Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1891-03-30
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 30 mars 1891 30 mars 1891
Description : 1891/03/30 (A21,N7014). 1891/03/30 (A21,N7014).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2013
Vingt-et-uniémè année. N*7,Ô1A ClNO Centimes -. Parts et Départementa.- CINQ Centimes lundi 30 MARS 1891
JOURNAL RÉPUBLICAIN
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"Morale. d Q rDnr8
-
t. Lorsque le divorce fut rétabli dans
rnotre code, une inspiration de haute
moralité dicta au dernier moment,
du code civil, qui est ainsi conçu :
« Dans le cas de diverce admis en jus-
tice pour cause d'adultère, l'époux
coupable ne pourra jamais se rema-
rier avec son complice. » La pensée
du législateur est facile à saisir. Il
craignit que les mal mariés n'usassent
avec trop d'empressement du moyen
qui s'offrait à eux de rompre une
Chaîne insupportable, et il lui sembla
que si les complices pouvaient garder
la pensée de s'unir, ce serait une sorte
de prime à l'adultère.
L'intention était bonne, comme le
sont presque toujours les intentions,
mais elle manquait de philosophie et
elle ne répondait que médiocrement,
dans la pratique, à la pensée morale
qui a fait rétablir le divorce. En effet,
le principal argument en faveur du
divorce est que l'indissolubilité du
mariage contraignait beaucoup de
personnes à vivre dans des condi-
tions irrégulières, pénibles pour elles-
mêmes et dommageable pour les en-
fants qu'elles pouvaient engendrer.
Or, est-ce bien la peine d'avoir
brisé cette indissolubilité du mariage
pour élever, deux pas plus loin, une
ïiouvelle barrière tout aussi infran-
chissable qu'était celle-ci? Il est per-
mis de ne le penser point et l'on peut
ajouter qu'en inscrivant cette dispo-
sition dans la loi, le législateur n'a
pas eu une vue très nette de la ques-
tion. Il y a, en effet, deux façons de
considérer le mariage et il n'en peut
y avoir que deux: Ou c'est un contrat,
ou c'est un sacrement. Si on le consi-
dère comme un sacrement, la loi ci-
vile n'a qu'à s'incliner devant la loi
religieuse et elle n'a pas le pouvoir de
délier ce que l'Eglise déclare indisso-
luble. Mais si c'est un contrat, il ren-
tre dans la même catégorie que tous
les contrats civiis. Celui des contrac-
tants à l'égard duquel les engage-
ments n on pas été tenues par Fautre !
partie contractante a le droit de de-
mander la résiliation du contrat.
Mais, le contrat rompu, chacune des
parties rentre dans la plénitude de ses
droits. En apportant des restrictions à
cette plénitude de droits, la loi imfli-
ge une pénalité; elle maintient, pour
une partie, la survivance du premier
contrat, les droits du premier époux
sur son ex-conjoint. C'est la vengeance
de l'époux outragé de penser que l'in-
fidèle ne pourra réparer sa faute, et
cette vengeance est même plus com-
plète qu'avec l'indissolubilité du ma-
riage, car cette indissolubilité, la mort
la rompt, et le conjoint devenu- veuf
peut se remarier à sa guise ; mais la
mort même de l'ancien époux ne re-
lève pas l'adultère de sa punition;
l'interdiction du mariage avec son
complice est éternelle.
- N'est-ce pas là une rigueur exces-
sive, alors que la loi ne considère l'a-
dultère que comme un délit, que le
code pénal n'accorde qu'au mari le
droit de le dénoncer et qu'il le punit
assez légèrement? Comment la société,
qui se désintéresse à peu près de l'af-
faire en un cas, qui même donne au
mari le pouvoir de faire cesser l'effet
de la condamnation si le mariage sub-
siste, se montre-t-elle si inexorable
lorsque le mariage est rompu et que,
par conséquent, le principal intéressé
se trouve désintéressé?
Persistera-t-on à dire que c'est un
obstacle à l'adultère? Cette considé-
tion n'a pas une bien grande valeur.
L'interdiction du mariage entre com-
plices n'empêche pas les passions, de
même que son autorisation n'en ferait
pas naître. Pour que deux individus
souffrent de cette interdiction, il faut
qu'ils aient de l'estime l'un pour l'au-
tre, il faut par conséquent qu'ils ap-
partiennent à la catégorie la plus in-
téressante des mal mariés, de ceux qui
cherchent en dehors du mariage une
compensation à une erreur et à des
déceptions, et non pas une satisfac-
tion des sens ou une distraction pas-
sagère. Ce sont donc ceux qui de-
vraient trouver dans la rupture d'un
mariage mal assorti, les moyens, si-
non de refaire leur vie, du moins de
la finir mieux qu'elle n'a commencé,
et ce sont précisément ceux-là, par
une ironie de la morale législative,
qui sont condamnés à la souffrance
sans fin et à la continuation d'une
vie irrégulière, à l'immoralité légale.
Les inconvénients de cette disposi-
tion prétendue tutélaire se sont mon-
trés avec une. évidence telle, qu'un
mouvement d'opinion s'est produit
- pour l'abrogation de l'art. 398. Les
cléricaux n'ont pas manqué de dire
que l'abrogation de cet article, ce se-
rait la fin de la société et la destruc-
tion définitive de la famille. Ils l'a-
vaient déjà dit lors de l'établissement
du divorce, et l'on a pu voir que leurs
craintes étaient assez peu justifiées.
Elles ne le sont guère plus aujourd'hui,
et l'on ne s'explique même pas qu'au
nom de la morale ils aboutissent à
condamner les gens à l'immoralité. La
morale exigerait que les complices
fussent obligés de se marier, et ce se-
rait peut-être contre l'adultère une
garantie bien plus forte que l'inter-
diction actuelle. Nous comprenons que
le législateur n'aille pas jusque-là et
qu'il ne prononce pas contre un délit
d'ordre privé une punition qui, dans
bien des cas, serait hors de propor-
tion avec la faute commise. Mais ce
qui ne se comprend pas davantage,
c'est la peine inverse, et puisque le
divorce est fait pour rompre le con-
trat de mariage, il doit le rompre
complètement, et par conséquent l'ar-
ticle 298 doit être supprimé
Le XIXe SIECLE publiera demain ia
« Chronique », par Francisque Saroey.
ON DEMANDE LES REÇUS
Un ardent défenseur de MM. Marinoni et
Poidatz, M. Edouard Ducret, a publié hier
un article très intéressant, — comme tous
les articles de M. Ducret, — mais vraiment
trop peu documenté.
Il est question, dans cet article, de reçus
qui auraient été photographiés. Pourquoi
ne pas les montrer?
Nous ne verrions qu'une objection, c'est
si d'aventure ils appartenaient à la même
famille que ce fameux numéro de la Ga-
zette des tribunaux rendant compte du pro-
cès Towne. Ce numéro, tout le monde l'a
vu, les journaux en parlent, mais il n'a
jamais paru.
Les affirmations de MM. Edouard Ducret
et Georges Thiébaud, hommes qui n'ont
jamais varié et qui sont toujours restés
fidèles à la même foi politique, ont évidem-
ment leur valeur. Les témoignages d'anciens
amis du général Boulanger que l'on pour-
rait se procurer auraient aussi leur valeur ;
mais rien ne vaudrait évidemment, pour
l'édification complète du public,la produc-
tion des reçus dont on a parlé.
A défaut de pièces authentiques, le pu-
blic se contenterait certainement d'une
attestation écrite du général Boulanger ou
du comte Dillon.
UN SCANDALE
DANS UNE CAISSE D'ÉPARGNE.
IDE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULJBR)
, Le Mans, mars.
À la suite de la vérification faite par M.
Terouanne, receveur générât, M. Gasnier,
caissier de la caisse d'épargne du Mans,
vient d'être suspendu de ses fonctions. On
lui a enlevé les clefs de la caisse, et il lui
a été interdit de se présenter dans les bu-
reaux.
La vérification effectuée par M. Terou-
anne aurait amené la découverte d'un
déficit de 51,000 francs, réduit après nouvel
examen à 10,126 francs.
M. Gasnier, dans une lettre publiée par
les journaux, proteste contre les accusa-
tions portées contre lui.
Il affirme qu'il ne s'agit que de simples
erreurs d'écritures, et se plaint d'avoir été
mis, par les procédés employés, dans l'im-
possibilité de se justifier.
L'émotion est très vive dans la ville.
La caisse d'épargne du Mans compte
trente-deux succursales dans le départe-
ment; elle a 70,000 déposants, dont le ca-
pital s'élève à 25 millions.
LES COLÈRES DE M. CRISPI
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rome, 28 mars.
Un ancien député raconte dans la Tri-
buna) entre autres anecdotes sur M. Crispi,
qu'un jour il so rendit à la Consulta au
moment où l'ambassadeur de France, le
comte de Mouy,.en sortait. Le président du
conseil était dans une surexcitation telle,
qu'il dit à son collègue de la Chambre :
- Voyez-vous celui qui sort? Eh bien, un
jour ou l'autre, je le jetterai par la fe-
nêtre.
Il raconte également que M. Crispi fut
toujours opposé aux économies sur les bud-
gets de la guerre et de la marine. Il impo-
sait des demandes de crédit à ses deux col-
lègues chargés de ces portefeuilles. Lorsque
M. Grimaldi voulait rogner ses budgets mi-
litaires, M. Crispi entrait dans de violentes
colères.
Enfin, le député en question déclare que
M. Crispi n'écoutait que les conseils d'un
seul homme, le sénateur Brioschi, à qui il
communiquait ses discours de Florence et
de Turin avant de les lire à ses collègues
du cabinet.
JUSTICE A LA VAPEUR
Cent une affaires extrêmement variées
ont été expédiées hier, en l'espace de cinq
heures environ, à la 11e chambre correc-
tionnelle, présidée par M. Flandin.
Cent une affaires! C'est-à-dire vingt af-
faires par heure, soit une affaire en trois
minutes !
Cette petite statistique n'est-elle pas faite
pour donner le frisson ?
Est-ce là de la justice ou de la prestidigi-
tation ?
On peut hésiter pour répondre.
LE PAUVRE DE SAINT-PIERRE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PART*CUUBR)
Rome, 28 mars.
Tous ceux qui ont visité Rome ont re-
marqué à la porte de Saint-Pierre un petit
vieux déguenillé qui demandait l'aumône :
c'était Pietro ; il n'était du moins connu
que sous ce nom.
Pietro vient de mourir à quatre-vingt-
onze ans. On a trouvé sous son grabat, dans
la mansarde qu'il habitait dans un fau-
bourg de Rome, la somme de trois cent cin-
quante mille francs.
Ce qu'il y a de curieux, c'est qu'il laisse
toute sa fortune à une mendiante aveugle,
sa voisine à Saint-Pierre, Angélique Valque-
rine, qui, le croyant réellement pauvre,
partageait fréquemment avec lui le modeste
produit do sa collecte.
LA CONDAMNATION
CONDITIONNELLE
PREMIÈRE APPLICATION DE LA LOI
Une juste loi. - Les nouveaux con-
damnés et les anciens. — La ré-
forme du casier judiciaire. —
L'avis de M. Bérenger.
Le Journal officiel vient de promulguer,
sous la date du 26 mars 1891, la loi suivante
sur l'atténuation et l'aggravation des peines,
dont M. le sénateur Bérenger est le promo-
teur :
Article 1". — En cas de condamnation à
l'emprisonnement ou à l'amende, si l'inculpé
n'a pas subi de condamnation antérieure à la
prison pour crime ou délit de droit commun,
les cours ou tribunaux peuvent ordonner, par
le même jugement et par décision motivée,
qu'il sera sursis à l'exécution de la peine.
Si, pendant le délai de cinq ans à dater du
jugement ou de l'arrêt, le condamné n'a en-
couru aucune poursuite suivie de condamna-
tion à l'emprisonnement ou à une peine plus
grave pour crime ou délit de droit commun,
la condamnation sera comme non avenue.
Dans le cas contraire, la première peine sera
d'abord exécutée sans qu'elle puisse se con-
fondre avec la seconde.
Art. 2. — La suspension de la peine ne com-
prend pas le payement des frais du procès et
des dommages-intérêts.
Elle ne comprend pas non plus les peines ao-
cessoires et les incapacités résultant de la
condamnation.
Toutefois, ces peines accessoires et ces inca-
pacités cesseront d'avoir effet du jour où, par
application des dispositions de l'article précé-
dent, la condamnation aura été réputée non
avenue.
Art. 3. — Le président de la cour ou du tri-
bunal doit, après avoir prononcé la suspen-
sion, avertir le condamné qu'en cas de nou-
velles condamnations dans les conditions de
l'article 1er, la première peine sera exécutée
sans confusion possible avec la seconde et
que les peines de la récidive seront encourues
dans les termes des articles 57 et 53 du code
pénal.
Art. U. — La condamnation est inscrite au
casier ju(lici&ire, mais avec la mention ex-
presse de la suspension accordée.
Si aucune poursuite suivie de condamna-
tion dans les termes de l'article 1er, paragra-
phe 2, n'est intervenue dans le délai de cinq
ans, elle ne doit plus être inscrite dans les
extraits délivrés aux parties.
L'aggravation des peines
Si la nouvelle loi est douce pour ceux qui
n'ont jamais eu de démêlés avec la justice,
elle est en revanche très dure pour les ré-
cidivistes. Voici les articles qui les concer-
nent :
Art. 5. — Les articles 57 et 58 du Code pénal
sont modiCés comme suit :
« Art. 57. — Quiconque, ayant été condamné
pour crime à une peine supérieure à une au-
née d emprisonnement, aura, dans un délai
de cinq années après l'expiration de cette
peine ou sa prescription, commis un délit ou
un crime qui devra être puni de la peine de
l'emprisonnement sera condamné au maxi-
mum de la peine portée par la loi, et cette
peine pourra être élevée jusqu'au double.
» Défense pourra être faite, en outre, au
condamné de paraître, pendant cinq ans au
moins, et dix: ans au plus, dans les lieux dont
l'interdiction lui sera signifiée par. le gouver-
nement avant sa libération.
» Art. 58. — Il en sera de même pour les
condamnés à un emprisonnement de plus
d'une année pour délit qui, dans le même dé-
lai, seront reconnus coupables du même délit
ou d'un crime devant être puni de l'emprison-
nement.
» Ceux qui, ayant été antérieurement con-
damnés à une peine d'emprisonnement de
moindre durée, commettraient le même délit
dans les mêmes conditions de temps seront
condamnés à une peine d'emprisonnement
qui ne pourra être inférieure au double de
celle précédemment prononcée, sans toutefois
qu'elle puisse dépasser le double du maximum
de la paine encourue.
» Les délits de vol, escroquerie et abus de
confiance seront considérés comme étant,
au point de vue de la récidive, un même
délit.
» Il en sera de même des délits de vagabon-
dage et de mendicité. »
La nouvelle loi est applicable aux colonies
où le code pénal métropolitain a été déclaré
exécutoire en vertu de la loi du 8 janvier
1875.
Des décrets statueront sur l'application
qui pourra en être faite aux autres colo-
nies.
Elle n'est applicable aux condamnations
prononcées par les tribunaux militaires
qu'en ce qui concerne les aggravations.
Une loi presque semblable à celle-ci fonc-
tionne depuis trois ans en Belgique; elle ne
demande aux condamnés de n'être sages
que pendant un an seulement après qu'elle
les absout.
Cette loi fut appliquée à MM. Dreyfus et
de Morès après leur duel d'il y a quelques
mois.
L'application à Paris
Deux applications de cette loi, qui jette
quelque humanité dans notre Code pénal si
plein de dureté en général, viennent d'être
faites par la 11e chambre correctionnelle,
présidée par M. Flandin.
Dans le premier cas, il s'agissait d'une
jeune fille de dix-huit ans, Mlle Mathilde
Stephany, née à Strasbourg, qui s'était em-
parée d'une somme de 800 francs apparte-
nant à sa tante, dont elle était domestique.
Le tribunal a condamné la petite bonne à
un mois de prison, avec sursis dans l'ap-
plication de la peine. C'est-à-dire que Mlle
Mathilde Stephany ne fera jamais sa peine
d'un mois de prison si, dans le délai de
cinq ans, elle ne subit aucune autre con-
damnation.
La seconde affaire concernait une femme
de quarante ans, Mme Constance Gaillard,
contre-maitresse chez M. Gàrches, confec-
tionneur, 6, rue d'Aboukir. Cette femme,
qui elle non plus n'avait jamais été con-
damnée, était inculpée de vol de coupons
d'étoffe au préjudice de son patron.
Le tribunal a condamné Mme Constance
Gaillard à quinze jours de prison — mais
avec sursis également dans l'application de
la peine.
Vers la fin de l'audience, un vaga-
bond condamné une quinzaine de fois a,
au contraire, supplié le tribunal de ne pas
surseoir à la peine d'un mois de prison qui
venait de lui être appliquée, tant son souci
d'être abrité pendant trente jours à Nan-
terre était grand.
Les tribunaux vont désormais être as-
saillis de conclusions tendant à l'applica-
tion de la loi du 27 mars 1891. Souhaitons
que, se conformant aux vœux du législa-
teur, ils fassent bénéficier les prévenus
intéressants de ce texte législatif fort hu-
manitaire.
La réforme du casier judiciaire
La. nouvelle loi va rendre jaloux une
nombreuse catégorie de citoyens condam-
nés depuis des années à des peines légères,
privés depuis ce temps de leurs droits po-
litiques et qui pourtant ont amplement ra-
cheté, par une conduite sans reproche, une
faute commise quand ils étaient jeunes.
Ils se demandent, ceux-là, s'il est juste
que le bénéfice d'une loi nouvelle soit ré-
servé uniquement à des condamnés de l'a-
venir, alors que rien n'est accordé aux
condamnés du passé, à ceux qui réunis-
sent toutes les conditions exigées par la loi
d'hier et ont un peu le droit d'espérer que,
comme les condamnés de demain, la fa-
veur d'un oubli légal leur soit attribuée.
Nous leur répondrons que le gouverne-
ment s'occupe en ce moment de leur don-
ner satisfaction, et voici où en sont les
choses. M. Bérenger, auteur de la loi sur
la libération conditionnelle et auteur de la
loi promulguée il y a deux jours, nous a
donné à ce sujet d'intéressants renseigne-
ments :
Chez M. Bérenger
«—Je suis,nous a dit M. Bérenger,partisan
convaincu de toutes les mesures qui peu-
vent permettre à un condamné de repren-
dre sa place dans la société.
A cet effet, en dehors des deux lois que
j'ai eu l'honneur à faire appliquer, j'ai dé-
cidé, vous le savez, le Sénat à réu-
nir une commission parlementaire qui exa-
mine en ce moment les moyens de réformer
complètement les règlemennts suric casier
judiciaire.
Le casier remonte à 1850 ; il a pour « in-
venteur M, si je puis m'exprimer ainsi, M.
Bonneville de Marsangy, conseiller à la cour
d'appel de Paris, qui conseilla de conserver,
au lieu de naissance d'un indi/idu la men-
tion de toutes les condamnations pronon-
cées contre lui, pour éviter, quand cet in-
dividu comparaissait en justice, de faire
une longue enquête sur son passé ou de ne
devoir compter que sur ses aveux.
La mesure était bonne; elle était prise
pour aider les magistrats à éclairer leur
religion ; le public s'en empara pour se ren-
seigner sur la moralité des autres en se fai-
saut aisément délivrer le casier judiciaire
de chacun.
L'abus devint tel qu'en 186A une circulaire
ministérielle décida que si chacun avait le
droit de se faire délivrer son casier judi-
ciaire, on n'avait plus celui de se faire déli-
vrer le casier d'autrui.
Il semblait que cette circulaire dût cou-
per court au mal : il n'en a rien été. Car
l'usage s'est aussitôt établi d'exiger de l'em-
ploye ou de l'ouvrier qui cherche de l'ou-
vrage un extrait de son casier judiciaire.
Les enquêtes individuelles sont ainsi sup-
primées; l'extrait du casier suffit à tout. S'il
est vierge, on est admis ; s'il contient une
condamnation, fût-elle légère, remontât-
elle à vingt années, on est exclu.
Cela n'est pas juste : un homme ne peut
pas traîner éternellement derrière lui le
boulet d'une faute passée; sa peine expirée,
il faut lui donner les moyens de recom-
mencer sa vie. Tout se prescrit, oui ! Un in-
dividu accusé d'un crime capital voit se
prescrire, après dix ans, le droit qu'a la
société de le poursuivre. Pourquoi le ca-
sier judiciaire seul serait-il imprescripti-
ble?
A la commission,dont je fais partie,on est
partisan de supprimer le casier judiciaire
pour certaines condamnations, après sept
ans pour les délits et quinze ans pour les
crimes; je trouve que c'est excessif, et en
ce moment mes collègues et moi nous
sommes divisés par mes propositions oui
sont celles-ci :
La suppression du casier judiciaire aura
lieu après cinq ans pour les délits et dix
ans pour les crimes. Si après une nouvelle
période de cinq ans pour les délits et de
dix ans pour les crimes, un condamné n'a
pas encouru la moindre condamnation, il
sera de plein droit réhabilité et réintégré
par conséquent dans tous ses droits. Donc
un condamné pour un .délit et un con-
damné pour un crime qui se seront bien
conduits pendant dix et vingt ans pourront
reprendre leur place dans la société sans
qu'aucune trace officielle reste de leur
condamnation.
En outre, la loi aurait un effet rétroac-
tif.
La réhabilitation
Le gouvernement, lui, voudrait séparer
la réhabilitation de la réforme du casier
judiciaire et faire prochainement de la ré-
habilitation et des moyens de l'obtenir fa-
cilement une loi spéciale. Cela me semble
impossible. Tout ce qui a pu être fait pour
permettre à un individu de se réhabiliter
aisément est accompli par la loi de 1885.
Antérieurement, on ne pouvait demander
à être réhabilité que dix ans après avoir
subi sa peine; on faisait alors une enquête
municipale sur le solliciteur, et il suffisait
qu'il y eût dans son village ou dans sa ville
une haine provenant de ses opinions poli-
tiques ou de ses relations, pour que sa de-
mande fût rejetée.
Aujourd'hui, c'est au bout de trois ans
qu'on peut demander sa réhabilitation.
L'enquête municipale est abolie; les rensei-
gnements sont demandés au juge de paix
et au procureur de la République, gens le
plus souvent insensibles aux petites inimi-
tiés de clocher.
Il est donc, à mon avis, impossible de
simplifier davantageles moyens de se réha-
biliter.Ce qu'il faudrait supprimer, c'est la
demande de réhabilitation. Tout le monde
devrait, de plein droit, être réhabilité après
s'être bien conduit pendant le temps que je
viens de vous indiquer.
Je ne désespère pas de voir le gouverne-
ment accepter ma manière de voir. En tout
cas,le rapport de la commission de réforme
du casier judiciaire sera termine après les
vacances de Pâques, et une proposition de
loi, dont je serai propablement le rappor-
teur, sera alors soumise au Sénat.
Je la soutiendrai chaudement, car si mes
principes sont qu'il faut être impitoyable
pour les récidivistes, la loi promulguée
hier l'admet; ils disent aussi qu'il faut em-
pêcher, par tous les moyens possibles un
coupable de récidiver en lui ouvrant au
large les rangs de la société,"
Voilà ce que nous a dit M. Bérenger. La
Chambre et le Sénat lui ayant par deux
fois prouvé combien ses vues sur cette
importante question sont justes, les con-
damnés du passé peuvent espérer que M.
Bérenger obtiendra encore une fois gain de
cause pour eux.
DÉPLAISIR ALLEMAND
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULlsa)
Berlin, 28 mars.
Tous les journaux s'occupent de la haute
marque de distinction donnée par le tsar
au président de la République française.
Ils font remarquer, en général, que cet acte
de haute et amicale courtoisie suit de bien
près l'incident auquel donna lieu la visite
de l'impératrice Frédéric à Paris.
LES ESCROCS
DU « PETIT JOURNAL »
UN CLIENT
DE LA MAISON MARINONI-POIDATZ
M. Jean. — L'Agence catholique de la
rue Cujas. — L'honnête Le Brun.
Pas banal du tout, M. Jean Chacornac,
plus connu de ses « clients" sous le nom de
Jean tout court : M. Jean ! appellation fami-
lière et bon enfant.
M. Jean, comme le joyeux Le Brun, se
chargeait de vous procurer des emplois;
mais,légèreinent plus adroit que son collè-
gue de la rue d'Ulm, il n'attend pas que les
grincements de dents de ses victimes vien-
nent appeler sur lui la main pesante du
commissaire de police. Quand il a usé de
sa ficelle jusqu'au bout, il passe la main à
un autre et va modestement s'installer loin
du dernier centre de ses opérations, quitte
à les recommencer un peu plus tard.
Son histoire vaut la peine d'être ra-
contée :
L'agence catholique
Il y a deux ans, s'installait à un qua-
trième étage de la rue Cujas, no 21, M. Jean
Chacornac, directeur de l'Agence catholique
de placement. — Comme les cambrioleurs
ont besoin d'un attirail dont font partie
quelques rossignols et une pince-monsei-
gneur, l'escroc à l'offre d'emploi a dans sa
trousse le Petit Journal, levier puissant qui
fait bâiller les porte-monnaie des braves
gens, comme des huttres dans lesquelles les
escrocs n'ont plus qu'à introduire leurs
doigts.
M. Jean était à peine installé rue Cujas,
que son complice de la rue Lafayette se
mit à fonctionner en insérant ceci :
Demande dame pour écritures. M. Jean, SI,
rue Cujas.
Demande dame secrétaire. M. Jean, SI, rue
U Cujas.
Ou bien encore:
demande secrétaire intime. 6.000 fr. M. Jeau,
U Agence cathol., SI, rue Cujas.
La suite du truc, vous la connaissez,n'est-
ce pas, c'est toujours la même. Les nom-
breuses personnes qui désirent être secré-
taires intimes accourent rue Cujas où,
moyennant 10 francs par mois, on leur
donne à lire un journal appelé le Compila-
teur et dans lequel sont indiqués de rares
emplois jamais vacants.
M. Jean commença par faire ce que Le
Brun fait toujours: couper ses offres d'em-
plois dans les Petites Affiches et dans le
Figaro du mercredi. Mais au bout d'un
an, les affaires marchant très bien, le suave
Chacornac trouva inutile de s'imposer heb-,
domaduirement l'achat du Figaro et des
Petites Affiches-, il inventa ses offres d'em-
plois. C'était plus économique, mais c'était
maladroit; comme l'avare et la pouile- aux
œufs d'or, M. Jean perdit tout en voulant
trop gagner. -
Ses clients, désolés seulement de trouver
la place déjà prise, aux endroits renseignés
dans le Compilateur, du temps où il compi-
lait réellement, se consolaient en disant
qu'ils auraient pu la décrocher; mais quand
on les envoya à des adresses invraisem-
blables, demander sur l'heure de midi à
des gens non prévenus s'ils n'avaient pas
besoin, un coiffeur, d'un gardien de pro-
priété, un fabricant de meubles, d'un garde-
chasse, un employé des pompes funèbres,
d'un secrétaire intime, des hurlements se-
couèrent le bureau de la rue Cujas, et
M. Jean, dans la crainte du commissaire de
police, jugea bon de passer à d'autres
exercices.
L'agence avait bien marché pendant
longtemps, c'était vraiment dommage de
J.a laisser tomber ainsi, sans plus rien
en tirer. C'est alors que M. Jean eut une
idée lumineuse.
Arrivée de Mme Anselme
Parmi les derniers clients de Chacornac
se trouvait une veuve d'un âge mûr, Mme
Anselme, propriétaire de capitaux, et qui
depuis longtemps offrait à M. Jean de les
mettre à la disposition d'une bonne af-
faire.
Un matin il lui dit :
— L'Agence catholique marche très bien,
si bien que ma fortune est faite; je vous
cède le fonds si vous voulez : donnez moi
6,000 francs et vous en devenez la direc-
trice.
Eblouie, Mme Anselme accepta. Deux
jours plus tard, elle trônait sur le fauteuil
de M. Jean. C'est elle, dès le lendemain, qui
reçut la visite des malheureux que son pré-
décesseur envoyait aux quatre coins de
Paris à la recherche d'emplois imaginaires.
Mais Mme Anselme était honnête. A tous
ceux qui venaient lui reprocher de les avoir
abonnés au Compilateur pour ne pas leur
procurer d'emploi, elle fournissait la même
réponse :
— Ah ! c'est une erreur, voici vos dix
francs et excusez-moi !
La brave Mme Anselme désabonna ainsi
du Compilateur tous ceux que M. Jean y
avait abonnés. Mais cette opération, qui ne
répondait plus du tout au but que s'était
proposé en la fondant le directeur de l'A-
gence catholique, ne tarda pas à ruiner de
fond en comble Mme Anselme, dont les
meubles furent vendus à l'hôtel Drouot le
10 mars, à trois heures de l'après-midi, par
autorité de justice.
Ce qu'il y a de plus joyeux dans cette
histoire,c'est que M. Jean, sous prétexte de
mettre Mme Anselme au courant, assistait
au remboursement des abonnements du
Compilateur. Quand un de ses anciens
clients réclamait, il laissait Mme Anselme
se débrouiller avec lui; quand un naïf, au
contraire, faisait une rare apparition, Cha-
cornac écartait son successeur en lui di-
sant :
— Allez-vous-en, une femme intimide le
client, je vais arranger cela.
Et M. Jean arrangeait l'affaire en donnant
rendez-vous au visiteur dans un nouveau
bureau de placement à l'annonce qu'il avait
fondé, au moyen d'un débris de clientèle
restée fidèle, dans le quartier Montpar-
nasse.
M. Jean comme devant
M. Jean va prochainement ouvrir une
agence aussi catholique que la première,
dans un quartier du centre de Paris. L'en-
droit, nous a dit sa femme, n'est pas encore
fixé, mais il paraît que ce sera organisé sur
des bases solides et d'un fonctionnement
qui coûtera cher aux gens sans emploi.
Comme sans lui il n'est point de fêtes
réussies, le Petit Pichpochet (Beware of Petit
Journal) sera naturellement de la partie: il
est à espérer que le commissaire de pohcç;
voudra bien en être aussi. ,
!\ a Ecce iterum. - »
Pour finir, nous recommanderons tout
spécialement la lettre suivante à l'attention
de MM. Marinoni et Poidatz, qui, malgré les
révélations du XIX0 Siècle, continuent à
publier soigneusement chaque jour fan*
nonce de Le Brun.
Avant-hier, cette annonce était ainsi li-
bellée : -'
nem. pr prop. p. Paris ménage p. intér. et bas.-
cour.Bon.cond. réf. sér. S'ad. ou écr.Le Brun.
34, rue d'Ulm.
MM. Marinoni et Poidatz savent que cette
annonce cache une filouterie, mais l'argent
pour eux n'a pas d'odeur.
Paris, le 27 mars 1891.
Monsieur le directeur du XIX- Siècle,
Je suis avec intérêt la campagne que vous
menez contre le Petit Journal et contre ses
amis les escrocs, et je ne saurais trop vous
féliciter de mettre le public en garde contre
leurs agissements.
Je ne me serais certainement pas mêlé per-
sonnellement à cette campagne, si une drôle
d'histoire ne venait me confirmer ce que vous
avez déjà publié sur l'honnête filou Le Brun,
rue d'Ulm.
Le 10 de ce mois (il y a donc dix-sept jours),
j'avais besoin d'un garçon de bureau et,
comme j'étais très pressé, j'.ai fait une inser-
tion dans les « Petites Affiches », et le lende-
main j'avais plus de cent individus de toutes
les classes qui se présentaient pour occuper
l'emploi en question. Mon choix fut vite fait
et j'arrêtais immédiatement un brave homme
qui me présentait de J)ons 'certifica.ts.
Aujourd'hui 27,se présente un individu pour
solliciter l'emploi; vous voyez mon ébaMase-
ment;
— Mais où avez-vous vu que je deman-
dais quelqu'un?
— Mais, monsieur, on m'a prié de ne pas.
vous le dire.
- Eh bien ! je regrette, mais la place est
prise depuis longtemps.
- Ah 1 monsieur.
- Mais qui vous envoie?
- M. Le Brun, rue d'Ulm.
Je ris naturellement, mais je plains ce brava
homme et lui dis à qui il avait eu affaire.
Il a donc payé 10 francs le 33 février, il n'est
pas encore placé, et pour le disposer à re-
nouveler son abonnement, M. Le Brun le con-
sole en me l'envoyant et en lui disant que la
place est sûre et qu'elle n'a pas encore été
demandée par publicité.
Quelle canaille!
Faites de cela ce que bon vous sémblera. et
agréez mes sincères salulations,
Un de vos lecteurs assidus.
(La suite à demain.}
GRÈVES DANS LE TARN
- Albi, 98 mars.
On télégraphie de Carmeaux, inrportant
centre ouvrier du département d.u Tarn
que la situation devient assez evitique a
cause des grèves qui se succèdent avec fré<
quence.
*
": Après la grève des maçons et tailleurs de
pierres, qui dure depuis plusieurs semaines
déjà, il y a eu la grève des ouvriers menui-
siers et charpentiers; mais ceux-ci ont re-
pris en partie le travail, à ht suite de l'ac-
ceptation par quelques patrons de leurs
réclamations.
Mais voici qu'on signale comme immi-
nente la grève d'autres groupes ouvriers
qui revendiquent une réduction des heures
de travail avec maintien des prix du salaire
actuel.
CHRONIQUE
On a beau n'être plus croyant, on
garde volontiers je ne sais quel fond
d'attendrissement pour la divine légende,.
en cette date de Pâques qui symbolise,—.
ce n'est, hélas ! qu'un symbole ! — la fin
des épreuves, le rajeunissement des âmes,
un recommencement moins âpre de la
vie. Il faudra longtemps encore pour que -
s'en aille tout à fait cette superstition des
dates, et, après tout, on pourrait regret-
ter que nous ne l'eussions pas, et cette
vague illusion qu'elle nous apporte.Cette
année surtout, après cet horrible hiver
qui a causé tant de misères et tant de
deuils, il ne saurait nous déplaire d'ima-
giner que nous allons entrer dans une
période plus clémente.
Toutes les coutumes traditionnelles ont
disparu qui accompagnaient jadis cette
fête de Pâques ; elles se sont fondues en
un usage galant qui consiste à renouve-
ler les envois du Jour de l'An sous une
forme raffinée. C'est ainsi que l'élément
religieux s'est trouvé peu à peu absorbé
par l'élément profane.
Existent-ils encore, dans quelques cam-
pagnes reculées, ces usages qui avaient
leur grâce poétique, — ces groupes qui
se rendaient à la porte des maisons d'un
village, en chantant de vieilles chansons
consacrées, d'une naïveté touchante :
Pour l'amour d3 notre Sauveur,
Donnez quelque chose aux chanteurs j
Un jour viendra Dieu le reudra.
Alléluia I
Et les processions de quêteurs, qui ré-
clamaient en cette solennité de Pâques
leur droit de prendre part à l'universelle
joie, en demandant la part des pauvres?
Il était de règle, dans les pays normands,
jadis, de leur faire attendre plaisamment
le don, jusqu'à ce qu'ils eussent trouvé
de bonnes raisons, formulées dans un
couplet ingénu, pour le justifier. Et un
dialogue, rythmé sur un air légendaire,
s'engageait avec eux :
— Pauvres chanteurs trop tôt venus,
Les poules n'ont pas encore pondu :
Dans leurs nids n'y a que des fétus,
disait-on de la maison, où on était censé
refuser l'aumône. Mais,du dehors, les qué-
mandeurs reprenaient :
— Regardez dedans le buffet
S'il n'y a point de vieux sous marqués.
Les plus neufs sont les meilleurs.
Je crains que nos paysans d'aujourd'hui
ne soient trop positifs pour s'attarder
encore à ces aimables et jolies coutumes
d'antan. On risque d'éprouver quelques
désillusions quand on cherche, à présent,
de la poésie aux champs.
Pour Paris, c'est l'ouverture de la foire
au pain d'épice qui marque le jour de
Pâques. et on peut constater une fois de
plus l'espèce d'embourgeoisement de la
race des saltimbanques. Un mot déjà
tombé en désuétude, du reste! Les « di-
JOURNAL RÉPUBLICAIN
r
RÉDACTION
&4S, Eue Moatraaxtre
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"Morale. d Q rDnr8
-
t. Lorsque le divorce fut rétabli dans
rnotre code, une inspiration de haute
moralité dicta au dernier moment,
« Dans le cas de diverce admis en jus-
tice pour cause d'adultère, l'époux
coupable ne pourra jamais se rema-
rier avec son complice. » La pensée
du législateur est facile à saisir. Il
craignit que les mal mariés n'usassent
avec trop d'empressement du moyen
qui s'offrait à eux de rompre une
Chaîne insupportable, et il lui sembla
que si les complices pouvaient garder
la pensée de s'unir, ce serait une sorte
de prime à l'adultère.
L'intention était bonne, comme le
sont presque toujours les intentions,
mais elle manquait de philosophie et
elle ne répondait que médiocrement,
dans la pratique, à la pensée morale
qui a fait rétablir le divorce. En effet,
le principal argument en faveur du
divorce est que l'indissolubilité du
mariage contraignait beaucoup de
personnes à vivre dans des condi-
tions irrégulières, pénibles pour elles-
mêmes et dommageable pour les en-
fants qu'elles pouvaient engendrer.
Or, est-ce bien la peine d'avoir
brisé cette indissolubilité du mariage
pour élever, deux pas plus loin, une
ïiouvelle barrière tout aussi infran-
chissable qu'était celle-ci? Il est per-
mis de ne le penser point et l'on peut
ajouter qu'en inscrivant cette dispo-
sition dans la loi, le législateur n'a
pas eu une vue très nette de la ques-
tion. Il y a, en effet, deux façons de
considérer le mariage et il n'en peut
y avoir que deux: Ou c'est un contrat,
ou c'est un sacrement. Si on le consi-
dère comme un sacrement, la loi ci-
vile n'a qu'à s'incliner devant la loi
religieuse et elle n'a pas le pouvoir de
délier ce que l'Eglise déclare indisso-
luble. Mais si c'est un contrat, il ren-
tre dans la même catégorie que tous
les contrats civiis. Celui des contrac-
tants à l'égard duquel les engage-
ments n on pas été tenues par Fautre !
partie contractante a le droit de de-
mander la résiliation du contrat.
Mais, le contrat rompu, chacune des
parties rentre dans la plénitude de ses
droits. En apportant des restrictions à
cette plénitude de droits, la loi imfli-
ge une pénalité; elle maintient, pour
une partie, la survivance du premier
contrat, les droits du premier époux
sur son ex-conjoint. C'est la vengeance
de l'époux outragé de penser que l'in-
fidèle ne pourra réparer sa faute, et
cette vengeance est même plus com-
plète qu'avec l'indissolubilité du ma-
riage, car cette indissolubilité, la mort
la rompt, et le conjoint devenu- veuf
peut se remarier à sa guise ; mais la
mort même de l'ancien époux ne re-
lève pas l'adultère de sa punition;
l'interdiction du mariage avec son
complice est éternelle.
- N'est-ce pas là une rigueur exces-
sive, alors que la loi ne considère l'a-
dultère que comme un délit, que le
code pénal n'accorde qu'au mari le
droit de le dénoncer et qu'il le punit
assez légèrement? Comment la société,
qui se désintéresse à peu près de l'af-
faire en un cas, qui même donne au
mari le pouvoir de faire cesser l'effet
de la condamnation si le mariage sub-
siste, se montre-t-elle si inexorable
lorsque le mariage est rompu et que,
par conséquent, le principal intéressé
se trouve désintéressé?
Persistera-t-on à dire que c'est un
obstacle à l'adultère? Cette considé-
tion n'a pas une bien grande valeur.
L'interdiction du mariage entre com-
plices n'empêche pas les passions, de
même que son autorisation n'en ferait
pas naître. Pour que deux individus
souffrent de cette interdiction, il faut
qu'ils aient de l'estime l'un pour l'au-
tre, il faut par conséquent qu'ils ap-
partiennent à la catégorie la plus in-
téressante des mal mariés, de ceux qui
cherchent en dehors du mariage une
compensation à une erreur et à des
déceptions, et non pas une satisfac-
tion des sens ou une distraction pas-
sagère. Ce sont donc ceux qui de-
vraient trouver dans la rupture d'un
mariage mal assorti, les moyens, si-
non de refaire leur vie, du moins de
la finir mieux qu'elle n'a commencé,
et ce sont précisément ceux-là, par
une ironie de la morale législative,
qui sont condamnés à la souffrance
sans fin et à la continuation d'une
vie irrégulière, à l'immoralité légale.
Les inconvénients de cette disposi-
tion prétendue tutélaire se sont mon-
trés avec une. évidence telle, qu'un
mouvement d'opinion s'est produit
- pour l'abrogation de l'art. 398. Les
cléricaux n'ont pas manqué de dire
que l'abrogation de cet article, ce se-
rait la fin de la société et la destruc-
tion définitive de la famille. Ils l'a-
vaient déjà dit lors de l'établissement
du divorce, et l'on a pu voir que leurs
craintes étaient assez peu justifiées.
Elles ne le sont guère plus aujourd'hui,
et l'on ne s'explique même pas qu'au
nom de la morale ils aboutissent à
condamner les gens à l'immoralité. La
morale exigerait que les complices
fussent obligés de se marier, et ce se-
rait peut-être contre l'adultère une
garantie bien plus forte que l'inter-
diction actuelle. Nous comprenons que
le législateur n'aille pas jusque-là et
qu'il ne prononce pas contre un délit
d'ordre privé une punition qui, dans
bien des cas, serait hors de propor-
tion avec la faute commise. Mais ce
qui ne se comprend pas davantage,
c'est la peine inverse, et puisque le
divorce est fait pour rompre le con-
trat de mariage, il doit le rompre
complètement, et par conséquent l'ar-
ticle 298 doit être supprimé
Le XIXe SIECLE publiera demain ia
« Chronique », par Francisque Saroey.
ON DEMANDE LES REÇUS
Un ardent défenseur de MM. Marinoni et
Poidatz, M. Edouard Ducret, a publié hier
un article très intéressant, — comme tous
les articles de M. Ducret, — mais vraiment
trop peu documenté.
Il est question, dans cet article, de reçus
qui auraient été photographiés. Pourquoi
ne pas les montrer?
Nous ne verrions qu'une objection, c'est
si d'aventure ils appartenaient à la même
famille que ce fameux numéro de la Ga-
zette des tribunaux rendant compte du pro-
cès Towne. Ce numéro, tout le monde l'a
vu, les journaux en parlent, mais il n'a
jamais paru.
Les affirmations de MM. Edouard Ducret
et Georges Thiébaud, hommes qui n'ont
jamais varié et qui sont toujours restés
fidèles à la même foi politique, ont évidem-
ment leur valeur. Les témoignages d'anciens
amis du général Boulanger que l'on pour-
rait se procurer auraient aussi leur valeur ;
mais rien ne vaudrait évidemment, pour
l'édification complète du public,la produc-
tion des reçus dont on a parlé.
A défaut de pièces authentiques, le pu-
blic se contenterait certainement d'une
attestation écrite du général Boulanger ou
du comte Dillon.
UN SCANDALE
DANS UNE CAISSE D'ÉPARGNE.
IDE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULJBR)
, Le Mans, mars.
À la suite de la vérification faite par M.
Terouanne, receveur générât, M. Gasnier,
caissier de la caisse d'épargne du Mans,
vient d'être suspendu de ses fonctions. On
lui a enlevé les clefs de la caisse, et il lui
a été interdit de se présenter dans les bu-
reaux.
La vérification effectuée par M. Terou-
anne aurait amené la découverte d'un
déficit de 51,000 francs, réduit après nouvel
examen à 10,126 francs.
M. Gasnier, dans une lettre publiée par
les journaux, proteste contre les accusa-
tions portées contre lui.
Il affirme qu'il ne s'agit que de simples
erreurs d'écritures, et se plaint d'avoir été
mis, par les procédés employés, dans l'im-
possibilité de se justifier.
L'émotion est très vive dans la ville.
La caisse d'épargne du Mans compte
trente-deux succursales dans le départe-
ment; elle a 70,000 déposants, dont le ca-
pital s'élève à 25 millions.
LES COLÈRES DE M. CRISPI
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rome, 28 mars.
Un ancien député raconte dans la Tri-
buna) entre autres anecdotes sur M. Crispi,
qu'un jour il so rendit à la Consulta au
moment où l'ambassadeur de France, le
comte de Mouy,.en sortait. Le président du
conseil était dans une surexcitation telle,
qu'il dit à son collègue de la Chambre :
- Voyez-vous celui qui sort? Eh bien, un
jour ou l'autre, je le jetterai par la fe-
nêtre.
Il raconte également que M. Crispi fut
toujours opposé aux économies sur les bud-
gets de la guerre et de la marine. Il impo-
sait des demandes de crédit à ses deux col-
lègues chargés de ces portefeuilles. Lorsque
M. Grimaldi voulait rogner ses budgets mi-
litaires, M. Crispi entrait dans de violentes
colères.
Enfin, le député en question déclare que
M. Crispi n'écoutait que les conseils d'un
seul homme, le sénateur Brioschi, à qui il
communiquait ses discours de Florence et
de Turin avant de les lire à ses collègues
du cabinet.
JUSTICE A LA VAPEUR
Cent une affaires extrêmement variées
ont été expédiées hier, en l'espace de cinq
heures environ, à la 11e chambre correc-
tionnelle, présidée par M. Flandin.
Cent une affaires! C'est-à-dire vingt af-
faires par heure, soit une affaire en trois
minutes !
Cette petite statistique n'est-elle pas faite
pour donner le frisson ?
Est-ce là de la justice ou de la prestidigi-
tation ?
On peut hésiter pour répondre.
LE PAUVRE DE SAINT-PIERRE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PART*CUUBR)
Rome, 28 mars.
Tous ceux qui ont visité Rome ont re-
marqué à la porte de Saint-Pierre un petit
vieux déguenillé qui demandait l'aumône :
c'était Pietro ; il n'était du moins connu
que sous ce nom.
Pietro vient de mourir à quatre-vingt-
onze ans. On a trouvé sous son grabat, dans
la mansarde qu'il habitait dans un fau-
bourg de Rome, la somme de trois cent cin-
quante mille francs.
Ce qu'il y a de curieux, c'est qu'il laisse
toute sa fortune à une mendiante aveugle,
sa voisine à Saint-Pierre, Angélique Valque-
rine, qui, le croyant réellement pauvre,
partageait fréquemment avec lui le modeste
produit do sa collecte.
LA CONDAMNATION
CONDITIONNELLE
PREMIÈRE APPLICATION DE LA LOI
Une juste loi. - Les nouveaux con-
damnés et les anciens. — La ré-
forme du casier judiciaire. —
L'avis de M. Bérenger.
Le Journal officiel vient de promulguer,
sous la date du 26 mars 1891, la loi suivante
sur l'atténuation et l'aggravation des peines,
dont M. le sénateur Bérenger est le promo-
teur :
Article 1". — En cas de condamnation à
l'emprisonnement ou à l'amende, si l'inculpé
n'a pas subi de condamnation antérieure à la
prison pour crime ou délit de droit commun,
les cours ou tribunaux peuvent ordonner, par
le même jugement et par décision motivée,
qu'il sera sursis à l'exécution de la peine.
Si, pendant le délai de cinq ans à dater du
jugement ou de l'arrêt, le condamné n'a en-
couru aucune poursuite suivie de condamna-
tion à l'emprisonnement ou à une peine plus
grave pour crime ou délit de droit commun,
la condamnation sera comme non avenue.
Dans le cas contraire, la première peine sera
d'abord exécutée sans qu'elle puisse se con-
fondre avec la seconde.
Art. 2. — La suspension de la peine ne com-
prend pas le payement des frais du procès et
des dommages-intérêts.
Elle ne comprend pas non plus les peines ao-
cessoires et les incapacités résultant de la
condamnation.
Toutefois, ces peines accessoires et ces inca-
pacités cesseront d'avoir effet du jour où, par
application des dispositions de l'article précé-
dent, la condamnation aura été réputée non
avenue.
Art. 3. — Le président de la cour ou du tri-
bunal doit, après avoir prononcé la suspen-
sion, avertir le condamné qu'en cas de nou-
velles condamnations dans les conditions de
l'article 1er, la première peine sera exécutée
sans confusion possible avec la seconde et
que les peines de la récidive seront encourues
dans les termes des articles 57 et 53 du code
pénal.
Art. U. — La condamnation est inscrite au
casier ju(lici&ire, mais avec la mention ex-
presse de la suspension accordée.
Si aucune poursuite suivie de condamna-
tion dans les termes de l'article 1er, paragra-
phe 2, n'est intervenue dans le délai de cinq
ans, elle ne doit plus être inscrite dans les
extraits délivrés aux parties.
L'aggravation des peines
Si la nouvelle loi est douce pour ceux qui
n'ont jamais eu de démêlés avec la justice,
elle est en revanche très dure pour les ré-
cidivistes. Voici les articles qui les concer-
nent :
Art. 5. — Les articles 57 et 58 du Code pénal
sont modiCés comme suit :
« Art. 57. — Quiconque, ayant été condamné
pour crime à une peine supérieure à une au-
née d emprisonnement, aura, dans un délai
de cinq années après l'expiration de cette
peine ou sa prescription, commis un délit ou
un crime qui devra être puni de la peine de
l'emprisonnement sera condamné au maxi-
mum de la peine portée par la loi, et cette
peine pourra être élevée jusqu'au double.
» Défense pourra être faite, en outre, au
condamné de paraître, pendant cinq ans au
moins, et dix: ans au plus, dans les lieux dont
l'interdiction lui sera signifiée par. le gouver-
nement avant sa libération.
» Art. 58. — Il en sera de même pour les
condamnés à un emprisonnement de plus
d'une année pour délit qui, dans le même dé-
lai, seront reconnus coupables du même délit
ou d'un crime devant être puni de l'emprison-
nement.
» Ceux qui, ayant été antérieurement con-
damnés à une peine d'emprisonnement de
moindre durée, commettraient le même délit
dans les mêmes conditions de temps seront
condamnés à une peine d'emprisonnement
qui ne pourra être inférieure au double de
celle précédemment prononcée, sans toutefois
qu'elle puisse dépasser le double du maximum
de la paine encourue.
» Les délits de vol, escroquerie et abus de
confiance seront considérés comme étant,
au point de vue de la récidive, un même
délit.
» Il en sera de même des délits de vagabon-
dage et de mendicité. »
La nouvelle loi est applicable aux colonies
où le code pénal métropolitain a été déclaré
exécutoire en vertu de la loi du 8 janvier
1875.
Des décrets statueront sur l'application
qui pourra en être faite aux autres colo-
nies.
Elle n'est applicable aux condamnations
prononcées par les tribunaux militaires
qu'en ce qui concerne les aggravations.
Une loi presque semblable à celle-ci fonc-
tionne depuis trois ans en Belgique; elle ne
demande aux condamnés de n'être sages
que pendant un an seulement après qu'elle
les absout.
Cette loi fut appliquée à MM. Dreyfus et
de Morès après leur duel d'il y a quelques
mois.
L'application à Paris
Deux applications de cette loi, qui jette
quelque humanité dans notre Code pénal si
plein de dureté en général, viennent d'être
faites par la 11e chambre correctionnelle,
présidée par M. Flandin.
Dans le premier cas, il s'agissait d'une
jeune fille de dix-huit ans, Mlle Mathilde
Stephany, née à Strasbourg, qui s'était em-
parée d'une somme de 800 francs apparte-
nant à sa tante, dont elle était domestique.
Le tribunal a condamné la petite bonne à
un mois de prison, avec sursis dans l'ap-
plication de la peine. C'est-à-dire que Mlle
Mathilde Stephany ne fera jamais sa peine
d'un mois de prison si, dans le délai de
cinq ans, elle ne subit aucune autre con-
damnation.
La seconde affaire concernait une femme
de quarante ans, Mme Constance Gaillard,
contre-maitresse chez M. Gàrches, confec-
tionneur, 6, rue d'Aboukir. Cette femme,
qui elle non plus n'avait jamais été con-
damnée, était inculpée de vol de coupons
d'étoffe au préjudice de son patron.
Le tribunal a condamné Mme Constance
Gaillard à quinze jours de prison — mais
avec sursis également dans l'application de
la peine.
Vers la fin de l'audience, un vaga-
bond condamné une quinzaine de fois a,
au contraire, supplié le tribunal de ne pas
surseoir à la peine d'un mois de prison qui
venait de lui être appliquée, tant son souci
d'être abrité pendant trente jours à Nan-
terre était grand.
Les tribunaux vont désormais être as-
saillis de conclusions tendant à l'applica-
tion de la loi du 27 mars 1891. Souhaitons
que, se conformant aux vœux du législa-
teur, ils fassent bénéficier les prévenus
intéressants de ce texte législatif fort hu-
manitaire.
La réforme du casier judiciaire
La. nouvelle loi va rendre jaloux une
nombreuse catégorie de citoyens condam-
nés depuis des années à des peines légères,
privés depuis ce temps de leurs droits po-
litiques et qui pourtant ont amplement ra-
cheté, par une conduite sans reproche, une
faute commise quand ils étaient jeunes.
Ils se demandent, ceux-là, s'il est juste
que le bénéfice d'une loi nouvelle soit ré-
servé uniquement à des condamnés de l'a-
venir, alors que rien n'est accordé aux
condamnés du passé, à ceux qui réunis-
sent toutes les conditions exigées par la loi
d'hier et ont un peu le droit d'espérer que,
comme les condamnés de demain, la fa-
veur d'un oubli légal leur soit attribuée.
Nous leur répondrons que le gouverne-
ment s'occupe en ce moment de leur don-
ner satisfaction, et voici où en sont les
choses. M. Bérenger, auteur de la loi sur
la libération conditionnelle et auteur de la
loi promulguée il y a deux jours, nous a
donné à ce sujet d'intéressants renseigne-
ments :
Chez M. Bérenger
«—Je suis,nous a dit M. Bérenger,partisan
convaincu de toutes les mesures qui peu-
vent permettre à un condamné de repren-
dre sa place dans la société.
A cet effet, en dehors des deux lois que
j'ai eu l'honneur à faire appliquer, j'ai dé-
cidé, vous le savez, le Sénat à réu-
nir une commission parlementaire qui exa-
mine en ce moment les moyens de réformer
complètement les règlemennts suric casier
judiciaire.
Le casier remonte à 1850 ; il a pour « in-
venteur M, si je puis m'exprimer ainsi, M.
Bonneville de Marsangy, conseiller à la cour
d'appel de Paris, qui conseilla de conserver,
au lieu de naissance d'un indi/idu la men-
tion de toutes les condamnations pronon-
cées contre lui, pour éviter, quand cet in-
dividu comparaissait en justice, de faire
une longue enquête sur son passé ou de ne
devoir compter que sur ses aveux.
La mesure était bonne; elle était prise
pour aider les magistrats à éclairer leur
religion ; le public s'en empara pour se ren-
seigner sur la moralité des autres en se fai-
saut aisément délivrer le casier judiciaire
de chacun.
L'abus devint tel qu'en 186A une circulaire
ministérielle décida que si chacun avait le
droit de se faire délivrer son casier judi-
ciaire, on n'avait plus celui de se faire déli-
vrer le casier d'autrui.
Il semblait que cette circulaire dût cou-
per court au mal : il n'en a rien été. Car
l'usage s'est aussitôt établi d'exiger de l'em-
ploye ou de l'ouvrier qui cherche de l'ou-
vrage un extrait de son casier judiciaire.
Les enquêtes individuelles sont ainsi sup-
primées; l'extrait du casier suffit à tout. S'il
est vierge, on est admis ; s'il contient une
condamnation, fût-elle légère, remontât-
elle à vingt années, on est exclu.
Cela n'est pas juste : un homme ne peut
pas traîner éternellement derrière lui le
boulet d'une faute passée; sa peine expirée,
il faut lui donner les moyens de recom-
mencer sa vie. Tout se prescrit, oui ! Un in-
dividu accusé d'un crime capital voit se
prescrire, après dix ans, le droit qu'a la
société de le poursuivre. Pourquoi le ca-
sier judiciaire seul serait-il imprescripti-
ble?
A la commission,dont je fais partie,on est
partisan de supprimer le casier judiciaire
pour certaines condamnations, après sept
ans pour les délits et quinze ans pour les
crimes; je trouve que c'est excessif, et en
ce moment mes collègues et moi nous
sommes divisés par mes propositions oui
sont celles-ci :
La suppression du casier judiciaire aura
lieu après cinq ans pour les délits et dix
ans pour les crimes. Si après une nouvelle
période de cinq ans pour les délits et de
dix ans pour les crimes, un condamné n'a
pas encouru la moindre condamnation, il
sera de plein droit réhabilité et réintégré
par conséquent dans tous ses droits. Donc
un condamné pour un .délit et un con-
damné pour un crime qui se seront bien
conduits pendant dix et vingt ans pourront
reprendre leur place dans la société sans
qu'aucune trace officielle reste de leur
condamnation.
En outre, la loi aurait un effet rétroac-
tif.
La réhabilitation
Le gouvernement, lui, voudrait séparer
la réhabilitation de la réforme du casier
judiciaire et faire prochainement de la ré-
habilitation et des moyens de l'obtenir fa-
cilement une loi spéciale. Cela me semble
impossible. Tout ce qui a pu être fait pour
permettre à un individu de se réhabiliter
aisément est accompli par la loi de 1885.
Antérieurement, on ne pouvait demander
à être réhabilité que dix ans après avoir
subi sa peine; on faisait alors une enquête
municipale sur le solliciteur, et il suffisait
qu'il y eût dans son village ou dans sa ville
une haine provenant de ses opinions poli-
tiques ou de ses relations, pour que sa de-
mande fût rejetée.
Aujourd'hui, c'est au bout de trois ans
qu'on peut demander sa réhabilitation.
L'enquête municipale est abolie; les rensei-
gnements sont demandés au juge de paix
et au procureur de la République, gens le
plus souvent insensibles aux petites inimi-
tiés de clocher.
Il est donc, à mon avis, impossible de
simplifier davantageles moyens de se réha-
biliter.Ce qu'il faudrait supprimer, c'est la
demande de réhabilitation. Tout le monde
devrait, de plein droit, être réhabilité après
s'être bien conduit pendant le temps que je
viens de vous indiquer.
Je ne désespère pas de voir le gouverne-
ment accepter ma manière de voir. En tout
cas,le rapport de la commission de réforme
du casier judiciaire sera termine après les
vacances de Pâques, et une proposition de
loi, dont je serai propablement le rappor-
teur, sera alors soumise au Sénat.
Je la soutiendrai chaudement, car si mes
principes sont qu'il faut être impitoyable
pour les récidivistes, la loi promulguée
hier l'admet; ils disent aussi qu'il faut em-
pêcher, par tous les moyens possibles un
coupable de récidiver en lui ouvrant au
large les rangs de la société,"
Voilà ce que nous a dit M. Bérenger. La
Chambre et le Sénat lui ayant par deux
fois prouvé combien ses vues sur cette
importante question sont justes, les con-
damnés du passé peuvent espérer que M.
Bérenger obtiendra encore une fois gain de
cause pour eux.
DÉPLAISIR ALLEMAND
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULlsa)
Berlin, 28 mars.
Tous les journaux s'occupent de la haute
marque de distinction donnée par le tsar
au président de la République française.
Ils font remarquer, en général, que cet acte
de haute et amicale courtoisie suit de bien
près l'incident auquel donna lieu la visite
de l'impératrice Frédéric à Paris.
LES ESCROCS
DU « PETIT JOURNAL »
UN CLIENT
DE LA MAISON MARINONI-POIDATZ
M. Jean. — L'Agence catholique de la
rue Cujas. — L'honnête Le Brun.
Pas banal du tout, M. Jean Chacornac,
plus connu de ses « clients" sous le nom de
Jean tout court : M. Jean ! appellation fami-
lière et bon enfant.
M. Jean, comme le joyeux Le Brun, se
chargeait de vous procurer des emplois;
mais,légèreinent plus adroit que son collè-
gue de la rue d'Ulm, il n'attend pas que les
grincements de dents de ses victimes vien-
nent appeler sur lui la main pesante du
commissaire de police. Quand il a usé de
sa ficelle jusqu'au bout, il passe la main à
un autre et va modestement s'installer loin
du dernier centre de ses opérations, quitte
à les recommencer un peu plus tard.
Son histoire vaut la peine d'être ra-
contée :
L'agence catholique
Il y a deux ans, s'installait à un qua-
trième étage de la rue Cujas, no 21, M. Jean
Chacornac, directeur de l'Agence catholique
de placement. — Comme les cambrioleurs
ont besoin d'un attirail dont font partie
quelques rossignols et une pince-monsei-
gneur, l'escroc à l'offre d'emploi a dans sa
trousse le Petit Journal, levier puissant qui
fait bâiller les porte-monnaie des braves
gens, comme des huttres dans lesquelles les
escrocs n'ont plus qu'à introduire leurs
doigts.
M. Jean était à peine installé rue Cujas,
que son complice de la rue Lafayette se
mit à fonctionner en insérant ceci :
Demande dame pour écritures. M. Jean, SI,
rue Cujas.
Demande dame secrétaire. M. Jean, SI, rue
U Cujas.
Ou bien encore:
demande secrétaire intime. 6.000 fr. M. Jeau,
U Agence cathol., SI, rue Cujas.
La suite du truc, vous la connaissez,n'est-
ce pas, c'est toujours la même. Les nom-
breuses personnes qui désirent être secré-
taires intimes accourent rue Cujas où,
moyennant 10 francs par mois, on leur
donne à lire un journal appelé le Compila-
teur et dans lequel sont indiqués de rares
emplois jamais vacants.
M. Jean commença par faire ce que Le
Brun fait toujours: couper ses offres d'em-
plois dans les Petites Affiches et dans le
Figaro du mercredi. Mais au bout d'un
an, les affaires marchant très bien, le suave
Chacornac trouva inutile de s'imposer heb-,
domaduirement l'achat du Figaro et des
Petites Affiches-, il inventa ses offres d'em-
plois. C'était plus économique, mais c'était
maladroit; comme l'avare et la pouile- aux
œufs d'or, M. Jean perdit tout en voulant
trop gagner. -
Ses clients, désolés seulement de trouver
la place déjà prise, aux endroits renseignés
dans le Compilateur, du temps où il compi-
lait réellement, se consolaient en disant
qu'ils auraient pu la décrocher; mais quand
on les envoya à des adresses invraisem-
blables, demander sur l'heure de midi à
des gens non prévenus s'ils n'avaient pas
besoin, un coiffeur, d'un gardien de pro-
priété, un fabricant de meubles, d'un garde-
chasse, un employé des pompes funèbres,
d'un secrétaire intime, des hurlements se-
couèrent le bureau de la rue Cujas, et
M. Jean, dans la crainte du commissaire de
police, jugea bon de passer à d'autres
exercices.
L'agence avait bien marché pendant
longtemps, c'était vraiment dommage de
J.a laisser tomber ainsi, sans plus rien
en tirer. C'est alors que M. Jean eut une
idée lumineuse.
Arrivée de Mme Anselme
Parmi les derniers clients de Chacornac
se trouvait une veuve d'un âge mûr, Mme
Anselme, propriétaire de capitaux, et qui
depuis longtemps offrait à M. Jean de les
mettre à la disposition d'une bonne af-
faire.
Un matin il lui dit :
— L'Agence catholique marche très bien,
si bien que ma fortune est faite; je vous
cède le fonds si vous voulez : donnez moi
6,000 francs et vous en devenez la direc-
trice.
Eblouie, Mme Anselme accepta. Deux
jours plus tard, elle trônait sur le fauteuil
de M. Jean. C'est elle, dès le lendemain, qui
reçut la visite des malheureux que son pré-
décesseur envoyait aux quatre coins de
Paris à la recherche d'emplois imaginaires.
Mais Mme Anselme était honnête. A tous
ceux qui venaient lui reprocher de les avoir
abonnés au Compilateur pour ne pas leur
procurer d'emploi, elle fournissait la même
réponse :
— Ah ! c'est une erreur, voici vos dix
francs et excusez-moi !
La brave Mme Anselme désabonna ainsi
du Compilateur tous ceux que M. Jean y
avait abonnés. Mais cette opération, qui ne
répondait plus du tout au but que s'était
proposé en la fondant le directeur de l'A-
gence catholique, ne tarda pas à ruiner de
fond en comble Mme Anselme, dont les
meubles furent vendus à l'hôtel Drouot le
10 mars, à trois heures de l'après-midi, par
autorité de justice.
Ce qu'il y a de plus joyeux dans cette
histoire,c'est que M. Jean, sous prétexte de
mettre Mme Anselme au courant, assistait
au remboursement des abonnements du
Compilateur. Quand un de ses anciens
clients réclamait, il laissait Mme Anselme
se débrouiller avec lui; quand un naïf, au
contraire, faisait une rare apparition, Cha-
cornac écartait son successeur en lui di-
sant :
— Allez-vous-en, une femme intimide le
client, je vais arranger cela.
Et M. Jean arrangeait l'affaire en donnant
rendez-vous au visiteur dans un nouveau
bureau de placement à l'annonce qu'il avait
fondé, au moyen d'un débris de clientèle
restée fidèle, dans le quartier Montpar-
nasse.
M. Jean comme devant
M. Jean va prochainement ouvrir une
agence aussi catholique que la première,
dans un quartier du centre de Paris. L'en-
droit, nous a dit sa femme, n'est pas encore
fixé, mais il paraît que ce sera organisé sur
des bases solides et d'un fonctionnement
qui coûtera cher aux gens sans emploi.
Comme sans lui il n'est point de fêtes
réussies, le Petit Pichpochet (Beware of Petit
Journal) sera naturellement de la partie: il
est à espérer que le commissaire de pohcç;
voudra bien en être aussi. ,
!\ a Ecce iterum. - »
Pour finir, nous recommanderons tout
spécialement la lettre suivante à l'attention
de MM. Marinoni et Poidatz, qui, malgré les
révélations du XIX0 Siècle, continuent à
publier soigneusement chaque jour fan*
nonce de Le Brun.
Avant-hier, cette annonce était ainsi li-
bellée : -'
nem. pr prop. p. Paris ménage p. intér. et bas.-
cour.Bon.cond. réf. sér. S'ad. ou écr.Le Brun.
34, rue d'Ulm.
MM. Marinoni et Poidatz savent que cette
annonce cache une filouterie, mais l'argent
pour eux n'a pas d'odeur.
Paris, le 27 mars 1891.
Monsieur le directeur du XIX- Siècle,
Je suis avec intérêt la campagne que vous
menez contre le Petit Journal et contre ses
amis les escrocs, et je ne saurais trop vous
féliciter de mettre le public en garde contre
leurs agissements.
Je ne me serais certainement pas mêlé per-
sonnellement à cette campagne, si une drôle
d'histoire ne venait me confirmer ce que vous
avez déjà publié sur l'honnête filou Le Brun,
rue d'Ulm.
Le 10 de ce mois (il y a donc dix-sept jours),
j'avais besoin d'un garçon de bureau et,
comme j'étais très pressé, j'.ai fait une inser-
tion dans les « Petites Affiches », et le lende-
main j'avais plus de cent individus de toutes
les classes qui se présentaient pour occuper
l'emploi en question. Mon choix fut vite fait
et j'arrêtais immédiatement un brave homme
qui me présentait de J)ons 'certifica.ts.
Aujourd'hui 27,se présente un individu pour
solliciter l'emploi; vous voyez mon ébaMase-
ment;
— Mais où avez-vous vu que je deman-
dais quelqu'un?
— Mais, monsieur, on m'a prié de ne pas.
vous le dire.
- Eh bien ! je regrette, mais la place est
prise depuis longtemps.
- Ah 1 monsieur.
- Mais qui vous envoie?
- M. Le Brun, rue d'Ulm.
Je ris naturellement, mais je plains ce brava
homme et lui dis à qui il avait eu affaire.
Il a donc payé 10 francs le 33 février, il n'est
pas encore placé, et pour le disposer à re-
nouveler son abonnement, M. Le Brun le con-
sole en me l'envoyant et en lui disant que la
place est sûre et qu'elle n'a pas encore été
demandée par publicité.
Quelle canaille!
Faites de cela ce que bon vous sémblera. et
agréez mes sincères salulations,
Un de vos lecteurs assidus.
(La suite à demain.}
GRÈVES DANS LE TARN
- Albi, 98 mars.
On télégraphie de Carmeaux, inrportant
centre ouvrier du département d.u Tarn
que la situation devient assez evitique a
cause des grèves qui se succèdent avec fré<
quence.
*
": Après la grève des maçons et tailleurs de
pierres, qui dure depuis plusieurs semaines
déjà, il y a eu la grève des ouvriers menui-
siers et charpentiers; mais ceux-ci ont re-
pris en partie le travail, à ht suite de l'ac-
ceptation par quelques patrons de leurs
réclamations.
Mais voici qu'on signale comme immi-
nente la grève d'autres groupes ouvriers
qui revendiquent une réduction des heures
de travail avec maintien des prix du salaire
actuel.
CHRONIQUE
On a beau n'être plus croyant, on
garde volontiers je ne sais quel fond
d'attendrissement pour la divine légende,.
en cette date de Pâques qui symbolise,—.
ce n'est, hélas ! qu'un symbole ! — la fin
des épreuves, le rajeunissement des âmes,
un recommencement moins âpre de la
vie. Il faudra longtemps encore pour que -
s'en aille tout à fait cette superstition des
dates, et, après tout, on pourrait regret-
ter que nous ne l'eussions pas, et cette
vague illusion qu'elle nous apporte.Cette
année surtout, après cet horrible hiver
qui a causé tant de misères et tant de
deuils, il ne saurait nous déplaire d'ima-
giner que nous allons entrer dans une
période plus clémente.
Toutes les coutumes traditionnelles ont
disparu qui accompagnaient jadis cette
fête de Pâques ; elles se sont fondues en
un usage galant qui consiste à renouve-
ler les envois du Jour de l'An sous une
forme raffinée. C'est ainsi que l'élément
religieux s'est trouvé peu à peu absorbé
par l'élément profane.
Existent-ils encore, dans quelques cam-
pagnes reculées, ces usages qui avaient
leur grâce poétique, — ces groupes qui
se rendaient à la porte des maisons d'un
village, en chantant de vieilles chansons
consacrées, d'une naïveté touchante :
Pour l'amour d3 notre Sauveur,
Donnez quelque chose aux chanteurs j
Un jour viendra Dieu le reudra.
Alléluia I
Et les processions de quêteurs, qui ré-
clamaient en cette solennité de Pâques
leur droit de prendre part à l'universelle
joie, en demandant la part des pauvres?
Il était de règle, dans les pays normands,
jadis, de leur faire attendre plaisamment
le don, jusqu'à ce qu'ils eussent trouvé
de bonnes raisons, formulées dans un
couplet ingénu, pour le justifier. Et un
dialogue, rythmé sur un air légendaire,
s'engageait avec eux :
— Pauvres chanteurs trop tôt venus,
Les poules n'ont pas encore pondu :
Dans leurs nids n'y a que des fétus,
disait-on de la maison, où on était censé
refuser l'aumône. Mais,du dehors, les qué-
mandeurs reprenaient :
— Regardez dedans le buffet
S'il n'y a point de vieux sous marqués.
Les plus neufs sont les meilleurs.
Je crains que nos paysans d'aujourd'hui
ne soient trop positifs pour s'attarder
encore à ces aimables et jolies coutumes
d'antan. On risque d'éprouver quelques
désillusions quand on cherche, à présent,
de la poésie aux champs.
Pour Paris, c'est l'ouverture de la foire
au pain d'épice qui marque le jour de
Pâques. et on peut constater une fois de
plus l'espèce d'embourgeoisement de la
race des saltimbanques. Un mot déjà
tombé en désuétude, du reste! Les « di-
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