Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1896-10-19
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 19 octobre 1896 19 octobre 1896
Description : 1896/10/19 (N9719). 1896/10/19 (N9719).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/05/2013
JCINO CË3SPTXS4ÉS le Numéro.
PARIS ET DEPARTEMENÍ
Le IV xi rri iÉD x- o', CIN Q CENTIMES
ANNONCES Ao. ■ ;
J AUX BUREAUX DU JOURNAL 1
131, rue Montmartre, 131
ptchez MM. LAGRANGE, CERF 4 Cle
6, place de la Bourse, 6. ■
rf" *
fcdtôSSe téléçrtpMque : XIX* SIÈCLE - PARIS
, ABONNEMENTS , 'jUJj *Ù B;
! Paris «s u. 6 f. Sir i*, nf. v. a, 201.
t Départements ;. - 7t - 12L — 24f, £
Union Postal. — 9 f. - lof. - 32f,
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BmACTlON: 131# rue Montmartre, 131
De4 àS bures du soir et de 10 heures du t&r à I heure du matin
N° 9719. — Lundi 19 Octobre 1896
28 VENDÉMIAIRE AN 105
- -
ADMINISTRATION t 1M, rue Montmartre, 18)
Adresser iMtns et mandaté à f Administrâtes
NOS LEADERS
le Bdupeî de Ja&rand' Gomîie
Le conflit qui s'était élevé entre la
compagnie des mines de la Grand'-
domce et ses ouvriers, est terminé.
Xiettè nouvelle a été accueillie dans
toute la France, on peut le dire, avec
une satisfaction sans mélange.
La pensée était poignante, en effet;
d'une grève importante éclatant à
cette époque de l'année. Voici, hâté
par le déplorable automne que nous
venons de subir, l'hiver déjà venu,
l'hiver « tueur de pauvres gens », selon
l'expression du poète. La saison hostile
pst commencée. Que de- souffrances,
que de misères pour les charbonniers
de la Grand'Gombe, renfermaient, en
promesses, ces deux mots sinistres : la
grève. La grève, c'est, après l'épuise-
ment rapide des rares épargnes et des
insuffisants secours, l'âtre sans feu, le
buffet sans pain; c'est la lente agonie
de toute une population ; c'est, en de-
hors même des complications qui peu-
vent surgir, des accidents, des catas-
trophes toujours possibles, une dou-
leur nationale, car la France, comme
toutes les mères, souffre dans la chair
de chacun de ses enfants.
- -,---' -, '-" ','
Par bonheur, ces affligeantes per-
spectives qui assombrissaient nos
fronts sont écartées.
On travaille aujourd'hui à la Grand'-
Clombe, on y travaillera demain et les
Jours Suivants et, avant de se remettre
à la besogne, on a échangé de cor-
diales poignées de main.
A la suite de la promesse solennel-
lement faite, et qui dissipe les derniers
nuages, de ne pas renvoyer les ou-
vriers qui s'étaient faits les porte-pa-
roles de leurs camarades, le président
de la grève a envoyé un bouquet au
vice-président du conseil d'adminis-
tration de la compagnie. A la bonne
heure !
Bravo pour le bouquet, heureux
symbole de paix et de concorde ! J'es-
père que les membres du conseil d'ad-
ministration le conserveront, même
fané, précieusement. Pas de meilleur
ornement pour leur salle de délibéra-
tions. Toujours sous leurs yeux, il leur
rappellera toujours les promesses
laites" les défendra contre toutes mau-
vaises suggestions. J'aime ce bouquet;
il sent bon.
.-.
Cette heureuse fin de grève est due,
on le sait, à l'intervention de M. Tur-
rel, ministre des travaux publics. Et,
de ce fait, M. Turrel se trouve encou-
rir à la fois, les éloges un peu com-
promettants exprès de la Petite Répu-
blique et l'aigre blâme des Débats et
ilu Temps.
Dans la Petite République, M. Gé-
lault-Richard félicite le ministre d'a-
voir établi un «précédent» qui prouve,
mieux que toutes les négations inté-
ressées, qu'un gouvernement peut et
Íloit toujours intervenir dans une
grève sous une autre forme que l'ar-
mée, la police et la magistrature dé-
chaînées contre les ouvriers ; qu'il est
dans son rôle de suprême arbitre de
rappeler à plus d'équité les patrons
"Jans entrailles, et qu'un mot, un seul,
mais prononcé quand et comme il
convient en faveur de l'apaisement,
suffit pour prévenir bien des mal-
heurs ».
Et c'est précisément cette idée de
précédent créé qui irrité les Débats. Je
cite: — « Ce n'est pas le rôle des pou-
voirs publics de s'immiscer dans les
affaires de celte nature. Si M. Turrel a
consenti, hier, à faire une démarche
auprès du conseil de la Grand'Combe
,j>our l'engager à accepter les de-
mandes des ouvriers, il n'y a pas de
raison pour que, demain, après-de-
p}ain, en toute occurence, on ne ré-
clame également son entremise, ou
celle de son successeur, ou celle de tel
DU tel de ses collègues, chaque fois
qu'une grève éclatera. A ce titre, on
4e saurait que considérer comme
fâcheux le fait qui vient de se pro-
duire. »
Quant au Temps, il se refuse à croire
;qe M. Turrel ait pu, en réalité, « mé-
diter les félicitations et éloges des col-
lectivistes ». U écrit, non sans une
pertaine naïveté assez savoureuse : —
> Ainsi, le ministre des travaux pu-
blics serait intervenu entre la compa-
gnie et les ouvriers, il aurait imposé à
fa première une solution et créé « un
précédent » que les collectivistes s'ap-
prêtent à exploiter. Est-ce admissible?
est-ce vraisemblable ? Comment sup-
poser que, réellement, M. Turrel se
'soit séparé de ses collègues, en répu-
diant, par un acte inconsidéré, le pro-
gramme de non-intervention qui est
#elui du gouvernement? » tl' T
a ,II
*• A notre tour, nous qui ne sommes
des collectivistes ni des modérés,
110U5 dirons notre avis; et parlant en
,. b, selon notre coutume »
nous n'hésiterons pas à approuver
l'attitude prise par le ministre des
travaux publics.
Sans rechercher, d'ailleurs, exacte-
ment sous quelle forme et dans quels
termes s'est produite son intervention.
Peut-être, comme le Temps l'y invite
et comme semble le prévoir la Petite
République, M. Turrel se défendra-t-il
d'être, en la circonstance, sorti de « ses
attributions légitimes ». Peu nous im-
porte.
Il nous paraît, en effet, qu'en inter-
venant pour arrêter une grève qui
pouvait amener de grands malheurs,
qui était un malheur par elle-même,
comme toute grève, M. Turrel a agi
dans la plénitude de son droit et fait
le meilleur usage de l'autorité qui
s'attache aux fonctions dont il est ac-
tuellement revêtu.
Le Temps nous la baille belle, vrai-
ment, avec son programme de non
intervention qui est, assure-t-il, « ce-
lui du gouvernement ». Il serait un
peu tard pour proclamer une fidélité
inébranlable au principe du laissez-
faire et du laissez-passer. Depuis long-
temps les Chambres, par les lois dites
sociales, ayont pour objet de régler les
rapports, entre le capital et le travail,
et aussi par les lois de protection dont
le président actuel du conseil ne dé-
clinera pas la responsabilité et qui ont
été faites pour maintenir, par l'indus-
trie et l'agriculture française, des prix
« rémunérateurs » ; depuis longtemps,
disons-nous, les Chambres ont pro-
clamé le principe contraire, celui de
l'intervention des pouvoirs publics
dans le contrat de louage d'ouvrage,
nécessairement, aussi bien que dans
d'autres transactions. ,f'
#*#
Socialisme d'Etat, peut-être, encore
que le mot nous déplaise ; mais socia-
lisme nécessaire, a coup sûr, socia-
lisme qu'ont fait nécessaire les trans-
formations économiques qui se sont
produites.
Que le développement du machi-
nisme, que la centralisation des capi-
taux, entre autres causes, aient rendue
absolument inégale, je ne veux pas
dire la lutte, mais la discussion de
leurs intérêts respectifs entre le patron
et l'ouvrier, cela n'est pas contestable;
qu'il y ait .par suite pour la société un
devoir strict d'intervenir — prudem-
ment, modérément, soit, mais d'inter-
venir — pour corriger au moins dans
une certaine mesure et dans ce
qu'elles peuvent avoir de plus oppres,
sif ces inégalités, pour protéger, em-
ployons le mot vrai, les manifestement
trop faibles contre les trop forts, cela
ne peut plus, à l'heure présente, faire
l'objet d'une controverse sérieuse. Et
c'est pourquoi nous estimons qu'il
agit bien le ministre qui, par une sage
parole, réussit à empêcher une grève.
Qu'on lui donne une fleur du bouquet.
LUCIEN VICTOR-MEUNIER
Nous publierons demain un article
de M. J.-L. de Lanessan
LE GACHIS BUDGÉTAIRE
La commission du budget est mécontente
Les crédits de l'exposition
Le déficit augmente
La commission du budget qui était, il y a
quelques jours, des. mieux disposées à l'é-
gard du ministre des finances, vient, tout à
coup, de changer d'attitude.
11 faut dire que M. Cochery a fait tout ce
qu'il fallait pour mécontenter la majorité,
pourtant si modérée, de cette commission.
Comme nous avons déjà eu l'occasion de
le dire, le travail de la commission est en-
travé par le retard que M. Cochery met à
lui faire ses propositions définitives. On lui
reproche encore la paternité de certaines
notes publiées par nos confrères, dans les-
quelles on disait que si la rentrée se trou-
vait ajournée au 3 novembre, c'était la faute
à la commission qui ne pourrait pas être
prête le 27 octobre.
6 Un nouvel incident vient encore de sou-
lever de nouveaux mécontentements. 11
s'agit des crédits de l'Exposition de 1900.
Pour une raison que nous ignorons, — la
commission du budget l'ignore comme nous—
le ministre des finances a négligé d'inscrire
au budget de 1897 la part contributive de
l'Etat, fixée à cinq millions par le projet
spécial voté par le Parlement. M. Charles
Roux, rapporteur du budget du commerce,
a fait cette remarque au ministre du com-
merce qui s'occupe tout particulièrement
des travaux de l'Exposition. M. Henry Bou-
cher n'a pu que renvoyer M. Charles Roux
au ministre des finances qui a qualité pour
régler cette question.
La commission, dans sa séance d'hier, a
de nouveau examiné cette affaire. D'après
les renseignements qu'elle a pu recueillir,
elle a appris qu'un dissentiment existait à
propos de ce crédit de cinq millions entre le
minis.re des finances et celui du commerce.
Pour savoir à quoi s'en tenir elle a convo-
qué M. Cochery pour lundi prochain. Mais
des à présent, il semble difficile que le mi-
nistre des finances puisse se soustraire à
l'obligation de faire figurer parmi les dé-
penses de son budget les cinq millions de
travaux à faire en 1897, en vue de l'Expo-
sition.
Mais s'il est obligé, comme nous le pen-
sons, de pourvoir à cette décense, le déficit
son accroit d'autant et il' atteint déjà la
somme respectable do plus de 20 millions.
En effet, on annonce qu'il ne faut plus
compter sur les économies que M. Boude-
noot, rapporteur du budget do la guerre,
avait réalisées.
Ces économies, qui s'élevaient à environ
15 Millions, ne sont rUis acceptées mainte-
nant par le ministère de la guerre, qui ne
consent qu'à des réductions s'élevant à peine
à deux millions.
Dans ces conditions., on se demande, ou
du moins la commission se demande, quelles
sont les mesures qu'on va lui apporter pour
combler le déficit.
Va-t-elle être saisie, à bref délai, des pro-
positions du ministère des finances?
Elle l'espère sans y croire, maintenant
qu'elle connaît bien le gâchis dans lequel se
ébat M. Cochery. ,
: - : —
LES TRAVAUX BUDGÉTAIRES
M. Boudenoot a fait hier, à la commission
du budget, son rapport sur le budget de la
guerre. Des observations très intéressantes
qu'il a développées devant ses collègues,
nous retenons l'hommage qu'il a rendu à M.
Cavaignac, prédécesseur du général Billot,
pour son souci de diminuer les dépenses du
ministère de la guerre, sans toutefois com-
promettre la bonne marche des services.
Il a ensuite indiqué que des économies
étaient encore possibles, bien que dans les
quatre années de la dernière législature, il
a été opéré par les commissions du budget
92 millions 1/2 d'économies ou de réductions
sur les demandes de crédit.
Sur les 627,042,000 fr. du projet de budget,
il y a 601,300,000 fr. de crédits pour les dé-
penses ordinaires (première section) et
25,742,000 fr. de crédits pour les dépenses
extraordinaires (deuxième section).
Sur la deuxième section, le rapporteur,
dans un premier examen, avait proposé en-
viron 2 millions et demi de réductions. Un
second examen, fait après étude des docu-
ments fournis en réponse à ses questions
par le ministre de la guerre, l'a amené à se
mettre d accord avec l'administration pour
proposer à la commission une économie
totale d'à peu près 1,900,000 fr.
Sur la 1™ section, le rapporteur, dans un
premier examen, a proposé une série de
réductions montant à près de 16 millions.
Ces réductions portaient sur un assez grand
nombre de chapitres pris isolément, dont
les dotations étaient diminuées dans diver-
ses proportions résultant de l'examen des
prévisions, et des dépenses faites dans les
dernières années ; elles comprenaient aussi
des économies provenant de l'examen de
certaines dépenses qui se rapportent cha-
cune à plusieurs chapitres, telles : les mas-
ses, les effectifs, les frais de service la fu-
sion de la direction et de l'état-major parti-
culier de l'armée et du génie, la réforme de
quelques services. (Télégraphes.)
Sur un certain nombre de ces points, les'
chiffres proposés par le rapporteur ne sont
pas acceptés par l'administration de la guerre
et la commission ne pourra statuer qu'après
audition du ministre.
Le rapporteur evalue cependant à près de
11 millions les réductions qui seront finale-
ment adoptées sur la première section. L'en-
semble des économies réalisées sur le bud-
get de la guerre pourrait donc être, d'après
M. Boudenoot, de 12 à 13 millions.
LES ON-DIT
CAatJBT QUOTIDIEN:
Les courses : A Chantilly.
— Fête des peintres et des sculpteurs.
— Durée du jour : ti h. 44 m.
CHEZ NOUS
Mme Delpeuch, femme au sous-
secrétaire d'Etat des postes, très souffrante
depuis quelques jours, a subi hier une opé-
ration grave.
L'état de la malade est plus satisfaisant.
-- Le président de la République est
arrivé hier matin à Paris, à sept heures
cinquante-cinq, afin de présider le conseil
des ministres.
11 en est reparti à trois heures pour Ram-
bouillet.
1^ Le président de la République re-
çoit aujourd'hui, à Rambouillet, plusieurs
membres du cabinet et leurs familles.
- Le roi de Grèce a déjeuné hier ma-
tin chez Mme Carnot. A son arrivée, il a
été reçu au bas de l'escalier, par le capi-
taine Sadi-Carnot.
Assistaient à ce déjeuner : le général
Billot, M. Hanotaux, l'amiral Besnard, les
généraux de Boisdeffre, Jamont, MM. Jules
Claretie et Edouard Detaille, M. Delyan-
nis, le colonel de Reineck Majorton et les
trois fils de Mme Carnot.
Le général Saussier, gouverneur
militaire de Paris, a donné hier soir, en
son hôtel de la place Vendôme, un dîner
à l'occasion du départ des troupes d'A-
frique.
- Le gouverneur militaire de Paris a
décidé qu'aujourd'hui dimanche, si le
temps le permet, la musique du .38 zouaves
donnera un concert, à trois heures de l'a-
près-midi, dans le jardin des Tuileries.
- Lundi matin commencera le départ
des troupes d'Afrique présentes à Paris.
C'est un bataillon de tirailleurs qui ou-
vrira la marche et embarquera à Marseille
le 20 octobre. Les autres fractions quitte-
ront successivement Paris les jours sui-
vants, de façon que le dernier détachement
prenne la mer le 25.
—— L'Académie des beaux-arts a fixé
au samedi 30 novembre prochain l'élection
du remplaçant de M. Barbey de Jouy
comme académicien libre.
La séance publique de l'Académie des
beaux-arts est fixée au samedi 31 octobre.
—« A l'Académie des sciences morales
et politiques :
Déclaration a été faite hier, en séance,
de la vacance du fauteuil de M. Léon Say,
dans la section d'économie politique.
L'Académie des sciences morales et po-
litiques ainsi que l'Académie des beaux-
arts, du reste, ne tiendra pas samedi pro-
chain sa séance hebdomadaire à cause de
la séance publique annuelle, ce jour-là,
des cinq académies qui composent l'Ins-
titut. 1
—y Les obsèques purement civiles de
M Dyonis Ordinaire ont été célébrées
hier au milieu d'une grande affluence
d'hommes politiques, députés, sénateurs
et,, journalistes, qui avaient tenu à ap-
porter au regretté député du Doubs ce
dernier témoignage de - sympathie. Le
deuil était conduit par M. Maurice Ordi-
naire, fils du défunt.
Au cimetière des Batignolles, M. Ram-
baud, ministre de l'instruction publique, a
pris la parole. D'autres discours ont été
prononcés par MM. Louis Mercier, maire
de Pontarlier, et Meunier, conseiller gé-
néral du Doubs.
—— La municipalité de Creil organise
pour dimanche prochain une grande réu-
nion qui promet d'être des plus intéres-
santes.
Deux orateurs, M. Mesureur, ancien mi-
nistre du commerce, et notre collabora-
teur et ami, M. Charles Bos, conseiller
municipal de Paris, doivent y prendre la
parole.
Ordre du jour : La situation politique.
—- A lire un ingénieux opuscule d'Ed-
mond Thiaudière, paru ces jours-ci, chez
l'éditeur Charles, 8, rue Monsieur-Ie-
Prince. Titre : Un colloque de rois. Dans
cette plaquette, le curieux auteur de tant
de pages d'une philosophie souriante, nous
montre spirituellement comment, au mois
de juillet dernier, à Windsor, la reine
d'Angleterre, le roi d'Italie, le tsar, l'em-
pereur d'Allemagne et l'empereur d'Au-
triche auraient préparé dans le secret
l'union européenne,
Quel dommage qne ce colloque soit ima-
ginaire 1
.- On annonce la mort de M. de
Person, attaché au service de l'identité
judiciaire à la préfecture de police et
chargé spécialement du laboratoire de
graphologie et de l'école de signalement
parlé, créée par M. Lépine il y a un an
environ.
Hier matin, à neuf heures, une
rencontre au pistolet a eu lieu entre M.
René Guillemot, rédacteur en chef du
Courrier du Centre à Limoges, etM. Char-
bouillaud, correspondant de la Dépêche de
Toulouse, à la suite d'une polémique de
presse.
Deux balles ont été échangées sans ré-
sultat.
Le Passant.
—————————— ——————————
CHOSES D'ESPAGNE
Quelqu'un qui est très au courant des des-,
sous de la politique internationale et qui
dans la fréquentation des diplomates a pris
un peu dei leur langage, disait hier que les
nouvelles d'Espagne étaient déplaisantes. Le
mot est très juste, car on ne peut pas dire
que ces nouvelles soient mauvaises puisque
le gouvernement qui est seul à les publier
n'en laisse passer que des bonnes. Seule-
ment, ces victoires continuelles qui ne sont
suivies d'aucun résultat, ces bandes d'in-
surgés réduites en miettes à Cuba aussi bien
qu'aux Philippines et qui n'en existent pas
moins le lendemain comme la veille, ces
chefs cubains que l'on a tous déjà tués au
moins vingt fois et qui n'en livrent pas
moins des combats aux troupes régulières
comme des personnes réelles et vivantes, —
tout cela finit par mal impressionner les plus
optimistes.
Toutefois les personnes informées préten-
dent que le danger pour l'Espagne ce n'est
pas Cuba, mais les Philippines : on prétend
qu'une catastrophe décisive n'est pas possi-
ble à Cuba avant un mois, tandis qu'aux
Philippines ce soir, demain, dans huit jours,
c'est peut-être fait de la domination espa-
gnole parce qu'il n'y a que 25,000 Espagnols
pour tenir en respect dix millions d indigè-
nos. On se console dans le monde officiel
de Madrid en constatant qu'aux Indes les
Anglais sont, proportions gardées, bien
moins nombreux. C'est vrai — mais ce sont
des Anglais et sans vouloir en rien blesser
la morgue castillane, il y a une cerlaine
différence.
Ce qui pour les affaires cubaines est tout
particulièrement grave c'est que l'opinion
publique aux Etats-Unis commence à se re-
muer et à se prononcer pour l'indépendance
de l'ile. Jusqu'à présent, il n'y avait guère
aux Etats-Unis que ceux qui avaient « placé
des fonds » dans l'insurrection qui chauf-
faient la cause cubaine : maintenant, c'est
toute la population qui s'en mêle avec la
sentimentalité exaspérée et bruyante qui
caractérise aux Etats-Unis les mouvements
d'opinion, quel que soit le candidat élu aux
élections présidentielles, il sera forcé de
prendre fait et cause pour les insurgés cu-
bains.
On voit que la situation n est guère bril-
lante pour les Espagnols. Et quand on songe
qu'il vient s'ajouter à cela des difficultés
financières de telle nature que l'on ne sait
plus comment remplir les caisses du trésor ;
que le jour est proche où l'Espagne ne
pourra plus rien emprunter, il n'est pas exa-
géré de dire que les nouvelles d'Espagne
sont déplaisantes.
WASP.
UN VOL AU CREDIT LYONNAIS
Le 3 avril dernier, dans la succursale E
du Crédit lyonnais, 43, rue de Rivoli, une
somme de 4 à 500,000 fr. avait été envoyée,
le matin, pour les affaires de la journée. Le
soir on s'aperçut de la disparition d'une
liasse de cent mille francs.
Un employé fut arrêté et relâché aussitôt
par M. Peschard, commissaire de police.
Un nommé Albert Andeband, comptable,
âgé de vingt-sept ans, avait enlevé la
somme et Favait cachée dans un tiroir.
Quelques jours après, il était renvoyé et
partait en voyage; il alla à Royan, à Monaco,
dans les Deux-Sèvres chez ses parents.
Hier, Andeband revenait à Paris ; les
agents de la sûreté qui le surveillaient le
surprirent opérant chez un changeur du
boulevard Sébas opol un versement pour
un achat de 2,200 tr. de rente et dix bons
du Panama.
En sortant, l'employé enfourcha une bi-
cyclette, les agents le suivirent puis prévin-
rent M. Cochefert, chef de la sûreté qui, à
midi, arrêtait Andeband, 1, rue de la Hu-
chette.
Amené à la sûreté, il nia d'abord être l'au-
teur q. détournement ; mais une perquisi-
tion opérée à son domicile a amené la dé-
couverte d'une somme de 20,000 francs.
Devant l'évidence, Andeband a reconnu
qu'il avait, en effet, détourné les cent mille
francs.
UN DRAME EN BELGIQUE
Un cabaretier de Jet'e-Saint-Pierre, près
de Bruxelles, sous l'influence de l'ivresse, a
tenté, sans y réussir, de poignarder son
jeune enfant au berceau. Sa femme en dé-
fendant l'enfant, a eu la gorge profondément
entaillée. Puis le meurtrier a poursuivi deux
autres de ses enfants, le couteau à la main.
Il a enfin été arrêté et maîtrisé par le com-
missaire de police.
La femme est dans un état très grave.
- 1 «
L'Explosion de la nieCIiampionnet
DEUX MORTS
Hier après-midi, à une heure et demie, une
terrible explosion se produisait à l'Institut
Pictet, 136, rue Championnet, et mettait en
émoi tout le quartier.
En même temps, les vitres des deux corps
du bâtiment de l'institut, qui est bâti en
maçonnerie et en charpente très légères,
volèrent en éclats.
Immédiatement prévenu, M. Garnot, com-
missaire de police, accourait sur les lieux
de la catastrophe, en compagnie de M. Houl-
lier, officier de paix, qui organisa rapide-
ment un premier service d'ordre.
La foule, en effet, devint si dense en quel-
ques minutes, dans cette rue populeuse,
qu'il fallut recourir à de nombreuses es-
couades d'agents des 17* et 18e arrondisse-
ments.
L'INSTITUT PICTET
L'usine se compose de deux corps de bâ-
timents séparés par une cour : l'un en fa-
çade sur la rue, est réservé à l'emmagasi-
nement des récipients remplis d'acétylène
liquide; le second contient les éléments né-
cessaires à la fabrication du gaz. C'est dans
ce second bâtiment que l'explosion s'est
produite.
A une heure vingt-cinq minutes, au mo-
ment où les ouvriers de l'usine rentraient
après le déjeuner, une forte détonation se fit
entendre pendant que le mur du second bâ-
timent s'abattait avec fracas dans la cour
et que les vitres de toutes les usines ou
maisons voisines volaient en éclat.
Le premier moment de frayeur passé, les
ouvriers qui stationnaient devant la porte
de l'Institut se précipitèrent pour se rendre
compte de ce qui se passait.
LES SECOURS
Avec les plus grandes difficultés, mar-
chant sur des débris de toutes sortes, le
commissaire de police et les assistants
parvinrent à l'intérieur de la fabrique d'acé-
tylène où un horrible spectacle s'offrit à
leur vue.
Près de la porte d'entrée gisait, sur le
carreau, le corps d'un ouvrier chaudronnier
de l'usine, qui était rentré quelques minutes
avant ses camarades pour effectuer quel-
ques réparations.
Quelques mètres plus loin on découvrit le
haut du corps d'un second ouvrier, pendant
que les jambes et une partie du tronc étaient
trouvés à cinq mètres plus loin où ils
avaient été lancés par la force de l'explo-
sion.
L'ouvrier chaudronnier appartenait de-
puis deux ans à l'usine Pictet. C'est un
nommé Pautre, âgé de quarante ans, habi-
tant 144, avenue de Saint-Ouen, marié et
père d'un enfant.
Le second cadavre, coupé en deux parties,
était celui d'un nommé Léon Secret, âgé de
vingt-cinq ans, célibataire, habitant avenue
des Batignolles, à Saint-Ouen.
On a malheureusement un autre accident
à déplorer. Un viellard de soixante ans,
nommé Pierre Renault, a été blessé assez
légèrement à la tête et à différentes parties
du corps.
Aussitôt prévenus de la catastrophe, MM.
Lépine, préfet de police; Baudin, président
du conseil municipal; Mouquin, commissaire
divisionnaire, et Girard, chef du labora-
toire municipal, se rendirent rue Cham-
pionnet.
Après les premières constatations, M. Gi-
rard a procédé à une enquête destinée à con-
naitre les causes de l'explosion.
L'ENQUÊTE
A la suite des constatations légales faites
par MM. Atthalin, procureur de la Républi-
que ; Girard, chef du laboratoire municipal,
et Lévy, ingénieur des mines, les scellés
ont été apposés sur les débris de l'explo-
sion.
De plus, la bonbonne, cause de l'accident,
a été saisie pour examen.
M. Baudin, président du conseil munici-
pal, s'est occupé de suite de faire distribuer
de secours aux parents des victimes.
LES CAUSES DE L'ACCIDENT
D'après les renseignements que nous
avons pu recueillir et ceux qui nous ont
été fournis par le chef du laboratoire mu-
nicipal, voici comment l'accident se serait
produit.
Dans le bâtiment réservé à la fabrication
de l'acétylène était placée, près de la porte
d'entrée, une bonbonne pleine de gaz acéty-
lène. Cette bonbonne, de forme cylindrique,
était reliée à différents réservoirs par un
tuyau dont l'orifice se trouvait à la partie
supérieure du cylindre.
La bonbonne n'a pas fait explosion, mais
le couvercle qui la recouvrait est défoncé et
fendu sur une longueur de seize centimè-
tres. C'est par cette fissure que s'est échappé
l'acétylène qui, prenant feu, a produit l'ex-
plosion.
Quant aux causes de l'inflammation du
gaz, bien que n'étant pas encore complète-
ment définies, elles paraissent ressortir d'une
imprudence d'un ouvrier, du chaudronnier
Pautre, qui en fut la première victime.
On suppose, en effet, qu'au moment de
l'explosion, Pautre devait s'occuper à exé-
cuter diverses réparations pour l'exécution
desquelles il tenait en main une lampe dite
« chalumeau », et c'est la flamme de cette
lampe qui aura mis le feu au gaz échappé
de la bonbonne.
Quant à l'hypothèse qui a été émise que
l'explosion du gaz pouvait être due à la
composition de l'acétylène provoquée par
un choc, elle ne tient guère debout. Des ex-
périences récentes de MM. Berthelot et
Vielle, expériences exécutées au laboratoire
des poudres et salpêtres et dont le résultat
était communiqué l'autre semaine à l'Acadé-
mie des sciences, ont montré en effet que
pour faire exploser un cylindre d'acétylène,
)lJl. fallait cas mms d'un soids de 286 ki-
logrammes tombant sur le dit cylindre.
d'une hauteur de deux mètres.
Nul besoin d'insister pour faire remarquer
que pareil fait n'a pu se produire hier et.
par suite, déterminer l'accident.
Celui-ci, en somme, parait donc bien être
en tous points comparables à ceux que roi
constate parfois avec le gaz d'éclairage,
quand une fuite s'est produite et que Toa
approche imprudemment une lumière.
CHRONIOUEDRAMATIOUE
-
Odéon. — Don Carlos, drame en cinq actes
et onze tableaux, d'après Schiller, par
M. Charles Raymond.
C'est avec un sentiment de curiosité
vif et très particulier que je me rendais
ce soir à l'Odéon pour y voir représen-
ter le Don Carlos de Schiller.
Il y a longtemps que j'avais été frappé,
a la lecture, de la nouveauté d'un élé-
ment de pathétique que renferme ce
drame, j'y avais même cru démêler
une part de la formule dramatique du
HthPéA âtre de demain.
Ce n'est pas du fond même du sujet
qu'il s'agit : il y a longtemps que la
rivalité d'amour du terrible roi Phi-
lippe Il et de son fils Carlos, si funeste
à ce malheureux prince, avait produit
au théâtre les effets de terreur et de
pitié dont elle est susceptible. Avant
Schiller, elle avait tenté des auteurs
dramatiques de tout pays, depuis que
l'abbé de Saint-Réal la conta dans cero-
tain roman historique de sa façon, qui
n'était pas la mauvaise. Sans parler de
l'Anglais Otway et de l'Italien Alfieri,
deux tragiques français au moins, à
ma connaissance, l'avaient accommo-
dée à la pure sauce racinienne, au dix-
septième et au dernier siècle, non sans
talent certes, avec un très gros succès
de représentation et en y ménageant
un intérêt qui se soutient encore à ri
lecture, en dépit du poncif de la forme
Mais, par un coup de génie, Schiller
renouvela ce sujet épuisé et fit de ce.
poncif un symbole plus expressif et
plus éloquent que tous les drames so-
ciaux qui nous sont venus, dans ces
dernières années, de la Scandinavie où
des bords de la Sprée. Ce coup de génie
fut la création du rôle de Posa.
Schiller était enivré sans doute, sous
cette influence de la lecture de notre
Jean-Jacques qui lui avait inspiré la
fameuse pièce révolutiounaire des Bri-
gands et ce Fiesque qui lui valut
d'être proclamé Français par la Con-
vention, sous le nom de « Monsieur
Gille (sic), publiciste allemand, en Alle-
magne », parmi les dix-sept étrangers
« amis de la liberté et de la fraternité
universelle ».
Il imagina donc un marquis de Posa
qui pense en citoyen du monde des siè-
cles à venir, et qui, en face du despo-
tisme de Philippe II, du long martyre
des Flandres, des tortionnaires de l'In-
quisition et de leur toute-puissance, se
proclame le député de l'humantté en-
tière dont il rêve le bonheur. Or, ce
bonheur il l attend de ce don Carlos,
son ami d'enfance, héritier présomptif
de Philippe II, dans l'âme duquel il a
déposé et cultivé ses généreuses idées.
Aussi donnera-t-il sa vie, le cas échéant,
pour sauver cet instrument nécessaire
du bonheur des hommes, pour faire
asseoir avec lui sa croyance sur le trône.
« Dans l'âme de mon Carlos, s'écriera-
t-il, je créais un paradis pour des mil-
lions d'êtres 1 »
Je ne sais, dans l'histoire du théâtre,
qu'un ami de l'humanité aussi pathéti-
que et c'est le Prométhée du vieil Es-
chyle : on voit qu'il faut l'aller cher-
cher loin. Mais combien pâles et facti-
cès près de lui, les énigmatiques et
maniaques héros d'ILsen et d'Haupt-
mann 1 La formule tant cherchée du
théâtre social de demain, elle est es-
quissée là magistralement, et si le Cid
social, cet idéal dramatique des géné-
rations qui se lèvent, doit être un jour
réalisé, c'est du Posa de Schiller qu'il
descendra.
Aussi près de l'intérêt de ce rôle celui
qui s'attache à Carlos passe-t-il au se-
cond plan : c'est du moins ainsi qu'on
en juge en Allemagne, où trois scènes,
d'une admirable éloquence d'ailleurs.
transportent les spectateurs : ce sont
celles des actes 111, IV et V où Posa
est amené par les crises de l'action, à
mettre à nu sa grande âme devant Phi-
lippe II, la reine Elisabeth, puis Carlos.
J'attendais donc avec curiosité l'ac-
cueil que ferait à ce rôle, et, en parti-
culier, à ces scènes, notre public fran-
çais. Peut-être de cet accueil sortirait-
il un indice sur son aptitude à goûter le
théâtre humanitaire et social, à tous
crins, qu'on lui prépare, à brève
échéance. Que voulez-vous? Depuis
l'OEdipe de l'espiègle Arouet, jusqu'au
Chiffonnier du sombre Félix Pyat,
C'est la faute à Rousseau, c'est la faute à Voltaire.
D'aillleurs, une inquiétude s'ajoutait
à ma curiosité.
Certes, les directeurs de l'Odéon
avaient fait preuve d'une curiosité in-
telligente en nous offrant le spectacle
du Don Carlos. Mais la pièce, si inté-
ressante à la lecture, ne fut pas écrite
pour la scène et doit y paraître terrible-
ment longue. Il y a d'ailleurs parfois,
dans le tissu de l'action, un enchevêtre-
ment de motifs qui force à relire, et de
près : qu'est-ce que cela allait être à la
représentation? Et puis aussi quelles
outrances de lyrisme et de philoso-
phisme toutes germaines 1 Enfin com-
ment l'adaptateur s'y était-il pris pour
rendre tout cela accessible a un public
français? Avait-il réussi à émonder
cette action touffue, à mettre en clair
ce lyrisme et ce philosophisme intem-
pérants et parfoisintempestifs, du moins
pour notre goût ?
Sur ce dernier point, je ne puis car
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le Bdupeî de Ja&rand' Gomîie
Le conflit qui s'était élevé entre la
compagnie des mines de la Grand'-
domce et ses ouvriers, est terminé.
Xiettè nouvelle a été accueillie dans
toute la France, on peut le dire, avec
une satisfaction sans mélange.
La pensée était poignante, en effet;
d'une grève importante éclatant à
cette époque de l'année. Voici, hâté
par le déplorable automne que nous
venons de subir, l'hiver déjà venu,
l'hiver « tueur de pauvres gens », selon
l'expression du poète. La saison hostile
pst commencée. Que de- souffrances,
que de misères pour les charbonniers
de la Grand'Gombe, renfermaient, en
promesses, ces deux mots sinistres : la
grève. La grève, c'est, après l'épuise-
ment rapide des rares épargnes et des
insuffisants secours, l'âtre sans feu, le
buffet sans pain; c'est la lente agonie
de toute une population ; c'est, en de-
hors même des complications qui peu-
vent surgir, des accidents, des catas-
trophes toujours possibles, une dou-
leur nationale, car la France, comme
toutes les mères, souffre dans la chair
de chacun de ses enfants.
- -,---' -, '-" ','
Par bonheur, ces affligeantes per-
spectives qui assombrissaient nos
fronts sont écartées.
On travaille aujourd'hui à la Grand'-
Clombe, on y travaillera demain et les
Jours Suivants et, avant de se remettre
à la besogne, on a échangé de cor-
diales poignées de main.
A la suite de la promesse solennel-
lement faite, et qui dissipe les derniers
nuages, de ne pas renvoyer les ou-
vriers qui s'étaient faits les porte-pa-
roles de leurs camarades, le président
de la grève a envoyé un bouquet au
vice-président du conseil d'adminis-
tration de la compagnie. A la bonne
heure !
Bravo pour le bouquet, heureux
symbole de paix et de concorde ! J'es-
père que les membres du conseil d'ad-
ministration le conserveront, même
fané, précieusement. Pas de meilleur
ornement pour leur salle de délibéra-
tions. Toujours sous leurs yeux, il leur
rappellera toujours les promesses
laites" les défendra contre toutes mau-
vaises suggestions. J'aime ce bouquet;
il sent bon.
.-.
Cette heureuse fin de grève est due,
on le sait, à l'intervention de M. Tur-
rel, ministre des travaux publics. Et,
de ce fait, M. Turrel se trouve encou-
rir à la fois, les éloges un peu com-
promettants exprès de la Petite Répu-
blique et l'aigre blâme des Débats et
ilu Temps.
Dans la Petite République, M. Gé-
lault-Richard félicite le ministre d'a-
voir établi un «précédent» qui prouve,
mieux que toutes les négations inté-
ressées, qu'un gouvernement peut et
Íloit toujours intervenir dans une
grève sous une autre forme que l'ar-
mée, la police et la magistrature dé-
chaînées contre les ouvriers ; qu'il est
dans son rôle de suprême arbitre de
rappeler à plus d'équité les patrons
"Jans entrailles, et qu'un mot, un seul,
mais prononcé quand et comme il
convient en faveur de l'apaisement,
suffit pour prévenir bien des mal-
heurs ».
Et c'est précisément cette idée de
précédent créé qui irrité les Débats. Je
cite: — « Ce n'est pas le rôle des pou-
voirs publics de s'immiscer dans les
affaires de celte nature. Si M. Turrel a
consenti, hier, à faire une démarche
auprès du conseil de la Grand'Combe
,j>our l'engager à accepter les de-
mandes des ouvriers, il n'y a pas de
raison pour que, demain, après-de-
p}ain, en toute occurence, on ne ré-
clame également son entremise, ou
celle de son successeur, ou celle de tel
DU tel de ses collègues, chaque fois
qu'une grève éclatera. A ce titre, on
4e saurait que considérer comme
fâcheux le fait qui vient de se pro-
duire. »
Quant au Temps, il se refuse à croire
;qe M. Turrel ait pu, en réalité, « mé-
diter les félicitations et éloges des col-
lectivistes ». U écrit, non sans une
pertaine naïveté assez savoureuse : —
> Ainsi, le ministre des travaux pu-
blics serait intervenu entre la compa-
gnie et les ouvriers, il aurait imposé à
fa première une solution et créé « un
précédent » que les collectivistes s'ap-
prêtent à exploiter. Est-ce admissible?
est-ce vraisemblable ? Comment sup-
poser que, réellement, M. Turrel se
'soit séparé de ses collègues, en répu-
diant, par un acte inconsidéré, le pro-
gramme de non-intervention qui est
#elui du gouvernement? » tl' T
a ,II
*• A notre tour, nous qui ne sommes
des collectivistes ni des modérés,
110U5 dirons notre avis; et parlant en
,. b, selon notre coutume »
nous n'hésiterons pas à approuver
l'attitude prise par le ministre des
travaux publics.
Sans rechercher, d'ailleurs, exacte-
ment sous quelle forme et dans quels
termes s'est produite son intervention.
Peut-être, comme le Temps l'y invite
et comme semble le prévoir la Petite
République, M. Turrel se défendra-t-il
d'être, en la circonstance, sorti de « ses
attributions légitimes ». Peu nous im-
porte.
Il nous paraît, en effet, qu'en inter-
venant pour arrêter une grève qui
pouvait amener de grands malheurs,
qui était un malheur par elle-même,
comme toute grève, M. Turrel a agi
dans la plénitude de son droit et fait
le meilleur usage de l'autorité qui
s'attache aux fonctions dont il est ac-
tuellement revêtu.
Le Temps nous la baille belle, vrai-
ment, avec son programme de non
intervention qui est, assure-t-il, « ce-
lui du gouvernement ». Il serait un
peu tard pour proclamer une fidélité
inébranlable au principe du laissez-
faire et du laissez-passer. Depuis long-
temps les Chambres, par les lois dites
sociales, ayont pour objet de régler les
rapports, entre le capital et le travail,
et aussi par les lois de protection dont
le président actuel du conseil ne dé-
clinera pas la responsabilité et qui ont
été faites pour maintenir, par l'indus-
trie et l'agriculture française, des prix
« rémunérateurs » ; depuis longtemps,
disons-nous, les Chambres ont pro-
clamé le principe contraire, celui de
l'intervention des pouvoirs publics
dans le contrat de louage d'ouvrage,
nécessairement, aussi bien que dans
d'autres transactions. ,f'
#*#
Socialisme d'Etat, peut-être, encore
que le mot nous déplaise ; mais socia-
lisme nécessaire, a coup sûr, socia-
lisme qu'ont fait nécessaire les trans-
formations économiques qui se sont
produites.
Que le développement du machi-
nisme, que la centralisation des capi-
taux, entre autres causes, aient rendue
absolument inégale, je ne veux pas
dire la lutte, mais la discussion de
leurs intérêts respectifs entre le patron
et l'ouvrier, cela n'est pas contestable;
qu'il y ait .par suite pour la société un
devoir strict d'intervenir — prudem-
ment, modérément, soit, mais d'inter-
venir — pour corriger au moins dans
une certaine mesure et dans ce
qu'elles peuvent avoir de plus oppres,
sif ces inégalités, pour protéger, em-
ployons le mot vrai, les manifestement
trop faibles contre les trop forts, cela
ne peut plus, à l'heure présente, faire
l'objet d'une controverse sérieuse. Et
c'est pourquoi nous estimons qu'il
agit bien le ministre qui, par une sage
parole, réussit à empêcher une grève.
Qu'on lui donne une fleur du bouquet.
LUCIEN VICTOR-MEUNIER
Nous publierons demain un article
de M. J.-L. de Lanessan
LE GACHIS BUDGÉTAIRE
La commission du budget est mécontente
Les crédits de l'exposition
Le déficit augmente
La commission du budget qui était, il y a
quelques jours, des. mieux disposées à l'é-
gard du ministre des finances, vient, tout à
coup, de changer d'attitude.
11 faut dire que M. Cochery a fait tout ce
qu'il fallait pour mécontenter la majorité,
pourtant si modérée, de cette commission.
Comme nous avons déjà eu l'occasion de
le dire, le travail de la commission est en-
travé par le retard que M. Cochery met à
lui faire ses propositions définitives. On lui
reproche encore la paternité de certaines
notes publiées par nos confrères, dans les-
quelles on disait que si la rentrée se trou-
vait ajournée au 3 novembre, c'était la faute
à la commission qui ne pourrait pas être
prête le 27 octobre.
6 Un nouvel incident vient encore de sou-
lever de nouveaux mécontentements. 11
s'agit des crédits de l'Exposition de 1900.
Pour une raison que nous ignorons, — la
commission du budget l'ignore comme nous—
le ministre des finances a négligé d'inscrire
au budget de 1897 la part contributive de
l'Etat, fixée à cinq millions par le projet
spécial voté par le Parlement. M. Charles
Roux, rapporteur du budget du commerce,
a fait cette remarque au ministre du com-
merce qui s'occupe tout particulièrement
des travaux de l'Exposition. M. Henry Bou-
cher n'a pu que renvoyer M. Charles Roux
au ministre des finances qui a qualité pour
régler cette question.
La commission, dans sa séance d'hier, a
de nouveau examiné cette affaire. D'après
les renseignements qu'elle a pu recueillir,
elle a appris qu'un dissentiment existait à
propos de ce crédit de cinq millions entre le
minis.re des finances et celui du commerce.
Pour savoir à quoi s'en tenir elle a convo-
qué M. Cochery pour lundi prochain. Mais
des à présent, il semble difficile que le mi-
nistre des finances puisse se soustraire à
l'obligation de faire figurer parmi les dé-
penses de son budget les cinq millions de
travaux à faire en 1897, en vue de l'Expo-
sition.
Mais s'il est obligé, comme nous le pen-
sons, de pourvoir à cette décense, le déficit
son accroit d'autant et il' atteint déjà la
somme respectable do plus de 20 millions.
En effet, on annonce qu'il ne faut plus
compter sur les économies que M. Boude-
noot, rapporteur du budget do la guerre,
avait réalisées.
Ces économies, qui s'élevaient à environ
15 Millions, ne sont rUis acceptées mainte-
nant par le ministère de la guerre, qui ne
consent qu'à des réductions s'élevant à peine
à deux millions.
Dans ces conditions., on se demande, ou
du moins la commission se demande, quelles
sont les mesures qu'on va lui apporter pour
combler le déficit.
Va-t-elle être saisie, à bref délai, des pro-
positions du ministère des finances?
Elle l'espère sans y croire, maintenant
qu'elle connaît bien le gâchis dans lequel se
ébat M. Cochery. ,
: - : —
LES TRAVAUX BUDGÉTAIRES
M. Boudenoot a fait hier, à la commission
du budget, son rapport sur le budget de la
guerre. Des observations très intéressantes
qu'il a développées devant ses collègues,
nous retenons l'hommage qu'il a rendu à M.
Cavaignac, prédécesseur du général Billot,
pour son souci de diminuer les dépenses du
ministère de la guerre, sans toutefois com-
promettre la bonne marche des services.
Il a ensuite indiqué que des économies
étaient encore possibles, bien que dans les
quatre années de la dernière législature, il
a été opéré par les commissions du budget
92 millions 1/2 d'économies ou de réductions
sur les demandes de crédit.
Sur les 627,042,000 fr. du projet de budget,
il y a 601,300,000 fr. de crédits pour les dé-
penses ordinaires (première section) et
25,742,000 fr. de crédits pour les dépenses
extraordinaires (deuxième section).
Sur la deuxième section, le rapporteur,
dans un premier examen, avait proposé en-
viron 2 millions et demi de réductions. Un
second examen, fait après étude des docu-
ments fournis en réponse à ses questions
par le ministre de la guerre, l'a amené à se
mettre d accord avec l'administration pour
proposer à la commission une économie
totale d'à peu près 1,900,000 fr.
Sur la 1™ section, le rapporteur, dans un
premier examen, a proposé une série de
réductions montant à près de 16 millions.
Ces réductions portaient sur un assez grand
nombre de chapitres pris isolément, dont
les dotations étaient diminuées dans diver-
ses proportions résultant de l'examen des
prévisions, et des dépenses faites dans les
dernières années ; elles comprenaient aussi
des économies provenant de l'examen de
certaines dépenses qui se rapportent cha-
cune à plusieurs chapitres, telles : les mas-
ses, les effectifs, les frais de service la fu-
sion de la direction et de l'état-major parti-
culier de l'armée et du génie, la réforme de
quelques services. (Télégraphes.)
Sur un certain nombre de ces points, les'
chiffres proposés par le rapporteur ne sont
pas acceptés par l'administration de la guerre
et la commission ne pourra statuer qu'après
audition du ministre.
Le rapporteur evalue cependant à près de
11 millions les réductions qui seront finale-
ment adoptées sur la première section. L'en-
semble des économies réalisées sur le bud-
get de la guerre pourrait donc être, d'après
M. Boudenoot, de 12 à 13 millions.
LES ON-DIT
CAatJBT QUOTIDIEN:
Les courses : A Chantilly.
— Fête des peintres et des sculpteurs.
— Durée du jour : ti h. 44 m.
CHEZ NOUS
Mme Delpeuch, femme au sous-
secrétaire d'Etat des postes, très souffrante
depuis quelques jours, a subi hier une opé-
ration grave.
L'état de la malade est plus satisfaisant.
-- Le président de la République est
arrivé hier matin à Paris, à sept heures
cinquante-cinq, afin de présider le conseil
des ministres.
11 en est reparti à trois heures pour Ram-
bouillet.
1^ Le président de la République re-
çoit aujourd'hui, à Rambouillet, plusieurs
membres du cabinet et leurs familles.
- Le roi de Grèce a déjeuné hier ma-
tin chez Mme Carnot. A son arrivée, il a
été reçu au bas de l'escalier, par le capi-
taine Sadi-Carnot.
Assistaient à ce déjeuner : le général
Billot, M. Hanotaux, l'amiral Besnard, les
généraux de Boisdeffre, Jamont, MM. Jules
Claretie et Edouard Detaille, M. Delyan-
nis, le colonel de Reineck Majorton et les
trois fils de Mme Carnot.
Le général Saussier, gouverneur
militaire de Paris, a donné hier soir, en
son hôtel de la place Vendôme, un dîner
à l'occasion du départ des troupes d'A-
frique.
- Le gouverneur militaire de Paris a
décidé qu'aujourd'hui dimanche, si le
temps le permet, la musique du .38 zouaves
donnera un concert, à trois heures de l'a-
près-midi, dans le jardin des Tuileries.
- Lundi matin commencera le départ
des troupes d'Afrique présentes à Paris.
C'est un bataillon de tirailleurs qui ou-
vrira la marche et embarquera à Marseille
le 20 octobre. Les autres fractions quitte-
ront successivement Paris les jours sui-
vants, de façon que le dernier détachement
prenne la mer le 25.
—— L'Académie des beaux-arts a fixé
au samedi 30 novembre prochain l'élection
du remplaçant de M. Barbey de Jouy
comme académicien libre.
La séance publique de l'Académie des
beaux-arts est fixée au samedi 31 octobre.
—« A l'Académie des sciences morales
et politiques :
Déclaration a été faite hier, en séance,
de la vacance du fauteuil de M. Léon Say,
dans la section d'économie politique.
L'Académie des sciences morales et po-
litiques ainsi que l'Académie des beaux-
arts, du reste, ne tiendra pas samedi pro-
chain sa séance hebdomadaire à cause de
la séance publique annuelle, ce jour-là,
des cinq académies qui composent l'Ins-
titut. 1
—y Les obsèques purement civiles de
M Dyonis Ordinaire ont été célébrées
hier au milieu d'une grande affluence
d'hommes politiques, députés, sénateurs
et,, journalistes, qui avaient tenu à ap-
porter au regretté député du Doubs ce
dernier témoignage de - sympathie. Le
deuil était conduit par M. Maurice Ordi-
naire, fils du défunt.
Au cimetière des Batignolles, M. Ram-
baud, ministre de l'instruction publique, a
pris la parole. D'autres discours ont été
prononcés par MM. Louis Mercier, maire
de Pontarlier, et Meunier, conseiller gé-
néral du Doubs.
—— La municipalité de Creil organise
pour dimanche prochain une grande réu-
nion qui promet d'être des plus intéres-
santes.
Deux orateurs, M. Mesureur, ancien mi-
nistre du commerce, et notre collabora-
teur et ami, M. Charles Bos, conseiller
municipal de Paris, doivent y prendre la
parole.
Ordre du jour : La situation politique.
—- A lire un ingénieux opuscule d'Ed-
mond Thiaudière, paru ces jours-ci, chez
l'éditeur Charles, 8, rue Monsieur-Ie-
Prince. Titre : Un colloque de rois. Dans
cette plaquette, le curieux auteur de tant
de pages d'une philosophie souriante, nous
montre spirituellement comment, au mois
de juillet dernier, à Windsor, la reine
d'Angleterre, le roi d'Italie, le tsar, l'em-
pereur d'Allemagne et l'empereur d'Au-
triche auraient préparé dans le secret
l'union européenne,
Quel dommage qne ce colloque soit ima-
ginaire 1
.- On annonce la mort de M. de
Person, attaché au service de l'identité
judiciaire à la préfecture de police et
chargé spécialement du laboratoire de
graphologie et de l'école de signalement
parlé, créée par M. Lépine il y a un an
environ.
Hier matin, à neuf heures, une
rencontre au pistolet a eu lieu entre M.
René Guillemot, rédacteur en chef du
Courrier du Centre à Limoges, etM. Char-
bouillaud, correspondant de la Dépêche de
Toulouse, à la suite d'une polémique de
presse.
Deux balles ont été échangées sans ré-
sultat.
Le Passant.
—————————— ——————————
CHOSES D'ESPAGNE
Quelqu'un qui est très au courant des des-,
sous de la politique internationale et qui
dans la fréquentation des diplomates a pris
un peu dei leur langage, disait hier que les
nouvelles d'Espagne étaient déplaisantes. Le
mot est très juste, car on ne peut pas dire
que ces nouvelles soient mauvaises puisque
le gouvernement qui est seul à les publier
n'en laisse passer que des bonnes. Seule-
ment, ces victoires continuelles qui ne sont
suivies d'aucun résultat, ces bandes d'in-
surgés réduites en miettes à Cuba aussi bien
qu'aux Philippines et qui n'en existent pas
moins le lendemain comme la veille, ces
chefs cubains que l'on a tous déjà tués au
moins vingt fois et qui n'en livrent pas
moins des combats aux troupes régulières
comme des personnes réelles et vivantes, —
tout cela finit par mal impressionner les plus
optimistes.
Toutefois les personnes informées préten-
dent que le danger pour l'Espagne ce n'est
pas Cuba, mais les Philippines : on prétend
qu'une catastrophe décisive n'est pas possi-
ble à Cuba avant un mois, tandis qu'aux
Philippines ce soir, demain, dans huit jours,
c'est peut-être fait de la domination espa-
gnole parce qu'il n'y a que 25,000 Espagnols
pour tenir en respect dix millions d indigè-
nos. On se console dans le monde officiel
de Madrid en constatant qu'aux Indes les
Anglais sont, proportions gardées, bien
moins nombreux. C'est vrai — mais ce sont
des Anglais et sans vouloir en rien blesser
la morgue castillane, il y a une cerlaine
différence.
Ce qui pour les affaires cubaines est tout
particulièrement grave c'est que l'opinion
publique aux Etats-Unis commence à se re-
muer et à se prononcer pour l'indépendance
de l'ile. Jusqu'à présent, il n'y avait guère
aux Etats-Unis que ceux qui avaient « placé
des fonds » dans l'insurrection qui chauf-
faient la cause cubaine : maintenant, c'est
toute la population qui s'en mêle avec la
sentimentalité exaspérée et bruyante qui
caractérise aux Etats-Unis les mouvements
d'opinion, quel que soit le candidat élu aux
élections présidentielles, il sera forcé de
prendre fait et cause pour les insurgés cu-
bains.
On voit que la situation n est guère bril-
lante pour les Espagnols. Et quand on songe
qu'il vient s'ajouter à cela des difficultés
financières de telle nature que l'on ne sait
plus comment remplir les caisses du trésor ;
que le jour est proche où l'Espagne ne
pourra plus rien emprunter, il n'est pas exa-
géré de dire que les nouvelles d'Espagne
sont déplaisantes.
WASP.
UN VOL AU CREDIT LYONNAIS
Le 3 avril dernier, dans la succursale E
du Crédit lyonnais, 43, rue de Rivoli, une
somme de 4 à 500,000 fr. avait été envoyée,
le matin, pour les affaires de la journée. Le
soir on s'aperçut de la disparition d'une
liasse de cent mille francs.
Un employé fut arrêté et relâché aussitôt
par M. Peschard, commissaire de police.
Un nommé Albert Andeband, comptable,
âgé de vingt-sept ans, avait enlevé la
somme et Favait cachée dans un tiroir.
Quelques jours après, il était renvoyé et
partait en voyage; il alla à Royan, à Monaco,
dans les Deux-Sèvres chez ses parents.
Hier, Andeband revenait à Paris ; les
agents de la sûreté qui le surveillaient le
surprirent opérant chez un changeur du
boulevard Sébas opol un versement pour
un achat de 2,200 tr. de rente et dix bons
du Panama.
En sortant, l'employé enfourcha une bi-
cyclette, les agents le suivirent puis prévin-
rent M. Cochefert, chef de la sûreté qui, à
midi, arrêtait Andeband, 1, rue de la Hu-
chette.
Amené à la sûreté, il nia d'abord être l'au-
teur q. détournement ; mais une perquisi-
tion opérée à son domicile a amené la dé-
couverte d'une somme de 20,000 francs.
Devant l'évidence, Andeband a reconnu
qu'il avait, en effet, détourné les cent mille
francs.
UN DRAME EN BELGIQUE
Un cabaretier de Jet'e-Saint-Pierre, près
de Bruxelles, sous l'influence de l'ivresse, a
tenté, sans y réussir, de poignarder son
jeune enfant au berceau. Sa femme en dé-
fendant l'enfant, a eu la gorge profondément
entaillée. Puis le meurtrier a poursuivi deux
autres de ses enfants, le couteau à la main.
Il a enfin été arrêté et maîtrisé par le com-
missaire de police.
La femme est dans un état très grave.
- 1 «
L'Explosion de la nieCIiampionnet
DEUX MORTS
Hier après-midi, à une heure et demie, une
terrible explosion se produisait à l'Institut
Pictet, 136, rue Championnet, et mettait en
émoi tout le quartier.
En même temps, les vitres des deux corps
du bâtiment de l'institut, qui est bâti en
maçonnerie et en charpente très légères,
volèrent en éclats.
Immédiatement prévenu, M. Garnot, com-
missaire de police, accourait sur les lieux
de la catastrophe, en compagnie de M. Houl-
lier, officier de paix, qui organisa rapide-
ment un premier service d'ordre.
La foule, en effet, devint si dense en quel-
ques minutes, dans cette rue populeuse,
qu'il fallut recourir à de nombreuses es-
couades d'agents des 17* et 18e arrondisse-
ments.
L'INSTITUT PICTET
L'usine se compose de deux corps de bâ-
timents séparés par une cour : l'un en fa-
çade sur la rue, est réservé à l'emmagasi-
nement des récipients remplis d'acétylène
liquide; le second contient les éléments né-
cessaires à la fabrication du gaz. C'est dans
ce second bâtiment que l'explosion s'est
produite.
A une heure vingt-cinq minutes, au mo-
ment où les ouvriers de l'usine rentraient
après le déjeuner, une forte détonation se fit
entendre pendant que le mur du second bâ-
timent s'abattait avec fracas dans la cour
et que les vitres de toutes les usines ou
maisons voisines volaient en éclat.
Le premier moment de frayeur passé, les
ouvriers qui stationnaient devant la porte
de l'Institut se précipitèrent pour se rendre
compte de ce qui se passait.
LES SECOURS
Avec les plus grandes difficultés, mar-
chant sur des débris de toutes sortes, le
commissaire de police et les assistants
parvinrent à l'intérieur de la fabrique d'acé-
tylène où un horrible spectacle s'offrit à
leur vue.
Près de la porte d'entrée gisait, sur le
carreau, le corps d'un ouvrier chaudronnier
de l'usine, qui était rentré quelques minutes
avant ses camarades pour effectuer quel-
ques réparations.
Quelques mètres plus loin on découvrit le
haut du corps d'un second ouvrier, pendant
que les jambes et une partie du tronc étaient
trouvés à cinq mètres plus loin où ils
avaient été lancés par la force de l'explo-
sion.
L'ouvrier chaudronnier appartenait de-
puis deux ans à l'usine Pictet. C'est un
nommé Pautre, âgé de quarante ans, habi-
tant 144, avenue de Saint-Ouen, marié et
père d'un enfant.
Le second cadavre, coupé en deux parties,
était celui d'un nommé Léon Secret, âgé de
vingt-cinq ans, célibataire, habitant avenue
des Batignolles, à Saint-Ouen.
On a malheureusement un autre accident
à déplorer. Un viellard de soixante ans,
nommé Pierre Renault, a été blessé assez
légèrement à la tête et à différentes parties
du corps.
Aussitôt prévenus de la catastrophe, MM.
Lépine, préfet de police; Baudin, président
du conseil municipal; Mouquin, commissaire
divisionnaire, et Girard, chef du labora-
toire municipal, se rendirent rue Cham-
pionnet.
Après les premières constatations, M. Gi-
rard a procédé à une enquête destinée à con-
naitre les causes de l'explosion.
L'ENQUÊTE
A la suite des constatations légales faites
par MM. Atthalin, procureur de la Républi-
que ; Girard, chef du laboratoire municipal,
et Lévy, ingénieur des mines, les scellés
ont été apposés sur les débris de l'explo-
sion.
De plus, la bonbonne, cause de l'accident,
a été saisie pour examen.
M. Baudin, président du conseil munici-
pal, s'est occupé de suite de faire distribuer
de secours aux parents des victimes.
LES CAUSES DE L'ACCIDENT
D'après les renseignements que nous
avons pu recueillir et ceux qui nous ont
été fournis par le chef du laboratoire mu-
nicipal, voici comment l'accident se serait
produit.
Dans le bâtiment réservé à la fabrication
de l'acétylène était placée, près de la porte
d'entrée, une bonbonne pleine de gaz acéty-
lène. Cette bonbonne, de forme cylindrique,
était reliée à différents réservoirs par un
tuyau dont l'orifice se trouvait à la partie
supérieure du cylindre.
La bonbonne n'a pas fait explosion, mais
le couvercle qui la recouvrait est défoncé et
fendu sur une longueur de seize centimè-
tres. C'est par cette fissure que s'est échappé
l'acétylène qui, prenant feu, a produit l'ex-
plosion.
Quant aux causes de l'inflammation du
gaz, bien que n'étant pas encore complète-
ment définies, elles paraissent ressortir d'une
imprudence d'un ouvrier, du chaudronnier
Pautre, qui en fut la première victime.
On suppose, en effet, qu'au moment de
l'explosion, Pautre devait s'occuper à exé-
cuter diverses réparations pour l'exécution
desquelles il tenait en main une lampe dite
« chalumeau », et c'est la flamme de cette
lampe qui aura mis le feu au gaz échappé
de la bonbonne.
Quant à l'hypothèse qui a été émise que
l'explosion du gaz pouvait être due à la
composition de l'acétylène provoquée par
un choc, elle ne tient guère debout. Des ex-
périences récentes de MM. Berthelot et
Vielle, expériences exécutées au laboratoire
des poudres et salpêtres et dont le résultat
était communiqué l'autre semaine à l'Acadé-
mie des sciences, ont montré en effet que
pour faire exploser un cylindre d'acétylène,
)lJl. fallait cas mms d'un soids de 286 ki-
logrammes tombant sur le dit cylindre.
d'une hauteur de deux mètres.
Nul besoin d'insister pour faire remarquer
que pareil fait n'a pu se produire hier et.
par suite, déterminer l'accident.
Celui-ci, en somme, parait donc bien être
en tous points comparables à ceux que roi
constate parfois avec le gaz d'éclairage,
quand une fuite s'est produite et que Toa
approche imprudemment une lumière.
CHRONIOUEDRAMATIOUE
-
Odéon. — Don Carlos, drame en cinq actes
et onze tableaux, d'après Schiller, par
M. Charles Raymond.
C'est avec un sentiment de curiosité
vif et très particulier que je me rendais
ce soir à l'Odéon pour y voir représen-
ter le Don Carlos de Schiller.
Il y a longtemps que j'avais été frappé,
a la lecture, de la nouveauté d'un élé-
ment de pathétique que renferme ce
drame, j'y avais même cru démêler
une part de la formule dramatique du
HthPéA âtre de demain.
Ce n'est pas du fond même du sujet
qu'il s'agit : il y a longtemps que la
rivalité d'amour du terrible roi Phi-
lippe Il et de son fils Carlos, si funeste
à ce malheureux prince, avait produit
au théâtre les effets de terreur et de
pitié dont elle est susceptible. Avant
Schiller, elle avait tenté des auteurs
dramatiques de tout pays, depuis que
l'abbé de Saint-Réal la conta dans cero-
tain roman historique de sa façon, qui
n'était pas la mauvaise. Sans parler de
l'Anglais Otway et de l'Italien Alfieri,
deux tragiques français au moins, à
ma connaissance, l'avaient accommo-
dée à la pure sauce racinienne, au dix-
septième et au dernier siècle, non sans
talent certes, avec un très gros succès
de représentation et en y ménageant
un intérêt qui se soutient encore à ri
lecture, en dépit du poncif de la forme
Mais, par un coup de génie, Schiller
renouvela ce sujet épuisé et fit de ce.
poncif un symbole plus expressif et
plus éloquent que tous les drames so-
ciaux qui nous sont venus, dans ces
dernières années, de la Scandinavie où
des bords de la Sprée. Ce coup de génie
fut la création du rôle de Posa.
Schiller était enivré sans doute, sous
cette influence de la lecture de notre
Jean-Jacques qui lui avait inspiré la
fameuse pièce révolutiounaire des Bri-
gands et ce Fiesque qui lui valut
d'être proclamé Français par la Con-
vention, sous le nom de « Monsieur
Gille (sic), publiciste allemand, en Alle-
magne », parmi les dix-sept étrangers
« amis de la liberté et de la fraternité
universelle ».
Il imagina donc un marquis de Posa
qui pense en citoyen du monde des siè-
cles à venir, et qui, en face du despo-
tisme de Philippe II, du long martyre
des Flandres, des tortionnaires de l'In-
quisition et de leur toute-puissance, se
proclame le député de l'humantté en-
tière dont il rêve le bonheur. Or, ce
bonheur il l attend de ce don Carlos,
son ami d'enfance, héritier présomptif
de Philippe II, dans l'âme duquel il a
déposé et cultivé ses généreuses idées.
Aussi donnera-t-il sa vie, le cas échéant,
pour sauver cet instrument nécessaire
du bonheur des hommes, pour faire
asseoir avec lui sa croyance sur le trône.
« Dans l'âme de mon Carlos, s'écriera-
t-il, je créais un paradis pour des mil-
lions d'êtres 1 »
Je ne sais, dans l'histoire du théâtre,
qu'un ami de l'humanité aussi pathéti-
que et c'est le Prométhée du vieil Es-
chyle : on voit qu'il faut l'aller cher-
cher loin. Mais combien pâles et facti-
cès près de lui, les énigmatiques et
maniaques héros d'ILsen et d'Haupt-
mann 1 La formule tant cherchée du
théâtre social de demain, elle est es-
quissée là magistralement, et si le Cid
social, cet idéal dramatique des géné-
rations qui se lèvent, doit être un jour
réalisé, c'est du Posa de Schiller qu'il
descendra.
Aussi près de l'intérêt de ce rôle celui
qui s'attache à Carlos passe-t-il au se-
cond plan : c'est du moins ainsi qu'on
en juge en Allemagne, où trois scènes,
d'une admirable éloquence d'ailleurs.
transportent les spectateurs : ce sont
celles des actes 111, IV et V où Posa
est amené par les crises de l'action, à
mettre à nu sa grande âme devant Phi-
lippe II, la reine Elisabeth, puis Carlos.
J'attendais donc avec curiosité l'ac-
cueil que ferait à ce rôle, et, en parti-
culier, à ces scènes, notre public fran-
çais. Peut-être de cet accueil sortirait-
il un indice sur son aptitude à goûter le
théâtre humanitaire et social, à tous
crins, qu'on lui prépare, à brève
échéance. Que voulez-vous? Depuis
l'OEdipe de l'espiègle Arouet, jusqu'au
Chiffonnier du sombre Félix Pyat,
C'est la faute à Rousseau, c'est la faute à Voltaire.
D'aillleurs, une inquiétude s'ajoutait
à ma curiosité.
Certes, les directeurs de l'Odéon
avaient fait preuve d'une curiosité in-
telligente en nous offrant le spectacle
du Don Carlos. Mais la pièce, si inté-
ressante à la lecture, ne fut pas écrite
pour la scène et doit y paraître terrible-
ment longue. Il y a d'ailleurs parfois,
dans le tissu de l'action, un enchevêtre-
ment de motifs qui force à relire, et de
près : qu'est-ce que cela allait être à la
représentation? Et puis aussi quelles
outrances de lyrisme et de philoso-
phisme toutes germaines 1 Enfin com-
ment l'adaptateur s'y était-il pris pour
rendre tout cela accessible a un public
français? Avait-il réussi à émonder
cette action touffue, à mettre en clair
ce lyrisme et ce philosophisme intem-
pérants et parfoisintempestifs, du moins
pour notre goût ?
Sur ce dernier point, je ne puis car
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