Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1891-04-10
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 10 avril 1891 10 avril 1891
Description : 1891/04/10 (A21,N7025). 1891/04/10 (A21,N7025).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75657467
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2013
Vïngt-et-unièœe année. N® 7,035 CINQ Centimes — Paris et Départements - CINQ Centimes VENDREDI 10 AVRIL 18911
JOURNAL RÉPUBLICAIN u
RÉDACTION
ra Rue Montmailro
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DIRECTEUR POLITIQUE
A. EDOUARD PORTALIS
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DEUX AMOURS
TRÈS PROCHAINEMENT
Le XIX- SIÈCLE
Commencera la publication d'un grand
roman-feuilleton inédit de
PIBRKB T~EABL
dont nos lecteurs ont pu apprécier le talent
délicat dans le Torpilleur 29 et VAlcyone,
que nous avons déjà publiés.
TRÈS PROCHAINEMENT
DEUX AMOURS
RÉGLEMENTATION
NÉCESSAIRE :;
Convient-il de limiter par une loi la
durée de la journée de travail ? Je
n'hésite pas, pour ma part, à répon-
dre très énergiquement oui. Mais il
n'est pas surprenant que la question,
lorsqu'elle se pose pour les ouvriers
de l'industrie privée, soulève aujour-
d'hui encore de vives controverses.
L'économie politique, pour démo-
dée qu'elle soit, compte encore de ra-
res prophètes et un groupe de fidèles.
Si éloquente que soit la leçon de cho-
ses qui se dégage à notre époque des
législations de tous les peuples civi-
lisés, l'idée de l'intervention de l'Etat
se heurte toujours à des résistances
invétérées.
Pourtant, le plus farouche partisan
de la vieille formule chère aux éco-
nomistes orthodoxes : Laissez faire,
laissez passer, ne saurait s'empêcher
de confesser qu'il est des cas où l'ac-
tion de l'Etat est mieux que justifiée,
indispensable. :.
euez, par exemple, ce grand ser-
vice des chemins de fer. Même dans
.les pays comme le nôtre, où il
échappe encore à la main-mise de
l'Etat, il est par nature, par destina-
tion, un service public. Quel que soit
le régime sous lequel il se développe,
il appelle forcément le contrôle gou-
vernemental. Les grands intérêts éco-
nomiques du pays sont liés si étroite-
ment a sa gestion, la sécurité de mil-
lions de voyageurs qui circulent sur
la voie ferrée dépend si clairement des
conditions de l'exploitation, que l'Etat"
ne peut se désintéresser de la marche
dus-jivice. S,)11 intervention est for-
cée, de tous les jours, de tous les ins-
tants.
Aussi comprendrait-on à merveille
que même si le législateur se refusait
a régler la journée de travail des ou-
vriers de l'industrie privée, il limitât
celle des agents des chemins de fer.
Voici, par exemple, les chauffeurs et
mécaniciens. Il n'importe pas seule-
ment au bien-être de ces utiles et dé-
voués travailleurs, — le motif certes
serait suffisant, — il y va de la sécu-
rité publique qu'on n'exige point
d'eux un travail exagéré.
Il ne suffit même pas d'exiger des
compagnies qu'elles fixent pour cette
catégorie d'agents une moyenne d'heu-
res de travail qui soit raisonnable,
comme l'écrivaient avec infiniment de
raison les ministres mêmes de l'em-
pire : « Ce qu'il importe de connaître
— t t de régler — c'est le maximum
d'heures de travail qui peut être im-
posé à un mécanicien, à un chauf-
feur. »
Et pour connaître pendant combien
d'heures se prolonge leur travail, ne
perdez pas de vue que leur labeur ne
commence pas seulement à l'instant
où, les voyageurs installés dans leurs
compartiments, les portières fermées,
le coup de siftlet donné, le train se
met en marche. Ils ont, avant le dé-
part comme après l'anivée, des heu-
res supplémentaires à fournir pour
mettre la machine en état, comme
pour la nettoyer. Si l'on veut régle-
menter d'une manière sérieuse et
utile le nombre de leurs heures de
travail, il faut qu'il soit bien entendu
que leur journee commence dès le
moment où ils ont franchi l'enceinte
du chemin de fer, pour ne finir qu'à
l'heure où il leur est permis d'en sor-
tir.
Ce n'est pas d'aujourd'hui que l'on
a compris 1-t nécessité de mettre un
terme à des abus si criants et si pé-
rilleux en réglementant la durée du
travail pour les agents du. service de
la voie. La dernière Chambre avait
voté une loi sur la sécurité publique
dont l'article 8 disposait : « Sauf le
cas de force majeure, la durée du tra-
-vail des mécaniciens et chauffeurs des
trains, ainsi que des autres agents
des trains et des aiguilleurs est fixée
au maximum de dix heures sur vingt-
quatre heures; en aucun cas, la pré-
sence sur la machine ne pourra être
exigée pendant plus de sept heures
consécutives; ne sera pas compté
comme repos un arrêt en route qui
ne dépassera pas une heure. »
En même temps qu'il faut détermi-
ner la durée de la journée de travail,
il convient de limiter la période pen-
dant laquelle l'employé pourra rester
éloigné de son domicile. Aujourd'hui,
sur le P.-L.-M., les mécaniciens aux
express du dépôt de Paris doivent
faire onze jours de service avec une
seule nuit de repos chez eux. C'est la
suppression de toute vie de famille.
LJ3 syndicat général des mécaniciens
et chauffeurs de France, et à sa tête
son président, M. Griimbe: t, ont en-
tamé une campagne pour obtenir une
limitation de la journée de travail, la
fixation du temps pendant lequel l'a-
gent peut sans danger rester sur sa
machine, la détermination de jours de
repos à intervalles périodiques rap-
prochés.
Comme première amélioration, un
certain nombre de députés ont l'in-
tention de demander que la loi des
douze heures, qui n'est applicable
qu'aux manufactures et usines, soit
étendue aux compagnies de chemins
de fer. C'est un premier pas. Il est ur-
gent qu'il soit fait. Le vote de cette
mesure doit être le prélude et la pro-
messe d'autres progrès de même or-
dre dans l'administration des chemins
de fer.
Le public n'est pas moins intéressé
que le personnel des grandes compa-
gnies au succès de ces réformes.
A. Millerand
Le XIXe SIÈCLE publiera demain la
a Vie de - Paris », paur Henry Fouquier.
- LE CONSEIL - MUNICIPAL : -,
Le conseil municipal de Paris sera con-
voque pour lundi le 20 avril. Cette session
qui s'annonce comme assez chargée, dé-
butera par la discussion du rapport de
M. Rousselle sur les opérations de voirie.
La troisième commission, qui avait subi
le reproche de lenteur, déploie en ce mo-
ment Ja plus grande activité pour soumet-
tre au conseil des rapports sur les questions
en suspens, Métropolitain, Gaz, Omnibus,
etc., etc.
LE DUEL LEMAITRE-CHAMPSAUR
M. Jules Lemaître vient d'envoyer ses té-
moinf, MM. Clemenceau, député du Vai\ et
Ganderax, à M. Félicien Champsaur, qui a
fait paraître, il y a quelques jours,' dans
une revue bordelaise, YEcho du monde, un
article très violent contre le critique des
Débats,
M. Champsaur, n'ayant reçu la visite des
témoins de M. Lemaitre que très tard dans
la soirée d'hier, ne pourra constituer les
siens qu'aujourd'hui.
Déjà MM. Champsaur et Jules Lemaître
avaient eu une première algarade à propos
d'un article paru dans la Revue bleue, il y a
deux ans.
REJET DU POURVOI DE WLADIMIROFF
IDE MOTRE CORSPOMDANT PARTICULIER)
Versailles, 8 avril.
Le rejet du pourvoi formé par Wladimi-
roff lui a été notifié aujourd'hui ; le con-
damné n'a manifesté aucune surprise.
M. Wladimirolf père a fait remettre un
recours en grâce au président de la Répu-
blique.
ENTRE VÉLOCIPÉDISTES
(PB NOIKFI CORRESPONDANT PARTICULIER)
Gênes, 8 avril.
Les vélocipédistes français sont arrivés
hier.
Partis de Nevers au nombre de AO, ils sont
arrivés 15 à Marseille et 3 seulement à Gê-
nes. Les vélocipédistes de Gênes sont allés
à leur rencontre jusqu'au Valtri.
Un banquet aété offert aux vélocipédistes
français; les toasts ont été nombreux. Le
voyage avait été fort difficile, à cause du
mauvais état des routes.
FAILLITE DE DEUX NOMS HISTORIQUES
ALLEMANDS
(DB NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 8 avril.
Le tribunal d'arrondissement de Pots-
dam vient de déclarer interdit,comme pro-
digue incorrigible, et de mettre sous cura-
telle le prince George lladziwill, ci-de-
vant officier aux gardes, fils du général
Antoine Radziwill, premier aide de camp
de feu Guillaume Ier.
Le tribunal d'arrondissement deSchwiebus
vient de clore, pour absence d'actif, la fail-
lite du baron Joseph de Manteuffel, fils de
l'ancien maréchal de Manteuffel, ex-gouver-
neur de l'Alsace-Lorraine.
wv- -=
LE VOYAGE DE M. CARNOT
A TOULOUSE
(D'UN CORRESPONDANT)
Toulouse, 8 avril.
A l'occasion de la visite du président de la
République, le conseil municipal vient de dé-
cider d'inaugurer, le 18 mai, l'éclairage élec-
trique des voies principales de là ville.
Cent. cinquante mille francs ont été '7otés
pour les fûtes à donner, en l'honneur de M.
Carhot-
LES ESCROCS
DU PETIT JOURNAL
EN POLICE CORRECTIONNELLE
LA
CONDAMNATION D'HIER
Mazas encombré
Chaque jour, la police correctionnelle
dévore quelques-uns des bâilleurs de fonds
des tenanciers d'annonces Marinoni et Poi-
datz. Et si l'escroquerie, Phœnix moderne,
ne renaissait pas de ses cendres, on pour-
rait sérieusement craindre pour la prospé-
rité du Petit Journal.
Sa clientèle de financiers véreux payant
patente à sa quatrième page est, en effet,
décimée par les jugements des chambres
correctionnelles. Tous les émules de Mary-
Raynàud et de Macé-Berneau ne parvien-
nent pas à se sauver à l'heure psychologi-
que où, semblable à la statue du Comman-
deur, le commissaire de police apparaît
dans leurs bureaux. Nombre d'entre eux
sont arrêtés à temps et déférés aux juges
correctionnels qui, fort justement, font
pleuvoir sur leurs têtes les mois et les an-
nées de prison.
Mazas commence à regorger de ces ban-
quiers de contrebande dont les coffres-
forts ont aspiré les économies des petits et
des humbles. A ce point qu'un des quar-
tiers de la prison du boulevard Diderot
vient, affirme..t-on, de recevoir le nom sug-
gestif de quartier des Escrocs du « Petit
Journal ».
Salmon, Defer et Cie
L'histoire tout entière du pseudo-ban-
quier qui comparaissait hier devant la 10c
chambre de police correctionnelle, prési-
dée par M. Rodât, est simple. Elle pourrait
se résumer en ces mots :
« Il fit insérer des annonces dans le Petit
Journal et il escroqua l'argent de ses con-
toyens. »
Après avoir été employé dans les bureaux
du Crédit lyonnais, M. Henri Salmon fonda
en 1889, avec Defer,au numéro 30 de la rue
Duperré, une grande maison de banque
destinée à rafler les économies des impru-
dents.
Pour lancer l'affaire, les deux associés fi-
rent insérer dans le Petit Journal une an-
nonce ainsi conçue :
200 fr. par mois avec 809 fr., sans aléa.
200 Capital entièrement garanti. Rien du
jeu. Fonds complètement à la disposition des
clients. Demandez circulaire explicative. DEFER
et Cie, 30, rue Duperré.
La circulaire explicative contenait natu-
rellement de mirifiques promesses.
En voici quelques passages ;
H. SALMON, DEFER ET CiO
30, rue Duperré
Paris
BÉNÉFICES IMPORTANTS RÉALISABLES CHAQUE MOIS
Fonds toujours à la disposition des clients
Cent pour cent du capital mensuellement
Opérations d'arbitrage à la cote
« Nous avons la conviction absolue que
nous présentons aux capitalistes une affaire
indiscutable, basée sur un travail réel, bien
qu'attenant à la spéculation. Nous sommes
certains qu'ils nous remercieront un jour
de les y avoir fait participer.
» Que désire le spéculateur ? •
,,'10 Faire un placement sérieux où les
risques de perte soient nuls,
» 2° Faire un placement rémunérateurj
c'est-à-dire doubler, tripler, quadrupler son
argent, plus même s'il est possible.
» 30 Faire un placement garanti sur des
bases solides.
» Les fonds d'Etat offrent un placement
sérieux et garanti, mais peu rémunérateur.
Force est donc de se rabattra sur les affai-
res ; le tout est de les bien choisir.
» Jusqu'ici, c'est du côté de la Bourse
que la spéculation s'est surtout tournée.
Vendre ou acheter, opérer sur la hausse ou
sur la baisse des valeurs au moyen d'opé-
rations plus ou moins fictives, tel est le
rôle du spéculateur à la Bourse.
» Là pourtant se trouve un intermédiaire
que l'on ne voit guère perdre, c'est l'agent
de change qui enregistre les opérations, les
compense et prélève une commission ré-
munératrice.
» Certes, participer aux bénéfices réalisés
par ces princes de la fortune constituerait
un placement vraiment sérieux, de beau-
coup préférable aux gains aléatoires du jeu
direct. Malheureusement, les petites bour-
ses n'y peuvent guère prétendre.
» Mais, à côté de la Bourse, un autre cou-
rant de spéculations grandissant chaque
année et tendant à s'étendre de plus en plus
a conquis la faveur publique, je veux par-
ler des courses de chevaux.
(Suit l'exposé d'un moyen infaillible pour
gagner aux courses SOOfr. par mois vec OO fI'.
décapitai.)
» Voici les résultats que notre spéculation
peut produire.
» Aux gens pratiques en affaires, ce qu'il
faut, c'est une garantie des capitaux qu'ils
nous apportent : et, en cela, ils ont rai-
son.
» Forts de notre expérience, assurés de
continuer les bénéfices réalisés jusqu'ici et
de les augmenter en proportion des capi-
taux que nous recevons, nous n'hésiterons
pas un seul instant à garantir à nos clients
les sommes qu'ils engageront par un bon à
lots du Crédit foncier de France (émission
1887) remboursable à 200 francs (pour cha-
que pari) par les soins du Crédit foncier de
France.
» Cette garantie, dont le sérieux ne peut
être mis en discussion, sera adressée aux
participants dès réception do leur envoi de
fonds. Il n'y aura lieu de nous la retourner
qu'au cas où, pour une cause ou pour une
autre, la participation viendrait a être in-
terrompue, soit par la volonté du partici-
pant, soit pour un cas de force majeure
(mort, gu e r-re; e te ) -
» Il demeure entendu que, dan3 un cas
de ce genre, nous devons, en rentrant dans
jToîre garantie, liquider la participation et
rembourser le capital versé en y ajoutant
les bénéfices acquis.
« Aux capitalistes maintenant de juger
si :
» 1° Nous leur offrons un placement à la
fois sérieux, rémunérateur et garanti ?
» 2° Si la spéculation que nous leur pro-
posons en participation est digne de leur
attention et de leur confiance ?
Quant à nous, convaincus que les idées
simples et les affaires claires sont les meil-
leures, nous pensons qu'il n'est pas besoin
de réclames coûteuses, ni du faux patro-
nage de grands noms qui chârgent toujours
une affaire sans profit ni garantie pour les
propriétaires des capitaux versés.
» Enfin, si vous désirez participer à nos
opérations, retournez-nous le contrat ci-
inclus, signé et rempli, en y joignant le
montant des fonds que vous désirez y en-
gager,
» H. SALMON, DEFER et Cie. »
-- v-' Les imprudents
Les clients affluèrent naturellement aux
bureaux de la rue Duperré. Ces clients
appartenaient à toutes les classes de la so-
ciété. Il avait parmi eux des médecins, des
instituteurs, des professeurs de séminaire,
des commerçants, des employés, etc., etc.
Voici quelques noms et adresses :
M. Roques Joachim, professeur au petit
séminaire, à Castres, envoya 200 francs à la
maison Salmon, Defer et Cie;
M. Raillot Jacques, instituteur primaire
à Robertot, 200 francs ;
M. Robert Henry, ancien receveur des
finances, 200 francs;
M. Laffitte Emile, docteur en médecine à
Bougue, arrondissement de Mont-de-Mar-
san, 200 francs;
M. Lejon Louis, opticien, 178, rue d'Alé-
sia, 1,200 francs;
M. Giraud, répétiteur au lycée de Mont-
luçon, 200 francs ;
M. Gaboriau, notaire à Bort, 230 francs ;
M. - Robert Joseph Le Normant de Fla-
gheac, propriétaire du château de Fla-
gheac, commune de Saint-Georges-d'Aurat,
503 francs ;
M. Courcenet Hilaire, commis principal
à la Trésorerie du Sénat, 6,4, boulevard
Saint-Michel, 200 francs ;
M. Sagniez, correcteur d'imprimerie,
2, rue Massillon, 200 francs ;
M. le capitaine Bourdouche, rue de la Ré*
publique, 33, à Marseille, 200 francs ;
M. Braquehan, percepteur de la réunion
de Neville, en résidence à Saint-Valéry-en-
Caux, 200 francs;
Mme Became, sage-femme, 20, rue des
Lois, à Toulouse, 200 francs;
M. André, plumassier-fleuriste, 115, rue
d'Aboukir, 1,000 francs ;
M. Devrière, étudiant en droit, 85, boule-
vard de la Liberté, à Lille, 200 francs ;
Etc., etc., etc.
Maintenant, cinq ou six déclarations qui
indiqueront par quelle voie la clientèle de
Salomon, Defer et Cie avait été recrutée :
M. Auguste Neny, boulanger à Marcillat
d'Allier, s'est ainsi exprimé chez le juge
d'instruction :
« Recevant le Petit Journal j'ai vu une an-
nonce concernant la banque [Salmon et
Cie. On faisait des propositions tellement
avantageuses sous le rapport des bénéfices
à réaliser, que je m'empressai de deman-
der à cette adressse un prospectus qui m'a
été envoyé immédiatement. J'ai versé 200
francs.
M. Sigal Jean-Pierre, instituteur retraité
à Rodez, rue Bataille, 37, a fait la déclara-
tion suivante ;
« Au commencement de mai 1890, je lus
une annonce du Petit Journal ainsi conçue :
« Deux cents francs de rente par mois, avec
200 francs de capital. Ecrire Defer et Cie,
30, rue Duperré, Paris.» J'écrivis et je reçus
bientôt une circulaire et un bulletin de ver-
sement en blanc. J'envoyai 200 francs.
M. Houlbrat Louis-Charles, retraité, bou-
levard Saint-Antoine, 3 bis, à Versailles :
« J'ai vu une annonce dans le Petit Jour-
nal indiquant qu'avec 200 francs on pouvait
gagner 200 francs par mois, garantis par
des bons du Crédit foncier. Ma foi, j'ai eu
confiance et j'ai versé 600 francs. »
M. Foucault Alfred, rentier, rue des Pépi-
nières, 39, à Angers :
« Dans le mois de juin 1890, ayant lu à la
quatrième page du Petit Journal une an-
nonce qui disait qu'en envoyant une cer-
taine somme aux sieurs Salmon, Defer et
Cie, 30, rue Duperré, à Paris, ces sommes
étaient presque immédiatement doublées
au moins par certaines combinaisons aux
courses de chevaux, j'ai écrit tout de suite
à ces individus et j'ai envoyé deux cents
francs. »
M. Coulange Ferdinand, propriétaire au
Repaire, commune de Saint-Front-d'Ale-
nys :
« Au mois de mars 1890, alléché par une
annonce que je vis dans le Petit Journal,
j'envoyai 200 francs à la banque Salmon,
Defer etC°. »
M. Delaiande, principal clerc de notaire à
Chatou sur Saint-Germain :
« Le SA mai 1890, sur la foi d'annonces du
Petit Journal, j'envoyai deux cents francs à
la maison Saimon, Defer et CI', 30, rue Du-
perré. »
Etc., etc., etc.
Pas n'est besoin d'ajouter que les clients,
trop confiants, de la maison de banque Sal-
mon, Defer et Cc perdirent leurs capitaux,
malgré les prétendues garanties des bons
du Crédit foncier.
A l'audience de la 10e chambre
Salmon, seul, à comparu devant les juges
de la 10° chambre, présidée par M. Rodât,
ancien député. Son co-associé Defer a, en
effet, été assez heureux pour se soustraire
aux recherches de la police.
A l'audience, Salmon, qui est un jeune
homme de vingt-huit ans environ, a eu une
attitude très humiliée.
Il a naturellement rejeté toute la respon-
sabilité des faits qui lui étaient imputés sur
le prévenu absent.
Parmi les dépositions des témoins, à si-
gnaler celle de Mme Mathieu, somnam-
bule :
— J'ai confié, a dit le témoin, h,000 francs
à la banque Salmon, 'Defer et Ce, afin de
faire fructifier ce capital. Mais,quinze jours
environ avant la débâcle de la maison, j'ai
eu le pressentiment que cette banque-ià
n'était pas sérieuse. J'ai couru aussitôt
30, rue Duperré, et j'ai retiré mon argent.
J'ai bien fait, car quelques semaines après
il eût été trop tard.
On ne saurait se montrer plus lucide que
cette somnambule capitaliste.
Après réquisitoire de M. le substitut Bré-
geault et plaidoirie de M6 Quignard, pour
Salmon, le tribunal a condamné Salmon à
six mois de prison. Quant à Defer, l'inculpé
défaillant, il a été condamné à treize mois
d'emprisonnement.
Moralité
Ce cerait se tromper étrangement que de
croire que ces condamnations pour escro-
queries, qui, moralement, atteignent en
plein visage MM. Marinoni et Poidatz, fe-
ront dévier le Petit Journal de sa ligne de
conduite toute de cynique âpreté au gain.
Minotaure de notre épargne nationale, le
Petit Journal, que les effroyables désastres
financiers de ces temps derniers n'ont pas
parvenu à éclairer, continuera demain,
comme il a fait hier et comme il fait au-
jourd'hui, à prêter l'hospitalité peu écos-
saise de ses troisième et quatrième pages
aux bandits de la finance à l'affût des éco-
nomies des imprudents.
N'est-il pas temps que le Parlement s'é-
meuve d'un pareil état de choses et qu'un
député honnête, au risque d'être accusé de
chantage par les Charles Laurent et les
frères Morel, saltabadils ordinaires de MM.
Marinoni et Poidatz, monte à la tribune du
Palais-Bourbon et courageusement propose
une loi destinée à tuer dans l'œuf les entre-
prises éhontées des Mary-Raynaud et des
Macé-Berneau?
LA FUMISTERIE
DE L'ÉCHASSIER NATIONAL
Sylvain Dornon compère de Marinoni.
Une mystification bête.
Le Petit Pickpocket ne peut s'intéresser à
rien qui ne soit une escroquerie ou une
imposture.
Le boulanger failli Sylvain Dornon, an-
cien berger comme M. Marinoni, a été dé-
couvert, subventionné et expédié vers Mos-
cou par le Petit Journal, comme enseigne
ambulante de la maison et comme chienlit
patriotique,
Or, le bonhomme est non seulement un
grotesque, mais un imposteur.
Il voyage la plupart du temps en che-
min de fer.
Un journal .d'arrondissement de Malmédy
(province rhénane) a releyé une partie de
son itinéraire.
11 nous raconte que Dornon, venant de la
frontière belge, est arrivé le 22 mars au
soir à Steinebruck, petit village, où il a
passé la nuit.
Le lendemain, au lieu de continuer sa
route sur ses échasse, il a pris le train qui
l'a conduit à Prum, soit une distance de
28 kilomètres. Là, il reprit ses échasses et
se rendit à Stadtkyll en faisant 20 kilomè-
tres, puis il gagna la station de JÜnkerath,
où il monta dans le train qui le conduisit
à Bonn (90 kilomètres).
Et ainsi de suite, sans aucun doute, jus-
qu'à Berlin et au-delà de Berlin.
Ce polisson est digne de ses patrons.
MORT DE LA COMTESSE DJALESKA
Mme la comtesse Djaleska, veuve du général
comte Djaleski, qui fut aide de camp de l'em-
pereur Nicolas Ier, a succombé hier à Paris, à
l'âge de quatre-vingts ans.
Ses obsèques auront lieu aujourd'hui, à dix
heures et demie, à la Madeleine.
APPLICATION DE LA LOI BÉRENGER
(DE NOS CORRESPONDANTS. PARTICULIERS)
Rennes, 8 avril.
La cour d'appel de Rennes a fait, aujour-
d'hui, la première application de la loi Bé-
renger, sur la plaidoirie de Me Millerand,
du barreau de Paris.
Le nommé Samson, poursuivi pour la
première fois, est âgé de plus de cinquante
ans. Il était accusé de ventes frauduleuses
de toile à des communautés religieuses.
Considérant les excellents antécédents du
prévenu et les services qu'il a rendus pen-
dant la guerre pour l'approvisonnement
des hôpitaux de Paris, la cour, tout en
confirmant sur le fond le jugement de pre-
mière instance, a ordonné le sursis à l'exé-
cution de la peine.
Bordeaux, 8 avril.
La cour vient d'appliquer la loi Béren-
ger dans le cas d'une affaire de coups et
blessures.
Un individu nommé Fanger, âgé de dix-
neuf ans, avait été condamné a un mois de
prison; il fit appel.
La cour a décidé qu'il serait sursis à la
peine et que le condamné en serait relevé
s'il se conduisait bien pendant une pé-
riode de cinq années.
RAPATRIEMENT O'ÉMIGRAHTS
(DK NOTAS CORRESPONDANT PARTICULIER)
Lisbonne, 8 avril.
MM. Elinka et Chelmunski, envoyés au
Brésil pour le rapatriement de leurs com-
patriotes russes, se sont embarqués hier
pour Rio-Janeiro.
D'après les déclarations des délégués
eux-mêmes, leur voyage n'a qu'un but hu-
manitaire dépourvu de tout caractère of-
ficiel. Il est évident, cependant, que comme
toute tentative publique en Russie, elle est
autorisée, sinon patronnée, par le gouver-
nement russe.
Le but de la mission est double: rapatrier
quelques centaines d'individus auxquels la
différence de climat est devenu néfaste
et les reconduire ensuite dans les
villages d'où ils s'étaient exilés, ce qui ser-
vira de contre-poids aux racontars men-
songers des agents d'émigration et à leurs
descriptions fantaisistes des paradis d'ou-
tre-Océan.
M. Elinka, grand propriétaire foncier de
la Pologne, ainsi que l'abbé Chelmunski
espèrent que le gouvernement brésilien
prendra en considération le caractère hu-
manitaire de leur tentative et qu'il ne leur
cherchera pas de difficultés dans l'accoin-
plissement de la tâche qu'ils se sont libre-
ment imposée.
: LES MÉF AIIS
DU PETIT JOURNAL
LE « PETIT JOURNAL » ÉPILEPTIQUE
A l'instar de Pierre Petit. — Comment
le « Petit Pickpocket » se justifie. -
Les collaborateurs de MM. Ma-
rinoni et Poidatz.
Le Petit Journal a eu, hier, une crise d'ô-
pilepsie de cinq colonnes.
La campagne entreprise par le XIXe Siè-
cle contre les malfaiteurs de tout acabit qui
s'abritent à sa quatrième page fait, en effet,
baisser son tirage à ce point que les panta-
lonnades de ses braviordinaires no lui sem-
blent plus suffisantes. Maintenant, à l'ins-
tar de Pierre Petit, il opère lui-même.
De quelle façon? Merveilleusement, il
faut le reconnaître. C'est du Veuillot de
derrière les fagots, du Veuillot sans le
style, bien entendu.
Sommé de s'expliquer au sujet des an-
nonces d'escrocs et des réclames fraudu-
leuses qu'il insère quotidiennement le Petit
Journal se justifié en vomissant sur notre
directeur un article dont, à titre de curio-
sité, nous allons reproduire les principaux
passages.
On verra où en est tombé, entre les mains
de Marinoni et de Poidatz, ce beau langage
de France, si doux qu'à la parole, dit le
poète :
Les femmes, sur la lèvre, en gardent un sou-
[rire.
La réthorique du « Petit Journal »
Voici les fleurs de ce bouquet :
« Portalis a le vertige du pilori et la
passion de la flétrissure.
».Cet homm e a crocheté toutes les caisses,
diffamé quiconque ne le paie pas, laissé des
traces maladroites de ses opérations abjec-
tes dans le dossier de tous les ministres,
dans les -archives de toutes les banques.
».Il faut proscrire de nos rangs épurés ce
bandit.
».I1 a l'idée dépravée qu'il est le plus vi-
cieux de ses contemporains.
n Sa figure s'impose à nos dégoûts. Nous
avons exposé ici les portraits d'Eyraud et
de Gabrielle Bompard, nous reproduisons
également les traits de Portalis. Il ne dépare
pas le voisinage çt soutient fa compa-
raison.
».Ce Robert-Macaire vivantqui a exploité
tous les mondes, souillé toutes lei affaires,
sali tous les drapeaux, mis à l'encan toutes
les opinions, échappe à la seule autorité
qu'il redoute et dont il relève, au bras du
gendarme.
« Son casier judiciaire est le plus riche
parmi les livrets des coquins de marque.
Eu vérité, sur quoi Ils chasseurs de
la police correctionnelle perdent-ils leur
poudre pour qu'ils laissent un tel gibier
courir librement dans la forêt de Bondy?
La gamme de ses forfaits monte jus-
qu'à l'assassinat.
,, - - - C'est un gredin de naissance. Il est
voué aux ordures sinistres.
» C'est un mélange de rouerie et de
cynisme, de brutalité et de niaiserie.
». Beaucoup d'observateurs soupçonnent
son cas d'être pathologique et le soumet-
traient volontiers à l'examen des aliénistes.
» Les ruades de ce forban lâché impru-
demment au milieu de nous.
» Il manque fondamentalement de
loyauté, de bonne foi et de bon sens.
» Ce Napoléon de l'égout, qui ne songe
qu'à conquérir le monde, chourine sans
peine pour cinq cent francs.
» Il provoque infailliblement les anti-
pathies et les vomissements, comme si la
fiente morale suintait à travers les trous de
sa face, comme s'il avait imprimé sur son
front insolent et sa physionomie répulsive
le sceau de la duplicité, l'étoile de la dé-
chéance, le crachat indélébile du déshon-
neur
» Il révolte les âmes sans détours, il
est abominé des foules, qui flairent en lui
l'ennemi, la bête puante.
» Son crâne, ses gestes appellent l'hos-
tilité.
» Sur sa peau morte les coups ne mar-
quent plus, rien ne fait cabrer ses reins
vidés, son âme affaissée.
» Qu'il demeure donc dans la boue où
il est à l'aise. »
Les « bravi » sans ouvrage
Nous demandons pardon à nos lecteur?
de leur avoir servi cette littérature phra-
séologiquement charentonnesque, mais ce
n'était que par des exemples qu'on pou-
vait donner une idée de la manière dont
MM. Marinoni et Poidatz se justifient d'ai-
der et d'assister, avec connaissance de
cause, les escrocs qui, embusqués à la
quatrième page du Petit Journal, et même
derrière ses Thomas Grimm, détroussent
les imprudents et les naïfs.
LE CASIER JUDICIAIRE DES RÉDAC-
TEURS DU « PETIT JOURNAL »
Le Petit Journal, dans ses accès d'épilep-
sie, parle du casier judiciaire des autres,
mais il ne le montre pas, et pour cause.
Nous serons moins discret. Nous pu-
blions ci-dessous le casier judicaire des
frères Morel, qui ont écrit hier, sous le
pseudonyme d'Ernest Jupet, l'article paru
dans le Petit Journal sous le titre : Un
bandit.
CLAUDIUS-MARIUS MOREL
Prison. - - - - - - - -.. - --
1 mois. Paris-Cour 1" mars 1866.. Escroquerie.
2 ans. - 20 juin 1866. Abus de confiance.
3 mois. - 23 février 1872. Escroqueri., outrages
2 ans. - 6 mai 1873. Banqueroute simple.
2 ans. - * avril 1884 Escroquerie, défaut.
6 mois. - 12 septemb. 18si Diffamation.
2 mois. - — Diffamation.
2 mois. - — Diffamation.
2 ans. - 10 octobre 1884. Extorsion de fonds.
2 ans. — 20novcmb.l884. Outrages aux mœurs.
8 mois. — 22 janvier 1885. Outrages aux mœurs.
2 mois. Orléans 25 mai 1885. Outrages aux mœurs.
8 mois. Pairs-Cour il juin 1886 Abus de confiance.
6 mois. — 8 avril 1888. Outrages aux mœurs
Nous ferons remarquer que ce casier ,
s'arrête à 1888 et que, pendant les deux
années 1889 et 1890, le casier des deux colla- -
borateurs de MM. Marinoni et Poidatz s'est
orné de plusieurs autres condamnation?.
JOURNAL RÉPUBLICAIN u
RÉDACTION
ra Rue Montmailro
TI"
DIRECTEUR POLITIQUE
A. EDOUARD PORTALIS
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':::: «\; »
- ,,,,;., - -
DEUX AMOURS
TRÈS PROCHAINEMENT
Le XIX- SIÈCLE
Commencera la publication d'un grand
roman-feuilleton inédit de
PIBRKB T~EABL
dont nos lecteurs ont pu apprécier le talent
délicat dans le Torpilleur 29 et VAlcyone,
que nous avons déjà publiés.
TRÈS PROCHAINEMENT
DEUX AMOURS
RÉGLEMENTATION
NÉCESSAIRE :;
Convient-il de limiter par une loi la
durée de la journée de travail ? Je
n'hésite pas, pour ma part, à répon-
dre très énergiquement oui. Mais il
n'est pas surprenant que la question,
lorsqu'elle se pose pour les ouvriers
de l'industrie privée, soulève aujour-
d'hui encore de vives controverses.
L'économie politique, pour démo-
dée qu'elle soit, compte encore de ra-
res prophètes et un groupe de fidèles.
Si éloquente que soit la leçon de cho-
ses qui se dégage à notre époque des
législations de tous les peuples civi-
lisés, l'idée de l'intervention de l'Etat
se heurte toujours à des résistances
invétérées.
Pourtant, le plus farouche partisan
de la vieille formule chère aux éco-
nomistes orthodoxes : Laissez faire,
laissez passer, ne saurait s'empêcher
de confesser qu'il est des cas où l'ac-
tion de l'Etat est mieux que justifiée,
indispensable. :.
euez, par exemple, ce grand ser-
vice des chemins de fer. Même dans
.les pays comme le nôtre, où il
échappe encore à la main-mise de
l'Etat, il est par nature, par destina-
tion, un service public. Quel que soit
le régime sous lequel il se développe,
il appelle forcément le contrôle gou-
vernemental. Les grands intérêts éco-
nomiques du pays sont liés si étroite-
ment a sa gestion, la sécurité de mil-
lions de voyageurs qui circulent sur
la voie ferrée dépend si clairement des
conditions de l'exploitation, que l'Etat"
ne peut se désintéresser de la marche
dus-jivice. S,)11 intervention est for-
cée, de tous les jours, de tous les ins-
tants.
Aussi comprendrait-on à merveille
que même si le législateur se refusait
a régler la journée de travail des ou-
vriers de l'industrie privée, il limitât
celle des agents des chemins de fer.
Voici, par exemple, les chauffeurs et
mécaniciens. Il n'importe pas seule-
ment au bien-être de ces utiles et dé-
voués travailleurs, — le motif certes
serait suffisant, — il y va de la sécu-
rité publique qu'on n'exige point
d'eux un travail exagéré.
Il ne suffit même pas d'exiger des
compagnies qu'elles fixent pour cette
catégorie d'agents une moyenne d'heu-
res de travail qui soit raisonnable,
comme l'écrivaient avec infiniment de
raison les ministres mêmes de l'em-
pire : « Ce qu'il importe de connaître
— t t de régler — c'est le maximum
d'heures de travail qui peut être im-
posé à un mécanicien, à un chauf-
feur. »
Et pour connaître pendant combien
d'heures se prolonge leur travail, ne
perdez pas de vue que leur labeur ne
commence pas seulement à l'instant
où, les voyageurs installés dans leurs
compartiments, les portières fermées,
le coup de siftlet donné, le train se
met en marche. Ils ont, avant le dé-
part comme après l'anivée, des heu-
res supplémentaires à fournir pour
mettre la machine en état, comme
pour la nettoyer. Si l'on veut régle-
menter d'une manière sérieuse et
utile le nombre de leurs heures de
travail, il faut qu'il soit bien entendu
que leur journee commence dès le
moment où ils ont franchi l'enceinte
du chemin de fer, pour ne finir qu'à
l'heure où il leur est permis d'en sor-
tir.
Ce n'est pas d'aujourd'hui que l'on
a compris 1-t nécessité de mettre un
terme à des abus si criants et si pé-
rilleux en réglementant la durée du
travail pour les agents du. service de
la voie. La dernière Chambre avait
voté une loi sur la sécurité publique
dont l'article 8 disposait : « Sauf le
cas de force majeure, la durée du tra-
-vail des mécaniciens et chauffeurs des
trains, ainsi que des autres agents
des trains et des aiguilleurs est fixée
au maximum de dix heures sur vingt-
quatre heures; en aucun cas, la pré-
sence sur la machine ne pourra être
exigée pendant plus de sept heures
consécutives; ne sera pas compté
comme repos un arrêt en route qui
ne dépassera pas une heure. »
En même temps qu'il faut détermi-
ner la durée de la journée de travail,
il convient de limiter la période pen-
dant laquelle l'employé pourra rester
éloigné de son domicile. Aujourd'hui,
sur le P.-L.-M., les mécaniciens aux
express du dépôt de Paris doivent
faire onze jours de service avec une
seule nuit de repos chez eux. C'est la
suppression de toute vie de famille.
LJ3 syndicat général des mécaniciens
et chauffeurs de France, et à sa tête
son président, M. Griimbe: t, ont en-
tamé une campagne pour obtenir une
limitation de la journée de travail, la
fixation du temps pendant lequel l'a-
gent peut sans danger rester sur sa
machine, la détermination de jours de
repos à intervalles périodiques rap-
prochés.
Comme première amélioration, un
certain nombre de députés ont l'in-
tention de demander que la loi des
douze heures, qui n'est applicable
qu'aux manufactures et usines, soit
étendue aux compagnies de chemins
de fer. C'est un premier pas. Il est ur-
gent qu'il soit fait. Le vote de cette
mesure doit être le prélude et la pro-
messe d'autres progrès de même or-
dre dans l'administration des chemins
de fer.
Le public n'est pas moins intéressé
que le personnel des grandes compa-
gnies au succès de ces réformes.
A. Millerand
Le XIXe SIÈCLE publiera demain la
a Vie de - Paris », paur Henry Fouquier.
- LE CONSEIL - MUNICIPAL : -,
Le conseil municipal de Paris sera con-
voque pour lundi le 20 avril. Cette session
qui s'annonce comme assez chargée, dé-
butera par la discussion du rapport de
M. Rousselle sur les opérations de voirie.
La troisième commission, qui avait subi
le reproche de lenteur, déploie en ce mo-
ment Ja plus grande activité pour soumet-
tre au conseil des rapports sur les questions
en suspens, Métropolitain, Gaz, Omnibus,
etc., etc.
LE DUEL LEMAITRE-CHAMPSAUR
M. Jules Lemaître vient d'envoyer ses té-
moinf, MM. Clemenceau, député du Vai\ et
Ganderax, à M. Félicien Champsaur, qui a
fait paraître, il y a quelques jours,' dans
une revue bordelaise, YEcho du monde, un
article très violent contre le critique des
Débats,
M. Champsaur, n'ayant reçu la visite des
témoins de M. Lemaitre que très tard dans
la soirée d'hier, ne pourra constituer les
siens qu'aujourd'hui.
Déjà MM. Champsaur et Jules Lemaître
avaient eu une première algarade à propos
d'un article paru dans la Revue bleue, il y a
deux ans.
REJET DU POURVOI DE WLADIMIROFF
IDE MOTRE CORSPOMDANT PARTICULIER)
Versailles, 8 avril.
Le rejet du pourvoi formé par Wladimi-
roff lui a été notifié aujourd'hui ; le con-
damné n'a manifesté aucune surprise.
M. Wladimirolf père a fait remettre un
recours en grâce au président de la Répu-
blique.
ENTRE VÉLOCIPÉDISTES
(PB NOIKFI CORRESPONDANT PARTICULIER)
Gênes, 8 avril.
Les vélocipédistes français sont arrivés
hier.
Partis de Nevers au nombre de AO, ils sont
arrivés 15 à Marseille et 3 seulement à Gê-
nes. Les vélocipédistes de Gênes sont allés
à leur rencontre jusqu'au Valtri.
Un banquet aété offert aux vélocipédistes
français; les toasts ont été nombreux. Le
voyage avait été fort difficile, à cause du
mauvais état des routes.
FAILLITE DE DEUX NOMS HISTORIQUES
ALLEMANDS
(DB NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 8 avril.
Le tribunal d'arrondissement de Pots-
dam vient de déclarer interdit,comme pro-
digue incorrigible, et de mettre sous cura-
telle le prince George lladziwill, ci-de-
vant officier aux gardes, fils du général
Antoine Radziwill, premier aide de camp
de feu Guillaume Ier.
Le tribunal d'arrondissement deSchwiebus
vient de clore, pour absence d'actif, la fail-
lite du baron Joseph de Manteuffel, fils de
l'ancien maréchal de Manteuffel, ex-gouver-
neur de l'Alsace-Lorraine.
wv- -=
LE VOYAGE DE M. CARNOT
A TOULOUSE
(D'UN CORRESPONDANT)
Toulouse, 8 avril.
A l'occasion de la visite du président de la
République, le conseil municipal vient de dé-
cider d'inaugurer, le 18 mai, l'éclairage élec-
trique des voies principales de là ville.
Cent. cinquante mille francs ont été '7otés
pour les fûtes à donner, en l'honneur de M.
Carhot-
LES ESCROCS
DU PETIT JOURNAL
EN POLICE CORRECTIONNELLE
LA
CONDAMNATION D'HIER
Mazas encombré
Chaque jour, la police correctionnelle
dévore quelques-uns des bâilleurs de fonds
des tenanciers d'annonces Marinoni et Poi-
datz. Et si l'escroquerie, Phœnix moderne,
ne renaissait pas de ses cendres, on pour-
rait sérieusement craindre pour la prospé-
rité du Petit Journal.
Sa clientèle de financiers véreux payant
patente à sa quatrième page est, en effet,
décimée par les jugements des chambres
correctionnelles. Tous les émules de Mary-
Raynàud et de Macé-Berneau ne parvien-
nent pas à se sauver à l'heure psychologi-
que où, semblable à la statue du Comman-
deur, le commissaire de police apparaît
dans leurs bureaux. Nombre d'entre eux
sont arrêtés à temps et déférés aux juges
correctionnels qui, fort justement, font
pleuvoir sur leurs têtes les mois et les an-
nées de prison.
Mazas commence à regorger de ces ban-
quiers de contrebande dont les coffres-
forts ont aspiré les économies des petits et
des humbles. A ce point qu'un des quar-
tiers de la prison du boulevard Diderot
vient, affirme..t-on, de recevoir le nom sug-
gestif de quartier des Escrocs du « Petit
Journal ».
Salmon, Defer et Cie
L'histoire tout entière du pseudo-ban-
quier qui comparaissait hier devant la 10c
chambre de police correctionnelle, prési-
dée par M. Rodât, est simple. Elle pourrait
se résumer en ces mots :
« Il fit insérer des annonces dans le Petit
Journal et il escroqua l'argent de ses con-
toyens. »
Après avoir été employé dans les bureaux
du Crédit lyonnais, M. Henri Salmon fonda
en 1889, avec Defer,au numéro 30 de la rue
Duperré, une grande maison de banque
destinée à rafler les économies des impru-
dents.
Pour lancer l'affaire, les deux associés fi-
rent insérer dans le Petit Journal une an-
nonce ainsi conçue :
200 fr. par mois avec 809 fr., sans aléa.
200 Capital entièrement garanti. Rien du
jeu. Fonds complètement à la disposition des
clients. Demandez circulaire explicative. DEFER
et Cie, 30, rue Duperré.
La circulaire explicative contenait natu-
rellement de mirifiques promesses.
En voici quelques passages ;
H. SALMON, DEFER ET CiO
30, rue Duperré
Paris
BÉNÉFICES IMPORTANTS RÉALISABLES CHAQUE MOIS
Fonds toujours à la disposition des clients
Cent pour cent du capital mensuellement
Opérations d'arbitrage à la cote
« Nous avons la conviction absolue que
nous présentons aux capitalistes une affaire
indiscutable, basée sur un travail réel, bien
qu'attenant à la spéculation. Nous sommes
certains qu'ils nous remercieront un jour
de les y avoir fait participer.
» Que désire le spéculateur ? •
,,'10 Faire un placement sérieux où les
risques de perte soient nuls,
» 2° Faire un placement rémunérateurj
c'est-à-dire doubler, tripler, quadrupler son
argent, plus même s'il est possible.
» 30 Faire un placement garanti sur des
bases solides.
» Les fonds d'Etat offrent un placement
sérieux et garanti, mais peu rémunérateur.
Force est donc de se rabattra sur les affai-
res ; le tout est de les bien choisir.
» Jusqu'ici, c'est du côté de la Bourse
que la spéculation s'est surtout tournée.
Vendre ou acheter, opérer sur la hausse ou
sur la baisse des valeurs au moyen d'opé-
rations plus ou moins fictives, tel est le
rôle du spéculateur à la Bourse.
» Là pourtant se trouve un intermédiaire
que l'on ne voit guère perdre, c'est l'agent
de change qui enregistre les opérations, les
compense et prélève une commission ré-
munératrice.
» Certes, participer aux bénéfices réalisés
par ces princes de la fortune constituerait
un placement vraiment sérieux, de beau-
coup préférable aux gains aléatoires du jeu
direct. Malheureusement, les petites bour-
ses n'y peuvent guère prétendre.
» Mais, à côté de la Bourse, un autre cou-
rant de spéculations grandissant chaque
année et tendant à s'étendre de plus en plus
a conquis la faveur publique, je veux par-
ler des courses de chevaux.
(Suit l'exposé d'un moyen infaillible pour
gagner aux courses SOOfr. par mois vec OO fI'.
décapitai.)
» Voici les résultats que notre spéculation
peut produire.
» Aux gens pratiques en affaires, ce qu'il
faut, c'est une garantie des capitaux qu'ils
nous apportent : et, en cela, ils ont rai-
son.
» Forts de notre expérience, assurés de
continuer les bénéfices réalisés jusqu'ici et
de les augmenter en proportion des capi-
taux que nous recevons, nous n'hésiterons
pas un seul instant à garantir à nos clients
les sommes qu'ils engageront par un bon à
lots du Crédit foncier de France (émission
1887) remboursable à 200 francs (pour cha-
que pari) par les soins du Crédit foncier de
France.
» Cette garantie, dont le sérieux ne peut
être mis en discussion, sera adressée aux
participants dès réception do leur envoi de
fonds. Il n'y aura lieu de nous la retourner
qu'au cas où, pour une cause ou pour une
autre, la participation viendrait a être in-
terrompue, soit par la volonté du partici-
pant, soit pour un cas de force majeure
(mort, gu e r-re; e te ) -
» Il demeure entendu que, dan3 un cas
de ce genre, nous devons, en rentrant dans
jToîre garantie, liquider la participation et
rembourser le capital versé en y ajoutant
les bénéfices acquis.
« Aux capitalistes maintenant de juger
si :
» 1° Nous leur offrons un placement à la
fois sérieux, rémunérateur et garanti ?
» 2° Si la spéculation que nous leur pro-
posons en participation est digne de leur
attention et de leur confiance ?
Quant à nous, convaincus que les idées
simples et les affaires claires sont les meil-
leures, nous pensons qu'il n'est pas besoin
de réclames coûteuses, ni du faux patro-
nage de grands noms qui chârgent toujours
une affaire sans profit ni garantie pour les
propriétaires des capitaux versés.
» Enfin, si vous désirez participer à nos
opérations, retournez-nous le contrat ci-
inclus, signé et rempli, en y joignant le
montant des fonds que vous désirez y en-
gager,
» H. SALMON, DEFER et Cie. »
-- v-' Les imprudents
Les clients affluèrent naturellement aux
bureaux de la rue Duperré. Ces clients
appartenaient à toutes les classes de la so-
ciété. Il avait parmi eux des médecins, des
instituteurs, des professeurs de séminaire,
des commerçants, des employés, etc., etc.
Voici quelques noms et adresses :
M. Roques Joachim, professeur au petit
séminaire, à Castres, envoya 200 francs à la
maison Salmon, Defer et Cie;
M. Raillot Jacques, instituteur primaire
à Robertot, 200 francs ;
M. Robert Henry, ancien receveur des
finances, 200 francs;
M. Laffitte Emile, docteur en médecine à
Bougue, arrondissement de Mont-de-Mar-
san, 200 francs;
M. Lejon Louis, opticien, 178, rue d'Alé-
sia, 1,200 francs;
M. Giraud, répétiteur au lycée de Mont-
luçon, 200 francs ;
M. Gaboriau, notaire à Bort, 230 francs ;
M. - Robert Joseph Le Normant de Fla-
gheac, propriétaire du château de Fla-
gheac, commune de Saint-Georges-d'Aurat,
503 francs ;
M. Courcenet Hilaire, commis principal
à la Trésorerie du Sénat, 6,4, boulevard
Saint-Michel, 200 francs ;
M. Sagniez, correcteur d'imprimerie,
2, rue Massillon, 200 francs ;
M. le capitaine Bourdouche, rue de la Ré*
publique, 33, à Marseille, 200 francs ;
M. Braquehan, percepteur de la réunion
de Neville, en résidence à Saint-Valéry-en-
Caux, 200 francs;
Mme Became, sage-femme, 20, rue des
Lois, à Toulouse, 200 francs;
M. André, plumassier-fleuriste, 115, rue
d'Aboukir, 1,000 francs ;
M. Devrière, étudiant en droit, 85, boule-
vard de la Liberté, à Lille, 200 francs ;
Etc., etc., etc.
Maintenant, cinq ou six déclarations qui
indiqueront par quelle voie la clientèle de
Salomon, Defer et Cie avait été recrutée :
M. Auguste Neny, boulanger à Marcillat
d'Allier, s'est ainsi exprimé chez le juge
d'instruction :
« Recevant le Petit Journal j'ai vu une an-
nonce concernant la banque [Salmon et
Cie. On faisait des propositions tellement
avantageuses sous le rapport des bénéfices
à réaliser, que je m'empressai de deman-
der à cette adressse un prospectus qui m'a
été envoyé immédiatement. J'ai versé 200
francs.
M. Sigal Jean-Pierre, instituteur retraité
à Rodez, rue Bataille, 37, a fait la déclara-
tion suivante ;
« Au commencement de mai 1890, je lus
une annonce du Petit Journal ainsi conçue :
« Deux cents francs de rente par mois, avec
200 francs de capital. Ecrire Defer et Cie,
30, rue Duperré, Paris.» J'écrivis et je reçus
bientôt une circulaire et un bulletin de ver-
sement en blanc. J'envoyai 200 francs.
M. Houlbrat Louis-Charles, retraité, bou-
levard Saint-Antoine, 3 bis, à Versailles :
« J'ai vu une annonce dans le Petit Jour-
nal indiquant qu'avec 200 francs on pouvait
gagner 200 francs par mois, garantis par
des bons du Crédit foncier. Ma foi, j'ai eu
confiance et j'ai versé 600 francs. »
M. Foucault Alfred, rentier, rue des Pépi-
nières, 39, à Angers :
« Dans le mois de juin 1890, ayant lu à la
quatrième page du Petit Journal une an-
nonce qui disait qu'en envoyant une cer-
taine somme aux sieurs Salmon, Defer et
Cie, 30, rue Duperré, à Paris, ces sommes
étaient presque immédiatement doublées
au moins par certaines combinaisons aux
courses de chevaux, j'ai écrit tout de suite
à ces individus et j'ai envoyé deux cents
francs. »
M. Coulange Ferdinand, propriétaire au
Repaire, commune de Saint-Front-d'Ale-
nys :
« Au mois de mars 1890, alléché par une
annonce que je vis dans le Petit Journal,
j'envoyai 200 francs à la banque Salmon,
Defer etC°. »
M. Delaiande, principal clerc de notaire à
Chatou sur Saint-Germain :
« Le SA mai 1890, sur la foi d'annonces du
Petit Journal, j'envoyai deux cents francs à
la maison Saimon, Defer et CI', 30, rue Du-
perré. »
Etc., etc., etc.
Pas n'est besoin d'ajouter que les clients,
trop confiants, de la maison de banque Sal-
mon, Defer et Cc perdirent leurs capitaux,
malgré les prétendues garanties des bons
du Crédit foncier.
A l'audience de la 10e chambre
Salmon, seul, à comparu devant les juges
de la 10° chambre, présidée par M. Rodât,
ancien député. Son co-associé Defer a, en
effet, été assez heureux pour se soustraire
aux recherches de la police.
A l'audience, Salmon, qui est un jeune
homme de vingt-huit ans environ, a eu une
attitude très humiliée.
Il a naturellement rejeté toute la respon-
sabilité des faits qui lui étaient imputés sur
le prévenu absent.
Parmi les dépositions des témoins, à si-
gnaler celle de Mme Mathieu, somnam-
bule :
— J'ai confié, a dit le témoin, h,000 francs
à la banque Salmon, 'Defer et Ce, afin de
faire fructifier ce capital. Mais,quinze jours
environ avant la débâcle de la maison, j'ai
eu le pressentiment que cette banque-ià
n'était pas sérieuse. J'ai couru aussitôt
30, rue Duperré, et j'ai retiré mon argent.
J'ai bien fait, car quelques semaines après
il eût été trop tard.
On ne saurait se montrer plus lucide que
cette somnambule capitaliste.
Après réquisitoire de M. le substitut Bré-
geault et plaidoirie de M6 Quignard, pour
Salmon, le tribunal a condamné Salmon à
six mois de prison. Quant à Defer, l'inculpé
défaillant, il a été condamné à treize mois
d'emprisonnement.
Moralité
Ce cerait se tromper étrangement que de
croire que ces condamnations pour escro-
queries, qui, moralement, atteignent en
plein visage MM. Marinoni et Poidatz, fe-
ront dévier le Petit Journal de sa ligne de
conduite toute de cynique âpreté au gain.
Minotaure de notre épargne nationale, le
Petit Journal, que les effroyables désastres
financiers de ces temps derniers n'ont pas
parvenu à éclairer, continuera demain,
comme il a fait hier et comme il fait au-
jourd'hui, à prêter l'hospitalité peu écos-
saise de ses troisième et quatrième pages
aux bandits de la finance à l'affût des éco-
nomies des imprudents.
N'est-il pas temps que le Parlement s'é-
meuve d'un pareil état de choses et qu'un
député honnête, au risque d'être accusé de
chantage par les Charles Laurent et les
frères Morel, saltabadils ordinaires de MM.
Marinoni et Poidatz, monte à la tribune du
Palais-Bourbon et courageusement propose
une loi destinée à tuer dans l'œuf les entre-
prises éhontées des Mary-Raynaud et des
Macé-Berneau?
LA FUMISTERIE
DE L'ÉCHASSIER NATIONAL
Sylvain Dornon compère de Marinoni.
Une mystification bête.
Le Petit Pickpocket ne peut s'intéresser à
rien qui ne soit une escroquerie ou une
imposture.
Le boulanger failli Sylvain Dornon, an-
cien berger comme M. Marinoni, a été dé-
couvert, subventionné et expédié vers Mos-
cou par le Petit Journal, comme enseigne
ambulante de la maison et comme chienlit
patriotique,
Or, le bonhomme est non seulement un
grotesque, mais un imposteur.
Il voyage la plupart du temps en che-
min de fer.
Un journal .d'arrondissement de Malmédy
(province rhénane) a releyé une partie de
son itinéraire.
11 nous raconte que Dornon, venant de la
frontière belge, est arrivé le 22 mars au
soir à Steinebruck, petit village, où il a
passé la nuit.
Le lendemain, au lieu de continuer sa
route sur ses échasse, il a pris le train qui
l'a conduit à Prum, soit une distance de
28 kilomètres. Là, il reprit ses échasses et
se rendit à Stadtkyll en faisant 20 kilomè-
tres, puis il gagna la station de JÜnkerath,
où il monta dans le train qui le conduisit
à Bonn (90 kilomètres).
Et ainsi de suite, sans aucun doute, jus-
qu'à Berlin et au-delà de Berlin.
Ce polisson est digne de ses patrons.
MORT DE LA COMTESSE DJALESKA
Mme la comtesse Djaleska, veuve du général
comte Djaleski, qui fut aide de camp de l'em-
pereur Nicolas Ier, a succombé hier à Paris, à
l'âge de quatre-vingts ans.
Ses obsèques auront lieu aujourd'hui, à dix
heures et demie, à la Madeleine.
APPLICATION DE LA LOI BÉRENGER
(DE NOS CORRESPONDANTS. PARTICULIERS)
Rennes, 8 avril.
La cour d'appel de Rennes a fait, aujour-
d'hui, la première application de la loi Bé-
renger, sur la plaidoirie de Me Millerand,
du barreau de Paris.
Le nommé Samson, poursuivi pour la
première fois, est âgé de plus de cinquante
ans. Il était accusé de ventes frauduleuses
de toile à des communautés religieuses.
Considérant les excellents antécédents du
prévenu et les services qu'il a rendus pen-
dant la guerre pour l'approvisonnement
des hôpitaux de Paris, la cour, tout en
confirmant sur le fond le jugement de pre-
mière instance, a ordonné le sursis à l'exé-
cution de la peine.
Bordeaux, 8 avril.
La cour vient d'appliquer la loi Béren-
ger dans le cas d'une affaire de coups et
blessures.
Un individu nommé Fanger, âgé de dix-
neuf ans, avait été condamné a un mois de
prison; il fit appel.
La cour a décidé qu'il serait sursis à la
peine et que le condamné en serait relevé
s'il se conduisait bien pendant une pé-
riode de cinq années.
RAPATRIEMENT O'ÉMIGRAHTS
(DK NOTAS CORRESPONDANT PARTICULIER)
Lisbonne, 8 avril.
MM. Elinka et Chelmunski, envoyés au
Brésil pour le rapatriement de leurs com-
patriotes russes, se sont embarqués hier
pour Rio-Janeiro.
D'après les déclarations des délégués
eux-mêmes, leur voyage n'a qu'un but hu-
manitaire dépourvu de tout caractère of-
ficiel. Il est évident, cependant, que comme
toute tentative publique en Russie, elle est
autorisée, sinon patronnée, par le gouver-
nement russe.
Le but de la mission est double: rapatrier
quelques centaines d'individus auxquels la
différence de climat est devenu néfaste
et les reconduire ensuite dans les
villages d'où ils s'étaient exilés, ce qui ser-
vira de contre-poids aux racontars men-
songers des agents d'émigration et à leurs
descriptions fantaisistes des paradis d'ou-
tre-Océan.
M. Elinka, grand propriétaire foncier de
la Pologne, ainsi que l'abbé Chelmunski
espèrent que le gouvernement brésilien
prendra en considération le caractère hu-
manitaire de leur tentative et qu'il ne leur
cherchera pas de difficultés dans l'accoin-
plissement de la tâche qu'ils se sont libre-
ment imposée.
: LES MÉF AIIS
DU PETIT JOURNAL
LE « PETIT JOURNAL » ÉPILEPTIQUE
A l'instar de Pierre Petit. — Comment
le « Petit Pickpocket » se justifie. -
Les collaborateurs de MM. Ma-
rinoni et Poidatz.
Le Petit Journal a eu, hier, une crise d'ô-
pilepsie de cinq colonnes.
La campagne entreprise par le XIXe Siè-
cle contre les malfaiteurs de tout acabit qui
s'abritent à sa quatrième page fait, en effet,
baisser son tirage à ce point que les panta-
lonnades de ses braviordinaires no lui sem-
blent plus suffisantes. Maintenant, à l'ins-
tar de Pierre Petit, il opère lui-même.
De quelle façon? Merveilleusement, il
faut le reconnaître. C'est du Veuillot de
derrière les fagots, du Veuillot sans le
style, bien entendu.
Sommé de s'expliquer au sujet des an-
nonces d'escrocs et des réclames fraudu-
leuses qu'il insère quotidiennement le Petit
Journal se justifié en vomissant sur notre
directeur un article dont, à titre de curio-
sité, nous allons reproduire les principaux
passages.
On verra où en est tombé, entre les mains
de Marinoni et de Poidatz, ce beau langage
de France, si doux qu'à la parole, dit le
poète :
Les femmes, sur la lèvre, en gardent un sou-
[rire.
La réthorique du « Petit Journal »
Voici les fleurs de ce bouquet :
« Portalis a le vertige du pilori et la
passion de la flétrissure.
».Cet homm e a crocheté toutes les caisses,
diffamé quiconque ne le paie pas, laissé des
traces maladroites de ses opérations abjec-
tes dans le dossier de tous les ministres,
dans les -archives de toutes les banques.
».Il faut proscrire de nos rangs épurés ce
bandit.
».I1 a l'idée dépravée qu'il est le plus vi-
cieux de ses contemporains.
n Sa figure s'impose à nos dégoûts. Nous
avons exposé ici les portraits d'Eyraud et
de Gabrielle Bompard, nous reproduisons
également les traits de Portalis. Il ne dépare
pas le voisinage çt soutient fa compa-
raison.
».Ce Robert-Macaire vivantqui a exploité
tous les mondes, souillé toutes lei affaires,
sali tous les drapeaux, mis à l'encan toutes
les opinions, échappe à la seule autorité
qu'il redoute et dont il relève, au bras du
gendarme.
« Son casier judiciaire est le plus riche
parmi les livrets des coquins de marque.
Eu vérité, sur quoi Ils chasseurs de
la police correctionnelle perdent-ils leur
poudre pour qu'ils laissent un tel gibier
courir librement dans la forêt de Bondy?
La gamme de ses forfaits monte jus-
qu'à l'assassinat.
,, - - - C'est un gredin de naissance. Il est
voué aux ordures sinistres.
» C'est un mélange de rouerie et de
cynisme, de brutalité et de niaiserie.
». Beaucoup d'observateurs soupçonnent
son cas d'être pathologique et le soumet-
traient volontiers à l'examen des aliénistes.
» Les ruades de ce forban lâché impru-
demment au milieu de nous.
» Il manque fondamentalement de
loyauté, de bonne foi et de bon sens.
» Ce Napoléon de l'égout, qui ne songe
qu'à conquérir le monde, chourine sans
peine pour cinq cent francs.
» Il provoque infailliblement les anti-
pathies et les vomissements, comme si la
fiente morale suintait à travers les trous de
sa face, comme s'il avait imprimé sur son
front insolent et sa physionomie répulsive
le sceau de la duplicité, l'étoile de la dé-
chéance, le crachat indélébile du déshon-
neur
» Il révolte les âmes sans détours, il
est abominé des foules, qui flairent en lui
l'ennemi, la bête puante.
» Son crâne, ses gestes appellent l'hos-
tilité.
» Sur sa peau morte les coups ne mar-
quent plus, rien ne fait cabrer ses reins
vidés, son âme affaissée.
» Qu'il demeure donc dans la boue où
il est à l'aise. »
Les « bravi » sans ouvrage
Nous demandons pardon à nos lecteur?
de leur avoir servi cette littérature phra-
séologiquement charentonnesque, mais ce
n'était que par des exemples qu'on pou-
vait donner une idée de la manière dont
MM. Marinoni et Poidatz se justifient d'ai-
der et d'assister, avec connaissance de
cause, les escrocs qui, embusqués à la
quatrième page du Petit Journal, et même
derrière ses Thomas Grimm, détroussent
les imprudents et les naïfs.
LE CASIER JUDICIAIRE DES RÉDAC-
TEURS DU « PETIT JOURNAL »
Le Petit Journal, dans ses accès d'épilep-
sie, parle du casier judiciaire des autres,
mais il ne le montre pas, et pour cause.
Nous serons moins discret. Nous pu-
blions ci-dessous le casier judicaire des
frères Morel, qui ont écrit hier, sous le
pseudonyme d'Ernest Jupet, l'article paru
dans le Petit Journal sous le titre : Un
bandit.
CLAUDIUS-MARIUS MOREL
Prison. - - - - - - - -.. - --
1 mois. Paris-Cour 1" mars 1866.. Escroquerie.
2 ans. - 20 juin 1866. Abus de confiance.
3 mois. - 23 février 1872. Escroqueri., outrages
2 ans. - 6 mai 1873. Banqueroute simple.
2 ans. - * avril 1884 Escroquerie, défaut.
6 mois. - 12 septemb. 18si Diffamation.
2 mois. - — Diffamation.
2 mois. - — Diffamation.
2 ans. - 10 octobre 1884. Extorsion de fonds.
2 ans. — 20novcmb.l884. Outrages aux mœurs.
8 mois. — 22 janvier 1885. Outrages aux mœurs.
2 mois. Orléans 25 mai 1885. Outrages aux mœurs.
8 mois. Pairs-Cour il juin 1886 Abus de confiance.
6 mois. — 8 avril 1888. Outrages aux mœurs
Nous ferons remarquer que ce casier ,
s'arrête à 1888 et que, pendant les deux
années 1889 et 1890, le casier des deux colla- -
borateurs de MM. Marinoni et Poidatz s'est
orné de plusieurs autres condamnation?.
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