Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1896-10-23
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32757974m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 68249 Nombre total de vues : 68249
Description : 23 octobre 1896 23 octobre 1896
Description : 1896/10/23 (N9723). 1896/10/23 (N9723).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75645467
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/05/2013
Os-X O -. eisrTiliff" Te riitssusvoT
PA RïSEb'EPA RTENJtEN- TL
Le umëro, CI 3Sf Q CE N T :[ M E S-
- Umm
fiœm» m fiBH^B l ■ S JDB B «WIBn mÉi^ÊF B BS9 IB MB : BB HIBi BHB n En ^§9
«BL S rai HH 5 S «9 B fl9 fiB9n9 i s HB
B HK
ABONNEMENTS
Paris i--. Trois lois, 6 f. Six lm, llf. 7i a, 20 if
Départements, — 7 f. — 121. — 24N
Union Postale — 9 f. - îef. «*%'
Les Abonnements sont reçus sans frais
dans tous les Bureaux de Poste. ",'"
ANNMlCBS
AUX BUREAUX SU JOTHSsOEL
131, rue Montmartre, 131
gt chez MM. LAGRANGE, CERF 4 0-
6, place de la Bourse, 6.
- caresse télégraphique : XIX' SIÈCLE - PARIS
RIÉDACTION: 131, rue Montmartre, 131
Ds4k8 tmtres du soir et de 10 heures du soir à 1 heure du matin
Wo 9723. — Vendredi 23 Octobre 1836
2 BRUMAIRE AN 105
ADMINISTRATION i 181, rue Montmartre, lai
Adresser to*n$«t mandats à F Administrât*ur
NOS LEADERS
LETTRES LIBRES
L'Armé e coloniale
et le ministère des colonies
Y-ai examiné dans une précédente
Lettre les arguments qui s'opposent
à ce que l'armée coloniale soit main-
tenue sous la direction du ministère
de la marine. Parmi ceux qui parta-
gent mon opinion sur ce premier
point, certains pensent qu'il faudrait
rattacher l'armée coloniale au minis-
tère des colonies. Ils invoquant sur-
tout la nécessité de l'unité de direc-
tion.
Ils estiment que si les troupes colo-
niales ne dépendent pas directement
et exclusivement du ministre des co-
lonies, il y aura dans nos établisse-
ments coloniaux des conflits d'autant
plus nombreux entre les autorités mi-
fi ta ires et les autorités civiles, que les
premières trouveraient dans leur mi-
nistre un appui, sinon même un en-
couragement à s'émanciper des se-
condes, tes intérêts des deux sortes
d'autorités étant contradictoires.
Tandis que le gouvernement colo-
nial place au premier rang de ses
préoccupations la réalisation d'écono-
mies aussi considérables que possible
sur les dépenses militaires qu'il sait
n'être que péniblement supportées par
la métropole, le commandement a le
plus profond dédain pour toutes les
questions budgétaires. Si les troupes
ne dépendent pas directement et ex-
clusivement du gouverneur et du mi-
nistre des colonies, on peut s'attendre
à ce que les conflits soient, sur ce pre-
mier point, à peu près permanents.
On ajoute que si l'autorité militaire
n'est pas directement soumise aux
gouverneurs et au ministre des colo-
nies, les conflits avec les gouverne-
ments coloniaux naitront encore, dans
tous les établissements non entière-
ment pacifiés, du désir qu'ont les offi-
ciers de faire des expéditions, même
inutiles, afin de gagner des grades et
des décorations.
La justesse de ces arguments peut
d'autant moins être contestée que
l'expérience la corrobore de toute son
autorité. Pepuis que nous sommes au
Tonkin, il y a eu conflit entre l'auto-
rité militaire et le gouvernement lo-
cal, toutes les fois que celui-ci ne s'est
pas incliné devant les intérêts parti-
culiers et les passions belliqueuses de
celle-là.
Je n'ai pas encore perdu le souvenir
de la campagne de presse qui fut or-
ganisée pendant l'été de 1892, alors
que j'étais en convalescence au Japon,
pour persuader au gouvernement mé-
tropolitain et à moi-même que le Ton-
kin était menacé d'une invasion chi-
noise. On était allé jusqu'à répandre
dans le public le bruit qu'une armée
chinoise était en marche sur Langson
et que dix mille hommes étaient mas-
sés devant le poste de That-Ké.
Les journaux de la ferme de l'o-
pium recueillaient avec empressement
ces racontars, les enflaient et les ré-
pandaient dans l'Indo-Chine et en
France, m'accusant de négligence et
d'aveuglement.
Par chaque courrier, il partait de la
colonie pour Paris des correspon-
dances nombreuses, adressées aux dé-
putés, aux journaux, aux officiers du
ministère des colonies, annonçant la
prétendue invasion chinoise et ma
prétendue indifférence au péril qui
menaçait la colonie.
Les intérêts particuliers profitaient
de quelques incidents fâcheux, de la
perte d'hommes et d'officiers surpris
dans des embuscades, pour donner
plus de force à cette campagne alar-
miste et pour me pousser aux mesures
où ils espéraient trouver leurs avanta-
ges. D'un côté, le commandement mi-
litaire sollicitait l'autorisation d'ouvrir
des expéditions et me déclarait qu'il
était indispensable de faire venir de
France des renforts. D'un autre côté,
la ferme de l'opium, invoquant l'atti-
tude et les craintes publiquement
manifestées par l'autorité militaire, se
déclarait impuissante à tenir ses en-
gagements dans un pays aussi pro-
fondément troublé.
Si je n'avais pas résisté à l'agitation
et aux menaces dont j'étais entouré, le
Tonkin et la métropole aurait été
lancés dans quelque grosse aventure
militaire et financière. Je tins bon
contre la ferme de l'opium et contre
l'autorité militaire et je fis bien, car
huit jours après ma rentrée à Hanoï,
tout le bruit s'apaisait, la prétendue
invasion chinoise s'évanouissait
comme une vaine fumée, et j'enta-
mais avec les autorités chinoises de la
frontière les relations amicales qui ont
si puissamment contribué à la pacifi-
sation des frontières du Tonkin.
Je pus résister aux intérêts particu-
fiers parce que le gouvernement m'a-
vait donné de grands pouvoirs et me
%ii"*Ot sa confiance ; ne l'aurais
certainement pas pu si l'autorité mili-
taire n'avait pas été placée directe-
ment sous mes ordres.
L'expérience semble donc être d'ac-
cord avec la raison pour appuyer le
rattachement des troupes coloniales
au ministère des colonies, car le jour
où les gouverneurs et les comman-
dants militaires dépendraient du même
ministre, les conflits seraient plus
rares ou plus faciles à régler.
Cependant, je ne pense pas que cette
solution doive être adoptée, du moins
dans la forme simpliste où elle est
proposée.
**$
Le rattachement des troupes colo-
niales au ministère des colonies en-
traînerait nécessairement pour la mé-
tropole une augmentation considérable
de dépenses, car il faudrait instituer
auprès du ministre un personnel de
haute direction extrêmement coûteux.
D'un autre côté, pour que les trou-
pes coloniales suffisent à tous les be-
soins des colonies, il faut qu'elles
puissent non seulement leur fournir
des officiers et des hommes en temps
normal, mais encore faire face aux
éventualités extraordinaires. Si une
insurrection éclate dans une colonie
quelconque, si des voisins belliqueux
la menacent, si la métropole iuere in-
dispensable d'occuper militairement
un point de nos possessions d'outre-
mer où nous n'entretenons pas actuel-
lement des troupes, il faut que l'ar-
mée coloniale puisse, du jour au len-
demain, fournir les officiers et les
hommes nécessaires. Si l'on avait pu
envoyer à Madagascar des hommes
faits, au lieu des jeunes gens du 200e de
ligne, nous aurions certainement
perdu moins de monde. Si d'autre
part, il avait existé, à l'heure où cette
expédition fut préparée, une réserve
d'armée coloniale solidement consti-
tuée, avec ses services administratifs
et médicaux, ses moyens - de - transport,
etc., on aurait dépensé beaucoup
moins et l'on n'eût pas donné le spec-
tacle des incohérences et des fautes
qui ont marqué l'expédition.
Pour que l'armée coloniale puisse
faire face à toutes ces éventualités, il
faut que ses effectifs et ses cadres
soient très supérieurs en nombre aux
besoins normaux des colonies; il faut
par conséquent qu'elle ait en France
ou en Algérie des réserves considé-
rables.
Si ces Téserves sont placées sous les
ordres du ministre des colonies, on
crée un deuxième ministre de la
guerre et on organise le conflit entre
les troupes qui en dépendront et le
reste de l'armée.
D'autre part, le ministère des colo-
nies ne peut remplir son rôle d'une
manière utile que s'il est essentielle-
ment civil et purement politique, ad-
ministratif, commercial. Il faut que
d'instinct, pour ainsi dire, il soit pré-
disposé à mettre obstacle à l'envahis-
sement de nos colonies par le milita-
risme. Le transformer en un troisième
département militaire serait manifes-
tement aller contre sa destmee lo-
gique
Un ne manquera pas d'objecter que
si les troupes coloniales ne dépendent
pas du ministre des colonies, celui-ci
n'aura pas sur elles une autorité suffi-
sante et le .militarisme que l'on veut
éviter s'emparera de nos colonies mal-
gré leur ministre. Il en serait ainsi, en
effet, si le ministre etses représentants
dans les colonies n'avaient aucune au-
torité sur les troupes coloniales ; mais
ce n'est point ainsi que je l'entends;
on le verra dans ma prochaine Lettre.
J.-L. DE LANESSAN.
Nous publierons demain un article
de M. Lucien Victor-Meunier
Pour les Arméniens
Nous avons annoncé, avant-hier, la forma-
tion d'un comité de défense et de protection
des Arméniens réfugiés à Paris, sous la pré-
sidence de notre confrère et ami Jules Ger-
baud.
Ce comité n'a rien de commun avec les
comités politiques qui ont pu se constituer
à Londres ou ailleurs. Il a uniquement pour
but de venir en aide aux 1,200 Arméniens
qui sont actuellement réfugiés à Paris, en
procurant aux uns du travail et en assurant
un abri et un morceau de pain à ceux d'en-
tre eux qui n'ont aucune ressource.
Il paraît que quelques-uns de ces malheu-
reux ont fintention de solliciter leur passage
aux colonies. Le comité aura à étudier dans
quelles conditions il serait possible de faire
droit à ce désir et, si la chose est réalisable,
il s'entremettra en ce sens en leur faveur.
Ce soir, une première réunion aura lieu
dans laquelle on avisera aux premières me-
sures à prendre.
Dans quelques jours, une grande réunion
sera organisée à la mairie du 6e arrondisse-
ment, place Saint-Sulpice.
————————————
PAIERA-T-ON LE CONGÉ ?
On sait qu'à l'occasion de la visite du tsar
à Paris les compagnies de chemins de fer
ont accordé à leurs employés et ouvriers un
jour de congé. Tous les travailleurs des
chemins de fer si tenus par leur labeur ont
applaudi à cette mesure, mais alors que les
employés et ouvriers commissionnés vont
toucher intégraletaent leurs appointements,
.Ql j&tara la netedes aon-GonuaisBiOBûés.
Ces travailleurs peu rémunérés sont heu-
reux quand il leur arrive un jour de congé,
mais s'il doit se traduire par une perte sur
leur salaire Hs y regardent : rester avec la
femme et les enfants, très bien, mais les
nourrir c'est encore mieux.
Aussi faut-il espérer que les compagnies
qui ont fait un surcroit de recettes avec les
fetes franco-russes donneront cette double
satisfaction à leurs employés non commis-
sionnés : un jour de congé payé.
LES ON-DIT
CARNET QUOTIDIEN:
Les courses : A Chantilly.
- Durée du jour : II b. 30 m.
AU JOUR LE JOUR
Un congrès « national catholique »
se tient en ce moment à Reims. Comme
membres, il ne compte que des prêtres
séculiers et des jésuites. Comme beso-
gne, un n'y fait qu'insulter la société
laïque, c'est-à-dire la République, dans
l'espèce.
Voici, notamment, comment les con-
gressistes ont occupé leur après-midi
d'hier.
Ils ont d'abord envoyé un télégramme
au pape, puis ils ont stigmatisé une fois
de plus la franc-maçonnerie qui, d'ail-
leurs, ne s'en porte pas plus mal; enfin,
ils ont mis l'Eglise, les prêtres et les
cléricaux au-dessus de la loi.
Cela n'est déjà pas si mal, mais il y
a mieux ; dans un certain travail d'un
certain père jésuite du nom de Gau-
deau. Il y a ceci :
« L'Eglise a le droit et le devoir d'exi-
ger que, dans la constitution civile de
la société, aucun principe ne soit de
nature à violer les principes du droit
chrétien.
» La législation de la société civile
doit respecter en tout les droits et les
privilèges de l'Eglise, réprimer tout ce
qui pourrait porter atteinte à cette der-
nière. Quand une matière tombe à la fois
sous le contrôle de la société civile et
sous celui de l'Eglise, l'Eglise possède
une autorité supérieure à celle de la so-
ciété civile. »
Autre chose encore : « La formule de
ralliement des catholiques est : « Résis-
ter est un devoir, obéir est un crime. »
La violation des lois prêchée ouverte-
ment 1 « En fait de liberté, qu'ont les
catholiques en France? Rien. Que doi-
vent-ils avoir? Tout. » La guerre de re-
ligion ! « Il faut à tout prix reconstituer
l'Etat chrétien ! » La guerre à la Répu-
blique 1
Ainsi, sous le ministère actuel, des
prêtres, dont beaucoup vivent aux frais
de l'Etat et sont des fonctionnaires,
peuvent tenir un langage aussi insul-
tant pour la population, pour la loi, pour
la République et cela impunément, tan-
dis que des ouvriers et des fonction-
naires laïques, des paysans ne peuvent
se plaindre de leur sort sans avoir
contre eux la force publique et le gou-
vernement.
Jamais le pacte conclu entre les op-
portunistes et les réactionnaires n'a
été affiché avec autant d'insolence.
Mais, croyez-le bien, M. Barthou et M.
Rambaud se garderont de dissoudre le
congrès de Reims.
CHEZ NOUS
Le docteur Vialle, collaborateur de
diverses publications médicales, entre
antres de l'Actualité médicale, mourait il y
a quelques mois, célibataire. Il laissait des
parents, mais le défunt a légué tout ce
qu'il possédait : valeurs, propriété de
campagne, mobilier, honoraires à recou-
vrer, à l'Œuvre de l'hospitalité de nuit,
dont le siège social est 59, rue de Tocque-
ville.
Le total de la succession s'élèverait,
d'après les premières investigations, de
230,000 fr. à 250,000 fr.
M. Vialle était complètement inconnu à
l'Œuvre de l'hospitalité de nuit. Le direc-
teur du siège social, M. Andrillon, qui,
avisé par le notaire, a dû se charger des
obsèques, ne le connaissait même point de
nom.
- Nous avons conté avec quel cou-
rage, lors de la fête du gala de Versailles',
notre confrère Taunay, de la Galette de
France, s'était jeté à la tête des chevaux
emballés de la voiture de M. Cochery, mi-
nistre des finances.
Nous apprenons avec un vif plaisir que
le ministre de l'intérieur vient, sur la pro-
position du comité de l'Association des
journalistes parlementaires, de décerner à
notre contrère une médaille d'honneur.
—— Nous apprenons avec plaisir que
M. Gaston Duvau vient d'être nommé
secrétaire de l'ordre des avocats à la cour
d'appel de Paris en remplacement de M.
Lecointre, démissionnaire. Le conseil de
l'ordre qui ne pouvait faire un meilleur
choix, a tenu ainsi à récompenser les ser-
vices distingués déjà rendus par M. Gas-
ton Duvau dans l'exercice de ses fonctions
de secrétaire-adjoint.
M. Lefrançois est nommé secrétaire-ad-
joint.
M. Lefrançois est le fils de Léon Lefran-
çois, le dévoué et indispensable appariteur
de l'ordre.
—— Le monument de La Tour-d'Au-
vergne :
On sait qu'un comité s'est formé pour
élever, à Paris, un monument à La Tour-
d'Auvergne.
C'est le sculpteur Raoul Larchey, mem-
bre du jury au Salon, qui a été choisi par
ce comité pour l'exécution du monument.
Il a déjà soumis des plans et des croquis
qui ont été approuvés.
M. LafijJm&evle cbei de la police
politique sous le second empire, vient de
mourir à l'âge de quatrevingt-quatre ans.
Il fut largement mêlé à tous les événe-
ments politiques du règne de Napoléon III.
Ancien ouvrier parisien, d'une instruction
assez rudimentaire, il avait débuté dans
l'administration par les emplois les plus
infimes. Vers 1860 il fut nommé officier de
paix de la brigade politique, spécialement
attachée au cabinet du préfet de police et
indépendante de la police municipale. Il
fut conservé dans ces fonctions jusqu'en
1870 et nommé successivement commis-
saire de police, chevalier, puis officier de
la Légion d'honneur. Il joua dans le fa-
meux procès de Blois un rôle qu'on n'a pas
oublié.
On l'accusait d'avoir fait ourdir par ses
agents le soi-disant complot contre la
sûreté de l'Etat dont le gouvernement vou-
lait faire retomber la responsabilité sur les
libéraux. Après la chute de l'empire il dut
prendre sa retraite.
- L'Association des répétiteurs offre
aux membres de son comité de patronage
un banquet, le dimanche 1" novembre
prochain, à sept heures du soir, à l'hôtel
des Sociétés savantes, 28, rue Serpente,
sous la présidence de M. Bazille, député de
la Vienne.
- Sauf dans le milieu spécial des gens
du métier, on ignore peut-être que c'est la
Grande Distillerie Cusenier qui vend le
plus gros chiffre d'absinthe du monde en-
tier. En France même, la Distillerie Cusenier
vient seconde (comme quantité vendue,
quoique première comme qualité). Mais les
chiffres de ses établissements de Buenos-
Ayres, Mexico, Mulhouse, Bruxelles, lui
font battre le record pour le monde entier.
Ces quantités s'augmentent tous les jours
depuis que la maison Cusenier a créé son
exquise Absinthe blanche oxygénée.
L'Absinthe blanche oxygénée Cusenier
est obligatoirement dans tous les bons
cafés.
- Un Russe habitant Nice, M. Henri
Krohn, a adressé au maire de Nice une
lettre disant qu'en mémoire de l'alliance
franco-russe, gage de la paix universelle,
il lui remettait un chèque de 125,000 fr.
pour la création à Nice d'une école enfan-
tine.
Cette école sera placée sous la haute di-
rection du maire et du consul de Russie.
Le maire a annoncé ce don au conseil
municipal, qui a décidé de donner à l'école
le nom d'Alexandre-Nicolas, comme hom-
mage aux deux tsars.
Le Passant.
L'UNIVERSITÉ ET L'IDSTOIRE CONTEMPORAINE
Un écrivain de talent, qui se dissimule
sous le pseudonyme de Roger D bury (1),
vient de soulever une question dont l'intérêt
et l'importance n'échapperont à personne.
Il s'agit de la place accordée dans les pro-
grammes scolaires à 1 histoire de l'année
terrible.
« Beaucoup d'écoliers, dit M. Deburv,
quittent le lycée sans qu'on leur en ait
parlé : le cours de philosophie est très long;
le professeur s'attarde aux guerres de Na-
poléon lOF ou aux ministères de Louis-Phi-
lippe. Il n'a guère le temps d'insister sur les
faits essentiels, qui sont les plus récents.
Tout au plus consacre-t-il une leçon à la
guerre de 1870. Une leçon sur cette guerre,
sur ses causes, sur ses résultats! Moins que
pour les guerres puniques' Les Allemands
à qui nous l'affirmons ne veulent pas nous
croire! »
M. Debury n'ajoute pas que les Allemands
ont raison. Mais il le pense et nous le pen-
sons aussi.
C'est, en effet, une lacune invraisembla-
ble et impardonnable, — presque une tache,
presque une trahison !
Y songer toujours et n'en parler jamais,
avait dit Gambetta au lendemain de nos dé-
sastres. Hélas ! le mot a été pris trop à la
lettre. On a oublié que chaque année de
nouvelles générations venaient à la vie, que
pour qu'elles pussent y songer toujours, il
fallait leur en parler d'abord.
Aussi voyez quelles conséquences. Beau-
coup de jeunes Français ne savent rien du
droit nouveau que nous avons introduit dans
le monde.
On célèbre les vertus du patriotisme, on
exalte la grandeur morale qu'il inspire et on
néglige l'essentiel : apprendre aux enfants
ce qu'ils doivent à leur pays, enseigner aux
citoyens de demain le culte des souvenirs.
Tous les gouveanements qui se sont suc-
cédé depuis vingt-six ans ont, à cet égard,
une égale responsabilité. Tous sont, à ce
point de vue, solidaires les uns des autres.
Et pourtant quel est le ministre de l'ins-
truction publique qui pouvait ignorer que
les victoires de la Prusse en 1870 étaient
dues, pour une bonne part, à ses instituteurs,
et qu'en préparant pendant soixante ans
l'âme des jeunes gens aux luttes à venir, les
professeurs des universités allemandes
avaient en même temps préparé nos re-
vers ?
Il faut rompre avec cette coupable indif-
férence. Il faut faire comprendre aux en-
fants que le vrai patriotisme n'est pas une
passion irréfléchie, mais au contraire un
sentiment raisonné.
Comme le dit fort bien M. Dcbury, « il
faut leur montrer comment l'Alsace fut réu-
nie à notre pays à une époque où les patries
n'existaient pas encore, où les annexions
intéressaient les rois seuls et n'affectaient
en rien les peuples, il faut leur dire com-
ment sans persécutions, sans contrainte,
l'Alsace était devenue, bien avant la Révo-
lution, complètement française, comment la
Révolution accentua son patriotisme, avec
quelle douleur elle est devenue allemande,
quelles souffrances elle a endurées et elle
endure encore ».
Nous ne demandons pas qu'on imite de
ce côté-ci des Vosges l'exemple que l'Alle-
magne nous a donné en enseignant dans
ses écoles la haine de « l'ennemi hérédi-
taire». Nous demandons simplement qu'on
apprenne à nos jeunes gens dans les lycées
comme dans les établissements d'enseigne-
ment primaire que la question qui divise
la France et l'Allemagne est, suivant le mot
profond de M. Lavisse, la question de sa-
voir « s'il est permis de lier des âmes ausort
des glèbes ».
(i) Un Pays de célibataires et 4e fiis uniques,
chez Dentu»
M. Rambaud daignera-t-il accueillir cette
requête ? Comprendra-t-il qu'il est de son
devoir de proclamer bien haut que si l'his-
toire de l'antiquité est une belle enose, l'his-
toire contemporaine est autrement plus utile
à la grandeur de la patrie ?
ANDRÉ HONNORAT,
MORT DANS SON BAIN
Le juge d'instruction Charles Frémont,
domicilié 66, boulevard Emile-Augier, a été
trouvé hier matin mort dans son bain.
M. Frémont était âgé de quarante-deux
ans. Après avoir été quatre ans juge sup-
pléant à Versailles et à Paris, M. Frémont
avait été nommé en 1893 juge d'instruction
près le tribunal de la Seine.
Le parquet lui confiait spécialement l'in-
struction des affaires financières.
- Ob
LA CORRESPONDANCE
DE
VICTORHUGO
Rappelons que c'est aujoud'hui que paraît
chez Calmann Lévy, la Correspondance de
Victor Hugo.
Nous avons publié hier un certain nom-
bre de lettres du poète, ce n'est pas seule-
ment dans celle qu'il adressait, en 1832, à
Sainte-Beuve, que Victor Hugo prédisait l'a-
vènement de la République, il écrivait en
1833 cette autre lettre deux fois prophéti-
que : -
Au roi Joseph
Paris, 27 février 1833.
J'ai été profondément touché de la
sympathie que votre majesté m'a té-
moignée à l'occasion de mon procès
pour le Roi s'amuse. Vous aimez la
liberté, sire ; aussi la liberté vous
aime. Permettez-moi de joindre à cette
lettre un exemplaire du discours que
j'ai prononcé au tribunal de commerce.
Je tiens beaucoup à ce que vous le
lisiez autrement que dans le compte-
rendu, toujours inexact, des journaux.
Je serais bien heureux, sire, d'aller
à Londres, d'y serrer cette royale main
qui a tant de fois serré la main de mon
père. M. Presles dira à Votre Majesté
les obstacles qui m'empêchent en ce
moment de réaliser un vœu aussi cher;
il faut, pour qu'ils m'arrêtent, qu'ils
soient insurmontables. M. Presles vous
dira une partie de ce que je vous dirais,
sire, si j'étais assez heureux pour vous
voir. J'aurais bien des choses à vous
dire. Il est impossible que l'avenir
manque à votre famille, si grande que
soit la perte de l'an passé (1). Vous
portez le plus grand des noms histo-
riques.
A la vérité, nous marchons plutôt
vers la république que vers la monar-
chie ; mais à un sage comme vous la
forme extérieure du gouvernement
importe peu. Vous avez prouvé, sire,
que vous saviez être dignement le ci-
toyen d'une république. Adieu, sire; le
jour où il me sera donné de presser
votre main dans les miennes sera un
des plus beaux de- ma vie. En atten-
dant, vos lettres me rendent fier et
heureux.
v. H.
Et en 1834, il y a soixante-deux ans, Vic-
tor Hugo posait, dans la lettre qui suit, la
question sociale :
A monsieur Jules Lechevalier, directeur
de la Revue du Progrès social.
1er juin 1834.
Monsieur,
J'ai lu avec une attention extrême la
Revue du Progrès social et l'exposé de
principes que vous avez bien voulu me
communiquer. Depuis longtemps tous
les hommes éclairés et intelligents qui
ont étudié le passé dans un but d'ave-
nir ont sur les destinées futures de la
société une idée commune qui, éclose
et développée à l'heure qu'il est séparé-
ment dans chaque cerveau, aboutira
quelque jour, prochainement je l'es-
père, à une grande œuvre générale.
Cette œuvre sera la formation pai-
sible, lente et logique d'un ordre social
où les principes nouveaux dégagés par
la Révolution française trouveront
enfin leurmode de combinaison avec les
principes éternels et primordiaux de
toute civilisation. Votre Revue et votre
exposé tendent à ce but magnifique par
des voies droites et sûres et où les
pentes me paraissent bien ménagées.
Je suis d'accord avec vous sur presque
tous les points et je m'en félicite.
Concourons donc ensemble tous, cha-
cun dans notre région et selon notre
loi particulière à la grande substitution
des questions sociales aux questions
politiques Tout est là. Tâchons de
rallier à l'idée applicable du progrès
tous les hommes d'élite, et d'extraire un
parti supérieur qui veuille la civilisa-
tion, de tous les partis inférieurs qui ne
savent ce qu'ils veulent.
Je ne doute pas de votre succès,
monsieur, la vérité a quelquefois de
longues gestations, jamais d'avorte-
ments.
VICTOR HUGO.
Pour rentrer dans l'ordre des lettres in-
times, voici la dernière lettre écrite par
Victor Hugo à sa fille Léopoldine. Le 4 sep-
tembre 1843, le lendemain du jour où elle
recevait cette lettre, Léopoldine mourait
noyée, à Villequier, avec son mari qui n'a-
vait pu la sauver.
Luz, 25 août (1843).
J'écris à ta mère, ma fille chérie, la
tournée que je fais dans ces montagnes.
Je t'envoie au dos de cette lettre un
petit gribouillis qui te donnera quelque
idée des choses que je vois tous les
jours, qui me paraissent bien belles, et
qui me sembleraient bien plus belles,en-
core, chère enfant, si je les voyais avec
toi. Ce qui te surprendra, c'est que l'es-
pèce de ruine qui est au bas de Jamonta-
1 (i) Lamçrt duroi de Rome. -
gne n'est point une ruine ; c'est un rod
cher. Les Pyrénées sont pleines de eS
blocs étranges qui imitent des édifie
écroulés. Les Pyrénées elles-mêmes, agi
reste, ne sont qu'un grand édifl^a
écroulé. Les deux triangles blancs qui?
tu vois dans les entre-deux des mon--!
tagnes sont de la neige. Dans certaines
Pyrénées et particulièrement sur le Vi;
gnemale, la neige prend son niveau
comme l'océan.
Je prends les eaux, mais j'ai toujours
les yeux malades. Il est vrai que je tra-
vaille beaucoup. Je pourrais dire sans
cesse. Mais c'est ma vie. Travailler,
c'est m occuper de vous tous.
Tu as maintenant deux Charles pour
te rendre heureuse. Avant peu tu auras,
aussi ton père. Donc, continue d'en-'
graisser, de rire et de te bien porter.
Rayonne, mon enfant, tu es dans l'âge. :
Je charge ta mère de mes souvenirs:
pour Mme Lefèvre et Mme Regnauld.
Et puis je t'embrasse ton Charles et toi
au fond du cœur.
LES MIETTES DE LA SEMAINE
Jeudi 15 octobre. — Le passage des
Princes mérite toujours son nom; Paris
est décidément le rendez-vous favori
des têtes couronnées. On ne peut plus
faire un pas sur nos trottoirs démocra-
tiques sans se trouver nez à nez avec
quelque souverain. Je ne parle évidem-
'.ment pas de nos hôtes habituels,- roi-
telet en rupture de trône réparant aux
tapis verts des cercles ou des hippo-
dromes les brèches d'une liste civile
toujours insuffisante, - monarque voi-
sin pour qui les oreilles de nos balle-
rines ont moins de s crets que les forêts
vierges de son empire d'Afrique, —
éternel présomptif vertement étrillé par
la baisse des mines d'or, — et seigneurs
,de moindre importance. La vérité his-
torique m'oblige même à déclarer quel
je ne lais nullement allusion à l'empe-
reur Guillaume que d'aucuns s'obsti-
nent à avoir reconnu sous le modeste
uniforme d'un gardien de la paix dans
les jardins de Versailles, et d'autres
sous le waterproof et les favoris voyageur de l'agence Cook à la revue
de Chàlons. 11 ne s'agit ici que du roi
de Grèce, rendant une visite courtoise
à ce pays où le génie de son peuple
s'est perpétué à travers toutes les mo-
difications que les siècles ont apportées
aux régimes et aux mœurs.
Il est venu sans éclat, les lampions
éteints, les fleurs décollées, les cos-
mes rutilants des protocoleux soigneu-
sement repliés au fond de leurs boîtes ;
il assiste plutôt, sous ce ciel triste
d'octobre pluvieux, à la mélancolie des-
lendemains de fête, pénibles aux villes
comme aux hommes, mais il trouvé
chez nous, au cœur de ce peuple asse
grand pour avoir des affections multi"
ples, l'accueil de sympathie profondej
que nous devons au représentant de ces
coin de terre hellénique auquel des-
liens si étroits nous rattachent, qui-
semble pour nous une patrie où nous'
aurions vécu autrefois, tellement notre
jeunesse a été imprégnée de sa vie,
bercée de sa langue antique, nourrie
de sa substance.
Vendredi 16 octobre. — Est-ce à cause
de la Sainte-Chapelle, le précieux bijou
de pierre enfermé jalousement dans les.'
murs sombres du Palais de Justice, que
survit cette tradition d'un autre âge : la
messe rouge ? Un ne sait plus, à notre'
epoque de libre examen où la penséei
humaine a repris son indépendance-
dans l'affranchissement des jougs relirj
gieux, à quel point est sincère et con-j
vaincu l'hommage annuel rendu soient
nellement au pied des autels du Christ
par la magistrature française. Du moins,
si sceptiques que soient ces person-
nages redoutables qui tiennent entre
leurs mains ia vieet i honneur de tant
de citoyens, ils doivent, en cette heure
silencieuse de l'office, dans le recueil-
lement auquel invite le demi-jour des
vitraux, sentir peser plus lourde que
jamais sur leurs épaules cette robe
rouge ou noire aux parements d'her-
mine. A cet instant, face à face
avec leur conscience, peut-être ont ils
plus aigu le sentiment de leur respon-
sabilité humaine et l'orgueil de leur in-
faillibilité s'amollit-il aux tourments
du doute! Des souvenirs remontent à
leur mémoire comme des remords ; les
muis qui viennent de s'écouler, hélas f
ont fourni trup d'arguments aux con-
tempteurs de leur mission sociale. Du
moins cette heure passée dans le si-
lence de î éghse ne leur sera point inu-
tile, si leur conviction s'établit que le
glaive de la justice ne doit pas être tou-
jours inflexible, et qu'il faut mettre
dans le plateau de la balance embléma-
tique beaucoup de pitié, de douceur et
d llumanité.
Samedi i 7 octobre — M. Reboul, pré-
fet de Seine-et-Marne, est nommé di-
recteur du Journal officiel. Il fallait un
calculateur et ce fut un danseur qui
l'obtint. M. le ministre de l'intérieur,
par un simple arrête a créé un journa- -
liste, et non des moindres. M. Jeziersky,
ancien rédacteur au National, de-
vient percepteur: M. Reboul semblait
tout indiqué pour le remplacer à la di-
rection du Journal officiel ayant été
notaire avant d'être fonctionnaire. Il a
cependant une grave infériorité sus
son prédécesseur que ne porte-l-il un
nom russe.
Dimanche 18 ociobre. — L'éloquence
a coulé à flots toute la journée. M. Bar-
thou a inondé Oloron et du même coup
les colonnes des journaux officieux. El*
tête du discours ministériel, une phrase
crève les yeux : « Nous avons accepte
le pouvoir dans une heure difficile. »
Et ie me souviens do IligMl .-&W
PA RïSEb'EPA RTENJtEN- TL
Le umëro, CI 3Sf Q CE N T :[ M E S-
- Umm
fiœm» m fiBH^B l ■ S JDB B «WIBn mÉi^ÊF B BS9 IB MB : BB HIBi BHB n En ^§9
«BL S rai HH 5 S «9 B fl9 fiB9n9 i s HB
B HK
ABONNEMENTS
Paris i--. Trois lois, 6 f. Six lm, llf. 7i a, 20 if
Départements, — 7 f. — 121. — 24N
Union Postale — 9 f. - îef. «*%'
Les Abonnements sont reçus sans frais
dans tous les Bureaux de Poste. ",'"
ANNMlCBS
AUX BUREAUX SU JOTHSsOEL
131, rue Montmartre, 131
gt chez MM. LAGRANGE, CERF 4 0-
6, place de la Bourse, 6.
- caresse télégraphique : XIX' SIÈCLE - PARIS
RIÉDACTION: 131, rue Montmartre, 131
Ds4k8 tmtres du soir et de 10 heures du soir à 1 heure du matin
Wo 9723. — Vendredi 23 Octobre 1836
2 BRUMAIRE AN 105
ADMINISTRATION i 181, rue Montmartre, lai
Adresser to*n$«t mandats à F Administrât*ur
NOS LEADERS
LETTRES LIBRES
L'Armé e coloniale
et le ministère des colonies
Y-ai examiné dans une précédente
Lettre les arguments qui s'opposent
à ce que l'armée coloniale soit main-
tenue sous la direction du ministère
de la marine. Parmi ceux qui parta-
gent mon opinion sur ce premier
point, certains pensent qu'il faudrait
rattacher l'armée coloniale au minis-
tère des colonies. Ils invoquant sur-
tout la nécessité de l'unité de direc-
tion.
Ils estiment que si les troupes colo-
niales ne dépendent pas directement
et exclusivement du ministre des co-
lonies, il y aura dans nos établisse-
ments coloniaux des conflits d'autant
plus nombreux entre les autorités mi-
fi ta ires et les autorités civiles, que les
premières trouveraient dans leur mi-
nistre un appui, sinon même un en-
couragement à s'émanciper des se-
condes, tes intérêts des deux sortes
d'autorités étant contradictoires.
Tandis que le gouvernement colo-
nial place au premier rang de ses
préoccupations la réalisation d'écono-
mies aussi considérables que possible
sur les dépenses militaires qu'il sait
n'être que péniblement supportées par
la métropole, le commandement a le
plus profond dédain pour toutes les
questions budgétaires. Si les troupes
ne dépendent pas directement et ex-
clusivement du gouverneur et du mi-
nistre des colonies, on peut s'attendre
à ce que les conflits soient, sur ce pre-
mier point, à peu près permanents.
On ajoute que si l'autorité militaire
n'est pas directement soumise aux
gouverneurs et au ministre des colo-
nies, les conflits avec les gouverne-
ments coloniaux naitront encore, dans
tous les établissements non entière-
ment pacifiés, du désir qu'ont les offi-
ciers de faire des expéditions, même
inutiles, afin de gagner des grades et
des décorations.
La justesse de ces arguments peut
d'autant moins être contestée que
l'expérience la corrobore de toute son
autorité. Pepuis que nous sommes au
Tonkin, il y a eu conflit entre l'auto-
rité militaire et le gouvernement lo-
cal, toutes les fois que celui-ci ne s'est
pas incliné devant les intérêts parti-
culiers et les passions belliqueuses de
celle-là.
Je n'ai pas encore perdu le souvenir
de la campagne de presse qui fut or-
ganisée pendant l'été de 1892, alors
que j'étais en convalescence au Japon,
pour persuader au gouvernement mé-
tropolitain et à moi-même que le Ton-
kin était menacé d'une invasion chi-
noise. On était allé jusqu'à répandre
dans le public le bruit qu'une armée
chinoise était en marche sur Langson
et que dix mille hommes étaient mas-
sés devant le poste de That-Ké.
Les journaux de la ferme de l'o-
pium recueillaient avec empressement
ces racontars, les enflaient et les ré-
pandaient dans l'Indo-Chine et en
France, m'accusant de négligence et
d'aveuglement.
Par chaque courrier, il partait de la
colonie pour Paris des correspon-
dances nombreuses, adressées aux dé-
putés, aux journaux, aux officiers du
ministère des colonies, annonçant la
prétendue invasion chinoise et ma
prétendue indifférence au péril qui
menaçait la colonie.
Les intérêts particuliers profitaient
de quelques incidents fâcheux, de la
perte d'hommes et d'officiers surpris
dans des embuscades, pour donner
plus de force à cette campagne alar-
miste et pour me pousser aux mesures
où ils espéraient trouver leurs avanta-
ges. D'un côté, le commandement mi-
litaire sollicitait l'autorisation d'ouvrir
des expéditions et me déclarait qu'il
était indispensable de faire venir de
France des renforts. D'un autre côté,
la ferme de l'opium, invoquant l'atti-
tude et les craintes publiquement
manifestées par l'autorité militaire, se
déclarait impuissante à tenir ses en-
gagements dans un pays aussi pro-
fondément troublé.
Si je n'avais pas résisté à l'agitation
et aux menaces dont j'étais entouré, le
Tonkin et la métropole aurait été
lancés dans quelque grosse aventure
militaire et financière. Je tins bon
contre la ferme de l'opium et contre
l'autorité militaire et je fis bien, car
huit jours après ma rentrée à Hanoï,
tout le bruit s'apaisait, la prétendue
invasion chinoise s'évanouissait
comme une vaine fumée, et j'enta-
mais avec les autorités chinoises de la
frontière les relations amicales qui ont
si puissamment contribué à la pacifi-
sation des frontières du Tonkin.
Je pus résister aux intérêts particu-
fiers parce que le gouvernement m'a-
vait donné de grands pouvoirs et me
%ii"*Ot sa confiance ; ne l'aurais
certainement pas pu si l'autorité mili-
taire n'avait pas été placée directe-
ment sous mes ordres.
L'expérience semble donc être d'ac-
cord avec la raison pour appuyer le
rattachement des troupes coloniales
au ministère des colonies, car le jour
où les gouverneurs et les comman-
dants militaires dépendraient du même
ministre, les conflits seraient plus
rares ou plus faciles à régler.
Cependant, je ne pense pas que cette
solution doive être adoptée, du moins
dans la forme simpliste où elle est
proposée.
**$
Le rattachement des troupes colo-
niales au ministère des colonies en-
traînerait nécessairement pour la mé-
tropole une augmentation considérable
de dépenses, car il faudrait instituer
auprès du ministre un personnel de
haute direction extrêmement coûteux.
D'un autre côté, pour que les trou-
pes coloniales suffisent à tous les be-
soins des colonies, il faut qu'elles
puissent non seulement leur fournir
des officiers et des hommes en temps
normal, mais encore faire face aux
éventualités extraordinaires. Si une
insurrection éclate dans une colonie
quelconque, si des voisins belliqueux
la menacent, si la métropole iuere in-
dispensable d'occuper militairement
un point de nos possessions d'outre-
mer où nous n'entretenons pas actuel-
lement des troupes, il faut que l'ar-
mée coloniale puisse, du jour au len-
demain, fournir les officiers et les
hommes nécessaires. Si l'on avait pu
envoyer à Madagascar des hommes
faits, au lieu des jeunes gens du 200e de
ligne, nous aurions certainement
perdu moins de monde. Si d'autre
part, il avait existé, à l'heure où cette
expédition fut préparée, une réserve
d'armée coloniale solidement consti-
tuée, avec ses services administratifs
et médicaux, ses moyens - de - transport,
etc., on aurait dépensé beaucoup
moins et l'on n'eût pas donné le spec-
tacle des incohérences et des fautes
qui ont marqué l'expédition.
Pour que l'armée coloniale puisse
faire face à toutes ces éventualités, il
faut que ses effectifs et ses cadres
soient très supérieurs en nombre aux
besoins normaux des colonies; il faut
par conséquent qu'elle ait en France
ou en Algérie des réserves considé-
rables.
Si ces Téserves sont placées sous les
ordres du ministre des colonies, on
crée un deuxième ministre de la
guerre et on organise le conflit entre
les troupes qui en dépendront et le
reste de l'armée.
D'autre part, le ministère des colo-
nies ne peut remplir son rôle d'une
manière utile que s'il est essentielle-
ment civil et purement politique, ad-
ministratif, commercial. Il faut que
d'instinct, pour ainsi dire, il soit pré-
disposé à mettre obstacle à l'envahis-
sement de nos colonies par le milita-
risme. Le transformer en un troisième
département militaire serait manifes-
tement aller contre sa destmee lo-
gique
Un ne manquera pas d'objecter que
si les troupes coloniales ne dépendent
pas du ministre des colonies, celui-ci
n'aura pas sur elles une autorité suffi-
sante et le .militarisme que l'on veut
éviter s'emparera de nos colonies mal-
gré leur ministre. Il en serait ainsi, en
effet, si le ministre etses représentants
dans les colonies n'avaient aucune au-
torité sur les troupes coloniales ; mais
ce n'est point ainsi que je l'entends;
on le verra dans ma prochaine Lettre.
J.-L. DE LANESSAN.
Nous publierons demain un article
de M. Lucien Victor-Meunier
Pour les Arméniens
Nous avons annoncé, avant-hier, la forma-
tion d'un comité de défense et de protection
des Arméniens réfugiés à Paris, sous la pré-
sidence de notre confrère et ami Jules Ger-
baud.
Ce comité n'a rien de commun avec les
comités politiques qui ont pu se constituer
à Londres ou ailleurs. Il a uniquement pour
but de venir en aide aux 1,200 Arméniens
qui sont actuellement réfugiés à Paris, en
procurant aux uns du travail et en assurant
un abri et un morceau de pain à ceux d'en-
tre eux qui n'ont aucune ressource.
Il paraît que quelques-uns de ces malheu-
reux ont fintention de solliciter leur passage
aux colonies. Le comité aura à étudier dans
quelles conditions il serait possible de faire
droit à ce désir et, si la chose est réalisable,
il s'entremettra en ce sens en leur faveur.
Ce soir, une première réunion aura lieu
dans laquelle on avisera aux premières me-
sures à prendre.
Dans quelques jours, une grande réunion
sera organisée à la mairie du 6e arrondisse-
ment, place Saint-Sulpice.
————————————
PAIERA-T-ON LE CONGÉ ?
On sait qu'à l'occasion de la visite du tsar
à Paris les compagnies de chemins de fer
ont accordé à leurs employés et ouvriers un
jour de congé. Tous les travailleurs des
chemins de fer si tenus par leur labeur ont
applaudi à cette mesure, mais alors que les
employés et ouvriers commissionnés vont
toucher intégraletaent leurs appointements,
.Ql j&tara la netedes aon-GonuaisBiOBûés.
Ces travailleurs peu rémunérés sont heu-
reux quand il leur arrive un jour de congé,
mais s'il doit se traduire par une perte sur
leur salaire Hs y regardent : rester avec la
femme et les enfants, très bien, mais les
nourrir c'est encore mieux.
Aussi faut-il espérer que les compagnies
qui ont fait un surcroit de recettes avec les
fetes franco-russes donneront cette double
satisfaction à leurs employés non commis-
sionnés : un jour de congé payé.
LES ON-DIT
CARNET QUOTIDIEN:
Les courses : A Chantilly.
- Durée du jour : II b. 30 m.
AU JOUR LE JOUR
Un congrès « national catholique »
se tient en ce moment à Reims. Comme
membres, il ne compte que des prêtres
séculiers et des jésuites. Comme beso-
gne, un n'y fait qu'insulter la société
laïque, c'est-à-dire la République, dans
l'espèce.
Voici, notamment, comment les con-
gressistes ont occupé leur après-midi
d'hier.
Ils ont d'abord envoyé un télégramme
au pape, puis ils ont stigmatisé une fois
de plus la franc-maçonnerie qui, d'ail-
leurs, ne s'en porte pas plus mal; enfin,
ils ont mis l'Eglise, les prêtres et les
cléricaux au-dessus de la loi.
Cela n'est déjà pas si mal, mais il y
a mieux ; dans un certain travail d'un
certain père jésuite du nom de Gau-
deau. Il y a ceci :
« L'Eglise a le droit et le devoir d'exi-
ger que, dans la constitution civile de
la société, aucun principe ne soit de
nature à violer les principes du droit
chrétien.
» La législation de la société civile
doit respecter en tout les droits et les
privilèges de l'Eglise, réprimer tout ce
qui pourrait porter atteinte à cette der-
nière. Quand une matière tombe à la fois
sous le contrôle de la société civile et
sous celui de l'Eglise, l'Eglise possède
une autorité supérieure à celle de la so-
ciété civile. »
Autre chose encore : « La formule de
ralliement des catholiques est : « Résis-
ter est un devoir, obéir est un crime. »
La violation des lois prêchée ouverte-
ment 1 « En fait de liberté, qu'ont les
catholiques en France? Rien. Que doi-
vent-ils avoir? Tout. » La guerre de re-
ligion ! « Il faut à tout prix reconstituer
l'Etat chrétien ! » La guerre à la Répu-
blique 1
Ainsi, sous le ministère actuel, des
prêtres, dont beaucoup vivent aux frais
de l'Etat et sont des fonctionnaires,
peuvent tenir un langage aussi insul-
tant pour la population, pour la loi, pour
la République et cela impunément, tan-
dis que des ouvriers et des fonction-
naires laïques, des paysans ne peuvent
se plaindre de leur sort sans avoir
contre eux la force publique et le gou-
vernement.
Jamais le pacte conclu entre les op-
portunistes et les réactionnaires n'a
été affiché avec autant d'insolence.
Mais, croyez-le bien, M. Barthou et M.
Rambaud se garderont de dissoudre le
congrès de Reims.
CHEZ NOUS
Le docteur Vialle, collaborateur de
diverses publications médicales, entre
antres de l'Actualité médicale, mourait il y
a quelques mois, célibataire. Il laissait des
parents, mais le défunt a légué tout ce
qu'il possédait : valeurs, propriété de
campagne, mobilier, honoraires à recou-
vrer, à l'Œuvre de l'hospitalité de nuit,
dont le siège social est 59, rue de Tocque-
ville.
Le total de la succession s'élèverait,
d'après les premières investigations, de
230,000 fr. à 250,000 fr.
M. Vialle était complètement inconnu à
l'Œuvre de l'hospitalité de nuit. Le direc-
teur du siège social, M. Andrillon, qui,
avisé par le notaire, a dû se charger des
obsèques, ne le connaissait même point de
nom.
- Nous avons conté avec quel cou-
rage, lors de la fête du gala de Versailles',
notre confrère Taunay, de la Galette de
France, s'était jeté à la tête des chevaux
emballés de la voiture de M. Cochery, mi-
nistre des finances.
Nous apprenons avec un vif plaisir que
le ministre de l'intérieur vient, sur la pro-
position du comité de l'Association des
journalistes parlementaires, de décerner à
notre contrère une médaille d'honneur.
—— Nous apprenons avec plaisir que
M. Gaston Duvau vient d'être nommé
secrétaire de l'ordre des avocats à la cour
d'appel de Paris en remplacement de M.
Lecointre, démissionnaire. Le conseil de
l'ordre qui ne pouvait faire un meilleur
choix, a tenu ainsi à récompenser les ser-
vices distingués déjà rendus par M. Gas-
ton Duvau dans l'exercice de ses fonctions
de secrétaire-adjoint.
M. Lefrançois est nommé secrétaire-ad-
joint.
M. Lefrançois est le fils de Léon Lefran-
çois, le dévoué et indispensable appariteur
de l'ordre.
—— Le monument de La Tour-d'Au-
vergne :
On sait qu'un comité s'est formé pour
élever, à Paris, un monument à La Tour-
d'Auvergne.
C'est le sculpteur Raoul Larchey, mem-
bre du jury au Salon, qui a été choisi par
ce comité pour l'exécution du monument.
Il a déjà soumis des plans et des croquis
qui ont été approuvés.
M. LafijJm&evle cbei de la police
politique sous le second empire, vient de
mourir à l'âge de quatrevingt-quatre ans.
Il fut largement mêlé à tous les événe-
ments politiques du règne de Napoléon III.
Ancien ouvrier parisien, d'une instruction
assez rudimentaire, il avait débuté dans
l'administration par les emplois les plus
infimes. Vers 1860 il fut nommé officier de
paix de la brigade politique, spécialement
attachée au cabinet du préfet de police et
indépendante de la police municipale. Il
fut conservé dans ces fonctions jusqu'en
1870 et nommé successivement commis-
saire de police, chevalier, puis officier de
la Légion d'honneur. Il joua dans le fa-
meux procès de Blois un rôle qu'on n'a pas
oublié.
On l'accusait d'avoir fait ourdir par ses
agents le soi-disant complot contre la
sûreté de l'Etat dont le gouvernement vou-
lait faire retomber la responsabilité sur les
libéraux. Après la chute de l'empire il dut
prendre sa retraite.
- L'Association des répétiteurs offre
aux membres de son comité de patronage
un banquet, le dimanche 1" novembre
prochain, à sept heures du soir, à l'hôtel
des Sociétés savantes, 28, rue Serpente,
sous la présidence de M. Bazille, député de
la Vienne.
- Sauf dans le milieu spécial des gens
du métier, on ignore peut-être que c'est la
Grande Distillerie Cusenier qui vend le
plus gros chiffre d'absinthe du monde en-
tier. En France même, la Distillerie Cusenier
vient seconde (comme quantité vendue,
quoique première comme qualité). Mais les
chiffres de ses établissements de Buenos-
Ayres, Mexico, Mulhouse, Bruxelles, lui
font battre le record pour le monde entier.
Ces quantités s'augmentent tous les jours
depuis que la maison Cusenier a créé son
exquise Absinthe blanche oxygénée.
L'Absinthe blanche oxygénée Cusenier
est obligatoirement dans tous les bons
cafés.
- Un Russe habitant Nice, M. Henri
Krohn, a adressé au maire de Nice une
lettre disant qu'en mémoire de l'alliance
franco-russe, gage de la paix universelle,
il lui remettait un chèque de 125,000 fr.
pour la création à Nice d'une école enfan-
tine.
Cette école sera placée sous la haute di-
rection du maire et du consul de Russie.
Le maire a annoncé ce don au conseil
municipal, qui a décidé de donner à l'école
le nom d'Alexandre-Nicolas, comme hom-
mage aux deux tsars.
Le Passant.
L'UNIVERSITÉ ET L'IDSTOIRE CONTEMPORAINE
Un écrivain de talent, qui se dissimule
sous le pseudonyme de Roger D bury (1),
vient de soulever une question dont l'intérêt
et l'importance n'échapperont à personne.
Il s'agit de la place accordée dans les pro-
grammes scolaires à 1 histoire de l'année
terrible.
« Beaucoup d'écoliers, dit M. Deburv,
quittent le lycée sans qu'on leur en ait
parlé : le cours de philosophie est très long;
le professeur s'attarde aux guerres de Na-
poléon lOF ou aux ministères de Louis-Phi-
lippe. Il n'a guère le temps d'insister sur les
faits essentiels, qui sont les plus récents.
Tout au plus consacre-t-il une leçon à la
guerre de 1870. Une leçon sur cette guerre,
sur ses causes, sur ses résultats! Moins que
pour les guerres puniques' Les Allemands
à qui nous l'affirmons ne veulent pas nous
croire! »
M. Debury n'ajoute pas que les Allemands
ont raison. Mais il le pense et nous le pen-
sons aussi.
C'est, en effet, une lacune invraisembla-
ble et impardonnable, — presque une tache,
presque une trahison !
Y songer toujours et n'en parler jamais,
avait dit Gambetta au lendemain de nos dé-
sastres. Hélas ! le mot a été pris trop à la
lettre. On a oublié que chaque année de
nouvelles générations venaient à la vie, que
pour qu'elles pussent y songer toujours, il
fallait leur en parler d'abord.
Aussi voyez quelles conséquences. Beau-
coup de jeunes Français ne savent rien du
droit nouveau que nous avons introduit dans
le monde.
On célèbre les vertus du patriotisme, on
exalte la grandeur morale qu'il inspire et on
néglige l'essentiel : apprendre aux enfants
ce qu'ils doivent à leur pays, enseigner aux
citoyens de demain le culte des souvenirs.
Tous les gouveanements qui se sont suc-
cédé depuis vingt-six ans ont, à cet égard,
une égale responsabilité. Tous sont, à ce
point de vue, solidaires les uns des autres.
Et pourtant quel est le ministre de l'ins-
truction publique qui pouvait ignorer que
les victoires de la Prusse en 1870 étaient
dues, pour une bonne part, à ses instituteurs,
et qu'en préparant pendant soixante ans
l'âme des jeunes gens aux luttes à venir, les
professeurs des universités allemandes
avaient en même temps préparé nos re-
vers ?
Il faut rompre avec cette coupable indif-
férence. Il faut faire comprendre aux en-
fants que le vrai patriotisme n'est pas une
passion irréfléchie, mais au contraire un
sentiment raisonné.
Comme le dit fort bien M. Dcbury, « il
faut leur montrer comment l'Alsace fut réu-
nie à notre pays à une époque où les patries
n'existaient pas encore, où les annexions
intéressaient les rois seuls et n'affectaient
en rien les peuples, il faut leur dire com-
ment sans persécutions, sans contrainte,
l'Alsace était devenue, bien avant la Révo-
lution, complètement française, comment la
Révolution accentua son patriotisme, avec
quelle douleur elle est devenue allemande,
quelles souffrances elle a endurées et elle
endure encore ».
Nous ne demandons pas qu'on imite de
ce côté-ci des Vosges l'exemple que l'Alle-
magne nous a donné en enseignant dans
ses écoles la haine de « l'ennemi hérédi-
taire». Nous demandons simplement qu'on
apprenne à nos jeunes gens dans les lycées
comme dans les établissements d'enseigne-
ment primaire que la question qui divise
la France et l'Allemagne est, suivant le mot
profond de M. Lavisse, la question de sa-
voir « s'il est permis de lier des âmes ausort
des glèbes ».
(i) Un Pays de célibataires et 4e fiis uniques,
chez Dentu»
M. Rambaud daignera-t-il accueillir cette
requête ? Comprendra-t-il qu'il est de son
devoir de proclamer bien haut que si l'his-
toire de l'antiquité est une belle enose, l'his-
toire contemporaine est autrement plus utile
à la grandeur de la patrie ?
ANDRÉ HONNORAT,
MORT DANS SON BAIN
Le juge d'instruction Charles Frémont,
domicilié 66, boulevard Emile-Augier, a été
trouvé hier matin mort dans son bain.
M. Frémont était âgé de quarante-deux
ans. Après avoir été quatre ans juge sup-
pléant à Versailles et à Paris, M. Frémont
avait été nommé en 1893 juge d'instruction
près le tribunal de la Seine.
Le parquet lui confiait spécialement l'in-
struction des affaires financières.
- Ob
LA CORRESPONDANCE
DE
VICTORHUGO
Rappelons que c'est aujoud'hui que paraît
chez Calmann Lévy, la Correspondance de
Victor Hugo.
Nous avons publié hier un certain nom-
bre de lettres du poète, ce n'est pas seule-
ment dans celle qu'il adressait, en 1832, à
Sainte-Beuve, que Victor Hugo prédisait l'a-
vènement de la République, il écrivait en
1833 cette autre lettre deux fois prophéti-
que : -
Au roi Joseph
Paris, 27 février 1833.
J'ai été profondément touché de la
sympathie que votre majesté m'a té-
moignée à l'occasion de mon procès
pour le Roi s'amuse. Vous aimez la
liberté, sire ; aussi la liberté vous
aime. Permettez-moi de joindre à cette
lettre un exemplaire du discours que
j'ai prononcé au tribunal de commerce.
Je tiens beaucoup à ce que vous le
lisiez autrement que dans le compte-
rendu, toujours inexact, des journaux.
Je serais bien heureux, sire, d'aller
à Londres, d'y serrer cette royale main
qui a tant de fois serré la main de mon
père. M. Presles dira à Votre Majesté
les obstacles qui m'empêchent en ce
moment de réaliser un vœu aussi cher;
il faut, pour qu'ils m'arrêtent, qu'ils
soient insurmontables. M. Presles vous
dira une partie de ce que je vous dirais,
sire, si j'étais assez heureux pour vous
voir. J'aurais bien des choses à vous
dire. Il est impossible que l'avenir
manque à votre famille, si grande que
soit la perte de l'an passé (1). Vous
portez le plus grand des noms histo-
riques.
A la vérité, nous marchons plutôt
vers la république que vers la monar-
chie ; mais à un sage comme vous la
forme extérieure du gouvernement
importe peu. Vous avez prouvé, sire,
que vous saviez être dignement le ci-
toyen d'une république. Adieu, sire; le
jour où il me sera donné de presser
votre main dans les miennes sera un
des plus beaux de- ma vie. En atten-
dant, vos lettres me rendent fier et
heureux.
v. H.
Et en 1834, il y a soixante-deux ans, Vic-
tor Hugo posait, dans la lettre qui suit, la
question sociale :
A monsieur Jules Lechevalier, directeur
de la Revue du Progrès social.
1er juin 1834.
Monsieur,
J'ai lu avec une attention extrême la
Revue du Progrès social et l'exposé de
principes que vous avez bien voulu me
communiquer. Depuis longtemps tous
les hommes éclairés et intelligents qui
ont étudié le passé dans un but d'ave-
nir ont sur les destinées futures de la
société une idée commune qui, éclose
et développée à l'heure qu'il est séparé-
ment dans chaque cerveau, aboutira
quelque jour, prochainement je l'es-
père, à une grande œuvre générale.
Cette œuvre sera la formation pai-
sible, lente et logique d'un ordre social
où les principes nouveaux dégagés par
la Révolution française trouveront
enfin leurmode de combinaison avec les
principes éternels et primordiaux de
toute civilisation. Votre Revue et votre
exposé tendent à ce but magnifique par
des voies droites et sûres et où les
pentes me paraissent bien ménagées.
Je suis d'accord avec vous sur presque
tous les points et je m'en félicite.
Concourons donc ensemble tous, cha-
cun dans notre région et selon notre
loi particulière à la grande substitution
des questions sociales aux questions
politiques Tout est là. Tâchons de
rallier à l'idée applicable du progrès
tous les hommes d'élite, et d'extraire un
parti supérieur qui veuille la civilisa-
tion, de tous les partis inférieurs qui ne
savent ce qu'ils veulent.
Je ne doute pas de votre succès,
monsieur, la vérité a quelquefois de
longues gestations, jamais d'avorte-
ments.
VICTOR HUGO.
Pour rentrer dans l'ordre des lettres in-
times, voici la dernière lettre écrite par
Victor Hugo à sa fille Léopoldine. Le 4 sep-
tembre 1843, le lendemain du jour où elle
recevait cette lettre, Léopoldine mourait
noyée, à Villequier, avec son mari qui n'a-
vait pu la sauver.
Luz, 25 août (1843).
J'écris à ta mère, ma fille chérie, la
tournée que je fais dans ces montagnes.
Je t'envoie au dos de cette lettre un
petit gribouillis qui te donnera quelque
idée des choses que je vois tous les
jours, qui me paraissent bien belles, et
qui me sembleraient bien plus belles,en-
core, chère enfant, si je les voyais avec
toi. Ce qui te surprendra, c'est que l'es-
pèce de ruine qui est au bas de Jamonta-
1 (i) Lamçrt duroi de Rome. -
gne n'est point une ruine ; c'est un rod
cher. Les Pyrénées sont pleines de eS
blocs étranges qui imitent des édifie
écroulés. Les Pyrénées elles-mêmes, agi
reste, ne sont qu'un grand édifl^a
écroulé. Les deux triangles blancs qui?
tu vois dans les entre-deux des mon--!
tagnes sont de la neige. Dans certaines
Pyrénées et particulièrement sur le Vi;
gnemale, la neige prend son niveau
comme l'océan.
Je prends les eaux, mais j'ai toujours
les yeux malades. Il est vrai que je tra-
vaille beaucoup. Je pourrais dire sans
cesse. Mais c'est ma vie. Travailler,
c'est m occuper de vous tous.
Tu as maintenant deux Charles pour
te rendre heureuse. Avant peu tu auras,
aussi ton père. Donc, continue d'en-'
graisser, de rire et de te bien porter.
Rayonne, mon enfant, tu es dans l'âge. :
Je charge ta mère de mes souvenirs:
pour Mme Lefèvre et Mme Regnauld.
Et puis je t'embrasse ton Charles et toi
au fond du cœur.
LES MIETTES DE LA SEMAINE
Jeudi 15 octobre. — Le passage des
Princes mérite toujours son nom; Paris
est décidément le rendez-vous favori
des têtes couronnées. On ne peut plus
faire un pas sur nos trottoirs démocra-
tiques sans se trouver nez à nez avec
quelque souverain. Je ne parle évidem-
'.ment pas de nos hôtes habituels,- roi-
telet en rupture de trône réparant aux
tapis verts des cercles ou des hippo-
dromes les brèches d'une liste civile
toujours insuffisante, - monarque voi-
sin pour qui les oreilles de nos balle-
rines ont moins de s crets que les forêts
vierges de son empire d'Afrique, —
éternel présomptif vertement étrillé par
la baisse des mines d'or, — et seigneurs
,de moindre importance. La vérité his-
torique m'oblige même à déclarer quel
je ne lais nullement allusion à l'empe-
reur Guillaume que d'aucuns s'obsti-
nent à avoir reconnu sous le modeste
uniforme d'un gardien de la paix dans
les jardins de Versailles, et d'autres
sous le waterproof et les favoris
de Chàlons. 11 ne s'agit ici que du roi
de Grèce, rendant une visite courtoise
à ce pays où le génie de son peuple
s'est perpétué à travers toutes les mo-
difications que les siècles ont apportées
aux régimes et aux mœurs.
Il est venu sans éclat, les lampions
éteints, les fleurs décollées, les cos-
mes rutilants des protocoleux soigneu-
sement repliés au fond de leurs boîtes ;
il assiste plutôt, sous ce ciel triste
d'octobre pluvieux, à la mélancolie des-
lendemains de fête, pénibles aux villes
comme aux hommes, mais il trouvé
chez nous, au cœur de ce peuple asse
grand pour avoir des affections multi"
ples, l'accueil de sympathie profondej
que nous devons au représentant de ces
coin de terre hellénique auquel des-
liens si étroits nous rattachent, qui-
semble pour nous une patrie où nous'
aurions vécu autrefois, tellement notre
jeunesse a été imprégnée de sa vie,
bercée de sa langue antique, nourrie
de sa substance.
Vendredi 16 octobre. — Est-ce à cause
de la Sainte-Chapelle, le précieux bijou
de pierre enfermé jalousement dans les.'
murs sombres du Palais de Justice, que
survit cette tradition d'un autre âge : la
messe rouge ? Un ne sait plus, à notre'
epoque de libre examen où la penséei
humaine a repris son indépendance-
dans l'affranchissement des jougs relirj
gieux, à quel point est sincère et con-j
vaincu l'hommage annuel rendu soient
nellement au pied des autels du Christ
par la magistrature française. Du moins,
si sceptiques que soient ces person-
nages redoutables qui tiennent entre
leurs mains ia vieet i honneur de tant
de citoyens, ils doivent, en cette heure
silencieuse de l'office, dans le recueil-
lement auquel invite le demi-jour des
vitraux, sentir peser plus lourde que
jamais sur leurs épaules cette robe
rouge ou noire aux parements d'her-
mine. A cet instant, face à face
avec leur conscience, peut-être ont ils
plus aigu le sentiment de leur respon-
sabilité humaine et l'orgueil de leur in-
faillibilité s'amollit-il aux tourments
du doute! Des souvenirs remontent à
leur mémoire comme des remords ; les
muis qui viennent de s'écouler, hélas f
ont fourni trup d'arguments aux con-
tempteurs de leur mission sociale. Du
moins cette heure passée dans le si-
lence de î éghse ne leur sera point inu-
tile, si leur conviction s'établit que le
glaive de la justice ne doit pas être tou-
jours inflexible, et qu'il faut mettre
dans le plateau de la balance embléma-
tique beaucoup de pitié, de douceur et
d llumanité.
Samedi i 7 octobre — M. Reboul, pré-
fet de Seine-et-Marne, est nommé di-
recteur du Journal officiel. Il fallait un
calculateur et ce fut un danseur qui
l'obtint. M. le ministre de l'intérieur,
par un simple arrête a créé un journa- -
liste, et non des moindres. M. Jeziersky,
ancien rédacteur au National, de-
vient percepteur: M. Reboul semblait
tout indiqué pour le remplacer à la di-
rection du Journal officiel ayant été
notaire avant d'être fonctionnaire. Il a
cependant une grave infériorité sus
son prédécesseur que ne porte-l-il un
nom russe.
Dimanche 18 ociobre. — L'éloquence
a coulé à flots toute la journée. M. Bar-
thou a inondé Oloron et du même coup
les colonnes des journaux officieux. El*
tête du discours ministériel, une phrase
crève les yeux : « Nous avons accepte
le pouvoir dans une heure difficile. »
Et ie me souviens do IligMl .-&W
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.5%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.5%.
- Auteurs similaires ANSSE DE VILLOISON ANSSE DE VILLOISON /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "ANSSE DE VILLOISON" or dc.contributor adj "ANSSE DE VILLOISON")CAPPERONNIER CAPPERONNIER /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "CAPPERONNIER" or dc.contributor adj "CAPPERONNIER") CONSTANTIN VII PORPHYROGÉNÈTE CONSTANTIN VII PORPHYROGÉNÈTE /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "CONSTANTIN VII PORPHYROGÉNÈTE" or dc.contributor adj "CONSTANTIN VII PORPHYROGÉNÈTE") JEAN CHRYSOSTOME JEAN CHRYSOSTOME /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "JEAN CHRYSOSTOME" or dc.contributor adj "JEAN CHRYSOSTOME")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k75645467/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k75645467/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k75645467/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k75645467/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k75645467
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k75645467
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k75645467/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest