Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1891-05-02
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 02 mai 1891 02 mai 1891
Description : 1891/05/02 (A21,N7047). 1891/05/02 (A21,N7047).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2013
Vingt-et-unîémë année» -*■ W 7,0AT
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JOURNAL RÉPUBLICAIN
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PtMCTEUB POLITIQUE
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Adrwi Uléfflphluiqu : XIX. SIÉOLE — PANa
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la fin flB| Scolos
C'est bien la mort des bataillons
Scolaires que vient de voter le conseil
municipal. Il y a mis des précautions
et fait des réserves dont quelques-
unes assez ridicules; telle la suppres-
sion de l'uniforme et le maintien du
fusil et du ceinturon, ce qui nous re-
porte aux jours les plus joyeux de la
garde nationale. Mais l'institution a
du plomb dans l'aile. Ce n'est pas seu-
lement le conseil municipal qui la con-
damne, c'est le silence du public qui
S'était le plus emballé en sa faveur.
- Elle a justifié, il faut le dire, les
défiances et les préventions de ses ad-
versaires. L'instruction militaire était
à peu près nulle, la tenue souvent dé-
plorable, et cela sans qu'on puisse le
reprocher à personne. On ne saurait
exiger de bambins de douz ans les
qualités élémentaires indispensables
à tout corps de troupe. De la vie mi-
litaire, ils prenaient surtout les dé-
fauts, semblables en cela aux peuples
jeunes qu'on veut initier à la vapeur
aux raffinements de la civilisation et
qui commencent par en imiter les
yices.
On a essayé de rejeter sur les offi-
ciers la responsabilité de l'échec.Ceux
que nous avons vus à l'œuvre étaient
cependant pleins de zèle et de patience,
et prenaient fort à cœur leurs ingra-
tes fonctions. Mais ils se heurtaient à
des obstacles insurmontables. Rien
n'était plus choquant que de voir leur
uniforme exposé aux quolibets ou
aux nasardes de galopins sur lequels
ils ne pouvaient avoir aucune action
sérieuse.
- Comment auraient-ils empêché le
désordre? Par quels moyens pou-
vaient-ils réprimer les infractions à
îa discipline ?
Voyez ce qui se passe au régiment
où l'on n'arrive cependant qu'à l'âge
de raison : Ce n'est que par l'obser-
vation impitoyable du plus rigoureux
de tous les Codes qu'on parvient à
dompter les caractères et à maintenir
chacun dans le rang. Relâchez tant
soit peu le nerf de cette discipline et
en quelques mois vous aurez changé
une armée en cohue. Et pourtant on
s'adresse à des hommes faits qui ont
déjà quelques notions précises de
leurs devoirs envers le pays. Mais
comment s'y prendre avec des en-
fants? Le dernier conscrit de la pe-
tite classe peut allonger une claque à
son sergent-major sans courir d'au-
tre risque que celui d'en recevoir une
autre. Il serait aussi ridicule d'outrer
la sévérité que de poursuivre pour vol
qualifié l'enfant qui a chipé des billes
dans le pupitre du voisin.
Ajoutons qu'il eût été quelque peu
contradictoire d'imposer aux écoliers
une discipline de fer dans ces exerci-
ces, alors qu'à l'étude ou en classe on
fait précisément tout le contraire. On
a supprimé les vieilles pénalités. On a
écrit de fort belles choses contre le
lycée-caserne et le lycée-couvent.
Mais alors il faut être logique et ne
pas relever d'une main ce qu'on tra-
vaille à détruire de l'autre.
, La vérité, c'est que ce soi-disant
apprentissage au métier des armes ne
pouvait être qu'un jeu. Le malheur
a été d'en vouloir faire autre chose.
On a cru qu'on avait une petite ar-
mée on a prétendu nous le faire
.,. croire. On s'est aperçu un peu tard
qu'on n'avait pas changé la nature,
que les enfants restaient enfants sous
l'uniforme et qu'ils jouaient avec les
fusils du gouvernement, comme s'ils
;sortaient du bazar de l'Hôtel-de-Ville.
Ce n'est pas un grand mal assuré-
ment. Les soldats de plomb ont leur
*nlaee dans l'éducation dn nrpmip.1'
e---- - - ---- ¿-- -----
àige. Il est bon que les enfants s'amu-
sent dans la cour à faire l'exercice
avec les camarades. Ce n'est pas une
raison pour les faire défiler sur nos
places et les imposer aux respects des
hommes d'Etat et des généraux. 1
Ce qui nous étonne, c'est qu'on
s'arrête à mi-chemin. Nous ne com-
prenons pas pourquoi, après avoir
supprimé les bataillons scolaires des
écoles primaires, on les conserve dans
les écoles primaires supérieures. Nous
ILie pouvons voir là qu'une manœnvre
destinée à masquer la retraite et à
préparer la conversion des emballés
ue la première heure.
On sort vers quiuze ans de l'école
primaire supérieure ou de l'école pro-
fessionnelle. Est-il nécessaire, est-il
possible, est-il désirable d'avoir ac-
quis à cet âgé les connaissances né-
cessaires à un soldat? La plupart des
officiers vous répondront non; mais
Admettons qu'ils se trompent : pour-
quoi vouloir que cet apprentissage
soit achevé à quinze ans, c'est-à-dire
- à l'âge où il faudrait le commencer?
, Allons plus loin encore, supposons
que ces ieunes gens n1"PTUlpnt la chose
•
au sérieux et qu'ils deviennent aussi
ferrés sur l'école de bataillon que sur
les mathématiques, que leur en res-
tera-t-il au moment du tirage au
sort?
Si donc la nécessité de plier avant
l'heure les futurs conscrits aux exer-
cices militaires se trouvait démon-
trée, ce n'est pas sur les bancs de
l'école qu'il faudrait aller les cher-
cher : c'est plus tard, pendant les deux
ou trois ans qui précèdent leur entrée
au régiment.
Aussi le conseil municipal aurait-il
été mieux inspiré en faisant table
rase. Rien ne lui était plus facile. Il
n'avait même pas à se déjuger. La
création des bataillons scolaires est
l'œuvre de l'assemblée précédente.
C'était une de ces erreurs qu'elle avait
payées ou plutôt qu'elle nous avait
fait payer assez cher. Il fa 'lait se dire
que les plus courtes sont les meilleu-
res et passer courageusement l'éponge.
La suppression sans phrases était
une mesure de liquidation qui ne de-
mandait qu'un peu de décision et de
logique.
On n'a pas osé aller jusque-là, mais
il est aisé de prévoir que la chose se
fera toute seule. Le coup le plus rude
est porté. L'institution ne vivra pas,
parce qu'elle a perdu ce qu'elle avait
au début, la foi et la faveur publique.
On peut voter des crédits pour sauver
les apparences, mais c'est tout ce
qu'on sauvera. Ces exercices à huis
clos, sans parade, sans défilé, dans le
morne enclos de cours trop étroites,
sont appelés à disparaître prochaine-
ment. Et quand un conseiller munici-
pal, en quête d'un beau rapport à
faire, voudra voir manœuvrer ces der-
niers bataillons d'éphèbes, on s'aper-
cevra sans surprise qu'ils n'existent
plus et sont partis tout autrement
qu'ils n'étaient venus, sans fifres ni
tambours.
André Balz.
Le XIX" SIECLE publiera demain la
a Chronique », par Francisque Saroey.
LE PREMIER MAI
Les mesures militaires que le gouver-
nement a prises en vue de la manifes-
tation du premier mai seront à peu près
les mêmes et tout aussi sévères que celles
de l'année dernière.
Les troupes de la garnison de Paris res-
teront consignées dans leurs casernes res-
pectives, où des piquets de soldats se tien-
dront prêts à marcher.
Les régiments de cavalerie dont on dis-
pose sont ceux de la division du gouverne-
ment militaire de Paris (27e et 98e dragons,
36 et 66 cuirassiers, 1411 et 56 chasseurs), plus
le 8e dragons, venant de Meaux, et le ge cui-
rassiers, venant de Senlis. Le 38 cuirassiers
vient de Versailles; le h° chasseurs, de
Saint-Germain ; le 5e de la même arme, de
Rambouillet.
D'une manière générale, la circulation
sera libre partout; mais les rassemblements
ou les défilés en corps sur la voie publique
seront formellement interdits.
Le service d'ordre sera assuré dans Paris
par les 7.000 gardiens de la paix, la garde
républicaine à pied et à cheval et la garni-
son de Paris qui, pour la circonstance, a
été renforcée de cinq régiments de cavale-
rie qu'on a fait venir, ainsi que nous l'indi-
quons plus haut, des environs de la ca-
pitale.
Toutes les forces seront réparties sur un
certain nombre de points de la capitale, de
manière à se prêter aide mutuellement et
à pouvoir se porter sur n'importe quelle
partie de là ville où un incident viendrait
à se produire.
L'Elysée, les palais des Chambres, les mi-
nistères, les principaux édifices publics,
Banque de France, mairies, Opéra, etc., se-
ront soit occupés directement par des dé-
tachements, soit protégés par des forces
placées à grande proximité.
Le président de la Chambre n'ayant pas
cru devoir demander des troupes pour les
placer dans l'enceinte du palais Bourbon,
le gouvernement devra faire garder le pa-
lais par des détachements stationnés aux
alentours.
La place de la Concorde, le jardin des
Tuileries, le terre-plein du palais de l'In-
dustrie, le Champ de Mars seront occupés
par des détachements de cavalerie.
Une journée de meetings
Mais la vraie journée ne se passera pas
dans la rue, à moins que les anarchistes ne
se réunissent, comme ils en ont l'intention,
devant la caserne du Château-d'Eau. Les
incidents que nous aurons à enregistrer
éclateront vraisemblablement dans les sal-
les publiques où les socialistes de toute
école organisent des meetings de jour et de
nuit. - - -
Les aliemanistes ont déjà indiqué une
liste 'assez nombreuse d'orateurs qui de-
vront se rendre au moins dans deux réu-
nions.
Ou sait que les aliemanistes ont décidé
de ne faire aucune démarche auprès des
pouvoirs publics en vue de la limitation à
huit heures de la journée de travail.
Quant aux broussistes, ils se rendront en
délégation au Palais-Bourbon, ainsi que les
marxistes.
Pour conclure, la journée du 1er mai sera
des plus calmes, et certes, il y aura beau-
coup plus de badauds que de manifes-
tants.
LES MODES PARISIENNES ET LA
DOUANE AMERICAINE
(DE NOTUE CORRESPONDANT PARTICULIER)
New-York, 30 avril. — Des agents secrets
de la douane ont saisi hier, à la suite d'une
fausse déclaration de valeur, quarante-
trois caisses de robes parisienne très ri-
ches, destinées à différents magasins de
modes de New-York, de Philadelphie. de
Chicago et d'autres vUIqs.
ENCORE UN !
FUITE D'UN BANQUIER
DU « PETIT JOURNAL »
Un client du « mur ». - La Banque
générale de crédit. — Un million de
déficit. — La fuite d'un voleur.
Encore un ! Encore un filou, un des
meilleurs clients de MM. Marinoni et Poi-
datz, qui vient de prendre la fuite laissant
un passif de près d'un millon, s'en allant
les poches pleines de l'argent que, grâce au
Petit Pickpocket, il a arraché à ses vic-
times.
Au mois de décembre 1890, venaient s'ins-
taller dans un somptueux appartement du
boulevard Haussmann, U0, au premier
étage,les bureaux de la Banque générale de
crédit. Le patron de la maison, un nommé
Elie Doucet, venait de faire grandiosement
faillite, 57 et 59, rue de Châteaudun, où de-
puis 183A,il tenait une banque dont le fonc-
tionnnement consistait uniquement à jouer
à la Bourse avec l'argent qu'envoyaient les
clients.
Doucet avait conservé aux doigts quel-
ques bribes de sa splendeur passée, et,
avec celles-là, il loua l'appartement du
boulevard Haussmann, payant d avance un
terme du loyer qui. est de 10,000 francs,
meublant splendidement les bureaux et
y installant cinq employés qui n'attendirent
plus,pour travailler,que le patron leur ap-
portât de l'ouvrage.
A nous le « Petit Journal D!
Doucet commença par décorer le balcon
de son appartement d'une gigantesque en-
seigne, où, en lettres d'or, s'étalaient ces
mots : Banque généraleducrédit,pais,comme
tout bon escroc qui veut parvenir, il pria
MM. Marinoni et Poidatz de faire figurer
tous les jours dans le Petit Journal l'an-
nonce que voici ;
POUR GAGNER beaucoup d'argeat
rUUTl UAuNtn en achetant de la Rente
française et toucher les bénéfices chaque mois,
lire la notice envoyée gratis par la Banque
Géaérale de Credit, fondée en 183h, boule-
vard Haussmann, A0, Paris.
Le commandeur Marinoni n'eut garde de
lui refuser,et bientôt les clients se mirent à
gravir le riche escalier qui mène aux bu-
reaux de Doucet.
Les opérations de la maison consistaient
en ceci : vendre au public beaucoup plus
cher qu'ils ne valent des titres payables
30 francs lors de la demande d'achat et le
reste 10 francs par mois. Le dernier paye-
ment effectué, le titre devait être remis à
l'acheteur qui, pendant qu'il payait son
titre, bénéficiait du coupon et des chances
qu'il pouvait avoir de gagner un lot.
L'opération était on ne peut plus simple,
comme on voit. Doucet, au lieu de se con-
tenter de jouer l'usurier en vendant 30, 50
ou 100 francs de plus qu'il ne valait un
titre quelconque, compliqua ses affaires
en jouant pour son compte personnel avec
l'argent que lui envoyaient ses clients, en
meublant, 11, rue de la Pépinière, une ri-
che garçonnière et en y installant sa maî-
tresse avec laquelle il mangeait sans re-
mords les mandats postaux qui lui arri-
vaient de tous côtés.
Forcé cependant de déclarer à ses clients
le numéro du titre qu'il avait acquis pour
leur compte, puisqu'il devait leur en re-
mettre le coupon d'intérêt, Doucet avait
acheté pour près de six cent mille francs
de valeurs, sur lesquelles il emprunta de
Fargent au Crédit foncier et à l'Urbaine, où
les titres étaient déposés en nantissement
des prêts consentis, prêts s'élevant d'après
ce qu'on sait aujourd'hui à un peu plus de
quatre cent mille francs.
Les premiers soupçons
Tant que les clients n'ayant pas terminé
leurs versements ne réclamèrent pas leurs
titres, les choses marchèrent toutes seules;
les premiers arrivés au but, ceux qui
avaient anticipé sur leurs paiements men-
suels, en envoyant à Doucet leurs petites
économies au fur et à mesure qu'ils les
réalisaient, écrivirent à l'escroc pour lui
réclamer leur achat.
Doucet en satisfit quelques-unes ; mais le
temps s'écoulant, les demandes arrivaient
plus nombreuses, et bientôt le directeur de
la Banque générale de crédit fut littérale-
ment débordé.
Chez lui, ce n'était plus qu'un continuel
va-et-vient de gens venant demander le ti-
tre qu'ils avaient si péniblement acquis ;
il y avait là de bons campagnards des envi-
rons de Paris, des concierges, des -ouvriers
faisant presque tache dans le luxueux an-
tichambre de la banque. Doucet parvenait
à rassurer les uns : leur titre allait venir ;
il y avait des formalités à remplir, un peu
de patience, ça ne se fait pas comme ça,
que diable !
Et les crédules s'en allaient confiants.
D'autres, avant de rentrer chez eux, firent
une petite station chez le commissaire de
police du quartier, et pendant quinze jours
les plaintes se mirent à affluer chez
M. Guénin.
Fuite du banquier
Doucet, de son côté, avait conçu le projet
de se dérober aux réclamations par la fuite.
Chaque jour qui se passait amenait de nou-
velles plaintes, il fallait en finir et il avait
décidé que lundi prochain il mettrait la
frontière entre ses dupes et lui.
Hier matin, le commissaire de police,
pressentant la fin du banquiér, s'amena
dans ses bureaux à neuf heures,accompagné
de M. Fiory, expert-comptable, et de deux
inspecteurs du commissariat. M. Guenin
avait en poche un mandat d'arrestation
signé par M. Louiche, juge d'instruction.
Maisavant de le mettre à exécution, ilvou-
iuit examiner la situation du banquier.
Il parla un peu haut en le demandant et
en se faisant connaître, car Doucet, de son
bureau, entendant la voix du commissaire,
fut pris d'un tel affolement qu'il s'enfuit
par l'escalier de service, abandonnant sa
canne et son chapeau.
Les deux inspecteurs du commissariat,
placés à l'entrée de l'immeuble, le virent
détaler comme un lièvre, sauter dans un
fiacre et disparaître.
Quand M. Guenin demanda aux employés
si le patron n'allait pas bientôt arriver, on
lui montra le bureau vide en lui avouant
que Doucet venait de s'enfuir.
L'examen des livres commença aussitôt;
mais en bouleversant les paperasses, M.
Guénin retrouva dès coupons d'obligations
appartenant à dos titres du Crédit foncier.
•—Où sont les titrer? demanda le com-
missaire.
— Dans un coffre-fort que loue le patron
au Crédit lyonnais, répondit le caissier.
Le commissaire se dit avec raison que le
banquier viendrait certainement les y re-
prendre; il alla de suite au Crédit lyonnais
pour tâcher d'y surprendre son homme,
mais on lui apprit là qu'un moment
auparavant, Doucet était venu enlever tout
ce que contenait son coffre-fort, soit 96,000
francs en valeurs.
Le banquier était coiffé d'un chapeau
flambant neuf, acheté en route.
M. Guenin alla alors au domicile parti-
culier du voleur. Mais celui-ci avait jugé
inutile de faire ses adieux à sa maîtresse.
Pour plus de sûreté pourtant, le commis-
saire plaça un agent en permanence devant
la maison.
De l'examen des uvres ae uoucet, u re-
sulte que son passif s'élève à un million
environ. On pourrait en déduire le mon-
tant des titres déposés en nantissement à
l'Urbaine et au Crédit foncier; mais il s'agit
de savoir si ces deux banquiers ne pour-
ront pas revendiquer la possession du gage.
Doucet avait une très nombreuse clien-
tèle, composée uniquement de gens besoi-
gneux.
Son signalement a été envoyé dans toutes
les directions; deux agents de la sûreté veil-
lent, cachés dans ses bureaux, car le filou,
ayant laissé une assez forte somme en
espèces dans son coffre-fort, pourrait bien
venir l'y reprendre, pendant la nuit.
Elie Doucet est âgé de 35 ans, il est gar-
çon. Ses employés ont été congédiés et
réglés avec l'argent de la caisse courante.
Et maintenant, MM. Marinoni et Poidatz,
que nous avons encore une fois signalé la
triste fin d'un de vos clients, souffrez que
nous répétions en pensant au Petit Journal :
Beware of pickpockets !
(La suite à demain.)
(Voir tous les numéros du XIX6 Siècle
depuis le 30 février). _-.———
REPONSE
AU PETIT PICKPOCKET
AH! TU FINIRAS BIEN!.
Le comte de Quasi-mazas et la So-
ciété du a Petit Lyonnais ». - Une
histoire qui vaut celle des cor-
sets. — Le procès Charles
Laurent.
Ah! tu finiras bien par hurler, misérable !
Encore tout haletant de ton crime exécrable ,
Dans ton triomphe abject, si lugubre et si prompt,
Je t'ai saisi. Je t'ai mis l'écriteau sur le front;
Et maintenant la foule accourt et te bafoue.
Toi, tandis qu'au poteau le châtiment te cloue,
Que le carcan te force à lever le menton,
Tandis que, de ta veste arrachant le bouton, '-;'"
L'histoire, à. mes côtés, met à nu ton épaule.
Tu dis : « Je ne sens nen !» et tu nous railles, drôle !
Ton rire sur mon nom gaîment vient écumer i
Mais je tiens le fer rong. et vois ta chair fumer (i)<
Ces vers du grand poète nous sont re-
venus à la mémoire en lisant hier matin
le Petit Pickpocket.
Il continue à ne pas s'expliquer sur les
innombrables méfaits dont il est accusé,
mais il a bien fallu qu'il finît par hurler
sous la férule quotidienne, et une fois de
plus dans ses hurlements il essaie de salir
le nom de M. Portalis.
Ses victimes trouveront sans doute que,
comme moyen de justification, c'est mai-
gre. dé" d
Nous avions eu déjà un specimen du
genre dans les élucubrations des frères
Morel et Laurent. Le système n'a pas
varié.
Mais il aura beau s'en prendre à notre
directeur politique, cela ne nous empê-
chera pas de continuer notre œuvre.
Je tiens le fer rouge et vois ta chair fumer.
Le Petit Pickpocket avait invoqué jus-
qu'ici le témoignage de l'honorable Clau-
dius-Marius-Morel (quatorze fois con-
damné) et de quelques autres repris de
justice, parmi lesquels son meilleur client,
M. Secrétan, qui, malgré les efforts de MM.
Marinoni et Poidatz, vient de voir confir-
mer par la cour de cassation sa condam-
nation à six mois de prison.
Aujourd'hui il invoque le témoignage de
M. Léon Delaroche, directeur du Progès de
Lyon.
Ce que nous avons fait pour M. Marius
Morel, il faut donc que nous le fassions
pour M. Léon Delaroche. Nous avons dit ce
qu'était le premier, nous dirons ce qu'est
le second.
Pour vingt-cinq francs!
Hâtons-nous de dire que le directeur du
Progrès de Lyon n'est pas un repris de
justice.
Il a bien eu, jadis, pour des causes ét/an-
gères au journalisme, de fâcheux démêlés
avec la justice de son pays; mais cette aven-
ture de jeunesse serait depuis longtemps
oubliée si, devenu riche et chevalier de la
Légion d'honneur — car il est décoré — M.
Léon Delaroche, dont la vanité est incom-
mensurable, n'avait eu l'idée d'acheter un
titre de comte italien. Alors, un de' ses
amis, qui a le mot pour rire, lui conseilla
de prendre le titre de comte de Quasi-
mazas.
M. Delaroche a trouvé la plaisanterie
amère.
Il y a quelques années, un journal lyon-
nais avait rappelé dans quelles conditions
ce journaliste à la mode de MM. Marinoni
et Poidatz avait comparu en cour d'assises
sous l'accusation de banqueroute fraudu-
leuse.
M. Delaroche poursuivit le journal pour
diffamation devant le tribunal correction-
nel. Il avait pour avocat un Marius qui
n'était pas Morel, M. Mai-ius Thévenet, de-
puis garde des sceaux. Le journal était dé-
fendu par M. Georges Laguerre, alors dé-
puté de Vaucluse, qui termina ainsi sa
plaidoirie :
« M. Delaroche, dit-il, n'étant ni fonc-
tionnaire, ni mandataire public, ni ban-
quier, la loi ne nous permet pas de faire
contre lui la preuve des faits que nous
avons avancés.
» En matière de diffamation contre les
particuliers, le juge n'a pas à examiner si le
fait allégué est vrai ou faux; il suffit qu'il
soit de nature à porter atteinte à l'honneur
ou à la considération. Appeler voleur un
voleur constitue le délit de diffamation.
Nous reconnaissons avoir porté atteinte à
l'honneur de M. Delaroche. Le tribunal ne
peut donc faire autrement que de nous
condamner, mais il nous condamnera à ce
que vaut l'honneur de M. Delaroche, à
« vingt-cinq francs ».
Et le tribunal condamna le client de Me
Laguerre à vingt-cinq francs.
(J) Victor Hugo, tes Châtiments,
M. Delaroche et le « Petit Lyonnais »
Voici maintenant que ce Delaroche, -tout
comme les frères Morel et Laurent, se pose
en justicier.
Dans l'article cité par le Petit Pickpocket,
il s'indigne noblement contre la mise en
Société du Petit Lyonnais et contre l'émis-
sion, au prix de 550 fr., de 8,000 parts de ce
journal, tombées depuis, dit-il, au prix du
papier ; mais ce qu'il ne dit pas, c'est par
qui fut fondée cette Société.
C'est cependant ce qui donne à son indi-
gnation sa véritable portée et à son article
un sel incomparable.
Nous avons sous les yeux les statuts de
la Société du Petit Lyonnais. Ils sont pré-
cédés d'un exposé dans lequel nous li-
sons :
Les soussignés :
M. Jules Thivollet, chevalier de la Légion
d'honneur, capitaine en retraite, demeurant à
Lyon, place des Squares, 10,
M. Léon-Jules-Hippolyte Delaroche, proprié-
taire, demeurant à Paris, rue de Laval, 5.
Et M. Jean-Cyrille Fourcaud, propriétaire,
demeurant à Paris, 53, rue Pigalle.
Exposent ce qui suit :
Suivant acte passé devant M" Tansard et
son collègue, notaires à Paris, le 8 mars pré-
sent mois, M. Barthélemy Antoine, dit Victor
Ballay, publiciste, demeurant à Lyon, a vendu,
avec toute garantie de fait et de droit, à M,
Delaroche, soussigné,
Agissant audit acte, tant en son nom per-
sonnel qu'au nom et pour le compte d'un
groupe de capitalistes républicains, dont il a
déclaré avoir mandat exprés :
La propriété pleine et entière des trois jour-
naux ci-après, se publiant à Lyon, et qui
sont :
1° Le journal le Petit Lyonnais, journal poli-
tique quotidien ;
2° Le journal le Petit Lyonnais-Supplément,
journal politique hebdomadaire;
30 La Tribune des Travailleurs, journal poli-
tique bi-hebdomadaire ;
Tout le matériel d'imprimerie servant à
l'impression des journaux ci-dessus.
Cette vente a été faite moyennant le prix de
de treize cent cinquante mille francs, acompte
de laquelle M. Ballay a reçu, à la vue des no-
taires, la somme de cent millt francs.
Plus loin il est dit dans les statuts, ar-
ticle 5 ;
Le fonds social se compose exclusivement :
Du Petit Lyonnais;
De la Tribune des Travailleurs;
Du Petit Lyonnais-Supplément;
Des objets détaillés audit acte de vente du
deux mars présent mois;
Et des apports ci-dessus spécifiés.
Il n'est fait du fonds social aucune évalua-
tion en argent et il se divise eu huit mille
fractions égales dites parts d'intérêts et de
propriété qui seront numérotées de un à huit
mille (1 à 8,000) frappées du timbre sec de la
Société et revêtues de la signature du gérant
de la Société et de celle d'un membre du con-
seil des-intéressés dont il sera ci-après parlé.
Elles seront réparties de la manière sui-
vante :
Vinot-inlT A M Thirnlnf lin nnm nrn un 5111
numéro vingt-cinq 25 parts.
Deux cents à M. Fourcaud du ***"
numéro vingt-six au numéro
deux cent-vingt-cinq, ci 200 -
Sept mille sept cent soixante-
quinze à M. Delaroche, du numéro -
deux cent ving-six au numéro
huit mille, ci.,.",.,. 7.775 -
Total égal.. 8.000 parts.
Ce sont les 7,775 parts attribuées à M. De-
laroche qui ont fait l'objet de l'émission
contre laquelle M. Delaroche s'indigne au-
jourd'hui dans les colonnes du Petit Pick-
pocket. Toutes les parts vendues à cette
époque portent la signature de M. Delaro-
che, tous les transferts sont signés de lui, et,
sur le produit de l'émission, il a touché
une somme grâce à laquelle il a pu acheter
le Progrès et faire au Petit Lyonnais une
concurrence nous ne dirons pas déloyale,
mais d'autant plus désastreuse que l'admi-
nistration du Petit Lyonnais — à laquelle
M. Portalis était alors totalement étranger
- s'obstinait à maintenir le petit format
alors que le Progrès avait très habilement,
il faut le reconnaître, conservé le grand for-
mat tout en abaissant son prix de 15 à
5 centimes.
Si quelqu'un a donc ruiné les porteurs de
parts du Petit Lyonnais, c'est M. Léon Dela-
roche. Seul il a profité de cette ruine, et
lorsque, plus tard, M. Portalis et ses amis
ont pris la direction du Petit Lyonnais, ils
ont dû, pour le faire vivre, sacrifier des
sommes considérables dont la Société du
Petit Lyonnais leur est encore redevable à
l'heure qu'il est, ainsi que les livres en
font foi.
On voit par là que l'histoire du Petit
Lyonnais, racontée par le Petit Pickpocket
en collaboration avec les frères Morel et
Delaroche, est marquée au même coin que
l'histoire des corsets ou l'histoire de l'avi-
culture de Thomas Grimm, ou même que
les réclames du fameux Delumet : « Grand
arrivage de hérons », « Hiver doux, hérons
gras! Pêcheurs, réjouissez-vous!"
Le procès Charles Laurent
Le Petit Pickpocket termine en annonçant
que MM. Gueit, gérant, Gardanne, impri-
meur, et Portalis, directeur politique du
XIXe Siècle, sont cités, pour le 15 mai pro-
chain, devant la cour d'assises de la Seine,
par M. Charles Laurent, en raison de l'ar-
ticle paru récemment dans le XIXe Siècle
sous le titre : «Pot-de-vin, achat d'un con-
seiller municipal ».
Bien que nous n'ayons encore reçu au-
cune assignation, nous avons tout lieu de
considérer cette information comme exacte.
Il y a plus de quinze jours que nous de-
vons être assignés le lendemain. Décem-
ment il était impossible de reculer davan-
tage.
Pourquoi cependant M. Charles Laurent
fait-il assigner le directeur politique et le
gérant du XIXeSiècle, alorj qu'aux termes
de la loi de 1881, le gérant seul est respon-
sable ?
On nous assure que c'est t)our se réser-
ver un prétexte de renoncer à un procès
dont la perspective le terrifie, dans le cas
où M. Portalis et M. Gardanne seraient mis
hors de cause.
En tout cas, maintenant que le truc est
dévoilé, nous défions bien M. Charles Lau-
rent de l'employer. Bon gré, mal gré, il
faudra donc que ce défenseur du Petit
Pickpocket vienne en cour d'assises expli-
quer aux jurés comment il a pu se vendre
25,000 fr. à une compagnie d'éclairage
comme rédacteur d'un journal qui tirait à
cette époque à 117 exemplaires — mettons
118 pour lui faire plaisir — tout en conser-
vant sa complète indépendance comme
conseiller municipal.
Post-Scriptum
Nous allions oublier de dire que le Petit.
Pickpohet a cité, dans le même numéro
d'hier, un article de M. Henri Fouquier
paru dans l'Avenir républicain du Gers.
Mais cette citation mérite une mention
spéciale.
Nous y reviendrons demain.
LE -:.- "'7
DRAME DE CHANTELLE
M"1 ACHET DEVANT LES JURÉS
Le livre d'amour d'une jeune veuve.
- Budget en déficit. —- Le notaire
sauveur. — Affaires de chiffres
ou de cœur? — La nuit san-
glante. — Dix heures
d'interrogatoire.
(PAR dépêche DE NOTRE envoyé SPÉCIAL)
Moulins, 30 avril.
Si l'on voulait établir un parallèle entre
Mme Achet et Mme de Jonquières, parallèle
justifié par une parité d'âge et, dans une
certaine mesure, de nature, on pourrait
dire que ces deux amoureuses intensives
sont douées d'une énergie différente. La
première, après avoir agi, se tait; la se-
conde, après avoir été passive, sut prendre
a l'audience une attitude très nette, atta-
quer, riposter; elle posa, elle anima le
débat. Mme Achet, au contraire, oppose
une sorte de mutisme, et le président, M. le
conseiller Verdier, impuissant à desserrer
les lèvres de l'accusée, a dû procéder à un
interrogatoire qui, en la forme, public, e
devenu intime. Le magistrat formulait
questions,Mme Achet faisait des signes d'
sentiment ou de dénégation et, quand par
hasard, elle daignait, assise près du bureau
du président, de telle façon que nous ne
jouissions que d'une mimique rare, répon-
dre à voix très basse quelques mots, ces
courtes phrases étaient traduites au jury
dans une brève analyse.
En ces conditions, la vérité du débat pu-
blic est entamée et, sans en faire un repro-
che au président qui n'en pouvait mais, il
faut convenir que cette paraphrase inéga-
lement dialoguée d'un acte d'accusation..
manqué d'intérêt.
L'accusée
Introduite à neuf heures dans la salle
de la cour d'assises, Mme Achet a fait son
entrée, soutenue par un gendarme de l'es-
corte, et a ainsi gagné son banc sur lequel
elle s'est aussitôt affaissée.
Pour la réputation de jolie femme faite à
l'accusée, nous voulons bien' dire que, ce
matin, à la lumière crue de la cour d'as-
sises, Mme Achet n'était pas en beauté.
On dit que la tentative de suicide à la-
quelle elle s'est livrée a plombé le teint, et
il est évident que l'ombre de la prison a dû
altérer les charmes de la recluse, vêtue de
noie, le buste avantagé et trahissant déjà
les maturités d'un automne précoce.
Sous son casque de cheveux noirs diffici"
lement maintenus par les brides d'une mi-
nuscule capo'.e, Mme Achet garde cepen-
dant, quand elle s'offre de profil, des lignes
agréables.
Lorsque son véritable - tempérament
éclate, elle prend une figure mutine, et ce
mélange d'accablement, de gaminerie et
de sauvagerie finit par déconcerter. Mieux
vaut dire que, comme toutes ses pareilles,
Mme Achet est uu être énigmatique et
qu'elle-même doit s'ignorer.
Beaucoup de monde dans la salle, mais
point de public privilégié,à raison de la cir-
culaire du garde'des sceaux toute récente
et par conséquent observée en toute sa ri-
gueur.
M. Gabian, procureur général près la
cour de Riom, est assisté de son substitut,
M. Laloe.
Le plan en relief
Après l'appel des témoins, parmi lesquela
figurent le fils de la victime, Un jeune
homme de vingt ans, M. Henri Jtamothe,
pharmacien à Chantelle, et Mme Lamothe,
sœur de l'accusée, le procureur général
descend de son siège et s'approche du fa-
meux plan en relief qui a été dressé par un
préparateur de la Faculté des sciences de
Clermont-Ferrand.
C'est un vrai jouet de Nuremberg, que cette
reproduction des bâtiments et des jardins,
des vergers et terrasses, théâtre du crime.
Il n'est pas jusqu'au paratonnerre de la
maison d'habitation qui ne soit figuré par
une aiguiile dont la pointe menaçant l'œil
des curieux a disparu dans.l'axe d'un bou-
chon protecteur.
Le procureur général promène les jurés
à travers les méandres du domaine lilli-
putien, de telle façon qu'ils puissent saisir
les explications postérieures; sur la route
de Deneuille la petite porte qui donne ac-
cès au notaire, Me Lépine, et, à l'autre ex-
trémité, après un escalier gravi, une pente
redescendue, l'endroit précis où la victime,
faisant face à l'agresseur, fut mortellement
frappée et se précipita d'une hauteur de trois
mètres au pied du mur ; le coup de cou-
teau qui trancha la gorge, puis la porte de
la ruelle de la Motte-Bourbon et, à quinze
mètres du lieu de la chute, l'endroit où, au
matin, on découvrit le corps traîné ou
transporté jusque-là. ,
Une impression qui s'affirme, sans dé-
truire certaines charges de l'accusation,
c'est que de complice il n'y en a pas. Mais
ce n'est qu'une impression*; il s'agit de sa-
voir ce que les débats en feront. J
m * L'interrogatoire I
., L'interrogatoire a rappelé d'abord les cir-
constances du mariage de l'accusée, et a
surtout porté sur le degré de fortune des
deux époux. Tout cet ordre d'idées, Mme
Achet veut l'ignorer; elle n'est pas, dit-elle,
au courant des choses d'argent.
— En somme, lui dit le président, en 1890
votre situation était la suivante : vous aviez
un revenu de 5,500 francs et des charges pour
3,000 francs environ; vous auriez dû vivre avec
,J.OO francs, et vos habitudes d'élégance, de
confort, ne vous le permettaient pas. Vous fai-
siez de fréquents voyages à Paris, coûteux et
inutiles.
L'accusée proteste, disant que ces voya-
ges étaient motivés par des affaires.
— L'explication est insuffisante, objecto le
président. Au surplus, à Paris, où vous logiez
chez des parents, vous aviez loué, 16, boule-
vard de Strasbourg, une chambre meublée
par vous, dont le loyer était de 300 francs.
Vous vouliez, dites-vous, avoir une demeura
séparée ; c'était en fait pour être plus libre,
car, ajoute le magistrat, si comme épouse vous
fûtes irréprochable, dès la mort de votre mari,
survenue en 1835, vous avez noué des relations
coupables avec plusieurs personnes. Je ne
nommerai que M. Delorme, caissier de la com-
pagnie d'assurances l'Abeille, à Paris, et, dans
le pays même, M. Albert Thaunier. Je dirai
pourtant que, dans le même temps que vou2
entreteniez ces doubles relations, vous aviez
avec une autre personne une correspondance
amoureuse très accusée.
Le président fait remarquer à Mme Achet
quel abus de papier à lettres elle faisait
pour ,ce service de correspondance. La
veuve tenait soigneusement cette compta"
CINO Centimes — Paris et i<«païtameats "— CIKOCentunes,
fcixwnJDI â MAI 1S91
VIF
JOURNAL RÉPUBLICAIN
RÉDACTION
'[&48, Rua Moixtiaosurtr©
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PtMCTEUB POLITIQUE
;Ji. » EDOUARD PORTALIS
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la fin flB| Scolos
C'est bien la mort des bataillons
Scolaires que vient de voter le conseil
municipal. Il y a mis des précautions
et fait des réserves dont quelques-
unes assez ridicules; telle la suppres-
sion de l'uniforme et le maintien du
fusil et du ceinturon, ce qui nous re-
porte aux jours les plus joyeux de la
garde nationale. Mais l'institution a
du plomb dans l'aile. Ce n'est pas seu-
lement le conseil municipal qui la con-
damne, c'est le silence du public qui
S'était le plus emballé en sa faveur.
- Elle a justifié, il faut le dire, les
défiances et les préventions de ses ad-
versaires. L'instruction militaire était
à peu près nulle, la tenue souvent dé-
plorable, et cela sans qu'on puisse le
reprocher à personne. On ne saurait
exiger de bambins de douz ans les
qualités élémentaires indispensables
à tout corps de troupe. De la vie mi-
litaire, ils prenaient surtout les dé-
fauts, semblables en cela aux peuples
jeunes qu'on veut initier à la vapeur
aux raffinements de la civilisation et
qui commencent par en imiter les
yices.
On a essayé de rejeter sur les offi-
ciers la responsabilité de l'échec.Ceux
que nous avons vus à l'œuvre étaient
cependant pleins de zèle et de patience,
et prenaient fort à cœur leurs ingra-
tes fonctions. Mais ils se heurtaient à
des obstacles insurmontables. Rien
n'était plus choquant que de voir leur
uniforme exposé aux quolibets ou
aux nasardes de galopins sur lequels
ils ne pouvaient avoir aucune action
sérieuse.
- Comment auraient-ils empêché le
désordre? Par quels moyens pou-
vaient-ils réprimer les infractions à
îa discipline ?
Voyez ce qui se passe au régiment
où l'on n'arrive cependant qu'à l'âge
de raison : Ce n'est que par l'obser-
vation impitoyable du plus rigoureux
de tous les Codes qu'on parvient à
dompter les caractères et à maintenir
chacun dans le rang. Relâchez tant
soit peu le nerf de cette discipline et
en quelques mois vous aurez changé
une armée en cohue. Et pourtant on
s'adresse à des hommes faits qui ont
déjà quelques notions précises de
leurs devoirs envers le pays. Mais
comment s'y prendre avec des en-
fants? Le dernier conscrit de la pe-
tite classe peut allonger une claque à
son sergent-major sans courir d'au-
tre risque que celui d'en recevoir une
autre. Il serait aussi ridicule d'outrer
la sévérité que de poursuivre pour vol
qualifié l'enfant qui a chipé des billes
dans le pupitre du voisin.
Ajoutons qu'il eût été quelque peu
contradictoire d'imposer aux écoliers
une discipline de fer dans ces exerci-
ces, alors qu'à l'étude ou en classe on
fait précisément tout le contraire. On
a supprimé les vieilles pénalités. On a
écrit de fort belles choses contre le
lycée-caserne et le lycée-couvent.
Mais alors il faut être logique et ne
pas relever d'une main ce qu'on tra-
vaille à détruire de l'autre.
, La vérité, c'est que ce soi-disant
apprentissage au métier des armes ne
pouvait être qu'un jeu. Le malheur
a été d'en vouloir faire autre chose.
On a cru qu'on avait une petite ar-
mée on a prétendu nous le faire
.,. croire. On s'est aperçu un peu tard
qu'on n'avait pas changé la nature,
que les enfants restaient enfants sous
l'uniforme et qu'ils jouaient avec les
fusils du gouvernement, comme s'ils
;sortaient du bazar de l'Hôtel-de-Ville.
Ce n'est pas un grand mal assuré-
ment. Les soldats de plomb ont leur
*nlaee dans l'éducation dn nrpmip.1'
e---- - - ---- ¿-- -----
àige. Il est bon que les enfants s'amu-
sent dans la cour à faire l'exercice
avec les camarades. Ce n'est pas une
raison pour les faire défiler sur nos
places et les imposer aux respects des
hommes d'Etat et des généraux. 1
Ce qui nous étonne, c'est qu'on
s'arrête à mi-chemin. Nous ne com-
prenons pas pourquoi, après avoir
supprimé les bataillons scolaires des
écoles primaires, on les conserve dans
les écoles primaires supérieures. Nous
ILie pouvons voir là qu'une manœnvre
destinée à masquer la retraite et à
préparer la conversion des emballés
ue la première heure.
On sort vers quiuze ans de l'école
primaire supérieure ou de l'école pro-
fessionnelle. Est-il nécessaire, est-il
possible, est-il désirable d'avoir ac-
quis à cet âgé les connaissances né-
cessaires à un soldat? La plupart des
officiers vous répondront non; mais
Admettons qu'ils se trompent : pour-
quoi vouloir que cet apprentissage
soit achevé à quinze ans, c'est-à-dire
- à l'âge où il faudrait le commencer?
, Allons plus loin encore, supposons
que ces ieunes gens n1"PTUlpnt la chose
•
au sérieux et qu'ils deviennent aussi
ferrés sur l'école de bataillon que sur
les mathématiques, que leur en res-
tera-t-il au moment du tirage au
sort?
Si donc la nécessité de plier avant
l'heure les futurs conscrits aux exer-
cices militaires se trouvait démon-
trée, ce n'est pas sur les bancs de
l'école qu'il faudrait aller les cher-
cher : c'est plus tard, pendant les deux
ou trois ans qui précèdent leur entrée
au régiment.
Aussi le conseil municipal aurait-il
été mieux inspiré en faisant table
rase. Rien ne lui était plus facile. Il
n'avait même pas à se déjuger. La
création des bataillons scolaires est
l'œuvre de l'assemblée précédente.
C'était une de ces erreurs qu'elle avait
payées ou plutôt qu'elle nous avait
fait payer assez cher. Il fa 'lait se dire
que les plus courtes sont les meilleu-
res et passer courageusement l'éponge.
La suppression sans phrases était
une mesure de liquidation qui ne de-
mandait qu'un peu de décision et de
logique.
On n'a pas osé aller jusque-là, mais
il est aisé de prévoir que la chose se
fera toute seule. Le coup le plus rude
est porté. L'institution ne vivra pas,
parce qu'elle a perdu ce qu'elle avait
au début, la foi et la faveur publique.
On peut voter des crédits pour sauver
les apparences, mais c'est tout ce
qu'on sauvera. Ces exercices à huis
clos, sans parade, sans défilé, dans le
morne enclos de cours trop étroites,
sont appelés à disparaître prochaine-
ment. Et quand un conseiller munici-
pal, en quête d'un beau rapport à
faire, voudra voir manœuvrer ces der-
niers bataillons d'éphèbes, on s'aper-
cevra sans surprise qu'ils n'existent
plus et sont partis tout autrement
qu'ils n'étaient venus, sans fifres ni
tambours.
André Balz.
Le XIX" SIECLE publiera demain la
a Chronique », par Francisque Saroey.
LE PREMIER MAI
Les mesures militaires que le gouver-
nement a prises en vue de la manifes-
tation du premier mai seront à peu près
les mêmes et tout aussi sévères que celles
de l'année dernière.
Les troupes de la garnison de Paris res-
teront consignées dans leurs casernes res-
pectives, où des piquets de soldats se tien-
dront prêts à marcher.
Les régiments de cavalerie dont on dis-
pose sont ceux de la division du gouverne-
ment militaire de Paris (27e et 98e dragons,
36 et 66 cuirassiers, 1411 et 56 chasseurs), plus
le 8e dragons, venant de Meaux, et le ge cui-
rassiers, venant de Senlis. Le 38 cuirassiers
vient de Versailles; le h° chasseurs, de
Saint-Germain ; le 5e de la même arme, de
Rambouillet.
D'une manière générale, la circulation
sera libre partout; mais les rassemblements
ou les défilés en corps sur la voie publique
seront formellement interdits.
Le service d'ordre sera assuré dans Paris
par les 7.000 gardiens de la paix, la garde
républicaine à pied et à cheval et la garni-
son de Paris qui, pour la circonstance, a
été renforcée de cinq régiments de cavale-
rie qu'on a fait venir, ainsi que nous l'indi-
quons plus haut, des environs de la ca-
pitale.
Toutes les forces seront réparties sur un
certain nombre de points de la capitale, de
manière à se prêter aide mutuellement et
à pouvoir se porter sur n'importe quelle
partie de là ville où un incident viendrait
à se produire.
L'Elysée, les palais des Chambres, les mi-
nistères, les principaux édifices publics,
Banque de France, mairies, Opéra, etc., se-
ront soit occupés directement par des dé-
tachements, soit protégés par des forces
placées à grande proximité.
Le président de la Chambre n'ayant pas
cru devoir demander des troupes pour les
placer dans l'enceinte du palais Bourbon,
le gouvernement devra faire garder le pa-
lais par des détachements stationnés aux
alentours.
La place de la Concorde, le jardin des
Tuileries, le terre-plein du palais de l'In-
dustrie, le Champ de Mars seront occupés
par des détachements de cavalerie.
Une journée de meetings
Mais la vraie journée ne se passera pas
dans la rue, à moins que les anarchistes ne
se réunissent, comme ils en ont l'intention,
devant la caserne du Château-d'Eau. Les
incidents que nous aurons à enregistrer
éclateront vraisemblablement dans les sal-
les publiques où les socialistes de toute
école organisent des meetings de jour et de
nuit. - - -
Les aliemanistes ont déjà indiqué une
liste 'assez nombreuse d'orateurs qui de-
vront se rendre au moins dans deux réu-
nions.
Ou sait que les aliemanistes ont décidé
de ne faire aucune démarche auprès des
pouvoirs publics en vue de la limitation à
huit heures de la journée de travail.
Quant aux broussistes, ils se rendront en
délégation au Palais-Bourbon, ainsi que les
marxistes.
Pour conclure, la journée du 1er mai sera
des plus calmes, et certes, il y aura beau-
coup plus de badauds que de manifes-
tants.
LES MODES PARISIENNES ET LA
DOUANE AMERICAINE
(DE NOTUE CORRESPONDANT PARTICULIER)
New-York, 30 avril. — Des agents secrets
de la douane ont saisi hier, à la suite d'une
fausse déclaration de valeur, quarante-
trois caisses de robes parisienne très ri-
ches, destinées à différents magasins de
modes de New-York, de Philadelphie. de
Chicago et d'autres vUIqs.
ENCORE UN !
FUITE D'UN BANQUIER
DU « PETIT JOURNAL »
Un client du « mur ». - La Banque
générale de crédit. — Un million de
déficit. — La fuite d'un voleur.
Encore un ! Encore un filou, un des
meilleurs clients de MM. Marinoni et Poi-
datz, qui vient de prendre la fuite laissant
un passif de près d'un millon, s'en allant
les poches pleines de l'argent que, grâce au
Petit Pickpocket, il a arraché à ses vic-
times.
Au mois de décembre 1890, venaient s'ins-
taller dans un somptueux appartement du
boulevard Haussmann, U0, au premier
étage,les bureaux de la Banque générale de
crédit. Le patron de la maison, un nommé
Elie Doucet, venait de faire grandiosement
faillite, 57 et 59, rue de Châteaudun, où de-
puis 183A,il tenait une banque dont le fonc-
tionnnement consistait uniquement à jouer
à la Bourse avec l'argent qu'envoyaient les
clients.
Doucet avait conservé aux doigts quel-
ques bribes de sa splendeur passée, et,
avec celles-là, il loua l'appartement du
boulevard Haussmann, payant d avance un
terme du loyer qui. est de 10,000 francs,
meublant splendidement les bureaux et
y installant cinq employés qui n'attendirent
plus,pour travailler,que le patron leur ap-
portât de l'ouvrage.
A nous le « Petit Journal D!
Doucet commença par décorer le balcon
de son appartement d'une gigantesque en-
seigne, où, en lettres d'or, s'étalaient ces
mots : Banque généraleducrédit,pais,comme
tout bon escroc qui veut parvenir, il pria
MM. Marinoni et Poidatz de faire figurer
tous les jours dans le Petit Journal l'an-
nonce que voici ;
POUR GAGNER beaucoup d'argeat
rUUTl UAuNtn en achetant de la Rente
française et toucher les bénéfices chaque mois,
lire la notice envoyée gratis par la Banque
Géaérale de Credit, fondée en 183h, boule-
vard Haussmann, A0, Paris.
Le commandeur Marinoni n'eut garde de
lui refuser,et bientôt les clients se mirent à
gravir le riche escalier qui mène aux bu-
reaux de Doucet.
Les opérations de la maison consistaient
en ceci : vendre au public beaucoup plus
cher qu'ils ne valent des titres payables
30 francs lors de la demande d'achat et le
reste 10 francs par mois. Le dernier paye-
ment effectué, le titre devait être remis à
l'acheteur qui, pendant qu'il payait son
titre, bénéficiait du coupon et des chances
qu'il pouvait avoir de gagner un lot.
L'opération était on ne peut plus simple,
comme on voit. Doucet, au lieu de se con-
tenter de jouer l'usurier en vendant 30, 50
ou 100 francs de plus qu'il ne valait un
titre quelconque, compliqua ses affaires
en jouant pour son compte personnel avec
l'argent que lui envoyaient ses clients, en
meublant, 11, rue de la Pépinière, une ri-
che garçonnière et en y installant sa maî-
tresse avec laquelle il mangeait sans re-
mords les mandats postaux qui lui arri-
vaient de tous côtés.
Forcé cependant de déclarer à ses clients
le numéro du titre qu'il avait acquis pour
leur compte, puisqu'il devait leur en re-
mettre le coupon d'intérêt, Doucet avait
acheté pour près de six cent mille francs
de valeurs, sur lesquelles il emprunta de
Fargent au Crédit foncier et à l'Urbaine, où
les titres étaient déposés en nantissement
des prêts consentis, prêts s'élevant d'après
ce qu'on sait aujourd'hui à un peu plus de
quatre cent mille francs.
Les premiers soupçons
Tant que les clients n'ayant pas terminé
leurs versements ne réclamèrent pas leurs
titres, les choses marchèrent toutes seules;
les premiers arrivés au but, ceux qui
avaient anticipé sur leurs paiements men-
suels, en envoyant à Doucet leurs petites
économies au fur et à mesure qu'ils les
réalisaient, écrivirent à l'escroc pour lui
réclamer leur achat.
Doucet en satisfit quelques-unes ; mais le
temps s'écoulant, les demandes arrivaient
plus nombreuses, et bientôt le directeur de
la Banque générale de crédit fut littérale-
ment débordé.
Chez lui, ce n'était plus qu'un continuel
va-et-vient de gens venant demander le ti-
tre qu'ils avaient si péniblement acquis ;
il y avait là de bons campagnards des envi-
rons de Paris, des concierges, des -ouvriers
faisant presque tache dans le luxueux an-
tichambre de la banque. Doucet parvenait
à rassurer les uns : leur titre allait venir ;
il y avait des formalités à remplir, un peu
de patience, ça ne se fait pas comme ça,
que diable !
Et les crédules s'en allaient confiants.
D'autres, avant de rentrer chez eux, firent
une petite station chez le commissaire de
police du quartier, et pendant quinze jours
les plaintes se mirent à affluer chez
M. Guénin.
Fuite du banquier
Doucet, de son côté, avait conçu le projet
de se dérober aux réclamations par la fuite.
Chaque jour qui se passait amenait de nou-
velles plaintes, il fallait en finir et il avait
décidé que lundi prochain il mettrait la
frontière entre ses dupes et lui.
Hier matin, le commissaire de police,
pressentant la fin du banquiér, s'amena
dans ses bureaux à neuf heures,accompagné
de M. Fiory, expert-comptable, et de deux
inspecteurs du commissariat. M. Guenin
avait en poche un mandat d'arrestation
signé par M. Louiche, juge d'instruction.
Maisavant de le mettre à exécution, ilvou-
iuit examiner la situation du banquier.
Il parla un peu haut en le demandant et
en se faisant connaître, car Doucet, de son
bureau, entendant la voix du commissaire,
fut pris d'un tel affolement qu'il s'enfuit
par l'escalier de service, abandonnant sa
canne et son chapeau.
Les deux inspecteurs du commissariat,
placés à l'entrée de l'immeuble, le virent
détaler comme un lièvre, sauter dans un
fiacre et disparaître.
Quand M. Guenin demanda aux employés
si le patron n'allait pas bientôt arriver, on
lui montra le bureau vide en lui avouant
que Doucet venait de s'enfuir.
L'examen des livres commença aussitôt;
mais en bouleversant les paperasses, M.
Guénin retrouva dès coupons d'obligations
appartenant à dos titres du Crédit foncier.
•—Où sont les titrer? demanda le com-
missaire.
— Dans un coffre-fort que loue le patron
au Crédit lyonnais, répondit le caissier.
Le commissaire se dit avec raison que le
banquier viendrait certainement les y re-
prendre; il alla de suite au Crédit lyonnais
pour tâcher d'y surprendre son homme,
mais on lui apprit là qu'un moment
auparavant, Doucet était venu enlever tout
ce que contenait son coffre-fort, soit 96,000
francs en valeurs.
Le banquier était coiffé d'un chapeau
flambant neuf, acheté en route.
M. Guenin alla alors au domicile parti-
culier du voleur. Mais celui-ci avait jugé
inutile de faire ses adieux à sa maîtresse.
Pour plus de sûreté pourtant, le commis-
saire plaça un agent en permanence devant
la maison.
De l'examen des uvres ae uoucet, u re-
sulte que son passif s'élève à un million
environ. On pourrait en déduire le mon-
tant des titres déposés en nantissement à
l'Urbaine et au Crédit foncier; mais il s'agit
de savoir si ces deux banquiers ne pour-
ront pas revendiquer la possession du gage.
Doucet avait une très nombreuse clien-
tèle, composée uniquement de gens besoi-
gneux.
Son signalement a été envoyé dans toutes
les directions; deux agents de la sûreté veil-
lent, cachés dans ses bureaux, car le filou,
ayant laissé une assez forte somme en
espèces dans son coffre-fort, pourrait bien
venir l'y reprendre, pendant la nuit.
Elie Doucet est âgé de 35 ans, il est gar-
çon. Ses employés ont été congédiés et
réglés avec l'argent de la caisse courante.
Et maintenant, MM. Marinoni et Poidatz,
que nous avons encore une fois signalé la
triste fin d'un de vos clients, souffrez que
nous répétions en pensant au Petit Journal :
Beware of pickpockets !
(La suite à demain.)
(Voir tous les numéros du XIX6 Siècle
depuis le 30 février). _-.———
REPONSE
AU PETIT PICKPOCKET
AH! TU FINIRAS BIEN!.
Le comte de Quasi-mazas et la So-
ciété du a Petit Lyonnais ». - Une
histoire qui vaut celle des cor-
sets. — Le procès Charles
Laurent.
Ah! tu finiras bien par hurler, misérable !
Encore tout haletant de ton crime exécrable ,
Dans ton triomphe abject, si lugubre et si prompt,
Je t'ai saisi. Je t'ai mis l'écriteau sur le front;
Et maintenant la foule accourt et te bafoue.
Toi, tandis qu'au poteau le châtiment te cloue,
Que le carcan te force à lever le menton,
Tandis que, de ta veste arrachant le bouton, '-;'"
L'histoire, à. mes côtés, met à nu ton épaule.
Tu dis : « Je ne sens nen !» et tu nous railles, drôle !
Ton rire sur mon nom gaîment vient écumer i
Mais je tiens le fer rong. et vois ta chair fumer (i)<
Ces vers du grand poète nous sont re-
venus à la mémoire en lisant hier matin
le Petit Pickpocket.
Il continue à ne pas s'expliquer sur les
innombrables méfaits dont il est accusé,
mais il a bien fallu qu'il finît par hurler
sous la férule quotidienne, et une fois de
plus dans ses hurlements il essaie de salir
le nom de M. Portalis.
Ses victimes trouveront sans doute que,
comme moyen de justification, c'est mai-
gre. dé" d
Nous avions eu déjà un specimen du
genre dans les élucubrations des frères
Morel et Laurent. Le système n'a pas
varié.
Mais il aura beau s'en prendre à notre
directeur politique, cela ne nous empê-
chera pas de continuer notre œuvre.
Je tiens le fer rouge et vois ta chair fumer.
Le Petit Pickpocket avait invoqué jus-
qu'ici le témoignage de l'honorable Clau-
dius-Marius-Morel (quatorze fois con-
damné) et de quelques autres repris de
justice, parmi lesquels son meilleur client,
M. Secrétan, qui, malgré les efforts de MM.
Marinoni et Poidatz, vient de voir confir-
mer par la cour de cassation sa condam-
nation à six mois de prison.
Aujourd'hui il invoque le témoignage de
M. Léon Delaroche, directeur du Progès de
Lyon.
Ce que nous avons fait pour M. Marius
Morel, il faut donc que nous le fassions
pour M. Léon Delaroche. Nous avons dit ce
qu'était le premier, nous dirons ce qu'est
le second.
Pour vingt-cinq francs!
Hâtons-nous de dire que le directeur du
Progrès de Lyon n'est pas un repris de
justice.
Il a bien eu, jadis, pour des causes ét/an-
gères au journalisme, de fâcheux démêlés
avec la justice de son pays; mais cette aven-
ture de jeunesse serait depuis longtemps
oubliée si, devenu riche et chevalier de la
Légion d'honneur — car il est décoré — M.
Léon Delaroche, dont la vanité est incom-
mensurable, n'avait eu l'idée d'acheter un
titre de comte italien. Alors, un de' ses
amis, qui a le mot pour rire, lui conseilla
de prendre le titre de comte de Quasi-
mazas.
M. Delaroche a trouvé la plaisanterie
amère.
Il y a quelques années, un journal lyon-
nais avait rappelé dans quelles conditions
ce journaliste à la mode de MM. Marinoni
et Poidatz avait comparu en cour d'assises
sous l'accusation de banqueroute fraudu-
leuse.
M. Delaroche poursuivit le journal pour
diffamation devant le tribunal correction-
nel. Il avait pour avocat un Marius qui
n'était pas Morel, M. Mai-ius Thévenet, de-
puis garde des sceaux. Le journal était dé-
fendu par M. Georges Laguerre, alors dé-
puté de Vaucluse, qui termina ainsi sa
plaidoirie :
« M. Delaroche, dit-il, n'étant ni fonc-
tionnaire, ni mandataire public, ni ban-
quier, la loi ne nous permet pas de faire
contre lui la preuve des faits que nous
avons avancés.
» En matière de diffamation contre les
particuliers, le juge n'a pas à examiner si le
fait allégué est vrai ou faux; il suffit qu'il
soit de nature à porter atteinte à l'honneur
ou à la considération. Appeler voleur un
voleur constitue le délit de diffamation.
Nous reconnaissons avoir porté atteinte à
l'honneur de M. Delaroche. Le tribunal ne
peut donc faire autrement que de nous
condamner, mais il nous condamnera à ce
que vaut l'honneur de M. Delaroche, à
« vingt-cinq francs ».
Et le tribunal condamna le client de Me
Laguerre à vingt-cinq francs.
(J) Victor Hugo, tes Châtiments,
M. Delaroche et le « Petit Lyonnais »
Voici maintenant que ce Delaroche, -tout
comme les frères Morel et Laurent, se pose
en justicier.
Dans l'article cité par le Petit Pickpocket,
il s'indigne noblement contre la mise en
Société du Petit Lyonnais et contre l'émis-
sion, au prix de 550 fr., de 8,000 parts de ce
journal, tombées depuis, dit-il, au prix du
papier ; mais ce qu'il ne dit pas, c'est par
qui fut fondée cette Société.
C'est cependant ce qui donne à son indi-
gnation sa véritable portée et à son article
un sel incomparable.
Nous avons sous les yeux les statuts de
la Société du Petit Lyonnais. Ils sont pré-
cédés d'un exposé dans lequel nous li-
sons :
Les soussignés :
M. Jules Thivollet, chevalier de la Légion
d'honneur, capitaine en retraite, demeurant à
Lyon, place des Squares, 10,
M. Léon-Jules-Hippolyte Delaroche, proprié-
taire, demeurant à Paris, rue de Laval, 5.
Et M. Jean-Cyrille Fourcaud, propriétaire,
demeurant à Paris, 53, rue Pigalle.
Exposent ce qui suit :
Suivant acte passé devant M" Tansard et
son collègue, notaires à Paris, le 8 mars pré-
sent mois, M. Barthélemy Antoine, dit Victor
Ballay, publiciste, demeurant à Lyon, a vendu,
avec toute garantie de fait et de droit, à M,
Delaroche, soussigné,
Agissant audit acte, tant en son nom per-
sonnel qu'au nom et pour le compte d'un
groupe de capitalistes républicains, dont il a
déclaré avoir mandat exprés :
La propriété pleine et entière des trois jour-
naux ci-après, se publiant à Lyon, et qui
sont :
1° Le journal le Petit Lyonnais, journal poli-
tique quotidien ;
2° Le journal le Petit Lyonnais-Supplément,
journal politique hebdomadaire;
30 La Tribune des Travailleurs, journal poli-
tique bi-hebdomadaire ;
Tout le matériel d'imprimerie servant à
l'impression des journaux ci-dessus.
Cette vente a été faite moyennant le prix de
de treize cent cinquante mille francs, acompte
de laquelle M. Ballay a reçu, à la vue des no-
taires, la somme de cent millt francs.
Plus loin il est dit dans les statuts, ar-
ticle 5 ;
Le fonds social se compose exclusivement :
Du Petit Lyonnais;
De la Tribune des Travailleurs;
Du Petit Lyonnais-Supplément;
Des objets détaillés audit acte de vente du
deux mars présent mois;
Et des apports ci-dessus spécifiés.
Il n'est fait du fonds social aucune évalua-
tion en argent et il se divise eu huit mille
fractions égales dites parts d'intérêts et de
propriété qui seront numérotées de un à huit
mille (1 à 8,000) frappées du timbre sec de la
Société et revêtues de la signature du gérant
de la Société et de celle d'un membre du con-
seil des-intéressés dont il sera ci-après parlé.
Elles seront réparties de la manière sui-
vante :
Vinot-inlT A M Thirnlnf lin nnm nrn un 5111
numéro vingt-cinq 25 parts.
Deux cents à M. Fourcaud du ***"
numéro vingt-six au numéro
deux cent-vingt-cinq, ci 200 -
Sept mille sept cent soixante-
quinze à M. Delaroche, du numéro -
deux cent ving-six au numéro
huit mille, ci.,.",.,. 7.775 -
Total égal.. 8.000 parts.
Ce sont les 7,775 parts attribuées à M. De-
laroche qui ont fait l'objet de l'émission
contre laquelle M. Delaroche s'indigne au-
jourd'hui dans les colonnes du Petit Pick-
pocket. Toutes les parts vendues à cette
époque portent la signature de M. Delaro-
che, tous les transferts sont signés de lui, et,
sur le produit de l'émission, il a touché
une somme grâce à laquelle il a pu acheter
le Progrès et faire au Petit Lyonnais une
concurrence nous ne dirons pas déloyale,
mais d'autant plus désastreuse que l'admi-
nistration du Petit Lyonnais — à laquelle
M. Portalis était alors totalement étranger
- s'obstinait à maintenir le petit format
alors que le Progrès avait très habilement,
il faut le reconnaître, conservé le grand for-
mat tout en abaissant son prix de 15 à
5 centimes.
Si quelqu'un a donc ruiné les porteurs de
parts du Petit Lyonnais, c'est M. Léon Dela-
roche. Seul il a profité de cette ruine, et
lorsque, plus tard, M. Portalis et ses amis
ont pris la direction du Petit Lyonnais, ils
ont dû, pour le faire vivre, sacrifier des
sommes considérables dont la Société du
Petit Lyonnais leur est encore redevable à
l'heure qu'il est, ainsi que les livres en
font foi.
On voit par là que l'histoire du Petit
Lyonnais, racontée par le Petit Pickpocket
en collaboration avec les frères Morel et
Delaroche, est marquée au même coin que
l'histoire des corsets ou l'histoire de l'avi-
culture de Thomas Grimm, ou même que
les réclames du fameux Delumet : « Grand
arrivage de hérons », « Hiver doux, hérons
gras! Pêcheurs, réjouissez-vous!"
Le procès Charles Laurent
Le Petit Pickpocket termine en annonçant
que MM. Gueit, gérant, Gardanne, impri-
meur, et Portalis, directeur politique du
XIXe Siècle, sont cités, pour le 15 mai pro-
chain, devant la cour d'assises de la Seine,
par M. Charles Laurent, en raison de l'ar-
ticle paru récemment dans le XIXe Siècle
sous le titre : «Pot-de-vin, achat d'un con-
seiller municipal ».
Bien que nous n'ayons encore reçu au-
cune assignation, nous avons tout lieu de
considérer cette information comme exacte.
Il y a plus de quinze jours que nous de-
vons être assignés le lendemain. Décem-
ment il était impossible de reculer davan-
tage.
Pourquoi cependant M. Charles Laurent
fait-il assigner le directeur politique et le
gérant du XIXeSiècle, alorj qu'aux termes
de la loi de 1881, le gérant seul est respon-
sable ?
On nous assure que c'est t)our se réser-
ver un prétexte de renoncer à un procès
dont la perspective le terrifie, dans le cas
où M. Portalis et M. Gardanne seraient mis
hors de cause.
En tout cas, maintenant que le truc est
dévoilé, nous défions bien M. Charles Lau-
rent de l'employer. Bon gré, mal gré, il
faudra donc que ce défenseur du Petit
Pickpocket vienne en cour d'assises expli-
quer aux jurés comment il a pu se vendre
25,000 fr. à une compagnie d'éclairage
comme rédacteur d'un journal qui tirait à
cette époque à 117 exemplaires — mettons
118 pour lui faire plaisir — tout en conser-
vant sa complète indépendance comme
conseiller municipal.
Post-Scriptum
Nous allions oublier de dire que le Petit.
Pickpohet a cité, dans le même numéro
d'hier, un article de M. Henri Fouquier
paru dans l'Avenir républicain du Gers.
Mais cette citation mérite une mention
spéciale.
Nous y reviendrons demain.
LE -:.- "'7
DRAME DE CHANTELLE
M"1 ACHET DEVANT LES JURÉS
Le livre d'amour d'une jeune veuve.
- Budget en déficit. —- Le notaire
sauveur. — Affaires de chiffres
ou de cœur? — La nuit san-
glante. — Dix heures
d'interrogatoire.
(PAR dépêche DE NOTRE envoyé SPÉCIAL)
Moulins, 30 avril.
Si l'on voulait établir un parallèle entre
Mme Achet et Mme de Jonquières, parallèle
justifié par une parité d'âge et, dans une
certaine mesure, de nature, on pourrait
dire que ces deux amoureuses intensives
sont douées d'une énergie différente. La
première, après avoir agi, se tait; la se-
conde, après avoir été passive, sut prendre
a l'audience une attitude très nette, atta-
quer, riposter; elle posa, elle anima le
débat. Mme Achet, au contraire, oppose
une sorte de mutisme, et le président, M. le
conseiller Verdier, impuissant à desserrer
les lèvres de l'accusée, a dû procéder à un
interrogatoire qui, en la forme, public, e
devenu intime. Le magistrat formulait
questions,Mme Achet faisait des signes d'
sentiment ou de dénégation et, quand par
hasard, elle daignait, assise près du bureau
du président, de telle façon que nous ne
jouissions que d'une mimique rare, répon-
dre à voix très basse quelques mots, ces
courtes phrases étaient traduites au jury
dans une brève analyse.
En ces conditions, la vérité du débat pu-
blic est entamée et, sans en faire un repro-
che au président qui n'en pouvait mais, il
faut convenir que cette paraphrase inéga-
lement dialoguée d'un acte d'accusation..
manqué d'intérêt.
L'accusée
Introduite à neuf heures dans la salle
de la cour d'assises, Mme Achet a fait son
entrée, soutenue par un gendarme de l'es-
corte, et a ainsi gagné son banc sur lequel
elle s'est aussitôt affaissée.
Pour la réputation de jolie femme faite à
l'accusée, nous voulons bien' dire que, ce
matin, à la lumière crue de la cour d'as-
sises, Mme Achet n'était pas en beauté.
On dit que la tentative de suicide à la-
quelle elle s'est livrée a plombé le teint, et
il est évident que l'ombre de la prison a dû
altérer les charmes de la recluse, vêtue de
noie, le buste avantagé et trahissant déjà
les maturités d'un automne précoce.
Sous son casque de cheveux noirs diffici"
lement maintenus par les brides d'une mi-
nuscule capo'.e, Mme Achet garde cepen-
dant, quand elle s'offre de profil, des lignes
agréables.
Lorsque son véritable - tempérament
éclate, elle prend une figure mutine, et ce
mélange d'accablement, de gaminerie et
de sauvagerie finit par déconcerter. Mieux
vaut dire que, comme toutes ses pareilles,
Mme Achet est uu être énigmatique et
qu'elle-même doit s'ignorer.
Beaucoup de monde dans la salle, mais
point de public privilégié,à raison de la cir-
culaire du garde'des sceaux toute récente
et par conséquent observée en toute sa ri-
gueur.
M. Gabian, procureur général près la
cour de Riom, est assisté de son substitut,
M. Laloe.
Le plan en relief
Après l'appel des témoins, parmi lesquela
figurent le fils de la victime, Un jeune
homme de vingt ans, M. Henri Jtamothe,
pharmacien à Chantelle, et Mme Lamothe,
sœur de l'accusée, le procureur général
descend de son siège et s'approche du fa-
meux plan en relief qui a été dressé par un
préparateur de la Faculté des sciences de
Clermont-Ferrand.
C'est un vrai jouet de Nuremberg, que cette
reproduction des bâtiments et des jardins,
des vergers et terrasses, théâtre du crime.
Il n'est pas jusqu'au paratonnerre de la
maison d'habitation qui ne soit figuré par
une aiguiile dont la pointe menaçant l'œil
des curieux a disparu dans.l'axe d'un bou-
chon protecteur.
Le procureur général promène les jurés
à travers les méandres du domaine lilli-
putien, de telle façon qu'ils puissent saisir
les explications postérieures; sur la route
de Deneuille la petite porte qui donne ac-
cès au notaire, Me Lépine, et, à l'autre ex-
trémité, après un escalier gravi, une pente
redescendue, l'endroit précis où la victime,
faisant face à l'agresseur, fut mortellement
frappée et se précipita d'une hauteur de trois
mètres au pied du mur ; le coup de cou-
teau qui trancha la gorge, puis la porte de
la ruelle de la Motte-Bourbon et, à quinze
mètres du lieu de la chute, l'endroit où, au
matin, on découvrit le corps traîné ou
transporté jusque-là. ,
Une impression qui s'affirme, sans dé-
truire certaines charges de l'accusation,
c'est que de complice il n'y en a pas. Mais
ce n'est qu'une impression*; il s'agit de sa-
voir ce que les débats en feront. J
m * L'interrogatoire I
., L'interrogatoire a rappelé d'abord les cir-
constances du mariage de l'accusée, et a
surtout porté sur le degré de fortune des
deux époux. Tout cet ordre d'idées, Mme
Achet veut l'ignorer; elle n'est pas, dit-elle,
au courant des choses d'argent.
— En somme, lui dit le président, en 1890
votre situation était la suivante : vous aviez
un revenu de 5,500 francs et des charges pour
3,000 francs environ; vous auriez dû vivre avec
,J.OO francs, et vos habitudes d'élégance, de
confort, ne vous le permettaient pas. Vous fai-
siez de fréquents voyages à Paris, coûteux et
inutiles.
L'accusée proteste, disant que ces voya-
ges étaient motivés par des affaires.
— L'explication est insuffisante, objecto le
président. Au surplus, à Paris, où vous logiez
chez des parents, vous aviez loué, 16, boule-
vard de Strasbourg, une chambre meublée
par vous, dont le loyer était de 300 francs.
Vous vouliez, dites-vous, avoir une demeura
séparée ; c'était en fait pour être plus libre,
car, ajoute le magistrat, si comme épouse vous
fûtes irréprochable, dès la mort de votre mari,
survenue en 1835, vous avez noué des relations
coupables avec plusieurs personnes. Je ne
nommerai que M. Delorme, caissier de la com-
pagnie d'assurances l'Abeille, à Paris, et, dans
le pays même, M. Albert Thaunier. Je dirai
pourtant que, dans le même temps que vou2
entreteniez ces doubles relations, vous aviez
avec une autre personne une correspondance
amoureuse très accusée.
Le président fait remarquer à Mme Achet
quel abus de papier à lettres elle faisait
pour ,ce service de correspondance. La
veuve tenait soigneusement cette compta"
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