Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1891-02-14
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 14 février 1891 14 février 1891
Description : 1891/02/14 (A21,N6970). 1891/02/14 (A21,N6970).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2013
Vingt-et-unibme annoo;:::'W6)9m CINQ Centimes - Paris et Départements- CINO Centimes SAMEDI lA février 1891
v-- - -- ----- ---__-- -- --
JOURNAL RÉPUBLICAIN
RÉDACTION
4a, nue Montmartre
PARIS
DIRECTEUR POLITIQUE
A. - !nouARD PORTALIS
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DEMAIN
Le XIX* SIÈCLE
Commencera la publiation d'un grand
roman-feuilleton
GOMME DANS LA VIE
PAR ALBERT DELPIT
Elire Consenateurs
Le dialogue continue entre M. Piou
et M. d'Haussonville, ou plutôt la con-
versation tend à devenir générale en-
tre les constitutionnels et les royalistes
intransigeants, car un certain nombre
de voix viennent se joindre à celle de
M. Piou. Simple effet du hasard assu-
rément — mais le hasard est parfois
bien spirituel—la plupart de ces néo-
constitutionnels briguent en ce mo-
ment un siège de député ou de séna-
teur, et ce n'est pas dans les program-
mes des candidats de droite qu'une
longue expérience nous a appris qu'il
convenait de chercher l'expression des
pensées intimes. Si la République n'a-
vait d'autres adversaires que ceux qui
l'ont combattue pendant la période
électorale, il y a longues années que
la forme du gouvernement ne serait
plus en question et que, au lieu de la
constante obligation où nous nous
trouvons de nous défendre contre des
adversaires cachés sous tous les dé-
guisements et derrière tous les mas-
ques, nous pourrions procéder à l'or-
ganisation démocratique que nous
sommes sans cesse contraints d'a-
journer.
Laissons donc les candidats de
droite faire leurs déclarations ordi-
naires, leur donner même plus de pré-
cision que par le passé, sans les pren-
dre trop au pied de la lettre. Depuis
si longtemps qu'ils se bornaient à dire
qu'ils ne voulaient pas renverser le
régime établi, mais l'améliorer, ils ont
peut-être fini par penser que cette
formule avait perdu toute vertu et
qu'il fallait la remplacer par une au-
tre plus énergique. Mais que valent
ces affirmations? Que valent même les
périodes savantes de M. Piou, recelant
les réserves implicites que nous signa-
lions hier? Tous ces hommes étaient,
il y a bien peu de temps encore, com-
me le rappelle M. Paul de Cassagnac,
parmi ceux qui prirent part au mou-
vement boulangiste, et « ce n'est pas
leur faute si cette constitution, à la-
quelle ils se rallient respectueusement
aujourd'hui, n'est pas à pourrir dans
le grand t égout collecteur ». M. Piou
n'était-il pas alors l'un des membres
de ce comité des Douze qui, sous la
direction de M. de Mackau, préparait
la « trouée »? La contradiction entre
l'attitude d'hier et celle d'aujourd'hui
ne laisse pas d'être forte, etM. d'Haus-
sonville a quelque raison de s'étonner
de cette « conversion rapide Y).
Le mot de conversion peut, d'ail-
leurs, paraître un peu exagéré, car
nous ne sommes pas seuls à trouver
que les idées exprimées par M. Piou
sont exactement celles de toute la
droite, et le Journal des Débats décline
en ces termes l'alliance que les nou-
veaux constitutionnels ne lui propo-
sent pas : « La fraction même la plus
modérée du parti républicain actuel
ne se trouvera sans doute pas d'ac-
cord avec M. Piou sur un programme
qui, — la question constitutionnelle à
part, — lui est commun avec les amis
de M. d'Haussonville. »
Mais M. d'Haussonville est moins
bien fondé à opposer sa propre cons-
tance à l'humeur variable de son in-
terlocuteur. En votant la Constitution
de 1875, les monarchistes, dont fut M.
d'Haussonville,ont fait exactement ce
que M. Piou essaie de faire aujour-
d'hui. Ils reconnaissaient qu'il leur
était impossible de faire la monar-
chie. L'Assemblée nationale, — c'est
M. d'Haussonville lui-même qui le dit,
— « n'avait donc plus qu'à se dissou-
dre, appelant le pays à nommer une
nouvelle assemblée unique et consti-
tuante, où le parti monarchique au-
rait été écrasé entre le radicalisme et
l'empire Y). Les monarchistes de l'As-
semblée nationale préférèrent se faire
eux-mêmes constituants et, acceptant
la République qui était le gouverne-
ment de fait, établir une constitution
contenant « un certain nombre de ga-
ranties conservatrices". Us le firent,
t — nous n'en avons jamais douté et
M. d'Haussonville nous le répète, —
sans donner à la République « aucune
adhésion, ni de cœur ni des lèvres »,
et ils cherchèrent à faire une transac-
tion entre leurs sentiments et les né-
cessités en stipulant que la constitu-
tion serait ci perpétuellement révisa-
ble à la simple majorité des voix, non'
seulement dans ses dispositions acces-
soires, mais dans son principe, »
Cette clause a disparu. Le gouver-
nement de fait est devenu le gouver-
nement de droit. Mais, est-ce par suite
de cette modification c"-,û lp." conser-
vateurs sont devenus les adversaires
de la République ? En aucune façon.
Ils n'avaient pas attendu la revision
de 188A pour tenter de changer vio-
lemment la forme du gouvernement,
et M. d'Haussonville, qui se vante
d'avoir voulu « réserver l'avenir »,
ne paraît pas croire lui-même beau-
coup au reproche qu'il adresse à
M. Piou de « vouloir l'engager », car
il se dit certain que, « sachant de
quel côté sont les sympathies vérita-
bles » de son contradicteur, ils se re-
trouveront d'accord. Une seule réponse
pourrait dire si les espérances de M.
d'Haussonville sont chimériques. Dans
le cas où les conservateurs devien-
draient assez nombreux dans les deux
Chambres pour que l'adoption d'une
proposition de revision de l'article 8,
servant de préface à une revision du
« principe » même de la constitution,
fût subordonnée au vote des néo-cons-
constitutionnels, M. Piou voterait-il
pour ou contre cette proposition? La
réponse à cette question serait déci-
sive. Mais nous serions surpris que
M. Piou la fît, car, ainsi que nous le
disions hier, son adhésion à la Répu-
blique est affaire de circonstance et
non de conviction, et, pas plus que M.
d'Haussonville lui-même, il ne se sou-
cie vraisemblablement d'engager l'a-
venir.
LA aUESTION ALGÉRIENNE
Nos lecteurs connaissent la question :
les articles de notre collaborateur M. de
Lanessan, le rapport de M. Pauliat que
nous avons longuement analysé, la note
que nous avons récemment publiée tou-
chant la démission de M. Tirman, gouver-
neur général de l'Algérie, actuellement en
route pour venir fournir des explications
au gouvernement, les ont mis au courant
du débat qui divise notre grande colonie
et qui peut ainsi se résumer : budget spé-
cial pour l'Algérie ou rattachement à la
métropole.
L'affaire va être portée à la tribune du
Sénat. M. Dide a demandé hier à interpel-
ler le gouvernement sur la « situation ac-
tuelle » de l'Algérie. Aujourd'hui même,
le Sénat fixera la date à laquelle sera dis-
cutée cette interpellation.
C'est un gros débat qui va s'engager, dont
la conclusion et les conséquences peuvent
être considérables pour notre colonie.
MM. Mauguin et Pauliat prendront la pa-
pole, et leur intervention ne sera pas la
partie la moins intéressante de la discus-
sion; M. Jules Ferry peut-être, lui aussi,
qui disait hier: «Si on met en cause ma po-
litique coloniale, j'interviendrai dans le
débat » ; d'autres orateurs encore.
LES CHANGEMENTS
DANS L'ÉTAT-MAJOR ALLEMAND
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTÏCUUBB)
Berlin, 12 février.
D'après certains bruits en cours au casino
des officiers, l'empereur Guillaume aurait
arrêté, comme un principe d'administration
militaire, la suppression de la continuité,
chez le même titulaire, de la direction de
l'état-major général, et l'adoption, comme
règle, du principe que les officiers chargés
de cette direction ne pourraient pas la gar-
der plus de trois ans. Son intention serait
de constituer ainsi à la tête de l'armée tout
un groupe de spécialistes rompus aux
moindres secrets ressorts du maniement
de l'état-major et capables, en temps de
guerre, de remplacer par la somme de leurs
mérites respectifs l'homme de génie qui a
procuré tant de victoires à l'Allemagne.
Il paraîtrait que c'est le général Caprivi
qui a engagé l'empereur à choisir le comte
de Schlieffen plutôt que le général de Wit-
tich pour remplacer le général de Wal-
dersee. M. de Witich étant l'adversaire dé-
claré de ce dernier, sa nomination eut pu
passer pour un affront gratuitement infligé
au chef sortant de l'état-major.
UNE ERREUR DU TÉLÉGRAPHE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rome, 12 février. — Le télégraphe rectifie
l'omission de trois mots qu'il a faito dans une
dépêche d'hier soir et qui en changent le
sens.
Ce n'est pas M. Vincenzo Tittoni, député de
Rome, qui est mort; il va être nommé sous-
secrétaire d'Etat au ministère de l'agriculture
et se porte à merveille.
C'est M. Mosca, ancien député, qui est mort
subitement.
1—BBM————TJ
SUICIDE ET DUEL MORTEL A BERLIN
(D3 NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 12 février.
Un des employés du palais impérial,
soupçonné d'avoir trempé dans le trafic des
informations vendues à certains journaux,
se serait brûlé la cervelle lundi, pour
échapper à des poursuites judiciaires dont
il était menacé. C'était le premier valet de
chambre attaché à la maison impériale.
Dans la même journée, les cercles mili-
taires de Berlin ont été vivement émus par
la nouvelle de l'issue fatale d'un duel entre
deux officiers supérieurs de la garnison de
Berlin.
A la suite d'une discussion très vive au
sujet de la retraite du- comte de Waldersee,
l'un d'eux, le major von Heiden, avait en-
voyé ses témoins à l'autre officier, le baron
de C. A la première balle, tirée à une dis-
tance de quinze pas, le baron de C. est
tombé frappé à la gorge. Le major von
Heiden s'est constitué prisonnier.
MORT DU PILOTE DES MILLE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rome, 12 février.
On annonce de Naples la mort de M. Staz-
zera, qui avait autrefois servi de pilote à ïa
fameuse expédition des Mille de Garibaldi.
M. Stazzera avait quatre-vingt-dix ans.
CRISPI CHEZ BISMARCK
Rome, 12 février. — Le comte Herbert de
Bismarck a invU. M. Crispi, de la, part du
prince son père, à tenir se reposer à Fried-
richsruh. M. Crispi a promis de se rendre a,
cette invitation dès quq ses affaires seront
arrangées.
LES
ERREURS JUDICIAIRES
ET LEURS CAUSES
A PROPOS DE L'AFFAIRE YVAIN
Une organisation judiciaire vicieuse. —
231 affaires en six jours. — Audien-
ces et jugements à la vapeur. —
Comment on expédie un in-
nocent. — Une réforme.
La terrible erreur judiciaire dont l'em-
ployé de commerce Emile Yvain a été vic-
time occasionne depuis deux jours dans la
presse un véritable déchaînement de chro-
niques, graves ou badines, mais toutes in-
quiètes. Chacun tient à dire,à sa façon, son
mot sur cette petite catastrophe d'ordre
privé, qui nous émeut tous très vivement,
parce que tous nous pouvons être demain
victimes d'une semblable injustice.
La question doctrinale, si l'on peut ainsi
parler, de l'erreur judiciaire a été traitée
dimanche dernier dans le X/Xe Siècle. Nous
n'y reviendrons pas.
La responsabilité des erreurs judi-
ciaires.
Ce que nous allons essayer de démon-
trer, c'est que les erreurs judiciaires, avec
l'organisation vicieuse des rôles de la po
lice correctionnelle à Paris et le zèle intem-
pestif des magistrats, doivent fatalement se
produire et en fort grand nombre. Si l'on
n'en constate que quelques-unes de ci de
là, cela tient à ce qu'on n'ajoute pas foi
aux doléances des victimes, trop intéres-
sées dans leurs plaintëfc pour être prises au
sérieux. Mais on peut hardiment affirmer
que, pour une erreur judiciaire officielle-
ment établie, cinquante autres au moins
ont été commises qui sont restées ignorées.
C'est un peu là — si une telle comparaison
est permise en une aussi grave matière-
l'histoire des mensonges féminins, que l'on
ne découvre guère que dans la proportion
de un pour cent.
A qui incombe la responsabilité de ces
iniquités de la justice, qui, loin d'être le
salas civibu. des vieux textes latins, de-
vient ainsi la terreur des bons ci-
toyens ?
Tout d'abord à notre organisation judi-
ciaire à Paris, et ensuite et surtout aux
magistrats.
Pour tout le département de la Seine, il
n'existe que quatre chambres correction-
nelles, dont deux ne fonctionnent pas pen-
dant les vacances. C'est dire que les rôles
de ces chambres sont épouvantablement
surchargés d'affaires. Loin de se plaindre
de cette excessive quantité de procès à ju-
ger, les magistrats s'efforcent, afin de se
rendre agréables au parquet, et afin d'avoir
par suite de l'avancement, de se montrer sa-
tisfaits. Ils en sont quittes pour, au détri-
ment des justiciables, « expédier » les af-
faires avec une rapidité vertigineuse.
Petite statistique
Citons, à l'appui de nos affirmations,
quelques chiffres très suggestifs,et prenons,
à titre d'exemple, les rôles de la se chambre
de police correctionnelle pendant la semaine
dernière.
Nous y relevons les renseignements sui-
vants :
Affaires inscrites au rôle de la 8° chambre
du
Lundi a février 1891.4,. 53
Mardi 3 février 30
Mercredi h février 33
Jeudi 5 février 26
Vendredi 6 février 39
Samedi 7 février 50
Total. 331
Soit, au total, 231 affaires en six jours,
ce qui fait une moyenne approximative de
quarante affaires par chaque audience.
On sait que les audiences correction
nelles ouvrent, en fait, à midi et demi, et
qu'après une suspension d'une demi-
heure, entre deux heures et demie et trois
heures, elles sont généralement levées au
plus tard à cinq heures. Les magistrats siè-
gent donc quatre heures par jour. En ces
quatre heures, ils doivent expédier qua-
rante affaires, soit une affaire en six mi-
nutes !
Essayons de décomposer l'emploi de ces
six minutes :
1 minute pour les demandes et les ré-
ponses relatives aux nom et prénoms de
l'inculpé, à son âge, à sa profession et à son
domicile;
1 minute pour l'accomplissement de ces
mêmes formalités relativement à l'unique
témoin que nous supposons cité dans l'af-
faire ;
1 minute pour l'interrogatoire du pré-
venu sur les faits du proQès;
1 minute pour la déposition du témoin
sur ces mêmes faits ,
1 minute pour la délibération du tri-
bunal ;
1 minute pour le prononcé du juge-
ment, w1
Les audiences de flagrants délits
Est-ce que cette justice à la vapeur est sé-
rieuse? Est-ce qu'un jugement rendu dans
de pareilles conditions offre la moindre
garantie d'équité? Non, mille fois non.
C'est un tour de prestidigitation judiciaire
et rien autre chose. Et cependant, de ce
tour de prestidigitation exécuté en six mi-
nutes dépendent notre honneur. notre li-
berté et notre fortune! N'est-ce pas à don-
ner le frisson aux plus courageux? Com-
ment se défendre en un si court laps de
temps? Comment démontrer son inno-
cence?
A peine l'infortuné prévenu a-t"il ou-
vert la bouche pour présenter une explica-
tion, que la machine à juger se met en
branle et que des lèvres du président sor-
tent, avec une extrême rapidité, les paro-
les sacramentelles : « Attendu qu'il résulte
de l'instruction et des débats que. Par
ces motifs, condamne., etc., etc. »
Parfois le pauvre diable, étourdi, reste
atterré sur son banc, los yeux hébétés, la
bouche entr'ouverte, faisant effort pour
comprendre ce qui vient de se passer. Aus-
sitôt la voix indifférente, mais pressée du
président, se fait entendre :
— Gardes, emmenez-le !. A un autre !.
Et les mains brutales des gardes de Paris
s'abattent sur le misérable, secouent son
inertie et le contraignent à gagner vive-
ment la petite porte de sortie donnant sur
le couloir des chambres correctionnelles.
— Mais à quoi suis-je condamné? par-
vient quelquefois à demander le malheu-
reux qui s'est raccroché à la balustrade du
banc des prévenus et qui résiste aux gardes
le tirant à bras le corps.
— A un mois de prison, répond la voix
compatissante de l'huissier, momentané-
ment redevenu homme.
— Vous pouvez aller en appel ! ajoute le
président, qui, au risque de perdre son
temps, interrompt un moment le nouvel
interrogatoire, l'interrogatoire du a sui-
vant », déjà commencé.
Puis la machine à juger continue à fonc-
tionner et à. broyer.
Quelque invraisemblable qu'il paraisse,
ce tableau n'est pas chargé. Pour s'en con-
vaincre, il suffit d'assister à n'importe
quelle audience de flagrants délits.Au sortir
de là, on se passe la main sur le front et
on se demande, en frissonnant, si l'on ne
vient pas de faire un épouvantable cauche-
mar. Non, tout cela est réel, bien réel, hé-
las ! Et les auteurs de ces abominations sont
en général d'honnêtes gens, qui, sortis de la
salle d'audience, savent se montrer galants
avec leurs femmes, paternels avec leurs
enfants, obligeants et délicats avec leurs
amis. Ils ne sont inconsciemment terribles
que lorsqu'ils ont revêtu leur robe de
magistrats.
Le remède
Que faire pour rappeler ces braves gens,
dévoyés sous la toque, au respect de l'hon-
neur, de la liberté et de la fortune des jus-
ticiables ? Peu de chose. Faire une loi con-
damnant à des peines très sévères et à des
dommages-intérêts considérables envers
leurs victimes les magistrats qui, par im-
prudence, négligence ou inattention, auront
commis des erreurs judiciaires.
Quand ils se sentiront personnellement
responsables de leurs bévues, les juges se
montreront moins soucieux de complaire
au parquet, en expédiant à la vapeur qua-
rante affaires correctionnelles en quatre
heures d'audience. Ils examineront avec
tout le scrupule nécessaire en aussi grave
matière chacune des poursuites qui leur
seront déférées, sans jamais brusquer les
débats ni interrompre, comme inutiles, les
explications des prévenus.
A ce prix seulement on parviendra, si-
non à éviter complètement, du moins à ré-
duire considérablement les épouvantables
erreurs judiciaires qui, depuis quelque
temps, déconsidèrent la justice et jettent
l'effroi dans le cœur des honnêtes gens.
CHEZ M. YVAIN
Nous avons vu hier M. Yvain, qui nous
a donnésur son odyssée les renseignements
suivants :
« — Au mois d'août dernier, nous dit-il,
passant rue de la Gaitè, je me sentis tout
a coup empoigné par un sieur Valeix,
fruitier rue Campagne-Première.
« Ah! je vous reconnais! » s'écria-t-il, et
il appela un agent qui me mena au poste.
Là, Valeix m'accusa de lui avoir, au mois
de novembre 1889, escroqué trois francs
cinquante, que je lui aurais demandés pour
lui procurer un emploi imaginaire chez un
distributeur d'imprimés. En dépit de mes
protestations, je fus coffré.
L'instruction
A l'instruction, dirigée par M. Albanel,
Valeix amena son concierge, M. Caron, M.
Redon, marchand de vin, alors rue de
Fleurus, aujourd'hui rue Maillet, et M. Ma-
zuel, marchand de vin rue Vercingétorix.
Les trois témoins déclarèrent d'abord me
reconnaître.
D'après eux, je m'étais présenté chez Re-
don pour lui demander de m'indiquer un
homme ayant besoin d'ouvrage. Celui-ci
m'aurait donné l'adresse de Valeix, que
j'aurais rencontré chez Mazuel après l'a-
voir vainement cherché chez lui.
Notez que depuis l'époque de mon pré-
tendu méfait, j'avais complètement changé
la coupe de ma barbe et de mes cheveux.
De plus Engel, le vrai coupable qui vient
d'être condamné, ne me ressemble en au-
cune façon : il a dix ans de plus que moi ;
j'en ai 25, il en a 35.
Pressés par le juge, les témoins finirent
par déclarer qu'ils n'étaient plus certains
de me reconnaître. Seul, Vaieix maintint
son affirmation.
M. Albanel se trouva donc dans l'impos-
sibilité de rendre une ordonnance de non-
lieu.
Il me fit mettre en liberté provisoire,
mais j'avais déjà passé neuf jours à Mazas.
Au tribunal
Le corps du délit était constitué par un
reçu des 3 fr. 50 qu'Engel avait remis à Va-
leix et signé du nom de Régnier.
Ce reçu était au dossier.
Je n'avais pu me payer d'avocat, mais,
d'après les conseils qu'avait bien voulu me
donner le juge d'instruction, je demandai
au tribunal d'ordonner une vérification
d'écriture. Ma demande fut rejetée.
Ceci se passait devant la 96 chambre, la
chambre de M. Toutée,
Les témoins,qui avaient hésité à l'instruc-
tion, redevinrent aussi affirmatifs que Va-
leix, et comme j'avais fini par me défendre
avec une certaine vivacité, on m'octroya
quatre mois de prison.
Le jugement fut confirmé en appel. J'ob-
tins plusieurs sursis, mais si Engel n'était
pas venu se livrer lui-même au commis-
saire de police, qui refusait de l'arrêter
parce qu'il ne le trouvait pas assez vaga-
bond, je serais à Mazas depuis quinze
jours.»
Chez M. Caron
En sortant de chez M. Yvain, nous som-
mes allé trouver M. Caron, concierge de
M. Valeix, qui a protesté hautement de sa
bonne foi et nous a du reste fait l'effet d'un
fort brave homme. Comme nous lui de-
mandions s'il avait vu souvent M. Yvain :
«— Une seule fois, nous a-t-il répondu :
le jour où il est venu pour voir Valeix. Il
s'est arrêté à la porte de la loge pour me
demander à quel étage il devait monter, et
je l'ai vu moins bien que jo ne vous vois en
ce moment."
Et lorsque cet homme est venu au bout
de quinze mois déclarer qu'il reconnaissait
Yvain, la ge chambre a trouvé son témoi-
gnage suffisant pour prononcer une con-
damnation.
Le parquet va commencer la procédure
qui doit aboutir à la revision du procès.
Mais cela n'empêche pas le malheureux
Yvain d'avoir passé huit jours à Mazas.
Sans compter les souffrances morales qu'il
a endurées depuis le commencement de
cette malheureuse affaire, il s'est vu privé
de l'emploi qu'il occupait chez son patron.
Il se trouve. aujourd'hui dans le plus
complet dénûment, et avant qu'il ait pu
obtenir l'assistance judiciaire pour récris
mer des dommages-intérêts aux témoins
qui l'ont fait condamner avec r^e si par-
faite maestria, il s'écoulera plusieurs mois.
La ~, justice est décidément une belle
chosel
L'ENLÈVEMENT DE MARAT
M. Fresneau a reçu satisfaction. —
Marat a quitté Montsouris. — Inter-
pellation au conseil municipal
et à la Chambre.
On se rappelle qu'il y a quelques jours,
M. Fresneau, interpellant le gouvernement
sur l'interdiction de Thermidor, se plai-
gnait vivement de ce que le même gouver-
nement eût autorisé l'érection d'une statue
de Marat dans le parc Montsouris.
On contesta d'abord l'existence de la sta-
tue ; mais, M. Fresneau déclarant avec une
énergie peu commune aux sénateurs qu'il
l'avait bel et bien vue sur son socle, ses
contradicteurs se bornèrent à répon-
dre que si la statue existait, c'était à l'insu
du gouvernement qui, seul, peut autoriser
l'érection d'un monument de ce genre.
Chose curieuse, le Marat du parc Mont-
souris, si peu connu dans le monde politi-
que, fut cependant, le 15 juin 1883, la cause
d'une séance mouvementée au conseil mu-
nicipal.
Nos édiles n'étaient pas tous partisans
de l'achat de la statue, dont l'auteur est,
on le sait, Jean Baffier, le même qui grati-
fia d'un coup de canne à épée le ventre de
M. Germain Casse, alors député de la Seine,
et la discussion fut surtout orageuse parce
qu'il était non seulement question d'ache-
ter à M. Baffier son œuvre, mais encore de
l'ériger dans une promenade publique.
Les partisans de l'érection eurent néan-
moins gain de cause. La statue fut achetée
pour 5,000 francs, on paya A,600 francs la
fonte du bronze, et en 1885 le Marat prit
place sur un socle de marbre au milieu de
la grande pelouse qui fait face à l'obser-
vatoire municipal.
Il est enlevé!
L'interpellation de M. Fresneau au Sénat
a eu ce résultat que le Afarat du parc Mont-
souris gît aujourd'hui mélancoliquement
au dépôt des marbres de la Ville de Paris.
Mercredi, vers quatre heures du soir, l'en-
trepreneur chargé par la Ville de mettre
en place les œuvres d'art qui ornent no'
promenades publiques est arrivé au parc
de Montsouris, suivi d'un camion et de
quatre ouvriers.
Il n'y avait pas une âme à ce moment
dans le parc. Silencieusement, les hommes
se sont mis à l'œuvre; en une heure, le
Marat fut déboulonné et, à six heures, s'é-
talait à sa place, sur le même socle, un peu
trop petit pour le nouveau monument, une
Lionne luttant contre un serpent, du sculp-
teur Caïn.
Silencieusement aussi, camion et ouvriers
s'en allèrent, et, comme nous venons de le
dire, le Marat fut remisé au dépôt des
marbres où, chose amusante, on peut voir
un buste en marbre de M. Jules Ferry.
C'est par ordre de la préfecture de la
Seine que l'enlèvement a été effectué. M.
Poubelle lui-même avait reçu à cet égard
les instructions de M. Constans.
Les partisans du « bloc »
Parmi les conseillers municipaux l'émo-
tion est très grande, et le 23 février pro-
chain, date de la reprise des travaux, il y
aura une séance orageuse. MM. Levraud et
Hattat qui soutinrent jadis vigoureuse-
ment le projet d'érection, se proposent en
effet d'interpeller le préfet de la Seine sur
l'incident que nous venons de raconter.
On nous affirme, d'autre part, que MM.
Hovelacque et Jacques, anciens conseillers
municipaux, interpelleront M. le ministre
de l'intérieur sur la décision qu'il a cru de-
voir prendre au sujet du Marat de Baffler.
50 0/0 DE REVENU
Un gendarme fin de siècle. — Le mu-
tisme du fonctionnaire de la
chancellerie. — Protestation
du député.
A-t-on jamais vu un des trop nombreux
financiers qui escroquent l'argent du pau-
vre monde en lui promettant des revenus
fantastiques de 30, hO ou 50 0/0 finir autre-
ment qu'en prenant le rapide de Bruxelles
comme Mary-Raynaud ou le chemin de
Mazas comme Brodet et tant d'autres?
Non, n'est-ce pas?
Peut-on, sans se rendre coupable de doi
et de vol, demander des capitaux au pu-
blic en lui promettant de faire produire à
ces capitaux 50 0/0 de revenu sans spécula-
tion et sans risque?
Non encore, évidemment.
Eh bien, il y a quelqu'un qui répond oui
à cette double question, et ce quelqu'un est
un homme dont la profession consiste à
« garantir la propriété » et à arrêter les vo-
leurs. C'est un bon gendarme : c'est le co-
lon el Ellie, ex-commandant militaire de la
Chambre des députés.
A la suite de l'article que nous avons pu-
blié hier sur la Caisse syndicale de l'union,
deux de nos confrères du soir sont allés
l'interviewer et il leur a déclaré qu'il con-
sidérait les directeurs de cette caisse mer-
veilleuse comme les plus honnêtes gens du
monde.
Il est enchanté de voir son nom figurer
sur leurs prospectus.
N'est-il pas tout à fait fin de siècle, ce
colonel de gendarmerie qui couvre de son
uniforme une entreprise dont l'unique but
est de détrousser les gogos ?
Quant au gendarme de la Nièvre, le chef
d'escadron Menu, il n'a pas encore donné
signe de vie. Il est donc encore permis
d'espérer qu'il y regardera à deux fois
avant de se ranger décidément, avec son
camarade le colonel Ellie, du côté des vo-
leurs.
Le rédacteur au ministère de la justice
n'a pas bougé non plus. Qu'attend-il ?A-t-il
reçu de M. Fallières l'autorisation de se
faire le complice des financiers de l'école
Mary-Raynaud ?
Par contre, le député que la « Caisse syn-
dicale de l'union » faisait figurer en tête de
ses références nous adresse la lettre sui-
vante :
Paris, le février 1891.
Monsieur le rédacteur en chef
du XIX9 Siècle.
Dans votre numéro d'aujourd'hui, vous
m'indiquez comme référence à la Caisse de
l'union syndicale 52, rue du Faubourg-Mont-
martre.
J'ai l'honneur de vous informer que je n'ai
nullement autorisé les directeurs de cette en-
treprise financière, dont je ne connais pas les
opération». donner mon nom, soit pour ren-
seignements, soit pour recommandations.
Je compte, monsieur le rédacteur, sur votre
loyauté pour insérer cette rectification dans
votre prochain numéro, et vous prie d'ai!
l'expression de mes sentiments distingues.
A. MARÉCHAL, député,
21, rue Balzac.
l -Enfiple directeur de la «Ca,'âse svadicale
de l'union » nous adresse une lettre dont it
a le toupet de nous demander l'insertion
et dans laquelle il vante la correction de
ses opérations.
Naturellement,nous n'insérerons pas sans
y être contraints et forcés cette réclame ect-
faveur d'une entreprise que nouscousidéJ
rons comme une escroquerie. -'
LE CAS DE M. LAHENS
Aux courses de Pau. — Performances
bizarres. — Disqualification
probable.
Il s'est passé aux dernières courses dé
Pau un incident qui fait grand bruit dans
le monde du sport.
Un propriétaire parisien très connu, AFJ
J. Lahens, avait engagé dans un prix dei
minime importance une jument lui appar-
tenant, Hollandaise, que l'on savait perti-
nemment avoir été préparée pour le Grand-
Prix de Pau, à courir huit jours plus tard.
Elle fut battue par la Rencluse, autre ju-
ment très médiocre et habituée des prix
à réclamer.
Les commissaires de Pau trouvèrent cette
défaite très suspecte et infligèrent à M.
Lahens un avertissement.
Les faits en seraient certainement restésf
là si Hollandaise n'avait gagné, assez facil
lement, huit jours plus tard, le grand steoy
ple-chase de 10,000 francs. -
Les commissaires palois trouvèrent cette
victoire fâcheuse et adressèrent au comité
de la Société des steeples-chases de Franco
une demande d'insertion au Bulletin offi-
ciel du blâme qu'ils avaient infligé au pro-
priétaire d'Hollandaise.
Si nos renseignements sont exacts, le co-
mité des steeples-chases qui s'est réuni
hier, aurait pris contre M. Lahens une me-
sure beaucoup plus sévére et prononcé
sa disqualification sur tous les champs do
courses qui sont sous la juridiction des
steeples-chases de France.
Si réellement la disqualification est un
fait accompli, elle sera insérée au Bulletin
officiel d'aujourd'hui et ne manquera pas
de causer une vive émotion parmi les ha.
bitués des champs de courses, qui se rap-
pelleront certainement les stupéfiantes vic
toires de certains autres chevaux, tels qudl
Séduisant et Module, qui appartenaient éga
lement à M. Lahens, que les programmes
de courses qualifiaient toujours de comtei
Lahens.
ÉPOUVANTABLE CATASTROPHE
Québec, 12 février. — Une terrible explosion
s'est produite ce matin dans la fabrique dow
laine Haré, à Point, où une chaudière a
éclaté.
Trente cadavre ont été retrouvés.
LAVIEMPARIS
Cette affaire de Thermidor n'en finira
donc pas? Voici que j'apprends, par les
journaux, qu'une pétition est en train de
se signer parmi les auteurs dramatiques,
critiques et gens de lettres, demandant
la revision du fameux décret de Moscou
qui régit la Comédie-Française, particu-
lièrement en ce qui concerne le comité
de lecture. On m'assure que l'un des pre-
miers signataires serait M. de Goncourt,
ce qui m'étonne. Arrivant à cette heure,
en effet, la pétition en question paraît
contenir un blâme implicite contre la ré..,
ception de Thermidor. Ce n'est peut-être
pas la pensée de ceux qui la signeront
mais il faut bien qu'ils sachent qu'on
l'interprétera ainsi dans le public, non
sans apparence de raison. Or, M. de Gon-
court a écrit, sous le titre la Patrie cm,-
danger, un drame fort remarquable qu'il.
n'eût pas blâmé la Comédie-Française da:
jouer, et qui est tout à fait conçu dans le
même esprit que Thermidor.
Quoi qu'il en soit, cette pétition fera
du bruit dans le. Landerneau dramatique.
Un journal du matin a eu l'idée d'inter-
roger à ce propos un certain nombre de
personnages fort importants : M. Auguste
Vacquerie, M. Arsène Houssaye, M. Got,
M. Claretie lui-même. Cette petite en-
quête ne manque pas d'intérêt. Elle peut
avoir pour résultat de rectifier les idées
qu'on se fait, dans la foule, sur le fonc-
tionnement de la Comédie. Tout d'abord,
le décret de Moscou, s'il reste la charte,
de la Comédie, est une charte qui a été
reçue à corrections, comme on dit dans la
maison, et à qui — ce qui est plus rare —
les corrections ont .été faites. Les fonc-
tions d'administrateur général de la Co-
médie, par exemple, non prévues par le
décret, ont été définitivement réglées eaL
1850. Pour le comité de lecture lui-même,'
il a déjà subi des modifications dans la
genre de celles que paraissent souhaitée,
les pétitionnaires. Sous le règne de LOUlS
Philippe, la Comédie ayant été fort atta-
quée à l'occasion des pièces de son réper-
toire, et de celles qu'elle jouait et de celles
qu'elle ne jouait pas — comme aujour-*
d'hui — on adjoignit aux comédiens due
comité de lecture quatre membres de
l'Institut. L'essai ne réussit pas. Les aca-
démiciens, fort ennuyés de la besvt;lile ou
inquiets de la responsabilité à prendre,
ne vinrent bientôt plus aux réunions du;
comité, et l'idée qu'on avait eue de les y
adjoindre tomba rapidement en désuet
tude.
La vraie situation de la Comédie-Fran-
çaise a été exposée avec beaucoup de
netteté par M. A. Vacquerie particuliè-
rement. La Comédie appartient aux so
ciétaires associés. Elle constitue une pro-
priété dont ils ne peuvent être dépouillés
et qui ne peut prendre fin que par un
acte unanime de leurs volontés. Voilà un
fait avec lequel il faut d'abord compter.
En échange de cette constitution d'une
propriété, qui comporte des privilèges,
en échange de la salle et de la subven-
tion qu'il donne, l'Etat a imposé certaines
charges à la Comédie. Il peut réquisition-
ner" messieurs les comédiens ordinaires ";
il peut - je n'ai pas le texte sous les
yeux, mais je crois ne pas me tromper —,
exiger un certain nombre de représenta-
tions des classiques ; enfin, il nomme un
administrateur. C'est sur le rôle de cet
administrateur que peut s'engager le dé-
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DEMAIN
Le XIX* SIÈCLE
Commencera la publiation d'un grand
roman-feuilleton
GOMME DANS LA VIE
PAR ALBERT DELPIT
Elire Consenateurs
Le dialogue continue entre M. Piou
et M. d'Haussonville, ou plutôt la con-
versation tend à devenir générale en-
tre les constitutionnels et les royalistes
intransigeants, car un certain nombre
de voix viennent se joindre à celle de
M. Piou. Simple effet du hasard assu-
rément — mais le hasard est parfois
bien spirituel—la plupart de ces néo-
constitutionnels briguent en ce mo-
ment un siège de député ou de séna-
teur, et ce n'est pas dans les program-
mes des candidats de droite qu'une
longue expérience nous a appris qu'il
convenait de chercher l'expression des
pensées intimes. Si la République n'a-
vait d'autres adversaires que ceux qui
l'ont combattue pendant la période
électorale, il y a longues années que
la forme du gouvernement ne serait
plus en question et que, au lieu de la
constante obligation où nous nous
trouvons de nous défendre contre des
adversaires cachés sous tous les dé-
guisements et derrière tous les mas-
ques, nous pourrions procéder à l'or-
ganisation démocratique que nous
sommes sans cesse contraints d'a-
journer.
Laissons donc les candidats de
droite faire leurs déclarations ordi-
naires, leur donner même plus de pré-
cision que par le passé, sans les pren-
dre trop au pied de la lettre. Depuis
si longtemps qu'ils se bornaient à dire
qu'ils ne voulaient pas renverser le
régime établi, mais l'améliorer, ils ont
peut-être fini par penser que cette
formule avait perdu toute vertu et
qu'il fallait la remplacer par une au-
tre plus énergique. Mais que valent
ces affirmations? Que valent même les
périodes savantes de M. Piou, recelant
les réserves implicites que nous signa-
lions hier? Tous ces hommes étaient,
il y a bien peu de temps encore, com-
me le rappelle M. Paul de Cassagnac,
parmi ceux qui prirent part au mou-
vement boulangiste, et « ce n'est pas
leur faute si cette constitution, à la-
quelle ils se rallient respectueusement
aujourd'hui, n'est pas à pourrir dans
le grand t égout collecteur ». M. Piou
n'était-il pas alors l'un des membres
de ce comité des Douze qui, sous la
direction de M. de Mackau, préparait
la « trouée »? La contradiction entre
l'attitude d'hier et celle d'aujourd'hui
ne laisse pas d'être forte, etM. d'Haus-
sonville a quelque raison de s'étonner
de cette « conversion rapide Y).
Le mot de conversion peut, d'ail-
leurs, paraître un peu exagéré, car
nous ne sommes pas seuls à trouver
que les idées exprimées par M. Piou
sont exactement celles de toute la
droite, et le Journal des Débats décline
en ces termes l'alliance que les nou-
veaux constitutionnels ne lui propo-
sent pas : « La fraction même la plus
modérée du parti républicain actuel
ne se trouvera sans doute pas d'ac-
cord avec M. Piou sur un programme
qui, — la question constitutionnelle à
part, — lui est commun avec les amis
de M. d'Haussonville. »
Mais M. d'Haussonville est moins
bien fondé à opposer sa propre cons-
tance à l'humeur variable de son in-
terlocuteur. En votant la Constitution
de 1875, les monarchistes, dont fut M.
d'Haussonville,ont fait exactement ce
que M. Piou essaie de faire aujour-
d'hui. Ils reconnaissaient qu'il leur
était impossible de faire la monar-
chie. L'Assemblée nationale, — c'est
M. d'Haussonville lui-même qui le dit,
— « n'avait donc plus qu'à se dissou-
dre, appelant le pays à nommer une
nouvelle assemblée unique et consti-
tuante, où le parti monarchique au-
rait été écrasé entre le radicalisme et
l'empire Y). Les monarchistes de l'As-
semblée nationale préférèrent se faire
eux-mêmes constituants et, acceptant
la République qui était le gouverne-
ment de fait, établir une constitution
contenant « un certain nombre de ga-
ranties conservatrices". Us le firent,
t — nous n'en avons jamais douté et
M. d'Haussonville nous le répète, —
sans donner à la République « aucune
adhésion, ni de cœur ni des lèvres »,
et ils cherchèrent à faire une transac-
tion entre leurs sentiments et les né-
cessités en stipulant que la constitu-
tion serait ci perpétuellement révisa-
ble à la simple majorité des voix, non'
seulement dans ses dispositions acces-
soires, mais dans son principe, »
Cette clause a disparu. Le gouver-
nement de fait est devenu le gouver-
nement de droit. Mais, est-ce par suite
de cette modification c"-,û lp." conser-
vateurs sont devenus les adversaires
de la République ? En aucune façon.
Ils n'avaient pas attendu la revision
de 188A pour tenter de changer vio-
lemment la forme du gouvernement,
et M. d'Haussonville, qui se vante
d'avoir voulu « réserver l'avenir »,
ne paraît pas croire lui-même beau-
coup au reproche qu'il adresse à
M. Piou de « vouloir l'engager », car
il se dit certain que, « sachant de
quel côté sont les sympathies vérita-
bles » de son contradicteur, ils se re-
trouveront d'accord. Une seule réponse
pourrait dire si les espérances de M.
d'Haussonville sont chimériques. Dans
le cas où les conservateurs devien-
draient assez nombreux dans les deux
Chambres pour que l'adoption d'une
proposition de revision de l'article 8,
servant de préface à une revision du
« principe » même de la constitution,
fût subordonnée au vote des néo-cons-
constitutionnels, M. Piou voterait-il
pour ou contre cette proposition? La
réponse à cette question serait déci-
sive. Mais nous serions surpris que
M. Piou la fît, car, ainsi que nous le
disions hier, son adhésion à la Répu-
blique est affaire de circonstance et
non de conviction, et, pas plus que M.
d'Haussonville lui-même, il ne se sou-
cie vraisemblablement d'engager l'a-
venir.
LA aUESTION ALGÉRIENNE
Nos lecteurs connaissent la question :
les articles de notre collaborateur M. de
Lanessan, le rapport de M. Pauliat que
nous avons longuement analysé, la note
que nous avons récemment publiée tou-
chant la démission de M. Tirman, gouver-
neur général de l'Algérie, actuellement en
route pour venir fournir des explications
au gouvernement, les ont mis au courant
du débat qui divise notre grande colonie
et qui peut ainsi se résumer : budget spé-
cial pour l'Algérie ou rattachement à la
métropole.
L'affaire va être portée à la tribune du
Sénat. M. Dide a demandé hier à interpel-
ler le gouvernement sur la « situation ac-
tuelle » de l'Algérie. Aujourd'hui même,
le Sénat fixera la date à laquelle sera dis-
cutée cette interpellation.
C'est un gros débat qui va s'engager, dont
la conclusion et les conséquences peuvent
être considérables pour notre colonie.
MM. Mauguin et Pauliat prendront la pa-
pole, et leur intervention ne sera pas la
partie la moins intéressante de la discus-
sion; M. Jules Ferry peut-être, lui aussi,
qui disait hier: «Si on met en cause ma po-
litique coloniale, j'interviendrai dans le
débat » ; d'autres orateurs encore.
LES CHANGEMENTS
DANS L'ÉTAT-MAJOR ALLEMAND
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTÏCUUBB)
Berlin, 12 février.
D'après certains bruits en cours au casino
des officiers, l'empereur Guillaume aurait
arrêté, comme un principe d'administration
militaire, la suppression de la continuité,
chez le même titulaire, de la direction de
l'état-major général, et l'adoption, comme
règle, du principe que les officiers chargés
de cette direction ne pourraient pas la gar-
der plus de trois ans. Son intention serait
de constituer ainsi à la tête de l'armée tout
un groupe de spécialistes rompus aux
moindres secrets ressorts du maniement
de l'état-major et capables, en temps de
guerre, de remplacer par la somme de leurs
mérites respectifs l'homme de génie qui a
procuré tant de victoires à l'Allemagne.
Il paraîtrait que c'est le général Caprivi
qui a engagé l'empereur à choisir le comte
de Schlieffen plutôt que le général de Wit-
tich pour remplacer le général de Wal-
dersee. M. de Witich étant l'adversaire dé-
claré de ce dernier, sa nomination eut pu
passer pour un affront gratuitement infligé
au chef sortant de l'état-major.
UNE ERREUR DU TÉLÉGRAPHE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rome, 12 février. — Le télégraphe rectifie
l'omission de trois mots qu'il a faito dans une
dépêche d'hier soir et qui en changent le
sens.
Ce n'est pas M. Vincenzo Tittoni, député de
Rome, qui est mort; il va être nommé sous-
secrétaire d'Etat au ministère de l'agriculture
et se porte à merveille.
C'est M. Mosca, ancien député, qui est mort
subitement.
1—BBM————TJ
SUICIDE ET DUEL MORTEL A BERLIN
(D3 NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Berlin, 12 février.
Un des employés du palais impérial,
soupçonné d'avoir trempé dans le trafic des
informations vendues à certains journaux,
se serait brûlé la cervelle lundi, pour
échapper à des poursuites judiciaires dont
il était menacé. C'était le premier valet de
chambre attaché à la maison impériale.
Dans la même journée, les cercles mili-
taires de Berlin ont été vivement émus par
la nouvelle de l'issue fatale d'un duel entre
deux officiers supérieurs de la garnison de
Berlin.
A la suite d'une discussion très vive au
sujet de la retraite du- comte de Waldersee,
l'un d'eux, le major von Heiden, avait en-
voyé ses témoins à l'autre officier, le baron
de C. A la première balle, tirée à une dis-
tance de quinze pas, le baron de C. est
tombé frappé à la gorge. Le major von
Heiden s'est constitué prisonnier.
MORT DU PILOTE DES MILLE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Rome, 12 février.
On annonce de Naples la mort de M. Staz-
zera, qui avait autrefois servi de pilote à ïa
fameuse expédition des Mille de Garibaldi.
M. Stazzera avait quatre-vingt-dix ans.
CRISPI CHEZ BISMARCK
Rome, 12 février. — Le comte Herbert de
Bismarck a invU. M. Crispi, de la, part du
prince son père, à tenir se reposer à Fried-
richsruh. M. Crispi a promis de se rendre a,
cette invitation dès quq ses affaires seront
arrangées.
LES
ERREURS JUDICIAIRES
ET LEURS CAUSES
A PROPOS DE L'AFFAIRE YVAIN
Une organisation judiciaire vicieuse. —
231 affaires en six jours. — Audien-
ces et jugements à la vapeur. —
Comment on expédie un in-
nocent. — Une réforme.
La terrible erreur judiciaire dont l'em-
ployé de commerce Emile Yvain a été vic-
time occasionne depuis deux jours dans la
presse un véritable déchaînement de chro-
niques, graves ou badines, mais toutes in-
quiètes. Chacun tient à dire,à sa façon, son
mot sur cette petite catastrophe d'ordre
privé, qui nous émeut tous très vivement,
parce que tous nous pouvons être demain
victimes d'une semblable injustice.
La question doctrinale, si l'on peut ainsi
parler, de l'erreur judiciaire a été traitée
dimanche dernier dans le X/Xe Siècle. Nous
n'y reviendrons pas.
La responsabilité des erreurs judi-
ciaires.
Ce que nous allons essayer de démon-
trer, c'est que les erreurs judiciaires, avec
l'organisation vicieuse des rôles de la po
lice correctionnelle à Paris et le zèle intem-
pestif des magistrats, doivent fatalement se
produire et en fort grand nombre. Si l'on
n'en constate que quelques-unes de ci de
là, cela tient à ce qu'on n'ajoute pas foi
aux doléances des victimes, trop intéres-
sées dans leurs plaintëfc pour être prises au
sérieux. Mais on peut hardiment affirmer
que, pour une erreur judiciaire officielle-
ment établie, cinquante autres au moins
ont été commises qui sont restées ignorées.
C'est un peu là — si une telle comparaison
est permise en une aussi grave matière-
l'histoire des mensonges féminins, que l'on
ne découvre guère que dans la proportion
de un pour cent.
A qui incombe la responsabilité de ces
iniquités de la justice, qui, loin d'être le
salas civibu. des vieux textes latins, de-
vient ainsi la terreur des bons ci-
toyens ?
Tout d'abord à notre organisation judi-
ciaire à Paris, et ensuite et surtout aux
magistrats.
Pour tout le département de la Seine, il
n'existe que quatre chambres correction-
nelles, dont deux ne fonctionnent pas pen-
dant les vacances. C'est dire que les rôles
de ces chambres sont épouvantablement
surchargés d'affaires. Loin de se plaindre
de cette excessive quantité de procès à ju-
ger, les magistrats s'efforcent, afin de se
rendre agréables au parquet, et afin d'avoir
par suite de l'avancement, de se montrer sa-
tisfaits. Ils en sont quittes pour, au détri-
ment des justiciables, « expédier » les af-
faires avec une rapidité vertigineuse.
Petite statistique
Citons, à l'appui de nos affirmations,
quelques chiffres très suggestifs,et prenons,
à titre d'exemple, les rôles de la se chambre
de police correctionnelle pendant la semaine
dernière.
Nous y relevons les renseignements sui-
vants :
Affaires inscrites au rôle de la 8° chambre
du
Lundi a février 1891.4,. 53
Mardi 3 février 30
Mercredi h février 33
Jeudi 5 février 26
Vendredi 6 février 39
Samedi 7 février 50
Total. 331
Soit, au total, 231 affaires en six jours,
ce qui fait une moyenne approximative de
quarante affaires par chaque audience.
On sait que les audiences correction
nelles ouvrent, en fait, à midi et demi, et
qu'après une suspension d'une demi-
heure, entre deux heures et demie et trois
heures, elles sont généralement levées au
plus tard à cinq heures. Les magistrats siè-
gent donc quatre heures par jour. En ces
quatre heures, ils doivent expédier qua-
rante affaires, soit une affaire en six mi-
nutes !
Essayons de décomposer l'emploi de ces
six minutes :
1 minute pour les demandes et les ré-
ponses relatives aux nom et prénoms de
l'inculpé, à son âge, à sa profession et à son
domicile;
1 minute pour l'accomplissement de ces
mêmes formalités relativement à l'unique
témoin que nous supposons cité dans l'af-
faire ;
1 minute pour l'interrogatoire du pré-
venu sur les faits du proQès;
1 minute pour la déposition du témoin
sur ces mêmes faits ,
1 minute pour la délibération du tri-
bunal ;
1 minute pour le prononcé du juge-
ment, w1
Les audiences de flagrants délits
Est-ce que cette justice à la vapeur est sé-
rieuse? Est-ce qu'un jugement rendu dans
de pareilles conditions offre la moindre
garantie d'équité? Non, mille fois non.
C'est un tour de prestidigitation judiciaire
et rien autre chose. Et cependant, de ce
tour de prestidigitation exécuté en six mi-
nutes dépendent notre honneur. notre li-
berté et notre fortune! N'est-ce pas à don-
ner le frisson aux plus courageux? Com-
ment se défendre en un si court laps de
temps? Comment démontrer son inno-
cence?
A peine l'infortuné prévenu a-t"il ou-
vert la bouche pour présenter une explica-
tion, que la machine à juger se met en
branle et que des lèvres du président sor-
tent, avec une extrême rapidité, les paro-
les sacramentelles : « Attendu qu'il résulte
de l'instruction et des débats que. Par
ces motifs, condamne., etc., etc. »
Parfois le pauvre diable, étourdi, reste
atterré sur son banc, los yeux hébétés, la
bouche entr'ouverte, faisant effort pour
comprendre ce qui vient de se passer. Aus-
sitôt la voix indifférente, mais pressée du
président, se fait entendre :
— Gardes, emmenez-le !. A un autre !.
Et les mains brutales des gardes de Paris
s'abattent sur le misérable, secouent son
inertie et le contraignent à gagner vive-
ment la petite porte de sortie donnant sur
le couloir des chambres correctionnelles.
— Mais à quoi suis-je condamné? par-
vient quelquefois à demander le malheu-
reux qui s'est raccroché à la balustrade du
banc des prévenus et qui résiste aux gardes
le tirant à bras le corps.
— A un mois de prison, répond la voix
compatissante de l'huissier, momentané-
ment redevenu homme.
— Vous pouvez aller en appel ! ajoute le
président, qui, au risque de perdre son
temps, interrompt un moment le nouvel
interrogatoire, l'interrogatoire du a sui-
vant », déjà commencé.
Puis la machine à juger continue à fonc-
tionner et à. broyer.
Quelque invraisemblable qu'il paraisse,
ce tableau n'est pas chargé. Pour s'en con-
vaincre, il suffit d'assister à n'importe
quelle audience de flagrants délits.Au sortir
de là, on se passe la main sur le front et
on se demande, en frissonnant, si l'on ne
vient pas de faire un épouvantable cauche-
mar. Non, tout cela est réel, bien réel, hé-
las ! Et les auteurs de ces abominations sont
en général d'honnêtes gens, qui, sortis de la
salle d'audience, savent se montrer galants
avec leurs femmes, paternels avec leurs
enfants, obligeants et délicats avec leurs
amis. Ils ne sont inconsciemment terribles
que lorsqu'ils ont revêtu leur robe de
magistrats.
Le remède
Que faire pour rappeler ces braves gens,
dévoyés sous la toque, au respect de l'hon-
neur, de la liberté et de la fortune des jus-
ticiables ? Peu de chose. Faire une loi con-
damnant à des peines très sévères et à des
dommages-intérêts considérables envers
leurs victimes les magistrats qui, par im-
prudence, négligence ou inattention, auront
commis des erreurs judiciaires.
Quand ils se sentiront personnellement
responsables de leurs bévues, les juges se
montreront moins soucieux de complaire
au parquet, en expédiant à la vapeur qua-
rante affaires correctionnelles en quatre
heures d'audience. Ils examineront avec
tout le scrupule nécessaire en aussi grave
matière chacune des poursuites qui leur
seront déférées, sans jamais brusquer les
débats ni interrompre, comme inutiles, les
explications des prévenus.
A ce prix seulement on parviendra, si-
non à éviter complètement, du moins à ré-
duire considérablement les épouvantables
erreurs judiciaires qui, depuis quelque
temps, déconsidèrent la justice et jettent
l'effroi dans le cœur des honnêtes gens.
CHEZ M. YVAIN
Nous avons vu hier M. Yvain, qui nous
a donnésur son odyssée les renseignements
suivants :
« — Au mois d'août dernier, nous dit-il,
passant rue de la Gaitè, je me sentis tout
a coup empoigné par un sieur Valeix,
fruitier rue Campagne-Première.
« Ah! je vous reconnais! » s'écria-t-il, et
il appela un agent qui me mena au poste.
Là, Valeix m'accusa de lui avoir, au mois
de novembre 1889, escroqué trois francs
cinquante, que je lui aurais demandés pour
lui procurer un emploi imaginaire chez un
distributeur d'imprimés. En dépit de mes
protestations, je fus coffré.
L'instruction
A l'instruction, dirigée par M. Albanel,
Valeix amena son concierge, M. Caron, M.
Redon, marchand de vin, alors rue de
Fleurus, aujourd'hui rue Maillet, et M. Ma-
zuel, marchand de vin rue Vercingétorix.
Les trois témoins déclarèrent d'abord me
reconnaître.
D'après eux, je m'étais présenté chez Re-
don pour lui demander de m'indiquer un
homme ayant besoin d'ouvrage. Celui-ci
m'aurait donné l'adresse de Valeix, que
j'aurais rencontré chez Mazuel après l'a-
voir vainement cherché chez lui.
Notez que depuis l'époque de mon pré-
tendu méfait, j'avais complètement changé
la coupe de ma barbe et de mes cheveux.
De plus Engel, le vrai coupable qui vient
d'être condamné, ne me ressemble en au-
cune façon : il a dix ans de plus que moi ;
j'en ai 25, il en a 35.
Pressés par le juge, les témoins finirent
par déclarer qu'ils n'étaient plus certains
de me reconnaître. Seul, Vaieix maintint
son affirmation.
M. Albanel se trouva donc dans l'impos-
sibilité de rendre une ordonnance de non-
lieu.
Il me fit mettre en liberté provisoire,
mais j'avais déjà passé neuf jours à Mazas.
Au tribunal
Le corps du délit était constitué par un
reçu des 3 fr. 50 qu'Engel avait remis à Va-
leix et signé du nom de Régnier.
Ce reçu était au dossier.
Je n'avais pu me payer d'avocat, mais,
d'après les conseils qu'avait bien voulu me
donner le juge d'instruction, je demandai
au tribunal d'ordonner une vérification
d'écriture. Ma demande fut rejetée.
Ceci se passait devant la 96 chambre, la
chambre de M. Toutée,
Les témoins,qui avaient hésité à l'instruc-
tion, redevinrent aussi affirmatifs que Va-
leix, et comme j'avais fini par me défendre
avec une certaine vivacité, on m'octroya
quatre mois de prison.
Le jugement fut confirmé en appel. J'ob-
tins plusieurs sursis, mais si Engel n'était
pas venu se livrer lui-même au commis-
saire de police, qui refusait de l'arrêter
parce qu'il ne le trouvait pas assez vaga-
bond, je serais à Mazas depuis quinze
jours.»
Chez M. Caron
En sortant de chez M. Yvain, nous som-
mes allé trouver M. Caron, concierge de
M. Valeix, qui a protesté hautement de sa
bonne foi et nous a du reste fait l'effet d'un
fort brave homme. Comme nous lui de-
mandions s'il avait vu souvent M. Yvain :
«— Une seule fois, nous a-t-il répondu :
le jour où il est venu pour voir Valeix. Il
s'est arrêté à la porte de la loge pour me
demander à quel étage il devait monter, et
je l'ai vu moins bien que jo ne vous vois en
ce moment."
Et lorsque cet homme est venu au bout
de quinze mois déclarer qu'il reconnaissait
Yvain, la ge chambre a trouvé son témoi-
gnage suffisant pour prononcer une con-
damnation.
Le parquet va commencer la procédure
qui doit aboutir à la revision du procès.
Mais cela n'empêche pas le malheureux
Yvain d'avoir passé huit jours à Mazas.
Sans compter les souffrances morales qu'il
a endurées depuis le commencement de
cette malheureuse affaire, il s'est vu privé
de l'emploi qu'il occupait chez son patron.
Il se trouve. aujourd'hui dans le plus
complet dénûment, et avant qu'il ait pu
obtenir l'assistance judiciaire pour récris
mer des dommages-intérêts aux témoins
qui l'ont fait condamner avec r^e si par-
faite maestria, il s'écoulera plusieurs mois.
La ~, justice est décidément une belle
chosel
L'ENLÈVEMENT DE MARAT
M. Fresneau a reçu satisfaction. —
Marat a quitté Montsouris. — Inter-
pellation au conseil municipal
et à la Chambre.
On se rappelle qu'il y a quelques jours,
M. Fresneau, interpellant le gouvernement
sur l'interdiction de Thermidor, se plai-
gnait vivement de ce que le même gouver-
nement eût autorisé l'érection d'une statue
de Marat dans le parc Montsouris.
On contesta d'abord l'existence de la sta-
tue ; mais, M. Fresneau déclarant avec une
énergie peu commune aux sénateurs qu'il
l'avait bel et bien vue sur son socle, ses
contradicteurs se bornèrent à répon-
dre que si la statue existait, c'était à l'insu
du gouvernement qui, seul, peut autoriser
l'érection d'un monument de ce genre.
Chose curieuse, le Marat du parc Mont-
souris, si peu connu dans le monde politi-
que, fut cependant, le 15 juin 1883, la cause
d'une séance mouvementée au conseil mu-
nicipal.
Nos édiles n'étaient pas tous partisans
de l'achat de la statue, dont l'auteur est,
on le sait, Jean Baffier, le même qui grati-
fia d'un coup de canne à épée le ventre de
M. Germain Casse, alors député de la Seine,
et la discussion fut surtout orageuse parce
qu'il était non seulement question d'ache-
ter à M. Baffier son œuvre, mais encore de
l'ériger dans une promenade publique.
Les partisans de l'érection eurent néan-
moins gain de cause. La statue fut achetée
pour 5,000 francs, on paya A,600 francs la
fonte du bronze, et en 1885 le Marat prit
place sur un socle de marbre au milieu de
la grande pelouse qui fait face à l'obser-
vatoire municipal.
Il est enlevé!
L'interpellation de M. Fresneau au Sénat
a eu ce résultat que le Afarat du parc Mont-
souris gît aujourd'hui mélancoliquement
au dépôt des marbres de la Ville de Paris.
Mercredi, vers quatre heures du soir, l'en-
trepreneur chargé par la Ville de mettre
en place les œuvres d'art qui ornent no'
promenades publiques est arrivé au parc
de Montsouris, suivi d'un camion et de
quatre ouvriers.
Il n'y avait pas une âme à ce moment
dans le parc. Silencieusement, les hommes
se sont mis à l'œuvre; en une heure, le
Marat fut déboulonné et, à six heures, s'é-
talait à sa place, sur le même socle, un peu
trop petit pour le nouveau monument, une
Lionne luttant contre un serpent, du sculp-
teur Caïn.
Silencieusement aussi, camion et ouvriers
s'en allèrent, et, comme nous venons de le
dire, le Marat fut remisé au dépôt des
marbres où, chose amusante, on peut voir
un buste en marbre de M. Jules Ferry.
C'est par ordre de la préfecture de la
Seine que l'enlèvement a été effectué. M.
Poubelle lui-même avait reçu à cet égard
les instructions de M. Constans.
Les partisans du « bloc »
Parmi les conseillers municipaux l'émo-
tion est très grande, et le 23 février pro-
chain, date de la reprise des travaux, il y
aura une séance orageuse. MM. Levraud et
Hattat qui soutinrent jadis vigoureuse-
ment le projet d'érection, se proposent en
effet d'interpeller le préfet de la Seine sur
l'incident que nous venons de raconter.
On nous affirme, d'autre part, que MM.
Hovelacque et Jacques, anciens conseillers
municipaux, interpelleront M. le ministre
de l'intérieur sur la décision qu'il a cru de-
voir prendre au sujet du Marat de Baffler.
50 0/0 DE REVENU
Un gendarme fin de siècle. — Le mu-
tisme du fonctionnaire de la
chancellerie. — Protestation
du député.
A-t-on jamais vu un des trop nombreux
financiers qui escroquent l'argent du pau-
vre monde en lui promettant des revenus
fantastiques de 30, hO ou 50 0/0 finir autre-
ment qu'en prenant le rapide de Bruxelles
comme Mary-Raynaud ou le chemin de
Mazas comme Brodet et tant d'autres?
Non, n'est-ce pas?
Peut-on, sans se rendre coupable de doi
et de vol, demander des capitaux au pu-
blic en lui promettant de faire produire à
ces capitaux 50 0/0 de revenu sans spécula-
tion et sans risque?
Non encore, évidemment.
Eh bien, il y a quelqu'un qui répond oui
à cette double question, et ce quelqu'un est
un homme dont la profession consiste à
« garantir la propriété » et à arrêter les vo-
leurs. C'est un bon gendarme : c'est le co-
lon el Ellie, ex-commandant militaire de la
Chambre des députés.
A la suite de l'article que nous avons pu-
blié hier sur la Caisse syndicale de l'union,
deux de nos confrères du soir sont allés
l'interviewer et il leur a déclaré qu'il con-
sidérait les directeurs de cette caisse mer-
veilleuse comme les plus honnêtes gens du
monde.
Il est enchanté de voir son nom figurer
sur leurs prospectus.
N'est-il pas tout à fait fin de siècle, ce
colonel de gendarmerie qui couvre de son
uniforme une entreprise dont l'unique but
est de détrousser les gogos ?
Quant au gendarme de la Nièvre, le chef
d'escadron Menu, il n'a pas encore donné
signe de vie. Il est donc encore permis
d'espérer qu'il y regardera à deux fois
avant de se ranger décidément, avec son
camarade le colonel Ellie, du côté des vo-
leurs.
Le rédacteur au ministère de la justice
n'a pas bougé non plus. Qu'attend-il ?A-t-il
reçu de M. Fallières l'autorisation de se
faire le complice des financiers de l'école
Mary-Raynaud ?
Par contre, le député que la « Caisse syn-
dicale de l'union » faisait figurer en tête de
ses références nous adresse la lettre sui-
vante :
Paris, le février 1891.
Monsieur le rédacteur en chef
du XIX9 Siècle.
Dans votre numéro d'aujourd'hui, vous
m'indiquez comme référence à la Caisse de
l'union syndicale 52, rue du Faubourg-Mont-
martre.
J'ai l'honneur de vous informer que je n'ai
nullement autorisé les directeurs de cette en-
treprise financière, dont je ne connais pas les
opération». donner mon nom, soit pour ren-
seignements, soit pour recommandations.
Je compte, monsieur le rédacteur, sur votre
loyauté pour insérer cette rectification dans
votre prochain numéro, et vous prie d'ai!
l'expression de mes sentiments distingues.
A. MARÉCHAL, député,
21, rue Balzac.
l -Enfiple directeur de la «Ca,'âse svadicale
de l'union » nous adresse une lettre dont it
a le toupet de nous demander l'insertion
et dans laquelle il vante la correction de
ses opérations.
Naturellement,nous n'insérerons pas sans
y être contraints et forcés cette réclame ect-
faveur d'une entreprise que nouscousidéJ
rons comme une escroquerie. -'
LE CAS DE M. LAHENS
Aux courses de Pau. — Performances
bizarres. — Disqualification
probable.
Il s'est passé aux dernières courses dé
Pau un incident qui fait grand bruit dans
le monde du sport.
Un propriétaire parisien très connu, AFJ
J. Lahens, avait engagé dans un prix dei
minime importance une jument lui appar-
tenant, Hollandaise, que l'on savait perti-
nemment avoir été préparée pour le Grand-
Prix de Pau, à courir huit jours plus tard.
Elle fut battue par la Rencluse, autre ju-
ment très médiocre et habituée des prix
à réclamer.
Les commissaires de Pau trouvèrent cette
défaite très suspecte et infligèrent à M.
Lahens un avertissement.
Les faits en seraient certainement restésf
là si Hollandaise n'avait gagné, assez facil
lement, huit jours plus tard, le grand steoy
ple-chase de 10,000 francs. -
Les commissaires palois trouvèrent cette
victoire fâcheuse et adressèrent au comité
de la Société des steeples-chases de Franco
une demande d'insertion au Bulletin offi-
ciel du blâme qu'ils avaient infligé au pro-
priétaire d'Hollandaise.
Si nos renseignements sont exacts, le co-
mité des steeples-chases qui s'est réuni
hier, aurait pris contre M. Lahens une me-
sure beaucoup plus sévére et prononcé
sa disqualification sur tous les champs do
courses qui sont sous la juridiction des
steeples-chases de France.
Si réellement la disqualification est un
fait accompli, elle sera insérée au Bulletin
officiel d'aujourd'hui et ne manquera pas
de causer une vive émotion parmi les ha.
bitués des champs de courses, qui se rap-
pelleront certainement les stupéfiantes vic
toires de certains autres chevaux, tels qudl
Séduisant et Module, qui appartenaient éga
lement à M. Lahens, que les programmes
de courses qualifiaient toujours de comtei
Lahens.
ÉPOUVANTABLE CATASTROPHE
Québec, 12 février. — Une terrible explosion
s'est produite ce matin dans la fabrique dow
laine Haré, à Point, où une chaudière a
éclaté.
Trente cadavre ont été retrouvés.
LAVIEMPARIS
Cette affaire de Thermidor n'en finira
donc pas? Voici que j'apprends, par les
journaux, qu'une pétition est en train de
se signer parmi les auteurs dramatiques,
critiques et gens de lettres, demandant
la revision du fameux décret de Moscou
qui régit la Comédie-Française, particu-
lièrement en ce qui concerne le comité
de lecture. On m'assure que l'un des pre-
miers signataires serait M. de Goncourt,
ce qui m'étonne. Arrivant à cette heure,
en effet, la pétition en question paraît
contenir un blâme implicite contre la ré..,
ception de Thermidor. Ce n'est peut-être
pas la pensée de ceux qui la signeront
mais il faut bien qu'ils sachent qu'on
l'interprétera ainsi dans le public, non
sans apparence de raison. Or, M. de Gon-
court a écrit, sous le titre la Patrie cm,-
danger, un drame fort remarquable qu'il.
n'eût pas blâmé la Comédie-Française da:
jouer, et qui est tout à fait conçu dans le
même esprit que Thermidor.
Quoi qu'il en soit, cette pétition fera
du bruit dans le. Landerneau dramatique.
Un journal du matin a eu l'idée d'inter-
roger à ce propos un certain nombre de
personnages fort importants : M. Auguste
Vacquerie, M. Arsène Houssaye, M. Got,
M. Claretie lui-même. Cette petite en-
quête ne manque pas d'intérêt. Elle peut
avoir pour résultat de rectifier les idées
qu'on se fait, dans la foule, sur le fonc-
tionnement de la Comédie. Tout d'abord,
le décret de Moscou, s'il reste la charte,
de la Comédie, est une charte qui a été
reçue à corrections, comme on dit dans la
maison, et à qui — ce qui est plus rare —
les corrections ont .été faites. Les fonc-
tions d'administrateur général de la Co-
médie, par exemple, non prévues par le
décret, ont été définitivement réglées eaL
1850. Pour le comité de lecture lui-même,'
il a déjà subi des modifications dans la
genre de celles que paraissent souhaitée,
les pétitionnaires. Sous le règne de LOUlS
Philippe, la Comédie ayant été fort atta-
quée à l'occasion des pièces de son réper-
toire, et de celles qu'elle jouait et de celles
qu'elle ne jouait pas — comme aujour-*
d'hui — on adjoignit aux comédiens due
comité de lecture quatre membres de
l'Institut. L'essai ne réussit pas. Les aca-
démiciens, fort ennuyés de la besvt;lile ou
inquiets de la responsabilité à prendre,
ne vinrent bientôt plus aux réunions du;
comité, et l'idée qu'on avait eue de les y
adjoindre tomba rapidement en désuet
tude.
La vraie situation de la Comédie-Fran-
çaise a été exposée avec beaucoup de
netteté par M. A. Vacquerie particuliè-
rement. La Comédie appartient aux so
ciétaires associés. Elle constitue une pro-
priété dont ils ne peuvent être dépouillés
et qui ne peut prendre fin que par un
acte unanime de leurs volontés. Voilà un
fait avec lequel il faut d'abord compter.
En échange de cette constitution d'une
propriété, qui comporte des privilèges,
en échange de la salle et de la subven-
tion qu'il donne, l'Etat a imposé certaines
charges à la Comédie. Il peut réquisition-
ner" messieurs les comédiens ordinaires ";
il peut - je n'ai pas le texte sous les
yeux, mais je crois ne pas me tromper —,
exiger un certain nombre de représenta-
tions des classiques ; enfin, il nomme un
administrateur. C'est sur le rôle de cet
administrateur que peut s'engager le dé-
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