Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1891-04-24
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32757974m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 24 avril 1891 24 avril 1891
Description : 1891/04/24 (A21,N7039). 1891/04/24 (A21,N7039).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7565760h
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2013
Vingt-et-unième année. — N° 7,039 , CIWO Centimes Paris et Départements cm« Centimes' VENDREDI sa avril i89i
LE XIX* SIECLE
JOURNAL REPUBLICAIN "')
RÊDACTION
A4&, Eue Montmartre
fmtCTEUR POLITIQUE
A. - EDOUARD PORTALIS
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Sur leur demande, tous nos nou-
veaux abonnés et lecteurs recevront
ce qui a paru du roman dont nous
venons de commencer la publication :
DEUX AMOURS, par Pierre Maël.
Œpresjaïps
L'Eglise catholique, à ne la consi-
dérer que comme une puissance poli-
tique, possède une qualité éminente.
Elle est profondément pénétrée de la
nécessité d'une action continue, inces-
sante, sur les esprits.
La foi qui n'agit point est-ce une foi sincère?
La sienne agit, sans se lasser, sans
se rebuter, dans toutes les directions,
par tous les moyens, sous toutes les
formes. Elle se mêle le plus qu'elle
peut à la vie des hommes. Elle s'asso-
cie à leurs joies, à leurs tristesses, à
leurs peines, à leurs plaisirs.
Il faut reconnaître du reste qu'elle
est admirablement organisée pour
cette tâche. Il n'y a point d'assqcia-
; tion constituée si solidement, qui ait,
comme elle, des représentants par-
tout. Une hiérarchie étroite les unit.
Qui de nous, à certaines heures de
notre histoire contemporaine, ne s'est
rappelé, en voyant évoluer les milices
sacrées dans un ordre si parfait et
sous une si rigoureuse discipline, le
mot fameux du cardinal de Bonne-
chose, archevêque de Rouen, au Sé-
nat de l'empire : « Mon clergé est un
régiment. Quand je parle, il obéit. »
A cette armée, quels bataillons op-
poserons-nous ?
Les bons citoyens qui veulent pour
leur part travailler à l'œuvre de la
civilisation et du progrès humain ne
peuvent compter pour les aider sur
aucune force qui, même de loin, vaille
belle-là. Ils n'ont rien à attendre que
de leurs propres ressources. Ce n'est
point d'ordonner pour eux qu'il s'a-
git, mais de convaincre. Heureux s'ils
ne se heurtent qu'à l'indifférence, si
- l'hostilité sotte ou méchante d'igno-
rants ou d'envieux ne travaille pas à
leur rendre leur besogne impossi-
ble.
Eh bien I tant d'obstacles n'ont
point par bonheur découragé tous les
dévouements. L'initiative républi-
caine ne se lasse pas. C'est un devoir
et un bonheur pour nous de saluer
ses efforts, de leur donner la publi-
cité qui appelle autour des œuvres
naissantes les sympathies et les con-
cours qui leur apporteront force et
yie.
'-"- Voici, dans un seul arrondissement
de Paris, en quelques semaines, deux
créations nouvelles, inspirées du mê-
me souffle, poursuivant le même but,
qui plantent leur drapeau.
La première a pour titre : le Cercle
populaire des amis de l'enseignement
laïque; son siège est 13% rue de Cha-
renton. Ainsi que le nom l'indique, les
fondateurs ont pour ambition princi-
pale d'être les auxiliaires de la grande
œu vre d'éducation et d'instruction ci-
viques dont l'école nationale est le
théâtre. Ils veulent « soutenir l'insti-
tuteur laïque dans sa mission d'édu-
cateur de la jeunesse française Y.,, et
encore ci encourager, à l'aide de sub-
ventions et de récompenses, toutes les
ceuvres pouvant contribuer à l'éduca-
tion civique des nouvelles générations
en leur inspirant l'amour du bien, du
beau et du juste, et l'usage raisonné
de leurs droits et de leurs devoirs so-
ciaux. "Y
Vous - êtes sans doute frappés, com-
me je l'ai été, du souci particulier qui
s'af firme dans ces passages de l'édu-
cation. La préoccupation est légitime.
Elle s'impose à tous les observateurs
qui ont examiné d'un œil attentif la
situation de notre enseignement laï-
que.
Pourquoi le céler ? S'il est une
question qui mérite de fixer l'atten-
tion de tous les citoyens soucieux des
r destinées du pays, c'est bien celle-là.
D emandez-le aux insti tuteurs eux-mê-
mes, qui ont conscience de la gran-
deur et des diftlcùltés de leur tâche :
ils ne feront pas difficulté d'avouer
- que l'éducation n'est pas, tant s'en
faut, à la hauteur de l'instruction
dans nos écoles publiques.
Un instituteur du douzième arron-
dissement signale en ces termes la la-
cune que son expérience personnelle
lui a permis de constater dans notre
système d'enseignement : a L'enfant,
'écrit-il dans un intéressant travail
qu'il m'a fait l'honneur de me com-
muniquer, sort de l'école primaire à
douze ou treize ans. Il en emporte un
petit bagage de connaissances utiles
que la lecture et les études ultérieures
peuvent augmenter. Mais si l'adoles-
cent est abandonné à lui-même, aura-
t-il la force de cultiver le bon grain
qu'il a reçu à l'école ?
La réponse n'est, hélas! que trop
souvent négative. Sans doute, il existe
des écoles professionnelles, des cours
d'apprentissage. Leur élève y reçoit
un enseignement technique. Mais qui
poursuivra l'œuvre ébauchée sur les
bancs de l'école, qui travaillera à dé-
velopper chez ce jeune homme les
bons et nobles sentiments, à l'écarter
des directions mauvaises?
N'y a-t-il pas là une œuvre de sa-
lut, de préservation sociale à entre-
prendre? Ce modeste instituteur l'a
pensé et il a eu raison. Il a assumé
l'initiative de fonder dans le dou-
zième arrondissement un cc patronage
laïque » destiné à prendre sous sa
protection les jeunes gens depuis leur
sortie de l'école jusqu'à leur appel
sous les drapeaux. C'est une belle et
bonne idée; elle mérite, elle obtien-
dra, j'en ai la confiance, un plein et
prompt succès.
A. Millerand
Le XIXo SIÈCLE publiera demain la
a Vie de Paris a, par Henry Fouquier.
LE CAPITAINE JOUBERT
(DB NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Alger, S2 avril.
On avait perdu les traces du capitaine
Joubert, qui commande, au lac Tanganika,
les postes anti-esclavagistes belges. Le car-
dinal Lavigerie vient de recevoir de ses
nouvelles.
Il raconte dans une longue lettre les diffi-
cultés et les dangers qu'il a eu à supporter.
Le pays, assure-t-il, est constamment mis
à sac par des bandes de trafiquants et de
vagabonds.
Plusieurs soldats et lui-même ont été
blessés.
Pour remédier à cette situation critique,
le cardinal vient d'expédier des troupes
fournies par la Société anti-esclavagiste
belge, qui partiront pour l'Afrique équato-
riale avec une nouvelle caravane de mis-
sionnaires.
C'est le lieutenant belge Jacques qui est
le chef de l'expédition anti-esclavagiste.
qui se porte au secours de Joubert.
Il s'embarque avec son escorte le S8 de ce
mois à Hambourg. Il emporte avec lui de
nombreuses armes et des munitions. A
Zanzibar, il trouvera prêts 5200 hommes et
leurs charges et se. dirigera par Tabora
vers le lac Tanganika, sur les bords du-
quel il s'établira. Il occupera Mtowa, après
avoir ravitaillé d'armes et de munitions
Mpala, le poste du capitaine Joubert; il lui
servira dé point d'appui, comme le fera, de
son côté, M. Hinck, déjà établi sur la Lo-
mami.
Le cardinal Lavigerfe, qui est encore à
Biskra, est assez souffrant et ne quittera
ce poste que lorsque les médecins lui per-
mettront d'entreprendre le voyage.
LE CONGRÈS DES NOTAIRES
(DB NOTRE CORRESrONDANT PARTICULIER)
Grenoble, 22 avril.
Voici le programme du congrès des no-
taires qui se réunira à Grenoble le. 10 juin
prochain : -
lo Organisation du congrès, statuts, bud-
get. 2° Voies et moyens à prendre pour ob-
tenir l'intérêt des avances. 3° Réclamation
d'un tarif par arrondissement, obligatoire
pour les parties, le notaire et le juge taxa-
teur. hO Proposition d'émettre un vote con-
tre l'établissement d'un tarif unique. 5° Pro-
position ayant pour but de rendre la taxe
excessivement rare (complément du tarif
obligatoire). 6° Echange de vues sur les dé-
crets. 7° Questions diverses (sous cette ru-
brique viennent se placer toutes les pro-
positions émanant de l'initiative indivi-
duelle avant ou pendant le congrès). 80 No-
riiination d'un bureau permanent et fixa-
tion de son siège définitif. 9° Fixation de la
date et de la ville où se tiendra le congrès
en 1892. 10° Clôture et banquet.
Si le temps le permet, des excursions se-
ront organisées dans les endroits les plus
intéressants des environs.
M. DE GIERS
M. de Giers, premiers secrétaire de l'ambas-
sade de Russie, a quitté hier soir Paris, se
rendant en congé à Saint-Pétersbourg, auprès
de son père, M. de Giers, ministre des affaires
étrangères de Russie. Par le même train est
parti Mme de Kotzebue, femme de M. Ernest
de Kotzebue, conseiller d'ambassade de Rus-
sie, pour se rendre à son château de Kyvna,
en Estonie.
BANQUET LANESSAN
Des amis personnels de M. de Lanessan
et un certain nombre d'électeurs du cin-
quième arrondissement ont pris l'initiative
de l'organisation d'un banquet qui serait
offert avant son départ au nouveau gou-
verneur général de l'Indo-Chine.
Nous nous associons de tout cœur à cette
manifestation amicale, et nous ferons par-
venir aux initiateurs les adhésions que
nous recevrons.
L'élection du cinquième
Il est inexact que le comité républicain
démocratique de la deuxième circonscrip-
tion du cinquième arrondissement ait
choisi un candidat en remplacement de M.
de Lanessan. Ce serait aller un peu vite en
besogne. Il est vrai que des électeurs ap-
partenant à toutes les nuances de l'opinion
républicaine ont l'intention de présenter la
candidature de M. Sigismond Lacroix, mais
le comité de M. de Lanessan, avant de
prendre une décision et d'offrir la candida-
ture à qui que ce soit, attendra que lecture
de la lettre de démission de M. de Lanessan
ait été donnée à la Chambre.
LA TENTATIVE D'ASSASSINAT
DE M. DE SESSEVAL
Buda-Pesth, 22 avril. — L'individu arrêté a
Bokszeg a avoué que lui et un autre berger,
Moïse Zurkany, avaient été soudoyés par le
greffier du village, nommé Charles Bognar,
pour assassiner M. de Sesseval.
MORT D'ÉLIAS GARCIA
Lisbonne, 22 avril. - M. Elias Garcia, chef
du parti républicain, grand-maître de la
franc-maçonnerie Dortuiaise, est mort ce ma-
tin.
UNE
CELEBRE IMPRIMERIE
qui DISPARAIT
LA MAISON DUBUISSON
La fin d'une imprimerie. — De 1844 à
1891. — Les clients de la mai-
son Dubuisson. — Quel-
ques souvenirs.
Une des plus vieilles imprimeries de
Paris, une des plus célèbres, va disparaître
prochainement. La maison Dubuisson, qui
dans son antique carcasse a vu éclore tant
de journaux aujourd'hui disparus ou flo-
rissants, n'existera bientôt plus : une com-
plication de liquidateurs et d'actionnaires
a abouti à la vente de l'immeuble de la rue
Coq-Héron. Un grand éditeur parisien a
acquis le bâtiment et le matériel ; un im-
primeur a acheté les quelques clients que
l'ancienne imprimerie desservait encore, et
il est probable qu'une banale et froide
construction moderne va remplacer, sur le
terrain qu'elle occupe, l'imprimerie si pit-
toresque dans sa vétusté. -. ,
L'imprimerie Dubuisson est surtout célè-
bre par l'incessant va-et-vient qu'établirent
dans ses bureaux les littérateurs et les hom-
mes politiques du milieu de ce siècle.
Pendant quarante ans, ce fut chez Du-
buisson un continuel passage de person-
nalités curieuses; tous les journaux qui se
fondaient, et il y en avait pendant ces pé-
riodes tourmentées, c'était Dubuisson qui
les imprimait.
Dans le bureau de son prote, M. Grede-
lue, un parent du célèbre maitre de danse,
et devant le guichet grillagé du caissier de
la maison, M. Pallet, une aimable physio-
nomie du bon vieux temps, depuis trente-
quatre ans dans la maison, il a passé tant
de monde, et tant de monde intéressant,
qu'il nous a semblé instructif de remuer
un peu les vieilles paperasses de l'impri-
merie qui va disparaître avant qu'elles
n'aillent au pilon.
L'imprimerie Dubuisson fut établie en
18hh par un M. Boulé, esprit très ouvert,
très entreprenant, qui, au risque de se voir
supprimer le privilège, alors nécessaire aux
imprimeurs, donna d'emblée l'asile de ses
presses à tous ceux qui à ce moment écri-
vaient contre la monarchie.
Il s'ensuivit que lorsque la révolution de
ISHS éclata, avant qu'elle n'eût triomphée,
les troupes du gouvernement prirent une
première fois possession de l'imprimerie
où se confectionnaient les appels à la ré-
volte et y mirent tout à sac.
Boulé reconstitua son matériel; mais en
1851, au coup d'Etat, l'imprimerie reprenait
si bien son allure frondeuse, que les sol-
dats de Louis-Napoléon Bonaparte y firent
une nouvelle invasion, et, par ordre, pro-
cédèrent à la destruction de toutes les pres-
ses.
M. de Villemessant et ses journaux
Avant cela, un journaliste qui était
devenu un des gros clients de la maison,
Villemessant, avait déjà fondé chez Du-
buisson deux journaux qui n'eurent qu'une
durée éphémère : le Lampion, avec Ed. de
Galonné, et la Chronique de Paris. Le coup
d'Etat passé, Villemessant fonda un premier
Figaro hebdomadaire, le Figaro-Pro-
gramme, puis la Gazette rose, puis le Ma-
gazine. Tout cela fut supprimé par l'auto-
rité, ou tué par le manque de lecteurs.
En 1856, Dubuisson, qui avait repris les
affaires de Boulé, décédé, imprima un jour-
nal, le Gourmet, fondé par Charles Mon-
selet. C'est lui aussi qui tira pour Charles
Baudelaire quelques-uns de ces opuscules
devenus rarissimes, les Salons de l'auteur
des Fleurs du mal. Mais Villemessant, qui
tenait à son idée du Figaro, était l'homme
autour duquel, dans la maison, gravitaient
tous les débutants littérateurs du moment.
En 1861, il réunit le Paris-Magazine, l'E-
vénement à 10 centimes et le Figaro bi-
hebdomadaire en seul Figaro quotidien,
qui, depuis, est devenu et est resté le jour-
nal que l'on sait.
Les bureaux du Figaro étaient, à cette
époque, situés au deuxième étage, dans
un vaste appartement donnant sur la rue
Coq-Héron.
Nous citerons pour mémoire,comme ayant
été faits chez Dubuisson, de 1856 à 1870,
quelques journaux aujourd'hui disparus et
dont le titre, repris plus tard, - s'étale encore
dans les kiosques.
Vermorel y fonda un Courrier français
çt une Jeune France; Lavoisier, une France
et un Gaulois; de Calônne, une Revue con-
temporaine; Auguste Vitu, une Finance; M.
Christophle, le directeur actuel du Crédit
foncier, l'Audience" journal du Palais; une
foncier, libre y fut fondée par Màlespine.
Presse
Nous allions oublier de dire que c'est chez
Dubuisson aussi que fut créé 1Q Mousquetaire,
le journal d'Alexandre Dumas, et la Clocfte,
de Louis Ulbach, où Emile Zola fit ses dé-
buts dans la littérature. Trois ou quatre
Nain jaune et le Diable à quatre, de Ville-
messant, s'imprimèrent également rue
Coq-Héron. La « Lanterne .»
La tt Lanterne D
Quand, en mai 1868, l'empire pria M. de
Villemessant de renoncer à la collaboration
d'Henri Rochefort, chroniqueur du Figaro,
ou de renoncer à publier son journal, Ro-
chefort sortit des bureaux du Figaro, tra-
versa le carré, entra dans le bureau de
l'imprimerie, et, dans un petit réduit situé
derrière la caisse, écrivit le premier numé-
ro de la Lanterne, qui parut le 1er juin 1868.
Les livres de la maison constatent que ce
premier numéro fut tiré à 100,000 exem-
plaires. Le bénéfice net qu'on réalisa sur
la vente fut de 120,000 francs.
Rochefort, à ce moment, n'était pas seul
propriétaire de son pamphlet, et, détail
assez piquant, de Villemessant était l'un de
ses associés. L'autre était M. Auguste Du-
mont, directeur de l'imprimerie Dubuis-
son. Chacun des deux associés de Roche-
fort touchait un quart des bénéfices ; les
deux quarts restants formaient le salaire
du pamphlétaire. L'imprimerie Dubuisson
tira onze numéros de la Lanterne, le on-
zième se vendit à 110,000 exemplaires envi-
ron.
Le 13 août, jour de l'apparition de ce nu-
méro, qui valut à Rochefort une condam-
nation à un au de prison et à 10,000 francs
d'amende, M. Marseille, commissaire de po-
lice du quartier, se présenta à l'imprime-
rie pour saisir tout le tirage du numéro.
On eut le temps d'enfouir les Lanterne dans
de vastes sacs qu'on cacha dans les caves,
pour ne les en faire sortir que quand le
commissaire eut le dos.tourné,
On sait que le numéro le de la Lanterne
fut imprimé à Bruxelles, où Rochefort s'é-
tait réfugié.
Après la guerre
Pendant la Commune, Vallès installa chez
Dubuisson les bureaux du Cri du Peuple
qu'il venait de fonder; Félix Pyat et Deli-
mal y créèrent le Combat; puis Delitnal,
s'étant séparé de son collaborateur, fonda
dans la même imprimerie la Commune, un
journal dans lequel certains actes du gou-
vernement de la Commune furent si verte-
ment critiqués, que Delimal fut arrêté.
En même temps, pendant deux jours, les
gardes nationaux se mirent à la recherche
de M. Dubuisson, caché dans un des mille
recoins de la vieille imprimerie et auquel
on reprochait d'avoir imprimé le journal
de Delimal. On cessa de l'inquiéter après
un sauf-conduit que lui délivra Raoul Ri-
gault, sur la demande de M. Pallet, le gé-
rant de l'imprimerie. Guerre et Commune
passées, l'imprimerie Dubuisson cessa tout
passées, d'être l'imprimerie de presque tous
à coup
les hommes politiques de Paris; des con-
currents s'étaient levés, des imprimeurs
s'installaient un peu partout ; la rue Coq-
Héron semblait trop éloignée du boule-
vard, on la délaissa.
Dans les vingt dernières années, elle a
pourtant encore donné le jour au Matin,
que fonda en 1873 M. Gragnon, l'ancien
préfet de police, à la Lanterne actuelle, à la
Nouvelle presse, de M. Granet, au Gil Blas,
à VEtoile, fondée par M. Jean Albiot, au
Parti national, au New-York Herald de Pa-
ris et à l'Action, de l'ancien député Miche-
lin.
M. GOBLET AUX ÉLECTEURS
Profession de foi d'un candidat.
M. René Goblet adresse la circulaire suivante
aux électeurs sénatoriaux de la Seine :
Lors du (dernier renouvellement sénato-
rial, un grand nombre de délégués du dé-
partement de la Seine avaient bien voulu
m'offrir d'être leur candidat. Je n'ai pas
accepté, ne voulant pas engager de compé-
tition personnelle avec les républicains
autorisés dont la candidature était déjà
posée.
Aujourd'hui la situation n'étant pas la
même, puisqu'il s'agit de pourvoir à un
nouveau siège échu au département, je
n'hésite plus à me présenter à vos suffra-
ges et à vous demander de me rouvrir l'ac-
cès du Parlement.
La lutte électorale que j'ai soutenue au
mois de janvier de l'année dernière dans
l'arrondissement de Sceaux m'a permis de
m'éclairer complètement sur les intérêts de
la banlieue et sur les principales questions
qui la préoccupent si justement, qu'il s'a-
gisse des services de la police et de l'Assis-
tance publique, du développement si né-
cessaire de ses moyens de communication,
ou de la suppression de la zone militaire.
Sur la question qui prime toutes les au-
tres, celle de la séparation du conseil gé-
néral de la Seine avec le conseil municipal
de Paris, vous me permettrez de rappeler
que j'avais pris parti dès 1887, en soutenant
devant le Sénat, comme président du con-
seil et ministre de l'intérieur, le projet de
séparation voté par la Chambre. Je me suis
toujours prononcé," vous le savez, pour l'ex-
tension des franchises départementales et
municipales, et je reste d'avis que l'aug-
mentation proposée du nombre des can-
tons suburbains, si elle peut être considé-
rée comme une première satisfaction, n'en
laisse pas moins subsister la nécessité de
faire représenter par des assemblées diffé-
rentes les intérêts, non pas contraires, mais
distincts, de la ville et du département.
Mais, au-dessus des questions locales, si
dignes d'attention d'ailleurs, se posent né-
cessairement des questions d'intérêt géné-
ral sur lesquelles je vous dois également
l'expression éincère de mes opin ions.
La première, et si l'on peut dire la plus
actuelle, est celle qui concerne notre ré-
gime économique et la nouvelle fixation de
nos tarifs douaniers. Tout en reconnaissant
que la France a dû reprendre à cet égard
sa liberté d'action, afin de défendre, dans
la mesure nécessaire, l'agriculture et l'in-
dustrie nationale, je repousse des droits
excessifs qui auraient pour effet de renché-
rir l'alimentation publique et de ruiner nos
industries d'exportation en même temps
qu'ils compromettraient gravement nos re-
lations avec toutes les nations étran-
gères.
Au point de vue politique, mes sentiments
vous sont connus ; je n'en ai pas changé. Il
me paraît inutile de rappeler ici la part
que j'ai pu prendre à diverses reprises au
gouvernement du pays et, d'une façon plus
générale, à l'œuvre républicaine des vingt
dernières années. Loin de rien répudier de
cette œuvre, j'estime qu'il convient de la
poursuivre et de la compléter.
Sans doute, la République, incontestée
aujourd'hui, peut désarmer vis-à-vis des
partisans des régimes antérieurs définitive-
ment revenus de leurs espérances chimé-
riques, comme envers la partie du clergé
qui reconnaît enfin que l'hostilité persis-
tante contre le gouvernement voulu par
l'immense majorité du pays n'est pas moins
contraire aux intérêts religieux qu'à l'inté-
rêt de la patrie. Mais si la République ouvre
libéralement ses portes aux nouveaux con-
vertis, ce n'est pas pour qu'ils prétendent
lui dicter des lois. De même qu'elle n'a pas
de conditions à leur imposer, elle n'a point
à leur faire de concessions sur ses prin-
cipes. Au contraire, elle doit travailler sans
relâche, dans la mesure où les circonstances
le permettent,aà en réaliser l'entière appli-
cation.
A mes yeux, le principal devoir de la Ré-
publique à cette heure est de s'efforcer de
résoudre les questions depuis si longtemps
pendantes d'où dépend l'amélioration du
sort du peuple, toujours sacrifié et déshé-
rité sous les autres gouvernements. Ré-
forme de l'impôt, organisation de l'assis-
tance, conditions nouvelles du travail, ces
graves problèmes s'imposent d'une façon
plus pressante que jamais à l'attention du
législateur.
Il est temps de leur donner une solution.
Non seulement la justice le commande;
c'est aussi le seul moyen de lutter contre
l'influence redoutable que l'internationa-
lisme menace de reprendre sur le monde
ouvrier.
Je sais que pour cette tâche, qui reste à ac-
complir, l'impulsion doit venir du gouver-
nement et de la Chambre. 11 importe ce-
pendant qu'avec les pouvoirs que la Cons-
titution actuelle lui donne, le Sénat ne soit
pas un obstacle. Si vous croyez devoir m'y
envoyer, j'y resterai ce que j'ai toujours
été, l'adversaire déterminé de toute poli-
tique réactionnaire ou cléricale, et, à
l'exemple de l'intègre et fidèle républicain
dont je m'honorerai d'occuper le siège,j'ap-
puierai résolument toutes les mesures ins-
pirées par l'esprit de liberté, de réforme et
dj progrès démocratique.
René GOBLET,
Avocat à la cour d'appel,
ancien président du
conseil des ministres-
LES MÉFAITS
DU « PETIT JOURNAL »
IL NE RÉPOND PAS
Le jugement Marinoni et le casier
Morel. — Un comptoir imaginaire.
— Le coup des 20 francs.
Pourquoi le Petit Journal ne répond-il
pas au XIXe Siècle ? Comment ne voit-il pas
que ce mutisme lui cause dans l'opinion
un tort incalculable et probablement irré-
parable ?
Un grand nombre de lecteurs continuent
à nous supplier de leur expliquer ce mys-
tère.
L'explication, nous l'avons déjà donnée.
Elle est d'une parfaite simplicité. Le Petit
Journal ne répond rien parce qu'il ne peut
rien répondre.
Nous avons dit que chacune des annon-
ces du Petit Journal était une filouterie di-
rigée le plus souvent contre les petits et les
humbles.
Nous l'avons démontré.
Nous avons dit que la plupart des arti-
cles de Thomas Grimm, de Jean-sans-Terre
et autres cachaient des pièges tendus à
l'épargne populaire et à la crédulité pu-
blique.
Nous l'avons démontré.
Nous avons dit que M. Marinoni profitait
de sa situation de directeur et de rédacteur
en chef du Petit Journal pour se faire donner
annuellement, comme imprimeur, sous le
nom de son gendre, M. Cassigneul, un pot-
de-vin de 1, M)0,000 francs.
Nous l'avons prouvé par des chiffres offi-
ciels et incontestés.
Nous avons dit que le directeur du Peiit
Journal était grand amateur de pots-de-vin
et, à l'appui de cette opinion, nous avons
cité un jugement du tribunal de la Seine
qui contient ces deux considérants dont
l'imprimeur-directeur du Petit Pickpocket
aime, dit-on, à se glorifier comme de véri-
tables lettres de noblesse :
«Attendu, dit le jugement dont il s'agit,
que le défendeur (Marinoni) reconnaît
avoir reçu une somme de 40,000 francs,
dont moitié en espèces et moitié réglée
en billets, A TITRE DE POT-DE-VIN,
pour avoir usé de son influence à l'effet
d'amener la conclusion du traité d'an-
nonces. et une remise de 5 0/0 sur le
montant des caractères fournis par un
sieur René ;
» Attendu que le fait reproché à Mari-
noni, tout blâmable qu'il est, etc.
Nous avons dit que M. Marinoni choisis-
sait non seulement les clients de sa qua-
trième page, mais ses. collaborateurs les
plus dévoués et les plus actifs parmi les
pires repris.de justice, et à l'ap-pui de cette
j affirmation nous avons cité le casier judi-
ciaire des deux frères Morel, qui écrivent
dans le Petit Journal, tantôt sous un pseu-
donyme, tantôt sous un autre.
Comme on aime toujours savoir à qui on
a affaire, les lecteurs du Peiit Journal nous
sauront gré de publier à nouveau ce docu-
ment vraiment suggestif ;
- - CLAUDIUS-MARIUS MOREL
Prion.
1 mois. Paris-Cour 1" mars 1866. Escroquerie.
2 ans. - 20 juin 1866. Abus de confiance.
3 mois. - 23 février 1872. Escroquer", outrages
2 ans. - 6 mai 1873. Banqueroute simple.
2 ans. - 4 avril 1884 Escroquerie, défaut.
6 mois. - 12septemb.1884 Diffamation.
2 mois. - — Diffamation.
2 mois. - — Diffamation.
2 ans. - 10 octobre 1884. Extorsion de fonds.
2 ans. - 20 novemb.188i. Outrages aux mœurs.
3 mois. - 22 janvier 1885. Outrages aux moeurs.
2 mois. Orléans 25 mai 1885. Outrages aux mœurs.
8 mois. Paris-Cour 11 juin 1886 Abus de confiance.
6 mois. — 8 avril 1888. Outrages aux mœurs
Tels sont les braves gens que M. Marino-
ni choisit pour jouer dans le Petit Pick-
pocket le rôle d'éducateurs du peuple.
Que voulez-vous que réponde à cela le di-
recteur du Petit Journal ? Il ne peut pas
dire : Non les frères Morel ne sont pas mes
collaborateurs.-Il ne peut pas dire : Non,je
n'aime pas les pots-de-vin. -il ne peut pas
dire : Non, les clients de ma quatrième
page sont tous d'honnêtes commerçants.
Gare aux escrocs !
Sous ce titre, un de nos confrères de
Nancy, l'Est républicain, raconte ce qui
suit :
« A la suite d'une annonce alléchante pa-
rue dans le Petit Journal, une Nancéienne,
Mme X., avait prié le bureau d'annonces
de cette feuille de lui donner l'adresse de
la maison demandant « dépositaire sérieux
dans chaque ville de province. »
» Quatre jours après, elle recevait de Paris
la lettre suivante ;
COMPTOIR
,DEi
NOUVEAUTES PARISIENNES
Paris, 26mars 1891.
PARIS
Madame,
En notre possession votre lettre du 23 cou-
rant, adressée au Petit Journal.
Nous sommes chargés par une importante
maison anglaise, fabriquant tous objets de
fantaisie et de luxe, articles de fantaisie, tels
que : articles de fantaisie en bois d'olivier,
chêne, noyer, ébène, coffrets, boîtes à bijoux,
nécessaires, boîtes à gants et à mouchoirs,
porte-montres, papeteries, cassettes, plateaux,
guéridons, étageres, tables à jeux, bibliothè-
ques, cadres à photographies, articles divers
en bois de Spa, etc., etc., de créer des dépôts
à Paris et en province.
Si vous croyez pouvoir tenir un dépôt de ce
genre dans votre ville, veuillez nous adresser
vos références que nous transmettrons à la
maison.
Les conditions au début seront de 1.800 fr.
plus un intérêt sur les affaires, tous frais
d'installation et de loyer à la charge de la
maison anglaise.
Vous aurez à joindre à vos références la
somme de vingt francs pour frais de rensei-
gnements et de correspondance incombant a
votre demande.
Nous comptons créer ces dépôts dans un
délai de deux mois, et si, pour un motif quel-
conque, le dépôt que vous sollicitez ne vous
était pas attribué, le montant des frais vous
serait remboursé.
Agréez, madame, nos civilités,
(Suit la signature.)
"Une « importante maison » qui offre une
installation gratuite,de bons appointements,
un intérêt sur les affaires — et qui com-
mence par réclamer vingt francs pour frais
de renseignements et de correspondance.
hum' c'est terriblement louche. Aussi
notre concitoyenne répondit-elle judicieu-
ment et crânement :
« Nancy, U avril.
* Monsieur,
» J'ai reçu votre lettre en date du 56 mars ;
certainement je puis tenir un dépôt dans le
[ genre que vous m'indiquez. Mais pemettet.
moi de vous le dire, votre demande d'argent
m'a fait rêver et sourire.
» Comment, monsieur, une maison anglaisa
(dont vous me laissez ignorer le -nom) veut
installer des dépôts, frais à sa charge, et ella
omet ceux de renseignements! C'est bizarre.
Encore si, vous ne demandiez l'argent qu'après
con.clusion, je vous comprendrais, et j'accep-
terais; mais avant, oh non 1 D'ailleurs, pour
ces sortes d'affaires, il me semble que ce n'est
pas à moi à vous donner mes références.
» C'est à un notaire ou à un huissier que
vous devez vous adresser; ils vous les donne-
ront à peu de frais et a ma charge s'il la
faut.
» Agréez, etc.
» Colère de la louche agence parisienne,
qui réplique :
COMPTOIR
des
NOUVEAUTÉS PARISIENNES
PARIS
«Paris, 7 avril 1891.
» Madame,
» Votre lettre étant dépourvue de bons sens
(sic), et ne tenant pas à entrer en relations
avec des personnes gardant l'anonyme, nous
considérons votre demande comme nulle.
» Agréez nos salutations. »
(Suit la signature.)
» Sur quoi la dame riposte :
Nancy, 10 avril.
Lors de ma première lettre, je me doutais
bien que j'allais à une déception, sachant que
la plupart des annonces du Petit Journal ne sont
que des filouteries.
Cependant je voulais croire que, parmi un
troupeau de brebis galeuses, il pourrait s'en
trouver une bonne.
A vous je faisais cet honneur, ne pensant
guère qu'un Français serait assez lâche pour
insulter une femme.
Je me félicite d'avoir su épargner à mon non*
le contact d'un goujat tel que vous.
(Sait la signature).
L'Est républicain ajoute que le prétendu
« Comptoir des nouveautés parisiennes" M
figure pas sur le Bottin.
Naturellement !
Beware of pickpockets !
(La suite à demain)..
L'ÉGLISOPHONE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER}.
Rome, 22 avril.
Un inventeur belge vient de présenter au
pape un instrument fort ingénieux, au
moyen duquel il pourra entendre de sa
chambre les discours et les chants de pres-
que toutes les églises de Rome et les dis-
cours du Parlement italien. -
Le but de l'inventeur est d'obtenir un
bref du pape recommandant son invention
pour les malades retenus à domicile. Par
ce moyen, ils pourraient, sans quitter la
lit, suivre les exercices et entendre les ser-
mons du prédicateur de la paroisse.
Cet instrument perfectionné ressembla
un peu à ceux installés pour les théâtres,
avec cette différence que l'on peut échan-
ger une conversation.
Ceci a été fait pour permettre aux ma
lades de se confesser de leur lit sans dérart.
ger le confesseur du confessionnal.
On se demande à Rome si la confession
peut être envoyée par téléphone.
L'EXPULSION D'UNE REINE
Belgrade, 22 avril. — La reine Nathalie per-
siste dans son refus de quitter volontairement
la Serbie. Elle déclare qu'aucun gendarme
serbe ne voudrait porter la main sur elle. D&
'son côté, la régence est décidée à faire exécu-
ter le vote de la Skouptchina, même en usant
de contrainte, s'il fallait en arriver à cette ex-
trémité.
CHRONIQUE
C'était il y a quelques jours au tribu-
nal de police correctionnelle de Châlons-
sur-Marne. On amène devant les juges un
pauvre diable, pris en flagrant délit de
vagabondage et de mendicité. Ce n'était
pas la première fois qu'il paraissait de.
vant eux. Demander l'aumône était pour
lui un délit d'habitude.
Le président, qui le connaissait bien
d'ailleurs, lui demanda, par respect pour
la forme, ses nom et prénoms. Il s'appelle
Leblond (Victor-Auguste).
— Quelle est votre profession? reprend
le président.
— Fabricant de muselières pour la
magistrature.
Le président ne s'attendait pas à celle-
là ; il croit avoir mal entendu :
- Vous dites? demanda-t-il. Répétez
ce propos.
Le vagabond se redresse, et, d'un air
digne :
— Je ne suis pas avocat, pour répéter
deux fois la même chose.
— Fort bien ! dit le président.
Et, sans hésiter, il prononce contre le
mauvais plaisant une double condamna-
tion : quinze jours d'emprisonnement
pour mendicité ; trois ans de -prison pour
outrage à la magistrature.
Trois ans de prison, avouez tout de
même que c'est un peu cher. Le mot n'é-
tait pas des plus polis; la raillerie
était de mauvais goût, d'accord ; mais il
faut dire aussi que l'homme n'avait reçu
sans doute qu'une éducation fort som-
maire, et que l'on n'apprend pas la cour-
toisie du langage à courir les grands che-
mins, une besace au clos.
Il me semble même que le président du
tribunal de police correctionnelle de Ghâ-
lons-sur-Marne aurait dû savoir gré à ce
malandrin du tour quelque peu littéraire
qu'il avait essayé de donner à son injure.
Un autre aurait dit tout simplement aux
magistrats : « Vous êtes des muffles ! »
C'était la même idée, mais sans vdïles,
dans le costume indécent de la Vérité. Il
avait dit avec plus d'élégance et un atti-
cisme relatif : « Je suis fabricant de mu-
selières pour la magistrature ». Et je
trouve même assez drôle la réplique qu'il
avait opposée à l'invitation du juge :
— Je ne suis pas avocat, pour répéter
deux fois la même chose.
Ce trait d'esprit marquait chez ce va-
gabond un goût assez rare d'observation.
Il avait déjà été sans doute plusieurs fois
défendu d'office. Il avait remarqué que
jamais les avocats ne parlent plus abon-
damment que lorsqu'ils n'ont rien à dire;
et crue lorsau'ils ont jûai un dvelonn
LE XIX* SIECLE
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venons de commencer la publication :
DEUX AMOURS, par Pierre Maël.
Œpresjaïps
L'Eglise catholique, à ne la consi-
dérer que comme une puissance poli-
tique, possède une qualité éminente.
Elle est profondément pénétrée de la
nécessité d'une action continue, inces-
sante, sur les esprits.
La foi qui n'agit point est-ce une foi sincère?
La sienne agit, sans se lasser, sans
se rebuter, dans toutes les directions,
par tous les moyens, sous toutes les
formes. Elle se mêle le plus qu'elle
peut à la vie des hommes. Elle s'asso-
cie à leurs joies, à leurs tristesses, à
leurs peines, à leurs plaisirs.
Il faut reconnaître du reste qu'elle
est admirablement organisée pour
cette tâche. Il n'y a point d'assqcia-
; tion constituée si solidement, qui ait,
comme elle, des représentants par-
tout. Une hiérarchie étroite les unit.
Qui de nous, à certaines heures de
notre histoire contemporaine, ne s'est
rappelé, en voyant évoluer les milices
sacrées dans un ordre si parfait et
sous une si rigoureuse discipline, le
mot fameux du cardinal de Bonne-
chose, archevêque de Rouen, au Sé-
nat de l'empire : « Mon clergé est un
régiment. Quand je parle, il obéit. »
A cette armée, quels bataillons op-
poserons-nous ?
Les bons citoyens qui veulent pour
leur part travailler à l'œuvre de la
civilisation et du progrès humain ne
peuvent compter pour les aider sur
aucune force qui, même de loin, vaille
belle-là. Ils n'ont rien à attendre que
de leurs propres ressources. Ce n'est
point d'ordonner pour eux qu'il s'a-
git, mais de convaincre. Heureux s'ils
ne se heurtent qu'à l'indifférence, si
- l'hostilité sotte ou méchante d'igno-
rants ou d'envieux ne travaille pas à
leur rendre leur besogne impossi-
ble.
Eh bien I tant d'obstacles n'ont
point par bonheur découragé tous les
dévouements. L'initiative républi-
caine ne se lasse pas. C'est un devoir
et un bonheur pour nous de saluer
ses efforts, de leur donner la publi-
cité qui appelle autour des œuvres
naissantes les sympathies et les con-
cours qui leur apporteront force et
yie.
'-"- Voici, dans un seul arrondissement
de Paris, en quelques semaines, deux
créations nouvelles, inspirées du mê-
me souffle, poursuivant le même but,
qui plantent leur drapeau.
La première a pour titre : le Cercle
populaire des amis de l'enseignement
laïque; son siège est 13% rue de Cha-
renton. Ainsi que le nom l'indique, les
fondateurs ont pour ambition princi-
pale d'être les auxiliaires de la grande
œu vre d'éducation et d'instruction ci-
viques dont l'école nationale est le
théâtre. Ils veulent « soutenir l'insti-
tuteur laïque dans sa mission d'édu-
cateur de la jeunesse française Y.,, et
encore ci encourager, à l'aide de sub-
ventions et de récompenses, toutes les
ceuvres pouvant contribuer à l'éduca-
tion civique des nouvelles générations
en leur inspirant l'amour du bien, du
beau et du juste, et l'usage raisonné
de leurs droits et de leurs devoirs so-
ciaux. "Y
Vous - êtes sans doute frappés, com-
me je l'ai été, du souci particulier qui
s'af firme dans ces passages de l'édu-
cation. La préoccupation est légitime.
Elle s'impose à tous les observateurs
qui ont examiné d'un œil attentif la
situation de notre enseignement laï-
que.
Pourquoi le céler ? S'il est une
question qui mérite de fixer l'atten-
tion de tous les citoyens soucieux des
r destinées du pays, c'est bien celle-là.
D emandez-le aux insti tuteurs eux-mê-
mes, qui ont conscience de la gran-
deur et des diftlcùltés de leur tâche :
ils ne feront pas difficulté d'avouer
- que l'éducation n'est pas, tant s'en
faut, à la hauteur de l'instruction
dans nos écoles publiques.
Un instituteur du douzième arron-
dissement signale en ces termes la la-
cune que son expérience personnelle
lui a permis de constater dans notre
système d'enseignement : a L'enfant,
'écrit-il dans un intéressant travail
qu'il m'a fait l'honneur de me com-
muniquer, sort de l'école primaire à
douze ou treize ans. Il en emporte un
petit bagage de connaissances utiles
que la lecture et les études ultérieures
peuvent augmenter. Mais si l'adoles-
cent est abandonné à lui-même, aura-
t-il la force de cultiver le bon grain
qu'il a reçu à l'école ?
La réponse n'est, hélas! que trop
souvent négative. Sans doute, il existe
des écoles professionnelles, des cours
d'apprentissage. Leur élève y reçoit
un enseignement technique. Mais qui
poursuivra l'œuvre ébauchée sur les
bancs de l'école, qui travaillera à dé-
velopper chez ce jeune homme les
bons et nobles sentiments, à l'écarter
des directions mauvaises?
N'y a-t-il pas là une œuvre de sa-
lut, de préservation sociale à entre-
prendre? Ce modeste instituteur l'a
pensé et il a eu raison. Il a assumé
l'initiative de fonder dans le dou-
zième arrondissement un cc patronage
laïque » destiné à prendre sous sa
protection les jeunes gens depuis leur
sortie de l'école jusqu'à leur appel
sous les drapeaux. C'est une belle et
bonne idée; elle mérite, elle obtien-
dra, j'en ai la confiance, un plein et
prompt succès.
A. Millerand
Le XIXo SIÈCLE publiera demain la
a Vie de Paris a, par Henry Fouquier.
LE CAPITAINE JOUBERT
(DB NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Alger, S2 avril.
On avait perdu les traces du capitaine
Joubert, qui commande, au lac Tanganika,
les postes anti-esclavagistes belges. Le car-
dinal Lavigerie vient de recevoir de ses
nouvelles.
Il raconte dans une longue lettre les diffi-
cultés et les dangers qu'il a eu à supporter.
Le pays, assure-t-il, est constamment mis
à sac par des bandes de trafiquants et de
vagabonds.
Plusieurs soldats et lui-même ont été
blessés.
Pour remédier à cette situation critique,
le cardinal vient d'expédier des troupes
fournies par la Société anti-esclavagiste
belge, qui partiront pour l'Afrique équato-
riale avec une nouvelle caravane de mis-
sionnaires.
C'est le lieutenant belge Jacques qui est
le chef de l'expédition anti-esclavagiste.
qui se porte au secours de Joubert.
Il s'embarque avec son escorte le S8 de ce
mois à Hambourg. Il emporte avec lui de
nombreuses armes et des munitions. A
Zanzibar, il trouvera prêts 5200 hommes et
leurs charges et se. dirigera par Tabora
vers le lac Tanganika, sur les bords du-
quel il s'établira. Il occupera Mtowa, après
avoir ravitaillé d'armes et de munitions
Mpala, le poste du capitaine Joubert; il lui
servira dé point d'appui, comme le fera, de
son côté, M. Hinck, déjà établi sur la Lo-
mami.
Le cardinal Lavigerfe, qui est encore à
Biskra, est assez souffrant et ne quittera
ce poste que lorsque les médecins lui per-
mettront d'entreprendre le voyage.
LE CONGRÈS DES NOTAIRES
(DB NOTRE CORRESrONDANT PARTICULIER)
Grenoble, 22 avril.
Voici le programme du congrès des no-
taires qui se réunira à Grenoble le. 10 juin
prochain : -
lo Organisation du congrès, statuts, bud-
get. 2° Voies et moyens à prendre pour ob-
tenir l'intérêt des avances. 3° Réclamation
d'un tarif par arrondissement, obligatoire
pour les parties, le notaire et le juge taxa-
teur. hO Proposition d'émettre un vote con-
tre l'établissement d'un tarif unique. 5° Pro-
position ayant pour but de rendre la taxe
excessivement rare (complément du tarif
obligatoire). 6° Echange de vues sur les dé-
crets. 7° Questions diverses (sous cette ru-
brique viennent se placer toutes les pro-
positions émanant de l'initiative indivi-
duelle avant ou pendant le congrès). 80 No-
riiination d'un bureau permanent et fixa-
tion de son siège définitif. 9° Fixation de la
date et de la ville où se tiendra le congrès
en 1892. 10° Clôture et banquet.
Si le temps le permet, des excursions se-
ront organisées dans les endroits les plus
intéressants des environs.
M. DE GIERS
M. de Giers, premiers secrétaire de l'ambas-
sade de Russie, a quitté hier soir Paris, se
rendant en congé à Saint-Pétersbourg, auprès
de son père, M. de Giers, ministre des affaires
étrangères de Russie. Par le même train est
parti Mme de Kotzebue, femme de M. Ernest
de Kotzebue, conseiller d'ambassade de Rus-
sie, pour se rendre à son château de Kyvna,
en Estonie.
BANQUET LANESSAN
Des amis personnels de M. de Lanessan
et un certain nombre d'électeurs du cin-
quième arrondissement ont pris l'initiative
de l'organisation d'un banquet qui serait
offert avant son départ au nouveau gou-
verneur général de l'Indo-Chine.
Nous nous associons de tout cœur à cette
manifestation amicale, et nous ferons par-
venir aux initiateurs les adhésions que
nous recevrons.
L'élection du cinquième
Il est inexact que le comité républicain
démocratique de la deuxième circonscrip-
tion du cinquième arrondissement ait
choisi un candidat en remplacement de M.
de Lanessan. Ce serait aller un peu vite en
besogne. Il est vrai que des électeurs ap-
partenant à toutes les nuances de l'opinion
républicaine ont l'intention de présenter la
candidature de M. Sigismond Lacroix, mais
le comité de M. de Lanessan, avant de
prendre une décision et d'offrir la candida-
ture à qui que ce soit, attendra que lecture
de la lettre de démission de M. de Lanessan
ait été donnée à la Chambre.
LA TENTATIVE D'ASSASSINAT
DE M. DE SESSEVAL
Buda-Pesth, 22 avril. — L'individu arrêté a
Bokszeg a avoué que lui et un autre berger,
Moïse Zurkany, avaient été soudoyés par le
greffier du village, nommé Charles Bognar,
pour assassiner M. de Sesseval.
MORT D'ÉLIAS GARCIA
Lisbonne, 22 avril. - M. Elias Garcia, chef
du parti républicain, grand-maître de la
franc-maçonnerie Dortuiaise, est mort ce ma-
tin.
UNE
CELEBRE IMPRIMERIE
qui DISPARAIT
LA MAISON DUBUISSON
La fin d'une imprimerie. — De 1844 à
1891. — Les clients de la mai-
son Dubuisson. — Quel-
ques souvenirs.
Une des plus vieilles imprimeries de
Paris, une des plus célèbres, va disparaître
prochainement. La maison Dubuisson, qui
dans son antique carcasse a vu éclore tant
de journaux aujourd'hui disparus ou flo-
rissants, n'existera bientôt plus : une com-
plication de liquidateurs et d'actionnaires
a abouti à la vente de l'immeuble de la rue
Coq-Héron. Un grand éditeur parisien a
acquis le bâtiment et le matériel ; un im-
primeur a acheté les quelques clients que
l'ancienne imprimerie desservait encore, et
il est probable qu'une banale et froide
construction moderne va remplacer, sur le
terrain qu'elle occupe, l'imprimerie si pit-
toresque dans sa vétusté. -. ,
L'imprimerie Dubuisson est surtout célè-
bre par l'incessant va-et-vient qu'établirent
dans ses bureaux les littérateurs et les hom-
mes politiques du milieu de ce siècle.
Pendant quarante ans, ce fut chez Du-
buisson un continuel passage de person-
nalités curieuses; tous les journaux qui se
fondaient, et il y en avait pendant ces pé-
riodes tourmentées, c'était Dubuisson qui
les imprimait.
Dans le bureau de son prote, M. Grede-
lue, un parent du célèbre maitre de danse,
et devant le guichet grillagé du caissier de
la maison, M. Pallet, une aimable physio-
nomie du bon vieux temps, depuis trente-
quatre ans dans la maison, il a passé tant
de monde, et tant de monde intéressant,
qu'il nous a semblé instructif de remuer
un peu les vieilles paperasses de l'impri-
merie qui va disparaître avant qu'elles
n'aillent au pilon.
L'imprimerie Dubuisson fut établie en
18hh par un M. Boulé, esprit très ouvert,
très entreprenant, qui, au risque de se voir
supprimer le privilège, alors nécessaire aux
imprimeurs, donna d'emblée l'asile de ses
presses à tous ceux qui à ce moment écri-
vaient contre la monarchie.
Il s'ensuivit que lorsque la révolution de
ISHS éclata, avant qu'elle n'eût triomphée,
les troupes du gouvernement prirent une
première fois possession de l'imprimerie
où se confectionnaient les appels à la ré-
volte et y mirent tout à sac.
Boulé reconstitua son matériel; mais en
1851, au coup d'Etat, l'imprimerie reprenait
si bien son allure frondeuse, que les sol-
dats de Louis-Napoléon Bonaparte y firent
une nouvelle invasion, et, par ordre, pro-
cédèrent à la destruction de toutes les pres-
ses.
M. de Villemessant et ses journaux
Avant cela, un journaliste qui était
devenu un des gros clients de la maison,
Villemessant, avait déjà fondé chez Du-
buisson deux journaux qui n'eurent qu'une
durée éphémère : le Lampion, avec Ed. de
Galonné, et la Chronique de Paris. Le coup
d'Etat passé, Villemessant fonda un premier
Figaro hebdomadaire, le Figaro-Pro-
gramme, puis la Gazette rose, puis le Ma-
gazine. Tout cela fut supprimé par l'auto-
rité, ou tué par le manque de lecteurs.
En 1856, Dubuisson, qui avait repris les
affaires de Boulé, décédé, imprima un jour-
nal, le Gourmet, fondé par Charles Mon-
selet. C'est lui aussi qui tira pour Charles
Baudelaire quelques-uns de ces opuscules
devenus rarissimes, les Salons de l'auteur
des Fleurs du mal. Mais Villemessant, qui
tenait à son idée du Figaro, était l'homme
autour duquel, dans la maison, gravitaient
tous les débutants littérateurs du moment.
En 1861, il réunit le Paris-Magazine, l'E-
vénement à 10 centimes et le Figaro bi-
hebdomadaire en seul Figaro quotidien,
qui, depuis, est devenu et est resté le jour-
nal que l'on sait.
Les bureaux du Figaro étaient, à cette
époque, situés au deuxième étage, dans
un vaste appartement donnant sur la rue
Coq-Héron.
Nous citerons pour mémoire,comme ayant
été faits chez Dubuisson, de 1856 à 1870,
quelques journaux aujourd'hui disparus et
dont le titre, repris plus tard, - s'étale encore
dans les kiosques.
Vermorel y fonda un Courrier français
çt une Jeune France; Lavoisier, une France
et un Gaulois; de Calônne, une Revue con-
temporaine; Auguste Vitu, une Finance; M.
Christophle, le directeur actuel du Crédit
foncier, l'Audience" journal du Palais; une
foncier, libre y fut fondée par Màlespine.
Presse
Nous allions oublier de dire que c'est chez
Dubuisson aussi que fut créé 1Q Mousquetaire,
le journal d'Alexandre Dumas, et la Clocfte,
de Louis Ulbach, où Emile Zola fit ses dé-
buts dans la littérature. Trois ou quatre
Nain jaune et le Diable à quatre, de Ville-
messant, s'imprimèrent également rue
Coq-Héron. La « Lanterne .»
La tt Lanterne D
Quand, en mai 1868, l'empire pria M. de
Villemessant de renoncer à la collaboration
d'Henri Rochefort, chroniqueur du Figaro,
ou de renoncer à publier son journal, Ro-
chefort sortit des bureaux du Figaro, tra-
versa le carré, entra dans le bureau de
l'imprimerie, et, dans un petit réduit situé
derrière la caisse, écrivit le premier numé-
ro de la Lanterne, qui parut le 1er juin 1868.
Les livres de la maison constatent que ce
premier numéro fut tiré à 100,000 exem-
plaires. Le bénéfice net qu'on réalisa sur
la vente fut de 120,000 francs.
Rochefort, à ce moment, n'était pas seul
propriétaire de son pamphlet, et, détail
assez piquant, de Villemessant était l'un de
ses associés. L'autre était M. Auguste Du-
mont, directeur de l'imprimerie Dubuis-
son. Chacun des deux associés de Roche-
fort touchait un quart des bénéfices ; les
deux quarts restants formaient le salaire
du pamphlétaire. L'imprimerie Dubuisson
tira onze numéros de la Lanterne, le on-
zième se vendit à 110,000 exemplaires envi-
ron.
Le 13 août, jour de l'apparition de ce nu-
méro, qui valut à Rochefort une condam-
nation à un au de prison et à 10,000 francs
d'amende, M. Marseille, commissaire de po-
lice du quartier, se présenta à l'imprime-
rie pour saisir tout le tirage du numéro.
On eut le temps d'enfouir les Lanterne dans
de vastes sacs qu'on cacha dans les caves,
pour ne les en faire sortir que quand le
commissaire eut le dos.tourné,
On sait que le numéro le de la Lanterne
fut imprimé à Bruxelles, où Rochefort s'é-
tait réfugié.
Après la guerre
Pendant la Commune, Vallès installa chez
Dubuisson les bureaux du Cri du Peuple
qu'il venait de fonder; Félix Pyat et Deli-
mal y créèrent le Combat; puis Delitnal,
s'étant séparé de son collaborateur, fonda
dans la même imprimerie la Commune, un
journal dans lequel certains actes du gou-
vernement de la Commune furent si verte-
ment critiqués, que Delimal fut arrêté.
En même temps, pendant deux jours, les
gardes nationaux se mirent à la recherche
de M. Dubuisson, caché dans un des mille
recoins de la vieille imprimerie et auquel
on reprochait d'avoir imprimé le journal
de Delimal. On cessa de l'inquiéter après
un sauf-conduit que lui délivra Raoul Ri-
gault, sur la demande de M. Pallet, le gé-
rant de l'imprimerie. Guerre et Commune
passées, l'imprimerie Dubuisson cessa tout
passées, d'être l'imprimerie de presque tous
à coup
les hommes politiques de Paris; des con-
currents s'étaient levés, des imprimeurs
s'installaient un peu partout ; la rue Coq-
Héron semblait trop éloignée du boule-
vard, on la délaissa.
Dans les vingt dernières années, elle a
pourtant encore donné le jour au Matin,
que fonda en 1873 M. Gragnon, l'ancien
préfet de police, à la Lanterne actuelle, à la
Nouvelle presse, de M. Granet, au Gil Blas,
à VEtoile, fondée par M. Jean Albiot, au
Parti national, au New-York Herald de Pa-
ris et à l'Action, de l'ancien député Miche-
lin.
M. GOBLET AUX ÉLECTEURS
Profession de foi d'un candidat.
M. René Goblet adresse la circulaire suivante
aux électeurs sénatoriaux de la Seine :
Lors du (dernier renouvellement sénato-
rial, un grand nombre de délégués du dé-
partement de la Seine avaient bien voulu
m'offrir d'être leur candidat. Je n'ai pas
accepté, ne voulant pas engager de compé-
tition personnelle avec les républicains
autorisés dont la candidature était déjà
posée.
Aujourd'hui la situation n'étant pas la
même, puisqu'il s'agit de pourvoir à un
nouveau siège échu au département, je
n'hésite plus à me présenter à vos suffra-
ges et à vous demander de me rouvrir l'ac-
cès du Parlement.
La lutte électorale que j'ai soutenue au
mois de janvier de l'année dernière dans
l'arrondissement de Sceaux m'a permis de
m'éclairer complètement sur les intérêts de
la banlieue et sur les principales questions
qui la préoccupent si justement, qu'il s'a-
gisse des services de la police et de l'Assis-
tance publique, du développement si né-
cessaire de ses moyens de communication,
ou de la suppression de la zone militaire.
Sur la question qui prime toutes les au-
tres, celle de la séparation du conseil gé-
néral de la Seine avec le conseil municipal
de Paris, vous me permettrez de rappeler
que j'avais pris parti dès 1887, en soutenant
devant le Sénat, comme président du con-
seil et ministre de l'intérieur, le projet de
séparation voté par la Chambre. Je me suis
toujours prononcé," vous le savez, pour l'ex-
tension des franchises départementales et
municipales, et je reste d'avis que l'aug-
mentation proposée du nombre des can-
tons suburbains, si elle peut être considé-
rée comme une première satisfaction, n'en
laisse pas moins subsister la nécessité de
faire représenter par des assemblées diffé-
rentes les intérêts, non pas contraires, mais
distincts, de la ville et du département.
Mais, au-dessus des questions locales, si
dignes d'attention d'ailleurs, se posent né-
cessairement des questions d'intérêt géné-
ral sur lesquelles je vous dois également
l'expression éincère de mes opin ions.
La première, et si l'on peut dire la plus
actuelle, est celle qui concerne notre ré-
gime économique et la nouvelle fixation de
nos tarifs douaniers. Tout en reconnaissant
que la France a dû reprendre à cet égard
sa liberté d'action, afin de défendre, dans
la mesure nécessaire, l'agriculture et l'in-
dustrie nationale, je repousse des droits
excessifs qui auraient pour effet de renché-
rir l'alimentation publique et de ruiner nos
industries d'exportation en même temps
qu'ils compromettraient gravement nos re-
lations avec toutes les nations étran-
gères.
Au point de vue politique, mes sentiments
vous sont connus ; je n'en ai pas changé. Il
me paraît inutile de rappeler ici la part
que j'ai pu prendre à diverses reprises au
gouvernement du pays et, d'une façon plus
générale, à l'œuvre républicaine des vingt
dernières années. Loin de rien répudier de
cette œuvre, j'estime qu'il convient de la
poursuivre et de la compléter.
Sans doute, la République, incontestée
aujourd'hui, peut désarmer vis-à-vis des
partisans des régimes antérieurs définitive-
ment revenus de leurs espérances chimé-
riques, comme envers la partie du clergé
qui reconnaît enfin que l'hostilité persis-
tante contre le gouvernement voulu par
l'immense majorité du pays n'est pas moins
contraire aux intérêts religieux qu'à l'inté-
rêt de la patrie. Mais si la République ouvre
libéralement ses portes aux nouveaux con-
vertis, ce n'est pas pour qu'ils prétendent
lui dicter des lois. De même qu'elle n'a pas
de conditions à leur imposer, elle n'a point
à leur faire de concessions sur ses prin-
cipes. Au contraire, elle doit travailler sans
relâche, dans la mesure où les circonstances
le permettent,aà en réaliser l'entière appli-
cation.
A mes yeux, le principal devoir de la Ré-
publique à cette heure est de s'efforcer de
résoudre les questions depuis si longtemps
pendantes d'où dépend l'amélioration du
sort du peuple, toujours sacrifié et déshé-
rité sous les autres gouvernements. Ré-
forme de l'impôt, organisation de l'assis-
tance, conditions nouvelles du travail, ces
graves problèmes s'imposent d'une façon
plus pressante que jamais à l'attention du
législateur.
Il est temps de leur donner une solution.
Non seulement la justice le commande;
c'est aussi le seul moyen de lutter contre
l'influence redoutable que l'internationa-
lisme menace de reprendre sur le monde
ouvrier.
Je sais que pour cette tâche, qui reste à ac-
complir, l'impulsion doit venir du gouver-
nement et de la Chambre. 11 importe ce-
pendant qu'avec les pouvoirs que la Cons-
titution actuelle lui donne, le Sénat ne soit
pas un obstacle. Si vous croyez devoir m'y
envoyer, j'y resterai ce que j'ai toujours
été, l'adversaire déterminé de toute poli-
tique réactionnaire ou cléricale, et, à
l'exemple de l'intègre et fidèle républicain
dont je m'honorerai d'occuper le siège,j'ap-
puierai résolument toutes les mesures ins-
pirées par l'esprit de liberté, de réforme et
dj progrès démocratique.
René GOBLET,
Avocat à la cour d'appel,
ancien président du
conseil des ministres-
LES MÉFAITS
DU « PETIT JOURNAL »
IL NE RÉPOND PAS
Le jugement Marinoni et le casier
Morel. — Un comptoir imaginaire.
— Le coup des 20 francs.
Pourquoi le Petit Journal ne répond-il
pas au XIXe Siècle ? Comment ne voit-il pas
que ce mutisme lui cause dans l'opinion
un tort incalculable et probablement irré-
parable ?
Un grand nombre de lecteurs continuent
à nous supplier de leur expliquer ce mys-
tère.
L'explication, nous l'avons déjà donnée.
Elle est d'une parfaite simplicité. Le Petit
Journal ne répond rien parce qu'il ne peut
rien répondre.
Nous avons dit que chacune des annon-
ces du Petit Journal était une filouterie di-
rigée le plus souvent contre les petits et les
humbles.
Nous l'avons démontré.
Nous avons dit que la plupart des arti-
cles de Thomas Grimm, de Jean-sans-Terre
et autres cachaient des pièges tendus à
l'épargne populaire et à la crédulité pu-
blique.
Nous l'avons démontré.
Nous avons dit que M. Marinoni profitait
de sa situation de directeur et de rédacteur
en chef du Petit Journal pour se faire donner
annuellement, comme imprimeur, sous le
nom de son gendre, M. Cassigneul, un pot-
de-vin de 1, M)0,000 francs.
Nous l'avons prouvé par des chiffres offi-
ciels et incontestés.
Nous avons dit que le directeur du Peiit
Journal était grand amateur de pots-de-vin
et, à l'appui de cette opinion, nous avons
cité un jugement du tribunal de la Seine
qui contient ces deux considérants dont
l'imprimeur-directeur du Petit Pickpocket
aime, dit-on, à se glorifier comme de véri-
tables lettres de noblesse :
«Attendu, dit le jugement dont il s'agit,
que le défendeur (Marinoni) reconnaît
avoir reçu une somme de 40,000 francs,
dont moitié en espèces et moitié réglée
en billets, A TITRE DE POT-DE-VIN,
pour avoir usé de son influence à l'effet
d'amener la conclusion du traité d'an-
nonces. et une remise de 5 0/0 sur le
montant des caractères fournis par un
sieur René ;
» Attendu que le fait reproché à Mari-
noni, tout blâmable qu'il est, etc.
Nous avons dit que M. Marinoni choisis-
sait non seulement les clients de sa qua-
trième page, mais ses. collaborateurs les
plus dévoués et les plus actifs parmi les
pires repris.de justice, et à l'ap-pui de cette
j affirmation nous avons cité le casier judi-
ciaire des deux frères Morel, qui écrivent
dans le Petit Journal, tantôt sous un pseu-
donyme, tantôt sous un autre.
Comme on aime toujours savoir à qui on
a affaire, les lecteurs du Peiit Journal nous
sauront gré de publier à nouveau ce docu-
ment vraiment suggestif ;
- - CLAUDIUS-MARIUS MOREL
Prion.
1 mois. Paris-Cour 1" mars 1866. Escroquerie.
2 ans. - 20 juin 1866. Abus de confiance.
3 mois. - 23 février 1872. Escroquer", outrages
2 ans. - 6 mai 1873. Banqueroute simple.
2 ans. - 4 avril 1884 Escroquerie, défaut.
6 mois. - 12septemb.1884 Diffamation.
2 mois. - — Diffamation.
2 mois. - — Diffamation.
2 ans. - 10 octobre 1884. Extorsion de fonds.
2 ans. - 20 novemb.188i. Outrages aux mœurs.
3 mois. - 22 janvier 1885. Outrages aux moeurs.
2 mois. Orléans 25 mai 1885. Outrages aux mœurs.
8 mois. Paris-Cour 11 juin 1886 Abus de confiance.
6 mois. — 8 avril 1888. Outrages aux mœurs
Tels sont les braves gens que M. Marino-
ni choisit pour jouer dans le Petit Pick-
pocket le rôle d'éducateurs du peuple.
Que voulez-vous que réponde à cela le di-
recteur du Petit Journal ? Il ne peut pas
dire : Non les frères Morel ne sont pas mes
collaborateurs.-Il ne peut pas dire : Non,je
n'aime pas les pots-de-vin. -il ne peut pas
dire : Non, les clients de ma quatrième
page sont tous d'honnêtes commerçants.
Gare aux escrocs !
Sous ce titre, un de nos confrères de
Nancy, l'Est républicain, raconte ce qui
suit :
« A la suite d'une annonce alléchante pa-
rue dans le Petit Journal, une Nancéienne,
Mme X., avait prié le bureau d'annonces
de cette feuille de lui donner l'adresse de
la maison demandant « dépositaire sérieux
dans chaque ville de province. »
» Quatre jours après, elle recevait de Paris
la lettre suivante ;
COMPTOIR
,DEi
NOUVEAUTES PARISIENNES
Paris, 26mars 1891.
PARIS
Madame,
En notre possession votre lettre du 23 cou-
rant, adressée au Petit Journal.
Nous sommes chargés par une importante
maison anglaise, fabriquant tous objets de
fantaisie et de luxe, articles de fantaisie, tels
que : articles de fantaisie en bois d'olivier,
chêne, noyer, ébène, coffrets, boîtes à bijoux,
nécessaires, boîtes à gants et à mouchoirs,
porte-montres, papeteries, cassettes, plateaux,
guéridons, étageres, tables à jeux, bibliothè-
ques, cadres à photographies, articles divers
en bois de Spa, etc., etc., de créer des dépôts
à Paris et en province.
Si vous croyez pouvoir tenir un dépôt de ce
genre dans votre ville, veuillez nous adresser
vos références que nous transmettrons à la
maison.
Les conditions au début seront de 1.800 fr.
plus un intérêt sur les affaires, tous frais
d'installation et de loyer à la charge de la
maison anglaise.
Vous aurez à joindre à vos références la
somme de vingt francs pour frais de rensei-
gnements et de correspondance incombant a
votre demande.
Nous comptons créer ces dépôts dans un
délai de deux mois, et si, pour un motif quel-
conque, le dépôt que vous sollicitez ne vous
était pas attribué, le montant des frais vous
serait remboursé.
Agréez, madame, nos civilités,
(Suit la signature.)
"Une « importante maison » qui offre une
installation gratuite,de bons appointements,
un intérêt sur les affaires — et qui com-
mence par réclamer vingt francs pour frais
de renseignements et de correspondance.
hum' c'est terriblement louche. Aussi
notre concitoyenne répondit-elle judicieu-
ment et crânement :
« Nancy, U avril.
* Monsieur,
» J'ai reçu votre lettre en date du 56 mars ;
certainement je puis tenir un dépôt dans le
[ genre que vous m'indiquez. Mais pemettet.
moi de vous le dire, votre demande d'argent
m'a fait rêver et sourire.
» Comment, monsieur, une maison anglaisa
(dont vous me laissez ignorer le -nom) veut
installer des dépôts, frais à sa charge, et ella
omet ceux de renseignements! C'est bizarre.
Encore si, vous ne demandiez l'argent qu'après
con.clusion, je vous comprendrais, et j'accep-
terais; mais avant, oh non 1 D'ailleurs, pour
ces sortes d'affaires, il me semble que ce n'est
pas à moi à vous donner mes références.
» C'est à un notaire ou à un huissier que
vous devez vous adresser; ils vous les donne-
ront à peu de frais et a ma charge s'il la
faut.
» Agréez, etc.
» Colère de la louche agence parisienne,
qui réplique :
COMPTOIR
des
NOUVEAUTÉS PARISIENNES
PARIS
«Paris, 7 avril 1891.
» Madame,
» Votre lettre étant dépourvue de bons sens
(sic), et ne tenant pas à entrer en relations
avec des personnes gardant l'anonyme, nous
considérons votre demande comme nulle.
» Agréez nos salutations. »
(Suit la signature.)
» Sur quoi la dame riposte :
Nancy, 10 avril.
Lors de ma première lettre, je me doutais
bien que j'allais à une déception, sachant que
la plupart des annonces du Petit Journal ne sont
que des filouteries.
Cependant je voulais croire que, parmi un
troupeau de brebis galeuses, il pourrait s'en
trouver une bonne.
A vous je faisais cet honneur, ne pensant
guère qu'un Français serait assez lâche pour
insulter une femme.
Je me félicite d'avoir su épargner à mon non*
le contact d'un goujat tel que vous.
(Sait la signature).
L'Est républicain ajoute que le prétendu
« Comptoir des nouveautés parisiennes" M
figure pas sur le Bottin.
Naturellement !
Beware of pickpockets !
(La suite à demain)..
L'ÉGLISOPHONE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER}.
Rome, 22 avril.
Un inventeur belge vient de présenter au
pape un instrument fort ingénieux, au
moyen duquel il pourra entendre de sa
chambre les discours et les chants de pres-
que toutes les églises de Rome et les dis-
cours du Parlement italien. -
Le but de l'inventeur est d'obtenir un
bref du pape recommandant son invention
pour les malades retenus à domicile. Par
ce moyen, ils pourraient, sans quitter la
lit, suivre les exercices et entendre les ser-
mons du prédicateur de la paroisse.
Cet instrument perfectionné ressembla
un peu à ceux installés pour les théâtres,
avec cette différence que l'on peut échan-
ger une conversation.
Ceci a été fait pour permettre aux ma
lades de se confesser de leur lit sans dérart.
ger le confesseur du confessionnal.
On se demande à Rome si la confession
peut être envoyée par téléphone.
L'EXPULSION D'UNE REINE
Belgrade, 22 avril. — La reine Nathalie per-
siste dans son refus de quitter volontairement
la Serbie. Elle déclare qu'aucun gendarme
serbe ne voudrait porter la main sur elle. D&
'son côté, la régence est décidée à faire exécu-
ter le vote de la Skouptchina, même en usant
de contrainte, s'il fallait en arriver à cette ex-
trémité.
CHRONIQUE
C'était il y a quelques jours au tribu-
nal de police correctionnelle de Châlons-
sur-Marne. On amène devant les juges un
pauvre diable, pris en flagrant délit de
vagabondage et de mendicité. Ce n'était
pas la première fois qu'il paraissait de.
vant eux. Demander l'aumône était pour
lui un délit d'habitude.
Le président, qui le connaissait bien
d'ailleurs, lui demanda, par respect pour
la forme, ses nom et prénoms. Il s'appelle
Leblond (Victor-Auguste).
— Quelle est votre profession? reprend
le président.
— Fabricant de muselières pour la
magistrature.
Le président ne s'attendait pas à celle-
là ; il croit avoir mal entendu :
- Vous dites? demanda-t-il. Répétez
ce propos.
Le vagabond se redresse, et, d'un air
digne :
— Je ne suis pas avocat, pour répéter
deux fois la même chose.
— Fort bien ! dit le président.
Et, sans hésiter, il prononce contre le
mauvais plaisant une double condamna-
tion : quinze jours d'emprisonnement
pour mendicité ; trois ans de -prison pour
outrage à la magistrature.
Trois ans de prison, avouez tout de
même que c'est un peu cher. Le mot n'é-
tait pas des plus polis; la raillerie
était de mauvais goût, d'accord ; mais il
faut dire aussi que l'homme n'avait reçu
sans doute qu'une éducation fort som-
maire, et que l'on n'apprend pas la cour-
toisie du langage à courir les grands che-
mins, une besace au clos.
Il me semble même que le président du
tribunal de police correctionnelle de Ghâ-
lons-sur-Marne aurait dû savoir gré à ce
malandrin du tour quelque peu littéraire
qu'il avait essayé de donner à son injure.
Un autre aurait dit tout simplement aux
magistrats : « Vous êtes des muffles ! »
C'était la même idée, mais sans vdïles,
dans le costume indécent de la Vérité. Il
avait dit avec plus d'élégance et un atti-
cisme relatif : « Je suis fabricant de mu-
selières pour la magistrature ». Et je
trouve même assez drôle la réplique qu'il
avait opposée à l'invitation du juge :
— Je ne suis pas avocat, pour répéter
deux fois la même chose.
Ce trait d'esprit marquait chez ce va-
gabond un goût assez rare d'observation.
Il avait déjà été sans doute plusieurs fois
défendu d'office. Il avait remarqué que
jamais les avocats ne parlent plus abon-
damment que lorsqu'ils n'ont rien à dire;
et crue lorsau'ils ont jûai un dvelonn
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