Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1896-12-04
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 04 décembre 1896 04 décembre 1896
Description : 1896/12/04 (N9765). 1896/12/04 (N9765).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75645875
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/05/2013
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isruriaë.r'O, "Cï N Û G ETtf 1>X £ £ 33i3\
ANNONCES ,(' ..h t
AUX BUREAUX DU JOURNAL i,
131, rue Montmartre, 131 *" - 1'
Jttçhez MM. LAGRANGE, CERF¡
6, plau de la Bourse, 6.
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presse télécmphlque : XIX* SIÈCLE - PAB.13 ,
.: ë ABONNEMENTS J
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Pàris 7.. 7 Il* Ml, 6 f. sa Us, 11 f. Si k, 20 f. -,
Départements8 — 7f. 12f. - 24f.
Union Postale « - 9 f. ::. îef. — Slt.
o
a.es Abonnements sont reçus sans frais
I dans tous les Bureaux de Poste.
- RÉDACTION: 131, rue Montmartre, 131
i We 4 à 8 heures du soir et de 10 heures du soir à 1 heure du matin
Wo 9765. — Vendredi 4 Décembre 1836
* , L -, 14 FRIMAIRE AN 105 ¡ -
, '-
ADMINISTRATION : 131, rue Montmartre, lui
Adresser lettres et mandats à F Administrateur
NOS LEADERS
: ETTRES LIBRES.
ECONOMIES COLONIALES
J'ai montré dans mes précédentes
Lettres l'esprit dans lequel est conçu
l'excellent rapport de M. Jules Sieg-
fried sur le budget des colonies pour
4S97; je voudrais aujourd'hui vous
faire toucher du doigt, avec lui, les
principales économies qu'il serait pos-
sible de réaliser dans les dépenses que
fa métropole fait pour ses établisse-
ments d'outre-mer.
Dès le premier chapitre, voici ce
£ ue M. Siegfried nous fait constater :
"II Le Colonial Office de Londres (minis-
tère des colonies anglais) ne comprend
que 79 employés, y compris le secré-
taire d'Etat, les sous-secrétaires d'Etat,
directeurs, chefs de bureau, commiset
huissiers, en dehors de l'Inde qui a un
ministère spécial et qui représente la
|>lus grosse part du domaine colonial
anglais. » Mais, en dehors de l'Inde,
les colonies anglaises possèdent en-
core plus de ceni millions d'habitants
tandis que toutes les nôtres en ont au
maximum une trentaine. Or, notre
administration centrale, au lieu des
gemployës du Colonial office, en pos-
sède 231.
Après avoir cité ces chiffres, M.
Siegfried fait la juste réflexion que
Voici : « Les exigences d'une centrali-
sation poussée à l'extrême, jusque
dans les plus petits détails, nécessitent
forcément un nombreux personnel,
pour arriver à le diminuer, il con-
vient avant tout de pratiquer une
large décentralisation et de ne pas
embarrasser le pouvoir central d'une
quantité d'affaires secondaires qu'on
pourrait fort bien abandonner aux
colonies elles-mêmes. Voilà le vérita-
ble moyen de réaliser des économies
tet d'avoir une administration colo-
niale réellement pratique. »
Dès le premier chapitre du budget
colonial nous sommes conduits, on le
voit, à cette conclusion qu'aussi bien
au point de vue des dépenses impo-
sées à la métropole qu'à celui du dé-
veloppement économique de nos co-
lonies, la décentralisation la plus large
Bst absolument nécessaire.
.-w:i,\:
Il serait facile de montrer que les
dépenses de l'administration centrale
des colonies sont encore très lourde-
ment et très inutilement augmentées
par une foule de services et d'institu-
ions sur lesquels de larges économies
peuvent être réalisées.
Le Service central des marchés, par
exemple, serait inutile si les colo-
nies s'approvisionnaient elles-mêmes.
« Cette organisation, dit M. Siegfried,
qui a son complément forcé dans celle
jdu service administratif des ports, est
'p)rnpli.quée et coûteuse. Théorique-
iment, elle est bien combinée, les
rouages se suivent logiquement, les
pièces de comptabilité sont nombreu-
ses, le contrôle a l'air d'être partout,
InfllS pratiquement quels sont les ré-
sultats? On calcule qu'entre le jour de
ea commande de la colonie et celui de
la livraison, il faut en moyenne six
ynois, et les achats sont souvent faits
sans les connaissances pratiques né-
'cessaires. » ,
t M. Siegfried, pour donner une
preuve de cette assertion, cite l'his-
4toire assez plaisante d'un cahier des
:charges établi par l'administration
centrale des colonies et dont le pre-
mier paragraphe d'un article 8 pres-
crivait que le café devait provenir
c exclusivement des colonies fran-
çaises et pays de protectorat », tandis
qu'on lisait au deuxième paragraphe :
-« Il sera de préférence de la qualité
dite Rio, premier choix. » L'adminis-
tration coloniale prenait le Brésil pour
une « colonie ou protectorat français »,
c'est sans contredit un fait plein de
gaîté; ce qui l'est moins, c'est que, le
second paragraphe ayant été sup-
primé, sur la demande d'une chambre
de commerce, l'administration colo-
niale dut -payer son café cinquante
mille francs de plus que si elle avait
laissé la colonie l'acheter à sa guise.
.*
Une autre erreur également peu
plaisante est celle-ci, que signale M.
Siegfried : la prétention qu'a l'admi-
nistration coloniale de passer elle-
même les marchés pour les colonies a
occasionné, en 1895, pour deux cent
mille francs de pertes de « marchan-
dises de toute nature détériorées, con-
damnées ou perdues, soit en cours de
route, soit après arrivée ». Je puis
ajouter qu'à une certaine époque, en
Cochinchine, on dut condamner les
; trois quarts des farines achetées pour
la colonie par la métropole. Pendant
ce temps, le Tonkin, qui faisait ses
marchés lui-même, n'avait que des fa-
; fines excellentes. :
, N'allez pas croire que les observa-
, tions de M. Siegfried sur ce sujet
m
soient entièrement nouvelles. Il rap-
pelle lui-même que M. Turrel les a
déjà inutilement présentées dans un
rapport officiel. Il est possible que M.
Siegfried ne sera pas plus écouté que
M. Turrel ; cependant il cite l'exemple
de l'Angleterre qui, grâce à une orga-
nisation plus simple et plus habile que
la nôtre, ne dépense pour le service
d'approvisionnement de ses colonies
« que 1 0/0 du montant de ses achats,
tandis que notre Service central des
marchés en coûte plus de 6 0/0 », sans
compter les pertes énormes qui sont
la conséquence forcée de notre ma-
nière de procéder.
**#
Ce que l'on a fait depuis longtemps
pour l'approvisionnement des colo-
nies, c'est-à-dire la centralisation en
France du service des achats, on est
en train de le faire pour les travaux
publics. <'
Un décret de 1895 a créé, auprès du
ministre des colonies, un comité des
travaux publics des colonies, sans le-
quel rien ne pourra plus se faire nulle
part et qui, dès la première année,
coûte plus de cinquante mille francs.
Déjà ses résultats commencent à se
faire sentir. Voici un petit fait qui
vous permettra d'en juger : la colonie
de la Côte d'Ivoire ayant besoin d'un
warf, un industriel honorable propose
de le construire tout de suite, en ac-
cordant à la colonie la faculté de ne le
payer que par annuités prélevées sur
son budget normal. L'accord était
complet quand on reconnut qu'il fal-
lait consulter le ministère, le comité
des travaux, etc. et la colonie attend
toujours son warf ; elle l'attendra sans
doute pendant longtemps encore, car
le comité n'admet même pas le prin-
cipe sur lequel le projet de contrat est
basé ; le système des travaux payables
par annuités est condamné ; il faudra
faire un emprunt ; mais tout emprunt
exige une loi ; toute loi nécessite des
discussions répétées, des commissions,
des va et vient entre le gouvernement,
la Chambre et le Sénat, etc. C'est dire
que laCôte d'Ivoire verra passer encore
bien des gouverneurs avant de voir
construire son warf. ,-
M. Siegfried paraît avoir la pensée
que le comité des travaux du minis-
tère des colonies produira partout des
effets analogues, car il propose une
réduction du crédit qui lui est affecté,
et il émet le vœu que le comité
« agisse surtout par des tournées fré-
quentes dans celles de nos colonies où
s'exécutent des travaux publics ». Je
doute que satisfaction lui soit donnée,
car il est plus facile de créer du per-
sonnel que d'en supprimer. J'ai acquis
par expérience la certitude que les dé-
penses de personnel sont comme des
dettes perpétuelles; cela n'est pas
moins vrai pour les colonies que pour
la "métropole.
:t-*#
Le comité technique des services mi-
litaires prêterait à des considérations
analogues. Avec le régime bâtard que
nous appliquons à notre armée colo-
niale, il faut à Paris deux services de
troupes coloniales, l'un au ministère de
la marine, l'autre auprès du ministre
des colonies, et tous les deux sont d'ac-
cord pour pousser l'administration co-
loniale vers le militarisme ruineux que
tout le monde critique, mais contre
lequel il ne paraît pas que personne
soit résolu à agir efficacement.
Le comité technique des services
militaires des colonies coûte près de
cent mille francs," auxquels il faut
ajouter les états-majors généraux et
particuliers composés de 150 officiers
qui coûtent 754,000 francs.
La commission du budget et son
rapporteur n'ont pas osé toucher à ces
dépenses ; cependant l'examen le plus
superficiel leur aurait indiqué d'im-
portantes économies immédiatement
réalisables. Mais on sait que la Cham-
bre, toujours prête à se rebiffer quand
on lui demande des crédits pour les
travaux publics, accepte sans mot dire
toutes les dépenses militaires.
Le commissariat et le service de
santé des colonies donneront lieu à de
très importantes économies budgé-
taires le jour où l'on se décidera à or-
ganiser l'armée coloniale sur des bases
rationnelles, mais ce jour est proba-
blement encore fort éloigné.
M. Siegfried a calculé qu'à là Gua-
deloupe le service de santé coûte
« plus de 250 fr. par homme et par
an 1). Ce chiffre suffit pour donner une
idée des réformes qu'il faudrait opérer
dans ce service et des économies qu'il
serait possible de réaliser par une or-
ganisation intelligente.
Le rapport de M. Jules Siegfried est
encore riche en enseignements utiles
relativement aux dépenses que fait la
métropole pour les établissements du
Soudan, de Madagascar et du Tonkin.
Il en ressort, comme des autres par-
ties, la conviction que l'absence de
toute politique coloniale coûte extrê-
mement cher à la métropole et qu'il
en sera ainsi jusqu'au jour où nous in-
troduirons la méthode rationnelle et
scientifique dans l'organisation de
notre domaine colonial.
J.-L. DE LANESSAN.
Nous publierons demain un article
de M. Charles Dos.
L'ARMÉE COLONIALE
» -
La commission de l'armée, réunie hier, a
maintenu ses précédentes décisions sur l'ar-
mée coloniale, malgré l'avis des ministres
de la guerre et de la marine qui demandaient
le rattachement au ministère de la marine,
la commission a voté le rattachement de
l'armée coloniale au ministère de la guerre.
Elle a décidé que l'armée coloniale aurait son
budget spécial.
LES TREIZE ET VINGT-HUIT JOURS
MM. Renou, Toussaintet Fabérot, députés
socialistes de la Seine, ont déposé une pro-
position tendant à la suppression de la pé-
riode d'instruction des treize jours et des
vingt-huit jours, afin d'amener une éco-
nomie de 22 millions et de faire prévaloir les
idées de désarmement universel.
LES ON-DIT
CARNET QUOTIDIEN:
Les courses : A Auteuil.
— Présentation de Théotokos.
- Séance de l'Académie française.
- Durée du jour : 9 h. 43.
L- CHEZ NOUS
~—- A l'Ecole polytechnique :
Contrairement à ce qu'on aurait cru
pouvoir supposer, étant connu leur grand
amour des sorties, les polytechniciens sont
restés encore enfermés hier soir. Aucun
élève n'a franchi le seruil du poste de la rue
Descartes, l'entrée est demeurée rigoureu-
sement interdite à toute personne étran-
gère à l'Ecole. r {f
M. Berthet, conseiller général,
député d'Albertville (Savoie), est mort hier
matin, à Paris. ;
——. Les étalons boulonnais Sultan et
Espoir, offerts par le département du Pas-
de-Calais au tsar, sont arrivés hier à Arras,
venant des écuries de l'arrondissement de
Saint-Pol, où ils ont été achetés. Ils seront
expédiés aujourd'hui à Paris pour être de
là dirigés sur Saint-Pétersbourg.
- Pour répondre à cette question cent
fois posée : Qu'est-ce que Vabsinthe blanche
oxygénée ? depuis que dans tous les cafés
on ne consomme plus que ce précieux
apéritif, disons que l'absinthe oxygénee
est de la liqueur d'absinthe soumise lon-
guement dans toutes ses molécules au con-
tact de ce gaz vital et rédempteur par
excellence : Voxygène dégagé industrielle-
ment dans des appareils admirablement
perfectionnés par la Grande Distillerie
Cusenier.
L'oxygénation de l'absinthe, c'est sa vita-
lisation, c'est la transformation d'un liquide
parfois dangereux, quand il est mal fabri-
qué, en un breuvage de santé et de vie.
A L'ETRANGER
—— A la Société d'archéologie d'A-
thènes, le prince royal, qui présidait, a
proposé hier la restauration du Lion de
Chéronée et l'exhumation des squelettes
de 300 hoplites de la légion sacrée de
Thèbes, tombés à Chéronée.
-—~ Fin romanesque d'une dame de
lettres..
Mme Eva Kattermol, en littérature :
« comtesse Lara », romancière et poétesse
de quelque renom, vivait maritalement
depuis quelques années, à Rome, avec le
peintre Pierantoni.
L'été dernier, la comtesse Lara rencon-
tra un de ses anciens amants, le lieutenant
de marine Buttini, et renoua des relations
avec lui. •
Mardi soir, Eva Kattermol annonça à
Pierantoni le retour prochain de Buttini.
Le peintre, affolé de jalousie, saisit un re-
volver et tira sur son infidèle. La mort a
été instantanée, une balle ayant perforé
l'intestin.
La comtesse Lara était âgée de quarante
ans.
Le peintre Pierantoni, après avoir tenté
de se suicider, a pris la fuite. Il a été arrêté
dans la soirée.
Le Passant.
LA BANQUE DE FRANCE
La commission a commencé hier ses tra-
vaux. La première question qui a été exa-
minée a été de savoir s'il y avait lieu de
maintenir le privilège de la Banque de
France ou d'instituer une Banque d'Etat.
A l'unanimité, la commission s'est pronon-
cée pour le maintien du privilège.
La durée de ce privilège que le gouverne-
ment propose de fixer à vingt-trois ans sera
discutée à la prochaine séance.
Une discussion s'c.,t ensuite engagée sur
les. statuts et l'organisation de la Banque et
sur les avantages consentis par elle à l'Etat.
La commission s'est prononcée pour une
motion de M. Siegfried tendant à élargir, au
profit des actionnaires, l'accès des assem-
blées générales. Mais elle a repoussé deux
motions qui auraient pour objet de limiter
le chiffre des billets à émettre au montant de
l'encaisse et à élever le capital de la Banque
en y adjoignant le fon-is de réserve.
Divers membres ont demandé que le ser-
vice de trésorerie fût fait par la Banque qui
serait ainsi lé caissier de l'Etat. Mais la com-
mission parait devoir se contenter des amé-
liorations apportées par le projet.
Elle a repoussé le système de la redevance
fixe que la Banque devait payer à l'Etat :
elie s'est ralliée sur ce point au projet du
gouvernement décidant toutefois qu'un mi-
nimum serait fixé pour cette redevance cal-
culée d'après le produit de l'escompte.
, La commission examinera. demain les
avantages consentis par la Banque au profit i
du public.
Elle entendra le ministre des finances la
semaine prochaine. .'-
POUR LES BACHELIERS MALHEUREUX
Il y avait autrefois une session d'avril
pour les bacheliers malheureux en novem-
bre. On l'a supprimée à une époque où ces
jeunes gens avaient à recommencer après
un échec leur préparation tout entière, à re-
faire, en un mot, leur rhétorique, puisque,
épreuves écrites ou orales, tout était à re-
prendre sur de nouveaux frais.
Mais depuis on a accordé aux candidats
reconnus admissibles à l'écrit le droit de ne
plus passer que les épreuves orales, et c'est
un privilège qu'ils gardent pendant toute
une almée. - entre
Or, voyez l'inégalité de traitemont entre
candidats admissibles à l'écrit et refusés
également à l'oral. Ceux qui échouent en
août peuvent se représenter en novembre,
c est-à dire trois mois après. Pour quelle
raison ceux qui échouent en novembre
sont-ils obligés d'attendre huit mois, c'est-
à-dire la session daoût? 1
On parle de l'intérêt de la classe de rhé-
torique qu'il ne faut pas couper en deux par
la préoccupation de l'examen. Mais l'intérêt
de la classe est- précisément d'accord ici
avec l'intérêt des candidats. Les admissi-
bles, refusés en novembre, ; n'ayant plus
« d'écrit » à préparer, suivent la classe en
amaeurs, en prennent ce qui leur con-
vient et laissent le reste, apportant dans
tous les exercices un élément de trouble et
de confusion.
Depuis qu'on s'est décidé à maintenir
pour un an le bénéfice de l'admissibilité aux
candidats qui ont échoué à l'oral, la suppres-
sion de la session d'avril n'est plus qu'un
non sens. Et c'est pourquoi candidats, pères
de famille et professeurs sont aujourd'hui
d'accord pour en réclamer le rétablisse-
ment..1
A. B.
ITFILIX FAURE EN RUSSIE
Le Novoié Vrémia, parlant du bruit qui
circule à Saint-Pét rsbourg au sujet de qui
rivée, dans la capitale russe, au printemps
prochain, du président de la République
française, croit savoir qu'il s'agit d'un évé-
nement non-seulement tout à fait décidé,
en principe, mais dont tous les détails se
trouvent d'ores et déjà réglés.
A ce sujet, le journal russe explique que
la Constitution française de 1875 crée une
certaine difficulté. Elle n'a pas prévu la pos-
sibilité que le chef de l'Etat sorte des limites
de la France. Aussi quand en 1893, après les
fêtes de Cronstadt et de Toulon, il était
question d'un voyage en Russie du feu pré-
sident Carnot, les cercles compétents, en
France, firent valoir que le président ne res-
tait « chef de l'Etat qu'autant qu'il se trou-
vait sur le territoire national ; en le quittan.
il devenait un simple particulier à qui, par
conséquent, ne pouvait être fait aucune ré-
ception solennelle n.
Les mêmes discussions sesont reproduites
quand un projet analogue a été mis en
avant pour M. Félix Faure, à l'occasion du
couronnement de l'empereur actuel. Enfin,
voici que ce projet se présente pour la troi-
sième fois; mais, à l'heure quil est, les
conditions sont telles qu'il n'est plus possi-
ble de se prévaloir du silence de la Consti-
tution de 1875. La visite de retour à leurs
majestés est devenue pour le président de la
République un devoir impérieux dont l'ac-
complissement s'impose d'une manière abso-
lue ; c'est pourquoi on a été amené à recher-
cher les moyens de donner à cette visite le
caractère d'une rencontre des chefs d'Etat de
deux nations amies.
Le Novoié Vrémia estime que le meilleur
moyen consisterait en ce que le congrès se
réunît et autorisât le président de la Répu-
blique à rendre à un souverain étranger la
visite faite par ce dernier à la nation fran-
çaise. En même temps, le congrès pourra
décider à qui devront être confiées tempo-
rairement les fonctions dont le président est
chargé.
Dans ces conditions, M. Félix Faure aura
la possibilité de venir en Russie en qualité
de « chef d'Eiat » chargé d'exécuter la vo-
lonté du peuple français. La réception offi-
cielle et solennelle qui lui sera faite en Rus-
sie sera dès lors la conséquence logique des
traditions créées par les fréquentes visites
de souverains étrangers en Russie.
En ce qui concerne l'accueil que feront au
plus haut représentant de la nation française
la société cultivée et les masses populaires
russes, il sera, cela va sans dire, l'écho des
sentiments dont tous les vrais tsses ont
été pénétrés pendant les jours , norables
du voyage en France du tsar t de la tsa-
rine.
Nous n'ajouterons rien aujourd'hui à l'in-
forma ion du Novoié Vrémia, sinon que les
difficultés de droit constitutionnel auxquelles
fait allusion le journal russe, pour tout
déplacement du président de la République
hors de France, sont parfaitement exactes.
Nous reviendrons demain plus amplement
sur la question.
———————————-
Les Espagnols aux Philippines
D'après des lettres venues du Japon,
écrites par des Européens au courant de hl
situation, il est bien évident que le Japon,
sans jouer dans 1 insurrection des Philip-
pines le rôle agressif et actif que les officieux
espagnols ne seraient pas fâchés de lui at-
tribuer, n'en aident pas moins moralement la
cause des indigènes. Les Japonais se plai-
gnent de la façon dont les autorités espa-
gnoles, dès le premier jour, les ont soup-
çonnés : ils cons atent qu'ils sont sous la
surveillance de la police et au Foreign office
japonais on est tout prêt à porter les faits à
la connaissance de l'Europe. On attend seu-
lement les résultats de l'enquête — ce qui
prouve que le Japon est mûr pour la civili-
sation européenne.
Dans ces moines lettres il y a quelques
détails curieux sur la prépondérance de l'é-
lément clérical aux Philippines. Il parait
qu'on pourrait encore espérer un arrange-
ment si les autorités civiles étaient seules
en cause, mais le malheureux ouvernour
espagnol est bien plus sous la coupe des
prêtres de Manille que sous celle des minis-
tres de Madrid. Il y a djns l'ile 2,000 prê-
tres, presque tous Espagnols. Ils touchent
une partie des impôts et de plus écrasent les
indigènes sous tuut un système do dimes et
ci, cotisations aux frais du culte, ce qui fait
jue les prêtres touchent par an 113 millions
de pesetas, tfndis que l'Etat n'en touche
lue ii6. Je crois qu il n'y a pas dans le
monde de situation compurabie il celle-là.
Le clcrgé, qui comprend fort bien que
touto concession portera sur la part qui lui
revient, pousse à la résistance à outrance,
et il aura une part de responsabilité ef-
frayante dans les massacres qui urriveront
infailliblement — à ce que l'on croit à Yo-
kohama. Dans tous les cas, on est persuadé
que les jours de l'influence espagnole sont
comptés, et que là aussi la vieille et fameuse
civilisation de l'Europe n'aura plus qu'à plier
bagage devant les soi-disant sauvages qu'elle
a rançonnés pendant des siècles. ,
WASP.
SAINTE-BARBE ET L'ÉTAT
UN PROJET D'ACQUISITION DE SAINTE-BARBE
L'Etat se propose de faire l'acquisition
d'un des plus vieux collèges de Paris qui
après avoir connu les faveurs de la Fortune
en a éprouvé les retours.
Un projet de loi distribué hier à la Cham-
bre offre, en effet, d'acquérir moyennant
2,900,000 francs tous les immeubles occupés
par le collège Sainte-Barbe qui, libéré ainsi
vis-à-vis de ses créanciers, retrouverait
sans doute bien vite ses beaux jours d'an-
tan. ¡
La combinaison consiste :
1° A verser à la société de Sainte-Barbe
2,500,000 fr. pour rembourser, d'une part,
jusqu'à concurrence de 2,250,000 fr., les
sommes qu'elle doit au Crédit foncier, et
éteindre, d'autre part, tout son passif ;
2° A alfecter le restant du prix d'acquisi-
ion, soit 400,000 fr.. au remboursement des
avances de 750,000 fr. déjà faites par l'Etat à
Sainte-Barbe, en vertu de la loi du 27 juillet
1892 ;
3° A louer à la société de Sainte-Barbe
les immeubles à elle achetés, pour qu'elle
con inue — moyennant un loyer annuel de
1 franc et l'abandon de la moitié de ses bé-
néfices, déduction faite de la réserve légale
de 5 0/0 — à exploiter dans les mêmes con-
ditions que par le passé son célèbre établis-
sement d'enseignement secondaire.
Le prix du loyer rend rêveur. Pourquoi
ce franc? A quoi répond-il? Nous avouons
ne pas bien comprendre. Mais qui sait?
Peut-être sans ces vingt sous les choses ne
seraient-elles pas « régulières » et on sait
qu'en France c'est là le premier des soucis
de l'administration.
Le projet, du reste, n'est pas moins heu-
reux. Il sauve un vieux collège qui a rendu
trop de services à l'Etat pour que l'Etat ne
lui rende pas service à son tour, et il évite
de priver le quartier des Ecoles d'un des
rares établissements d'enseignement secon-
daire qui ait conservé, avec son autonomie
et son indépendance, un caractère et des
traditions de libéralisme tout à fait person-
nels. C'est plus qu'il n'en faut pour que nous
applaudissions à l'initiative que vient de
prendre M. Rambaud. Mais ce n'est peut-
être pas assez pour que le public partage ce
sentiment.
Qu'on nous permette donc d'ajouter à ces
lignes un rapide historique qui suflira. nous
en sommes convaincu, à rallier tous les suf-
frages à sainte Barbe.
—»:«—
Sainte-Barbe fut fondée en 1460, par Geof-
froy Lcnorman', un des prêtres-professeurs
qui eurent le plus de vogue au temps de
Charles VII.
La maison fut d'abord un établissement
libre appartenant soit au principal qui la
gouvernait, soit à des particuliers qui en
confiaient la direction à un principal de leur
choix, agréé par l'Université.
En 1556, Robert Dugast compléta l'œuvre
de Lenormant en assurant par une dotation
l'indépendance du collège. Malheureusement,
en 1589, les troubles de la Ligue amenèrent
pendant quelque temps la fermeture des
classes et Sainte-Barbe végéta jusqu'en 1691,
époque à laquelle un docteur de Sorbonne,
Thomas Durieux, créa à côté du collège une
communauté qui prit son nom et assura son
existence.
En 1764, le collège et la communauté se
séparèrent, celle-ci gardant pour elle tous
les bâtiments réservés aux élèves, et celui-
là se transportant à Louis-le-Grand avec la
fondation Dugast, qui fut dès lors employée
à l'entre lien de huit boursiers.
Après la Révolution, en 1798, Victor de
Lanneau, qui avait quitté l'habit ecclésiasti-
que sept ans auparavant pour devenir
maire d Autun et député à l'Assemblée lé-
gislative, reconstitua sur de nouvelles bases
le vieil établissement scolaire.
Homme de bien et administrateur hors
ligne, Victor de Lanneau fit de Sainte-Barbé
un collège modèle. On cite de lui des trai s
qui expliquent aisément l'autorité qu'il
réussit à prendre sur ses élèves et le respect
dont il était entouré. Un jour, on vint pour
retirer de la maison un jeune pensionnaire
dont le père avait fait faillite. — Vous com-
prenez, lui dit son interlocuteur, qu'après
un tel désastre, il est impossible de laisser
l'enfant au collège. — Je vois au contraire,
répondit-il, l'impossibilité qu'il en sorte. Et,
avec \ous, Victor de Lanneau se montrait
ainsi d'une charité inépuisable, d'une solli-
citude sans cesse en éveil.
Grâce à lui, Sainte-Barbe devint bientôt
une vraie famille pour tous ceux qui y
avaient été élevés, et lorsqu'en 1816, le
même professeur se trouva aux prises avec
la calomnie et la persécution, ce furent ses
anciens élèves qui vinrent le défendre en
jetant les bases de cette association ami-
cale des Barbistes qui a pris, depuis, tant
d extension.
Plus tard, du reste, les barbistes eurent
une meilleura occasion encore d'affirmer
leurs sentimen s de reconnaissance envers
Victor de Lanneau. Ce fut en apportant à
son fils, après la crise financière de 1831, les
fonds nécessaires pour préserver d'une ca-
tastrophe le collège Sainte-Barbe et la fa-
mille de son fondateur.
Constituée en société à partir de cette
époque, Sainte-Barbe ne tarda pas à pren-
dre une extension considérable. Une école
préparatoire et un petit collège furent ad-
joints à la maison-mère. Toute une foule
d'hommes de talent sortirent de ses rangs.
Bref, le succès fut complet.
Hélas ! Sainte-Barbe devait éprouver une
fois de plus les vicissitudes de la fortune.
Des difficultés survinrent dans ces dernières
années qui entravèrent l'essor de la maison
et on put craindre un moment qu'elle y per-
dît un peu de son ancienne renommée.
L'intervention de î'.Etat, heureusement, va
bicntùt lui permettre de montrer que les bar-
sis: es d'aujourd'hui ne valent pas meinsque
es barbistes d'autrefois.
Nous nous en félicitons non-seulem?»y
parce que Sainte-Barbe a été le refuge des
professeurs que l'empire avait chassés de
Université en 1851, mais parce qu'elle est
encore une des rares maisons où l'on sachu
illier l'enseignement 4 i'édw.catiQR, et dÓvc-
lopper entre élèves des sentiments de soli-
darité assez forts pour résister au temps et
à 1 éloignement.
LES MIETTES DE LA SEMAINE
Par PAUL DESACHY
'-<
b Jeudi 26 novembre. — Les dieux s'en
vont! -
Voici que sous la coupole même, ou
pleine solennité académique, un des
quarante nous démolit celui qui passait
à nos yeux pour le prototype de la
vertu dont il fonda le prix, l'honorable
M. de Monthyon. Il paraîtrait que ce
bienfaiteur posthume ne prêcha pas
toujours d'exemple et qu'il mit quelque
âpreté dans la façon dont il poursuivit
ses petits débiteurs infortunés. Bref
M. d'Haussonville, en tant que rappor-
teur, nous laisse entendre qu'il ne lui
eût point décerné un des prix qu'il
fonda.
Aux Champs-Elyséens ou au Purga-
toire, puisqu'il méconnut les principes
de la charité chrétienne, M. de Mon-
thyon a dû la trouver mauvaise. Il a
payé 75,000 fr. par an le droit d'être thu-
rifèré par les immortels et béni par les
auteurs qui n'ont guère d'autres lec-
teurs que les membres de la commis-
sion. L'Académie, enacceptant son legs,
s'engageait à verser sur sa mémoire
quelque oraison aussi embaumée que
lacrymatoire à chaque renouvellement
d'année. M. de Monthyon y comptait
bien. M. d'Haussonville semble un
prêtre révolté qui critiquerait son culte,
une vestale qui jetterait de l'eau, plutôt
que de l'huile, sur le feu sacré.
Si cet exemple allait se généraliser,
si les bienfaiteurs savaient qu'on éplQr-
chera plus tard leur vie, leur zèle se
refroidirait vite. Nous pensons bien, au
fond, que la vanité est le plus puissant
mobile en ces sortes d'aflaires et qué
l'or des charités n'est pas sans alliage.
Nous en avons eu tout récemment en-
core la preuve dans ce legs de six milr
lions fait à la ville pour l'édification
d'une maison ouverte aux jeunes filles
sages par un monsieur qui toute sa vid
avait fermé ses poptes sur d'autres de-
moiselles qui ne l'étaient point. -
Jamais cependant la maxime de l'em-
pereur latin : l'argent n'a pas d'odeur,
n'a été mieux de circonstance. Accep-
tons les testaments les yeux clos, don-
nons-en pour leur argent aux dona-
taires qui veulent de la réclame ; sans
cela ce sera encore aux malheureux,
qui n'en peuvent mais, à pâtir de nos
scrupules.. m.
Samedi 28 novembre. — Puisqu'il est
désormais convenu de classer les épo-
ques par les goûts particuliers dont se
passionnèrent les contemporains, l'em-
barras sera grand pour ceux qui de-
vront d'une épithète marquer notre
temps, singularisé de si diverses ma-
nières. Mais l'hésitation ne leur serà
toutefois permise qu'entre deux ter-
mes : l'âge du cyclisme ou l'âge de
l'affiche.
Tandis, en effet, que l'un a pris pos-
session de la chaussée, l'autre a en-
vahi nos murs. La ville, sous le pinceau
des colleurs, a vu la grisaille laide des
murailles se fleurir de mille fantaisies
pleines de lumière, d'art et de gaieté.
Ç'a été une transformation éclalante de
la vieille réclame banale et triste of-
frant aux yeux dans un éblouissement
de couleurs, dans une disposition ar-
tistique de personnages de rêve, le re-
mède pharmaceutique, le pétrole nou-
veau, l'attrait des voyages ou des
pièces de théâtre. L'industrie habile
a fait appel aux peintres et aux
dessinateurs de talent pour don-
ner à ses produits la présentation
splendide de leur art, et ceux-ci î
ont trouvé dans cette, offre ce qu'ils
cherchaient depuis longtemps, la popu-
larisation de leur œuvre, ce Salon de
la rue aux sujets sans cesse rencon-
trés, forçant les yeux du passant, lui
arrachant une exclamation de surprise
aamirative. Tout un mouvement nou-
veau est sorti de cette combinaison du
commerce et de l'art dans cet échange
mutuel de services. Derrière. Chéret,
maître incontesté du genre, les Wil-
lette, les Fraipont, les Steinlen, les Bac,
les Guillaume, que d'autres encore! ont
créé de véritables œuvres, car ils ap-
portaient dans ces dessins éphémères
leur sincérité, leur conviction, leur or-
gueil d'artistes ! A l'étranger aussi ce
mouvement avait sa répercussion, et
les dessinateurs anglais, américains,
belges, produisaient des affiches curieu-
ses, bien distinctes des nôtres, grâce à
leur tempérament différent et à leurs
conceptions esthétiques parfois si étran-
gement bizarres. — c -
Mais les belles affiches ont le destin
des roses. L'effort d'art dont elles sont
la manifestation quelquefois parfaite,
toujours intéressante, menaçait d'être
perdu. M. Alban Chaix, qui a lancé dans
le public toutes les affiches de Chéret,
ne l'a pas voulu. Avec une patience et
une sûreté de goût merveilleuses, il
recherche et réunit, dans une collection
de luxe, les œuvres les plus originales
et les plus artistiques réduites au grand
format d'un journal illustré. J'ai là, sur
ma table, la dernière livraison parue ce
matin, présentée par goger Marx, et
dont Chéret, Forain, Grasset et l'amé-
ricain Will Bradley font les frais.
C'est d'une reproduction remarquable;
la diminution semble même plus favo-
rable à certaines affiches que la dimen-
sion primitive. Ainsi verrons nous dis-
paraître sans regret désormais les ima-
geries préférées, régal des yeux, dont
lôfc Jambeaux claquent bientôt déchirés
par le Vent, trempés pan ia pluie, fila"
culés par la boue. l-a. rfoa
isruriaë.r'O, "Cï N Û G ETtf 1>X £ £ 33i3\
ANNONCES ,(' ..h t
AUX BUREAUX DU JOURNAL i,
131, rue Montmartre, 131 *" - 1'
Jttçhez MM. LAGRANGE, CERF¡
6, plau de la Bourse, 6.
> f'
presse télécmphlque : XIX* SIÈCLE - PAB.13 ,
.: ë ABONNEMENTS J
':., .,; 1., ¡ r 1 r
Pàris 7.. 7 Il* Ml, 6 f. sa Us, 11 f. Si k, 20 f. -,
Départements8 — 7f. 12f. - 24f.
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o
a.es Abonnements sont reçus sans frais
I dans tous les Bureaux de Poste.
- RÉDACTION: 131, rue Montmartre, 131
i We 4 à 8 heures du soir et de 10 heures du soir à 1 heure du matin
Wo 9765. — Vendredi 4 Décembre 1836
* , L -, 14 FRIMAIRE AN 105 ¡ -
, '-
ADMINISTRATION : 131, rue Montmartre, lui
Adresser lettres et mandats à F Administrateur
NOS LEADERS
: ETTRES LIBRES.
ECONOMIES COLONIALES
J'ai montré dans mes précédentes
Lettres l'esprit dans lequel est conçu
l'excellent rapport de M. Jules Sieg-
fried sur le budget des colonies pour
4S97; je voudrais aujourd'hui vous
faire toucher du doigt, avec lui, les
principales économies qu'il serait pos-
sible de réaliser dans les dépenses que
fa métropole fait pour ses établisse-
ments d'outre-mer.
Dès le premier chapitre, voici ce
£ ue M. Siegfried nous fait constater :
"II Le Colonial Office de Londres (minis-
tère des colonies anglais) ne comprend
que 79 employés, y compris le secré-
taire d'Etat, les sous-secrétaires d'Etat,
directeurs, chefs de bureau, commiset
huissiers, en dehors de l'Inde qui a un
ministère spécial et qui représente la
|>lus grosse part du domaine colonial
anglais. » Mais, en dehors de l'Inde,
les colonies anglaises possèdent en-
core plus de ceni millions d'habitants
tandis que toutes les nôtres en ont au
maximum une trentaine. Or, notre
administration centrale, au lieu des
gemployës du Colonial office, en pos-
sède 231.
Après avoir cité ces chiffres, M.
Siegfried fait la juste réflexion que
Voici : « Les exigences d'une centrali-
sation poussée à l'extrême, jusque
dans les plus petits détails, nécessitent
forcément un nombreux personnel,
pour arriver à le diminuer, il con-
vient avant tout de pratiquer une
large décentralisation et de ne pas
embarrasser le pouvoir central d'une
quantité d'affaires secondaires qu'on
pourrait fort bien abandonner aux
colonies elles-mêmes. Voilà le vérita-
ble moyen de réaliser des économies
tet d'avoir une administration colo-
niale réellement pratique. »
Dès le premier chapitre du budget
colonial nous sommes conduits, on le
voit, à cette conclusion qu'aussi bien
au point de vue des dépenses impo-
sées à la métropole qu'à celui du dé-
veloppement économique de nos co-
lonies, la décentralisation la plus large
Bst absolument nécessaire.
.-w:i,\:
Il serait facile de montrer que les
dépenses de l'administration centrale
des colonies sont encore très lourde-
ment et très inutilement augmentées
par une foule de services et d'institu-
ions sur lesquels de larges économies
peuvent être réalisées.
Le Service central des marchés, par
exemple, serait inutile si les colo-
nies s'approvisionnaient elles-mêmes.
« Cette organisation, dit M. Siegfried,
qui a son complément forcé dans celle
jdu service administratif des ports, est
'p)rnpli.quée et coûteuse. Théorique-
iment, elle est bien combinée, les
rouages se suivent logiquement, les
pièces de comptabilité sont nombreu-
ses, le contrôle a l'air d'être partout,
InfllS pratiquement quels sont les ré-
sultats? On calcule qu'entre le jour de
ea commande de la colonie et celui de
la livraison, il faut en moyenne six
ynois, et les achats sont souvent faits
sans les connaissances pratiques né-
'cessaires. » ,
t M. Siegfried, pour donner une
preuve de cette assertion, cite l'his-
4toire assez plaisante d'un cahier des
:charges établi par l'administration
centrale des colonies et dont le pre-
mier paragraphe d'un article 8 pres-
crivait que le café devait provenir
c exclusivement des colonies fran-
çaises et pays de protectorat », tandis
qu'on lisait au deuxième paragraphe :
-« Il sera de préférence de la qualité
dite Rio, premier choix. » L'adminis-
tration coloniale prenait le Brésil pour
une « colonie ou protectorat français »,
c'est sans contredit un fait plein de
gaîté; ce qui l'est moins, c'est que, le
second paragraphe ayant été sup-
primé, sur la demande d'une chambre
de commerce, l'administration colo-
niale dut -payer son café cinquante
mille francs de plus que si elle avait
laissé la colonie l'acheter à sa guise.
.*
Une autre erreur également peu
plaisante est celle-ci, que signale M.
Siegfried : la prétention qu'a l'admi-
nistration coloniale de passer elle-
même les marchés pour les colonies a
occasionné, en 1895, pour deux cent
mille francs de pertes de « marchan-
dises de toute nature détériorées, con-
damnées ou perdues, soit en cours de
route, soit après arrivée ». Je puis
ajouter qu'à une certaine époque, en
Cochinchine, on dut condamner les
; trois quarts des farines achetées pour
la colonie par la métropole. Pendant
ce temps, le Tonkin, qui faisait ses
marchés lui-même, n'avait que des fa-
; fines excellentes. :
, N'allez pas croire que les observa-
, tions de M. Siegfried sur ce sujet
m
soient entièrement nouvelles. Il rap-
pelle lui-même que M. Turrel les a
déjà inutilement présentées dans un
rapport officiel. Il est possible que M.
Siegfried ne sera pas plus écouté que
M. Turrel ; cependant il cite l'exemple
de l'Angleterre qui, grâce à une orga-
nisation plus simple et plus habile que
la nôtre, ne dépense pour le service
d'approvisionnement de ses colonies
« que 1 0/0 du montant de ses achats,
tandis que notre Service central des
marchés en coûte plus de 6 0/0 », sans
compter les pertes énormes qui sont
la conséquence forcée de notre ma-
nière de procéder.
**#
Ce que l'on a fait depuis longtemps
pour l'approvisionnement des colo-
nies, c'est-à-dire la centralisation en
France du service des achats, on est
en train de le faire pour les travaux
publics. <'
Un décret de 1895 a créé, auprès du
ministre des colonies, un comité des
travaux publics des colonies, sans le-
quel rien ne pourra plus se faire nulle
part et qui, dès la première année,
coûte plus de cinquante mille francs.
Déjà ses résultats commencent à se
faire sentir. Voici un petit fait qui
vous permettra d'en juger : la colonie
de la Côte d'Ivoire ayant besoin d'un
warf, un industriel honorable propose
de le construire tout de suite, en ac-
cordant à la colonie la faculté de ne le
payer que par annuités prélevées sur
son budget normal. L'accord était
complet quand on reconnut qu'il fal-
lait consulter le ministère, le comité
des travaux, etc. et la colonie attend
toujours son warf ; elle l'attendra sans
doute pendant longtemps encore, car
le comité n'admet même pas le prin-
cipe sur lequel le projet de contrat est
basé ; le système des travaux payables
par annuités est condamné ; il faudra
faire un emprunt ; mais tout emprunt
exige une loi ; toute loi nécessite des
discussions répétées, des commissions,
des va et vient entre le gouvernement,
la Chambre et le Sénat, etc. C'est dire
que laCôte d'Ivoire verra passer encore
bien des gouverneurs avant de voir
construire son warf. ,-
M. Siegfried paraît avoir la pensée
que le comité des travaux du minis-
tère des colonies produira partout des
effets analogues, car il propose une
réduction du crédit qui lui est affecté,
et il émet le vœu que le comité
« agisse surtout par des tournées fré-
quentes dans celles de nos colonies où
s'exécutent des travaux publics ». Je
doute que satisfaction lui soit donnée,
car il est plus facile de créer du per-
sonnel que d'en supprimer. J'ai acquis
par expérience la certitude que les dé-
penses de personnel sont comme des
dettes perpétuelles; cela n'est pas
moins vrai pour les colonies que pour
la "métropole.
:t-*#
Le comité technique des services mi-
litaires prêterait à des considérations
analogues. Avec le régime bâtard que
nous appliquons à notre armée colo-
niale, il faut à Paris deux services de
troupes coloniales, l'un au ministère de
la marine, l'autre auprès du ministre
des colonies, et tous les deux sont d'ac-
cord pour pousser l'administration co-
loniale vers le militarisme ruineux que
tout le monde critique, mais contre
lequel il ne paraît pas que personne
soit résolu à agir efficacement.
Le comité technique des services
militaires des colonies coûte près de
cent mille francs," auxquels il faut
ajouter les états-majors généraux et
particuliers composés de 150 officiers
qui coûtent 754,000 francs.
La commission du budget et son
rapporteur n'ont pas osé toucher à ces
dépenses ; cependant l'examen le plus
superficiel leur aurait indiqué d'im-
portantes économies immédiatement
réalisables. Mais on sait que la Cham-
bre, toujours prête à se rebiffer quand
on lui demande des crédits pour les
travaux publics, accepte sans mot dire
toutes les dépenses militaires.
Le commissariat et le service de
santé des colonies donneront lieu à de
très importantes économies budgé-
taires le jour où l'on se décidera à or-
ganiser l'armée coloniale sur des bases
rationnelles, mais ce jour est proba-
blement encore fort éloigné.
M. Siegfried a calculé qu'à là Gua-
deloupe le service de santé coûte
« plus de 250 fr. par homme et par
an 1). Ce chiffre suffit pour donner une
idée des réformes qu'il faudrait opérer
dans ce service et des économies qu'il
serait possible de réaliser par une or-
ganisation intelligente.
Le rapport de M. Jules Siegfried est
encore riche en enseignements utiles
relativement aux dépenses que fait la
métropole pour les établissements du
Soudan, de Madagascar et du Tonkin.
Il en ressort, comme des autres par-
ties, la conviction que l'absence de
toute politique coloniale coûte extrê-
mement cher à la métropole et qu'il
en sera ainsi jusqu'au jour où nous in-
troduirons la méthode rationnelle et
scientifique dans l'organisation de
notre domaine colonial.
J.-L. DE LANESSAN.
Nous publierons demain un article
de M. Charles Dos.
L'ARMÉE COLONIALE
» -
La commission de l'armée, réunie hier, a
maintenu ses précédentes décisions sur l'ar-
mée coloniale, malgré l'avis des ministres
de la guerre et de la marine qui demandaient
le rattachement au ministère de la marine,
la commission a voté le rattachement de
l'armée coloniale au ministère de la guerre.
Elle a décidé que l'armée coloniale aurait son
budget spécial.
LES TREIZE ET VINGT-HUIT JOURS
MM. Renou, Toussaintet Fabérot, députés
socialistes de la Seine, ont déposé une pro-
position tendant à la suppression de la pé-
riode d'instruction des treize jours et des
vingt-huit jours, afin d'amener une éco-
nomie de 22 millions et de faire prévaloir les
idées de désarmement universel.
LES ON-DIT
CARNET QUOTIDIEN:
Les courses : A Auteuil.
— Présentation de Théotokos.
- Séance de l'Académie française.
- Durée du jour : 9 h. 43.
L- CHEZ NOUS
~—- A l'Ecole polytechnique :
Contrairement à ce qu'on aurait cru
pouvoir supposer, étant connu leur grand
amour des sorties, les polytechniciens sont
restés encore enfermés hier soir. Aucun
élève n'a franchi le seruil du poste de la rue
Descartes, l'entrée est demeurée rigoureu-
sement interdite à toute personne étran-
gère à l'Ecole. r {f
M. Berthet, conseiller général,
député d'Albertville (Savoie), est mort hier
matin, à Paris. ;
——. Les étalons boulonnais Sultan et
Espoir, offerts par le département du Pas-
de-Calais au tsar, sont arrivés hier à Arras,
venant des écuries de l'arrondissement de
Saint-Pol, où ils ont été achetés. Ils seront
expédiés aujourd'hui à Paris pour être de
là dirigés sur Saint-Pétersbourg.
- Pour répondre à cette question cent
fois posée : Qu'est-ce que Vabsinthe blanche
oxygénée ? depuis que dans tous les cafés
on ne consomme plus que ce précieux
apéritif, disons que l'absinthe oxygénee
est de la liqueur d'absinthe soumise lon-
guement dans toutes ses molécules au con-
tact de ce gaz vital et rédempteur par
excellence : Voxygène dégagé industrielle-
ment dans des appareils admirablement
perfectionnés par la Grande Distillerie
Cusenier.
L'oxygénation de l'absinthe, c'est sa vita-
lisation, c'est la transformation d'un liquide
parfois dangereux, quand il est mal fabri-
qué, en un breuvage de santé et de vie.
A L'ETRANGER
—— A la Société d'archéologie d'A-
thènes, le prince royal, qui présidait, a
proposé hier la restauration du Lion de
Chéronée et l'exhumation des squelettes
de 300 hoplites de la légion sacrée de
Thèbes, tombés à Chéronée.
-—~ Fin romanesque d'une dame de
lettres..
Mme Eva Kattermol, en littérature :
« comtesse Lara », romancière et poétesse
de quelque renom, vivait maritalement
depuis quelques années, à Rome, avec le
peintre Pierantoni.
L'été dernier, la comtesse Lara rencon-
tra un de ses anciens amants, le lieutenant
de marine Buttini, et renoua des relations
avec lui. •
Mardi soir, Eva Kattermol annonça à
Pierantoni le retour prochain de Buttini.
Le peintre, affolé de jalousie, saisit un re-
volver et tira sur son infidèle. La mort a
été instantanée, une balle ayant perforé
l'intestin.
La comtesse Lara était âgée de quarante
ans.
Le peintre Pierantoni, après avoir tenté
de se suicider, a pris la fuite. Il a été arrêté
dans la soirée.
Le Passant.
LA BANQUE DE FRANCE
La commission a commencé hier ses tra-
vaux. La première question qui a été exa-
minée a été de savoir s'il y avait lieu de
maintenir le privilège de la Banque de
France ou d'instituer une Banque d'Etat.
A l'unanimité, la commission s'est pronon-
cée pour le maintien du privilège.
La durée de ce privilège que le gouverne-
ment propose de fixer à vingt-trois ans sera
discutée à la prochaine séance.
Une discussion s'c.,t ensuite engagée sur
les. statuts et l'organisation de la Banque et
sur les avantages consentis par elle à l'Etat.
La commission s'est prononcée pour une
motion de M. Siegfried tendant à élargir, au
profit des actionnaires, l'accès des assem-
blées générales. Mais elle a repoussé deux
motions qui auraient pour objet de limiter
le chiffre des billets à émettre au montant de
l'encaisse et à élever le capital de la Banque
en y adjoignant le fon-is de réserve.
Divers membres ont demandé que le ser-
vice de trésorerie fût fait par la Banque qui
serait ainsi lé caissier de l'Etat. Mais la com-
mission parait devoir se contenter des amé-
liorations apportées par le projet.
Elle a repoussé le système de la redevance
fixe que la Banque devait payer à l'Etat :
elie s'est ralliée sur ce point au projet du
gouvernement décidant toutefois qu'un mi-
nimum serait fixé pour cette redevance cal-
culée d'après le produit de l'escompte.
, La commission examinera. demain les
avantages consentis par la Banque au profit i
du public.
Elle entendra le ministre des finances la
semaine prochaine. .'-
POUR LES BACHELIERS MALHEUREUX
Il y avait autrefois une session d'avril
pour les bacheliers malheureux en novem-
bre. On l'a supprimée à une époque où ces
jeunes gens avaient à recommencer après
un échec leur préparation tout entière, à re-
faire, en un mot, leur rhétorique, puisque,
épreuves écrites ou orales, tout était à re-
prendre sur de nouveaux frais.
Mais depuis on a accordé aux candidats
reconnus admissibles à l'écrit le droit de ne
plus passer que les épreuves orales, et c'est
un privilège qu'ils gardent pendant toute
une almée. - entre
Or, voyez l'inégalité de traitemont entre
candidats admissibles à l'écrit et refusés
également à l'oral. Ceux qui échouent en
août peuvent se représenter en novembre,
c est-à dire trois mois après. Pour quelle
raison ceux qui échouent en novembre
sont-ils obligés d'attendre huit mois, c'est-
à-dire la session daoût? 1
On parle de l'intérêt de la classe de rhé-
torique qu'il ne faut pas couper en deux par
la préoccupation de l'examen. Mais l'intérêt
de la classe est- précisément d'accord ici
avec l'intérêt des candidats. Les admissi-
bles, refusés en novembre, ; n'ayant plus
« d'écrit » à préparer, suivent la classe en
amaeurs, en prennent ce qui leur con-
vient et laissent le reste, apportant dans
tous les exercices un élément de trouble et
de confusion.
Depuis qu'on s'est décidé à maintenir
pour un an le bénéfice de l'admissibilité aux
candidats qui ont échoué à l'oral, la suppres-
sion de la session d'avril n'est plus qu'un
non sens. Et c'est pourquoi candidats, pères
de famille et professeurs sont aujourd'hui
d'accord pour en réclamer le rétablisse-
ment..1
A. B.
ITFILIX FAURE EN RUSSIE
Le Novoié Vrémia, parlant du bruit qui
circule à Saint-Pét rsbourg au sujet de qui
rivée, dans la capitale russe, au printemps
prochain, du président de la République
française, croit savoir qu'il s'agit d'un évé-
nement non-seulement tout à fait décidé,
en principe, mais dont tous les détails se
trouvent d'ores et déjà réglés.
A ce sujet, le journal russe explique que
la Constitution française de 1875 crée une
certaine difficulté. Elle n'a pas prévu la pos-
sibilité que le chef de l'Etat sorte des limites
de la France. Aussi quand en 1893, après les
fêtes de Cronstadt et de Toulon, il était
question d'un voyage en Russie du feu pré-
sident Carnot, les cercles compétents, en
France, firent valoir que le président ne res-
tait « chef de l'Etat qu'autant qu'il se trou-
vait sur le territoire national ; en le quittan.
il devenait un simple particulier à qui, par
conséquent, ne pouvait être fait aucune ré-
ception solennelle n.
Les mêmes discussions sesont reproduites
quand un projet analogue a été mis en
avant pour M. Félix Faure, à l'occasion du
couronnement de l'empereur actuel. Enfin,
voici que ce projet se présente pour la troi-
sième fois; mais, à l'heure quil est, les
conditions sont telles qu'il n'est plus possi-
ble de se prévaloir du silence de la Consti-
tution de 1875. La visite de retour à leurs
majestés est devenue pour le président de la
République un devoir impérieux dont l'ac-
complissement s'impose d'une manière abso-
lue ; c'est pourquoi on a été amené à recher-
cher les moyens de donner à cette visite le
caractère d'une rencontre des chefs d'Etat de
deux nations amies.
Le Novoié Vrémia estime que le meilleur
moyen consisterait en ce que le congrès se
réunît et autorisât le président de la Répu-
blique à rendre à un souverain étranger la
visite faite par ce dernier à la nation fran-
çaise. En même temps, le congrès pourra
décider à qui devront être confiées tempo-
rairement les fonctions dont le président est
chargé.
Dans ces conditions, M. Félix Faure aura
la possibilité de venir en Russie en qualité
de « chef d'Eiat » chargé d'exécuter la vo-
lonté du peuple français. La réception offi-
cielle et solennelle qui lui sera faite en Rus-
sie sera dès lors la conséquence logique des
traditions créées par les fréquentes visites
de souverains étrangers en Russie.
En ce qui concerne l'accueil que feront au
plus haut représentant de la nation française
la société cultivée et les masses populaires
russes, il sera, cela va sans dire, l'écho des
sentiments dont tous les vrais tsses ont
été pénétrés pendant les jours , norables
du voyage en France du tsar t de la tsa-
rine.
Nous n'ajouterons rien aujourd'hui à l'in-
forma ion du Novoié Vrémia, sinon que les
difficultés de droit constitutionnel auxquelles
fait allusion le journal russe, pour tout
déplacement du président de la République
hors de France, sont parfaitement exactes.
Nous reviendrons demain plus amplement
sur la question.
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Les Espagnols aux Philippines
D'après des lettres venues du Japon,
écrites par des Européens au courant de hl
situation, il est bien évident que le Japon,
sans jouer dans 1 insurrection des Philip-
pines le rôle agressif et actif que les officieux
espagnols ne seraient pas fâchés de lui at-
tribuer, n'en aident pas moins moralement la
cause des indigènes. Les Japonais se plai-
gnent de la façon dont les autorités espa-
gnoles, dès le premier jour, les ont soup-
çonnés : ils cons atent qu'ils sont sous la
surveillance de la police et au Foreign office
japonais on est tout prêt à porter les faits à
la connaissance de l'Europe. On attend seu-
lement les résultats de l'enquête — ce qui
prouve que le Japon est mûr pour la civili-
sation européenne.
Dans ces moines lettres il y a quelques
détails curieux sur la prépondérance de l'é-
lément clérical aux Philippines. Il parait
qu'on pourrait encore espérer un arrange-
ment si les autorités civiles étaient seules
en cause, mais le malheureux ouvernour
espagnol est bien plus sous la coupe des
prêtres de Manille que sous celle des minis-
tres de Madrid. Il y a djns l'ile 2,000 prê-
tres, presque tous Espagnols. Ils touchent
une partie des impôts et de plus écrasent les
indigènes sous tuut un système do dimes et
ci, cotisations aux frais du culte, ce qui fait
jue les prêtres touchent par an 113 millions
de pesetas, tfndis que l'Etat n'en touche
lue ii6. Je crois qu il n'y a pas dans le
monde de situation compurabie il celle-là.
Le clcrgé, qui comprend fort bien que
touto concession portera sur la part qui lui
revient, pousse à la résistance à outrance,
et il aura une part de responsabilité ef-
frayante dans les massacres qui urriveront
infailliblement — à ce que l'on croit à Yo-
kohama. Dans tous les cas, on est persuadé
que les jours de l'influence espagnole sont
comptés, et que là aussi la vieille et fameuse
civilisation de l'Europe n'aura plus qu'à plier
bagage devant les soi-disant sauvages qu'elle
a rançonnés pendant des siècles. ,
WASP.
SAINTE-BARBE ET L'ÉTAT
UN PROJET D'ACQUISITION DE SAINTE-BARBE
L'Etat se propose de faire l'acquisition
d'un des plus vieux collèges de Paris qui
après avoir connu les faveurs de la Fortune
en a éprouvé les retours.
Un projet de loi distribué hier à la Cham-
bre offre, en effet, d'acquérir moyennant
2,900,000 francs tous les immeubles occupés
par le collège Sainte-Barbe qui, libéré ainsi
vis-à-vis de ses créanciers, retrouverait
sans doute bien vite ses beaux jours d'an-
tan. ¡
La combinaison consiste :
1° A verser à la société de Sainte-Barbe
2,500,000 fr. pour rembourser, d'une part,
jusqu'à concurrence de 2,250,000 fr., les
sommes qu'elle doit au Crédit foncier, et
éteindre, d'autre part, tout son passif ;
2° A alfecter le restant du prix d'acquisi-
ion, soit 400,000 fr.. au remboursement des
avances de 750,000 fr. déjà faites par l'Etat à
Sainte-Barbe, en vertu de la loi du 27 juillet
1892 ;
3° A louer à la société de Sainte-Barbe
les immeubles à elle achetés, pour qu'elle
con inue — moyennant un loyer annuel de
1 franc et l'abandon de la moitié de ses bé-
néfices, déduction faite de la réserve légale
de 5 0/0 — à exploiter dans les mêmes con-
ditions que par le passé son célèbre établis-
sement d'enseignement secondaire.
Le prix du loyer rend rêveur. Pourquoi
ce franc? A quoi répond-il? Nous avouons
ne pas bien comprendre. Mais qui sait?
Peut-être sans ces vingt sous les choses ne
seraient-elles pas « régulières » et on sait
qu'en France c'est là le premier des soucis
de l'administration.
Le projet, du reste, n'est pas moins heu-
reux. Il sauve un vieux collège qui a rendu
trop de services à l'Etat pour que l'Etat ne
lui rende pas service à son tour, et il évite
de priver le quartier des Ecoles d'un des
rares établissements d'enseignement secon-
daire qui ait conservé, avec son autonomie
et son indépendance, un caractère et des
traditions de libéralisme tout à fait person-
nels. C'est plus qu'il n'en faut pour que nous
applaudissions à l'initiative que vient de
prendre M. Rambaud. Mais ce n'est peut-
être pas assez pour que le public partage ce
sentiment.
Qu'on nous permette donc d'ajouter à ces
lignes un rapide historique qui suflira. nous
en sommes convaincu, à rallier tous les suf-
frages à sainte Barbe.
—»:«—
Sainte-Barbe fut fondée en 1460, par Geof-
froy Lcnorman', un des prêtres-professeurs
qui eurent le plus de vogue au temps de
Charles VII.
La maison fut d'abord un établissement
libre appartenant soit au principal qui la
gouvernait, soit à des particuliers qui en
confiaient la direction à un principal de leur
choix, agréé par l'Université.
En 1556, Robert Dugast compléta l'œuvre
de Lenormant en assurant par une dotation
l'indépendance du collège. Malheureusement,
en 1589, les troubles de la Ligue amenèrent
pendant quelque temps la fermeture des
classes et Sainte-Barbe végéta jusqu'en 1691,
époque à laquelle un docteur de Sorbonne,
Thomas Durieux, créa à côté du collège une
communauté qui prit son nom et assura son
existence.
En 1764, le collège et la communauté se
séparèrent, celle-ci gardant pour elle tous
les bâtiments réservés aux élèves, et celui-
là se transportant à Louis-le-Grand avec la
fondation Dugast, qui fut dès lors employée
à l'entre lien de huit boursiers.
Après la Révolution, en 1798, Victor de
Lanneau, qui avait quitté l'habit ecclésiasti-
que sept ans auparavant pour devenir
maire d Autun et député à l'Assemblée lé-
gislative, reconstitua sur de nouvelles bases
le vieil établissement scolaire.
Homme de bien et administrateur hors
ligne, Victor de Lanneau fit de Sainte-Barbé
un collège modèle. On cite de lui des trai s
qui expliquent aisément l'autorité qu'il
réussit à prendre sur ses élèves et le respect
dont il était entouré. Un jour, on vint pour
retirer de la maison un jeune pensionnaire
dont le père avait fait faillite. — Vous com-
prenez, lui dit son interlocuteur, qu'après
un tel désastre, il est impossible de laisser
l'enfant au collège. — Je vois au contraire,
répondit-il, l'impossibilité qu'il en sorte. Et,
avec \ous, Victor de Lanneau se montrait
ainsi d'une charité inépuisable, d'une solli-
citude sans cesse en éveil.
Grâce à lui, Sainte-Barbe devint bientôt
une vraie famille pour tous ceux qui y
avaient été élevés, et lorsqu'en 1816, le
même professeur se trouva aux prises avec
la calomnie et la persécution, ce furent ses
anciens élèves qui vinrent le défendre en
jetant les bases de cette association ami-
cale des Barbistes qui a pris, depuis, tant
d extension.
Plus tard, du reste, les barbistes eurent
une meilleura occasion encore d'affirmer
leurs sentimen s de reconnaissance envers
Victor de Lanneau. Ce fut en apportant à
son fils, après la crise financière de 1831, les
fonds nécessaires pour préserver d'une ca-
tastrophe le collège Sainte-Barbe et la fa-
mille de son fondateur.
Constituée en société à partir de cette
époque, Sainte-Barbe ne tarda pas à pren-
dre une extension considérable. Une école
préparatoire et un petit collège furent ad-
joints à la maison-mère. Toute une foule
d'hommes de talent sortirent de ses rangs.
Bref, le succès fut complet.
Hélas ! Sainte-Barbe devait éprouver une
fois de plus les vicissitudes de la fortune.
Des difficultés survinrent dans ces dernières
années qui entravèrent l'essor de la maison
et on put craindre un moment qu'elle y per-
dît un peu de son ancienne renommée.
L'intervention de î'.Etat, heureusement, va
bicntùt lui permettre de montrer que les bar-
sis: es d'aujourd'hui ne valent pas meinsque
es barbistes d'autrefois.
Nous nous en félicitons non-seulem?»y
parce que Sainte-Barbe a été le refuge des
professeurs que l'empire avait chassés de
Université en 1851, mais parce qu'elle est
encore une des rares maisons où l'on sachu
illier l'enseignement 4 i'édw.catiQR, et dÓvc-
lopper entre élèves des sentiments de soli-
darité assez forts pour résister au temps et
à 1 éloignement.
LES MIETTES DE LA SEMAINE
Par PAUL DESACHY
'-<
b Jeudi 26 novembre. — Les dieux s'en
vont! -
Voici que sous la coupole même, ou
pleine solennité académique, un des
quarante nous démolit celui qui passait
à nos yeux pour le prototype de la
vertu dont il fonda le prix, l'honorable
M. de Monthyon. Il paraîtrait que ce
bienfaiteur posthume ne prêcha pas
toujours d'exemple et qu'il mit quelque
âpreté dans la façon dont il poursuivit
ses petits débiteurs infortunés. Bref
M. d'Haussonville, en tant que rappor-
teur, nous laisse entendre qu'il ne lui
eût point décerné un des prix qu'il
fonda.
Aux Champs-Elyséens ou au Purga-
toire, puisqu'il méconnut les principes
de la charité chrétienne, M. de Mon-
thyon a dû la trouver mauvaise. Il a
payé 75,000 fr. par an le droit d'être thu-
rifèré par les immortels et béni par les
auteurs qui n'ont guère d'autres lec-
teurs que les membres de la commis-
sion. L'Académie, enacceptant son legs,
s'engageait à verser sur sa mémoire
quelque oraison aussi embaumée que
lacrymatoire à chaque renouvellement
d'année. M. de Monthyon y comptait
bien. M. d'Haussonville semble un
prêtre révolté qui critiquerait son culte,
une vestale qui jetterait de l'eau, plutôt
que de l'huile, sur le feu sacré.
Si cet exemple allait se généraliser,
si les bienfaiteurs savaient qu'on éplQr-
chera plus tard leur vie, leur zèle se
refroidirait vite. Nous pensons bien, au
fond, que la vanité est le plus puissant
mobile en ces sortes d'aflaires et qué
l'or des charités n'est pas sans alliage.
Nous en avons eu tout récemment en-
core la preuve dans ce legs de six milr
lions fait à la ville pour l'édification
d'une maison ouverte aux jeunes filles
sages par un monsieur qui toute sa vid
avait fermé ses poptes sur d'autres de-
moiselles qui ne l'étaient point. -
Jamais cependant la maxime de l'em-
pereur latin : l'argent n'a pas d'odeur,
n'a été mieux de circonstance. Accep-
tons les testaments les yeux clos, don-
nons-en pour leur argent aux dona-
taires qui veulent de la réclame ; sans
cela ce sera encore aux malheureux,
qui n'en peuvent mais, à pâtir de nos
scrupules.. m.
Samedi 28 novembre. — Puisqu'il est
désormais convenu de classer les épo-
ques par les goûts particuliers dont se
passionnèrent les contemporains, l'em-
barras sera grand pour ceux qui de-
vront d'une épithète marquer notre
temps, singularisé de si diverses ma-
nières. Mais l'hésitation ne leur serà
toutefois permise qu'entre deux ter-
mes : l'âge du cyclisme ou l'âge de
l'affiche.
Tandis, en effet, que l'un a pris pos-
session de la chaussée, l'autre a en-
vahi nos murs. La ville, sous le pinceau
des colleurs, a vu la grisaille laide des
murailles se fleurir de mille fantaisies
pleines de lumière, d'art et de gaieté.
Ç'a été une transformation éclalante de
la vieille réclame banale et triste of-
frant aux yeux dans un éblouissement
de couleurs, dans une disposition ar-
tistique de personnages de rêve, le re-
mède pharmaceutique, le pétrole nou-
veau, l'attrait des voyages ou des
pièces de théâtre. L'industrie habile
a fait appel aux peintres et aux
dessinateurs de talent pour don-
ner à ses produits la présentation
splendide de leur art, et ceux-ci î
ont trouvé dans cette, offre ce qu'ils
cherchaient depuis longtemps, la popu-
larisation de leur œuvre, ce Salon de
la rue aux sujets sans cesse rencon-
trés, forçant les yeux du passant, lui
arrachant une exclamation de surprise
aamirative. Tout un mouvement nou-
veau est sorti de cette combinaison du
commerce et de l'art dans cet échange
mutuel de services. Derrière. Chéret,
maître incontesté du genre, les Wil-
lette, les Fraipont, les Steinlen, les Bac,
les Guillaume, que d'autres encore! ont
créé de véritables œuvres, car ils ap-
portaient dans ces dessins éphémères
leur sincérité, leur conviction, leur or-
gueil d'artistes ! A l'étranger aussi ce
mouvement avait sa répercussion, et
les dessinateurs anglais, américains,
belges, produisaient des affiches curieu-
ses, bien distinctes des nôtres, grâce à
leur tempérament différent et à leurs
conceptions esthétiques parfois si étran-
gement bizarres. — c -
Mais les belles affiches ont le destin
des roses. L'effort d'art dont elles sont
la manifestation quelquefois parfaite,
toujours intéressante, menaçait d'être
perdu. M. Alban Chaix, qui a lancé dans
le public toutes les affiches de Chéret,
ne l'a pas voulu. Avec une patience et
une sûreté de goût merveilleuses, il
recherche et réunit, dans une collection
de luxe, les œuvres les plus originales
et les plus artistiques réduites au grand
format d'un journal illustré. J'ai là, sur
ma table, la dernière livraison parue ce
matin, présentée par goger Marx, et
dont Chéret, Forain, Grasset et l'amé-
ricain Will Bradley font les frais.
C'est d'une reproduction remarquable;
la diminution semble même plus favo-
rable à certaines affiches que la dimen-
sion primitive. Ainsi verrons nous dis-
paraître sans regret désormais les ima-
geries préférées, régal des yeux, dont
lôfc Jambeaux claquent bientôt déchirés
par le Vent, trempés pan ia pluie, fila"
culés par la boue. l-a. rfoa
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