disposé à se laisser dépouiller par n'im-
porte quel conquérant, alors il faut être
résolu à se défendre, et s'assurer, le
jour où l'on serait atiarj-aé, le moyen de
mettre la force au service du droit.
Libre à M. Joffrin et à quelques au-
tres de croire que ce moyen est le réta-
blissement de la garde nationale.; libre
à eux d'avoir confiance, pour vaincre
les armées régulières les plus nombreu-
ses et les plus aguerries, sur l'élan et
l'enthousiasme des milices improvisées.
Pour tous les autres, l'expérience est
faite, et nous l'avons payée assez cher
pour que du moins elle ne soit pas per-
due !
Les guerres modernes sont courtes
et terribles; la science y joue un rôle
de plus en plus prépondérant. Malheur
à qui ne peut pas, dès le premier jour
des hostilités, opposer le nombre au
nombre, l'outillage à l'outillage, la dis-
cipline à la discipline 1 Durant la pre-
mière partie de la campagne de 1871,
nous avons eu la discipline, mais les
hommes manquaient et les canons :
quand nous avons eu des canons et des
hommes, c'était la discipline qui man-
quait. La garde nationale véritable,
c'est-à-dire représentant la nation et
capable de la défendre, c'est l'armée
que nous a donnée la loi de 1872, où
tout le monde passe, où tout le monde
apprend son métier de soldat, où tout le
monde rentre quand le jour est venu de
faire son devoir.
CHARLES BIGOT.
..1
mmm——^'
Nouvelles parlementaires
Deux commissions seulement étaient con-
voquées hier au Palais-Bourbon : la com-
mission du budget et la commission muni-
cipale.
La commission au Duaget a entendu M.
Casimir - Perler, sous-secrétaire d'Etat au
ministère de la guerre, qui a défendu une
demande de crédit pour la création d'écoles
de vétérinaires.
La commission,, après en avoir délibéré,
a repoussé cette demande.
M. Hervé-Mangon lui a ensuite donné con-
naissance de son rapport sur les crédits de-
mandés pour le ministère de l'agriculture.
Enfin M. Jules Roche a terminé la lecture
du rapport sur le budget de l'instruction
publique.
*
La commission municipale a conféré avec
le ministre de l'intérieur, avant la séance.
Le ministre lui a soumis son nouveau pro-
jet de sectionnement de la ville de Paris en
quatre circonscriptions électorales compre-
nant chacune de 430.000 à 480.000 habitants,
et portant à 83 le nombre des conseillers à
élire.
Le ministre désirait que les nouveaux ar-
tic'es fussent inscrits dans la loi à titre défi-
nitif et non à titre de dispositions transi-
toires, mais la commission n'a pas déféré à
ce désir.
Les dispositions nouvelles ayant fait l'ob-
jet d'un rapport spécial déposé en séance,
il est inutile de les exposer plus longuement
ici.
Au cours de cette entrevue, le ministre a
déclaré que, si le Sénat examinait la loi mu-
nicipale assez rapidement pour qu'elle pût
être votée à la fin de l'année, il retarderait
les élections municipales afin qu'elles soient
faites sous le régime nouveau.
* !
»
La Gauche radicale nommera aujourd'hui
son nouveau bureau.
» »
Le Centre gauche du Sénat a tenu séance
hier pour désigner le candidat au siège de
sénateur inamovible vacant, par suite du
décès de M. Victor Lefranc.
Le groupe a choisi M. de Pressensé par 16
voix contre 6 à l'amiral Cloué, 5 à M. Sénart
et 2 à M. Franek.
M. Waddington, président du groupe, a
fait ensuite ses adieux à ses collègues.
Il retourne à Londres prendre possession
de son poste dans peu de jours.
A. Lr
DE PONTOISE A STAMBOUL
FÉERIE AUTHENTIQUE (i)
IV
Un savant ingénieur de la Compagnie
du Nord, M. David Banderali, qui est
par surcroît un artiste et un écrivain
distingué, a publié le 18 mars de cette
année, sous prétexte de conférence, une
étude vraiment originale, intitulée les
Trams express en 1883. Parmi les idées
neuves qui abondent dans son beau tra-
vail, il en est une qui m'a surtout frappé
par le sérieux du fond et le pittoresque
de la forme. La voici : « Le point de dé-
part de l'établissement du matériel à
voyageurs a été différent en Amérique
et en Europe. En Europe, nous som-
mes partis de la simple chaise à por-
teurs que nous avons placée sur des
roues, et dont nous avons fait peu à peu
la diligence et la voiture de chemin de
fer. En Amérique, le point de départ est
tout opposé. L'Américain a pris sa mai-
son, l'a réduite aux proportions stricte-
ment nécessaires pour la faire circuler
sur les voies ferrées, et l'a mise sur des
roues ».
Je n'ai jamais si bien senti la justesse
de cette observation qu'à Giurgewo, en
quittant notre hôtellerie mobile et les
serviteurs bien stylés qui nous avaient
suivis jusque-là. L'homme est un ani-
mal casanier; il veut être chez lui,
même- en voyage. Il y a quinze ans,
les matelas de coton bien tassé sur les-
quels on repose dans les hôtels du Caire
m'avaient paru bien durs au premier
choc; je les trouvai délicieux après un
mois de navigation dans la Haute-Egypte
et mes compagnons de voyage s'écriè-
rent aussi en apercevant notre auberge
sous les grands mimosas d'Esbekien :
« Nous voilà donc chez nous 1 » Hé
(l) Voir les numéros des 21, 26 et 31 octobre
t83
bien 1 je n'étais plus chez mol, mais
plus du tout, lorsque je mis pied à
terre en plein champ devant la berge
fangeuse et délabrée du Danube; et
au moment où vingt portefaix s'empa-
rèrent de notre bagage, pour le transpor-
ter au bateau, je sentis vaguement la
terre manquer sous mes pas.
Au demeurant, si l'embarcadère de
vieux bois mal équarri et fort usé n'é-
tait pas des plus confortables, le petit
vapeur matinal qui nous conduisit à
Roustschouk en moins d'une demi-heure
était assez hospitalier; le capitaine avait
une bonne grosse figure ; le sommelier
du bord servait infatigablement ses pe-
tites tasses d'excellent café à la turque,
et le valet de chambre de M. Nagel-
mackers débouchait une vingtaine de
bouteilles empruntées pour la circons-
tance à la cave des wagons-lits. Nous
avions fait, d'ailleurs, sur la chaussée
de terre qui deviendra plus tard un
quai, une ample provision des bons rai-
sins de Roumanie.
Notre débarquement fut un peu re-
tardé par l'escale d'un de ces grands
bateaux autrichiens qui ressemblent à
des arches de Noé, et qui feront encore
assez longtemps concurrence aux che-
mins de fer entre la Basse-Hongrie et
les bouches du Danube. Le fleuve qu'on
a mis en valse était très plein, assez
rapide et fauve comme le Nil à Boulaq
dans la saison des hautes eaux.
Je ne dirai rien de la gare de Rous-
tschouk, sinon que celte tête de ligne
ferait médiocre figure dans un village
des Landes. Arrivés à huit heures, nous
devions monter en wagon à neuf heures
et demie ; je pus donc nrendre avftft
deux ou trois compagnons un des grands
fiacres découverts et disloqués dont les
cochers, vêtus comme les compagnons
du Roi des montagnes, et les chevaux
échevelés comme des coursiers de baï-
lade, nous offraient leur service en
criant ou hennissant des mots inconnus.
J'ai donc vu Roustschouk, c'est-à-dire
une agglomération de plâtras alignés
tant bien que mal le long de rues in-
vraisemblables, où la pelle et le balai
feront sensation s'ils ont jamais la fan-
taisie de venir s'y promener comme
nous. L'affreux Pirée, tel qu'il m'esti
apparu en février 1852, est un Versail-
les en comparaison de Roustschouk.
Pauvres Bulgares ! Vous souvient-il du
temps où l'Europe s'intéressait si chau-
dement à leur sort? Je vois encore
MM. Jankolof et Geschof. les ieunes et
intelligents délégués qui vinrent à Paris
solliciter l'appui moral de Gambetta. Ils
me-firent l'honneur de s'adresser à moi
pour obtenir une entrevue avec l'illustre
patriote, et ils le rencontrèrent à ma
table, sous les ombrages de Malabri..
Gambetta n'avait pas d'armée à leur
offrir et il craignait de les voir s'enga-
ger dans une aventure.
« Quel est exactement, leur disait-il,
l'état de vos forces ?
Ils répondaient :
« Nous n'en avons point.
— Pas même une garde nationale ?
— Pas même. Nous n'avons que les
sociétés de gymnastique.
— Armées ?
— A peine.
— Exercées ?
— Un peu.
- Mais, mes pauvres enfants, vou?
serez écrasés 1
- Sans nul doute ; et pourtant nous
nous soulèverons.
— Pourquoi donc ?
— Il le faut. »
Nous n'en pûmes tirer d'autres ré-
ponses ; on eût dit que la contagion du
fatalisme musulman les avait gagnés.
Ils s'insurgèrent, comme ils nous-l'a-
vaient dit, et furent écrasés, comme
Gambetta le leur avait prédit. Leur sang
coula à flots jusqu'au jour où la Russie
sentit qu'elle devait les secourir comme
Slaves et comme orthodoxes. Elle fit la
guerre pour eux, une guerre sentimen-
tale et politique à la fois qui l'avança
d'une grande étape dans sa marche sur
Constantinople.
Cette histoire, qui date d'hier, mt
revient en esprit quand mon fiacre dé-
bouche sur une place beaucoup plus
pittoresque que pavée, où quelques cen-
taines de Bulgares font l'exercice sous
le commandement d'officiers russes.
Tout juste devant nous, au milieu des
masures, s'élèvent les constructions
d'un palais inachevé. C'est une des fu-
tures résidences du prince régnant,
Alexandre de Battenberg. On dit que ce
jeune homme de noble sang faisait assez
activement la fête, lorsque son grand
patron et son parent, l'empereur dé:
Russie, le plaça sur un trône pour
l'empêcher de courir. On dit aussi que
le sentiment du devoir professionnel,
concurremment avec l'instinct de con-
servation personnelle, l'a rendu presque
aussi bon Bulgare que le roi Charles de
Hohenzollern Sigmaringen est devenu
bon Roumain. Il s'émanciperait volon-
tiers des tuteurs à la main pesante que
la Russie lui a imposés et que son
peuple supporte impatiemment comme
lui ; peut-être même irait-il jusqu'à se-
couer le protectorat de la Russie, mais
ses sujets ne le suivraient sans doute
pas aussi loin, car les Bulgares sont
accoutumés à voir dans l'empereur de
Russie un libérateur, un pape et un
père.
Il y a très probablement dans ce pays
des villes autrement bâties et autre-
ment peudlées -que Roustscliouk, mais je
LE - SIECLE
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
REDACTION
l'adresser au Secrétaire de la Rédaction
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Six mois. 3S »»
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Italien. 90 72,70, 75, 72.
Turc 9 62, 60.
Banque OttoiLane" 667 50, 666 87. 659 57, 668
Lots turcs 43 75, 44.
Egypte 352 50.
Rio Tinto. 527 50, 53 52937,
Extérieure. 56 112, 15132, 17[32, 3i8.
phénix. 438, 441.
PARIS, 7 NOVEMBRE 1883
La Chambre a abordé les derniers arti-
cles du projet de loi municipale ; ce
sont ceux qui concernent Paris. Dans les
vues du gouvernement, comme dans le
projet de la commission, il ne s'agit
point de donner à la ville de Paris une
organisation municipale définitive; cette
grosse affaire est réservée, et l'on se
borne à introduire un nouveau mode
d'élection pour le conseil municipal pa-
risien. C'est la seule question qui puisse
êlre résolue maintenant, à vrai dire.
Cependant M. Sigismond Lacroix et
M. Anatole de La Forge proposent d'abor-
der, par voie d'amendement, l'étude
complète des systèmes d'administration
municipale dont il conviendrait, suivant
eux, de doter Paris. Dans la séance
d'hier, l'honorable M. Sigismond Lacroix
a développé le système connu sous le
nom d'autonomie communale, et son
discours élégant sera lu avec un intérêt
très vif. Mais il n'aura et ne peut avoir
qu'un succès de lecture. La question a
été déjà jugée par la Chambre actuelle,
devant qui ce débat n'offre pas, désor-
mais, d'intérêt pratique. L'organisation
des élections municipales à Paris est le
seul point qui puisse être aujourd'hui
traité en vue d'un résultat.
Le projet de la commission est connu
depuis assez longtemps déjà, puisqu'il
eut pour premier auteur le regretté M.
Herold, qui l'avait préparé tandis qu'il
était préfet de la Seine. Le principe est
de ramener Paris au régime du scrutin
de liste, qui fonctionne dans toutes les
autres communes. Mais, comme il est à
Deu près impossible d'établir le scrutin
de liste sans sectionnement dans une
ville de plus de deux millions d'habi-
tants, il devient nécessaire de sectianner
Paris en plusieurs circonscriptions élec-
torales. Le projet primitif de la com-
mission divisait Paris en cinq circons-
criptions (dont on trouvera plus loin le
détail) ; le projet du gouvernement, au-
quel la commission s'est hier raliiée,
réduit ces circonscriptions à quatre :
1° les S,, 9°, 16e, 17e et 18e arrondisse-
ments ; 2° les l«r, 2e, 3e, 10' et 19e ; 3°
les 4e, 11e, 12e et 20e ; 4° les six arron-
dissements de la rive gauche. Chacune
de ces circonscriptions élirait de vingt
à vingt-trois conseillers, soit quatre-
vingt huit conseillers en tout, au lieu
de quatre-vingts, nombre actuel.
Quand nous ne serions pas absolu-
ment acquis au principe du scrutin de
liste, nous ne demanderions certes pas
mieux que d'en faire ici l'expérience,
à cause des pitoyables résultats que
donnp le scrutin par quartier. N'ou-
blions pas, -, d'ailleurs, que les différen-
ces de population, qui sont énormes
entre plusieurs quartiers, entraînent des
anomalies singulières au point de vue
de la représentation proportionnelle,
puisque des quartiers presque déserts
nomment chacun leur représentant
comme les quartiers les plus populeux.
Au contraire, le gouvernement propose
cette base équitable : un conseiller mù-
nicipal par 25,000 habitants. Sur le prin-
cipe nous sommes tout à fait d'accord
avec la commission et le ministère.
Quant à l'application, il nous semble que
quatre circonscriptions, c'est trop peu,
et que les cinq projetées d'abord suffi-
saient à peine. La question sera certai-
nement débattue , et nous attendons
les raisons que fera valoir le ministère
à l'appui de son plan. Mais il nous pa-
raîtrait plus juste de créer sept ou huit
circonscriptions, et nous ne voyons pas
biy, la nécessité de réunir cinq ou six
arrondissements en un gros bloc. Voici
fa première circonscription, par exem-
ple : ne serait-il pas équitable de la edu-
per en deux et de faire voter ensemble,
d'une part, les 8% 9° et 16e, et, d'autre
part, les 17 e et 18e ? Dans la quatrième
circonscription, pourquoi ne pas créer
un collège avec les 5% 6e et 7e, qui ont
entre eux tant d'affinités naturelles, et
un autre collège avec les 13e, 14e et 15e,
'qui sont des arrondissements de l'an-
cienne banlieue ?
Nous n'ignorons pas qu'il y aura des
objections contre toutes espèce de sec-
tionnement Nous indiquons aujourd'hui,
les nôtres contre le sectionnement pro-
posé par le ministère, tout prêts, d'ail-
leurs, à nous rendre aux bonnes raisons,
Si Ion en donne. Le projet du gouver-
nement, tel qu'il est, nous semble assu-
rément très préférable au système de
Iélection .pa! quartier; mais ses quatre
circonscriptions nous paraissent trop
!l:at et comDo es d'éléments trop
divers que l'on cherche un peu trop
visiblement à neutraliser. En dédoublant
ces circonscriptions, on assurerait, selon
nous, aux habitants de Paris une re-
présentation plus fidèle ; et c'est ce but
que nous nous permettons de recom-
mander.;
EUG. LIÉBERT.
—————— ——————
LE PARLEMENT
COURRIER DE LA CHAMBRE
Paris, 6 novembre 1883.
Dans cette séance, qui a pu paraître
terne à l'auditeur d'occasion, il y a néan-
moins deux scintillements, d'inégale di-
mension : l'un, destiné à jeter simple-
ment quelques lueurs plus ou moins ful-
gurantes; l'autre, plus éteint d'apparence,
mais susceptible de fixer l'attention des
astronomes politiques, à notre humble
avis.
Nous commencerons par nous occuper
du premier, celui qui était annoncé, at-
tendu. La ville de Paris, son conseil mu-
nicipal, son maire, font irruption dans la
loi d'organisation municipale.
Comment sera régie la capitale ?
Ce ne sont pas les systèmes qui man-
quent. M. Laroclie-Joubert, gros papetier
d'Angoulême, et M. Calla, député de la
Muette, ont chacun le leur : M. Laroche-
Joubertfait nommer les conseillers muni-
cipaux de Paris par les fractions de la pro-
vince; moins original, M. Calla se con-
tente d'en faire élire un certain nombre
par. l'Institut. Tous deux paraissent en-
j* ,-- - --_.L--- T - m t
cuames ue leur concepuun. j-ia miaiiiure,
en laissant percer un certain ravisse-
ment, écarte l'une et l'autre de ces com-
binaisons fantaisistes.
Et nous voici en présence du contre-
projet de M. Sigismond Lacroix, c'est-à-
dire de la quintessence des aspirations
d'autonomie communale.
Les visées de la commission ainsi que
les prétentions du groupe autonomiste
ayant été exposées plus haut, nous nous
garderons bien de disserter sur les systè-
mes ; l'intérêt de la séance git dans la fa-
çon dont ils sont présentés.
Sous ce rapport, M. Sigismond Lacroix
a, pour son coup d'essai, fait un coup de
maître.
La physionomie est ingrate, accentuée,
rappelant l'origine étrangère : ces che-
veux blonds, taillés en brosse, se dressant
drus et droits pour surmonter des pom-
mettes saillantes que relie l'acier bril-
lant d'un binocle permanent, se conti-
nuent par une barbe d'un blond clair,
courte, raide; on devine le moujick.
Ce moujick est policé, La parole n'est
peut-être pas brillante, mais elle coule
claire, sans bouillonnements tumultueux,
comme de source; la voix est sans éclat,
mais elle porte admirablement ; le geste
est à peu près nul, la main gauche s'é-
gare même trop souvent dans la poche
du pantalon, et cependant le discours a
de la vivacité, grâce à la façon dont il est
naturellement découplé, si l'on nous per-
met l'expression.
Ce plaidoyer en faveur de l'autonomie
communale de Paris nous a fait l'effet
d'être bâti avec beaucoup d'art, sous des
allures simples : chaque argument est
placé à son rang, préparant l'argument
qui va suivre, et l'enchaînement est assez
serré pour dissimuler suffisamment les
trous produits par les arguments qui
manquent.
Paris appartient-il à la France ou aux
Parisiens? Entre ces deux théories, il faut
choisir. Telle est la thèse de l'orateur,
dont l'habileté consiste à ne pas nier que
souvent l'intérêt de l'Etat et l'intérêt com-
munal s'entremêlent et à soutenir simple-
ment qu'il ne s'agit que de mettre un
peu de bonne volonté à répartir les attri-
butions 4e chacun. Ces attributions, il les
passe en revue : travaux de voirie, assis-
tance publique, impôts, questions d'en-
seignement et même police.
M. Sigismond Lacroix a une méthode
oratoire absolument différente de celle de
M. Clémenceau : pas d'attaques passion-
nées, pas de raisonnements tenant sur
une pointe. d'aiguille ou de chicanes pivo-
tant sur une expression plus ou moins
impropre ; il procède par des faits qui
traînent à leur suite leur développement
naturel — et que, bien entendu, il se ré-
serve de choisir à sa guise. Si M. Clémen-
ceau avait eu à soutenir ce débat, il n'au-
rait certainement pas résisté à la déman-
geaison de cribler d'épigrammes ceux de
ses adversaires actuels qui ont jadis de-
mandé la suppression de la préfecture de
police : M. Jules Ferry, en 1870; M. Bris-
son, en 1871; M. Ranc, en 1872 ; M. Hé-
risson, en 1881. M. Sigismond Lacroix a
effleuré ce point avec une aisance discrète
qui était véritablement de bon ton. Con-
clusion : Ah ! que M. Clémenceau doit
être heureux de sentir enfin, à ses côtés,
un collègue de l'Extrême Gauche capable
de le suppléer parfois, dans le rôle de
chef d'opposition, et même de l'y suppléer
avec avantage I
Cent bravos tout au plus ont fêté ce
début. Ce n'est pas assez, à notre avis ;
ce talent naissant méritait d'être plus
chaudement encouragé, — car, au fond,
il ne s'agit absolument que d'une joûte
oratoire.,
Quelques mots seulement sur' un inci-
dent qui, à nos yeux, a une autre impor-
tance qu'un discours de M. Sigismond
Lacroix.
Vers la fin de la loi municipale, M. Paul
Bert a produit un article additionnel, dé-
taché d'une loi d'ensemble dont s'occupe
depuis quelque temps déjà une commis-
sion spéciale et qui a pour but de retirer
soit aux services du cuite, soit à des éta-
blissements ecclésiastiques ou religieux,
les immeubles affectés à cet usage par
l'Etat,les départements ou les commune
Cet article additionnel 'le que
les communes et leur permet de rentrer
immédiatemenC si elles le veulent, en
possession des immeubles qui leur appar-
tiennent -. --- -"
Rien qu'en entendant la lecture de l'a-
mendement, nous avons deviné ce qui
allait se passer. La Chambre ne manque
jamais de céder à un entraînement de ce
genre et elle résiste rarement au plaisir
de légiférer « à côté ». N'est-ce pas dans
une discussion sur le trajet des paque-
bots transatlantiques qu'elle a glissé une
interdiction de cumul pour les députés?
En effet, malgré l'oppositiode M. de
Marcère, rapporteur, qui a fait remarquer
que la loi municipale avait à se préoccuper
simplement de l'administration des com-
munes, non de l'affectation des biens
communaux, et que l'article additionnel
était une façon un peu détournée de
trancher une grosse question pendante,
la Chambre a, par 315 voix contre 135,
pris en considération la proposition de
M. Paul Bert.
MM. Jules Ferry et Waldeck-Rousseau
avaient, par malheur, été prendre l'air au
moment où l'incident se produisait, très
rapide. Mais, après-demain, quand il s'a-
gira d'inscrire définitivement dans la loi
cette prise en considération, il faudra bien
prendre un parti.
La mesure, une fois admise en ce qui
concerne les communes, entraine forcé-
ment l'équivalent en ce qui concerne les
départements. Cela établi, comment l'Etat
pourrait-il faire exception ?
En vérité, si concordataire que cela
soit, c'est grave, on ne saurait se le dissi-
muler, et doit être particulièrement grave
aux yeux d'un gouvernement gui vise
plutôt à la détente avec Rome.
Vous me direz qu'il y a le Sénat!..,
PAUL LAFARGUE.
COURRIER DU SÉNAT
Nous remarquions bien que, aepuls le
commencement de la session, la Droite
monarchiste, à cinq ou six exceptions
près, s'abstient de siéger. Nous nous
gardions certes de nous en plaindre,
d'attirer l'attention sur cette particula-
rité, de peur de piquer les amours-propres
et de mettre fin à une si heureuse situa-
tion, car la besogne n'en allait que mieux.
C'était un rêve. Le seul profil de M. de
Gavardie, nettement découpé sur le fond
rouge des tentures, nous ramenait seul
au sentiment de la réalité et les longues
heures d'absorption silencieuse, calme
en apparence, pendant lesquelles il a l'ha-
bitude de s'effiler méthodiquement la
pointe du nez entre le pouce et l'index,
ne suffisaient pas à nous rassurer contre
la crainte d'une explosion subite. L'ex-
plosion s'est produite : la minute du dé-
traquement est arrivée. Sa voix mordante
a retenti au travers des discussions sé-
rieuses. A propos de quoi ? Le sait-il lui-
même? A propos de rien, comme le jap-
pement d'un roquet au milieu d'un
adagio symphonique. Il s'oppose à l'au-
torisation d'emprunt que demande la
ville du Havre, parce qu'une partie de la
somme doit être employée aux « inutiles
dépenses » de l'instruction publique. Mais
ne tremblez point. L'autorisation n'en est
votée qu'à une plus forte majorité. Dors-
tu content, Voltaire?
Un instant plus tard, nous retrouvions
M. Teisserenc de Bort acharné sur les
objets d'or et d'argent, contre la liberté
du titre. Il en a gros sur le cœur, l'ancien
ministre du commerce. On lui a jeté
de grosses pierres dans ses statistiques,
labouré le sable, détruit les bordures;
et patiemment il se met en devoir de re-
commencer à râlisser les allées. C'est un
terrible ami, M. Teisserenc de Bort, et
qui n'aime pas à demi. Il n'entend pas
seulement faire le bonheur de l'horloge-
rie malgré elle; il veut lui persuader
qu'elle est dans une position délicieuse,
que tout pour elle va au mieux dans le
meilleur des mondes possibles. Et si la
capricieuse déclare qu'elle se sent mal
à l'aise, de gros chiffres sont là pour lui
fermer la bouche.
Toutes les données d'une expérience,
terre à terre parfois, mais toujours pra-
tique, qu'ont accumulées, hier, M. Oudet
et M. Dietz-Monnin, paraissent avoir glissé
sur M. Teisserenc de Bort, sans trouver
plus de prise que l'eau sur le marbre. Il
s'obstine à soutenir que la valeur de no-
tre bijouterie et la confiance qu'elle ins-
pire au dehors tient tout entière dans la
rigoureuse surveillance dont la loi en-
toure la fabrication. Il n'est, selon M.
Teisserenc de Bort, meilleure garantie
d'honorabilité que de ne pouvoir être
malhonnête.
C'est contre cette théorie que s'insurge
le ministre des finances, et les choses ont
tourné de telle sorte que nous voyons le
représentant même du gouvernement
obligé d'invoquer contre la garantie
de l'Etat une garantie plus sûre, la
dignité de nos grands commerçants, la
responsabilité personnelle, le souci de
leur marque et de leur réputation. Les pe-
tites pratiques révélées par M. Dietz-
Monnin ne donnent-elles pas cent fois
raison à ces vues si larges? C'est un usage
assez répandu chez les exportateurs alle-
mands de demander le poinçon français
sur des bijoux au titre légal et de le trans-
porter intact sur des marchandises de
pacotille. Qui empêcherait nos bijoutiers
d'imiter ce procédé? Il est vrai qu'en Al-
lemagne le gouvernement ferme les yeux
paternellement sur une fraude très pro-
fitable à l'exportation nationale , et qu'il
est alors presque impossible d'atteindre
les fraudeurs. Mais que devient par
suite l'argument tiré de l'inviolabilité
de nos marques?
Avec une parfaite netteté de langage et
sans s'arrêter à d'autres considérations
que l'intérêt des producteurs français, le
ministre des finances reprend tour à tour
et met en lumière tous les points de cette
laborieuse discussion. Il montre quelle
importance présente, au point de vue
même des ouvriers, la solution demandée
paç la loi. C'est un immense débouché que
nous rouvrent une massé énorme de
produits manufacturés que nous jetons
dans les cinq parties du monde; car nous
avons, en dépit de tout, conservé la vogue
par notre goût et notre probité, et c'est à
torce de baisser les prix que les nation"
rivales sont parvenues à nous écraser
sous leur concurrence jusque dans nos
propres colonies. Donc, qu'on ferme
l'oreille à des préjugés dès longtemps
renversés par la pression des événements.
Toutes les chambres syndicales, autrefois
réfractaires, sont maintenant d'accord
pour s'unir aux efforts du gouvernement.
Il n'est pas de meilleurs juges.
Après cet exposé impartial et chaleu-
reux à la fois, personne n'est d'humeur
à écouter les balivernes que M. de Ga-
vardie essaye ici encore de débiter. L'in-
tervention de M. Tirard a produit l'effet
qu'elle devait produire. Le projet est
voté et le Sénat décide qu'il passera à
une deuxième délibération.
PAUL PELLEGRIN..
AU CONSEIL MUNICIPAL
M. Joffrin n'a pas été heureux à la
dernière séance du conseil municipal.
On se souvient que les terrains de Cha-
ronne, voisins du Père-Lachaise, fu-
rent, au mois de mai 1871, le dernier
théâtre de la résistance de la Commune.
Le conseiller de Montmartre demandait
que cet enclos, actuellement « profané »,
fùt « concédé à perpétuité aux parents
et amis de ceux qui, fidèles jusqu'à la
mort à leur foi politique et sociale, sont
héroïquement tombés en cet endroit b.
Ce - n'était rien moins, on le voit,
qu'une réhabilitation, disons mieux,
une glorification de la Commune. L'am-
nistie en 1879 avait voulu effacer jus-
qu'au souvenir d'une guerre civile dou-
loureuse ; d'autres semblent n'avoir
qu'une pensée, réveiller tous ces sou-
venirs, empêcher les haines de s'étein-
dre, et les transmettre d'une généra-
tion à l'autre.
M. Joffrin demandait i urgence puur
sa proposition : le conseil l'a repoussée.
Espérons qu'il n'en sera plus parlé.
Ensuite venait l'affaire chère entre
toutes au cœur de M. Joffrin : le réta-
blissement de la garde nationale. On
connaît de longue date le projet : sup-
primer les armées permanentes et les
remplacer par des milices municipales,
composées de tous les hommes valides
de vingt à cinquante ans. A elles re-
viendrait le -soin de maintenir l'ordre
en temps de paix et de repousser l'é-
tranger en cas d'invasion. C'est là ce
que M. Joffrin appelle la nation armée,
et son avis était partagé par le rappor-
teur de la commission" M. Desmoulins..
Si l'on nous demandait en quoi de
telles questions sont du ressort d'un
conseil municipal et ce qui restera aux
sénateurs et aux députés si les assem-
blées 'communales se mêlent de régler
le service militaire du pays, nous se-
rions fort embarrassés de répondre ;
mais ces sortes de scrupules, on le sait,
ne gênent guère nos édiles parisiens.
Cette délibération n'est pas, à tout pren-
dre, beaucoup plus étrange que nom-
bre de celles qui ont précédé.
Nous aimons mieux, aujourd'hui, féli-
citer le conseil municipal. Il a fait vite
et il a fait bien. Après la lecture du
rapport, on proposait de remettre la
discussion à huitaine ; il a décidé qu'elle
aurait lieu immédiatement. Puis, après
un débat relativement court et animé,
selon l'habitude, par de nombreuses
interruptions se croisant, il a décidé
qu'il ne passerait pas à la discussion
des articles. La proposition de M. Jof-
frin a rallié seulement 9 suffrages con-
tre 58. Nous n'entendrons donc plus,
de quelque temps du moins, parler de
la garde nationale, ni au conseil muni-
cipal, ni ailleurs
Nous ne sommes pas de ces gens
soupçonneux qui cherchent au vote si
raisonnable de nos conseillers des in-
tentions secrètes ou machiavéliques, qui
les accusent d'avoir voulu à dessein se
montrer modérés au moment même où
M. Sigismond Lacroix demandait à la
Chambre le rétablissement de la mairie
centrale. C'est très sincèrement; et
sans nulle arrière-pensée, que nous féli-
citons pour notre part le conseil muni-
cipal; il n'a pas eu besoin pour re-
pousser la proposition de M. Joffrin de
s'inspirer d'autre chose que de son pa-
triotisme.
On peut être indifférent à la patrie,
on peut, même après les leçons de 1870,
s'imaginer qu'il n'y a d'importantes que
les questions sociales, et répéter: « Que
m'importe d'être Français, Allemand,
Belge, Anglais, Italien ou Russe? » On
peut plaindre ceux qui professent cette
indifférence. Il est inutile de discuter
avec eux. Si l'on est résigné à se laisser
dévorer par le premier voisin venu, am-
bitieuxou violent, c'est chose assurément
superflue d'avoir un armée permanente
qui coûte fort cher. Mais alors il n'est
pas moins superflu d'avoir même une
garde nationale. 11 est bien plus simple
de se laisser tout bonnement prendre
par qui voudra. Plus ae soldats, plus
de forteresses, plus de canons ni de
fusils. Entrez dans la maison quand il
vous plaira, messieurs de l'étranger, et
ne vous gênez pas.
Mais si l'on pense autrement, si l'on
se trouve bien d'être Français et si l'on
tient à rester Français, si l'on n'est pas
disposé à se laisser dépouiller par n'im-
porte quel conquérant, alors il faut être
résolu à se défendre, et s'assurer, le
jour où l'on serait atiarj-aé, le moyen de
mettre la force au service du droit.
Libre à M. Joffrin et à quelques au-
tres de croire que ce moyen est le réta-
blissement de la garde nationale.; libre
à eux d'avoir confiance, pour vaincre
les armées régulières les plus nombreu-
ses et les plus aguerries, sur l'élan et
l'enthousiasme des milices improvisées.
Pour tous les autres, l'expérience est
faite, et nous l'avons payée assez cher
pour que du moins elle ne soit pas per-
due !
Les guerres modernes sont courtes
et terribles; la science y joue un rôle
de plus en plus prépondérant. Malheur
à qui ne peut pas, dès le premier jour
des hostilités, opposer le nombre au
nombre, l'outillage à l'outillage, la dis-
cipline à la discipline 1 Durant la pre-
mière partie de la campagne de 1871,
nous avons eu la discipline, mais les
hommes manquaient et les canons :
quand nous avons eu des canons et des
hommes, c'était la discipline qui man-
quait. La garde nationale véritable,
c'est-à-dire représentant la nation et
capable de la défendre, c'est l'armée
que nous a donnée la loi de 1872, où
tout le monde passe, où tout le monde
apprend son métier de soldat, où tout le
monde rentre quand le jour est venu de
faire son devoir.
CHARLES BIGOT.
..1
mmm——^'
Nouvelles parlementaires
Deux commissions seulement étaient con-
voquées hier au Palais-Bourbon : la com-
mission du budget et la commission muni-
cipale.
La commission au Duaget a entendu M.
Casimir - Perler, sous-secrétaire d'Etat au
ministère de la guerre, qui a défendu une
demande de crédit pour la création d'écoles
de vétérinaires.
La commission,, après en avoir délibéré,
a repoussé cette demande.
M. Hervé-Mangon lui a ensuite donné con-
naissance de son rapport sur les crédits de-
mandés pour le ministère de l'agriculture.
Enfin M. Jules Roche a terminé la lecture
du rapport sur le budget de l'instruction
publique.
*
La commission municipale a conféré avec
le ministre de l'intérieur, avant la séance.
Le ministre lui a soumis son nouveau pro-
jet de sectionnement de la ville de Paris en
quatre circonscriptions électorales compre-
nant chacune de 430.000 à 480.000 habitants,
et portant à 83 le nombre des conseillers à
élire.
Le ministre désirait que les nouveaux ar-
tic'es fussent inscrits dans la loi à titre défi-
nitif et non à titre de dispositions transi-
toires, mais la commission n'a pas déféré à
ce désir.
Les dispositions nouvelles ayant fait l'ob-
jet d'un rapport spécial déposé en séance,
il est inutile de les exposer plus longuement
ici.
Au cours de cette entrevue, le ministre a
déclaré que, si le Sénat examinait la loi mu-
nicipale assez rapidement pour qu'elle pût
être votée à la fin de l'année, il retarderait
les élections municipales afin qu'elles soient
faites sous le régime nouveau.
* !
»
La Gauche radicale nommera aujourd'hui
son nouveau bureau.
» »
Le Centre gauche du Sénat a tenu séance
hier pour désigner le candidat au siège de
sénateur inamovible vacant, par suite du
décès de M. Victor Lefranc.
Le groupe a choisi M. de Pressensé par 16
voix contre 6 à l'amiral Cloué, 5 à M. Sénart
et 2 à M. Franek.
M. Waddington, président du groupe, a
fait ensuite ses adieux à ses collègues.
Il retourne à Londres prendre possession
de son poste dans peu de jours.
A. Lr
DE PONTOISE A STAMBOUL
FÉERIE AUTHENTIQUE (i)
IV
Un savant ingénieur de la Compagnie
du Nord, M. David Banderali, qui est
par surcroît un artiste et un écrivain
distingué, a publié le 18 mars de cette
année, sous prétexte de conférence, une
étude vraiment originale, intitulée les
Trams express en 1883. Parmi les idées
neuves qui abondent dans son beau tra-
vail, il en est une qui m'a surtout frappé
par le sérieux du fond et le pittoresque
de la forme. La voici : « Le point de dé-
part de l'établissement du matériel à
voyageurs a été différent en Amérique
et en Europe. En Europe, nous som-
mes partis de la simple chaise à por-
teurs que nous avons placée sur des
roues, et dont nous avons fait peu à peu
la diligence et la voiture de chemin de
fer. En Amérique, le point de départ est
tout opposé. L'Américain a pris sa mai-
son, l'a réduite aux proportions stricte-
ment nécessaires pour la faire circuler
sur les voies ferrées, et l'a mise sur des
roues ».
Je n'ai jamais si bien senti la justesse
de cette observation qu'à Giurgewo, en
quittant notre hôtellerie mobile et les
serviteurs bien stylés qui nous avaient
suivis jusque-là. L'homme est un ani-
mal casanier; il veut être chez lui,
même- en voyage. Il y a quinze ans,
les matelas de coton bien tassé sur les-
quels on repose dans les hôtels du Caire
m'avaient paru bien durs au premier
choc; je les trouvai délicieux après un
mois de navigation dans la Haute-Egypte
et mes compagnons de voyage s'écriè-
rent aussi en apercevant notre auberge
sous les grands mimosas d'Esbekien :
« Nous voilà donc chez nous 1 » Hé
(l) Voir les numéros des 21, 26 et 31 octobre
t83
bien 1 je n'étais plus chez mol, mais
plus du tout, lorsque je mis pied à
terre en plein champ devant la berge
fangeuse et délabrée du Danube; et
au moment où vingt portefaix s'empa-
rèrent de notre bagage, pour le transpor-
ter au bateau, je sentis vaguement la
terre manquer sous mes pas.
Au demeurant, si l'embarcadère de
vieux bois mal équarri et fort usé n'é-
tait pas des plus confortables, le petit
vapeur matinal qui nous conduisit à
Roustschouk en moins d'une demi-heure
était assez hospitalier; le capitaine avait
une bonne grosse figure ; le sommelier
du bord servait infatigablement ses pe-
tites tasses d'excellent café à la turque,
et le valet de chambre de M. Nagel-
mackers débouchait une vingtaine de
bouteilles empruntées pour la circons-
tance à la cave des wagons-lits. Nous
avions fait, d'ailleurs, sur la chaussée
de terre qui deviendra plus tard un
quai, une ample provision des bons rai-
sins de Roumanie.
Notre débarquement fut un peu re-
tardé par l'escale d'un de ces grands
bateaux autrichiens qui ressemblent à
des arches de Noé, et qui feront encore
assez longtemps concurrence aux che-
mins de fer entre la Basse-Hongrie et
les bouches du Danube. Le fleuve qu'on
a mis en valse était très plein, assez
rapide et fauve comme le Nil à Boulaq
dans la saison des hautes eaux.
Je ne dirai rien de la gare de Rous-
tschouk, sinon que celte tête de ligne
ferait médiocre figure dans un village
des Landes. Arrivés à huit heures, nous
devions monter en wagon à neuf heures
et demie ; je pus donc nrendre avftft
deux ou trois compagnons un des grands
fiacres découverts et disloqués dont les
cochers, vêtus comme les compagnons
du Roi des montagnes, et les chevaux
échevelés comme des coursiers de baï-
lade, nous offraient leur service en
criant ou hennissant des mots inconnus.
J'ai donc vu Roustschouk, c'est-à-dire
une agglomération de plâtras alignés
tant bien que mal le long de rues in-
vraisemblables, où la pelle et le balai
feront sensation s'ils ont jamais la fan-
taisie de venir s'y promener comme
nous. L'affreux Pirée, tel qu'il m'esti
apparu en février 1852, est un Versail-
les en comparaison de Roustschouk.
Pauvres Bulgares ! Vous souvient-il du
temps où l'Europe s'intéressait si chau-
dement à leur sort? Je vois encore
MM. Jankolof et Geschof. les ieunes et
intelligents délégués qui vinrent à Paris
solliciter l'appui moral de Gambetta. Ils
me-firent l'honneur de s'adresser à moi
pour obtenir une entrevue avec l'illustre
patriote, et ils le rencontrèrent à ma
table, sous les ombrages de Malabri..
Gambetta n'avait pas d'armée à leur
offrir et il craignait de les voir s'enga-
ger dans une aventure.
« Quel est exactement, leur disait-il,
l'état de vos forces ?
Ils répondaient :
« Nous n'en avons point.
— Pas même une garde nationale ?
— Pas même. Nous n'avons que les
sociétés de gymnastique.
— Armées ?
— A peine.
— Exercées ?
— Un peu.
- Mais, mes pauvres enfants, vou?
serez écrasés 1
- Sans nul doute ; et pourtant nous
nous soulèverons.
— Pourquoi donc ?
— Il le faut. »
Nous n'en pûmes tirer d'autres ré-
ponses ; on eût dit que la contagion du
fatalisme musulman les avait gagnés.
Ils s'insurgèrent, comme ils nous-l'a-
vaient dit, et furent écrasés, comme
Gambetta le leur avait prédit. Leur sang
coula à flots jusqu'au jour où la Russie
sentit qu'elle devait les secourir comme
Slaves et comme orthodoxes. Elle fit la
guerre pour eux, une guerre sentimen-
tale et politique à la fois qui l'avança
d'une grande étape dans sa marche sur
Constantinople.
Cette histoire, qui date d'hier, mt
revient en esprit quand mon fiacre dé-
bouche sur une place beaucoup plus
pittoresque que pavée, où quelques cen-
taines de Bulgares font l'exercice sous
le commandement d'officiers russes.
Tout juste devant nous, au milieu des
masures, s'élèvent les constructions
d'un palais inachevé. C'est une des fu-
tures résidences du prince régnant,
Alexandre de Battenberg. On dit que ce
jeune homme de noble sang faisait assez
activement la fête, lorsque son grand
patron et son parent, l'empereur dé:
Russie, le plaça sur un trône pour
l'empêcher de courir. On dit aussi que
le sentiment du devoir professionnel,
concurremment avec l'instinct de con-
servation personnelle, l'a rendu presque
aussi bon Bulgare que le roi Charles de
Hohenzollern Sigmaringen est devenu
bon Roumain. Il s'émanciperait volon-
tiers des tuteurs à la main pesante que
la Russie lui a imposés et que son
peuple supporte impatiemment comme
lui ; peut-être même irait-il jusqu'à se-
couer le protectorat de la Russie, mais
ses sujets ne le suivraient sans doute
pas aussi loin, car les Bulgares sont
accoutumés à voir dans l'empereur de
Russie un libérateur, un pape et un
père.
Il y a très probablement dans ce pays
des villes autrement bâties et autre-
ment peudlées -que Roustscliouk, mais je
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