Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1879-09-04
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 04 septembre 1879 04 septembre 1879
Description : 1879/09/04 (A9,N2812). 1879/09/04 (A9,N2812).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/04/2013
Neuvième Aimée. — N. 2812
Prix du Numéro à Paris : 15 cntimes. -.Dél)artements : 20 centimes
Jeudi 4 Septembre 1879
,
LE XÏT SIECLE
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BULLETIN V
—— ,/' -f -. 1
41
Paris, 3 septembre 187y9. -
La note publiée par le Messager o fficiel
de Saint-Pétersbourg n'a pas mÏS fin, com-
me on le pensait, à la polémique engagée
entre les journaux russes et allemands. La
version française que publie de cette note
le Journal de Saint-Pétersbourg est loin,
d'ailleurs, d'être aussi nette que la traduc-
tion que nous avait transmise l'agence
Havas. Il n'est plus question d'articles
« qui constituent presque des délits de
presse » ; il est tout simplement question
« de réflexions qui côtoient souvent les li-
mites tracées au langage de la presse. »
Loin de rejeter tout le blâme sur la presse
russe, la note regrette qu'une partie de la
presse périodique russe, qui porte depuis
,qulque temps une attention tout parti-
uhèrement vive sur la politique inté-
irîeure des gouvernements étrangers, se
jlaisse entraîner, sous ce rapport, par les
procédés de certains organes bien connus
rte la presse étrangère, qui prennent à
l'égard de la Russie et de sa politique un
ton hostile et tranchant poussé jusqu'à
l'inconvenance. » Il y a loin, on le voit, en-
tre les deux versions qui nous ont été suc-
cessivement transmises. Tout le mal
vient, en effet, au dire du gouvernement
,russe, des attaques de la presse allemande.
Il n'y a donc pas lieu de s'étonner que
Ses journaux allemands, à la lecture de
«Coe;ti.e note, soient devenus plus acerbes et
p!us violents que jamais. La Gazette na-
Hanale qualifie de mystification la dépê-
che officieuse qui présentait comme un
bigame adressé à la presse russe la note du
Messager, et les autres journaux officieux
on non se meurent tout aussi sévères.
(Que sortira-t-il de :.ette guerre de plume?
(Q ue sortira-t-il de ^e ïf/t™ouut t cC,aas s il con-
Probablement rien. JLJ1
wient d'attendre le résultai de la mission
du feld-maréchal ManteufIel.
D'ailleurs, le feld-maréchal i::-t-il reçu
une mission politique quelconque. La
Gazette de VAllemagne au Nord le nie
absolument. Elle affirme que les commen-
taires des journaux relatifs à la prétendue
politique de cette mission ne reposent sur
aucune espèce de fondement. Elle aj oute
que l'assertion tendant à dire que cette
mission aurait été concertée avec le prince
.de Bismarck et qu'elle aurait été précédée
Irun échange actif de dépêches télégraphi-
ques entre le chancelier de l'empire et
Re feld-maréchal Manteuffel est de pure
invention.
Le mouvement électoral s'accentue de
plus en plus en Prusse. Il est toutefois
bien difficile de prévoir dès à présent
o-vuel sera le résultat de la campagne.
T 'ut ce que l'on peut constater, c'est
ailk<3 les différents partis conservateurs
son. t beaucoup moins unis que le gou-
vern ement ne l'espérait. Malgré toutes
les exhortations de la Correspondance
provir. lciale, le parti du centre refuse d'a-
eir de concert avec les partis ministériels,
c'est-à-dire avec les conservateurs libé-
raux pt îf- s néo-conservateurs, et se dé-
clare au co ntraire, prêt à s'allier étroite-
ment avec i> vieux conservateurs ou
conservateurs de la nuance de la Gazette
de la Croix. Lev vieux conservateurs et
les hommes du centre ont en effet le
même but ; ils voudraient, en se coalisant,
former une majorité capable de forcer le
lPrince de Bismarck à réviser les lois poli-
tico-ecclésiastiques de la prussc, non-seu-
llement en ce qui concerne église catho-
llique, mais aussi en ce qui se rattache à
TEfflise protestante. En d'autres termes,
c. es deux partis sont unanimes à desiref
une réaction. Heureusement pour la
prusse les vieux conservateurs et les ul-
tramontains ne forment pas à eux seuls
une majorité suffisante à la Chambre des
d'éputés et les programmes électoraux des
conservateurs libéraux et des néo-conser-
vateurs prouvent que ces deux groupes
parlementaires sont presque aussi éloi-
gnès de l'opinion ultra-nservatriee çue
de l'opinion vraiment libérale et consti-
tuent par conséquent un parti du juste
milieu qui, en s'unissant aux libéraux
nationaux de droite, pourra offrir au
prince de Bismarck un appui acceptable
et suffisant.
E. BARBIER
Bourse de Paris
PETITE BOURSE DU SOI*
S O- tf)/0 83 fr. 77 1/2, 75.
f>,()/,O. 117 fr. 6 L 1/4, 58 3/4,621/2.
I t& .gyj.iaw 6 010 235 fr. 62 1/2. -
1 92 fr. 1/16.
Extérie.jr » 15 fr. 1/16.
19 fr. 60.
Italien fr. 60.
-.- ---
D'après le relevé qui a paru dans no-
tre numéro d'hier, on a pu voir que, sur
la ,question des lois perry, les conseils
gén léraux se divisent a peu près par moi-
tié.. Quatre conseils n'ont pas encore
ouvert leur session (Seine et trois dépar-
tements d'Algérie) ; cinq autres (Hautes-
- Mpes, Gorrèze, Corse, Gironde et RhoneJ
me se sont pas encore prononcés. Quana
le .eS délibérations, tant favorables que
contraires, de ces neuf conseil se seront
ajoutées à celles qui sont connues déjà,
lOUS urons, Si nous comptons bien,
plus absentions : total égal au nom-
bre des départements. égal au nom-
bre des dépaytemeflts-
Il ne servirait à rien de cacher que
se que nous devions
compter sur un resultat lelllur. En dé-
finitve, cette consultation des assem-
blées départementales aboutit à zéro,
puisqu'une moitié des vœux expnmés dé-
truit l'autre. La question reste intacte,
et quand elle sera soumise au Sénat, ni
les partisans, ni les adversaires de 1 ar-
ticle 7 ne pourront s'appuyer sur 1 opi-
nion des conseils généraux. Toutefois, il
-ne sera pas interdit aux partisans des
lois Ferry de présenter trois simples ob-
servations.
La première, c'est que la très-grande
majorité des conseils républicains est fa-
vorable à l'article 7, et qu'il y a de fortes
raisons de considérer la seule opinion
des conseils républicains comme absolu-
ment désintéressée et sincère. Ceci est
encore une assertion qui fera jeter les
hauts cris à nos adversaires politiques.
Elle n'en est pas moins fondée, puisque
la consigne des anciens partis coalisés
est l'opposition à outrance. Tel bonapar-
tiste ou orléaniste, qui trouve in petto
les projets Ferry justifiés et nécessaires,
les rejette toutefois par l'unique raison
qu'ils émanent du gouvernement répu-
blicain.
La seconde observation, c'est que, si
une moitié des conseillers généraux ac-
tuels est d'origine assez récente (novem-
bre 1877), l'autre moitié a reçu son man-
dat en novembre 1874, avant même
qu'une constitution eût été votée par
l'Assemblée nationale, et en plein épa-
nouissement du ministère Chabaud-La-
tour. Cette seconde moitié, — sans que
nous en pensions autrement de mal, -
est un peu ancienne, et l'on a lieu de
croire qu'elle n'a pas été élue sous l'em-
pire des sentiments qui dominent au-
jourd'hui. C'est en 1880 que cette moitié
doit être à son tour remplacée ; et il pa-
raît incontestable que, si nous étions au
lendemain de son renouvellement, le ré-
sultat serait tout autre.
Enfin notre dernière observation porte
sur ce fait: si l'on consulte une de ces
cartes où le degré d'instruction dans cha-
que département se trouve marqué par
des teintes claires ou sombres, on cons-
tatera qu'à une ou deux exceptions près,
les conseils généraux hostiles aux lois
Ferry représentent des départements
teintés de noir. Par contre, les conseils
favorables à l'article 7 représentent les
plus éclairés. On se prononce contre les
lois Ferry dans le Cher, le Morbihan"
etc.; pour dans la Côte-d'Or, les Vosges,
etc. Si l'on veut se livrer un peu atten-
tivement à cette étude, on y trouvera les
éléments d'une comparaison bien faite
pour frapper l'esprit.
En résumé, si l'on compte les vœux
des conseils généraux, on trouvera que
ces vœux s'annulent puisqu'il y en a un
nombre égal dans les deux sens. Si l'on
ne se borne pas à les compter, si on les
examine et si on les pèse, il sera difficile
de ne point arriver à cette conclusion que
la balance doit pencher en faveur des
plus impartiaux et des plus éclairés.
EUG. LIÉBERT
iwii 1 11 1 i 1
RENDUS A LA FRANCE
Je sais en ce moment des prophètes de
malheur bien ennuyés. Que n'avait-on
pas annoncé à l'avance à propos du dé-
barquement à Port-V enrires des transpor-
tés auxquels le parlement a rouvert les
portes de la patrie 1 On avait prédit des
cris, des manifestations bruyantes, des
acclamations séditieuses. Je n'irai pas
jusqu'à dire que l'on attendait quelque
peu de désordre dont on eût ensuite tiré
le meilleur profit; mais il est certain que
l'on eût étB heureux de le voir se pro-
duire.
p. nntrmt.irmfs esnéraïiees ont été
"I-' t',vA----l--- --r-------- -
trompées. On lira le récit du débarque-
ment des Français rendus à la France,
on verra qu'ils n'étaient point indignes
de la clémence dont ils ont été l'ohiet.
Le commandant du vaisseau oui les ra-
mené leur a rendu ce témoignage qu'il
n'avait eu qij'ix se louer de leur conduite
à bord ; presque tous en mettant le pied
sur le rivage se sont découverts sponta-
nément ; et cette émotion n'étonnera au-
cun de ceux qui après avoir été long-
temps éloignés de la terre natale ont eu
Je bonheur d'y rentrer,
Tout s'est passé dans l'ordre le plus
parfait : .!lUC\IU auire cri n'a é(té entendu
que celui de « Y'vC îa République! » Ce
n'était pas un petit travail celui de
faire descendre du vaisseau plusieurs
centaines de persop.rîe, et ensuite de les
faire monter en chemin de fer, çprès
avoir constaté l'identité de chacun et
avoir fait la répartition des premiers se-
cours. Les heures d'attente ont été for-
cément longues; elles ont été suppor-
tées sans une marque d'impatience, sans
un mouvement d'irritai;.on. Au moment
où nous écrivons, on attend à Paris le
train qui amène dans la grande ville les
enfants qui lui sont rendus. Nous ne dou-
tons pas que cette arrivée soit aussi
calme, aussi paisible que l'a été la pre-
mière.
Ce que nous pensons Je la Commune,
nous ne l'avons pas caché, nous ivavODs
pas demandé de pardon pour les chefs
sur lesquels pesait la responsabilité de
la guerre civile entreprise au lende-
main de la guerre étrangère. Mais quant
aux individus qui nous reviennent, nous
ne nous souvenons même plus qu'ils ont
été autrefois condamnés,car amnistie veut
dire oubli. Ils sont nos concitoyens, ils
vont rentrer par la volonté de la nation
souveraine dans la plénitude de leurs
droits d'hommes et de citoyens. Ils sont
nos égaux. Nous les considérons et nous
les accueillons comme tels. Loin de sGn,
ger à leur reprocher quelque chose
du passé, c'est notre devoir de nous
souvenir que dans le présent beaucoup
ont besoin d'être secourus, soutenus,
encouragés, pour reprendre dans la so-
ciété leur place utile. C'est en leur té-
moignant notre sympathie, c'est en les
aidant à trouver du travail, loin de leur
en refuser, que nous les préserverons à
l'avenir contre les tentations où l'on es-
sayerait de les entraîner. Non, certes, ils
n'ont pas le désir de voir apparaître quel-
que nouvelle crise sociale ; ils savent trop
bien ce que leur a coûté la première ;
mais qui peut mieux les rattacher à la pa-
trie retrouvée que ceux qui les aideront à
y gagner honorablement leur vie, à se re-
faire un foyer, ceux qu'ils @ trouveront
prêts à leur tendre la main, à ne les ju-
ger désormais que sur la conduite qui
sera la leur ? Ce n'est pas aux bons ci-
toyens à faire revivre ce que la loi, de sa
main toute-puissante, a efface.
CHARLES BIGOT.
Nous avons dit qu'on pourrait compter
pour moitié, dans les voix données à M.
Blanqui, celles des réactionnaires, bona-
partistes et royalistes.
C'est l'opinion des Bordelais, et nous
avons lu dans la Gironde qu'un grand
nombre de suppôts de « l'ordre moral »
votaient pour M. Blanqui ostensible-
ment.
Mais cette assertion fâche un rédac-
teur du Pays, qui, là-dessus, nous taxe
d'impudeur. « impudeur » nous paraît
une de ces grossièretés tant soit peu
niaises dont le rédacteur du Pays fait un
fréquent abus.
Dans ce cas spécial, nous pouvons le
fixer sur le sens exact du mot qu'il em-
ploie et qu'il n'entend pas.
Il termine ainsi son article:
Il faut que M. Liébert en prenne son parti
de bonne grâce ; la défaite de l'opportunisme
est plus que probable La Commune rontre
victorieuse par la brèche, et, quant à nous,
nous attendons, nous espérons un ministère
dont Paschal Grousset aurait la présidence
avec le portefeuille des affaires étrangères,
Cluseret à la guerre, Vallès à l'instruction pu-
blique, et Mégy, l'assassin de l'archevêque
de Paris, un peu partout.
Nous n'avons pas besoin d'expliquer à M.
Liébert dans quel but nous formulons ce vœu:
il est trop intelligent pour ne pas compren-
dre que ce n'est pas précisément par amour
pour la République.
Eh bien ! lorsque l'on fait profession
de cette politique, il ne faut point accu-
ser d'impudeur les journaux qui disent
que les bonapartistes de Bordeaux ont
voté pour M. Blanqui.
Si l'on attend, si l'on espère le minis-
tère que le Pays nous dit appeler de ses
vœux, on vote et l'on fait voter pour
M. Blanqui, et l'on est logique.
Et si l'on se défend après cela d'avoir
contribué peu ou prou à l'élection de
M. Blanqui, on est impudent.
E. L.
o
Les Guérisseurs de FManteris
J'ai eu beau m'en défendre, l'Armée
française y eut à toute force que je l'en-
rôle dans la corporation des Guérisseurs
de T infanterie. Que dis-je ? le jour même
où dans un entrefilet aimable, .,- avouez
qu'il était aimable ! — je lui donnais du
« vaillant journal» sans marchander, ce
jour-là même, à quelques heures de dis-
tance, l'Armée française (ô ingratitude !)
venait de me consacrer ce que nous ap-
pelons dans notre langue de journalistes
un éreintement de première classe. vous
pensez bien que je ne veux point vous en-
nuyer pq,r un débat qui de général tend à
devenir personnel ; je ne vous ai point ha-
bitués à ce genre de polémique, qui Sau-
rait, je pense, rien de particulièrement
résralant.
L Armée française a pris la peine de me
rappeler qu'en dépit des années, qui, hé-
las ! passent vite, j'étais resté «bouillant»;
cela n'est point fait pour me fâcher ; elle
a bien voulu annoncer à ses lecteurs —
qui, en bonne conscience, devaient s'en
douter — que si je défends avec tant d'ar-
deur la cause des chasseurs à pied en par-
ticulier, c'est que j'ai quelque peu porté
jadis le pantalon bleu. Parbleu ! j'en suis
trop fier pour m'en défendre/et tous ces
souvenirs finement évoqués m'ont rajeuni
de vingt ans. Si mon confrère avait entre-
pris de prouver que je ne parle que de ce
que je sais biSTf, il ne s'y fût pas pris au-
trement. ?
Mais laissons ces vétilles, et parlons de
choses sérieuses,
La question, la vraie question, est l'or-
ganisation de l'infanterie. « Cette organisa-
tion est en tous points mauvaise, disent
les novateurs, qui ne veulent rien enten-
dre. Notre idéal, c'est le régiment prus-
sien. Tant que nous n'aurons pas le régi-
ment prussien de nos rêves, nous ne nous
tiendrons pas tranquilles. » Ce n'est pas
le texte, mais c'est le sens.
• Il paraît que sur le principe il n'y a plus
à discuter. C'est du moins ce qu^Ifirment
mes contradicteurs, avec l'autorité que
leur donne l'assentiment unanime « de
tous les officiers d'infanterie « sans ex-
ception. »
.te félicite mon confrère d'avoir pu ob-
tenir tant de suffrages dans Finfanterle ;
ils sont la preuve manifeste des sentiments
sympathiques qu'il a su entretenir el tre
ses lecteurs et lui. Pourtant il me permet..
tra, j'espère, de défalquer de ce prodigieux
total les nombreux officiers de la même
arme qui veulent bien me prendre pour
confident de leurs craintes en présence des
projets de restauration dont on les me-
nace.
Je ne me suis point jeté aussi follement
qu'il le croit à la traverse des transforma-
tionsque je juge prémaiurées avec beau-
coup de bons esprits.
J'ai assez de fois donné les raisons de
mon dire pour qu'il paraisse inutile d'y
insister longtemps. L'Armée française, ce-
pendant, me reproche de n'avoir rien for-
mulé de précis et prétend « n'avoir trouvé
aucune trace du remède que je recomman-
de. » Tous ceux qui me lisent dans ce
journal ne pourront s'empêcher de sourire
de ce singulier grief.
Voilà plus d'un mois qu'ici même je dis-
cute les remèdes que mes contradicteurs
nous servent comme des panacées souve-
raines. Quand on nous offre le médica-
ment prussien, je réponds : c'est un remè-
de violent qui peut tuer le malade.
Laissez-nous, de grâce, instruire et mi-
litariser les générations qui viennent :
laissez-nous faire ce que les Allemands
ont pu faire, c'est-à-dire créer des réserves
disciplinées et faciles à manier ; laissez-
nous donner de la consistance à notre ar-
mée territoriale qui n'existe qu'à moitié et
en faire avec le temps ce qu'est lalandwehr
allemande. Pour cet immense travail de
militarisation, nous avons besoin de toutes
nos forces ; ne les énervez pas en prêchant,
comme vous le faites, la diminution des
cadres de l'infanterie. Car, malgré tout ce
que vous pouvez dire, malgré tous les pal-
liatifs dont vous prétendez couvrir vos
projets, la conséquence forcée de vos trans-
formations, c'est la diminution des cadres
de l'infanterie.
Je ne me lasserai pas de dire que c'est
une grosse imprudence de s'exposer, à
bréf délai peut-être, à une reconstitution
hâtive de cadres aujourd'hui tout prêts,
si des événements imprévus venaient nous
surprendre: L'année 1875 n'est pas si éloi-
gnée que mon confrère ait déjà oublié
qu'à ce moment les cartes faillirent se
brouiller entre la France et l'Allemagne.
Ne sait-il pas, aussi bien que moi, ce qui
avait été décidé au sujet des troupes de
l'armée territoriale, qui risquaient d'ê-
tre des forces négatives faute de cadres ?
On se proposait tout simplement de les
intercaler dans des régiments de ligne
dont les quatrièmes bataillons et les com-
pagnies de dépôt eussent été les meilleurs
appoints.
Mon confrère oserait-il affirmer que l'ar-
méa territoriale soit devenue en ces
'quatre dernières années ce qu'elle doit
être ? Présente-t-elle à ses yeux la solidité
que l'on doit pouvoir attendre d'une ar-
mée de 800,000 hommes ?
Et qu'on ne vienne pas m'objecter que
je me dérobe aux questions dont on me
presse et que je réponds : Armée territo-
riale, quand on me chante : armée active!
Non je ne me dérobe pas. Quand vous
m'opposez l'armée allemande, j'ai le droit
de songer à la landwehr ; j'ai le droit de
rechercher ce qui fait sa force, ce qui fait
sa supériorité sur notre armée de seconde
ligne, et je n'ai pas de peine à me répon-
dre que le- secret* de sa force réside tout,
entier dans ses cadres, autrement recru-
tés que nos cadres de réserve, mieux dotés
que nos cadres territoriaux.
Voilà pourquoi je suis effrayé des ten-
dances qui se sont manifestées depuis
quelque temps au sujet de la réorganisa-
tion de l'infanterie! Voilà pourquoi j'ai
cherché à réagir contre ces projets, dont on
paraît vouloir saisir le Parlement ! Voilà
enfin pourquoi j'ai dû, en mon âme et
conscience, me séparer de ceux de mes
confrères avec lesquels jusqu'à ce jour
i'avais touiours été d'accord sur les aues-
tions de principe. ¿
A ces arguments tirés de l'organisation
allemande même, que m'ont opposé mes
contradicteurs ? Rien. Ils m'interrogent ;
ils ne répondent pas.— Exposez votre sys-
tème, vient-on me dire aujourd'hui 1 Mais,
sapristi ! voilà beau temps que vous le
connaissez, mon système,1 dites un peu
en quoi il vous paraît mauvais ?
Réfutez les citations que j'ai faites dp la
Revue militaire de téti'àngmt; celles que
je pourrais vous faire du Spectateur mili-
taire, si je ne craignais d'allonger ce dé-
bat. Prouvez-moi. que mes appréhensions
sont aussi peu fondées qu'elles peuvent
être patriotiques. Démontrez-moi que mon
opportunisme n'est pas de mise. Faites-
moi voir clair là ott vous dites que je vois
tout trouble. Je ne demande qu'à recon-
naître mon erreur,
Tapt que vous garderez le silence, je
suis fondé à croire que mes arguments
vous gênent. Et là, entre nous, sincère-
ment je le crois.
Un dernier mot. VArmée française a
relevé avec une certaine intentioii l'atti-
tude que j'avais prise récemment vis-à-
vis d'un collaborateur du Petit Parisien
qui ne serait autre qu'un officier général
et en même temps une personnalité très
connue. Cette attitude n'a pas cessé d'être
correcte, je pense, malgré quelques inno-
centes raiîleries < qu'expliquerait au besoin
l'ardeur de la discussion. Je n'ai point, je
suppose, à protester de mon dévouement
aux intérêts du soldat, ni de ma sympa-
thie pour les chefs de rqrée1 Personne
ici ne croira que ce soit utile.
Qu'il me soit pourtant permis de dire
une fois en passant combien ils Qnt tÏrait
à tous nos réspects, ces hommes de devoir,
qui, à? toute heure du jour ou de la nuit,
sont toujours prêts à verser leur sang
pour le pays, ces hommes qui ne connais-
sent que cette belle devise : Patrie ! hon-
neur f
On peut être fier d'avoir été jadis leur
pair et d'avoir conservé avec l'amilié de
quelques-uns l'estime de tous !
- LQUIS HENRI QUE.
————— ————
-
Évêque et Préfet
Il vient d'éclater entre l'honorable pré-
fet de la Lozère et Mgr Julien, évêque de
Mende, un conflit singulier, dont je trou-
ve le récit dans l'Univers du 31 août. Ce
récit est très-curieux, mais pour le bien
comprendre il faut être au courant d'un
certain nombre de détails de la vie sco-
laire, qui évidemment ne sont pas fami-
liers au grand public,
Permettez-moi donc de vous donner
ces renseignements préliminaires, tels
qu'ils m'ont été fournis par une personne
digne de foi,
p
Vous savez sans doute qu'il est d'usage
que chaque année les personnes attachées
à la profession ecclésiastique fassent ce
que l'on appelle dans leur langue une
retraite. Elles se réunissent à des en-
droits désignés par l'évêque, et là, du-
rant quelques jours, se livrent ensemble
à un certain nombred'exercicesreligieux,
tels que prières, méditations, chants sa-
crés, conférences, jeûnes, etc.
De même les institutrices qui portent
l'habit religieux profitent des vacances
pour se rendre soit à la maison-mère,
soit à quelque succursale, ou même à
l'évêché, pour y suivre une retraite qui
est spécialement organisée pour elles.
Il n'est pas que vous n'ayez, dans ce
mois de septembre où tous les Parisiens
voyagent, rencontré aux gares de chemins
de fer des bonnes sœurs, s'en allant par
bandes, les bras chargés de cartons, de
paniers .et de paquets, cornettes blan-
ches, noires ou grises, cornettes de toutes
formes; on ne voit que cela dans les
trains. Les wagons de seconde classe en
sont bondés.
Ces dames se rendent à leurs cou-
vents, pour assister aux exercices de la
retraite, qui leur est prêchée par quelque
révérend père.
Ce sont les retraites des institutrices.
Des institutrices congréganistes, bien
entendu. Il n'y avait pas de raison, n'est-ce
pas? pour que les institutrices laïques du
département fussent convoquées à ces
saintes agapes et obligées d'en prendre
leur part. Les institutrices laïques ont
des devoirs de famille à remplir, elles
n'ont point dit adieu aux plaisirs inno-
cents de ce monde. Il était assez naturel
qu'elles préférassent user des courtes
heures de leurs vacances pour aller em-
brasser leur mère ou se délasser sur
quelque plage des fatigues de l'année.
L'usage cependant s'introduisit dans
un grand nombre de diocèses de les con-
vier à ces petites fêtes, et de les y con-
vier par lettres personnelles, signées de
l'évêque. Une invitation de cette sorte
ressemble terriblement à un ordre. Re-
fuser, c'eût été se mettre à dos l'autorité
diocésaine, encourir les foudres de l'é-
vêque et les tracasseries du curé. Per-
sonne n'ignore combien les institutrices,
communales ou autres, sont, même en-
core aujourd'hui, dépendantes du clergé
qui les entoure. L'évêque avait parlé ; il
ne leur restait plus qu'à obéir. Ainsi fi-
rent-elles, et, pour la plupart, en mau-
gréant. 1
Il faut dire que depuis trente-cinq ou
quarante ans cette habitude de faire des
retraites à-un certain moment de l'année
est devenue, pour les femmes du beau
monde, un des modes, ou, pour parler
plus juste, une des modes de la dévotion
comme il faiit. Autrefois les personnes
pieuses se contentaient, à l'Avent et au
Carême, d'aller à l'église de leur paroisse
et de faire leur salut en écoutant, tout
bonnement, la parole de Dieu que leur
distribuait le prédicateur du crû.
Les jésuites et les dominicains sont
venus, et ils ont fait sentir à la bonne
compagnie le ridicule d'une dévotion
aussi grossière, qui confondait les âmes
de distinction avec les petites gens, avec
la canaille.
Il y a maintenant (et cette mode paraît
remonter aux environs de 1840) des cou-
yents où les dévotes de haut parage se
donnent rendez-vous pour répandre en
commun les précieux parfums de leurs
cœurs aux p,ie4s d'un beau dominicain
en robe blanche. C'est un sensible hon-
neur pour une femme qui n'a qu'un état
modeste dans le monde d'être admise à
prier le bon Dieu en compagnie de ces
vases d'élection, soit au couvent de M(i*
riê réparatrice, soit che7, les tktmes de
la UctrqitQ, Çe sont pour le moment les
deux maisons le plus en vogue et l'on se
disqualifierait à faire son salut autre
part.
— Moi, disait jadis Cathos à Masca-
rille, je ne veux porter aucun ajustement
qui ne sorte de chez la bonne faiseuse.
Ces couvents ont des chambres qu'elles
louent pour le temps de la retraite depuis
quatre francs jusqu'à « comme il fera
plaisir. » Ils possèdent une bibliothèque,
d'où l'on peut emporter, comme d'un ca.
binet de lecture, des livres en location.
Ce sont les petits profits des bonnes
sœurs, qui ont d'ailleurs oublié ùe payer
patente. On devrai leur rafraîchir la mé-
moire.
Je ne saurais dire si les personnes dis-
tinguées qui ont pris ainsi l'habitude de se
réunir dans ces lieux d'édification aris-
tocratique ont jamais tiré de ces retrai-
tes l'ombre d'un profit moral. Mais cha-
cun est libre de s'amuser comme il l'en-
tend, Le malheur est que nos pauvres
institutrices n'y trouvaient, elles, qui
ne sont point femmes de high life et ne
se piquent pas de suivre la mode, aucun
plaisir d'aucune espèce, et qu'il pouvait
même y avoir pour elles un sérieux in-
convénient à écouter des instructions
qui n'étaient pas toujours conformes à
1 esprit de l'enseignement laïque , aux
prescriptions de 1 Université, aux obli-
gations du devoir professionnel. >
C'est sur ce point qu'a précisément
éclaté, entre M. le préfet de la Lozère et
monseigneur de Monde, le différend dont
j'ai parlé au commencement de cet arti-
cle.
Monseigneur avait suivant l'usage con-
voqué à une retraite de vacances toutes
les institutrices laïques de. son dio-
cèse.
Elles sont nombreuses dans la Lozère,
et peut-être en SGre-voùs étonnés si
t - - > 1.1 - ,
vous réfléchissez que ce pays passe pour
être profondément catholique. Mais cela
tient à des raisons qui valent la peine
qu'on les explique.
Les congréganistes font toujours grand
bruit de leur désintéressement et de leur
esprit de sacrifice. A les entendre, il n'y
aurait pas de maîtres d'école pour les
pauvres s'ils n'étaient pas là, eux, les
hommes de tous les dévouements, tou-
jours prêts aux plus rudes besognes,sans
autre rémunération que l'espoir d'une
belle place dans le ciel.
Il en faut rabattre. La vérité est que
les congrégations enseignantes préfèrent
les grandes villes et les gros bourgs aux
pauvres villages, aux petits hameaux,
et que plus un département est pauvre,
moins elles se soucient d'y multiplier
leurs maisons, et plus aussi les institu-
teurs laïques y ont leurs coudées fran-
ches.
Vous croyez, vous autres, Parisiens,
— on vous a tant répété cette bourde, —
qu'il suffit à un village de demander une
institutrice religieuse pour l'obtenir aus-
sitôt.
Point du tout.
D'abord, les communautés religieuses
enseignantes ne fondent pas, sauf des cas
extrêmement rares, une seule école pri-
maire, à moins de trois sœurs par école.
Une seule! Vous comprenez aisément les
raisons de convenance et de discipline
monastique qui .@ s'opposent à ce qu'on
laisse une religieuse isolée, maîtresse
de ses actions, et n'ayant de comptes à
rendre qu'à Dieu.
Deux, c'est une autre affaire. Deux
femmes ensemble ne sauraient être qu'a-
mies passionnées ou ennemies furieu-
ses. Dans l'un et l'autre cas, les inconvé-
nients sautent aux yeux. Enneinies., elles
donnent le spectacle de rivalités et de
querelles déplorables. Amies, c'est pis
encore; adieu la discipline, adieu l'a-
mour de la communauté, qui doit pour-
tant primer tous les autres.
Les « amitiés particulières » sont
tout ce qu'il y a de plus contraire à l'es-
prit de la vie religieuse. On retranche de
l'affection que l'on portait à son ordre
tout ce qu'on en répand sur une créature
mortelle.
Deux amies se soutiennent et s'cntr'ai-
dent; elles sont complices des petites
ou même des grandes fautes que l'une ou
l'autre commet ; la supérieure générale
n'est plus au courant de rien. Supposez
beaucoup de. couples, unis d'une amitié
vive, qui seraient répartis dans diverses
écoles ; la communauté s'émietterait en
poussière.
Sur trois religieuses, il y en a toujours
une qui commande aux deux autres; qui
rappelle au respect de la règle ; qui
demeure en relations avec la supérieure
de la communauté ; sans compter que
sur les deux subordonnées, il s'en trouve
souvent une qui a des raisons de se
plaindre et qui adresse par-dessous main
des rapports contre sa directrice.
C'est l'application constante de la fa-
meuse maxime : divide ut imperes.
Il faut donc pour obtenir la création
d'une école congréganiste se résoudre
(sauf exception, bien entendu) à entrete-
nir trois sœurs. Et ces dames ne laissent
pas d'être exigeantes. Elles veulent, min
- - u~" -------------- ._--uw '1"
l'habitation qu'on leur destine soit - con-
venable de tous points, pourvue d'une
cour et d'un jardin, sans servitude d'au-
cune sorte. Elles comptent. sur les dou-
ceurs du paradis; mais elles aiment leurs
aises en ce monde.
Toutes les fois qu'une commune est
trop pauvre pour exécuter ce programme,
elle est réduite à la portion congrue d'une
institutrice laïque, sans adjointes.
Et voilà comme le département de la
Lozère, si clérical qu'il puisse être,
compte un assez grand nombre d'institu-
trices laïques.
Monseigneur les avait donc convoquées
pour une retraite. Et c'est ici que com-
mence le conflit de l'évêque et du préfet.
Je remets à demain le récit de cette
instructive histoire.
FRANCISQUE SARCEY.
INFORMATIONS
C'est vendredi soir ou samedi au plus
tard que M. Grévy part définitivement
pour le Jura.
M. de Freycinet, ministre des'travaux
publics, venant de Bagnères-de-Luchon,
est arrivé à Paris.
M. Lepère, ministre de l'intérieur, est
rentré hier à Paris, afin d'assister aujour-
d'hui mercredi au conseil des ministres
qui se tiendra au palais de l'Elysée. C'est
dans ce conseil que doit être définitive-
ment arrêté le mouvement préfectoral
dont il est question depuis si longtemps
déjà.
M. le garde des sceaux, qui a quitté Pa-
ris samedi, est allé en Hollande. Il se
trouve actuellement à Amsterdam, et se
propose d'aller plus haut dans le Nord, et
de visiter successivement la Suède et la
Norvège. --c'
M. Andrieux, préfet de police, est rentré
hier à Paris.
M. Frère-Orban est arrivé à Paris avec
sa famille.
Le ministre des affaires étrangères de
Belgique est descendu à l'hôtel Conti-
nental.
Nous croyons savoir que le Journal of".
Prix du Numéro à Paris : 15 cntimes. -.Dél)artements : 20 centimes
Jeudi 4 Septembre 1879
,
LE XÏT SIECLE
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RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
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BULLETIN V
—— ,/' -f -. 1
41
Paris, 3 septembre 187y9. -
La note publiée par le Messager o fficiel
de Saint-Pétersbourg n'a pas mÏS fin, com-
me on le pensait, à la polémique engagée
entre les journaux russes et allemands. La
version française que publie de cette note
le Journal de Saint-Pétersbourg est loin,
d'ailleurs, d'être aussi nette que la traduc-
tion que nous avait transmise l'agence
Havas. Il n'est plus question d'articles
« qui constituent presque des délits de
presse » ; il est tout simplement question
« de réflexions qui côtoient souvent les li-
mites tracées au langage de la presse. »
Loin de rejeter tout le blâme sur la presse
russe, la note regrette qu'une partie de la
presse périodique russe, qui porte depuis
,qulque temps une attention tout parti-
uhèrement vive sur la politique inté-
irîeure des gouvernements étrangers, se
jlaisse entraîner, sous ce rapport, par les
procédés de certains organes bien connus
rte la presse étrangère, qui prennent à
l'égard de la Russie et de sa politique un
ton hostile et tranchant poussé jusqu'à
l'inconvenance. » Il y a loin, on le voit, en-
tre les deux versions qui nous ont été suc-
cessivement transmises. Tout le mal
vient, en effet, au dire du gouvernement
,russe, des attaques de la presse allemande.
Il n'y a donc pas lieu de s'étonner que
Ses journaux allemands, à la lecture de
«Coe;ti.e note, soient devenus plus acerbes et
p!us violents que jamais. La Gazette na-
Hanale qualifie de mystification la dépê-
che officieuse qui présentait comme un
bigame adressé à la presse russe la note du
Messager, et les autres journaux officieux
on non se meurent tout aussi sévères.
(Que sortira-t-il de :.ette guerre de plume?
(Q ue sortira-t-il de ^e ïf/t™ouut t cC,aas s il con-
Probablement rien. JLJ1
wient d'attendre le résultai de la mission
du feld-maréchal ManteufIel.
D'ailleurs, le feld-maréchal i::-t-il reçu
une mission politique quelconque. La
Gazette de VAllemagne au Nord le nie
absolument. Elle affirme que les commen-
taires des journaux relatifs à la prétendue
politique de cette mission ne reposent sur
aucune espèce de fondement. Elle aj oute
que l'assertion tendant à dire que cette
mission aurait été concertée avec le prince
.de Bismarck et qu'elle aurait été précédée
Irun échange actif de dépêches télégraphi-
ques entre le chancelier de l'empire et
Re feld-maréchal Manteuffel est de pure
invention.
Le mouvement électoral s'accentue de
plus en plus en Prusse. Il est toutefois
bien difficile de prévoir dès à présent
o-vuel sera le résultat de la campagne.
T 'ut ce que l'on peut constater, c'est
ailk<3 les différents partis conservateurs
son. t beaucoup moins unis que le gou-
vern ement ne l'espérait. Malgré toutes
les exhortations de la Correspondance
provir. lciale, le parti du centre refuse d'a-
eir de concert avec les partis ministériels,
c'est-à-dire avec les conservateurs libé-
raux pt îf- s néo-conservateurs, et se dé-
clare au co ntraire, prêt à s'allier étroite-
ment avec i> vieux conservateurs ou
conservateurs de la nuance de la Gazette
de la Croix. Lev vieux conservateurs et
les hommes du centre ont en effet le
même but ; ils voudraient, en se coalisant,
former une majorité capable de forcer le
lPrince de Bismarck à réviser les lois poli-
tico-ecclésiastiques de la prussc, non-seu-
llement en ce qui concerne église catho-
llique, mais aussi en ce qui se rattache à
TEfflise protestante. En d'autres termes,
c. es deux partis sont unanimes à desiref
une réaction. Heureusement pour la
prusse les vieux conservateurs et les ul-
tramontains ne forment pas à eux seuls
une majorité suffisante à la Chambre des
d'éputés et les programmes électoraux des
conservateurs libéraux et des néo-conser-
vateurs prouvent que ces deux groupes
parlementaires sont presque aussi éloi-
gnès de l'opinion ultra-nservatriee çue
de l'opinion vraiment libérale et consti-
tuent par conséquent un parti du juste
milieu qui, en s'unissant aux libéraux
nationaux de droite, pourra offrir au
prince de Bismarck un appui acceptable
et suffisant.
E. BARBIER
Bourse de Paris
PETITE BOURSE DU SOI*
S O- tf)/0 83 fr. 77 1/2, 75.
f>,()/,O. 117 fr. 6 L 1/4, 58 3/4,621/2.
I t& .gyj.iaw 6 010 235 fr. 62 1/2. -
1 92 fr. 1/16.
Extérie.jr » 15 fr. 1/16.
19 fr. 60.
Italien fr. 60.
-.- ---
D'après le relevé qui a paru dans no-
tre numéro d'hier, on a pu voir que, sur
la ,question des lois perry, les conseils
gén léraux se divisent a peu près par moi-
tié.. Quatre conseils n'ont pas encore
ouvert leur session (Seine et trois dépar-
tements d'Algérie) ; cinq autres (Hautes-
- Mpes, Gorrèze, Corse, Gironde et RhoneJ
me se sont pas encore prononcés. Quana
le .eS délibérations, tant favorables que
contraires, de ces neuf conseil se seront
ajoutées à celles qui sont connues déjà,
lOUS urons, Si nous comptons bien,
plus absentions : total égal au nom-
bre des départements. égal au nom-
bre des dépaytemeflts-
Il ne servirait à rien de cacher que
se que nous devions
compter sur un resultat lelllur. En dé-
finitve, cette consultation des assem-
blées départementales aboutit à zéro,
puisqu'une moitié des vœux expnmés dé-
truit l'autre. La question reste intacte,
et quand elle sera soumise au Sénat, ni
les partisans, ni les adversaires de 1 ar-
ticle 7 ne pourront s'appuyer sur 1 opi-
nion des conseils généraux. Toutefois, il
-ne sera pas interdit aux partisans des
lois Ferry de présenter trois simples ob-
servations.
La première, c'est que la très-grande
majorité des conseils républicains est fa-
vorable à l'article 7, et qu'il y a de fortes
raisons de considérer la seule opinion
des conseils républicains comme absolu-
ment désintéressée et sincère. Ceci est
encore une assertion qui fera jeter les
hauts cris à nos adversaires politiques.
Elle n'en est pas moins fondée, puisque
la consigne des anciens partis coalisés
est l'opposition à outrance. Tel bonapar-
tiste ou orléaniste, qui trouve in petto
les projets Ferry justifiés et nécessaires,
les rejette toutefois par l'unique raison
qu'ils émanent du gouvernement répu-
blicain.
La seconde observation, c'est que, si
une moitié des conseillers généraux ac-
tuels est d'origine assez récente (novem-
bre 1877), l'autre moitié a reçu son man-
dat en novembre 1874, avant même
qu'une constitution eût été votée par
l'Assemblée nationale, et en plein épa-
nouissement du ministère Chabaud-La-
tour. Cette seconde moitié, — sans que
nous en pensions autrement de mal, -
est un peu ancienne, et l'on a lieu de
croire qu'elle n'a pas été élue sous l'em-
pire des sentiments qui dominent au-
jourd'hui. C'est en 1880 que cette moitié
doit être à son tour remplacée ; et il pa-
raît incontestable que, si nous étions au
lendemain de son renouvellement, le ré-
sultat serait tout autre.
Enfin notre dernière observation porte
sur ce fait: si l'on consulte une de ces
cartes où le degré d'instruction dans cha-
que département se trouve marqué par
des teintes claires ou sombres, on cons-
tatera qu'à une ou deux exceptions près,
les conseils généraux hostiles aux lois
Ferry représentent des départements
teintés de noir. Par contre, les conseils
favorables à l'article 7 représentent les
plus éclairés. On se prononce contre les
lois Ferry dans le Cher, le Morbihan"
etc.; pour dans la Côte-d'Or, les Vosges,
etc. Si l'on veut se livrer un peu atten-
tivement à cette étude, on y trouvera les
éléments d'une comparaison bien faite
pour frapper l'esprit.
En résumé, si l'on compte les vœux
des conseils généraux, on trouvera que
ces vœux s'annulent puisqu'il y en a un
nombre égal dans les deux sens. Si l'on
ne se borne pas à les compter, si on les
examine et si on les pèse, il sera difficile
de ne point arriver à cette conclusion que
la balance doit pencher en faveur des
plus impartiaux et des plus éclairés.
EUG. LIÉBERT
iwii 1 11 1 i 1
RENDUS A LA FRANCE
Je sais en ce moment des prophètes de
malheur bien ennuyés. Que n'avait-on
pas annoncé à l'avance à propos du dé-
barquement à Port-V enrires des transpor-
tés auxquels le parlement a rouvert les
portes de la patrie 1 On avait prédit des
cris, des manifestations bruyantes, des
acclamations séditieuses. Je n'irai pas
jusqu'à dire que l'on attendait quelque
peu de désordre dont on eût ensuite tiré
le meilleur profit; mais il est certain que
l'on eût étB heureux de le voir se pro-
duire.
p. nntrmt.irmfs esnéraïiees ont été
"I-' t',vA----l--- --r-------- -
trompées. On lira le récit du débarque-
ment des Français rendus à la France,
on verra qu'ils n'étaient point indignes
de la clémence dont ils ont été l'ohiet.
Le commandant du vaisseau oui les ra-
mené leur a rendu ce témoignage qu'il
n'avait eu qij'ix se louer de leur conduite
à bord ; presque tous en mettant le pied
sur le rivage se sont découverts sponta-
nément ; et cette émotion n'étonnera au-
cun de ceux qui après avoir été long-
temps éloignés de la terre natale ont eu
Je bonheur d'y rentrer,
Tout s'est passé dans l'ordre le plus
parfait : .!lUC\IU auire cri n'a é(té entendu
que celui de « Y'vC îa République! » Ce
n'était pas un petit travail celui de
faire descendre du vaisseau plusieurs
centaines de persop.rîe, et ensuite de les
faire monter en chemin de fer, çprès
avoir constaté l'identité de chacun et
avoir fait la répartition des premiers se-
cours. Les heures d'attente ont été for-
cément longues; elles ont été suppor-
tées sans une marque d'impatience, sans
un mouvement d'irritai;.on. Au moment
où nous écrivons, on attend à Paris le
train qui amène dans la grande ville les
enfants qui lui sont rendus. Nous ne dou-
tons pas que cette arrivée soit aussi
calme, aussi paisible que l'a été la pre-
mière.
Ce que nous pensons Je la Commune,
nous ne l'avons pas caché, nous ivavODs
pas demandé de pardon pour les chefs
sur lesquels pesait la responsabilité de
la guerre civile entreprise au lende-
main de la guerre étrangère. Mais quant
aux individus qui nous reviennent, nous
ne nous souvenons même plus qu'ils ont
été autrefois condamnés,car amnistie veut
dire oubli. Ils sont nos concitoyens, ils
vont rentrer par la volonté de la nation
souveraine dans la plénitude de leurs
droits d'hommes et de citoyens. Ils sont
nos égaux. Nous les considérons et nous
les accueillons comme tels. Loin de sGn,
ger à leur reprocher quelque chose
du passé, c'est notre devoir de nous
souvenir que dans le présent beaucoup
ont besoin d'être secourus, soutenus,
encouragés, pour reprendre dans la so-
ciété leur place utile. C'est en leur té-
moignant notre sympathie, c'est en les
aidant à trouver du travail, loin de leur
en refuser, que nous les préserverons à
l'avenir contre les tentations où l'on es-
sayerait de les entraîner. Non, certes, ils
n'ont pas le désir de voir apparaître quel-
que nouvelle crise sociale ; ils savent trop
bien ce que leur a coûté la première ;
mais qui peut mieux les rattacher à la pa-
trie retrouvée que ceux qui les aideront à
y gagner honorablement leur vie, à se re-
faire un foyer, ceux qu'ils @ trouveront
prêts à leur tendre la main, à ne les ju-
ger désormais que sur la conduite qui
sera la leur ? Ce n'est pas aux bons ci-
toyens à faire revivre ce que la loi, de sa
main toute-puissante, a efface.
CHARLES BIGOT.
Nous avons dit qu'on pourrait compter
pour moitié, dans les voix données à M.
Blanqui, celles des réactionnaires, bona-
partistes et royalistes.
C'est l'opinion des Bordelais, et nous
avons lu dans la Gironde qu'un grand
nombre de suppôts de « l'ordre moral »
votaient pour M. Blanqui ostensible-
ment.
Mais cette assertion fâche un rédac-
teur du Pays, qui, là-dessus, nous taxe
d'impudeur. « impudeur » nous paraît
une de ces grossièretés tant soit peu
niaises dont le rédacteur du Pays fait un
fréquent abus.
Dans ce cas spécial, nous pouvons le
fixer sur le sens exact du mot qu'il em-
ploie et qu'il n'entend pas.
Il termine ainsi son article:
Il faut que M. Liébert en prenne son parti
de bonne grâce ; la défaite de l'opportunisme
est plus que probable La Commune rontre
victorieuse par la brèche, et, quant à nous,
nous attendons, nous espérons un ministère
dont Paschal Grousset aurait la présidence
avec le portefeuille des affaires étrangères,
Cluseret à la guerre, Vallès à l'instruction pu-
blique, et Mégy, l'assassin de l'archevêque
de Paris, un peu partout.
Nous n'avons pas besoin d'expliquer à M.
Liébert dans quel but nous formulons ce vœu:
il est trop intelligent pour ne pas compren-
dre que ce n'est pas précisément par amour
pour la République.
Eh bien ! lorsque l'on fait profession
de cette politique, il ne faut point accu-
ser d'impudeur les journaux qui disent
que les bonapartistes de Bordeaux ont
voté pour M. Blanqui.
Si l'on attend, si l'on espère le minis-
tère que le Pays nous dit appeler de ses
vœux, on vote et l'on fait voter pour
M. Blanqui, et l'on est logique.
Et si l'on se défend après cela d'avoir
contribué peu ou prou à l'élection de
M. Blanqui, on est impudent.
E. L.
o
Les Guérisseurs de FManteris
J'ai eu beau m'en défendre, l'Armée
française y eut à toute force que je l'en-
rôle dans la corporation des Guérisseurs
de T infanterie. Que dis-je ? le jour même
où dans un entrefilet aimable, .,- avouez
qu'il était aimable ! — je lui donnais du
« vaillant journal» sans marchander, ce
jour-là même, à quelques heures de dis-
tance, l'Armée française (ô ingratitude !)
venait de me consacrer ce que nous ap-
pelons dans notre langue de journalistes
un éreintement de première classe. vous
pensez bien que je ne veux point vous en-
nuyer pq,r un débat qui de général tend à
devenir personnel ; je ne vous ai point ha-
bitués à ce genre de polémique, qui Sau-
rait, je pense, rien de particulièrement
résralant.
L Armée française a pris la peine de me
rappeler qu'en dépit des années, qui, hé-
las ! passent vite, j'étais resté «bouillant»;
cela n'est point fait pour me fâcher ; elle
a bien voulu annoncer à ses lecteurs —
qui, en bonne conscience, devaient s'en
douter — que si je défends avec tant d'ar-
deur la cause des chasseurs à pied en par-
ticulier, c'est que j'ai quelque peu porté
jadis le pantalon bleu. Parbleu ! j'en suis
trop fier pour m'en défendre/et tous ces
souvenirs finement évoqués m'ont rajeuni
de vingt ans. Si mon confrère avait entre-
pris de prouver que je ne parle que de ce
que je sais biSTf, il ne s'y fût pas pris au-
trement. ?
Mais laissons ces vétilles, et parlons de
choses sérieuses,
La question, la vraie question, est l'or-
ganisation de l'infanterie. « Cette organisa-
tion est en tous points mauvaise, disent
les novateurs, qui ne veulent rien enten-
dre. Notre idéal, c'est le régiment prus-
sien. Tant que nous n'aurons pas le régi-
ment prussien de nos rêves, nous ne nous
tiendrons pas tranquilles. » Ce n'est pas
le texte, mais c'est le sens.
• Il paraît que sur le principe il n'y a plus
à discuter. C'est du moins ce qu^Ifirment
mes contradicteurs, avec l'autorité que
leur donne l'assentiment unanime « de
tous les officiers d'infanterie « sans ex-
ception. »
.te félicite mon confrère d'avoir pu ob-
tenir tant de suffrages dans Finfanterle ;
ils sont la preuve manifeste des sentiments
sympathiques qu'il a su entretenir el tre
ses lecteurs et lui. Pourtant il me permet..
tra, j'espère, de défalquer de ce prodigieux
total les nombreux officiers de la même
arme qui veulent bien me prendre pour
confident de leurs craintes en présence des
projets de restauration dont on les me-
nace.
Je ne me suis point jeté aussi follement
qu'il le croit à la traverse des transforma-
tionsque je juge prémaiurées avec beau-
coup de bons esprits.
J'ai assez de fois donné les raisons de
mon dire pour qu'il paraisse inutile d'y
insister longtemps. L'Armée française, ce-
pendant, me reproche de n'avoir rien for-
mulé de précis et prétend « n'avoir trouvé
aucune trace du remède que je recomman-
de. » Tous ceux qui me lisent dans ce
journal ne pourront s'empêcher de sourire
de ce singulier grief.
Voilà plus d'un mois qu'ici même je dis-
cute les remèdes que mes contradicteurs
nous servent comme des panacées souve-
raines. Quand on nous offre le médica-
ment prussien, je réponds : c'est un remè-
de violent qui peut tuer le malade.
Laissez-nous, de grâce, instruire et mi-
litariser les générations qui viennent :
laissez-nous faire ce que les Allemands
ont pu faire, c'est-à-dire créer des réserves
disciplinées et faciles à manier ; laissez-
nous donner de la consistance à notre ar-
mée territoriale qui n'existe qu'à moitié et
en faire avec le temps ce qu'est lalandwehr
allemande. Pour cet immense travail de
militarisation, nous avons besoin de toutes
nos forces ; ne les énervez pas en prêchant,
comme vous le faites, la diminution des
cadres de l'infanterie. Car, malgré tout ce
que vous pouvez dire, malgré tous les pal-
liatifs dont vous prétendez couvrir vos
projets, la conséquence forcée de vos trans-
formations, c'est la diminution des cadres
de l'infanterie.
Je ne me lasserai pas de dire que c'est
une grosse imprudence de s'exposer, à
bréf délai peut-être, à une reconstitution
hâtive de cadres aujourd'hui tout prêts,
si des événements imprévus venaient nous
surprendre: L'année 1875 n'est pas si éloi-
gnée que mon confrère ait déjà oublié
qu'à ce moment les cartes faillirent se
brouiller entre la France et l'Allemagne.
Ne sait-il pas, aussi bien que moi, ce qui
avait été décidé au sujet des troupes de
l'armée territoriale, qui risquaient d'ê-
tre des forces négatives faute de cadres ?
On se proposait tout simplement de les
intercaler dans des régiments de ligne
dont les quatrièmes bataillons et les com-
pagnies de dépôt eussent été les meilleurs
appoints.
Mon confrère oserait-il affirmer que l'ar-
méa territoriale soit devenue en ces
'quatre dernières années ce qu'elle doit
être ? Présente-t-elle à ses yeux la solidité
que l'on doit pouvoir attendre d'une ar-
mée de 800,000 hommes ?
Et qu'on ne vienne pas m'objecter que
je me dérobe aux questions dont on me
presse et que je réponds : Armée territo-
riale, quand on me chante : armée active!
Non je ne me dérobe pas. Quand vous
m'opposez l'armée allemande, j'ai le droit
de songer à la landwehr ; j'ai le droit de
rechercher ce qui fait sa force, ce qui fait
sa supériorité sur notre armée de seconde
ligne, et je n'ai pas de peine à me répon-
dre que le- secret* de sa force réside tout,
entier dans ses cadres, autrement recru-
tés que nos cadres de réserve, mieux dotés
que nos cadres territoriaux.
Voilà pourquoi je suis effrayé des ten-
dances qui se sont manifestées depuis
quelque temps au sujet de la réorganisa-
tion de l'infanterie! Voilà pourquoi j'ai
cherché à réagir contre ces projets, dont on
paraît vouloir saisir le Parlement ! Voilà
enfin pourquoi j'ai dû, en mon âme et
conscience, me séparer de ceux de mes
confrères avec lesquels jusqu'à ce jour
i'avais touiours été d'accord sur les aues-
tions de principe. ¿
A ces arguments tirés de l'organisation
allemande même, que m'ont opposé mes
contradicteurs ? Rien. Ils m'interrogent ;
ils ne répondent pas.— Exposez votre sys-
tème, vient-on me dire aujourd'hui 1 Mais,
sapristi ! voilà beau temps que vous le
connaissez, mon système,1 dites un peu
en quoi il vous paraît mauvais ?
Réfutez les citations que j'ai faites dp la
Revue militaire de téti'àngmt; celles que
je pourrais vous faire du Spectateur mili-
taire, si je ne craignais d'allonger ce dé-
bat. Prouvez-moi. que mes appréhensions
sont aussi peu fondées qu'elles peuvent
être patriotiques. Démontrez-moi que mon
opportunisme n'est pas de mise. Faites-
moi voir clair là ott vous dites que je vois
tout trouble. Je ne demande qu'à recon-
naître mon erreur,
Tapt que vous garderez le silence, je
suis fondé à croire que mes arguments
vous gênent. Et là, entre nous, sincère-
ment je le crois.
Un dernier mot. VArmée française a
relevé avec une certaine intentioii l'atti-
tude que j'avais prise récemment vis-à-
vis d'un collaborateur du Petit Parisien
qui ne serait autre qu'un officier général
et en même temps une personnalité très
connue. Cette attitude n'a pas cessé d'être
correcte, je pense, malgré quelques inno-
centes raiîleries < qu'expliquerait au besoin
l'ardeur de la discussion. Je n'ai point, je
suppose, à protester de mon dévouement
aux intérêts du soldat, ni de ma sympa-
thie pour les chefs de rqrée1 Personne
ici ne croira que ce soit utile.
Qu'il me soit pourtant permis de dire
une fois en passant combien ils Qnt tÏrait
à tous nos réspects, ces hommes de devoir,
qui, à? toute heure du jour ou de la nuit,
sont toujours prêts à verser leur sang
pour le pays, ces hommes qui ne connais-
sent que cette belle devise : Patrie ! hon-
neur f
On peut être fier d'avoir été jadis leur
pair et d'avoir conservé avec l'amilié de
quelques-uns l'estime de tous !
- LQUIS HENRI QUE.
————— ————
-
Évêque et Préfet
Il vient d'éclater entre l'honorable pré-
fet de la Lozère et Mgr Julien, évêque de
Mende, un conflit singulier, dont je trou-
ve le récit dans l'Univers du 31 août. Ce
récit est très-curieux, mais pour le bien
comprendre il faut être au courant d'un
certain nombre de détails de la vie sco-
laire, qui évidemment ne sont pas fami-
liers au grand public,
Permettez-moi donc de vous donner
ces renseignements préliminaires, tels
qu'ils m'ont été fournis par une personne
digne de foi,
p
Vous savez sans doute qu'il est d'usage
que chaque année les personnes attachées
à la profession ecclésiastique fassent ce
que l'on appelle dans leur langue une
retraite. Elles se réunissent à des en-
droits désignés par l'évêque, et là, du-
rant quelques jours, se livrent ensemble
à un certain nombred'exercicesreligieux,
tels que prières, méditations, chants sa-
crés, conférences, jeûnes, etc.
De même les institutrices qui portent
l'habit religieux profitent des vacances
pour se rendre soit à la maison-mère,
soit à quelque succursale, ou même à
l'évêché, pour y suivre une retraite qui
est spécialement organisée pour elles.
Il n'est pas que vous n'ayez, dans ce
mois de septembre où tous les Parisiens
voyagent, rencontré aux gares de chemins
de fer des bonnes sœurs, s'en allant par
bandes, les bras chargés de cartons, de
paniers .et de paquets, cornettes blan-
ches, noires ou grises, cornettes de toutes
formes; on ne voit que cela dans les
trains. Les wagons de seconde classe en
sont bondés.
Ces dames se rendent à leurs cou-
vents, pour assister aux exercices de la
retraite, qui leur est prêchée par quelque
révérend père.
Ce sont les retraites des institutrices.
Des institutrices congréganistes, bien
entendu. Il n'y avait pas de raison, n'est-ce
pas? pour que les institutrices laïques du
département fussent convoquées à ces
saintes agapes et obligées d'en prendre
leur part. Les institutrices laïques ont
des devoirs de famille à remplir, elles
n'ont point dit adieu aux plaisirs inno-
cents de ce monde. Il était assez naturel
qu'elles préférassent user des courtes
heures de leurs vacances pour aller em-
brasser leur mère ou se délasser sur
quelque plage des fatigues de l'année.
L'usage cependant s'introduisit dans
un grand nombre de diocèses de les con-
vier à ces petites fêtes, et de les y con-
vier par lettres personnelles, signées de
l'évêque. Une invitation de cette sorte
ressemble terriblement à un ordre. Re-
fuser, c'eût été se mettre à dos l'autorité
diocésaine, encourir les foudres de l'é-
vêque et les tracasseries du curé. Per-
sonne n'ignore combien les institutrices,
communales ou autres, sont, même en-
core aujourd'hui, dépendantes du clergé
qui les entoure. L'évêque avait parlé ; il
ne leur restait plus qu'à obéir. Ainsi fi-
rent-elles, et, pour la plupart, en mau-
gréant. 1
Il faut dire que depuis trente-cinq ou
quarante ans cette habitude de faire des
retraites à-un certain moment de l'année
est devenue, pour les femmes du beau
monde, un des modes, ou, pour parler
plus juste, une des modes de la dévotion
comme il faiit. Autrefois les personnes
pieuses se contentaient, à l'Avent et au
Carême, d'aller à l'église de leur paroisse
et de faire leur salut en écoutant, tout
bonnement, la parole de Dieu que leur
distribuait le prédicateur du crû.
Les jésuites et les dominicains sont
venus, et ils ont fait sentir à la bonne
compagnie le ridicule d'une dévotion
aussi grossière, qui confondait les âmes
de distinction avec les petites gens, avec
la canaille.
Il y a maintenant (et cette mode paraît
remonter aux environs de 1840) des cou-
yents où les dévotes de haut parage se
donnent rendez-vous pour répandre en
commun les précieux parfums de leurs
cœurs aux p,ie4s d'un beau dominicain
en robe blanche. C'est un sensible hon-
neur pour une femme qui n'a qu'un état
modeste dans le monde d'être admise à
prier le bon Dieu en compagnie de ces
vases d'élection, soit au couvent de M(i*
riê réparatrice, soit che7, les tktmes de
la UctrqitQ, Çe sont pour le moment les
deux maisons le plus en vogue et l'on se
disqualifierait à faire son salut autre
part.
— Moi, disait jadis Cathos à Masca-
rille, je ne veux porter aucun ajustement
qui ne sorte de chez la bonne faiseuse.
Ces couvents ont des chambres qu'elles
louent pour le temps de la retraite depuis
quatre francs jusqu'à « comme il fera
plaisir. » Ils possèdent une bibliothèque,
d'où l'on peut emporter, comme d'un ca.
binet de lecture, des livres en location.
Ce sont les petits profits des bonnes
sœurs, qui ont d'ailleurs oublié ùe payer
patente. On devrai leur rafraîchir la mé-
moire.
Je ne saurais dire si les personnes dis-
tinguées qui ont pris ainsi l'habitude de se
réunir dans ces lieux d'édification aris-
tocratique ont jamais tiré de ces retrai-
tes l'ombre d'un profit moral. Mais cha-
cun est libre de s'amuser comme il l'en-
tend, Le malheur est que nos pauvres
institutrices n'y trouvaient, elles, qui
ne sont point femmes de high life et ne
se piquent pas de suivre la mode, aucun
plaisir d'aucune espèce, et qu'il pouvait
même y avoir pour elles un sérieux in-
convénient à écouter des instructions
qui n'étaient pas toujours conformes à
1 esprit de l'enseignement laïque , aux
prescriptions de 1 Université, aux obli-
gations du devoir professionnel. >
C'est sur ce point qu'a précisément
éclaté, entre M. le préfet de la Lozère et
monseigneur de Monde, le différend dont
j'ai parlé au commencement de cet arti-
cle.
Monseigneur avait suivant l'usage con-
voqué à une retraite de vacances toutes
les institutrices laïques de. son dio-
cèse.
Elles sont nombreuses dans la Lozère,
et peut-être en SGre-voùs étonnés si
t - - > 1.1 - ,
vous réfléchissez que ce pays passe pour
être profondément catholique. Mais cela
tient à des raisons qui valent la peine
qu'on les explique.
Les congréganistes font toujours grand
bruit de leur désintéressement et de leur
esprit de sacrifice. A les entendre, il n'y
aurait pas de maîtres d'école pour les
pauvres s'ils n'étaient pas là, eux, les
hommes de tous les dévouements, tou-
jours prêts aux plus rudes besognes,sans
autre rémunération que l'espoir d'une
belle place dans le ciel.
Il en faut rabattre. La vérité est que
les congrégations enseignantes préfèrent
les grandes villes et les gros bourgs aux
pauvres villages, aux petits hameaux,
et que plus un département est pauvre,
moins elles se soucient d'y multiplier
leurs maisons, et plus aussi les institu-
teurs laïques y ont leurs coudées fran-
ches.
Vous croyez, vous autres, Parisiens,
— on vous a tant répété cette bourde, —
qu'il suffit à un village de demander une
institutrice religieuse pour l'obtenir aus-
sitôt.
Point du tout.
D'abord, les communautés religieuses
enseignantes ne fondent pas, sauf des cas
extrêmement rares, une seule école pri-
maire, à moins de trois sœurs par école.
Une seule! Vous comprenez aisément les
raisons de convenance et de discipline
monastique qui .@ s'opposent à ce qu'on
laisse une religieuse isolée, maîtresse
de ses actions, et n'ayant de comptes à
rendre qu'à Dieu.
Deux, c'est une autre affaire. Deux
femmes ensemble ne sauraient être qu'a-
mies passionnées ou ennemies furieu-
ses. Dans l'un et l'autre cas, les inconvé-
nients sautent aux yeux. Enneinies., elles
donnent le spectacle de rivalités et de
querelles déplorables. Amies, c'est pis
encore; adieu la discipline, adieu l'a-
mour de la communauté, qui doit pour-
tant primer tous les autres.
Les « amitiés particulières » sont
tout ce qu'il y a de plus contraire à l'es-
prit de la vie religieuse. On retranche de
l'affection que l'on portait à son ordre
tout ce qu'on en répand sur une créature
mortelle.
Deux amies se soutiennent et s'cntr'ai-
dent; elles sont complices des petites
ou même des grandes fautes que l'une ou
l'autre commet ; la supérieure générale
n'est plus au courant de rien. Supposez
beaucoup de. couples, unis d'une amitié
vive, qui seraient répartis dans diverses
écoles ; la communauté s'émietterait en
poussière.
Sur trois religieuses, il y en a toujours
une qui commande aux deux autres; qui
rappelle au respect de la règle ; qui
demeure en relations avec la supérieure
de la communauté ; sans compter que
sur les deux subordonnées, il s'en trouve
souvent une qui a des raisons de se
plaindre et qui adresse par-dessous main
des rapports contre sa directrice.
C'est l'application constante de la fa-
meuse maxime : divide ut imperes.
Il faut donc pour obtenir la création
d'une école congréganiste se résoudre
(sauf exception, bien entendu) à entrete-
nir trois sœurs. Et ces dames ne laissent
pas d'être exigeantes. Elles veulent, min
- - u~" -------------- ._--uw '1"
l'habitation qu'on leur destine soit - con-
venable de tous points, pourvue d'une
cour et d'un jardin, sans servitude d'au-
cune sorte. Elles comptent. sur les dou-
ceurs du paradis; mais elles aiment leurs
aises en ce monde.
Toutes les fois qu'une commune est
trop pauvre pour exécuter ce programme,
elle est réduite à la portion congrue d'une
institutrice laïque, sans adjointes.
Et voilà comme le département de la
Lozère, si clérical qu'il puisse être,
compte un assez grand nombre d'institu-
trices laïques.
Monseigneur les avait donc convoquées
pour une retraite. Et c'est ici que com-
mence le conflit de l'évêque et du préfet.
Je remets à demain le récit de cette
instructive histoire.
FRANCISQUE SARCEY.
INFORMATIONS
C'est vendredi soir ou samedi au plus
tard que M. Grévy part définitivement
pour le Jura.
M. de Freycinet, ministre des'travaux
publics, venant de Bagnères-de-Luchon,
est arrivé à Paris.
M. Lepère, ministre de l'intérieur, est
rentré hier à Paris, afin d'assister aujour-
d'hui mercredi au conseil des ministres
qui se tiendra au palais de l'Elysée. C'est
dans ce conseil que doit être définitive-
ment arrêté le mouvement préfectoral
dont il est question depuis si longtemps
déjà.
M. le garde des sceaux, qui a quitté Pa-
ris samedi, est allé en Hollande. Il se
trouve actuellement à Amsterdam, et se
propose d'aller plus haut dans le Nord, et
de visiter successivement la Suède et la
Norvège. --c'
M. Andrieux, préfet de police, est rentré
hier à Paris.
M. Frère-Orban est arrivé à Paris avec
sa famille.
Le ministre des affaires étrangères de
Belgique est descendu à l'hôtel Conti-
nental.
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