Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1891-04-25
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 25 avril 1891 25 avril 1891
Description : 1891/04/25 (A21,N7040). 1891/04/25 (A21,N7040).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7565761x
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2013
Vingt-et-unième année. > N* 7,0^0 CINQ Centimes- Paris et Départements — cm® Centimes samedi 25 AVRIL 1891
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1 SIÈCLE r!
JOURNAL RÉPUBLICAIN
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Les Frères ennemis;
Une bien modeste élection partielle
vient de réveiller brusquement les
vieilles discordes qui se cachent sous
l'euphémique appellation d'Union
conservatrice. L'affaire est un peu
embrouillée. On se souvient qu'il y a
quelque temps M. Benazet, bonapar-
tiste, député de l'arrondissement du
Blanc, fut nommé sénateur de l'Indre,
en remplacement dd M. le comte de
Bondy, royaliste. IL paraît que cette
nomination fut précédée de pourpar-
lers entre bonapartistes et royalistes,
et que, avant de donner leurs voix au
candidat bonapartiste, les royalistes
exigèrent de leurs adies la promesse
de leur rendre leur bon procédé eu
votant, lorsqu'il s'agirait de rempla-
cer M. Benazet à la Chambre, pour un
royaliste. Ce chassé-croisé d'opinions
entre les deux Chambres et cett j ré-
ciprocité de politesse étant admis, il
est assez difficile d'expliquer com-
ment JLe..-choix des royalistes se porta
Sur M. de Lanet qui, paraît-il, ci a des
origines et des tendances bonapartis-
tes. yy Au lieu d'être touchés de cette
délicate attention, les bonapartistes
n'eurent rien de plus pressé que de
voter pour un autre candidat, bona-
partiste également, « mais de nuance
plus accuséd et d'allures plus intran-
sigeantes M. Le résultat est que les
voix réactionnaires se sont divisées;
il y a ballottage, et ce n'est même pas
le candidat choisi par les royalistes
qui a obtenu le plus de voix.
D'une part comme de l'autre, dans
le camp réactionnaire, on se repro-
che la violation de discipline qui a
produit ceLte conséquence; on se la
reproche d'autant plus aigrement que
les deux candidats paraissent dispo-
sés à maintenir leur candidature au
recoud tour et que, dans ce cas, le
succès du candidat républicain est as-
suré. C'est même cela qui est la
grande cause de la fureur des réac-
tionnaires. Ils considéraient l'arron-
dissement du Blanc comme leur pro-
priété et ils le voient tout près de leur
lait jamais toute seule, et que même
au moment où elle se faisait devant
les urnes, elle ne se faisait jamais
dans les esprits, surtout lorsqu'on es-
sayait des dosages entre les partis coa-
lisés. On l'a si bien compris dans les
rangs de la réaction que, autant dans
le but de ne pas donner le spectacle
de divisions intestines que dans celui
d'égarer les électeurs, on a commencé
par mettre son drapeau dans sa po-
che et que l'on s'est cru, plus récem-
xnent, parvenu au comble de l'habileté
en imaginant l'étiquette de « républi-
cains ralliés ».
Aujourd'hui on paraît ; disposé à
changer de système. Si l'on ne tire
pas encore son drapeau de la poche,
on nous promet au moins de l'en tirer
demain ; et, en attendant les actes, on
fait des déclarations dans lesquelles
on nous dit : « La monarchie, c'est le
but et l'espérance de l'avenir ; l'Union
conservatrice, c'est le moyen. » Ceux
qui ne veulent pas du but ne tiennent
pas à servir de moyen, et c'est peut-être
là tout le secret du succès relatif obtenu
au Blanc par le bonapartiste d'allure
plus intransigeante, c'est le premier
résultat de la politique préconisée par
M. d'Haussonville. Quand on aura ob-
tenu quelques autres succès du même
genre, il faudra bien reconnaître que
,i.e procédé n'est peut-être pas très
favorable aux idées réactionnaires,
* ,) en reviendra alors à l'éti-
quette conservatrice, même à la cc Ré-
publique conservatrice » chère à l'U-
nion libérale ! On n'insistera que sur
les intérêts catholiques, et l'on se dé-
fendra dé songer à changer la forme
du gouvernement. Tout cela est bel et
bon. Mais nous saurons d'autant
mieux ce qui se cache derrière ces
déclarations constitutionnelles, que
nous nous souviendrons de ce qui se
passe entre les alliés lorsqu'ils s'aven-
turent à lever un bout du masque. A
force de vouloir tromper tout le
monde, associés et adversaires, il faut
bien espérer qu'ils finiront par ne plus
tromper personne.
Le XIXe SIÈCLE publiera demain la
a Chronique D) par Francisque Sarcey.
LE ROMAN D'UN GROS LOT
(DB NOTRE CORRESrONDAKT PARTICCLlBR)
Nîmes, 23 avril.
Un homme heureux, c'était Paul Rouvière
qui, domestique chez M. Coulondre, négo-
ciant en vins à Nîmes, constatait ces der-
niers jours, en lisant un journal, que le
numéro d'une de ses obligations de la ville
de Paris avait gagné un lot de cent mille
francs.
Mais le nouveau Crésus devait passer par
de longues et nombreuses tribulations.
Il y a quelques mois, Paul Rouvière avait,
sur la demande du gendre de son patron,
confié à celui-ci ses obligations, à condi-
tion qu'il lui en servirait l'intérêt et lui
rendrait ses valeurs au bout d'un temps
déterminé.
Dernièrement, quand il apprit l'heureux
sort que lui envoyait la roue de la Fortune,
il réclama à son débiteur ses obligations.
Mais ce dernier les avait vendues à un né-
gociant de Cette !
Protestation de Rouvière, qui prétendit
aussitôt que cette vente ne pouvait être
valable, car il avait déposé et non cédé ses
valeurs entre les mains de son débiteur.
Et, après avoir consulté un homme d'af-
faires, il se mit en mesure d'intenter un
procès à son dépositaire.
L'affaire aura cependant une solution
sans passer devant les tribunaux.
Après entente, il a été décidé que Rou-
vière toucherait une somme de soixante
mille francs, plus une rente viagère de
mille francs.
LES TRÉSORS -- ESPAGNOLS
(DE NOTRE CORRESPONDANT PART1CULIBB)
Grenoble, 23 avril.
M. Cottel, conseiller d'arrondissement de
Voiron, et maire de Voreppe, a reçu d'Es-
pagne une lettre bignée : Capitaine José
Caramès, lui signalant la présence dans sa
commune d'un trésor de 800,000 francs.
Caramès raconte qu'étant à la tête d'un
régiment, il dut s'enfuir en emportant une
somme d'argent qu'il cacha dans les envi-
rons de Voreppe. Arrêté à son retour en
Espagne, il fut enfermé dans la prison de
Vaiadoiid où il doit rester 15 ans.
Mais, ajoutait-il, si M. Cottel lui envoyait
de quoi faire rentrer sa fille en France,
celle-ci se rendrait auprès de lui pour re-
chercher le trésor dont une partie lui serait
attribuée. L'argent devait être adressé à une
tierce personne qui se chargerait de la re-
mettre au capitaine Caramès.
M. Cottel a prévenu le parquet qui a ou-
vert une enquête.
NOUVELLES DU TONKIN
Les engagements avec les pirates. —
Proclamation du résident supérieur.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER.)
Marseille, 23 avril.
Le Natal, courrier d'Extrême-Orient, est
arrivé cet après-midi à Marssille, avec 23A
passagers parmi lesquels se trouvent M.
Ulysse Pila, industriel lyonnais, venant du
Tonkin où il a monté plusieurs affaires
commerciales, le colonel Frey et M. Raf-
frayj consul français à Singapour.
On annonce d'Hanoï que le Kihn-Luoc,
d'accord avec le résident supérieur, vient
d'adresser aux fonctionnaires des provin-
ces troublées une proclamation énergique
par laquelle il invite les dissidents à rallier
au plus tôt la cause de l'ordre. Dans peu
de jours, ils n'auront plus à compter sur
la moindre indulgence, et tout individu
convaincu d'avoir donné asile aux rebelles,
ou même de ne pas les avoir signalés, sera
décapité.
Rencontres avec les pirates
Le 10 mars, le huyen de Dong-Trieu a
rencontré deux sampans montés par des
pirates chinois qui venaient d'attaquer le
village de Duyen-Linh,et les a poursuivis à
coups de fusil.
Un sampan a été coulé, trois pirates ont
été tués.
Les bandes de Tien-Duc ei. de Qui, chas-
sées de la province de Haiduong par la
garde civile après plusieurs engagements
au cours desquels on leur a repris vingt
femmes et des enfants enlevés à Oc-Tai, ont
passé dans la province de Quang-Yen, der-
rière Hong-Bi, pour gagner la région mon-
tagneuse.
Le 13 mars, la garde civile d'Haiduong
a eu un engagement avec la bande deLianh-
Vinh à Ngahaoung, sur la frontière de Bac-
Ninh. Un chef pirate a été pris, un chef et
quinze pirates sont restés sur le ter-
rain.
Dans la nuit du 15 mars, les habitants du
village deYen-Khé,situé prè3 de Phu-Lang-
Thuong, ont, sous la conduite du Ly-
Truong, décapité six pirates, dont trois
chefs subalternes, et pris une carabine
Gras, un fusil à tabatière et un fusil à pis-
ton.
Dans la lutte, deux habitants ont été tués.
Les villages oisins de Song-Khé et Shantri
ont pris et décapité trois autres pirates de
la même bande.
Les troupes ont pris contact avec les pi-
rates le 13 mars, sur le territoire monta-
gneux et boisé de,Thai-Tran.
Des prisonniers, des cartouches, des dra-
peaux sont restés entre nos mains, Les tra-
ces de sang relevées sont nombreuses, ce
qui indique de nombreuses pertes. De no-
tre côté, soldats et 1 milicien ont été tués;
a soldats, 1 tirailleur, 2 miliciens et à par-
tisans ont été blessés.
ME LËqN_CLÉ(ty
SOUVENIRS DU PALAIS
Portrait à propos d'un recueil de plai-
doiries. — L'avocat des grandes
causes mondaines. — L'es-
prit d'un gamin de Pa-
ris. — Quelques
anecdotes.
Deux journaux également réactionnaires,
mais l'un fort crâne dans l'expression de
ses opinions, l'autre fort hypocrite, l'Au-
torité et les Débats, mènent campagne con-
tre Me Cléry, le grand avocat républicain,
l'ancien ami de Gambetta, dont la causti-
cité effraye si légitimement les plaideurs
sujets à critique. Il y a même eu échange
de témoins entre M6 Cléry et un de nos
confrères de VAutorité, mais l'affaire a été
arrangée.
Selon l'usage constant de tous les avocats
célèbres, Me Cléry a publié, ces jours der-
niers, chez Lemerre, sous le titre Souvenirs
du Palais,un recueil des plaidoiries impor-
tantes qui ont illustré sa laborieuse car-
rière. Me Cléry a cru devoir faire précéder
chacune de ses plaidoiries d'un exposé
anecdotique de l'affaire où elle fut pro-
noncée. C'est là, sans conteste, une innova-
tion. Aussi le retardataire Journal des Dé-
bats, qui a le monopole de rompre des
lances académiques contre tout ce qui n'est
pas à la mode de 1830, s'est-il fâché tout
rouge.
L'initiale S — les traditions de J.-J. sont
toujours en vigueur dans le journal de la
rue des Prêtres-Saint-Germain-l'Auxerrois
— a été immédiatement chargée de pour-
fendre les Souvenirs du Palais dont Ma Cléry,
sur des supplications pressantes, vient de
consentir à interrompre la publication.
S a lourdement et consciencieusement ac-
compli sa besogne. Une colonne durant,
l'initiale a peiné à répandre un filet de fiel
sur l'éloquent avocat dont le républica-
nisme et l'esprit tout à la fois sont incom-
pris au Journal des Débats.
Le portrait de M3 Cléry
Puisque le hasard des polémiques fait de
M° Cléry un sujet d'actualité, nous allons
profiter de la circonstance pour retracer
rapidement la carrière du brillant avocat et
citer çà et là quelques-unes de ses spiri-
tuelles saillies d'audience.
Tout d'abord un portrait du maître dû,
non pas à l'initiale S, mais à Théodore de
Banville, le maître Ciseleur de phrases
mort récemment:
La tête, longue, spirituelle et fine, au men-
ton pointu, de ce beau diseur, est celle d'un
parfait gentleman ; mais lorsqu'il s'agit de
débiter des lazzis qui emportent la pièce, elle
peut devenir celle d'un gamin de Paris ou
d'Athènes, forçant son accent à devenir fau-
bourien pour protester contre l'éloquence
figée et les phrases à rallonges I Beaucoup trop
artiste pour s'affubler des favoris bourgeois de
l'avocat, Léon Cléry, à moins qu'en voyage il
ne porte toute sa barbe, se montre entière-
ment rasé, comme Napoléon et Pierrot.
Et même pour ne pas être exposé à se coif-
fer en avocat, il fait couper très court ses
cheveux bruns, déjà rares. Le front, épanoui
comme un front sûr de lui-même et qui se
connaît pour une bonne boîte à malice, n'est
pas démenti par le regard, qui, au repos, fait
le bénin, mais qui flambe comme du picrate
quand la bouche lance un mot qui doit porter.
Cette bouche est elle-même très bien machi-
née. Elle rentre pour donner plus d'élan à la
parole, et sourit avec de belles lèvres, ou
montre dans son rire les plus petites dents
du monde, petites jusqu'à l'inutilité : l'orateur
mâche si peu ses mots! Avocat tant qu'il vous
plaira ; mais en dépit du réalisme (ou natura-
lisme), la seule toque dont le fidèle artiste
puisse consentir 'à coiffer cette aimable tête,
c'est encore la toque bariolée de Fantasio!
A la barre
Me Cléry a débuté au Palais en 1856. Il est
devenu tout aussitôt le secrétaire du bâ-
tonnier Bethmont dont il a écrit, d'une
plume très alerte, les Souvenirs intimes.
Dès cette époque, Me Cléry savait se mon-
trer le spirituel gamin de Paris ou d'A-
thènes dont parle Théodore de Banville.
Le secrétaire de Me Bethmont plaidait un
jour une affaire sans importance devant un
tribunal dont le président avait à aller
dîner en ville le soir même. Comme il était
cinq heures et que le jeune avocat conti-
nuait à accumuler arguments sur argu-
ments pour démontrer Tinnôcence de son
client, le président, les yeux anxieusement
fixés sur l'horloge de la salle d'audience,
lui dit :
- Maître, abrégez!. abrégez î
-Mais, monsieur le président, il me sem-
ble.
— Abrégez, abrégez ! interrompit le ma-
gistrat d'un ton qui n'admettait pas la dis-
cussion.
Le jeune avocat, d'une voix goguenarde,
répliqua alors :
— Désireux de me conformer au désir
du tribunal, je vais parler petit nègre;
« Moi raison, lui tort, vous bons juges ! »
Et Me Cléry, en prononçant ces mots, es-
quissa un de ces gestes suprêmement mo-
queurs dont il a le secret. Puis, confiant
dans la sagesse du tribunal, il s'assit à son
banc avec cérémonie.
- Il gagna son procès!
Me Léon Cléry devint bientôt pour le
parquet un adversaire si redoutable que
celui-ci,gagné par l'esprit du jeune maître,
songea à le supprimer en le faisant sien.
L'avocat refusa de laisser étouffer sa verve
dans une robe de substitut.
En 1866, il était devenu l'avocat en titre
des artistes et des gens du monde. Il pré-
sentait l'originale requête de Got, qui, à la
suite de sa démission de sociétaire de la
Comédie-Française, demandait purement
et simplement la dissolution de la société
qu'il venait de quitter. Il avait pour clients
Henri Rochefort, Emile Augier, Alexandre
Dumas, Charpentier, Lemerre, etc.
Plus tard lui vinrent les grands procès
politiques, où sa causticité et sa verve, tout
comme dans les affaires de séparation de
corps, se donnèrent libre carrière. Il plaida
pour le Bien public contre les Jésuites, pour
M. Menier contre M. de Fourtou, pour M.
Challemel-Lacour contre la France nouvelle,
pour notre distingué collaborateur M. Sar-
cey contre M.Bonneville de Marsangis, pour
M. Roustan contre l'Intransigeant.
Aucun scandale entre gens du monde ne
se dénoua à la barre sans son intervention.
Il était présent dans les fameuses affaires
David d'Angers et Santerre. Ces temps der-
niers, il fut l'abversaire terrible de M. Ko-
ning et le défenseur, en cour d'assises, de
M. Joffrin poursuivant ses diffamateurs.
Anecdotes d'audience
L'esprit parisien et plein de causticité
de Mo Cléry se dépense avec prodigalité
dans toutes les affaires qu'il plaide, si mi-
nimes qu'elles soient. Pas de cause où ne
brille son talent d'improvisation. Il trouve,
sans chercher, le mot drôle qu'il souligne
de sa voix mordante ou traînarde.
Au palais, ses lazzis sont célèbres. On eh
ferait Un volume si on voulait les recueil-
lir tous
Citons-en quelques-uns :
Me Cléry plaidait, une après-midi, devant
le tribunal de Rambouillet. Il faisait un
froid à faire éclore des ours blancs dans la
salle. Le tribunal, gelé et ratatiné, écoutait
moins la plaidoirie du maître que le ron-
flement du poêle, placé derrière les magis-
trats. Ce ronflement avait quelque chose de
captivant par cette température sibérienne.
Aussi, l'assesseur de gauche retourna-t-il
bientôt la tête pour voir de ses yeux ce
poête bienfaisant, éloigné, hélas ! de quel-
ques mètres. Insensiblement et comme hyp-
notisé, le magistrat, après une contempla-
tion de quelques minutes, se laissa entraî-
ner à faire un demi-tour sur sa chaise et à
tendre, avec timidité, ses deux pieds dans
la direction du bloc de faïence d'où venait
une douce chaleur. Le président vit le ma-
nège de son collègue, et, avec des précau-
tions infinies, l'imita. Le troisième juge,
très prudemment, suivit, lui aussi. A un
certain moment, le tribunal, vu de la barre
et de l'auditoire, se trouvait représenté par
trois dos frileusement bossués.
M° Cléry, d'une voix mordante, continua
alors ainsi sa plaidoirie :
— Le tribunal, derrière lequel j'ai l'hon-
neur de plaider.
A ces mots, comme des écoliers pris en
faute, les trois juges, d'un mouvement d'en-
semble pour ainsi dire, firent volte-face et
reprirent une position convenable.
Autre anecdote.
MO Cléry plaidait devant une chambre
correctionnelle, dans une affaire d'adultère
où il jugea à propos de citer un texte du
Digeste qu'il traduisit immédiatement en
français.
Le président, un peu vexé, l'interrompit :
— Mais, maître, dit-il, le tribunal com-
prend le latin.
— C'était pour mieux me comprendre
moi-même, répliqua l'avocat en souriant.
Une troisième et dernière anecdote.
Remarquant, au cours de l'une de ses
plaidoiries devant la première chambre du
tribunal civil, que président et assesseurs
conversaient ensemble au lieu de prêter
attention à ses paroles, Me Cléry s'arrêta
brusquement. Les magistrats interrompi-
rent alors leur conversation et regardèrent
l'avocat.
Celui-ci, avec une voix et un geste pleins
de bonhomie :
— Je m'étais arrêté, parce que je crai-
gnais de gêner messieurs du tribunal!
Ces originales saillies pourraient être
multipliées. Elles rempliraient les colonnes
de plusieurs journaux anglais.
Me Cléry en dehors du Palais
Me Clery est le Parisien le plus parisien-
nant qu'on puisse trouver. Comme Victor
Hugo, il aime d'amour Paris, où il est né;
il l'aime jusque dans ses verrues.
Il est un assidu des premières. On le
rencontre partout où il y a de belles choses
à voir : tableaux, tapisseries ou objets
d'art.
Ce Parisien a fait, ces temps derniers, un
immense sacrifice.
Il a quitté Paris pendant cinq ou six
mois pour voyager dans les Indes et au
Tonkin. Mais là-bas, au milieu des plus
merveilleux paysages, il avait la nostalgie
du ruisseau de la rue Blanche. C'est avec
bonheur qu'il est rentré à son somptueux
hôtel de la rue de laTour-des-Dames, dont
l'ameublement artistiquesuffirait à lui seul
à révéler que M6 Clery est le gendre de
Goupil et le beau-frère de Gérome.
En 1870, pendant la guerre, M6 Cléry
avait, pour l'accomplissement d'un service
public, consenti déjà à abandonner son
Paris. Il avait, à cette époque, accompagné
comme secrétaire d'ambassade Senard, qui
venait d'être nommé ministre plénipoten-
tiaire en Italie. Me Léon Cléry n'avait ac-
cepté ces fonctions qu'à la condition qu'il
ne serait ni rétribué ni. décoré. Ces con-
ditions furent exécutées à la lettre. Ce n'est
qu'en 1882 qu'il a été la proie du ruban
rouge, que le membre du conseil de l'ordre
des avocats à la cour d'appel de Paris n'a
pas cru pouvoir refuser.
Un dernier détail. — M° Cléry, si cruel
pour ses semblables, est plein de douceur
pour les bêtes. On peut presque dire de lui
que ce qu'il aime le mieux dans l'homme,
c'est le chien. Il est le saint Vincent-de-Paul
des chevaux de fiacre, ces rosses « que Ra-
cine eût appelé des coursiers ».
Le 29 mai 1882, la Société protectrice des
animaux lui a fait parvenir une médaille
de bronze sur laquelle est inscrit ce mot :
« Compassion Pt. Le certificat joint à la mé-
daille est plus explicite. Il mentionne que
« M. Léon Cléry intervient toujours pour
les chevaux quand on les maltraite Pt.
Pourquoi 1\18 Cléry ne gagnerait-il pas
une seconde médaille de bronze en venant
en aide à l'initiale S, à qui il prêterait gé-
néreusement un peu de son esprit mor-
dant?
MORT DE MARIO PROTH
Notre confrère Mario Proth, l'écrivain
bien connu, vient de succomber après une
longue maladie, en son appartement de la
rue Visconti.
Il était né à Lille (Nord), le 2 octobre 1832
d'une famille d'origine Lorraine ; il fit ses
études aux lycées de Saverne et de Metz,dé-
buta comme journaliste dans le Gaulois de
1859, et fonda la même année, avec M. Car-
los Derove, la Revue internatiodale cosmo-
polite (Genève et Paris). Il collabora succes-
sivement à un grand nombre de journaux
politiques de Paris, de la province et de l'é-
tranger, ainsi qu'à des feuilles théâtrales
où il traitait les questions d'art et de litté-
rature.
Rappelons qu'après la révolution du h
Septembre 1870, il fut attaché à la rédaction
du Journal officiel ; il fit également partie
de la commission chargée de mettre en or-
dre les papiers et correspondances de la fa-
mille impériale trouvés aux Tuileries.
Mario Proth était un excellent camarade,
et ne laissera que des regrets chez ceux
qui l'ont connu.
UN BOUCHER JALOUX
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Saint-Quentin, 23 avril.
Ce matin, vers cinq heures, un boucher,
nommé Petithomme, a tiré deux coups de re-
volver sur sa maîtresse, Antonie Bainaud. Le
motif : jalousie. Le meurtrier s'est ensuite
brûlé la cervelle. Quant à Sâ tiCÜJJlè, elle
n'est pas en danger. r
LES MÉFAITS
DU « PETIT JOURNAL »
CAMELOT ENRICHI
Un drainage monstre. — Douze mille
francs par jour! -La graisse de hé-
ron et les lecteurs du « Petit
Journal. ,,-Le grand chiro-
mancien. w-
Il existe à Sens-sur-Yonne un ancien
camelot du nom de Delumet, illettré à en
écrire moutarde avec un h, près duquel
nous serions mal venu à prétendre que:le
mur du Petit Journal n'est institué par
MM. Marinoni et Poidatz que pour aider les
escrocs à s'enrichir.
Grâce au Petit Pickpocket en effet, Delu-
met, en moins d'un an de temps, s'est
retiré des affaires après fortune faite.
En 1890, il ignorait si un billet de cin-
quante francs était bleu ou vert; aujour-
d'hui, il possède au grand soleil deux su-
perbes immeubles, dont chaque pierre
représente un mandat-poste sorti des
poches des lecteurs du Petit Journal.
S'il était ignorant comme une carpe, De-
lumet n'en était pas moins roublard. Un
coup d'œil jeté sur le Petit Journal avait dû
lui apprendre qu'en jouant de ce journal-
là avec adresse, il pouvait aussi bien que
tous.les autres clients du « mur » sortir de
l'obscurité, et prendre le chemin de la for-
tuné sans passer, comme bien d'autres,
par la Belgique d'abord et par Maza:. en-
suite.
— Et moi aussi, je suis peintre ! dut-il
s'écrier un beau matin, et ce matin-là il en-
voya à M. Marinoni l'argent nécessaire à la
publication dans le Petit Pickpocket d'une
annonce à travers laquelle il entrevoyait
le Pactole.
Il avait lu dans un Thomas Grimm du
temps que le héron attrapait les poissons
dont il fait sa nourriture en s'ébrouant
dans la rivière pendant un long moment,
juste assez pour détacher dans l'eau quel-
ques atomes de cet enduit graisseux qui re-
couvre les plumes des oiseaux aquatiques
pour les empêcher de se mouiller.
Cet enduit, les Egyptiens, — car il y a
toujours des Egyptiens dans tout ce qu'é-
crit Thomas Grim, — le croyaient suscep-
tible d'attirer les poissons vers l'animal qui
le secrète. En effet, le héron, après avoir
agité ses plumes, se tient immobile et
bientôt viennent s'ébattre au tour de lui
les poissons qu'il n'a plus qu'à happer.
La conclusion était celle-ci : que c'est
grâce à sa graisse dont l'odeur est,parait-il,
particulièrement agréable aux carpes et
aux goujons, que le héron parvient à les
rapprocher de lui et à les saisir.
Delumet tira-t-il de ce raisonnement que
la même graisse, mise au bout d'un hame-
çon, fendrait les pêches miraculeuses?C'est
probable, car l'annonce qu'il fit paraitre ea
décembre 1889 le prétendait tout justement.
La voici, son annonce :
G" R lISSE DE HÉRON pour pêcheurs à la
Uïlî liâ xÏIÇkjLÇMLU i ligne. Moyen sûr de dévaliser les
rivières et les étangs, 2 fr. 50 la boîte. Ecrire
à Delumet, rue du Tau (Sens-s/Yonue.)
Comme début, c'était timide; mais à ce
moment Delumet n'avait pas les moyens
de faire grand. L'annonce ne passa pas ina-
perçue, toutefois ; on est si gobeur dans le
monde des pécheurs à la ligne, que quel-
ques commandes de graisse, — du vulgaire
lard, — parvinrent à l'ancien camelot.
Encouragé, il résolut de faire mieux;
mais, illettré, il lui était bien difficile de ré-
diger lui-même ses annonces, et il dut aller
au Petit Journal y exposer ses projets. Les
deux compères : MM. Marinoni et Poidatz
proposèrent immédiatement à ce client
qu'ils allaient lancer de lui donner un
coup de main, et quelques jours plus tard,
l'ébouriffante annonce que voici s'étala au
beau milieu du « mur », attirante comme
un soleil.
Hiver doux, Hérons gras
RÉJOUISSEZ-VOUS. PÊCHEURS !
Grand
Arrivage
de
HÉRONS
-- -- -- - -r- -,
en destination p. M. DELUMET, r. du Tau, à Sens (Yonne).
DfTlïFlTB Ç l'heure du combat est sonnée, aussi
riibUIiUno armez-vs ts de ma graisse de héron
mélangée à celle du blaireau, du chat sauvage,
du musc et celle de la civette.
Avec
la
Graisse
de Héron
mélang.1
on ne
prend absolum. que de gros poissons. Prix d'une boîte S f. 50
ez di Tau ~l,
en A nphimnf rue du Tau. à
Adressez 2 f 50 à Dalumet rue du Tau, à
tous U SENS-sur- Yonne,
et vous recevrez feo votre boîte d'appât dans les 2h heures.
Laquelle contient la quantité voulue pour pouvoir pêcher
une année entière et permettre en un lien de temps
de dévaliser étangs, mares, rivières, etc.
A h n'achetez que de la Graisse
JL S C H/B. UT S de Héron, mélangée, civetée.
si vous voulez ramasser
des Tombereaux de Poissons
oui, des quantités considérables de tous poissons.
wft/ifffTigTll g voyez comme
STJEa^anXa U Iwj on pêche !
Jeter dans l'eau simplement de la
a Graisse de Héron préparée comme
• fjt l'indique ma méthode suffit pour
jKJadr jF * chaque minute il soit possible
retirer de fort gros poissons.
• Pêcheur3, essayez et vous réus-
sirez.
f JR Au cas contraire, je m'engage
B iP à vous rendre vos 2 fr. 50, ma
AtS~ oVk graisse n'étant Tendue que condi-
4^ u -C m~ tionnellement et soit archi-garantie
"MH de première qualité.
Adressez im- f à
AllTEURS DE GROS POISSONS
médiatement2 50 M. DELUIIIET
Rue du Tau, à SENS-sur-Yonne.
si vous voulez prendre des quantités considérables de
toutes espèce. de poissons et rappelez-vous bien que
de mes clients peuvent affirmer qu'ils n'ont
OaAUUfl i nvnVn V jamais été trompés que par d'autres produits.
Avts. — L'U. DELUMBr, rue de TII, Sens (fou,), est exigible ailUl,
On remarquera l'étonnante ressemblance
du bonhomme qui tient la ligne et tend
l'hameçon aux poissons avec le directeur
du Petit Pickpocket, délicate attention du
dessinateur désireux de flatter la manie de
M. Marinoqi, qui ne perd jamais une occa-
sion de se faire portraicturer et qui, lors-
qu'il fut candidat à la députation, couvrit
tous les murs de son auguste image.
Quant aux poissons, est-il besoin de diré
que les seuls qui se laissèrent séduire par
la graisse de héron et prendre à l'hameçom
furent les bons lecteurs du Petit Journal?
Quant à ceux qui eurent la naïveté de ré-
clamer leurs a f.50, ils les attendent encore
et les.attendront toujours; car,comme on le
verra plus loin, l'excellent client de MM.
Marinoni et Poidatz, s'est depuis longtemps
mis à l'abri de toute réclamation.
Cette annonce-type n'en fut pas moins
la source de la prospérité de Delumet. Huit
jours après son apparition, les comman-
des de graisse de héron affluèrent si nom-
breuses, que tous les hérons de l'univers
entier n'auraient pas suffi à en satisfaira
seulement la centième partie.
Les gens bien informés savent d'ailleurs
que jamais un héron n'a passé le seuil dar
la porte de Delumet, qui, sous le nom de
graisse de héron, vendait a fr. 50 une mix-
ture ne lui revenant pas à 5 centimes avec
la boîte.
Le Grand Indicateur chiromancien
Mais Delumet avait plus d'une corde à
son arc. La fermeture de la pêche arrivée,
les recettes baissant, il joua d'un autret
instrument. Dans le Petit Journal, toujours.
il fit paraître au commencement de janvier,
la nouvelle annonce que voici :
VIENT DE PARAITRE
LE GRAND INDICATEUR
(CHIROMANCIEN)
Américain reconnu le plus célèbre du monde
EN VENTE
Chez Betamet seulement à Sens-sur-,Yonn(t
(contre ? f. 50; maadat-poste ou timbre)
Ce grand indicateur, uuique en son genre,
prédit sûrement à l'avance le sexe de l'enfant
devant venir au monde,
sssJII DAMES ET DEMOISELLES
Demandez donc tous contre 2 fr. 50 adressés â.
Delumet, à Sens-sur-Youne, ce tout nouveau
et Grand Indicateur (chiromancieu-amé-
ricain) prédisant aussi avec la plus grande
assurance le passé, le présent, l'avenir, les
idées, défauts et qualités de qui que ce soit,
comme de soi-même.
OUVRIERS, OUVRIÈRES S. TRAVAIL
Achetez aussi cet Indicateur et vous y trou-
verez un moyen de gagner 50 francs par mois.
Tous, sans exception d'un, adressez S fr. 50 à
M. Delumet, à Sens-sur-Yonne, et vous rece-
vrez le Grand Indicateur qui vaut plutôt
250 fr. que 2 fr. 50.
On mordit derechef à ce nouveau piège.
car l'annonce reparut la semaine suivante,
doublée de format et portant cette sus-
cription : « Je jure que cette annonce a
coûté 850 francs.,, -.. -
Huit jours plus tard, l'annonce fit une
nouvelle apparition, encore doublée et
coutant, cette fois, d'après Delumet lui-
même, 2,120 francs.
Elle reparaît une dernière fois le 17 jan-
vier, remplissant la moitié d'une page du
Petit Pichpochet, et terminée par ces mots:
Sur la foi du serment, cette annonce coûte
JI,O francs.
On peut s'imaginer, d'après l'argent qua
Delumet consacrait à sa publicité, les som-
mes qu'elle devait lui rapporter.
Un témoin oculaire nous a affirmé que,
dans son hangar, il arriva certains jours
prés de 5,000 lettres. 15 ouvriers étaient
occupés à en extraire les mandats-postes et
les timbres.
Delumet, lui, dirigeait tout ce monde,
veillant à l'envoi de l'almanach, expédiant
de la graisse de héron, surveillant les ou-
vriers qui remplissaient leurs pochea da
timbres-poste qu'ils dérobaient à l'ancien.
camelot.
Et l'almanach, si demandé, n'était en
réalité qu'une piteuse brochure, décocée
du portrait de Delumet, membre de l'Acadé.
mie painsienne, une académie dont M. Ma-
rinoni fait probablement partie aussi, et
remplie de balourdises, d'imbéciles histoi-
res: la « Manière deproduirel'hypnotisme »,
« L'art d'avaler des flammes de bougies
sans se brûler", « La manière de faire à
volonté ou des filles ou des garçons. » Au
milieu de quelques tours de cartes, vieux
comme le monde, que Delumet livre à ses
lecteurs, il leur donne une recette pour
tricher au jeu. Puis, ce sont des plaisirs da
société dont il leur fait part, par exemple :
« Faire le fantôme, faire revivre une oie
après lui avoir coupé la tête. »
On y trouve aussi l'Art de prédire le sort
des dames par l'inspection des seins, quel-
ques Galanteries gauloises et les Diverses
positions des amoureux. Mais cette chose
pour laquelle beaucoup de braves gens
avaient probablement envoyé leur argent
à Delumet, cette chose qui devait se trouver
dans l'Almanach, ce moyen pour les ou-
vriers et ouvrières sans travail de gagner
50 francs par mois, y faisait totalement dé-
faut.
Delumet encaissa des sommes folles pen-
dant quelque temps; puis un formidable
concert de malédictions s'éleva contre lui.
Les pêcheurs à la graisse de héron rele-
vant, comme avant, de vieilles pantoufles
au lieu de carpes, et les nombreux ache-
teurs du Grand Almanach s'apercevantbiea
vite qu'ils avaient été dupés, toutes ces cré-
dules victimes protestèrent, mais inutile-
ment.
Delumet, en quatre mois, grâce au Petit
Journal, avait gagné assez pour se retirer
des affaires; il cessa de publier des an-
nonces, et l'ancien camelot se fit proprié
taire. Il vit toujours à Sens-sur-Yonne, ri-
che, oui, mais honoré, non; car voici ca
qu'on nous écrivait sur lui tout dernière-
ment, en réponse à une demande de renset
gnements : r
DÉPARTEMENT RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
DE L'YONNE LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ
VILLE DE SENS
MAIRIE
Sens, 16 mars 1891
Monsieur,
Le sieur Delumet habite toujours à Sens,
place du Tau; il n'y a pas de jour que je na
reçoive de demande de renseignements sur cet
individu.
Delumet est un ancien camelot sans aucune
instruction, mais très @ roué et possédant au
suprême degré l'art d'exploiter la crédulité
publique. Il a fait construire à Sens deux mai-
sons et s'est arrangé de façon à se soustraire
aux poursuites de ses créanciers en se donnant
comme mandataire de compères dont il a la
procuration.
Il frise depuis longtemps le code pénal, mais
il évite très habilement de se laisser prendre.
En résumé, cet individu ne mérite ni cou.
fiance ni considération.
Recevez, monsieur, l'assurance de ma consi-
dération distinguée.
Le maire, A. PERRIN.
Ses compères, ceux avec lesquels l'in-
comparable Delumet partageait à coup SÛt"
ses bénéfices, quels sont-ils? ¡
Le Petit Pickpocket ne répondra pas plus&
cette question qu'à celles que nous lui
avons précédemment posées.
1 Beware ..J.$mie à demair\\K
,.
1 SIÈCLE r!
JOURNAL RÉPUBLICAIN
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Téléphona : 20.289 bit.
Les Frères ennemis;
Une bien modeste élection partielle
vient de réveiller brusquement les
vieilles discordes qui se cachent sous
l'euphémique appellation d'Union
conservatrice. L'affaire est un peu
embrouillée. On se souvient qu'il y a
quelque temps M. Benazet, bonapar-
tiste, député de l'arrondissement du
Blanc, fut nommé sénateur de l'Indre,
en remplacement dd M. le comte de
Bondy, royaliste. IL paraît que cette
nomination fut précédée de pourpar-
lers entre bonapartistes et royalistes,
et que, avant de donner leurs voix au
candidat bonapartiste, les royalistes
exigèrent de leurs adies la promesse
de leur rendre leur bon procédé eu
votant, lorsqu'il s'agirait de rempla-
cer M. Benazet à la Chambre, pour un
royaliste. Ce chassé-croisé d'opinions
entre les deux Chambres et cett j ré-
ciprocité de politesse étant admis, il
est assez difficile d'expliquer com-
ment JLe..-choix des royalistes se porta
Sur M. de Lanet qui, paraît-il, ci a des
origines et des tendances bonapartis-
tes. yy Au lieu d'être touchés de cette
délicate attention, les bonapartistes
n'eurent rien de plus pressé que de
voter pour un autre candidat, bona-
partiste également, « mais de nuance
plus accuséd et d'allures plus intran-
sigeantes M. Le résultat est que les
voix réactionnaires se sont divisées;
il y a ballottage, et ce n'est même pas
le candidat choisi par les royalistes
qui a obtenu le plus de voix.
D'une part comme de l'autre, dans
le camp réactionnaire, on se repro-
che la violation de discipline qui a
produit ceLte conséquence; on se la
reproche d'autant plus aigrement que
les deux candidats paraissent dispo-
sés à maintenir leur candidature au
recoud tour et que, dans ce cas, le
succès du candidat républicain est as-
suré. C'est même cela qui est la
grande cause de la fureur des réac-
tionnaires. Ils considéraient l'arron-
dissement du Blanc comme leur pro-
priété et ils le voient tout près de leur
lait jamais toute seule, et que même
au moment où elle se faisait devant
les urnes, elle ne se faisait jamais
dans les esprits, surtout lorsqu'on es-
sayait des dosages entre les partis coa-
lisés. On l'a si bien compris dans les
rangs de la réaction que, autant dans
le but de ne pas donner le spectacle
de divisions intestines que dans celui
d'égarer les électeurs, on a commencé
par mettre son drapeau dans sa po-
che et que l'on s'est cru, plus récem-
xnent, parvenu au comble de l'habileté
en imaginant l'étiquette de « républi-
cains ralliés ».
Aujourd'hui on paraît ; disposé à
changer de système. Si l'on ne tire
pas encore son drapeau de la poche,
on nous promet au moins de l'en tirer
demain ; et, en attendant les actes, on
fait des déclarations dans lesquelles
on nous dit : « La monarchie, c'est le
but et l'espérance de l'avenir ; l'Union
conservatrice, c'est le moyen. » Ceux
qui ne veulent pas du but ne tiennent
pas à servir de moyen, et c'est peut-être
là tout le secret du succès relatif obtenu
au Blanc par le bonapartiste d'allure
plus intransigeante, c'est le premier
résultat de la politique préconisée par
M. d'Haussonville. Quand on aura ob-
tenu quelques autres succès du même
genre, il faudra bien reconnaître que
,i.e procédé n'est peut-être pas très
favorable aux idées réactionnaires,
* ,) en reviendra alors à l'éti-
quette conservatrice, même à la cc Ré-
publique conservatrice » chère à l'U-
nion libérale ! On n'insistera que sur
les intérêts catholiques, et l'on se dé-
fendra dé songer à changer la forme
du gouvernement. Tout cela est bel et
bon. Mais nous saurons d'autant
mieux ce qui se cache derrière ces
déclarations constitutionnelles, que
nous nous souviendrons de ce qui se
passe entre les alliés lorsqu'ils s'aven-
turent à lever un bout du masque. A
force de vouloir tromper tout le
monde, associés et adversaires, il faut
bien espérer qu'ils finiront par ne plus
tromper personne.
Le XIXe SIÈCLE publiera demain la
a Chronique D) par Francisque Sarcey.
LE ROMAN D'UN GROS LOT
(DB NOTRE CORRESrONDAKT PARTICCLlBR)
Nîmes, 23 avril.
Un homme heureux, c'était Paul Rouvière
qui, domestique chez M. Coulondre, négo-
ciant en vins à Nîmes, constatait ces der-
niers jours, en lisant un journal, que le
numéro d'une de ses obligations de la ville
de Paris avait gagné un lot de cent mille
francs.
Mais le nouveau Crésus devait passer par
de longues et nombreuses tribulations.
Il y a quelques mois, Paul Rouvière avait,
sur la demande du gendre de son patron,
confié à celui-ci ses obligations, à condi-
tion qu'il lui en servirait l'intérêt et lui
rendrait ses valeurs au bout d'un temps
déterminé.
Dernièrement, quand il apprit l'heureux
sort que lui envoyait la roue de la Fortune,
il réclama à son débiteur ses obligations.
Mais ce dernier les avait vendues à un né-
gociant de Cette !
Protestation de Rouvière, qui prétendit
aussitôt que cette vente ne pouvait être
valable, car il avait déposé et non cédé ses
valeurs entre les mains de son débiteur.
Et, après avoir consulté un homme d'af-
faires, il se mit en mesure d'intenter un
procès à son dépositaire.
L'affaire aura cependant une solution
sans passer devant les tribunaux.
Après entente, il a été décidé que Rou-
vière toucherait une somme de soixante
mille francs, plus une rente viagère de
mille francs.
LES TRÉSORS -- ESPAGNOLS
(DE NOTRE CORRESPONDANT PART1CULIBB)
Grenoble, 23 avril.
M. Cottel, conseiller d'arrondissement de
Voiron, et maire de Voreppe, a reçu d'Es-
pagne une lettre bignée : Capitaine José
Caramès, lui signalant la présence dans sa
commune d'un trésor de 800,000 francs.
Caramès raconte qu'étant à la tête d'un
régiment, il dut s'enfuir en emportant une
somme d'argent qu'il cacha dans les envi-
rons de Voreppe. Arrêté à son retour en
Espagne, il fut enfermé dans la prison de
Vaiadoiid où il doit rester 15 ans.
Mais, ajoutait-il, si M. Cottel lui envoyait
de quoi faire rentrer sa fille en France,
celle-ci se rendrait auprès de lui pour re-
chercher le trésor dont une partie lui serait
attribuée. L'argent devait être adressé à une
tierce personne qui se chargerait de la re-
mettre au capitaine Caramès.
M. Cottel a prévenu le parquet qui a ou-
vert une enquête.
NOUVELLES DU TONKIN
Les engagements avec les pirates. —
Proclamation du résident supérieur.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER.)
Marseille, 23 avril.
Le Natal, courrier d'Extrême-Orient, est
arrivé cet après-midi à Marssille, avec 23A
passagers parmi lesquels se trouvent M.
Ulysse Pila, industriel lyonnais, venant du
Tonkin où il a monté plusieurs affaires
commerciales, le colonel Frey et M. Raf-
frayj consul français à Singapour.
On annonce d'Hanoï que le Kihn-Luoc,
d'accord avec le résident supérieur, vient
d'adresser aux fonctionnaires des provin-
ces troublées une proclamation énergique
par laquelle il invite les dissidents à rallier
au plus tôt la cause de l'ordre. Dans peu
de jours, ils n'auront plus à compter sur
la moindre indulgence, et tout individu
convaincu d'avoir donné asile aux rebelles,
ou même de ne pas les avoir signalés, sera
décapité.
Rencontres avec les pirates
Le 10 mars, le huyen de Dong-Trieu a
rencontré deux sampans montés par des
pirates chinois qui venaient d'attaquer le
village de Duyen-Linh,et les a poursuivis à
coups de fusil.
Un sampan a été coulé, trois pirates ont
été tués.
Les bandes de Tien-Duc ei. de Qui, chas-
sées de la province de Haiduong par la
garde civile après plusieurs engagements
au cours desquels on leur a repris vingt
femmes et des enfants enlevés à Oc-Tai, ont
passé dans la province de Quang-Yen, der-
rière Hong-Bi, pour gagner la région mon-
tagneuse.
Le 13 mars, la garde civile d'Haiduong
a eu un engagement avec la bande deLianh-
Vinh à Ngahaoung, sur la frontière de Bac-
Ninh. Un chef pirate a été pris, un chef et
quinze pirates sont restés sur le ter-
rain.
Dans la nuit du 15 mars, les habitants du
village deYen-Khé,situé prè3 de Phu-Lang-
Thuong, ont, sous la conduite du Ly-
Truong, décapité six pirates, dont trois
chefs subalternes, et pris une carabine
Gras, un fusil à tabatière et un fusil à pis-
ton.
Dans la lutte, deux habitants ont été tués.
Les villages oisins de Song-Khé et Shantri
ont pris et décapité trois autres pirates de
la même bande.
Les troupes ont pris contact avec les pi-
rates le 13 mars, sur le territoire monta-
gneux et boisé de,Thai-Tran.
Des prisonniers, des cartouches, des dra-
peaux sont restés entre nos mains, Les tra-
ces de sang relevées sont nombreuses, ce
qui indique de nombreuses pertes. De no-
tre côté, soldats et 1 milicien ont été tués;
a soldats, 1 tirailleur, 2 miliciens et à par-
tisans ont été blessés.
ME LËqN_CLÉ(ty
SOUVENIRS DU PALAIS
Portrait à propos d'un recueil de plai-
doiries. — L'avocat des grandes
causes mondaines. — L'es-
prit d'un gamin de Pa-
ris. — Quelques
anecdotes.
Deux journaux également réactionnaires,
mais l'un fort crâne dans l'expression de
ses opinions, l'autre fort hypocrite, l'Au-
torité et les Débats, mènent campagne con-
tre Me Cléry, le grand avocat républicain,
l'ancien ami de Gambetta, dont la causti-
cité effraye si légitimement les plaideurs
sujets à critique. Il y a même eu échange
de témoins entre M6 Cléry et un de nos
confrères de VAutorité, mais l'affaire a été
arrangée.
Selon l'usage constant de tous les avocats
célèbres, Me Cléry a publié, ces jours der-
niers, chez Lemerre, sous le titre Souvenirs
du Palais,un recueil des plaidoiries impor-
tantes qui ont illustré sa laborieuse car-
rière. Me Cléry a cru devoir faire précéder
chacune de ses plaidoiries d'un exposé
anecdotique de l'affaire où elle fut pro-
noncée. C'est là, sans conteste, une innova-
tion. Aussi le retardataire Journal des Dé-
bats, qui a le monopole de rompre des
lances académiques contre tout ce qui n'est
pas à la mode de 1830, s'est-il fâché tout
rouge.
L'initiale S — les traditions de J.-J. sont
toujours en vigueur dans le journal de la
rue des Prêtres-Saint-Germain-l'Auxerrois
— a été immédiatement chargée de pour-
fendre les Souvenirs du Palais dont Ma Cléry,
sur des supplications pressantes, vient de
consentir à interrompre la publication.
S a lourdement et consciencieusement ac-
compli sa besogne. Une colonne durant,
l'initiale a peiné à répandre un filet de fiel
sur l'éloquent avocat dont le républica-
nisme et l'esprit tout à la fois sont incom-
pris au Journal des Débats.
Le portrait de M3 Cléry
Puisque le hasard des polémiques fait de
M° Cléry un sujet d'actualité, nous allons
profiter de la circonstance pour retracer
rapidement la carrière du brillant avocat et
citer çà et là quelques-unes de ses spiri-
tuelles saillies d'audience.
Tout d'abord un portrait du maître dû,
non pas à l'initiale S, mais à Théodore de
Banville, le maître Ciseleur de phrases
mort récemment:
La tête, longue, spirituelle et fine, au men-
ton pointu, de ce beau diseur, est celle d'un
parfait gentleman ; mais lorsqu'il s'agit de
débiter des lazzis qui emportent la pièce, elle
peut devenir celle d'un gamin de Paris ou
d'Athènes, forçant son accent à devenir fau-
bourien pour protester contre l'éloquence
figée et les phrases à rallonges I Beaucoup trop
artiste pour s'affubler des favoris bourgeois de
l'avocat, Léon Cléry, à moins qu'en voyage il
ne porte toute sa barbe, se montre entière-
ment rasé, comme Napoléon et Pierrot.
Et même pour ne pas être exposé à se coif-
fer en avocat, il fait couper très court ses
cheveux bruns, déjà rares. Le front, épanoui
comme un front sûr de lui-même et qui se
connaît pour une bonne boîte à malice, n'est
pas démenti par le regard, qui, au repos, fait
le bénin, mais qui flambe comme du picrate
quand la bouche lance un mot qui doit porter.
Cette bouche est elle-même très bien machi-
née. Elle rentre pour donner plus d'élan à la
parole, et sourit avec de belles lèvres, ou
montre dans son rire les plus petites dents
du monde, petites jusqu'à l'inutilité : l'orateur
mâche si peu ses mots! Avocat tant qu'il vous
plaira ; mais en dépit du réalisme (ou natura-
lisme), la seule toque dont le fidèle artiste
puisse consentir 'à coiffer cette aimable tête,
c'est encore la toque bariolée de Fantasio!
A la barre
Me Cléry a débuté au Palais en 1856. Il est
devenu tout aussitôt le secrétaire du bâ-
tonnier Bethmont dont il a écrit, d'une
plume très alerte, les Souvenirs intimes.
Dès cette époque, Me Cléry savait se mon-
trer le spirituel gamin de Paris ou d'A-
thènes dont parle Théodore de Banville.
Le secrétaire de Me Bethmont plaidait un
jour une affaire sans importance devant un
tribunal dont le président avait à aller
dîner en ville le soir même. Comme il était
cinq heures et que le jeune avocat conti-
nuait à accumuler arguments sur argu-
ments pour démontrer Tinnôcence de son
client, le président, les yeux anxieusement
fixés sur l'horloge de la salle d'audience,
lui dit :
- Maître, abrégez!. abrégez î
-Mais, monsieur le président, il me sem-
ble.
— Abrégez, abrégez ! interrompit le ma-
gistrat d'un ton qui n'admettait pas la dis-
cussion.
Le jeune avocat, d'une voix goguenarde,
répliqua alors :
— Désireux de me conformer au désir
du tribunal, je vais parler petit nègre;
« Moi raison, lui tort, vous bons juges ! »
Et Me Cléry, en prononçant ces mots, es-
quissa un de ces gestes suprêmement mo-
queurs dont il a le secret. Puis, confiant
dans la sagesse du tribunal, il s'assit à son
banc avec cérémonie.
- Il gagna son procès!
Me Léon Cléry devint bientôt pour le
parquet un adversaire si redoutable que
celui-ci,gagné par l'esprit du jeune maître,
songea à le supprimer en le faisant sien.
L'avocat refusa de laisser étouffer sa verve
dans une robe de substitut.
En 1866, il était devenu l'avocat en titre
des artistes et des gens du monde. Il pré-
sentait l'originale requête de Got, qui, à la
suite de sa démission de sociétaire de la
Comédie-Française, demandait purement
et simplement la dissolution de la société
qu'il venait de quitter. Il avait pour clients
Henri Rochefort, Emile Augier, Alexandre
Dumas, Charpentier, Lemerre, etc.
Plus tard lui vinrent les grands procès
politiques, où sa causticité et sa verve, tout
comme dans les affaires de séparation de
corps, se donnèrent libre carrière. Il plaida
pour le Bien public contre les Jésuites, pour
M. Menier contre M. de Fourtou, pour M.
Challemel-Lacour contre la France nouvelle,
pour notre distingué collaborateur M. Sar-
cey contre M.Bonneville de Marsangis, pour
M. Roustan contre l'Intransigeant.
Aucun scandale entre gens du monde ne
se dénoua à la barre sans son intervention.
Il était présent dans les fameuses affaires
David d'Angers et Santerre. Ces temps der-
niers, il fut l'abversaire terrible de M. Ko-
ning et le défenseur, en cour d'assises, de
M. Joffrin poursuivant ses diffamateurs.
Anecdotes d'audience
L'esprit parisien et plein de causticité
de Mo Cléry se dépense avec prodigalité
dans toutes les affaires qu'il plaide, si mi-
nimes qu'elles soient. Pas de cause où ne
brille son talent d'improvisation. Il trouve,
sans chercher, le mot drôle qu'il souligne
de sa voix mordante ou traînarde.
Au palais, ses lazzis sont célèbres. On eh
ferait Un volume si on voulait les recueil-
lir tous
Citons-en quelques-uns :
Me Cléry plaidait, une après-midi, devant
le tribunal de Rambouillet. Il faisait un
froid à faire éclore des ours blancs dans la
salle. Le tribunal, gelé et ratatiné, écoutait
moins la plaidoirie du maître que le ron-
flement du poêle, placé derrière les magis-
trats. Ce ronflement avait quelque chose de
captivant par cette température sibérienne.
Aussi, l'assesseur de gauche retourna-t-il
bientôt la tête pour voir de ses yeux ce
poête bienfaisant, éloigné, hélas ! de quel-
ques mètres. Insensiblement et comme hyp-
notisé, le magistrat, après une contempla-
tion de quelques minutes, se laissa entraî-
ner à faire un demi-tour sur sa chaise et à
tendre, avec timidité, ses deux pieds dans
la direction du bloc de faïence d'où venait
une douce chaleur. Le président vit le ma-
nège de son collègue, et, avec des précau-
tions infinies, l'imita. Le troisième juge,
très prudemment, suivit, lui aussi. A un
certain moment, le tribunal, vu de la barre
et de l'auditoire, se trouvait représenté par
trois dos frileusement bossués.
M° Cléry, d'une voix mordante, continua
alors ainsi sa plaidoirie :
— Le tribunal, derrière lequel j'ai l'hon-
neur de plaider.
A ces mots, comme des écoliers pris en
faute, les trois juges, d'un mouvement d'en-
semble pour ainsi dire, firent volte-face et
reprirent une position convenable.
Autre anecdote.
MO Cléry plaidait devant une chambre
correctionnelle, dans une affaire d'adultère
où il jugea à propos de citer un texte du
Digeste qu'il traduisit immédiatement en
français.
Le président, un peu vexé, l'interrompit :
— Mais, maître, dit-il, le tribunal com-
prend le latin.
— C'était pour mieux me comprendre
moi-même, répliqua l'avocat en souriant.
Une troisième et dernière anecdote.
Remarquant, au cours de l'une de ses
plaidoiries devant la première chambre du
tribunal civil, que président et assesseurs
conversaient ensemble au lieu de prêter
attention à ses paroles, Me Cléry s'arrêta
brusquement. Les magistrats interrompi-
rent alors leur conversation et regardèrent
l'avocat.
Celui-ci, avec une voix et un geste pleins
de bonhomie :
— Je m'étais arrêté, parce que je crai-
gnais de gêner messieurs du tribunal!
Ces originales saillies pourraient être
multipliées. Elles rempliraient les colonnes
de plusieurs journaux anglais.
Me Cléry en dehors du Palais
Me Clery est le Parisien le plus parisien-
nant qu'on puisse trouver. Comme Victor
Hugo, il aime d'amour Paris, où il est né;
il l'aime jusque dans ses verrues.
Il est un assidu des premières. On le
rencontre partout où il y a de belles choses
à voir : tableaux, tapisseries ou objets
d'art.
Ce Parisien a fait, ces temps derniers, un
immense sacrifice.
Il a quitté Paris pendant cinq ou six
mois pour voyager dans les Indes et au
Tonkin. Mais là-bas, au milieu des plus
merveilleux paysages, il avait la nostalgie
du ruisseau de la rue Blanche. C'est avec
bonheur qu'il est rentré à son somptueux
hôtel de la rue de laTour-des-Dames, dont
l'ameublement artistiquesuffirait à lui seul
à révéler que M6 Clery est le gendre de
Goupil et le beau-frère de Gérome.
En 1870, pendant la guerre, M6 Cléry
avait, pour l'accomplissement d'un service
public, consenti déjà à abandonner son
Paris. Il avait, à cette époque, accompagné
comme secrétaire d'ambassade Senard, qui
venait d'être nommé ministre plénipoten-
tiaire en Italie. Me Léon Cléry n'avait ac-
cepté ces fonctions qu'à la condition qu'il
ne serait ni rétribué ni. décoré. Ces con-
ditions furent exécutées à la lettre. Ce n'est
qu'en 1882 qu'il a été la proie du ruban
rouge, que le membre du conseil de l'ordre
des avocats à la cour d'appel de Paris n'a
pas cru pouvoir refuser.
Un dernier détail. — M° Cléry, si cruel
pour ses semblables, est plein de douceur
pour les bêtes. On peut presque dire de lui
que ce qu'il aime le mieux dans l'homme,
c'est le chien. Il est le saint Vincent-de-Paul
des chevaux de fiacre, ces rosses « que Ra-
cine eût appelé des coursiers ».
Le 29 mai 1882, la Société protectrice des
animaux lui a fait parvenir une médaille
de bronze sur laquelle est inscrit ce mot :
« Compassion Pt. Le certificat joint à la mé-
daille est plus explicite. Il mentionne que
« M. Léon Cléry intervient toujours pour
les chevaux quand on les maltraite Pt.
Pourquoi 1\18 Cléry ne gagnerait-il pas
une seconde médaille de bronze en venant
en aide à l'initiale S, à qui il prêterait gé-
néreusement un peu de son esprit mor-
dant?
MORT DE MARIO PROTH
Notre confrère Mario Proth, l'écrivain
bien connu, vient de succomber après une
longue maladie, en son appartement de la
rue Visconti.
Il était né à Lille (Nord), le 2 octobre 1832
d'une famille d'origine Lorraine ; il fit ses
études aux lycées de Saverne et de Metz,dé-
buta comme journaliste dans le Gaulois de
1859, et fonda la même année, avec M. Car-
los Derove, la Revue internatiodale cosmo-
polite (Genève et Paris). Il collabora succes-
sivement à un grand nombre de journaux
politiques de Paris, de la province et de l'é-
tranger, ainsi qu'à des feuilles théâtrales
où il traitait les questions d'art et de litté-
rature.
Rappelons qu'après la révolution du h
Septembre 1870, il fut attaché à la rédaction
du Journal officiel ; il fit également partie
de la commission chargée de mettre en or-
dre les papiers et correspondances de la fa-
mille impériale trouvés aux Tuileries.
Mario Proth était un excellent camarade,
et ne laissera que des regrets chez ceux
qui l'ont connu.
UN BOUCHER JALOUX
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Saint-Quentin, 23 avril.
Ce matin, vers cinq heures, un boucher,
nommé Petithomme, a tiré deux coups de re-
volver sur sa maîtresse, Antonie Bainaud. Le
motif : jalousie. Le meurtrier s'est ensuite
brûlé la cervelle. Quant à Sâ tiCÜJJlè, elle
n'est pas en danger. r
LES MÉFAITS
DU « PETIT JOURNAL »
CAMELOT ENRICHI
Un drainage monstre. — Douze mille
francs par jour! -La graisse de hé-
ron et les lecteurs du « Petit
Journal. ,,-Le grand chiro-
mancien. w-
Il existe à Sens-sur-Yonne un ancien
camelot du nom de Delumet, illettré à en
écrire moutarde avec un h, près duquel
nous serions mal venu à prétendre que:le
mur du Petit Journal n'est institué par
MM. Marinoni et Poidatz que pour aider les
escrocs à s'enrichir.
Grâce au Petit Pickpocket en effet, Delu-
met, en moins d'un an de temps, s'est
retiré des affaires après fortune faite.
En 1890, il ignorait si un billet de cin-
quante francs était bleu ou vert; aujour-
d'hui, il possède au grand soleil deux su-
perbes immeubles, dont chaque pierre
représente un mandat-poste sorti des
poches des lecteurs du Petit Journal.
S'il était ignorant comme une carpe, De-
lumet n'en était pas moins roublard. Un
coup d'œil jeté sur le Petit Journal avait dû
lui apprendre qu'en jouant de ce journal-
là avec adresse, il pouvait aussi bien que
tous.les autres clients du « mur » sortir de
l'obscurité, et prendre le chemin de la for-
tuné sans passer, comme bien d'autres,
par la Belgique d'abord et par Maza:. en-
suite.
— Et moi aussi, je suis peintre ! dut-il
s'écrier un beau matin, et ce matin-là il en-
voya à M. Marinoni l'argent nécessaire à la
publication dans le Petit Pickpocket d'une
annonce à travers laquelle il entrevoyait
le Pactole.
Il avait lu dans un Thomas Grimm du
temps que le héron attrapait les poissons
dont il fait sa nourriture en s'ébrouant
dans la rivière pendant un long moment,
juste assez pour détacher dans l'eau quel-
ques atomes de cet enduit graisseux qui re-
couvre les plumes des oiseaux aquatiques
pour les empêcher de se mouiller.
Cet enduit, les Egyptiens, — car il y a
toujours des Egyptiens dans tout ce qu'é-
crit Thomas Grim, — le croyaient suscep-
tible d'attirer les poissons vers l'animal qui
le secrète. En effet, le héron, après avoir
agité ses plumes, se tient immobile et
bientôt viennent s'ébattre au tour de lui
les poissons qu'il n'a plus qu'à happer.
La conclusion était celle-ci : que c'est
grâce à sa graisse dont l'odeur est,parait-il,
particulièrement agréable aux carpes et
aux goujons, que le héron parvient à les
rapprocher de lui et à les saisir.
Delumet tira-t-il de ce raisonnement que
la même graisse, mise au bout d'un hame-
çon, fendrait les pêches miraculeuses?C'est
probable, car l'annonce qu'il fit paraitre ea
décembre 1889 le prétendait tout justement.
La voici, son annonce :
G" R lISSE DE HÉRON pour pêcheurs à la
Uïlî liâ xÏIÇkjLÇMLU i ligne. Moyen sûr de dévaliser les
rivières et les étangs, 2 fr. 50 la boîte. Ecrire
à Delumet, rue du Tau (Sens-s/Yonue.)
Comme début, c'était timide; mais à ce
moment Delumet n'avait pas les moyens
de faire grand. L'annonce ne passa pas ina-
perçue, toutefois ; on est si gobeur dans le
monde des pécheurs à la ligne, que quel-
ques commandes de graisse, — du vulgaire
lard, — parvinrent à l'ancien camelot.
Encouragé, il résolut de faire mieux;
mais, illettré, il lui était bien difficile de ré-
diger lui-même ses annonces, et il dut aller
au Petit Journal y exposer ses projets. Les
deux compères : MM. Marinoni et Poidatz
proposèrent immédiatement à ce client
qu'ils allaient lancer de lui donner un
coup de main, et quelques jours plus tard,
l'ébouriffante annonce que voici s'étala au
beau milieu du « mur », attirante comme
un soleil.
Hiver doux, Hérons gras
RÉJOUISSEZ-VOUS. PÊCHEURS !
Grand
Arrivage
de
HÉRONS
-- -- -- - -r- -,
en destination p. M. DELUMET, r. du Tau, à Sens (Yonne).
DfTlïFlTB Ç l'heure du combat est sonnée, aussi
riibUIiUno armez-vs ts de ma graisse de héron
mélangée à celle du blaireau, du chat sauvage,
du musc et celle de la civette.
Avec
la
Graisse
de Héron
mélang.1
on ne
prend absolum. que de gros poissons. Prix d'une boîte S f. 50
ez di Tau ~l,
en A nphimnf rue du Tau. à
Adressez 2 f 50 à Dalumet rue du Tau, à
tous U SENS-sur- Yonne,
et vous recevrez feo votre boîte d'appât dans les 2h heures.
Laquelle contient la quantité voulue pour pouvoir pêcher
une année entière et permettre en un lien de temps
de dévaliser étangs, mares, rivières, etc.
A h n'achetez que de la Graisse
JL S C H/B. UT S de Héron, mélangée, civetée.
si vous voulez ramasser
des Tombereaux de Poissons
oui, des quantités considérables de tous poissons.
wft/ifffTigTll g voyez comme
STJEa^anXa U Iwj on pêche !
Jeter dans l'eau simplement de la
a Graisse de Héron préparée comme
• fjt l'indique ma méthode suffit pour
jKJadr jF * chaque minute il soit possible
retirer de fort gros poissons.
• Pêcheur3, essayez et vous réus-
sirez.
f JR Au cas contraire, je m'engage
B iP à vous rendre vos 2 fr. 50, ma
AtS~ oVk graisse n'étant Tendue que condi-
4^ u -C m~ tionnellement et soit archi-garantie
"MH de première qualité.
Adressez im- f à
AllTEURS DE GROS POISSONS
médiatement2 50 M. DELUIIIET
Rue du Tau, à SENS-sur-Yonne.
si vous voulez prendre des quantités considérables de
toutes espèce. de poissons et rappelez-vous bien que
de mes clients peuvent affirmer qu'ils n'ont
OaAUUfl i nvnVn V jamais été trompés que par d'autres produits.
Avts. — L'U. DELUMBr, rue de TII, Sens (fou,), est exigible ailUl,
On remarquera l'étonnante ressemblance
du bonhomme qui tient la ligne et tend
l'hameçon aux poissons avec le directeur
du Petit Pickpocket, délicate attention du
dessinateur désireux de flatter la manie de
M. Marinoqi, qui ne perd jamais une occa-
sion de se faire portraicturer et qui, lors-
qu'il fut candidat à la députation, couvrit
tous les murs de son auguste image.
Quant aux poissons, est-il besoin de diré
que les seuls qui se laissèrent séduire par
la graisse de héron et prendre à l'hameçom
furent les bons lecteurs du Petit Journal?
Quant à ceux qui eurent la naïveté de ré-
clamer leurs a f.50, ils les attendent encore
et les.attendront toujours; car,comme on le
verra plus loin, l'excellent client de MM.
Marinoni et Poidatz, s'est depuis longtemps
mis à l'abri de toute réclamation.
Cette annonce-type n'en fut pas moins
la source de la prospérité de Delumet. Huit
jours après son apparition, les comman-
des de graisse de héron affluèrent si nom-
breuses, que tous les hérons de l'univers
entier n'auraient pas suffi à en satisfaira
seulement la centième partie.
Les gens bien informés savent d'ailleurs
que jamais un héron n'a passé le seuil dar
la porte de Delumet, qui, sous le nom de
graisse de héron, vendait a fr. 50 une mix-
ture ne lui revenant pas à 5 centimes avec
la boîte.
Le Grand Indicateur chiromancien
Mais Delumet avait plus d'une corde à
son arc. La fermeture de la pêche arrivée,
les recettes baissant, il joua d'un autret
instrument. Dans le Petit Journal, toujours.
il fit paraître au commencement de janvier,
la nouvelle annonce que voici :
VIENT DE PARAITRE
LE GRAND INDICATEUR
(CHIROMANCIEN)
Américain reconnu le plus célèbre du monde
EN VENTE
Chez Betamet seulement à Sens-sur-,Yonn(t
(contre ? f. 50; maadat-poste ou timbre)
Ce grand indicateur, uuique en son genre,
prédit sûrement à l'avance le sexe de l'enfant
devant venir au monde,
sssJII DAMES ET DEMOISELLES
Demandez donc tous contre 2 fr. 50 adressés â.
Delumet, à Sens-sur-Youne, ce tout nouveau
et Grand Indicateur (chiromancieu-amé-
ricain) prédisant aussi avec la plus grande
assurance le passé, le présent, l'avenir, les
idées, défauts et qualités de qui que ce soit,
comme de soi-même.
OUVRIERS, OUVRIÈRES S. TRAVAIL
Achetez aussi cet Indicateur et vous y trou-
verez un moyen de gagner 50 francs par mois.
Tous, sans exception d'un, adressez S fr. 50 à
M. Delumet, à Sens-sur-Yonne, et vous rece-
vrez le Grand Indicateur qui vaut plutôt
250 fr. que 2 fr. 50.
On mordit derechef à ce nouveau piège.
car l'annonce reparut la semaine suivante,
doublée de format et portant cette sus-
cription : « Je jure que cette annonce a
coûté 850 francs.,, -.. -
Huit jours plus tard, l'annonce fit une
nouvelle apparition, encore doublée et
coutant, cette fois, d'après Delumet lui-
même, 2,120 francs.
Elle reparaît une dernière fois le 17 jan-
vier, remplissant la moitié d'une page du
Petit Pichpochet, et terminée par ces mots:
Sur la foi du serment, cette annonce coûte
JI,O francs.
On peut s'imaginer, d'après l'argent qua
Delumet consacrait à sa publicité, les som-
mes qu'elle devait lui rapporter.
Un témoin oculaire nous a affirmé que,
dans son hangar, il arriva certains jours
prés de 5,000 lettres. 15 ouvriers étaient
occupés à en extraire les mandats-postes et
les timbres.
Delumet, lui, dirigeait tout ce monde,
veillant à l'envoi de l'almanach, expédiant
de la graisse de héron, surveillant les ou-
vriers qui remplissaient leurs pochea da
timbres-poste qu'ils dérobaient à l'ancien.
camelot.
Et l'almanach, si demandé, n'était en
réalité qu'une piteuse brochure, décocée
du portrait de Delumet, membre de l'Acadé.
mie painsienne, une académie dont M. Ma-
rinoni fait probablement partie aussi, et
remplie de balourdises, d'imbéciles histoi-
res: la « Manière deproduirel'hypnotisme »,
« L'art d'avaler des flammes de bougies
sans se brûler", « La manière de faire à
volonté ou des filles ou des garçons. » Au
milieu de quelques tours de cartes, vieux
comme le monde, que Delumet livre à ses
lecteurs, il leur donne une recette pour
tricher au jeu. Puis, ce sont des plaisirs da
société dont il leur fait part, par exemple :
« Faire le fantôme, faire revivre une oie
après lui avoir coupé la tête. »
On y trouve aussi l'Art de prédire le sort
des dames par l'inspection des seins, quel-
ques Galanteries gauloises et les Diverses
positions des amoureux. Mais cette chose
pour laquelle beaucoup de braves gens
avaient probablement envoyé leur argent
à Delumet, cette chose qui devait se trouver
dans l'Almanach, ce moyen pour les ou-
vriers et ouvrières sans travail de gagner
50 francs par mois, y faisait totalement dé-
faut.
Delumet encaissa des sommes folles pen-
dant quelque temps; puis un formidable
concert de malédictions s'éleva contre lui.
Les pêcheurs à la graisse de héron rele-
vant, comme avant, de vieilles pantoufles
au lieu de carpes, et les nombreux ache-
teurs du Grand Almanach s'apercevantbiea
vite qu'ils avaient été dupés, toutes ces cré-
dules victimes protestèrent, mais inutile-
ment.
Delumet, en quatre mois, grâce au Petit
Journal, avait gagné assez pour se retirer
des affaires; il cessa de publier des an-
nonces, et l'ancien camelot se fit proprié
taire. Il vit toujours à Sens-sur-Yonne, ri-
che, oui, mais honoré, non; car voici ca
qu'on nous écrivait sur lui tout dernière-
ment, en réponse à une demande de renset
gnements : r
DÉPARTEMENT RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
DE L'YONNE LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ
VILLE DE SENS
MAIRIE
Sens, 16 mars 1891
Monsieur,
Le sieur Delumet habite toujours à Sens,
place du Tau; il n'y a pas de jour que je na
reçoive de demande de renseignements sur cet
individu.
Delumet est un ancien camelot sans aucune
instruction, mais très @ roué et possédant au
suprême degré l'art d'exploiter la crédulité
publique. Il a fait construire à Sens deux mai-
sons et s'est arrangé de façon à se soustraire
aux poursuites de ses créanciers en se donnant
comme mandataire de compères dont il a la
procuration.
Il frise depuis longtemps le code pénal, mais
il évite très habilement de se laisser prendre.
En résumé, cet individu ne mérite ni cou.
fiance ni considération.
Recevez, monsieur, l'assurance de ma consi-
dération distinguée.
Le maire, A. PERRIN.
Ses compères, ceux avec lesquels l'in-
comparable Delumet partageait à coup SÛt"
ses bénéfices, quels sont-ils? ¡
Le Petit Pickpocket ne répondra pas plus&
cette question qu'à celles que nous lui
avons précédemment posées.
1 Beware ..J.$mie à demair\\K
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