Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1891-02-15
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32757974m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 15 février 1891 15 février 1891
Description : 1891/02/15 (A21,N6971). 1891/02/15 (A21,N6971).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75656924
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2013
Vingt-et-unième année. — N° 6,971
CINQ Centimes — Paris et Départements - CINQ Centimes
DIMANCHE 15 FÉVRIER 1891
T F VÏY~ CTTfT TP
JOURNAL RÉPUBLICAIN
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PARIS
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AUJOURD'HUI
Le XIX- SIÈCLE
Commence la publication d'un grand
roman-feuilleton
COMME DANS LA VIE
PAR ALBERT DELPIT
Vois t militarisme
Toutes les personnes qui connais-
sent bien nos colonies sont d'avis que
l'une des réformes les plus utiles qu'on
puisse apporter dans leur organisa-
tion est celle qui les doterait d'une
armée coloniale tout à fait distincte
des troupes métropolitaines. Il fau-
drait, surtout dans les établissements
qui se prêtent à l'agriculture, comme
PIndo-Chine, la A Guyane, certaines
portions de la cote crAmque, mais
où les colons volontaires sont peu dis-
posés à se porter, que les troupes
chargées de la défense fussent aussi
des éléments de colonisation.
Des soldats recrutés par l'engage-
ment volontaire, jouissant d'une solde
avantageuse, d'une retraite élevée,
surtout s'ils la prenaient dans la co-
lonie même, et auxquels on concéde-
rait des terres, constitueraient une
souche puissante de colonisation. J'en
ai moi-même constaté des exemples
remarquables dans une colonie hol-
landaise. J'ai trouvé à Batavia des
Français qui s'étaient engagés dans
les troupes coloniales néerlandaises
et qui, après avoir fait un certain
nombre d'années de service à Java,
s'y sont mariés, livrés au commerce
ou à l'industrie et fixés d'une manière
probablement définitive.
Le même fait se produirait certai-
nement avec plus de facilité encore
dans les colonies françaises, si les
mêmes avantages y étaient accordés
aux soldats coloniaux de la France.
C'est, malheureusement, une idée
toute différente qui paraît devoir pré-
sider à l'organisation de l'armée colo-
niale que nous prépare la commis-
sion technique nommée par les mi-
nistres de la guerre et de la marine
pour étudier cette grave question.
Les membres de cette commission
paraissent n'avoir en tête qu'une
préoccupation : faire passer les trou-
pes de la marine à la guerre, ce dont
je ne saurais les blâmer, et, ensuite,
donner à la guerre l'autorité prépon-
dérante dans nos colonies, ce qui me
paraît absolument contraire aux in-
térêts de nos établissements d'outre-
mer.
Pour atteindre ce dernier résultat,
la commission a déjà pris, d'après les
nouvelles qui circulent, trois décisions
capitales. En premier lieu, elle main-
tient le recrutement d'une partie des
troupes coloniales parmi les soldats
de l'armée métropolitaine,qui fourni-
rait, en outre, tous les officiers et
sous-officiers.
En second lieu, elle place tous les
officiers du commissariat colonial
sous les ordres des chefs militaires et,
par conséquent, du ministre de la
guerre.
En troisième lieu, elle soustrait les
commandants militaires des colonies
à l'autorité des gouverneurs, sous le
prétexte que, d'après la loi du 25 juil-
let 1889 sur le recrutement, « tout
corps organisé, quand il est sous les
armes, est soumis aux lois militaires,
fait partie de l'armée et relève soit du
ministre de la guerre, soit du minis-
tre de la marine. »
La commission ayant déjà mis tou-
tes les troupes coloniales et les offi-
ciers d'administration sous les ordres
du ministre de la guerre, elle en con-
clut que les commandants militaires
des colonies doivent également être
placés sous l'autorité directe du même
ministre et rendus indépendants des
gouverneurs.
Si ces décisions prenaient force de
loi, tous les efforts faits depuis dix
ans pour soustraire les colonies à
l'autorité prépondérante de la marine
n'auraient servi qu'à les faire passer
sous celle du ministère de la guerre,
dans des conditions beaucoup plus
fâcheuses encore que celles où elles
se trouvaient quand elles avaient des
amiraux pour gouverneurs.
A cette époque, il y avait au moins
unité dans le gouvernement et dans
le commandement, puisque le même
homme réunissait les pouvoirs admi-
nistratifs et militaires. Ce que le mi-
litarisme de l'organisation pouvait
avoir de fâcheux était ainsi corrigé
par l'unité de la direction, dont cer-
tains amiraux surent faire profiter à
un haut degré nos colonies. On n'ou-
bliera jamais en Cochinchine le nom
de l'amiral de La Grandière qui sut.
créer, organiser et outiller à si peu
de frais notre colonie naissante.
Avec le régime qui nous est pro-
posé, rien de semblable ne pourrait
être espéré. La juxtaposition de, deux
autorités rivales., déoeMtati de deux
: ministres différents, ne produirait,
cela est certain, que des conflits stéri-
les d'attributions.
Pour les faire cesser, il faudrait né-
cessairement, tôt ou tard, — on a dû
prévoir cela dans la commission
technique, — placer l'un de ces pou-
voirs sous les ordres de l'autre. Or, à
l'heure actuelle, c'est l'autorité mili-
taire qui est subordonnée à l'autorité
civile. Est-ce au renversement des rô-
les qu'on veut aboutir? Veut-on sou-
mettre nos colonies au militarisme de
la guerre pour les punir d'avoir
échappé à celui beaucoup plus doux
de la marine? Il me paraît indispen-
sable que la commission nous fixe sur
ses intentions, afin que nous puis-
sions aviser tant qu'il en est encore
temps.
J.-L. de Lanessan.
LE TONKIN FINANCIER
DDE Émission DE 10 IIIILLIOIS
AVEC LE PATROIAGE DE L'ADILLINISTRATION
Une question à M. Etienne. — De plus
fort en plus fort. — 200 0/0
de revenu.
Ils vont bien, nos financiers !
Un nommé Edgard Circaud, banquier,
qui a succédé à Mary-Raynaud comme fer-
mier du bulletin financier du journal mo-
narchiste le Gaulois, inonde en ce moment
Paris, la banlieue et les départements de
volumineux prospectus pour l'émission
d'une société nouvelle au capital de 10 mil-
lions de francs, à laquelle il a donné ce ti-
tre pompeux : Société française coloniale
indo-chinoise.
Le prospectus est accompagné d'une no-
tice qui a pour titre : Le Tonkin financier,
et qui débute ainsi :
Le Tonkin existe officiellement. Plus d'éva-
cuation à craindre, toute incertitude cesse. La
Chambre, en adoptant, en décembre dernier,
l'ensemble des crédits pour le Tonkin, a con-
sacré définitivement notre conquête. En pré-
sence de cet événement, dont les conséquen-
ces n'échapperont à personne, le moment psy-
chologique est venu de mettre en valeur ce
pays.
Et pour cela on demande au public 10
millions, dont on se garde bien de déter-
miner l'emploi futur ou même possible, et
dont on ne rendra jamais compte à per-
sonne.
Après s'être ainsi placé sous le patronage
de la Chambre, l'auteur de la notice, M. Cir-
caud, ajoute en lettres italiques :
L'administration réserve, il nous en a été
donné l'assurance, d'ores et déjà tout son ap-
pui à notre tentative et favorisera par tous
les moyeus dont elle dispose les efforts et la
marche au succès de notre société.
C'est dans ces con litions que nous faisons
appel dès la première heure à une œuvre à la
fois sûrement rémunératrice et éminemment
nationale.
M. le sous-secrétaire d'Etat aux colonies
a-t-il vraiment promis son appui à M. Cir-
caud pour son entreprise, dont le seul but
visible est de prendre 10 millions au pu-
blic?
S'est-il engagé à favoriser par tous les
moyens dont il dispose les efforts de M. Cir-
caud ?
Plusieurs de nos lecteurs nous posent
cette question, et nous la renvoyons à M.
Etienne.
Nous ajouterons, pour l'édification du
public, que le nommé Circaud ne promet
pas 30 0/0 comme Mary-Raynaud, 50 0/0 com-
me la Caisse syndicale de l'Union, 120 0/0
comme Macé : il promet jusqu'à 200 0/0 !
Et pour les offrir, il se sert à peu près
des mêmes termes que Macé.
L'administration laissera-t-elle dire qu'elle
« réserve tout son appui » à de pareilles
tentatives et qu'elle « favorisera par tous
les moyens dont elle dispose les efforts
de ces flibustiers?
Le silence friserait la complicité.
Si le parquet n'agit pas, nous aimons à
croire que M. Etienne au moins ne se taira
pas.
ARRESTATION
D'UN BANQUIER PRUSSIEN
Un banquier d'origine prussienne, ins-
tallé aux environs de la Bourse, a été arrêté
hier soir par M. Touny, commissaire de
police, et envoyé au Dépôt.
Ce personnage était à la tête d'une mai-
son fonctionnant sur le modèle de celle de
Macé. Quelques-uns de ses clients, alarmés
par différents krachs récents, ont demandé
le retrait de leurs fonds. Le banquier n'avait
rien en caisse. Il a été arrêté sur leurs
plaintes.
--
LE COMPAGNON GEGOUT
Lô compagnon Gegout, détenu à Sainte-
Pélagie, où il purge une condamnation pour
délit politique, est en ce moment assez gra-
vement malade.
Il sera transféré aujourd'hui même à la
maison Dubois.
Depuis huit mois qu'il est prisonnier,
l'administration des prisons refuse à Ge-
gout l'autorisation de passer une journée
avec sa femme.
La privation de cette distraction a, paraît-
il, eu une influence très grave sur la santé
du prisonnier.
-
INCIDENT SUR LA FRONTIÈRE BELGE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Longwy, 13 février.
Quelques soldats du 151e de ligne, en ex-
cursion à Halanzé, petit village belge situé
sur la frontière, se sont pris de querelle
pour un motif futile avec quelques jeunes
gens qui dansaient.
Une rixe éclata, au cours de laquelle un
soldat français fut désarmé par les dan-
seurs. La mêlée ne tarda pas à devenir gé-
nérale.
Les militaires dégainèrent et frappèrent
leurs adversaires dont plusieurs furent
grièvement blessés.
L'un d'eux eut le ventre ouvert d'un
coup ùè baïonnette.
un officier supérieur s'est rendu immé-
diatement sur les lieux pour faire un rap-
port.
Le parquet belge, de son côté) i QUVert
.uae iastructiQûiudiçiaire»
LE PRIVILÈGE
DE LA BANQUE DE FRANCE
L'OPINION DE M. YVES GUYOT
Notre enquête. — Ce que rapportent à la
Banque les malheurs publics.—Dan-
gers du monopole. — Un débat
qui promet d'être intéressant.
Nous avons publié l'autre jour l'opinion
d'un éminent économiste, M. de Molinari,
sur le privilège de la Banque de France,
opinion diamétralement opposée à celle
que professe aujourd'hui, comme président
de la commission du renouvellement du
privilège, un autre économiste également
éminent, mais peut-être plus changeant et
à coup sûr moins indépendant, M. Léon
Say.
Notons par parenthèse qu'entre l'opinion
de son directeur ou inspirateur M. Léon
Say, et l'opinion de son collaborateur M. de
Molinari, le Journal des Débats ne se pro-
nonce pas.
Il garde de Conrart le silence prudent.
Quoi qu'il en soit, continuant notre en-
quête,nous avons voulu savoir ce que pen-
sait du privilège de la Banque de France un
autre économiste dont nous avons cité le
nom l'autre jour et dont l'opinion était
d'autant plus intéressante à connaitre qu'il
est actuellement membre du gouverne-
ment.
Nous avons donc interrogéM.Yves Guyot,
qui nous a répondu avec autant de netteté
que de compétence.
M. Yves Guyot estime que le crédit est
analogue au transport. « Celui-ci, dit-il, a
pour but de supprimer l'espace, celui-là a
pour but d'empiéter sur le temps.,, M. Yves
Guyot est ennemi déclaré du monopole,
aussi bien en matière de transport qu'en
matière de crédit.
La conception de Bonaparte
Pour expliquer le monopole de la Ban-
que de France, il faut se rappeler à quelle
époque et dans quelles conditions elle a été
créée.
«—En France, dit M.Yves Guyot, la loi de
1791 proclama la liberté du travail et du
commerce intérieur. Plusieurs banques se
fondèrent ; malgré l'épouvantable cataclys-
me des assignats, elles surent inspirer con-
fiance, le crédit s'établit, elles fonctionnè-
rent avec un succès qui fut leur perte.
» Ce succès tenta le gouvernement. Bo-
naparte voulait conduire les affaires com-
me un bataillon. « Il faut que la Banque
escompte toujours les effets du commerce
à h 0/0 », écrivait-il au comte Mollien.
» Pour lui, une banque n'était qu'une
fonction du gouvernement, une machine à
crédit. Son capital de fondation n'était que
le privilège de battre monnaie.
» Ce furent ces doctrines qui inspirèrent
la loi du 2/» germinal an XII à laquelle la
Banque de France doit sa fondation. »
Depuis, l'organisation de la Banque a subi
quelques modifications : d'abord en 18A3,
époque à laquelle son privilège fut renou-
velé jusqu'en 1867, puis en 1852, par un dé-
cret qui lui conféra de nouveaux avan-
tages.
Deux questions sur lesquelles il était in-
téressant de connaître l'opinion de M. Yves
Guyot ont été soulevées dans les bureaux,
lors de l'élection de la commission : la ques-
tion du nombre des signatures et celle de
la durée des échéances. Voici sa réponse :
« — Dans une transaction ordinaire, il n'y
a que deux signatures : l'acheteur et le ven-
deur. Or, la Banque exige trois signatures.
Les deux contractants réels doivent donc
acheter et payer la troisième. Il est vrai
qu'un décret de 1868 a facilité l'escompte à
deux signatures, en autorisant la Banque à
accepter, en dépôt de garantie, comme
équivalent à la troisième signature, non
seulement ses propres actions ou des titres
de rentes sur l'Etat, mais toutes les valeurs
sur lesquelles elle fait des avances.
» Elle a la faculté de réduire la durée des
échéances. C'est un droit absolument révo-
lutionnaire. Enfin, jugeant en souverain,
sans appel, elle peut refuser le papier
d'une maison sans autre motif qu'un ca-
price, qu'une rancune, une inimitié poli-
tique. Elle n'abuse pas de ce pouvoir exor-
bitant, dit-on; soit. Mais cela prouve que
les hommes qui dirigent la Banque sont
meilleurs que son organisation, et cepen-
dant, combien n'y aurait-il pas à dire sur
son conseil de régence ! »
Les services rendus par la Banque
A ceux qui prétendent que la Banque a
rendu à l'Etat de grands services dans les
circonstances difficiles, M. Yves Guyot ré-
pond non sans énergie ;
« — Ne pas trouver que tout est parfait
maintenant dans la Banque de France, c'est
bien audacieux. On invoquera, pour nous
confondre, les immenses services qu'elle a
rendus pendant la guerre et les 1,A85 mil-
lions qu'elle a prêtés au gouvernement;
mais si la Banque de France n'avait pas
existé, la richesse de la France eût-elle été
moins grande? Non, au contraire, le gou-
vernement eût trouvé cette somme ailleurs,
voilà tout.
» La Banque a plus gagné que nous à
cette opération, soyons-en certains. Car
voici le propre de cet établissement moitié
public, moitié privé : les temps de crise et
les temps de désastres pour le pays sont les
temps heureux pour lui. Un coup d'œil sur
les dividendes de ses actionnaires prouve
cette vérité.
» En 18.46, les actionnaires de la Banque
ont touché un dividende de 159 fr., le plus
élevé qu'ils eussent jamais touché; en 18.47,
de 177 fr.
» Le dividende de 1869 était de 107 fr. ;
la guerre survient : le dividende de 1870 est
de 11A fr.; les malheurs s'accumulent: le
dividende de 1871 est de 300 fr.; le divi-
dende de 1872 de 320 fr.
» La France redevient prospère : en
1878 il n'est plus que de 95 fr.; en 1879 de
110 fr.
» M. Thiers disait, en juin 1871, que « la
» Banque de France, en servant l'intérêt
» de l'Etat, s'était couverte d'honneur ».
On voit qu'en même temps elle n'avait
point desservi les intérêts de ses action-
naires. »
L'encaisse est une fiction
La formidable encaisse de la Banque do
France n'inspire d'ailleurs à M, Yves Guyot
qu'une confiance très limitée :
«—En réalité, dit-il, la Banque de France
n'a pas de capital, car le capital qu'elle
possède est iniïûobilisé ou engagé dans les
fonds de .l'Etat. Elle n'a pour faire face à ses
engagements que des dépôts métalliques,
flUi oeuvçjftt être retirés dujou au, lende-
main. Cette encaisse qui paraît si considé-
rable peut s'écouler immédiatement.
» Cette réserve est donc fictive. »
Système monarchique
D'après M. Yves Guyot, il suffit d'étudier
rapidement la situation de la Banque d'An-
gleterre et de la Banque de France pour se
convaincre que tout le système de crédit
de chacun de ces deux pays et par consé-
quent tout leur système industriel et com-
mercial reposent sur une anomalie.
« — C'est, déclare M. Yves Guyot, le sys-
tème monarchique du crédit.
» Le gouvernement,en vertu de je ne sais
quelle fiction, a voulu s'attribuer un droit
régalien sur le commerce du papier ; il
c'fti mfilfl fit. v nuit ? r-ar. en ronrpntrnnt
toutes les responsabilités sur un seul éta-
blissement, en faisant de cet établissement
la réserve unique des métaux dans un pays,
en inspirant cette foi erronée que cet éta-
blissement ne pourra jamais succomber à
un cataclysme si formidable qu'il puisse
être, il prépare, très soigneusement, les
crises et les débâcles qu'il veut précisé-
ment prévenir.
» En mêlant les finances publiques aux
finances particulières, au lieu de les isoler,
il complique encore la situation et aggrave
le péril.
» Les financiers d'Etat, qui rarement sont
des économistes, n'ont pas voulu, ne veu-
lent pas admettre ce fait : que le billet de
banque n'est qu'un billet ordinaire, qu'une
obligation commerciale contractée dans un
esprit de commerce, dans un but de com-
merce. Il ne remplace pas l'argent, mais le
papier commercial. Le billet de banque re-
présente l'endos de la Banque sur le billet
émis. Seulement, à partir de ce moment,
comme la signature de la Banque est bon-
ne et connue de tous, le billet circule au
porteur, et avec cet engagement bien pré-
cis qu'à présentation il sera remboursé en
numéraire.
» Or, comme nous venons de le voir,
cette dernière obligation manque de sanc-
tion sérieuse pour les Banques d'Angleterre
et de France.
» Cependant, elles peuvent vivre, elles
subsistent, et elles ne manquent à leurs en-
gagements que tous les dix ou vingt ans, ce
qui serait énorme pour un particulier,
mais ce qui est peu de chose pour un éta-
blissement dépendant de l'Etat.
» Elles ont donc une solidité relative;
mais d'où vient cette solidité? Non pas de
leur capital, non pas de leur numéraire :
elle vient du portefeuille, elle vient de tout
le monde.
» Par conséquent, ce n'est point la Ban-
que qui sert de soutien au public, comme
on le croit trop généralement : c'est le pu-
blic qui sert d'appui à la Banque, et quand
la Banque est perdue, c'est lui qui la sauve.
De même l'histoire politique nous montre
que lorsqu'un roi a perdu un peuple, c'est
le peuple qui se sauve tout seul.
La liberté des banques
» Ceci dit, continue M. Yves Guyot, où
trouver un argument contre la liberté des
banques ?
» Un banquier, un escompteur, si vous
voulez, juge à propos d'émettre des billets
à vue et au porteur.
» Quel risque y a-t-il? Les billets sont à
vue, il est donc toujours tenu de les rem-
bourser contre espèces.
» S'il ne le fait pas, il n'a qu'à fermer sa
banque ; mais on admettra bien que la ma-
jorité des banques ne sont pas ouvertes
aujourd'hui pour être fermées le lende-
main.
» Les admirateurs des monopoles vantent
toujours ce que font ces monopoles ; ils
n'oublient qu'un point, c'est ce que ces mo-
nopoles empêchent de faire.
» Si, au moyen d'une encaisse de 25,000 f.,
le banquier peut élever ses émissions à
100,000 fr., il obtient du public 75,000 fr.
dont il ne paye aucun intérêt, tandis qu'il
les place à intérêt, à 5 pour cent par exem-
ple, en escomptant à ce taux des effets de
commerce. Son intérêt est de tenir en cir-
culation le plus de billets qu'il peut, et cet
intérêt se répercutant de banque en ban-
que, il en résulte une extension de crédit
de beaucoup supérieure à celle que peut
donner un monopole.
» Le monopole est tellement contraire à
la nature des choses, que, malgré toute la
protection dont elle jouit, les affaires ont
une tendance à s'éloigner de la Banque de
France et à se reporter vers les grandes so-
ciétés financières, qui accumulent des dé-
pôts dans leurs caisses et prennent le papier
de commerce au-dessous du taux de son
escompte. »
Que conclure?
Veut-on maintenant connaitre la conclu-
sion de M. Yves Guyot? Il la formule
ainsi :
La Banque d'Angleterre et la Banque de
France font reposer l'organisation du crédit
de chacun de ces deux pays sur une dange-
reuse fiction.
Le monopole actuel doit faire place à la
liberté des banques d'émission.
Telles sont les réponses de M. Yves
Guyot.
Si, comme il est permis de s'y attendre,
le ministre des travaux publics apporte à
la tribune de la Chambre les déclarations
qui précèdent et que nous avons textuelle-
ment reproduites, on peut prévoir que le
renouvellement du privilège de la Banque
de France donnera lieu à un débat d'un vif
intérêt.
NOMINATION
D'UNE SOUS-COMMISSION
La commission du privilège de la Banque de
France a nommé hier une sous-commission
composée de MM. Léon Say, Burdeau, Poin-
carré et Le Cour.
Cette sous-commission est chargée de re-
cueillir tous les avis que les chambres de
commerce et les chambres syndicales enver-
ront à la commission avant le 1er mars.
Avant de procéder à la discussion générale
du projet du gouvernement, la commission
examinera la question des trésoreries et celle
du partage des bénéfices.
UN KRACH A BERCY
Huit millions dé déficit. — Le commerce
des v ins.
Un malheur n'arrive jamais seul, dit com-
munément la sagesse des nations.
11 en est des poufs financiers absolument
comme des malheurs. Volontiers, ils se
produisent simultanément.
L'autre jour, c'était le banquier véreux
Ma<:y-Raynaud qui brûlait la politesse à sa
clientèle; hier, on apprenait que l'un de
ses émules, d'allures plus modestes mis
aussi de pluggrçlud DDétit. aband~nn~t à
ses créanciers une caisse dévastée, et au-
jourd'hui, c'est un faiseur du marché de
Bercy qui opère à son tour une culbute re-
tentissante.
On parle, en effet, de 7 ou 8 millions de
déficit 1
Mais voici l'affaire :
Un des plus gros négociants en vins de
l'entrepôt, ex-sportsman dont les couleurs
se sont montrées plusieurs fois sur les hip-
podromes parisiens, vient d'être déclaré
d'office en faillite, sur un rapport du par-
quet rendu à la suite d'une plainte adressée
au procureur général par le chef de la
maison Ducruix, l'une des plus impor-
tantes de Bercy.
Ancien failli non réhabilité, L., le négo-
ciant dont les opérations viennent d'être si
malencontreusement interrompues, s'était
établi à nouveau, sous le nom de sa femme
et, on ne sait trop comment, il était par-
venu à se faire ouvrir des crédits énormes
chez les principaux représentants et com-
missionnaires en vins de la place.
Il avait compte courant chez un grand
banquier, et sa situation semblait solide.
Ses opérations portaient spécialement sur
des marchés de vins d'Espagne.
De plus, en dehors de son commerce,
L. était encore engagé tra los montes en
une série de grosses affaires, notamment
dans une entreprise d'adduction d'eau qui
promet du reste, paraît-il, des bénéfices
importants.
Malheureusement pour lui, L. est un
viveur aimant le jeu et menant la vie à
outrance, si bien qu'entre ses mains des
sommes considérables ont été dissipées, et
qu'aujourd'hui sa caisse est à peu près
vide, et que le syndic de sa faillite se
trouve en présence d'une banqueroute frau-
duleuse.
Quelques chiffres, du reste, établissent
quelle confiance le négociant en question
avait su inspirer. La maison de banque
Gaytte et Duluard, avec laquelle il était en
rapport, perd à elle seule, de son chef, an-
nonce-t-on, environ neuf cent mille francs ;
la maison Caucurte, de Bercy, l'une des
plus importantes pour le commerce des
vins, est atteinte pour cinq cent mille
francs; de même, Mme E. Ducruix, l'au-
teur de la plainte qui a amené la déconfi-
ture de L., perd plus de cent mille francs,
et, enfin, l'on compte encore bon nombre
de créances variant de cinquante à qua-
tre-vingt mille francs.
Au surplus, le montant exact du passif
n'est point encore connu complètement, et
il ne pourra l'être avant plusieurs jours
d'ici.
LES FAILLITES EN ITALIE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULlBB)
Turin, 13 février.- La Banque ouvrière d'A-
lexandrie vient de suspendre ses paiements.
Son passif est de 27.4,000 fr.
Dans la première semaine de février il y a
eu, dans le Piémont, environ 150 faillites avec
un passif assez élevé, et beaucoup de moins
importantes.
AU CONSEIL MUNICIPAL
Le nouveau président. — Le Métropo-
litain. — Le gaz.
Le conseil municipal va reprendre sa
session le 23 février.
On commence à s'occuper, à l'Hôtel de
Ville, du nouveau président; les deux can-
didats qui paraissent devoir entrer en ligne
sont MM. Levraud et Sauton.
Cette prochaine session sera d'ailleurs
assez chargée, en raison des discussions re-
latives au gaz et au Métropolitain.
Nous croyons même que le ministre des
travaux publics a l'intention de solliciter
dû conseil municipal l'avis que celui-ci ne
lui a pas encore donné sur le projet de
chemin de fer métropolitain.
50 0/0 DE REVENU
Nouvelles protestations
Nous nous étonnions hier de ne pas avoir
reçu de protestation de M. G. Lenoir, au
svuet de l'usage que la Caisse syndicale de
V union avait cru devoir faire de son nom.
Cette protestation attendue nous est par-
venue aujourd'hui. On reconnaîtra qu'elle
est catégorique et ne laisse rien à désirer.
La voici :
13 février 1891.
Monsieur le Directeur,
Je vous serai très reconnaissant de-vouloir
bien insérer dans votre journal les quelques
lignes suivantes :
Je proteste énergiquement contre le procédé
du directeur de la Caisse syndicale de l'Union,
59, faubourg Montmartre, qui s'est permis de
se servir de mon nom comme référence, pro-
cédé d'autant plus déloyal que je n'ai jamais
fait d'opérations financières avec cette mai-
son.
Comptant sur votre loyauté pour insérer
cette rectification dans votre prochain nu-
méro, je vous prie d'agréer à l'avance, mon-
sieur le directeur, tous mes remercîments.
G. LENOIR,
Rédacteur au ministère de la
justice, 1, rue Puteaux.
Le brave colonel Ellie a fini, d'autre
part, par s'émouvoir. Il a senti que sa qua-
lité de gendarme le mettait dans une situa-
tion particulièrement fausse, et il s'est dé-
cidé à nous écrire la lettre suivante :
Paris, ce 13 février 1891.
Au Directeur du XIX" Siècle.
Monsieur le Directeur,
Je lis dans votre journal d'hier l'article où il
est question de moi et que je ne connaissais
qu'imparfaitement.
Vous me demandez une protestation, la
voici :
Je connais M. Deligny depuis des années et
je l'ai toujours considéré comme un galant
et honnête homme ; mais en l'autorisant à se
servir « accidentellement » de mon nom, je
n'ai voulu en aucune façon patronner ni re-
commander une entreprise financière dont je
ne connais ni ne veux connaître les opéra-
tions.
Je regrette donc l'abus qu'on en a fait, et si
j'avais pu supposer qu'on dût s'en servir de
semblable manière, je n'aurais donné aucune
autorisation.
Je compte, monsieur le Directeur, sur votre
loyauté pour insérer cette protestation dans
votre plus prochain numéro, et vous prie
d'agréer l'expression de mes sentiments dis-
tingués.
ELLIE,
Colonel en retraite.
Nous ne voulons pour aujourd'hui faire
suivre cette lettre d'aucuns commentaires.
Nous nous bornerons à constater que le co-
lonel Ellie, lui-même, qui considère le di-
recteur de la « Caisse syndicale de l'Union..
comme un honnête homme, se défend com-
me d'un crime d'avoir patronné Une entre-
prise financière de cettQ nature. Mieux
vaut tard que jamais.
L'entreprise est inavouable. et tout la
monde 1» dç&âYQUç»
CHRONIQUE
C'est Vauvenargues qui a dit ce joli
mot : « Les premiers feux du soleil 1
vant ne sont pas plus doux et plus briti
lànts que les premiers rayons de la gloire
qui se lève ». Cette phrase me remontaif
justement aujourd'hui à la mémoire
comme j'écoutais, au Théâtre-d'Applica
tion, chez Bodinier, la conférence que?
faisait notre confrère - Hugues Le Rou
sur « 1 ingénuité fin de siècle », servan
d'introducteur aux chansons de MIler
Yvette Guilbert.
C'était la seconde fois que M. Huguei
Le Roux faisait cette conférence.Quel sue-*
ces ! quelle foule ! Ce n'est pas assez dirtf
que le public emplissait la salle : il re.
fluait dans le salon d'à côté, et je n'ai pii
trouver de place que sur la scène, o*
s'étaient rangés autour du conférencietf
et de la chanteuse tous les amis de la'
maison.
Je connaissais M.Hugues Le Roux commof
causeur, je savais comme il avait
causeur, je savais comme il avait l'élocu
tion facile et brillante ; je ne l'avais jaw
mais entendu parler sur la chaire du
conférencier. L'épreuve pour lui était
très difficile ; car il ne s'agissait pas sim
plement de faire montre,pour son compte,
d'esprit et d'éloquence, ce qui n'est déjà
pas si commode. Il lui fallait arrange.
son discours de telle façon qu'à de cer-
taines pauses Mlle Yvette Guilbert pût
entrer en scène, chanter deux ou trois
de ses chansons, se retirer, jusqu'à ce
que le moment vînt pour elle de repa-
raître.
Je sais le métier de conférencier ; je la
sais à fond, je le sais dans les coins;
comme on dit à Paris. Je vous jure que
je ne me chargerais pas sans appréhen
sion d'une sembable besogne. Il fautii
pour hasarder ces tours de force, êtrCJ,
bien sûr de sa parole et de son public. <
M. Hugues Le Roux possède une figurd
très agréable et surtout très attirant,!
très captivante. C'est un ensorceleur. là
voix est chez lui d'un charme inexpri-
mable ; elle a des notes d'une mélancoJiai
et d'une suavité pénétrantes. Elle expr
merait, je crois, moins aisément la con
viction forte ou la raillerie imperti-j
nente ; il y a du slave dans le timbre de
son organe et même dans sa façon de
parler. 'f
Pour Mlle Yvette, tout Paris la connai:
à cette heure. Fouquier en a tracé idÉfl
même un cray outrés ressemblant, d'un j
amusante vivacité. L'un parlant, l'autre
chantant, la fête avait de quoi plaire auiz
Parisiens, et la foule était accourue an
Théâtre-d'Application comme elle fait
tous les soirs aux cafés-concerts.
Le conférencier, qui est un malin da
première classe,ne nous a pas, à vrai dire,
parlé de l'ingénuité fin de siècle, que
nous avait promise son programme; il
nous a parlé du génre d'ingénuité parti-
culière avec laquelle Mlle Yvette Guilbert
interprète les chansons qu'on lui confie :
les chansons sont fin de siècle, )'ingénui.
té est fin de siècle, la conférence est fini
de siècle, tout va ensemble. Et, entre
nous, Hugues Le Roux a bien raison :
il se serait fendu en quatre pour défi-
nir l'ingénuité, pour caractériser la phy-
sionomie nouvelle qu'elle avait prise en
ces dernières années, il eût fait son petit
Caro, que trois ou quatre personnesr
peut-être, lui eussent su gré de la nou-f
veauté de ses aperçus.
Il a conté très gentiment comme il
avait connu Mlle Yvette, quel effet ella
avait produit sur lui, comment elle lui
avait donné l'idée de telle ou telle form<î
d'une ingénuité plus ou moins perverse.
— Allons ! mademoiselle Yvette, mon-
trez, je vous prie, à ces messieurs et à
ces dames la forme de l'ingénuité dont ja
parle.
Et Mlle Yvette se levait; elle arrivait Si
la scène, les mains gantées de noir et
regardant l'auditoire, de ses yeux énig-
matiques, le cou légèrement penché, sans
un geste, et, de cette voixInette, vibrante^
sans inflexion, elle disait la chanson de-
mandée, et le public se pâmait ; car c'é-
tait vraiment très joli. i
Dame ! je ne vous affirmerais pas que
la chanson collait d'une façon bien étroite
au développement du conférencier. Maiar
personne n'y prenait garde. Le dévelopr-
pement avait été spirituel, la chanson
était exquise ; tous deux avaient ravi l'un
après l'autre. Que voulait-on de plus ?
Il a eu pourtant sur la chasteté des
vierges une bien jolie variation qu'il sr
exécutée avec toute la grâce d'un pianiste?
qui sait faire chanter son instrument. Il
a lu à ce propos des vers délicieux, qui
ont moins de succès, naturellement, qua
les chansons de Mlle Yvette, mais qui ont
peut-être plus de charme :
Le poète parle de la jeune fille qu'mu-
mène un jeune époux après la cérémonia
nuptiale :
Oui, quelque chose va mourir
De délicieux et dépendre,
Que rien ne pourra plus lui rendre
Et qui ne saurait refleurir;
Cette chasteté qui s'ignore,
La candeur des grands yeux distraits,
Je ne sais quoi de pur, de frais,
Et de léger comme une aurore.
Elle sera dame et n'aura
Plus de rougeur involontaire ;
Les grâces perdront leur mystère,
Sa beauté se précisera.
Je m'arrête. Je citerais toute la pièca
qui est un chef-d'œuvre de grâce et d4
sentiment. Il est bien entendu que l'ora..c:
teur l'a mise aux pieds d'Yvette, qui était
la déesse ou plutôt la sainte du lieu.
M. Hugues Le Roux nous a raconte
comme il avait fait sa connaissance che2
un sculpteur, M. Lormier, qui voulait
pétrir son buste dans la terre glaise. Ella
était chaste comme Diane, et un sou-
rire de jeune faunesse errait sur ses le-"
vres, tandis que de ses yeux demi-cloi
filtrait un rayon de lumière.
CINQ Centimes — Paris et Départements - CINQ Centimes
DIMANCHE 15 FÉVRIER 1891
T F VÏY~ CTTfT TP
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AUJOURD'HUI
Le XIX- SIÈCLE
Commence la publication d'un grand
roman-feuilleton
COMME DANS LA VIE
PAR ALBERT DELPIT
Vois t militarisme
Toutes les personnes qui connais-
sent bien nos colonies sont d'avis que
l'une des réformes les plus utiles qu'on
puisse apporter dans leur organisa-
tion est celle qui les doterait d'une
armée coloniale tout à fait distincte
des troupes métropolitaines. Il fau-
drait, surtout dans les établissements
qui se prêtent à l'agriculture, comme
PIndo-Chine, la A Guyane, certaines
portions de la cote crAmque, mais
où les colons volontaires sont peu dis-
posés à se porter, que les troupes
chargées de la défense fussent aussi
des éléments de colonisation.
Des soldats recrutés par l'engage-
ment volontaire, jouissant d'une solde
avantageuse, d'une retraite élevée,
surtout s'ils la prenaient dans la co-
lonie même, et auxquels on concéde-
rait des terres, constitueraient une
souche puissante de colonisation. J'en
ai moi-même constaté des exemples
remarquables dans une colonie hol-
landaise. J'ai trouvé à Batavia des
Français qui s'étaient engagés dans
les troupes coloniales néerlandaises
et qui, après avoir fait un certain
nombre d'années de service à Java,
s'y sont mariés, livrés au commerce
ou à l'industrie et fixés d'une manière
probablement définitive.
Le même fait se produirait certai-
nement avec plus de facilité encore
dans les colonies françaises, si les
mêmes avantages y étaient accordés
aux soldats coloniaux de la France.
C'est, malheureusement, une idée
toute différente qui paraît devoir pré-
sider à l'organisation de l'armée colo-
niale que nous prépare la commis-
sion technique nommée par les mi-
nistres de la guerre et de la marine
pour étudier cette grave question.
Les membres de cette commission
paraissent n'avoir en tête qu'une
préoccupation : faire passer les trou-
pes de la marine à la guerre, ce dont
je ne saurais les blâmer, et, ensuite,
donner à la guerre l'autorité prépon-
dérante dans nos colonies, ce qui me
paraît absolument contraire aux in-
térêts de nos établissements d'outre-
mer.
Pour atteindre ce dernier résultat,
la commission a déjà pris, d'après les
nouvelles qui circulent, trois décisions
capitales. En premier lieu, elle main-
tient le recrutement d'une partie des
troupes coloniales parmi les soldats
de l'armée métropolitaine,qui fourni-
rait, en outre, tous les officiers et
sous-officiers.
En second lieu, elle place tous les
officiers du commissariat colonial
sous les ordres des chefs militaires et,
par conséquent, du ministre de la
guerre.
En troisième lieu, elle soustrait les
commandants militaires des colonies
à l'autorité des gouverneurs, sous le
prétexte que, d'après la loi du 25 juil-
let 1889 sur le recrutement, « tout
corps organisé, quand il est sous les
armes, est soumis aux lois militaires,
fait partie de l'armée et relève soit du
ministre de la guerre, soit du minis-
tre de la marine. »
La commission ayant déjà mis tou-
tes les troupes coloniales et les offi-
ciers d'administration sous les ordres
du ministre de la guerre, elle en con-
clut que les commandants militaires
des colonies doivent également être
placés sous l'autorité directe du même
ministre et rendus indépendants des
gouverneurs.
Si ces décisions prenaient force de
loi, tous les efforts faits depuis dix
ans pour soustraire les colonies à
l'autorité prépondérante de la marine
n'auraient servi qu'à les faire passer
sous celle du ministère de la guerre,
dans des conditions beaucoup plus
fâcheuses encore que celles où elles
se trouvaient quand elles avaient des
amiraux pour gouverneurs.
A cette époque, il y avait au moins
unité dans le gouvernement et dans
le commandement, puisque le même
homme réunissait les pouvoirs admi-
nistratifs et militaires. Ce que le mi-
litarisme de l'organisation pouvait
avoir de fâcheux était ainsi corrigé
par l'unité de la direction, dont cer-
tains amiraux surent faire profiter à
un haut degré nos colonies. On n'ou-
bliera jamais en Cochinchine le nom
de l'amiral de La Grandière qui sut.
créer, organiser et outiller à si peu
de frais notre colonie naissante.
Avec le régime qui nous est pro-
posé, rien de semblable ne pourrait
être espéré. La juxtaposition de, deux
autorités rivales., déoeMtati de deux
: ministres différents, ne produirait,
cela est certain, que des conflits stéri-
les d'attributions.
Pour les faire cesser, il faudrait né-
cessairement, tôt ou tard, — on a dû
prévoir cela dans la commission
technique, — placer l'un de ces pou-
voirs sous les ordres de l'autre. Or, à
l'heure actuelle, c'est l'autorité mili-
taire qui est subordonnée à l'autorité
civile. Est-ce au renversement des rô-
les qu'on veut aboutir? Veut-on sou-
mettre nos colonies au militarisme de
la guerre pour les punir d'avoir
échappé à celui beaucoup plus doux
de la marine? Il me paraît indispen-
sable que la commission nous fixe sur
ses intentions, afin que nous puis-
sions aviser tant qu'il en est encore
temps.
J.-L. de Lanessan.
LE TONKIN FINANCIER
DDE Émission DE 10 IIIILLIOIS
AVEC LE PATROIAGE DE L'ADILLINISTRATION
Une question à M. Etienne. — De plus
fort en plus fort. — 200 0/0
de revenu.
Ils vont bien, nos financiers !
Un nommé Edgard Circaud, banquier,
qui a succédé à Mary-Raynaud comme fer-
mier du bulletin financier du journal mo-
narchiste le Gaulois, inonde en ce moment
Paris, la banlieue et les départements de
volumineux prospectus pour l'émission
d'une société nouvelle au capital de 10 mil-
lions de francs, à laquelle il a donné ce ti-
tre pompeux : Société française coloniale
indo-chinoise.
Le prospectus est accompagné d'une no-
tice qui a pour titre : Le Tonkin financier,
et qui débute ainsi :
Le Tonkin existe officiellement. Plus d'éva-
cuation à craindre, toute incertitude cesse. La
Chambre, en adoptant, en décembre dernier,
l'ensemble des crédits pour le Tonkin, a con-
sacré définitivement notre conquête. En pré-
sence de cet événement, dont les conséquen-
ces n'échapperont à personne, le moment psy-
chologique est venu de mettre en valeur ce
pays.
Et pour cela on demande au public 10
millions, dont on se garde bien de déter-
miner l'emploi futur ou même possible, et
dont on ne rendra jamais compte à per-
sonne.
Après s'être ainsi placé sous le patronage
de la Chambre, l'auteur de la notice, M. Cir-
caud, ajoute en lettres italiques :
L'administration réserve, il nous en a été
donné l'assurance, d'ores et déjà tout son ap-
pui à notre tentative et favorisera par tous
les moyeus dont elle dispose les efforts et la
marche au succès de notre société.
C'est dans ces con litions que nous faisons
appel dès la première heure à une œuvre à la
fois sûrement rémunératrice et éminemment
nationale.
M. le sous-secrétaire d'Etat aux colonies
a-t-il vraiment promis son appui à M. Cir-
caud pour son entreprise, dont le seul but
visible est de prendre 10 millions au pu-
blic?
S'est-il engagé à favoriser par tous les
moyens dont il dispose les efforts de M. Cir-
caud ?
Plusieurs de nos lecteurs nous posent
cette question, et nous la renvoyons à M.
Etienne.
Nous ajouterons, pour l'édification du
public, que le nommé Circaud ne promet
pas 30 0/0 comme Mary-Raynaud, 50 0/0 com-
me la Caisse syndicale de l'Union, 120 0/0
comme Macé : il promet jusqu'à 200 0/0 !
Et pour les offrir, il se sert à peu près
des mêmes termes que Macé.
L'administration laissera-t-elle dire qu'elle
« réserve tout son appui » à de pareilles
tentatives et qu'elle « favorisera par tous
les moyens dont elle dispose les efforts
de ces flibustiers?
Le silence friserait la complicité.
Si le parquet n'agit pas, nous aimons à
croire que M. Etienne au moins ne se taira
pas.
ARRESTATION
D'UN BANQUIER PRUSSIEN
Un banquier d'origine prussienne, ins-
tallé aux environs de la Bourse, a été arrêté
hier soir par M. Touny, commissaire de
police, et envoyé au Dépôt.
Ce personnage était à la tête d'une mai-
son fonctionnant sur le modèle de celle de
Macé. Quelques-uns de ses clients, alarmés
par différents krachs récents, ont demandé
le retrait de leurs fonds. Le banquier n'avait
rien en caisse. Il a été arrêté sur leurs
plaintes.
--
LE COMPAGNON GEGOUT
Lô compagnon Gegout, détenu à Sainte-
Pélagie, où il purge une condamnation pour
délit politique, est en ce moment assez gra-
vement malade.
Il sera transféré aujourd'hui même à la
maison Dubois.
Depuis huit mois qu'il est prisonnier,
l'administration des prisons refuse à Ge-
gout l'autorisation de passer une journée
avec sa femme.
La privation de cette distraction a, paraît-
il, eu une influence très grave sur la santé
du prisonnier.
-
INCIDENT SUR LA FRONTIÈRE BELGE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Longwy, 13 février.
Quelques soldats du 151e de ligne, en ex-
cursion à Halanzé, petit village belge situé
sur la frontière, se sont pris de querelle
pour un motif futile avec quelques jeunes
gens qui dansaient.
Une rixe éclata, au cours de laquelle un
soldat français fut désarmé par les dan-
seurs. La mêlée ne tarda pas à devenir gé-
nérale.
Les militaires dégainèrent et frappèrent
leurs adversaires dont plusieurs furent
grièvement blessés.
L'un d'eux eut le ventre ouvert d'un
coup ùè baïonnette.
un officier supérieur s'est rendu immé-
diatement sur les lieux pour faire un rap-
port.
Le parquet belge, de son côté) i QUVert
.uae iastructiQûiudiçiaire»
LE PRIVILÈGE
DE LA BANQUE DE FRANCE
L'OPINION DE M. YVES GUYOT
Notre enquête. — Ce que rapportent à la
Banque les malheurs publics.—Dan-
gers du monopole. — Un débat
qui promet d'être intéressant.
Nous avons publié l'autre jour l'opinion
d'un éminent économiste, M. de Molinari,
sur le privilège de la Banque de France,
opinion diamétralement opposée à celle
que professe aujourd'hui, comme président
de la commission du renouvellement du
privilège, un autre économiste également
éminent, mais peut-être plus changeant et
à coup sûr moins indépendant, M. Léon
Say.
Notons par parenthèse qu'entre l'opinion
de son directeur ou inspirateur M. Léon
Say, et l'opinion de son collaborateur M. de
Molinari, le Journal des Débats ne se pro-
nonce pas.
Il garde de Conrart le silence prudent.
Quoi qu'il en soit, continuant notre en-
quête,nous avons voulu savoir ce que pen-
sait du privilège de la Banque de France un
autre économiste dont nous avons cité le
nom l'autre jour et dont l'opinion était
d'autant plus intéressante à connaitre qu'il
est actuellement membre du gouverne-
ment.
Nous avons donc interrogéM.Yves Guyot,
qui nous a répondu avec autant de netteté
que de compétence.
M. Yves Guyot estime que le crédit est
analogue au transport. « Celui-ci, dit-il, a
pour but de supprimer l'espace, celui-là a
pour but d'empiéter sur le temps.,, M. Yves
Guyot est ennemi déclaré du monopole,
aussi bien en matière de transport qu'en
matière de crédit.
La conception de Bonaparte
Pour expliquer le monopole de la Ban-
que de France, il faut se rappeler à quelle
époque et dans quelles conditions elle a été
créée.
«—En France, dit M.Yves Guyot, la loi de
1791 proclama la liberté du travail et du
commerce intérieur. Plusieurs banques se
fondèrent ; malgré l'épouvantable cataclys-
me des assignats, elles surent inspirer con-
fiance, le crédit s'établit, elles fonctionnè-
rent avec un succès qui fut leur perte.
» Ce succès tenta le gouvernement. Bo-
naparte voulait conduire les affaires com-
me un bataillon. « Il faut que la Banque
escompte toujours les effets du commerce
à h 0/0 », écrivait-il au comte Mollien.
» Pour lui, une banque n'était qu'une
fonction du gouvernement, une machine à
crédit. Son capital de fondation n'était que
le privilège de battre monnaie.
» Ce furent ces doctrines qui inspirèrent
la loi du 2/» germinal an XII à laquelle la
Banque de France doit sa fondation. »
Depuis, l'organisation de la Banque a subi
quelques modifications : d'abord en 18A3,
époque à laquelle son privilège fut renou-
velé jusqu'en 1867, puis en 1852, par un dé-
cret qui lui conféra de nouveaux avan-
tages.
Deux questions sur lesquelles il était in-
téressant de connaître l'opinion de M. Yves
Guyot ont été soulevées dans les bureaux,
lors de l'élection de la commission : la ques-
tion du nombre des signatures et celle de
la durée des échéances. Voici sa réponse :
« — Dans une transaction ordinaire, il n'y
a que deux signatures : l'acheteur et le ven-
deur. Or, la Banque exige trois signatures.
Les deux contractants réels doivent donc
acheter et payer la troisième. Il est vrai
qu'un décret de 1868 a facilité l'escompte à
deux signatures, en autorisant la Banque à
accepter, en dépôt de garantie, comme
équivalent à la troisième signature, non
seulement ses propres actions ou des titres
de rentes sur l'Etat, mais toutes les valeurs
sur lesquelles elle fait des avances.
» Elle a la faculté de réduire la durée des
échéances. C'est un droit absolument révo-
lutionnaire. Enfin, jugeant en souverain,
sans appel, elle peut refuser le papier
d'une maison sans autre motif qu'un ca-
price, qu'une rancune, une inimitié poli-
tique. Elle n'abuse pas de ce pouvoir exor-
bitant, dit-on; soit. Mais cela prouve que
les hommes qui dirigent la Banque sont
meilleurs que son organisation, et cepen-
dant, combien n'y aurait-il pas à dire sur
son conseil de régence ! »
Les services rendus par la Banque
A ceux qui prétendent que la Banque a
rendu à l'Etat de grands services dans les
circonstances difficiles, M. Yves Guyot ré-
pond non sans énergie ;
« — Ne pas trouver que tout est parfait
maintenant dans la Banque de France, c'est
bien audacieux. On invoquera, pour nous
confondre, les immenses services qu'elle a
rendus pendant la guerre et les 1,A85 mil-
lions qu'elle a prêtés au gouvernement;
mais si la Banque de France n'avait pas
existé, la richesse de la France eût-elle été
moins grande? Non, au contraire, le gou-
vernement eût trouvé cette somme ailleurs,
voilà tout.
» La Banque a plus gagné que nous à
cette opération, soyons-en certains. Car
voici le propre de cet établissement moitié
public, moitié privé : les temps de crise et
les temps de désastres pour le pays sont les
temps heureux pour lui. Un coup d'œil sur
les dividendes de ses actionnaires prouve
cette vérité.
» En 18.46, les actionnaires de la Banque
ont touché un dividende de 159 fr., le plus
élevé qu'ils eussent jamais touché; en 18.47,
de 177 fr.
» Le dividende de 1869 était de 107 fr. ;
la guerre survient : le dividende de 1870 est
de 11A fr.; les malheurs s'accumulent: le
dividende de 1871 est de 300 fr.; le divi-
dende de 1872 de 320 fr.
» La France redevient prospère : en
1878 il n'est plus que de 95 fr.; en 1879 de
110 fr.
» M. Thiers disait, en juin 1871, que « la
» Banque de France, en servant l'intérêt
» de l'Etat, s'était couverte d'honneur ».
On voit qu'en même temps elle n'avait
point desservi les intérêts de ses action-
naires. »
L'encaisse est une fiction
La formidable encaisse de la Banque do
France n'inspire d'ailleurs à M, Yves Guyot
qu'une confiance très limitée :
«—En réalité, dit-il, la Banque de France
n'a pas de capital, car le capital qu'elle
possède est iniïûobilisé ou engagé dans les
fonds de .l'Etat. Elle n'a pour faire face à ses
engagements que des dépôts métalliques,
flUi oeuvçjftt être retirés dujou au, lende-
main. Cette encaisse qui paraît si considé-
rable peut s'écouler immédiatement.
» Cette réserve est donc fictive. »
Système monarchique
D'après M. Yves Guyot, il suffit d'étudier
rapidement la situation de la Banque d'An-
gleterre et de la Banque de France pour se
convaincre que tout le système de crédit
de chacun de ces deux pays et par consé-
quent tout leur système industriel et com-
mercial reposent sur une anomalie.
« — C'est, déclare M. Yves Guyot, le sys-
tème monarchique du crédit.
» Le gouvernement,en vertu de je ne sais
quelle fiction, a voulu s'attribuer un droit
régalien sur le commerce du papier ; il
c'fti mfilfl fit. v nuit ? r-ar. en ronrpntrnnt
toutes les responsabilités sur un seul éta-
blissement, en faisant de cet établissement
la réserve unique des métaux dans un pays,
en inspirant cette foi erronée que cet éta-
blissement ne pourra jamais succomber à
un cataclysme si formidable qu'il puisse
être, il prépare, très soigneusement, les
crises et les débâcles qu'il veut précisé-
ment prévenir.
» En mêlant les finances publiques aux
finances particulières, au lieu de les isoler,
il complique encore la situation et aggrave
le péril.
» Les financiers d'Etat, qui rarement sont
des économistes, n'ont pas voulu, ne veu-
lent pas admettre ce fait : que le billet de
banque n'est qu'un billet ordinaire, qu'une
obligation commerciale contractée dans un
esprit de commerce, dans un but de com-
merce. Il ne remplace pas l'argent, mais le
papier commercial. Le billet de banque re-
présente l'endos de la Banque sur le billet
émis. Seulement, à partir de ce moment,
comme la signature de la Banque est bon-
ne et connue de tous, le billet circule au
porteur, et avec cet engagement bien pré-
cis qu'à présentation il sera remboursé en
numéraire.
» Or, comme nous venons de le voir,
cette dernière obligation manque de sanc-
tion sérieuse pour les Banques d'Angleterre
et de France.
» Cependant, elles peuvent vivre, elles
subsistent, et elles ne manquent à leurs en-
gagements que tous les dix ou vingt ans, ce
qui serait énorme pour un particulier,
mais ce qui est peu de chose pour un éta-
blissement dépendant de l'Etat.
» Elles ont donc une solidité relative;
mais d'où vient cette solidité? Non pas de
leur capital, non pas de leur numéraire :
elle vient du portefeuille, elle vient de tout
le monde.
» Par conséquent, ce n'est point la Ban-
que qui sert de soutien au public, comme
on le croit trop généralement : c'est le pu-
blic qui sert d'appui à la Banque, et quand
la Banque est perdue, c'est lui qui la sauve.
De même l'histoire politique nous montre
que lorsqu'un roi a perdu un peuple, c'est
le peuple qui se sauve tout seul.
La liberté des banques
» Ceci dit, continue M. Yves Guyot, où
trouver un argument contre la liberté des
banques ?
» Un banquier, un escompteur, si vous
voulez, juge à propos d'émettre des billets
à vue et au porteur.
» Quel risque y a-t-il? Les billets sont à
vue, il est donc toujours tenu de les rem-
bourser contre espèces.
» S'il ne le fait pas, il n'a qu'à fermer sa
banque ; mais on admettra bien que la ma-
jorité des banques ne sont pas ouvertes
aujourd'hui pour être fermées le lende-
main.
» Les admirateurs des monopoles vantent
toujours ce que font ces monopoles ; ils
n'oublient qu'un point, c'est ce que ces mo-
nopoles empêchent de faire.
» Si, au moyen d'une encaisse de 25,000 f.,
le banquier peut élever ses émissions à
100,000 fr., il obtient du public 75,000 fr.
dont il ne paye aucun intérêt, tandis qu'il
les place à intérêt, à 5 pour cent par exem-
ple, en escomptant à ce taux des effets de
commerce. Son intérêt est de tenir en cir-
culation le plus de billets qu'il peut, et cet
intérêt se répercutant de banque en ban-
que, il en résulte une extension de crédit
de beaucoup supérieure à celle que peut
donner un monopole.
» Le monopole est tellement contraire à
la nature des choses, que, malgré toute la
protection dont elle jouit, les affaires ont
une tendance à s'éloigner de la Banque de
France et à se reporter vers les grandes so-
ciétés financières, qui accumulent des dé-
pôts dans leurs caisses et prennent le papier
de commerce au-dessous du taux de son
escompte. »
Que conclure?
Veut-on maintenant connaitre la conclu-
sion de M. Yves Guyot? Il la formule
ainsi :
La Banque d'Angleterre et la Banque de
France font reposer l'organisation du crédit
de chacun de ces deux pays sur une dange-
reuse fiction.
Le monopole actuel doit faire place à la
liberté des banques d'émission.
Telles sont les réponses de M. Yves
Guyot.
Si, comme il est permis de s'y attendre,
le ministre des travaux publics apporte à
la tribune de la Chambre les déclarations
qui précèdent et que nous avons textuelle-
ment reproduites, on peut prévoir que le
renouvellement du privilège de la Banque
de France donnera lieu à un débat d'un vif
intérêt.
NOMINATION
D'UNE SOUS-COMMISSION
La commission du privilège de la Banque de
France a nommé hier une sous-commission
composée de MM. Léon Say, Burdeau, Poin-
carré et Le Cour.
Cette sous-commission est chargée de re-
cueillir tous les avis que les chambres de
commerce et les chambres syndicales enver-
ront à la commission avant le 1er mars.
Avant de procéder à la discussion générale
du projet du gouvernement, la commission
examinera la question des trésoreries et celle
du partage des bénéfices.
UN KRACH A BERCY
Huit millions dé déficit. — Le commerce
des v ins.
Un malheur n'arrive jamais seul, dit com-
munément la sagesse des nations.
11 en est des poufs financiers absolument
comme des malheurs. Volontiers, ils se
produisent simultanément.
L'autre jour, c'était le banquier véreux
Ma<:y-Raynaud qui brûlait la politesse à sa
clientèle; hier, on apprenait que l'un de
ses émules, d'allures plus modestes mis
aussi de pluggrçlud DDétit. aband~nn~t à
ses créanciers une caisse dévastée, et au-
jourd'hui, c'est un faiseur du marché de
Bercy qui opère à son tour une culbute re-
tentissante.
On parle, en effet, de 7 ou 8 millions de
déficit 1
Mais voici l'affaire :
Un des plus gros négociants en vins de
l'entrepôt, ex-sportsman dont les couleurs
se sont montrées plusieurs fois sur les hip-
podromes parisiens, vient d'être déclaré
d'office en faillite, sur un rapport du par-
quet rendu à la suite d'une plainte adressée
au procureur général par le chef de la
maison Ducruix, l'une des plus impor-
tantes de Bercy.
Ancien failli non réhabilité, L., le négo-
ciant dont les opérations viennent d'être si
malencontreusement interrompues, s'était
établi à nouveau, sous le nom de sa femme
et, on ne sait trop comment, il était par-
venu à se faire ouvrir des crédits énormes
chez les principaux représentants et com-
missionnaires en vins de la place.
Il avait compte courant chez un grand
banquier, et sa situation semblait solide.
Ses opérations portaient spécialement sur
des marchés de vins d'Espagne.
De plus, en dehors de son commerce,
L. était encore engagé tra los montes en
une série de grosses affaires, notamment
dans une entreprise d'adduction d'eau qui
promet du reste, paraît-il, des bénéfices
importants.
Malheureusement pour lui, L. est un
viveur aimant le jeu et menant la vie à
outrance, si bien qu'entre ses mains des
sommes considérables ont été dissipées, et
qu'aujourd'hui sa caisse est à peu près
vide, et que le syndic de sa faillite se
trouve en présence d'une banqueroute frau-
duleuse.
Quelques chiffres, du reste, établissent
quelle confiance le négociant en question
avait su inspirer. La maison de banque
Gaytte et Duluard, avec laquelle il était en
rapport, perd à elle seule, de son chef, an-
nonce-t-on, environ neuf cent mille francs ;
la maison Caucurte, de Bercy, l'une des
plus importantes pour le commerce des
vins, est atteinte pour cinq cent mille
francs; de même, Mme E. Ducruix, l'au-
teur de la plainte qui a amené la déconfi-
ture de L., perd plus de cent mille francs,
et, enfin, l'on compte encore bon nombre
de créances variant de cinquante à qua-
tre-vingt mille francs.
Au surplus, le montant exact du passif
n'est point encore connu complètement, et
il ne pourra l'être avant plusieurs jours
d'ici.
LES FAILLITES EN ITALIE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULlBB)
Turin, 13 février.- La Banque ouvrière d'A-
lexandrie vient de suspendre ses paiements.
Son passif est de 27.4,000 fr.
Dans la première semaine de février il y a
eu, dans le Piémont, environ 150 faillites avec
un passif assez élevé, et beaucoup de moins
importantes.
AU CONSEIL MUNICIPAL
Le nouveau président. — Le Métropo-
litain. — Le gaz.
Le conseil municipal va reprendre sa
session le 23 février.
On commence à s'occuper, à l'Hôtel de
Ville, du nouveau président; les deux can-
didats qui paraissent devoir entrer en ligne
sont MM. Levraud et Sauton.
Cette prochaine session sera d'ailleurs
assez chargée, en raison des discussions re-
latives au gaz et au Métropolitain.
Nous croyons même que le ministre des
travaux publics a l'intention de solliciter
dû conseil municipal l'avis que celui-ci ne
lui a pas encore donné sur le projet de
chemin de fer métropolitain.
50 0/0 DE REVENU
Nouvelles protestations
Nous nous étonnions hier de ne pas avoir
reçu de protestation de M. G. Lenoir, au
svuet de l'usage que la Caisse syndicale de
V union avait cru devoir faire de son nom.
Cette protestation attendue nous est par-
venue aujourd'hui. On reconnaîtra qu'elle
est catégorique et ne laisse rien à désirer.
La voici :
13 février 1891.
Monsieur le Directeur,
Je vous serai très reconnaissant de-vouloir
bien insérer dans votre journal les quelques
lignes suivantes :
Je proteste énergiquement contre le procédé
du directeur de la Caisse syndicale de l'Union,
59, faubourg Montmartre, qui s'est permis de
se servir de mon nom comme référence, pro-
cédé d'autant plus déloyal que je n'ai jamais
fait d'opérations financières avec cette mai-
son.
Comptant sur votre loyauté pour insérer
cette rectification dans votre prochain nu-
méro, je vous prie d'agréer à l'avance, mon-
sieur le directeur, tous mes remercîments.
G. LENOIR,
Rédacteur au ministère de la
justice, 1, rue Puteaux.
Le brave colonel Ellie a fini, d'autre
part, par s'émouvoir. Il a senti que sa qua-
lité de gendarme le mettait dans une situa-
tion particulièrement fausse, et il s'est dé-
cidé à nous écrire la lettre suivante :
Paris, ce 13 février 1891.
Au Directeur du XIX" Siècle.
Monsieur le Directeur,
Je lis dans votre journal d'hier l'article où il
est question de moi et que je ne connaissais
qu'imparfaitement.
Vous me demandez une protestation, la
voici :
Je connais M. Deligny depuis des années et
je l'ai toujours considéré comme un galant
et honnête homme ; mais en l'autorisant à se
servir « accidentellement » de mon nom, je
n'ai voulu en aucune façon patronner ni re-
commander une entreprise financière dont je
ne connais ni ne veux connaître les opéra-
tions.
Je regrette donc l'abus qu'on en a fait, et si
j'avais pu supposer qu'on dût s'en servir de
semblable manière, je n'aurais donné aucune
autorisation.
Je compte, monsieur le Directeur, sur votre
loyauté pour insérer cette protestation dans
votre plus prochain numéro, et vous prie
d'agréer l'expression de mes sentiments dis-
tingués.
ELLIE,
Colonel en retraite.
Nous ne voulons pour aujourd'hui faire
suivre cette lettre d'aucuns commentaires.
Nous nous bornerons à constater que le co-
lonel Ellie, lui-même, qui considère le di-
recteur de la « Caisse syndicale de l'Union..
comme un honnête homme, se défend com-
me d'un crime d'avoir patronné Une entre-
prise financière de cettQ nature. Mieux
vaut tard que jamais.
L'entreprise est inavouable. et tout la
monde 1» dç&âYQUç»
CHRONIQUE
C'est Vauvenargues qui a dit ce joli
mot : « Les premiers feux du soleil 1
vant ne sont pas plus doux et plus briti
lànts que les premiers rayons de la gloire
qui se lève ». Cette phrase me remontaif
justement aujourd'hui à la mémoire
comme j'écoutais, au Théâtre-d'Applica
tion, chez Bodinier, la conférence que?
faisait notre confrère - Hugues Le Rou
sur « 1 ingénuité fin de siècle », servan
d'introducteur aux chansons de MIler
Yvette Guilbert.
C'était la seconde fois que M. Huguei
Le Roux faisait cette conférence.Quel sue-*
ces ! quelle foule ! Ce n'est pas assez dirtf
que le public emplissait la salle : il re.
fluait dans le salon d'à côté, et je n'ai pii
trouver de place que sur la scène, o*
s'étaient rangés autour du conférencietf
et de la chanteuse tous les amis de la'
maison.
Je connaissais M.Hugues Le Roux commof
causeur, je savais comme il avait
causeur, je savais comme il avait l'élocu
tion facile et brillante ; je ne l'avais jaw
mais entendu parler sur la chaire du
conférencier. L'épreuve pour lui était
très difficile ; car il ne s'agissait pas sim
plement de faire montre,pour son compte,
d'esprit et d'éloquence, ce qui n'est déjà
pas si commode. Il lui fallait arrange.
son discours de telle façon qu'à de cer-
taines pauses Mlle Yvette Guilbert pût
entrer en scène, chanter deux ou trois
de ses chansons, se retirer, jusqu'à ce
que le moment vînt pour elle de repa-
raître.
Je sais le métier de conférencier ; je la
sais à fond, je le sais dans les coins;
comme on dit à Paris. Je vous jure que
je ne me chargerais pas sans appréhen
sion d'une sembable besogne. Il fautii
pour hasarder ces tours de force, êtrCJ,
bien sûr de sa parole et de son public. <
M. Hugues Le Roux possède une figurd
très agréable et surtout très attirant,!
très captivante. C'est un ensorceleur. là
voix est chez lui d'un charme inexpri-
mable ; elle a des notes d'une mélancoJiai
et d'une suavité pénétrantes. Elle expr
merait, je crois, moins aisément la con
viction forte ou la raillerie imperti-j
nente ; il y a du slave dans le timbre de
son organe et même dans sa façon de
parler. 'f
Pour Mlle Yvette, tout Paris la connai:
à cette heure. Fouquier en a tracé idÉfl
même un cray outrés ressemblant, d'un j
amusante vivacité. L'un parlant, l'autre
chantant, la fête avait de quoi plaire auiz
Parisiens, et la foule était accourue an
Théâtre-d'Application comme elle fait
tous les soirs aux cafés-concerts.
Le conférencier, qui est un malin da
première classe,ne nous a pas, à vrai dire,
parlé de l'ingénuité fin de siècle, que
nous avait promise son programme; il
nous a parlé du génre d'ingénuité parti-
culière avec laquelle Mlle Yvette Guilbert
interprète les chansons qu'on lui confie :
les chansons sont fin de siècle, )'ingénui.
té est fin de siècle, la conférence est fini
de siècle, tout va ensemble. Et, entre
nous, Hugues Le Roux a bien raison :
il se serait fendu en quatre pour défi-
nir l'ingénuité, pour caractériser la phy-
sionomie nouvelle qu'elle avait prise en
ces dernières années, il eût fait son petit
Caro, que trois ou quatre personnesr
peut-être, lui eussent su gré de la nou-f
veauté de ses aperçus.
Il a conté très gentiment comme il
avait connu Mlle Yvette, quel effet ella
avait produit sur lui, comment elle lui
avait donné l'idée de telle ou telle form<î
d'une ingénuité plus ou moins perverse.
— Allons ! mademoiselle Yvette, mon-
trez, je vous prie, à ces messieurs et à
ces dames la forme de l'ingénuité dont ja
parle.
Et Mlle Yvette se levait; elle arrivait Si
la scène, les mains gantées de noir et
regardant l'auditoire, de ses yeux énig-
matiques, le cou légèrement penché, sans
un geste, et, de cette voixInette, vibrante^
sans inflexion, elle disait la chanson de-
mandée, et le public se pâmait ; car c'é-
tait vraiment très joli. i
Dame ! je ne vous affirmerais pas que
la chanson collait d'une façon bien étroite
au développement du conférencier. Maiar
personne n'y prenait garde. Le dévelopr-
pement avait été spirituel, la chanson
était exquise ; tous deux avaient ravi l'un
après l'autre. Que voulait-on de plus ?
Il a eu pourtant sur la chasteté des
vierges une bien jolie variation qu'il sr
exécutée avec toute la grâce d'un pianiste?
qui sait faire chanter son instrument. Il
a lu à ce propos des vers délicieux, qui
ont moins de succès, naturellement, qua
les chansons de Mlle Yvette, mais qui ont
peut-être plus de charme :
Le poète parle de la jeune fille qu'mu-
mène un jeune époux après la cérémonia
nuptiale :
Oui, quelque chose va mourir
De délicieux et dépendre,
Que rien ne pourra plus lui rendre
Et qui ne saurait refleurir;
Cette chasteté qui s'ignore,
La candeur des grands yeux distraits,
Je ne sais quoi de pur, de frais,
Et de léger comme une aurore.
Elle sera dame et n'aura
Plus de rougeur involontaire ;
Les grâces perdront leur mystère,
Sa beauté se précisera.
Je m'arrête. Je citerais toute la pièca
qui est un chef-d'œuvre de grâce et d4
sentiment. Il est bien entendu que l'ora..c:
teur l'a mise aux pieds d'Yvette, qui était
la déesse ou plutôt la sainte du lieu.
M. Hugues Le Roux nous a raconte
comme il avait fait sa connaissance che2
un sculpteur, M. Lormier, qui voulait
pétrir son buste dans la terre glaise. Ella
était chaste comme Diane, et un sou-
rire de jeune faunesse errait sur ses le-"
vres, tandis que de ses yeux demi-cloi
filtrait un rayon de lumière.
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