Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1891-04-07
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 07 avril 1891 07 avril 1891
Description : 1891/04/07 (A21,N7022). 1891/04/07 (A21,N7022).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75657430
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2013
Vingt-et-unième année.
CINQ Centimes - Paris et Départemmta - CINQ Centimes
MARDI 1 AVRIL 1891
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JOURNAL REPUBLICAIN
RÉDACTION
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DIRECTEUR POLITIQUE'
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REPONSE AU « PETIT JOURNAL ».
taEigÉiis
Il est à croire qu'avant longtemps
de grands travaux de voirie pour-
ront être entrepris à Paris. Il y en a
Sur la nécessité desquels tout le monde
lest d'accord. On se bat encore autour
'des plans, on discute les voies et
moyens, on ne conteste plus i utilité
;de l'opération. Tel le Métropolitain,
pour ne citer qu'un exemple.
On peut donc compter que les diffi-
cultés qui hérissent les abords de tou-
tes ces grandes entreprises finiront
par disparaître. D'autant que, si l'on
en juge par les doléances qui montent
d'un peu tous les côtés, l'année 1891
menace de n'être pas aussi favorable
au travail national que les deux an-
nées qui l'ont précédée. C'est le mo-
ment pour les pouvoirs publics : Etat,
départements, communes, de mettre
en chantier les travaux dont ils enten-
dent poursuivre l'achèvement.
Mais, dès que ces projets se dessi-
nent, une question se pose, touj ours
ta même. Pour les réaliser, il faut de
l'argent, beaucoup d'argent. C'est la
pierre d'achoppement où sont venus
* :trop souvent se briser les plans les
piieux conçus.
Il est, en particulier pour les grands
travaux publics, un élément de dé-
pense considérable qui ne peut ja-
mais être calculé par avance avec
précision. Dans bien des circonstan-
ces, il a dépassé d'une manière invrai-
semblable toutes les prévisions. Je
veux parler des indemnités d'expro-
priation. La Ville de Paris, pour son
compte, a éprouvé de ce chef les sur-
prises les plus extraordinaires et les
plus désagréables.
Sans doute, le principe même de
l'indemnité se justifie. La collectivité,
pour des raisons d'intérêt général,
expulse un citoyen de son bien. Elle
répare le dommage qu'elle lui a causé
en lui offrant une juste et préalable
indelunité. Rien de plus naturel, de
plus équitable. A une condition ce-
pendant.
C'est que, par une interversion des
yoles, ce ne soit pas la collectivité qui
ait à subir un dommage au bénéfice
du particulier enrichi par son évic-
tion. Or, le cas s'est trop souvent pré-
senté. La faute en est surtout à une
législation vieillie et insuffisante. On
en réclame depuis de longues années
la modification. Le gouvernement a
pris l'initiative de la proposer. La
Chambre vient d'être saisie d'un rap-
port sur ce sujet par M. Thévenet.
Les conclusions de la commission
me sont point en complet accord avec
celles du gouvernement. Trois points
essentiels étaient visés par le projet :
J'institution d'expertises, des modifi-
cations au recrutement du jury d'ex-
propriation, des dispositions desti-
nées à prévenir les fraudes tentées
parfois devant le jury au moyen de
documents mensongers.
Sur ce dernier point, pas de diffi-
culté essentielle. L'intérêt de tous est
engagé à réprimer le vol partout où il
essaye de se produire, surtout si c'est
pour s'approprier sous forme d'in-
demnité des fonds qui appartiennent
au public.
Mais la commission n'a pas cru de-
voir aller jusqu'à permettre au magis-
trat instructeur d'opérer, comme le
voulait le gouvernement, la saisie de
toutes pièces suspectes. Cette disposi-
tion risquait d'entraîner des lenteurs
fort regrettables. Toute saisie avait,
en effet, pour conséquence inévitable
àa suspension des opérations du jury
jusqu'à la fin de la procédure crimi-
nelle.
11 a paru, avec raison semble-t-il, à
la commission qu'une garantie suffi-
sante serait donnée par l'assimilation,
jusqu'à présent contestée, des frau-
des commises pendant la procédure
d'expropriation au délit d'escroque-
rie.
Quant à la composition du jury,
sans entrer dans les détails, qu'il suf-
fise de dire que la commission a
.donné pour base à la formation du
,jury d'expropriation la liste du jury
criminel. Nous sommes de ceux qui
pensent que la loi de 1872 qui règle la
composition du jury d'assises gagne-
rait à être élargie. Mais tant qu'on
n'aura pas revisé la législation dont
'M. Dufaure fut le père, il n'est pas
déraisonnable de s'appuyer sur elle
pour le choix des autres jurés.
La réforme capitale du projet, sur
laquelle gouvernement et commission
se sont mis d'accord, organise une
exoertise préalable à la décision du
jury. Elle n'est pas obligatoire. Cha-
que partie a le droit de la provoquer
en demandant au président, par voie
de référé, de nommer un ou trois
experts.
Le danger de cette disposition nou-
velle saute aux yeux. N'en résultera-
t-il pas des lenteurs dans l'expédition
des affaires? Le projet cherche, sans
y parvenir complètement, à prévenir
cet inconvénient en fixant aux experts
un délai restreint et en les rendant
responsables des retards.
L'avantage de l'expertise, par con-
tre, est indéniable. Elle permet au jury
de statuer en connaissance de cause
sans être exposé aux surprises dont il
est aujourd'hui trop souvent la vic-
time. Nous ne faisons, du 'reste, en
recourant à ce procédé d'instruction
que suivre l'exemple que nous ont
donné la Belgique, l'Italie, la Prusse,
l'Espagne.
La réforme est pratique. Le Parle-
ment serait bien inspiré en se hâtant
de la réaliser.
A. Millerand
Le XIXe SIECLE publiera demain la
« Chronique », par M. Paul Ginisty.
T
BISMARCK CANDIDAT
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 5 avril.
L'agitation électorale bat son plein dans
la dix-neuvième circonscription du Hano-
vre. Toutes les localités de ce territoire,
qui longe la mer du Nord de l'embouchure
du Weser à celle de l'Elbe, sont envahies
par des orateurs en touraée pour ou con-
tre M. de Bismarck.
Une grande assemblée a eu lieu dans un
hôtel, convoquée par le docteur Jérusalem,
l'agent le plus remuant de l'ex-chancelier,
mais le promoteur de la réunion n'a pu y
assister, par suite d'une mésaventure co-
mique. En descendant de la gare voisine,
il est tombé sur un cocher socialiste qui
s'est fait un malin plaisir de le conduire
dans une autre localité.
Les nouvelles de tous les points de la cir-
conscription ne laissent aucun doute sur le
succès de M. de Bismarck, le jour de l'élec-
tion, qui est fixé au mercredi 15 avril.
Les polémiques de presse sont fort vives.
Le Messager du Weser dit : « Si M. de Bis-
marck daigne accepter le mandat, messieurs
du gouvernement siégeront comme des
nains à la table des ministres et le monde
pourra contempler de nouveau la figura
incarnant la grandeur d'antan de l'Alle-
magne. »
Les socialistes déploient, dans la circons-
cription, une grande activité pour faire
échouer la candidature du prince de Bis-
marck et réussir celle de leur représen-
tant, le cordonnier Adloff. Un vapeur a été
loué et des agitateurs révolutionnaires vont
y monter et s'engager dans tous les canaux
pour pouvoir visiter les cabanes les plus
isolées et y faire leur propagande.
UN CAISSIER DE CAISSE D'ÉPARGNE
, POURSUIVI.
1
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Le Mans, 5 avril.
Les administrateurs de la Caisse d'épar-
gne du Mans se sont réunis hier soir pour
recevoir la communication du rapport fait
par M. Thérouanne, trésorier général, sur
les malversations du caissier de la Caisse
d'épargne. Le rapport fixe à quarante mille
francs environ le déficit relevé dans la
caisse.
Le caissier Gasnier, interrogé, reconnait
le déficit, mais il conteste le chiffre.
Il reconnaît avoir conservé par devers lui,
et ensuite les avoir oubliées, des sommes
remises par deux sous-caissiers à titre de
cautionnement, et dit avoir aussi rem-
boursé l'une. Il reconnaît avoir fait trans-
porter chez lui une partie du bois affecté
au chauffage de la Caisse d'épargne, en
raison des travaux supplémentaires qu'il
faisait à son domicile.
On croit que le cautionnement de Gas-
nier comblera le déficit.
Les administrateurs ont prononcé la ré-
vocation de Gasnier et ont décidé de dé-
poser une plainte au parquet.
UNE ÉMEUTE
DES CIGARIÈRES DE NAPLES
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Naples, 5 avril.
Les ouvrières de la manufacture de tabacs
se sont insurgées contre la décision de la
direction concernant la réglementation des
repas.
Il n'a pas fallu moins de soixante carabi-
niers pour rétablir l'ordre. Si les troubles
recommencent demain, la manufacture 'sera
fermée.
UNE PANIQUE AUX BOUFFES
Une panique qui a failli faire de nom-
breuses victimes s'est produite hier soii
aux Bouffes-Parisiens.
Il était neuf heures et demie, le deuxième
acte de Miss Helyett venait de reprendre,
quand une fumée assez épaisse se répandit
dans la salle.
Elle sortait du parapluie d'un vieux mon-
sieur qui, pendant l'entr'acte, y avait laissé
tomber, allumé, le bout de sa cigarette, et
la soie du parapluie brûlait ferme.
Un cri « Au feu ! se fit entendre et, aus-
sitôt, une bousculade effroyable se pro-
duisit : les femmes s'évanouissaient, les
enfants miaulaient et les vieillards levaient
les bras au ciel; des accidents allaient arri-
ver, quand, d'une voix de stentor, M. Touny,
commissaire de police, rassura les affolés
en leur expliquant les peu terribles causes
de la panique.
Après que des flots de vinaigre eurent
été répandus sur les spectateurs encore
sans connaissance, le rideau s'est relevé et
la représentation a pu. continuer$aas en-
combre.. -
LES MOINES GUERRIERS
LES FRÈRES ARMÉS
DU SAHARA
Interview avec le cardinal Lavigerie.
— La traite des esclaves. — Le ser-
vice des moines guerriers. -
L'existence dans le Sahara.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Alger, 5 avril.
Comme je vous l'ai télégraphié il y a
quelques jours, c'est demain matin 5 avril
que les douze premiers moines guerriers
du Sahara, au nombre desquels se trouve
le vicomte de Bressac, ancien président
des chasses de Pau, prononceront leurs
voeux.
La cérémonie doit avoir lieu à Biskra,
sous la présidence du cardinal Lavigerie,
qui m'a fourni récemment des renseigne-
ments curieux sur la nouvelle institution.
..,. Notre œuvre, me dit le cardinal, n'est
pas religieuse, mais humanitaire, et elle
compte dans son sein plusieurs libres-pen-
seurs. Elle a pour but de combattre l'escla-
vage dans le Soudan, où les princes mu-
sulmans, dédaignant d'appliquer à leurs
sujets les principes d'impôt inventés par la
civilisation occidentale, n'ont d'autre res-
source, pour alimenter leur caisse, que
d'exporter les « nègres du. Trésor". Le
Sahara est en effet le passage forcé des
iloirs destinés aux marchés de la Turquie,
du Maroc et de la Tripolitaine.
Impossible de se faire une idée de la fé-
rocité avec laquelle s'opèrent ces razzias hu-
mains. Des villages paisibles de l'intérieur
sont cernés pendant la nuit par des bandes
d'aventuriers armés jusqu'aux dents qui
massacrent ceux qui tentent la moindre
résistance. Si quelques nègres peuvent s'é-
chapper à la faveur des ténèbres, presque
tous sont pris, sans distinction d'âge ni de
sexe. On les traîne alors dans des contrées
situées parfois à cent jours de marche, liés,
enchaînés et même accouplés dans des
cangues à compartiments. Une femme, un
vieillard est-il trop fatigué pour continuer
la route, on l'assomme avec une barre de
bois, pour épargner la poudre.
On calcule que, chaque année, quatre
cent mille nègres sont ainsi capturés.
La mission des moines
Grâce à nos moines, continue le cardi-
nal, j'espère arriver peu à peu à faire dis-
paraître le fléau. En ce moment, je n'en ai
que douze, mais depuis que j'ai quitté
Paris,le bureau du comité anti-esclavagiste
a reçu plus de 1,700 demandes d'enrôlement.
Je puis donc espérer que ma petite pha-
lange grossira vite.
— Mais quels services demandez-vous à
ces courageux philanthropes?
— Les frères du Sahara doivent avant
tout se rendre célèbres par leur bonté dans
toute l'étendue du désert que traversent les
esclaves. Ils arriveront à ce résultat en soi-
gnant les malades et en recueillant les es-
claves fugitifs.
Ils devront ensuite cultiver le désert,
creuser des puits et chercher des oasis.
Bien entendu, il faut qu'ils soient chas-
seurs et sachent faire le coup de fusil. S'ils
sont étrangers au maniement des armes,
on remédie à cette lacune de leur éduca-
tion pendant le noviciat, qui dure un an.
Le régime des moines
Les moines n'emportent pas de boites de
conserves. Ils devront pour se nourrir uti-
liser les ressources du désert : dattes, liè-
vres, tourterelles, gazelles, etc. Leur uni-
forme sera très simple.
Dans les habitations, pour tous meubles,
des lits de camps et une natte sur laquelle
on s'assied pour déjeuner.
Ils se lèvent naturellement de très bonne
heure, procèdent à leurs ablutions, font la
prière du matin, puis vaquent à leur
travail qui doit durer huit heures, et
est coupé par deux heures et demie de ré-
création.
Les repas ont lieu à midi et à. huit
heures.
Ils se composent d'une soupe, d'un plat
de viande et d'un plat de légume.
Le dimanche, tout travail manuel est
suspendu ; la communauté a pour se dis-
traire des exercices militaires et des clas-
ses d'arabe.
C'est assez dur, comme vous voyez,
mais le métier peut sourire aux gens ac-
tifs.
Dans les communautés de France, avec
le règlement de prières perpétuelles, sur
cent postulants il n'en dameure pas cinq.
Ici, tous restent. Et cependant mon prin-
cipe est celui-ci : la porte « doit être étroite
pour entrer et largement ouverte pour sor-
tir. »
NOUVELLES DU BRÉSIL
(DB NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Marseille, 5 avril.
La Bourgogne, paquebot des Transports
maritimes, venant du Brésil, est arrivé
cette nuit dans notre port avec 145 passa-
gers, émigrants italiens qui rentrent dans
leurs foyers. Ces malheureux, qui sont
dans la misère la plus complète, font peiae
à voir.
Le navire a apporté 300 balles de tabac
pour les manufactures de l'Etat, et 1,300
sacs de café.
La campagne menée par les journaux li-
béraux en faveur du retour de l'ex-empe-
reur dom Pedro a été favorablement ac-
cueillie par les Brésiliens et, lors de l'escale
du paquebot à Rio-de-Janeiro, le bruit cir-
culait que le gouvernement allait l'autori-
ser à y retourner.
Dom Pedro, c'est probable, ne profitera
pas de cette faveur.
Dans la République argentine
La situation commerciale est bonne; il
n'en est pas de même de celle de la Répu-
blique argentine.
Un officier du bord m'a raconté que plu-
sieurs maisons de banque ont dû fermer
leurs guichets. La misère règne partout.
Chaque jour on trouve dans les rues de
Buenos-Ayres des malheureux, et surtout
des enfants, morts de faim : une centaine
au moins succombent journellement.
Les esprits sont très surexcités contre les
membres du gouvernement et on s'attend
à une révolution du genre de celle du
Chili. On s'accorde à dire que, malgré la
réussite de l'emprunt, la banqueroute est
imminente.
Départ du « Saghalien »
Le paquebot Saghalien, courrier de Chine
et du Japon, est parti ce soir, emportant
les quatre superbes chevaux arabes offerts
par le sultan Abdul-Hamid à l'empereur
du Japon. Il emporte également soixante-
trois tonnes de pièces, coques et machines
pour torpilleurs de trente-cinq mètres, fa-
riquées au Creusot, à destination de la
marine italienne.
LE PAMPHLÉTAIRE SBARBARO
---
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Gênes, 5 avril.
Le professeur Sbarbaro a assisté hier à
un banquet donné en son honneur, dans
lequel il a porté un toast au roi gentil-
homme qui l'a fait mettre en liberté. Il a
attaqué violemment MM. Bovio, Cavallotti,
Zanardelli, Tajani, Grimaldi, disant qu'il
entrerait encore dans le sanctuaire privé
des hommes publics, tant que Dieu ne lui
arrêtera pas la main.
Il a annoncé qu'il allait poser sa candi-
dature à Pavie.
LA RÉVOLTE DE BEN-CHICAO
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Alger, 5 avril.
Il a été sérieusement question d'une ré-
volte à Ben-Chicao, école d'agriculture co-
loniale située dans le département d'Alger
et installée par les soins de l'Assistance pu-
blique de la Seine. Or, il résulte de l'en-
quête à laquelle je me suis livré que « l'af-
faire » à été considérablement grossie.
Quelques enfants ont, en effet, tenté de.
fomenter une mutinerie, mais ils n'ont pas
été suivis par leurs camarades, et il a suffi
d'une verte semonce du directeur pour
leur faire abandonner toute idée d'insur-
rection.
Ces essais de mutinerie ne sont pas pour
nous étonner, l'Assistance publique ayant le
tort grave d'expédier en Algérie des sujets
souvent fort douteux et qui ne possèdent
pas toujours les aptitudes qu'on serait en
droit d'exiger de futurs agriculteurs. C'est
ainsi que sur la cinquantaine de jeunes
gens internés dans l'établissement, on en
compte un bon tiers qui, avant leur envoi,
avaient été placés, soit à Paris, soit en pro-
vince, en qualité de valets de chambre ou
de garçons de café.
Ce n'est pas cela qu'il faudrait. Ben-Chi-
cao est une école d'agriculture coloniale;
elle doit élever, instruire, éduquer des cul-
tivateurs, des vignerons qui, après leur
service militaire, seront mis à la tête de
concessions de vingt ou trente hectares
qu'ils devront ensemencer et planter.
La commission élue par le conseil géné-
ral de la Seine devrait donc faire un choix
spécial des individus, prendre des terriens,
des fils de paysans, et en expédier, non une
cinquantaine, comme elle l'a fait jusqu'à ce
jour, mais deux ou trois cents. Ben-Chicao
est très salubre, merveilleusement situé;
il y a là tout sous la main pour former
d'excellents colons.
LE CONGRÈS OUVRIER BELGE
Suffrage universel ou grève générale
(D'UN CORRESPONDANT)
Bruxelles, 5 avril.
Le congrès des ouvriers belges s'est réuni
ce matin pour délibérer sur la question de
la grève générale en Belgique.
Il a débuté par voter un ordre du jour
affirmant la reconnaissance des ouvriers
belges pour l'appui donné par le congrès
des mineurs qui vient de se tenir à Paris
à leurs revendications politiques, et les dé-
clarant solidaires de tous les pays qui les
aident à reconquérir la liberté.
Il a donné lecture d'un rapport du bu-
reau rappelant les détails rétrospectifs de
la campagne révisionniste.
, Dans la conviction que la revision est en
bonne voie, qu'elle sera votée dans le cours
de la session législative actuelle, et dans
'intérêt même de la revision, le rapport
conclut à ce qu'un nouveau crédit soit
lloué aux classes dirigeantes et que la date
de la grève générale ne soit pas immédia-
tement fixée.
La séance de ce matin a été consacréa
exclusivement aux formalités préliminaires
nt à la lecture fin vîirknnrt.
-. - .- ------- - - - tl-. -.
Le nombre des groupes représentés au
congrès est de 350. L'assemblée est très
nombreuse.
M. Léon Defuisssaux, ancien député de
Mons, a été élu président.
La séance de l'après-midi a été remplie
par la discussion de la question de la grève
générale.
Après une discussion longue et animée,
le congrès s'est trouvé en présence de trois
propositions : 1° déclarer la grève pour le
20 avril ; 3° la déolarer au 1er mai ; 30 la
proposition formulée par M. Volders, prési-
dent du conseil général du parti ouvrier, et
qui consiste, tout en admettant le principe
de la grève générale à donner pleins pou-
voirs au conseil général du parti ouvrier, si
les Chambres ne commencent pas dès la
rentrée la discussion de la révision constu-
tionnelle, d'ajourner la grève générale jus-
qu'après la discussion du budget;
A veiller à ce que d'aucune manière la
revision ne soit ni enterrée ni ajournée, et
à agir avec fermeté, au nom du parti, si
une de ces éventualités se présentait.
M. Volders précise sa proposition en di-
sant qu'il désire retarder la grève géné-
rale jusqu'au 15 ou O mai, c'est-à-dire jus-
qu'au moment où les deux budgets qui res-
tent à examiner auront été votés. Si alors la
Chambre n'aborde pas la discussion de la
revision constitutionnelle, le conseil géné-
ral aura le droit et le devoir de décréter la
grève générale.
La proposition Volders a la priorité. Elle
est adoptée par acclamation et à la presque
unanimité.
LES MÉFAITS
DU PETIT JOURNAL t'
LA RAGE DE M. MARINONI
Il se fâche, donc il a tort. — Un trait de
génie de MM. Marinoni et Poidatz.
— Une lettre tronquée.
Enfin ! Feringhea a parlé !
La raison sociale Marinoni et Poidatz
avait cependant solennellement juré de
se mettre, selon l'expression grecque, un
boeufsurlatangue; n-iaislorsque M. Marinoni
a lu le numéro du XIX6 Siècle montrant
que, non content de piller et de rançonner
les lecteurs du Petit Journal comme direc-
teur de l'agence Marinoni-Poidatz, il pillait
aussi et rançonnait chaque année les ac-
tionnaires du Petit Journal de plus d'un
million et demi comme imprimeur, une rage
épouvantable s'est emparée de ce gros
homme ; il a immédiatement grimpé dans
le rapide de Nice à Paris, et en débarquant
il a déclaré qu'il fallait que ça finisse et
que, du moment où les jappements des ro-
quets boulangistes et les engueulades des
souteneurs recrutés par M. Poidatz ne suf-
fisaient pas à faire taire le XIXe Siècle, il
fallait que le Petit Journal donnât lui-
même.
Et tandis que dans le public on s'amusait
encore à lui crier : Parlera ! parlera pas ! il
a parlé.
Est-ce pour se défendre ?
Est-ce pour avouer ?
Est-ce pour plaider les circonstances
atténuantes ?
Est-ce pour dire qu'il ne le fera plus, qu'il
renonce à monter et à recommander des
affaires comme les « Sardines », les « Cafés-
Restaurants » ou « les Grands-Boulevards »
et qu'il n'ouvrira plus ses colonnes à Le
Brun, à « la Société industrielle ", au « Cen-
tral-Sport », en un mot à tous les Macé-BJr-
neau qu'on voit défiler chaque jour en po-
lice correctionnelle ?
Non, ce n'est pour rien de tout cela que
MM. Marinoni et Poidatz ont rompu le si-
lence.
De quoi les accusait-on, en somme ?
De piller les lecteurs et les actionnaires
du Petit Journal, d'avoir transformé cet
organe populaire on un immense suçoir
faisant le vide dans les poches d'un tas de
braves gens sans défiance et sans défense.
Eh bien, savez-vous ce qu'ils ont trouvé
de mieux pour se disculper et pour sortir
de ce débat plus .blancs que la blanche her-
mine? Ils ont imaginé de répondre à ceux
qui, pièces en mains, leur prouvaient qu'ils
étaient des voleurs : Vous en êtes un au-
tre !
Voilà ce que les cervelles géminées de
MM. Marinoni et Poidatz ont trouvé de plus
fort et de plus convaincant! C'est, ou ja-
mais, le cas de dire : Quels génies! quels
dentistes !
L'accusation
Ainsi, nous avons établi, pièces en mains,
que l'annonce du Petit Journal était l'ins-
trument de précision avec lequel les escrocs
de tout acabit forçaient tous les coffre-forts
et tous les tiroirs; nous avons montré que
non seulement les annonces, mais les ré-
clames et même les articles de tête du Petit
Journal étaient des pièges tendus aux capi-
talistes petits ou grands, aux négociants
gênés, aux employés sans place, aux ou-
vriers et aux ouvrières sans travail; nous
avons prouvéquele "Service des primei » du
Petit Journal était une filouterie organisée,
et que cette filouterie avait pour but de dis-
simuler le scandaleux bénéfice de plus de
un million et demi annuellement l'éalisé
par M. Marinoni comme imprimeur du Pe-
tit Journal; nous avons dit que cette feuille
populaire,qui avait charge d'âmes, étant la
plus lue et s'adressant à la classe la moins
éclairée, se servait de son influence sur-
tout pour dépouiller et pour gruger le pu-
blic; nous avons enfin calculé que la publi-
cation de ce journal, sous l'administration
Marinoni-Poidatz, avait déjà coûté à l'épar-
gne française plus cher que l'invasion alle-
mande.
Telle est l'accusation que nous avons for-
mulée et contre laquelle pas une voix ne
s'est élevée dans le public.
La défense
A cette formidable accusation que répon-
dent MM. Marinoni et Poidatz? Ils nous ac-
cusent d'avoir volé et d'avoir volé qui?
Est-ce un gros ou un petit capitaliste, un
simple rentier à la recherche d'un revenu
plus rémunérateur, un pauvre diable à la
recherche d'un emploi, une institutrice en
quête d'une place ? Non. Qui donc alors?
On vous le donne en mille.
Le Petit Pickpocket nous accuse d'avoir
volé le général Boulanger.
Et sur quel document se base le Petit
Journal( Beware of pickpockets 1) pour porter
cette accusation funambulesque?
Sur le passage tronqué d'une lettre sans
date, adressée on ne sait à qui, en faveur du
candidat monarchico-boulangiste Loreau
par le général Boulanger qui, tout naturel-
lement, traite le candidat républicain de
voleur, le traitant ainsi comme il traitait
tous les candidats républicains, tous les
ministres, tous les députés, tous les séna-
teurs républicains sans exception.
Quel était le signe certain auquel on re-
connaissait à cette époque un ennemi du
boulangisme ? C'était quand on l'appelait
voleur.
Et quand un anti-boulangiste paraissait
dans une réunion, tous les boulangistes
s'écriaient : « A bas les voleurs! »
C'est à ce point qu'on peut très sérieuse-
ment se demander si un homme politique
qui n'a pas eu l'honneur d'être traité de
voleur par les boulangistes a vraiment le
droit de se dire républicain.
Beware of pickpockets 1
Un tel honneur, en tout cas, n'est jamais
échu à MM. Marinoni et Poidatz. Ce n'est
pas par un ennemi politique qu'ils sont ac-
cusés de vol et de brigandage : c'est la foule
innombrable des victimes de leurs annon-
ces, de leurs réclames et de leurs Tho mas
Grimm qui, en apercevant seulement le
titre de leur feuille, s'écrie : Beware of
pickpockets! — Prenez garde aux voleurs !
Eloquent corollaire
> Comme corollaire à ce qui précède, nous
nous bornerons à publier la liste, très in
complète, de quelques-unes des valeurs re-
commandées aux lecteurs du Petit Journal,
pendant des mois et des années par l'a-
gence Marinoni-Poidatz.
Cette liste ne comprend que des valeurs
prônées jusqu'au mois de janvier 1890.
Nous avons laissé de côté le Panama et
les emprunts argentins, ainsi que les émis-
sions qui n'ont pas fait l'objet de réclames
spéciales et continues.
-2» : -
Ip et 4>
b"GIS]œl::! i 2 a •
® S e fc. o '::
DJ ® g «2 et
ë « o ^2 0 S
° > S ®
- - -
Oblig. ch. de (er Brésiliens. 450 « 360 » 90 Ii
Bateaux-Express. 525 » 415 « HO
Société g'° de Laiterie. 325 » 275 » 50".
S" indust. Pavage en bois. 550 » 10 » 540 Il
Assurance financière. 185 » f5 » 170 » *
Oblig. Est-Espagne 305 » 205 » 100 »
Obi. 5 0/0 Foncier colonial. 455 » 410 » 45 »
SuDépôts et Comptes courls 600 » 300 » 300 »
(,'b. f erméridionaux italiens. 775 » 675 » 100 »
Mines d'or de Hongrie. 500 » ?» ? »
Ob. Crédit Fonc. Saata-Fé. 455 » 200 » 255 o
Salines de l'Est. 510 » 215 » 295 »
Bons d'Epa.rgne. 250 » ? » ? 0. -
Société indust. des Métaux. 1.100 » 70 » 1.030 »
Bons algériens. 115 « 55 » 60 •»
Oblig. Ch. de fer Argentins. 452 50 275" t 17 50*
Ob. 4 0/Och. far Portugais. 445 » 400 » 45 »
Mines d'or de l'Est-Orégon. 85 » 3 75 81 25
Société agricole, indust. et
comle de la Nue-Calédonie. 500 » ? p ?»
Ob. ch. de fer Vénézuéliens 365 » 2S5 » 80 If
Bons hypothécres Tunisiens. 30 » ?» ?»
Ob Saragosse-Méditerran. 276 » 125 » 151 »
C,egled.Cafés-ResLaurants. 340 60 » 280 »
Mines d'étain de la Galicia. 35 4 50 30 50
Compagnie Sud-Africaine.. 36 » U" 14 »
Banque llusss et Française. 540 » 350 » 190 no
Sels gemmîs et soudes de
la Russie. , 540 450 » 90..
Mines d'or Robinson. 130 56 » 74 «
Société Decauville. 500 » 450 , 50 »
Gold fields of Siam 45 » 17 -50 27 50
Cette listc,qui, nous le répétons, ne corn.,
prend ni le Panama, ni toutes les valeurs
recommandées au cours de l'année 1890-91 ,
ne peut donner qu'une très faible idée des
pertes énormes qu'à fait subir à la clien-
tèle du 'Petit Journal l'agence Marinoni--
Poidatz.
Le placement de ces valeurs faisait la
ruine des lecteurs du Petit Journal, mais
faisait la fortune de ses directeurs.
Chaque titre placé donnait lieu, en effet,
au prélèvement d'une double commission,
une commission attribuée au « service des
primes » et une autre commission venant
s'ajouter aux bénéfices personnels préle-
vés par M. Marinoni comme imprimeur.
Les escrocs qui exploitent la crédulité de la,
clientèle du Petit Journal, grâce à l'hospitalité
que leur donnent MM. Marinoni et Poidatz,
nous écrit à ce sujet un actionnaire du Petit
Journal, sont excusables dans une certaine
mesure. Ils luttent pour la vie et, manquant
de sens moral, tous les moyens leur sont
bons ; mais quelle excuse peut invoquer M.
Marinoni, qui 'possède tout ce qu'un hoir me
peut désirer : honneurs et fortune?
Malheureusement, il est très difficile d'orga
niser la lutte contre cette direction néfaste.
Les actions du Petit Journal sont disséminées
en province par très petites quantités. C'est ce
qui vous explique le peu d'actionnaires pré-
sents aux assemblées annuelles. La plus gran-
de partie des titres est déposée par le groupe
Marinoni.
Depuis que vous avez dévoilé les bénéfices
réalisés par M. Marinoni, voyez quelles cla-
meurs s'élèvent contre vous, quelles calom-
nies on invente, quelles infamies on vous
jette à la face!
On sait bien que toute cette indignation est
de commande, qu'elle est payée, que MM. Ma-
rinoni et Poidatz ont fourni ou promis la
forte somme.
Ne vous laissez pas intimider, continuez sans
-faiblir cette campagne qui sera l'hono.eur de
votre carrière de journaliste déjà si bien rem-
plie.
Je vous prie, etc.
- E. COTTEREAU,
actionnaire du Pâlit Journal.
(La suite à demain.)
CHRONIQUE
Vous vous rappelez qu'il y a quelques
jours, la plupart des journaux s'embal-
laient sur une question qu'avait ouverte
un de nos collaborateurs. Il avait assisté
à une audience des flagrants délits,
il avait vu distribuer cent seize con-
damnations en cinq heures de séan-
ce, et il avait calculé. que chaque affaire
avait pris,pour l'interrogatoire et pour la
condamnation, un peu moins de trois
minutes. Il s'était effrayé et indigné de
cette célérité. La plupart des chroni-
queurs avaient pris texte de cette révé-
lation pour frapper sur la magistrature
française qui a bon dos.
Je ne l'aime pourtant guère ; car elle n'a
pas été tendre pour moi, j'ose même dire
qu'elle n'a pas été juste. Mais je trouvais
qu'on allait un peu loin,et j'avais fait re-
marquer que ceux qui comparaissaient à
ces audiences de la police correctionnelle
n'étaient pas précisément des fleurs d'in-
nocence, que leur affaire avait été ins-
truite par le parquet, que le délit était
constaté par. un rapport authentique,
qu'il ne restait plus qu'à condamner, le
fait étant avéré, et qu'avec sa grande ha-
bitude de proportionner la peine à la
faute, au magistrat pouvait expédier ra-
pidement - cette - besogne.
J'ai reçu, a ce propos, du docteur Rouil-
lard, chef de clinique à Sainte-Anne, une
lettre très intéressante, dont je vais vous
mettre un fragment sous les yeux :
« Vous dites, monsieur, que les ma-
gistrats de la police correctionnelle ont
presque toujours affaire à de la fri-
pouille. -
» Oui et non.
» Je suis, monsieur, par définition et
par destination, de par les fonctions que
l'Etat m'a conliées et aussi de par ma
conscience, le défenseur de la classe la
plus opprimée, des aliénés. Vous ne vous
doutez pas du nombre considérable d'a-
CINQ Centimes - Paris et Départemmta - CINQ Centimes
MARDI 1 AVRIL 1891
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LE wmm nXm Îmm X SIEC1LP E■RIWI
JOURNAL REPUBLICAIN
RÉDACTION
[3,12, Eue iw £ oxxWiaxtr@
jtmm
DIRECTEUR POLITIQUE'
•» EDOUARD PORTALIS
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REPONSE AU « PETIT JOURNAL ».
taEigÉiis
Il est à croire qu'avant longtemps
de grands travaux de voirie pour-
ront être entrepris à Paris. Il y en a
Sur la nécessité desquels tout le monde
lest d'accord. On se bat encore autour
'des plans, on discute les voies et
moyens, on ne conteste plus i utilité
;de l'opération. Tel le Métropolitain,
pour ne citer qu'un exemple.
On peut donc compter que les diffi-
cultés qui hérissent les abords de tou-
tes ces grandes entreprises finiront
par disparaître. D'autant que, si l'on
en juge par les doléances qui montent
d'un peu tous les côtés, l'année 1891
menace de n'être pas aussi favorable
au travail national que les deux an-
nées qui l'ont précédée. C'est le mo-
ment pour les pouvoirs publics : Etat,
départements, communes, de mettre
en chantier les travaux dont ils enten-
dent poursuivre l'achèvement.
Mais, dès que ces projets se dessi-
nent, une question se pose, touj ours
ta même. Pour les réaliser, il faut de
l'argent, beaucoup d'argent. C'est la
pierre d'achoppement où sont venus
* :trop souvent se briser les plans les
piieux conçus.
Il est, en particulier pour les grands
travaux publics, un élément de dé-
pense considérable qui ne peut ja-
mais être calculé par avance avec
précision. Dans bien des circonstan-
ces, il a dépassé d'une manière invrai-
semblable toutes les prévisions. Je
veux parler des indemnités d'expro-
priation. La Ville de Paris, pour son
compte, a éprouvé de ce chef les sur-
prises les plus extraordinaires et les
plus désagréables.
Sans doute, le principe même de
l'indemnité se justifie. La collectivité,
pour des raisons d'intérêt général,
expulse un citoyen de son bien. Elle
répare le dommage qu'elle lui a causé
en lui offrant une juste et préalable
indelunité. Rien de plus naturel, de
plus équitable. A une condition ce-
pendant.
C'est que, par une interversion des
yoles, ce ne soit pas la collectivité qui
ait à subir un dommage au bénéfice
du particulier enrichi par son évic-
tion. Or, le cas s'est trop souvent pré-
senté. La faute en est surtout à une
législation vieillie et insuffisante. On
en réclame depuis de longues années
la modification. Le gouvernement a
pris l'initiative de la proposer. La
Chambre vient d'être saisie d'un rap-
port sur ce sujet par M. Thévenet.
Les conclusions de la commission
me sont point en complet accord avec
celles du gouvernement. Trois points
essentiels étaient visés par le projet :
J'institution d'expertises, des modifi-
cations au recrutement du jury d'ex-
propriation, des dispositions desti-
nées à prévenir les fraudes tentées
parfois devant le jury au moyen de
documents mensongers.
Sur ce dernier point, pas de diffi-
culté essentielle. L'intérêt de tous est
engagé à réprimer le vol partout où il
essaye de se produire, surtout si c'est
pour s'approprier sous forme d'in-
demnité des fonds qui appartiennent
au public.
Mais la commission n'a pas cru de-
voir aller jusqu'à permettre au magis-
trat instructeur d'opérer, comme le
voulait le gouvernement, la saisie de
toutes pièces suspectes. Cette disposi-
tion risquait d'entraîner des lenteurs
fort regrettables. Toute saisie avait,
en effet, pour conséquence inévitable
àa suspension des opérations du jury
jusqu'à la fin de la procédure crimi-
nelle.
11 a paru, avec raison semble-t-il, à
la commission qu'une garantie suffi-
sante serait donnée par l'assimilation,
jusqu'à présent contestée, des frau-
des commises pendant la procédure
d'expropriation au délit d'escroque-
rie.
Quant à la composition du jury,
sans entrer dans les détails, qu'il suf-
fise de dire que la commission a
.donné pour base à la formation du
,jury d'expropriation la liste du jury
criminel. Nous sommes de ceux qui
pensent que la loi de 1872 qui règle la
composition du jury d'assises gagne-
rait à être élargie. Mais tant qu'on
n'aura pas revisé la législation dont
'M. Dufaure fut le père, il n'est pas
déraisonnable de s'appuyer sur elle
pour le choix des autres jurés.
La réforme capitale du projet, sur
laquelle gouvernement et commission
se sont mis d'accord, organise une
exoertise préalable à la décision du
jury. Elle n'est pas obligatoire. Cha-
que partie a le droit de la provoquer
en demandant au président, par voie
de référé, de nommer un ou trois
experts.
Le danger de cette disposition nou-
velle saute aux yeux. N'en résultera-
t-il pas des lenteurs dans l'expédition
des affaires? Le projet cherche, sans
y parvenir complètement, à prévenir
cet inconvénient en fixant aux experts
un délai restreint et en les rendant
responsables des retards.
L'avantage de l'expertise, par con-
tre, est indéniable. Elle permet au jury
de statuer en connaissance de cause
sans être exposé aux surprises dont il
est aujourd'hui trop souvent la vic-
time. Nous ne faisons, du 'reste, en
recourant à ce procédé d'instruction
que suivre l'exemple que nous ont
donné la Belgique, l'Italie, la Prusse,
l'Espagne.
La réforme est pratique. Le Parle-
ment serait bien inspiré en se hâtant
de la réaliser.
A. Millerand
Le XIXe SIECLE publiera demain la
« Chronique », par M. Paul Ginisty.
T
BISMARCK CANDIDAT
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 5 avril.
L'agitation électorale bat son plein dans
la dix-neuvième circonscription du Hano-
vre. Toutes les localités de ce territoire,
qui longe la mer du Nord de l'embouchure
du Weser à celle de l'Elbe, sont envahies
par des orateurs en touraée pour ou con-
tre M. de Bismarck.
Une grande assemblée a eu lieu dans un
hôtel, convoquée par le docteur Jérusalem,
l'agent le plus remuant de l'ex-chancelier,
mais le promoteur de la réunion n'a pu y
assister, par suite d'une mésaventure co-
mique. En descendant de la gare voisine,
il est tombé sur un cocher socialiste qui
s'est fait un malin plaisir de le conduire
dans une autre localité.
Les nouvelles de tous les points de la cir-
conscription ne laissent aucun doute sur le
succès de M. de Bismarck, le jour de l'élec-
tion, qui est fixé au mercredi 15 avril.
Les polémiques de presse sont fort vives.
Le Messager du Weser dit : « Si M. de Bis-
marck daigne accepter le mandat, messieurs
du gouvernement siégeront comme des
nains à la table des ministres et le monde
pourra contempler de nouveau la figura
incarnant la grandeur d'antan de l'Alle-
magne. »
Les socialistes déploient, dans la circons-
cription, une grande activité pour faire
échouer la candidature du prince de Bis-
marck et réussir celle de leur représen-
tant, le cordonnier Adloff. Un vapeur a été
loué et des agitateurs révolutionnaires vont
y monter et s'engager dans tous les canaux
pour pouvoir visiter les cabanes les plus
isolées et y faire leur propagande.
UN CAISSIER DE CAISSE D'ÉPARGNE
, POURSUIVI.
1
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Le Mans, 5 avril.
Les administrateurs de la Caisse d'épar-
gne du Mans se sont réunis hier soir pour
recevoir la communication du rapport fait
par M. Thérouanne, trésorier général, sur
les malversations du caissier de la Caisse
d'épargne. Le rapport fixe à quarante mille
francs environ le déficit relevé dans la
caisse.
Le caissier Gasnier, interrogé, reconnait
le déficit, mais il conteste le chiffre.
Il reconnaît avoir conservé par devers lui,
et ensuite les avoir oubliées, des sommes
remises par deux sous-caissiers à titre de
cautionnement, et dit avoir aussi rem-
boursé l'une. Il reconnaît avoir fait trans-
porter chez lui une partie du bois affecté
au chauffage de la Caisse d'épargne, en
raison des travaux supplémentaires qu'il
faisait à son domicile.
On croit que le cautionnement de Gas-
nier comblera le déficit.
Les administrateurs ont prononcé la ré-
vocation de Gasnier et ont décidé de dé-
poser une plainte au parquet.
UNE ÉMEUTE
DES CIGARIÈRES DE NAPLES
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Naples, 5 avril.
Les ouvrières de la manufacture de tabacs
se sont insurgées contre la décision de la
direction concernant la réglementation des
repas.
Il n'a pas fallu moins de soixante carabi-
niers pour rétablir l'ordre. Si les troubles
recommencent demain, la manufacture 'sera
fermée.
UNE PANIQUE AUX BOUFFES
Une panique qui a failli faire de nom-
breuses victimes s'est produite hier soii
aux Bouffes-Parisiens.
Il était neuf heures et demie, le deuxième
acte de Miss Helyett venait de reprendre,
quand une fumée assez épaisse se répandit
dans la salle.
Elle sortait du parapluie d'un vieux mon-
sieur qui, pendant l'entr'acte, y avait laissé
tomber, allumé, le bout de sa cigarette, et
la soie du parapluie brûlait ferme.
Un cri « Au feu ! se fit entendre et, aus-
sitôt, une bousculade effroyable se pro-
duisit : les femmes s'évanouissaient, les
enfants miaulaient et les vieillards levaient
les bras au ciel; des accidents allaient arri-
ver, quand, d'une voix de stentor, M. Touny,
commissaire de police, rassura les affolés
en leur expliquant les peu terribles causes
de la panique.
Après que des flots de vinaigre eurent
été répandus sur les spectateurs encore
sans connaissance, le rideau s'est relevé et
la représentation a pu. continuer$aas en-
combre.. -
LES MOINES GUERRIERS
LES FRÈRES ARMÉS
DU SAHARA
Interview avec le cardinal Lavigerie.
— La traite des esclaves. — Le ser-
vice des moines guerriers. -
L'existence dans le Sahara.
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Alger, 5 avril.
Comme je vous l'ai télégraphié il y a
quelques jours, c'est demain matin 5 avril
que les douze premiers moines guerriers
du Sahara, au nombre desquels se trouve
le vicomte de Bressac, ancien président
des chasses de Pau, prononceront leurs
voeux.
La cérémonie doit avoir lieu à Biskra,
sous la présidence du cardinal Lavigerie,
qui m'a fourni récemment des renseigne-
ments curieux sur la nouvelle institution.
..,. Notre œuvre, me dit le cardinal, n'est
pas religieuse, mais humanitaire, et elle
compte dans son sein plusieurs libres-pen-
seurs. Elle a pour but de combattre l'escla-
vage dans le Soudan, où les princes mu-
sulmans, dédaignant d'appliquer à leurs
sujets les principes d'impôt inventés par la
civilisation occidentale, n'ont d'autre res-
source, pour alimenter leur caisse, que
d'exporter les « nègres du. Trésor". Le
Sahara est en effet le passage forcé des
iloirs destinés aux marchés de la Turquie,
du Maroc et de la Tripolitaine.
Impossible de se faire une idée de la fé-
rocité avec laquelle s'opèrent ces razzias hu-
mains. Des villages paisibles de l'intérieur
sont cernés pendant la nuit par des bandes
d'aventuriers armés jusqu'aux dents qui
massacrent ceux qui tentent la moindre
résistance. Si quelques nègres peuvent s'é-
chapper à la faveur des ténèbres, presque
tous sont pris, sans distinction d'âge ni de
sexe. On les traîne alors dans des contrées
situées parfois à cent jours de marche, liés,
enchaînés et même accouplés dans des
cangues à compartiments. Une femme, un
vieillard est-il trop fatigué pour continuer
la route, on l'assomme avec une barre de
bois, pour épargner la poudre.
On calcule que, chaque année, quatre
cent mille nègres sont ainsi capturés.
La mission des moines
Grâce à nos moines, continue le cardi-
nal, j'espère arriver peu à peu à faire dis-
paraître le fléau. En ce moment, je n'en ai
que douze, mais depuis que j'ai quitté
Paris,le bureau du comité anti-esclavagiste
a reçu plus de 1,700 demandes d'enrôlement.
Je puis donc espérer que ma petite pha-
lange grossira vite.
— Mais quels services demandez-vous à
ces courageux philanthropes?
— Les frères du Sahara doivent avant
tout se rendre célèbres par leur bonté dans
toute l'étendue du désert que traversent les
esclaves. Ils arriveront à ce résultat en soi-
gnant les malades et en recueillant les es-
claves fugitifs.
Ils devront ensuite cultiver le désert,
creuser des puits et chercher des oasis.
Bien entendu, il faut qu'ils soient chas-
seurs et sachent faire le coup de fusil. S'ils
sont étrangers au maniement des armes,
on remédie à cette lacune de leur éduca-
tion pendant le noviciat, qui dure un an.
Le régime des moines
Les moines n'emportent pas de boites de
conserves. Ils devront pour se nourrir uti-
liser les ressources du désert : dattes, liè-
vres, tourterelles, gazelles, etc. Leur uni-
forme sera très simple.
Dans les habitations, pour tous meubles,
des lits de camps et une natte sur laquelle
on s'assied pour déjeuner.
Ils se lèvent naturellement de très bonne
heure, procèdent à leurs ablutions, font la
prière du matin, puis vaquent à leur
travail qui doit durer huit heures, et
est coupé par deux heures et demie de ré-
création.
Les repas ont lieu à midi et à. huit
heures.
Ils se composent d'une soupe, d'un plat
de viande et d'un plat de légume.
Le dimanche, tout travail manuel est
suspendu ; la communauté a pour se dis-
traire des exercices militaires et des clas-
ses d'arabe.
C'est assez dur, comme vous voyez,
mais le métier peut sourire aux gens ac-
tifs.
Dans les communautés de France, avec
le règlement de prières perpétuelles, sur
cent postulants il n'en dameure pas cinq.
Ici, tous restent. Et cependant mon prin-
cipe est celui-ci : la porte « doit être étroite
pour entrer et largement ouverte pour sor-
tir. »
NOUVELLES DU BRÉSIL
(DB NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Marseille, 5 avril.
La Bourgogne, paquebot des Transports
maritimes, venant du Brésil, est arrivé
cette nuit dans notre port avec 145 passa-
gers, émigrants italiens qui rentrent dans
leurs foyers. Ces malheureux, qui sont
dans la misère la plus complète, font peiae
à voir.
Le navire a apporté 300 balles de tabac
pour les manufactures de l'Etat, et 1,300
sacs de café.
La campagne menée par les journaux li-
béraux en faveur du retour de l'ex-empe-
reur dom Pedro a été favorablement ac-
cueillie par les Brésiliens et, lors de l'escale
du paquebot à Rio-de-Janeiro, le bruit cir-
culait que le gouvernement allait l'autori-
ser à y retourner.
Dom Pedro, c'est probable, ne profitera
pas de cette faveur.
Dans la République argentine
La situation commerciale est bonne; il
n'en est pas de même de celle de la Répu-
blique argentine.
Un officier du bord m'a raconté que plu-
sieurs maisons de banque ont dû fermer
leurs guichets. La misère règne partout.
Chaque jour on trouve dans les rues de
Buenos-Ayres des malheureux, et surtout
des enfants, morts de faim : une centaine
au moins succombent journellement.
Les esprits sont très surexcités contre les
membres du gouvernement et on s'attend
à une révolution du genre de celle du
Chili. On s'accorde à dire que, malgré la
réussite de l'emprunt, la banqueroute est
imminente.
Départ du « Saghalien »
Le paquebot Saghalien, courrier de Chine
et du Japon, est parti ce soir, emportant
les quatre superbes chevaux arabes offerts
par le sultan Abdul-Hamid à l'empereur
du Japon. Il emporte également soixante-
trois tonnes de pièces, coques et machines
pour torpilleurs de trente-cinq mètres, fa-
riquées au Creusot, à destination de la
marine italienne.
LE PAMPHLÉTAIRE SBARBARO
---
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Gênes, 5 avril.
Le professeur Sbarbaro a assisté hier à
un banquet donné en son honneur, dans
lequel il a porté un toast au roi gentil-
homme qui l'a fait mettre en liberté. Il a
attaqué violemment MM. Bovio, Cavallotti,
Zanardelli, Tajani, Grimaldi, disant qu'il
entrerait encore dans le sanctuaire privé
des hommes publics, tant que Dieu ne lui
arrêtera pas la main.
Il a annoncé qu'il allait poser sa candi-
dature à Pavie.
LA RÉVOLTE DE BEN-CHICAO
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Alger, 5 avril.
Il a été sérieusement question d'une ré-
volte à Ben-Chicao, école d'agriculture co-
loniale située dans le département d'Alger
et installée par les soins de l'Assistance pu-
blique de la Seine. Or, il résulte de l'en-
quête à laquelle je me suis livré que « l'af-
faire » à été considérablement grossie.
Quelques enfants ont, en effet, tenté de.
fomenter une mutinerie, mais ils n'ont pas
été suivis par leurs camarades, et il a suffi
d'une verte semonce du directeur pour
leur faire abandonner toute idée d'insur-
rection.
Ces essais de mutinerie ne sont pas pour
nous étonner, l'Assistance publique ayant le
tort grave d'expédier en Algérie des sujets
souvent fort douteux et qui ne possèdent
pas toujours les aptitudes qu'on serait en
droit d'exiger de futurs agriculteurs. C'est
ainsi que sur la cinquantaine de jeunes
gens internés dans l'établissement, on en
compte un bon tiers qui, avant leur envoi,
avaient été placés, soit à Paris, soit en pro-
vince, en qualité de valets de chambre ou
de garçons de café.
Ce n'est pas cela qu'il faudrait. Ben-Chi-
cao est une école d'agriculture coloniale;
elle doit élever, instruire, éduquer des cul-
tivateurs, des vignerons qui, après leur
service militaire, seront mis à la tête de
concessions de vingt ou trente hectares
qu'ils devront ensemencer et planter.
La commission élue par le conseil géné-
ral de la Seine devrait donc faire un choix
spécial des individus, prendre des terriens,
des fils de paysans, et en expédier, non une
cinquantaine, comme elle l'a fait jusqu'à ce
jour, mais deux ou trois cents. Ben-Chicao
est très salubre, merveilleusement situé;
il y a là tout sous la main pour former
d'excellents colons.
LE CONGRÈS OUVRIER BELGE
Suffrage universel ou grève générale
(D'UN CORRESPONDANT)
Bruxelles, 5 avril.
Le congrès des ouvriers belges s'est réuni
ce matin pour délibérer sur la question de
la grève générale en Belgique.
Il a débuté par voter un ordre du jour
affirmant la reconnaissance des ouvriers
belges pour l'appui donné par le congrès
des mineurs qui vient de se tenir à Paris
à leurs revendications politiques, et les dé-
clarant solidaires de tous les pays qui les
aident à reconquérir la liberté.
Il a donné lecture d'un rapport du bu-
reau rappelant les détails rétrospectifs de
la campagne révisionniste.
, Dans la conviction que la revision est en
bonne voie, qu'elle sera votée dans le cours
de la session législative actuelle, et dans
'intérêt même de la revision, le rapport
conclut à ce qu'un nouveau crédit soit
lloué aux classes dirigeantes et que la date
de la grève générale ne soit pas immédia-
tement fixée.
La séance de ce matin a été consacréa
exclusivement aux formalités préliminaires
nt à la lecture fin vîirknnrt.
-. - .- ------- - - - tl-. -.
Le nombre des groupes représentés au
congrès est de 350. L'assemblée est très
nombreuse.
M. Léon Defuisssaux, ancien député de
Mons, a été élu président.
La séance de l'après-midi a été remplie
par la discussion de la question de la grève
générale.
Après une discussion longue et animée,
le congrès s'est trouvé en présence de trois
propositions : 1° déclarer la grève pour le
20 avril ; 3° la déolarer au 1er mai ; 30 la
proposition formulée par M. Volders, prési-
dent du conseil général du parti ouvrier, et
qui consiste, tout en admettant le principe
de la grève générale à donner pleins pou-
voirs au conseil général du parti ouvrier, si
les Chambres ne commencent pas dès la
rentrée la discussion de la révision constu-
tionnelle, d'ajourner la grève générale jus-
qu'après la discussion du budget;
A veiller à ce que d'aucune manière la
revision ne soit ni enterrée ni ajournée, et
à agir avec fermeté, au nom du parti, si
une de ces éventualités se présentait.
M. Volders précise sa proposition en di-
sant qu'il désire retarder la grève géné-
rale jusqu'au 15 ou O mai, c'est-à-dire jus-
qu'au moment où les deux budgets qui res-
tent à examiner auront été votés. Si alors la
Chambre n'aborde pas la discussion de la
revision constitutionnelle, le conseil géné-
ral aura le droit et le devoir de décréter la
grève générale.
La proposition Volders a la priorité. Elle
est adoptée par acclamation et à la presque
unanimité.
LES MÉFAITS
DU PETIT JOURNAL t'
LA RAGE DE M. MARINONI
Il se fâche, donc il a tort. — Un trait de
génie de MM. Marinoni et Poidatz.
— Une lettre tronquée.
Enfin ! Feringhea a parlé !
La raison sociale Marinoni et Poidatz
avait cependant solennellement juré de
se mettre, selon l'expression grecque, un
boeufsurlatangue; n-iaislorsque M. Marinoni
a lu le numéro du XIX6 Siècle montrant
que, non content de piller et de rançonner
les lecteurs du Petit Journal comme direc-
teur de l'agence Marinoni-Poidatz, il pillait
aussi et rançonnait chaque année les ac-
tionnaires du Petit Journal de plus d'un
million et demi comme imprimeur, une rage
épouvantable s'est emparée de ce gros
homme ; il a immédiatement grimpé dans
le rapide de Nice à Paris, et en débarquant
il a déclaré qu'il fallait que ça finisse et
que, du moment où les jappements des ro-
quets boulangistes et les engueulades des
souteneurs recrutés par M. Poidatz ne suf-
fisaient pas à faire taire le XIXe Siècle, il
fallait que le Petit Journal donnât lui-
même.
Et tandis que dans le public on s'amusait
encore à lui crier : Parlera ! parlera pas ! il
a parlé.
Est-ce pour se défendre ?
Est-ce pour avouer ?
Est-ce pour plaider les circonstances
atténuantes ?
Est-ce pour dire qu'il ne le fera plus, qu'il
renonce à monter et à recommander des
affaires comme les « Sardines », les « Cafés-
Restaurants » ou « les Grands-Boulevards »
et qu'il n'ouvrira plus ses colonnes à Le
Brun, à « la Société industrielle ", au « Cen-
tral-Sport », en un mot à tous les Macé-BJr-
neau qu'on voit défiler chaque jour en po-
lice correctionnelle ?
Non, ce n'est pour rien de tout cela que
MM. Marinoni et Poidatz ont rompu le si-
lence.
De quoi les accusait-on, en somme ?
De piller les lecteurs et les actionnaires
du Petit Journal, d'avoir transformé cet
organe populaire on un immense suçoir
faisant le vide dans les poches d'un tas de
braves gens sans défiance et sans défense.
Eh bien, savez-vous ce qu'ils ont trouvé
de mieux pour se disculper et pour sortir
de ce débat plus .blancs que la blanche her-
mine? Ils ont imaginé de répondre à ceux
qui, pièces en mains, leur prouvaient qu'ils
étaient des voleurs : Vous en êtes un au-
tre !
Voilà ce que les cervelles géminées de
MM. Marinoni et Poidatz ont trouvé de plus
fort et de plus convaincant! C'est, ou ja-
mais, le cas de dire : Quels génies! quels
dentistes !
L'accusation
Ainsi, nous avons établi, pièces en mains,
que l'annonce du Petit Journal était l'ins-
trument de précision avec lequel les escrocs
de tout acabit forçaient tous les coffre-forts
et tous les tiroirs; nous avons montré que
non seulement les annonces, mais les ré-
clames et même les articles de tête du Petit
Journal étaient des pièges tendus aux capi-
talistes petits ou grands, aux négociants
gênés, aux employés sans place, aux ou-
vriers et aux ouvrières sans travail; nous
avons prouvéquele "Service des primei » du
Petit Journal était une filouterie organisée,
et que cette filouterie avait pour but de dis-
simuler le scandaleux bénéfice de plus de
un million et demi annuellement l'éalisé
par M. Marinoni comme imprimeur du Pe-
tit Journal; nous avons dit que cette feuille
populaire,qui avait charge d'âmes, étant la
plus lue et s'adressant à la classe la moins
éclairée, se servait de son influence sur-
tout pour dépouiller et pour gruger le pu-
blic; nous avons enfin calculé que la publi-
cation de ce journal, sous l'administration
Marinoni-Poidatz, avait déjà coûté à l'épar-
gne française plus cher que l'invasion alle-
mande.
Telle est l'accusation que nous avons for-
mulée et contre laquelle pas une voix ne
s'est élevée dans le public.
La défense
A cette formidable accusation que répon-
dent MM. Marinoni et Poidatz? Ils nous ac-
cusent d'avoir volé et d'avoir volé qui?
Est-ce un gros ou un petit capitaliste, un
simple rentier à la recherche d'un revenu
plus rémunérateur, un pauvre diable à la
recherche d'un emploi, une institutrice en
quête d'une place ? Non. Qui donc alors?
On vous le donne en mille.
Le Petit Pickpocket nous accuse d'avoir
volé le général Boulanger.
Et sur quel document se base le Petit
Journal( Beware of pickpockets 1) pour porter
cette accusation funambulesque?
Sur le passage tronqué d'une lettre sans
date, adressée on ne sait à qui, en faveur du
candidat monarchico-boulangiste Loreau
par le général Boulanger qui, tout naturel-
lement, traite le candidat républicain de
voleur, le traitant ainsi comme il traitait
tous les candidats républicains, tous les
ministres, tous les députés, tous les séna-
teurs républicains sans exception.
Quel était le signe certain auquel on re-
connaissait à cette époque un ennemi du
boulangisme ? C'était quand on l'appelait
voleur.
Et quand un anti-boulangiste paraissait
dans une réunion, tous les boulangistes
s'écriaient : « A bas les voleurs! »
C'est à ce point qu'on peut très sérieuse-
ment se demander si un homme politique
qui n'a pas eu l'honneur d'être traité de
voleur par les boulangistes a vraiment le
droit de se dire républicain.
Beware of pickpockets 1
Un tel honneur, en tout cas, n'est jamais
échu à MM. Marinoni et Poidatz. Ce n'est
pas par un ennemi politique qu'ils sont ac-
cusés de vol et de brigandage : c'est la foule
innombrable des victimes de leurs annon-
ces, de leurs réclames et de leurs Tho mas
Grimm qui, en apercevant seulement le
titre de leur feuille, s'écrie : Beware of
pickpockets! — Prenez garde aux voleurs !
Eloquent corollaire
> Comme corollaire à ce qui précède, nous
nous bornerons à publier la liste, très in
complète, de quelques-unes des valeurs re-
commandées aux lecteurs du Petit Journal,
pendant des mois et des années par l'a-
gence Marinoni-Poidatz.
Cette liste ne comprend que des valeurs
prônées jusqu'au mois de janvier 1890.
Nous avons laissé de côté le Panama et
les emprunts argentins, ainsi que les émis-
sions qui n'ont pas fait l'objet de réclames
spéciales et continues.
-2» : -
Ip et 4>
b"GIS]œl::! i 2 a •
® S e fc. o '::
DJ ® g «2 et
ë « o ^2 0 S
° > S ®
- - -
Oblig. ch. de (er Brésiliens. 450 « 360 » 90 Ii
Bateaux-Express. 525 » 415 « HO
Société g'° de Laiterie. 325 » 275 » 50".
S" indust. Pavage en bois. 550 » 10 » 540 Il
Assurance financière. 185 » f5 » 170 » *
Oblig. Est-Espagne 305 » 205 » 100 »
Obi. 5 0/0 Foncier colonial. 455 » 410 » 45 »
SuDépôts et Comptes courls 600 » 300 » 300 »
(,'b. f erméridionaux italiens. 775 » 675 » 100 »
Mines d'or de Hongrie. 500 » ?» ? »
Ob. Crédit Fonc. Saata-Fé. 455 » 200 » 255 o
Salines de l'Est. 510 » 215 » 295 »
Bons d'Epa.rgne. 250 » ? » ? 0. -
Société indust. des Métaux. 1.100 » 70 » 1.030 »
Bons algériens. 115 « 55 » 60 •»
Oblig. Ch. de fer Argentins. 452 50 275" t 17 50*
Ob. 4 0/Och. far Portugais. 445 » 400 » 45 »
Mines d'or de l'Est-Orégon. 85 » 3 75 81 25
Société agricole, indust. et
comle de la Nue-Calédonie. 500 » ? p ?»
Ob. ch. de fer Vénézuéliens 365 » 2S5 » 80 If
Bons hypothécres Tunisiens. 30 » ?» ?»
Ob Saragosse-Méditerran. 276 » 125 » 151 »
C,egled.Cafés-ResLaurants. 340 60 » 280 »
Mines d'étain de la Galicia. 35 4 50 30 50
Compagnie Sud-Africaine.. 36 » U" 14 »
Banque llusss et Française. 540 » 350 » 190 no
Sels gemmîs et soudes de
la Russie. , 540 450 » 90..
Mines d'or Robinson. 130 56 » 74 «
Société Decauville. 500 » 450 , 50 »
Gold fields of Siam 45 » 17 -50 27 50
Cette listc,qui, nous le répétons, ne corn.,
prend ni le Panama, ni toutes les valeurs
recommandées au cours de l'année 1890-91 ,
ne peut donner qu'une très faible idée des
pertes énormes qu'à fait subir à la clien-
tèle du 'Petit Journal l'agence Marinoni--
Poidatz.
Le placement de ces valeurs faisait la
ruine des lecteurs du Petit Journal, mais
faisait la fortune de ses directeurs.
Chaque titre placé donnait lieu, en effet,
au prélèvement d'une double commission,
une commission attribuée au « service des
primes » et une autre commission venant
s'ajouter aux bénéfices personnels préle-
vés par M. Marinoni comme imprimeur.
Les escrocs qui exploitent la crédulité de la,
clientèle du Petit Journal, grâce à l'hospitalité
que leur donnent MM. Marinoni et Poidatz,
nous écrit à ce sujet un actionnaire du Petit
Journal, sont excusables dans une certaine
mesure. Ils luttent pour la vie et, manquant
de sens moral, tous les moyens leur sont
bons ; mais quelle excuse peut invoquer M.
Marinoni, qui 'possède tout ce qu'un hoir me
peut désirer : honneurs et fortune?
Malheureusement, il est très difficile d'orga
niser la lutte contre cette direction néfaste.
Les actions du Petit Journal sont disséminées
en province par très petites quantités. C'est ce
qui vous explique le peu d'actionnaires pré-
sents aux assemblées annuelles. La plus gran-
de partie des titres est déposée par le groupe
Marinoni.
Depuis que vous avez dévoilé les bénéfices
réalisés par M. Marinoni, voyez quelles cla-
meurs s'élèvent contre vous, quelles calom-
nies on invente, quelles infamies on vous
jette à la face!
On sait bien que toute cette indignation est
de commande, qu'elle est payée, que MM. Ma-
rinoni et Poidatz ont fourni ou promis la
forte somme.
Ne vous laissez pas intimider, continuez sans
-faiblir cette campagne qui sera l'hono.eur de
votre carrière de journaliste déjà si bien rem-
plie.
Je vous prie, etc.
- E. COTTEREAU,
actionnaire du Pâlit Journal.
(La suite à demain.)
CHRONIQUE
Vous vous rappelez qu'il y a quelques
jours, la plupart des journaux s'embal-
laient sur une question qu'avait ouverte
un de nos collaborateurs. Il avait assisté
à une audience des flagrants délits,
il avait vu distribuer cent seize con-
damnations en cinq heures de séan-
ce, et il avait calculé. que chaque affaire
avait pris,pour l'interrogatoire et pour la
condamnation, un peu moins de trois
minutes. Il s'était effrayé et indigné de
cette célérité. La plupart des chroni-
queurs avaient pris texte de cette révé-
lation pour frapper sur la magistrature
française qui a bon dos.
Je ne l'aime pourtant guère ; car elle n'a
pas été tendre pour moi, j'ose même dire
qu'elle n'a pas été juste. Mais je trouvais
qu'on allait un peu loin,et j'avais fait re-
marquer que ceux qui comparaissaient à
ces audiences de la police correctionnelle
n'étaient pas précisément des fleurs d'in-
nocence, que leur affaire avait été ins-
truite par le parquet, que le délit était
constaté par. un rapport authentique,
qu'il ne restait plus qu'à condamner, le
fait étant avéré, et qu'avec sa grande ha-
bitude de proportionner la peine à la
faute, au magistrat pouvait expédier ra-
pidement - cette - besogne.
J'ai reçu, a ce propos, du docteur Rouil-
lard, chef de clinique à Sainte-Anne, une
lettre très intéressante, dont je vais vous
mettre un fragment sous les yeux :
« Vous dites, monsieur, que les ma-
gistrats de la police correctionnelle ont
presque toujours affaire à de la fri-
pouille. -
» Oui et non.
» Je suis, monsieur, par définition et
par destination, de par les fonctions que
l'Etat m'a conliées et aussi de par ma
conscience, le défenseur de la classe la
plus opprimée, des aliénés. Vous ne vous
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