Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1896-10-12
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 12 octobre 1896 12 octobre 1896
Description : 1896/10/12 (N9712). 1896/10/12 (N9712).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/05/2013
>!N.t}. CSWTÏMBS le I^ungér-o. PARIS ET DEPARTEMENTS t-.e Numéro, CINQ CENTIMES
Î.Ï! JiT siir.î.1!
I
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Ps4 hS Attires du soir et d& 10 fieurts d* sotr à 1 heure du
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21 VENDÉMIAIRE AN 105
ADMINISTRATION t 131, rae Montmartre, 13i
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NOS LEADERS
UN DERNIER MOT
Les fêtes ont pris fin. A cette heure,
lètsar est à Darmstadt et il a certaine-
ment emporté un souvenir inoubliable
de l'accueil que lui a fait le peuple
français. Les deux millions de provin-
ciaux qui avaient envahi Paris sont
rentrés chez eux. La grande ville, re-
tenue à son état normal, s'est remise à
Son labeur quotidien. Mais dans le
feœur de chaque citoyen, quelque chose
est resté de cette semaine mémorable,
C'est, avec une immense joie, la cer-
titude que notre patrie pourra suivre,
fn.s être inquiétée, le cours de ses des-
Unees. -.
Pourtant, il convient d'ajouter un
dernier mot à ce qui a paru, dans ce
Journal, sur la merveilleuse et incom-
parable réception de Nicolas II. Il im-
porte, en effet — et c'est un acte de
justice — de dire pourquoi les fêtes
Dnt si bien réussi, de signaler une fois
fie plus l'absence de toute note discor-
flante dans la presse, de féliciter, en un
mot, tous les acteurs. de ce magnifique
Spectacle dont l'Europe continue tou-
jours d'être éblotiie.
.,.;. :t-;\\< * ',"
Et d'abord, les premiers remercî-
jnents doivent être adressés à cette
Joule de cinq millions d'hommes qui,
pendant quatre jours, s'est pressée
dans les rues de Paris sur le passage
du tsar et qui n'a cessé de se montrer
digne et sage tout en manifestant son
débordant enthousiasme. Quel peuple
intelligent, ce peuple parisien ; et
comme il comprend à merveille, sui-
vant les circonstances, ce qu'il faut
qu'il soit ! On le voit tour à tour fron-
deur, d'une gaîté familière, calme,
Respectueux. Et chacun de ses états
d'âme correspond admirablement aux
nécessités de la situation. Et cela est
chez lui spontané; personne ne le lui
J6 conseillé ; il a deviné seul. Que nous
voilà loin de ces démonstrations com-
mandées, surveillées et régularisées
auxquelles on assiste dans certaines
capitales de l'Europe, à Berlin et à
Vienne, par exemple ?
*'*', ";'C;'
Jamais Paris n'a été pavoisé, décoré,
illuminé avec autant de bon goût que
pendant la présence du tsar. Une mer-
veille, un rêve oriental, une matière à
un conte des Mille et une nuits! La
municipalité de Paris et M. Bouvard
ont été les bonnes fées de cette trans-
formation soudaine et inattendue. Car
rien ne donnait l'impression d'une
chose déjà vue; tout était original et
Inédit. C'est le génie de M. Bouvard
qui a enfanté ce magique décor. Mais
paris lui a donné son argent sans
compter.
Vive Paris ! La preuve est faite
maintenant que nos rues ne peuvent
prendre un air de fête que si l'Hôtel de
"Ville s'en mêle. Je ne veux pas faire
de récriminations, mais je suis bien
Convaincu que le gouvernement doit
regretter d'avoir songé un moment à
se passer de la participation du con-
seil municipal aux réjouissances pu-
':ques. Qu'eussent été, je le demande
sincèrement, l'aspect et le caractère
généraux des voies de Paris sans l'in-
tervention des représentants et de
J'administration de la grande ville ?
A Paris, tout le monde a fait son
revoir, population et élus. Quelle fête
plus belle que celle de l'Hôtel de Ville?
Et comme le président du conseil mu-
micipal, mon collègue et ami Pierre
Baudin, a su tenir avec tact et gran-
deur le rôle auquel il avait droit!
iDomme, avec l'aide des membres du
bureau, il a su, sans éclat, par une
nergique douceur, maintenir et faire
Jrjompher les revendications patrio-
tiques de Paris !
Je m'en voudrais beaucoup si je ne
louais pas aussi la conduite de notre
Syndic Léopold Bellan. C'est lui qui
vait la périlleuse mission de préparer
Ja réception de l'Hôtel de Ville, de faire
la salle, suivant une expression con-
sacrée, d'expédier à chacun des mem-
bres de l'assemblée ses cartes et ses
invitations. Charge difficile entre
toutes. On se fait si vite un ennemi
d'un personnage qu'on élimine; on
et assiégé de tant de réclamations.
Oriw-ci prétend qu'il n'a rien eu ; celui-
là proteste. C'est une besogne infer-
nale. Je suis heureux de constater que
Bellan s'en est admirablement tiré.
Pas une seule minute, le service de
1 Hôtel de Ville n'a été défectueux.
Ooelle différence avec celui du proto-
cole et du ministère de l'intérieur !
Je ne veux pas oublier non plus la
préfecture de police. MM. Lépine et
iaurent ont donné des ordres mielli-
S'mis qui ont été exécutés avec une
{grande docilité par les gardiens de la
pux. Les premiers ont compris qu'on
,,!:,e.st pas maître de la population pa-
tfcienne en la brutalisant et que les,
liges conseils en même temps qu'une
certaine tolérance produisent les meil-
leurs résultats. Les autres ont obéi
scrupuleusement et se sont surmenés
sans rendre le peuple responsable de
leur effrayante corvée. Il serait in-
juste de ne pas les en remercier.
Mais, il y a là, une leçon pour l'a-
venir, M. Lépine doit être aujourd'hui
persuadé que la police n'a pas été
créée pour ennuyer et assommer les
citoyens. Une population libre comme
l'est celle de Paris se contient d'elle-
même. Elle a seulement besoin d'être
aidée, encouragée et renseignée par la
force publique. Les gardiens de la
paix ne demanderaient sûrement pas
mieux que de voir leur rôle ainsi mo-
difié. Ils y gagneraient en considéra-
tion et la police n'en serait que mieux
faite. -.
r **#
Je conclus : La France a en la
Russie une alliée fidèle et puissante.
L'accueil enthousiaste que le tsar a
reçu du peuple parisien n'a pu que
fortifier les liens d'amitié qui unissent
les deux nations. La chancellerie du
quai d'Orsay se trouve donc en pré-
sence d'une situation admirable. Et je
souhaite, avec Pelletan, qu'elle s'ins-
pire d'une politique digne du passé et
de l'avenir de notre pays, claire, pré-
cise et aussi peu disposée à laisser
attaquer les droits de notre pays qu'à
menacer ceux des autres nations.
CHARLES BOS.
Nous publierons demain un article
de M. J.-L. de Lanessan
LE PROTOCOLE ET L'OPINION
Il était réservé au protocole de résou-
dre le problème réputé le plus difficile
à notre époque de polémiques contra-
dictoires : mettre toute la presse d'ac-
cord. Il est vrai que c'est sur son pro-
pre dos que le protocole a obtenu cette
touchante unanimité.
Nous n'allons pas, comme quelques-
uns de nos confrères peu révérencieux
jusqu'à décerner à ces fantaisistes
fonctionnaires les épithètes de larbins
ou de sous-larbins ; nous estimons que
la politesse vaut mieux en ces sortes de
choses ; mais, où nous protestons
énergiquement, c'est quand un d'eux
les assimile à nos chefs de gare.
Les chefs de gare forment une des
corporations les plus particulièrement
honorables et précieuses, et s'ils appor-
taient dans leur service l'incroyable
désordre dont vient de faire montre le
protocole, il n'y aurait pas lieu de se
préoccuper en France du problème de
la dépopulation : tous les Français au-
raient vite passé de mort à trépas dans
de quotidiennes collisions.
Toujours est-il que, pendant toute
cette semaine, ce protocole que l'Europe
nous envie vient de se moquer du pu-
blic de la plus agréable manière : c'est
d'abord la représentation nationale
laissée aux bagages, à Cherbourg, dans
la personne de MM. Loubet et Brisson ;
si bien que, nous dit-on, le vénéré pré-
sident de la Chambre dut vertement
rappeler à l'ordre un des jeunes proto-
colistes.
C'est, dans la personne des députés
et des sénateurs, cette même représen-
tation nationale autorisée à regarder,
en tout et pour tout, sur la place de
l'Opéra et sur celle du Théâtre-Fran-
çais, s'il n'y a pas de lampion qui
fument, et à interroger, à la sortie, les
petits protocol eux pour savoir comment
« ça s'est passé là-dedans ».
C'est le bureau du conseil municipal
de Paris trouvant, au gala de l'Opéra,
la loge qui lui était réservée occupée,
de par la volonté du protocole, par
d'aimables sociétaires de la Comédie-
Française, fort gracieuses à coup sûr,
mais peu désignées par le suffrage uni-
versel pour parader en ces places offi-
cielles.
C'est M. Picard, président de section
au conseil d'Etat, directeur de l'Expo-
sition universelle de 1900, l'un des per-
sonnages les plus considérables de la
République, ayant rang de général de
division, occupant à ce même Opéra un
modeste parterre, quand se prélassent
à l'orchestre les moindres tailleurs de
crayons ou colleurs de pains à cacheter
du quai d'Orsay.
C'est M. Bouvard, directeur des tra-
vaux de cette même exposition, direc-
teur général des travaux d'architecture
de la ville de Paris, et l'organisateur
acclamé de cette admirable décoration
des fêtes franco-russes, oublié et aux
soirées de gala, et chez le président de
la République et à Versailles, si bien
qu'il n'a pu assister qu'aux cérémonies
offertes par la Ville.
C'est M. Pierre Baudin, président du
conseil municipal, qu'un protocolard
.quelconque veut empêcher, au nom de
la ville de Paris, de souhaiter la bien-
venue aux souverains à l'Hôtel de Ville
même.
C'est cette étrange foule bigarrée, ha-
bituée des mardis de la Comédie et des
vendredis de l'Académie nationale,
américaine du Nord, turque ou péru-
vienne, qui s'installe aux galas aux
places les plus en vue, et donne le la
des enchères. — Une loge, dit-on, fut
payée vingt mille francs.
Ce sont les maires des grandes villes
de France, les présidents des princi-
paux conseils municipaux, les prési-
dents des grandes associations patro-
nales ou ouvrières, tout ce qui enfin
représente la France démocratique
et laborieuse, complètement laissé de
côté.
C'est enfin la presse, par qui fut faite
véritablement l'alliance franco-russe,
qui, par ses vœux, par ses tendances
de chaque jour, par ses enthousiasmes
d'hier, prépara patiemment les gran-
dioses manifestations d'une foule de
quatre millions d'hommes, mise dans
l'impossibilité de renseigner ses lec-
teurs sur ce qu'elle ne voyait elle-même
que derrière le dos chamarré des atta-
chés du protocole.
C'est ce suprême défi jeté par eux à
toute la presse républicaine, qui s'ap-
pelle le Temps, les Débats, le Petit Jour-
nal, le Radical, la Lanterne, et tant
d'autres organes importants. de ne lais-
ser pénétrer dans ce sanctuaire de Ver-
sailles qu'un reporter du Figaro 1
Pour nous, qui considérons que le
véritable spectacle a été dans les rues,
au milieu de ces foules pressées qui, de
toutes les forces de leurs poumons et
de leur enthousiasme, acclamaient
dans la personne des jeunes souve-
rains l'union de deux grands peuples,
nous ne pouvons nous empêcher de
sourire aux gaffes des jeunes proto-
colistes, tout préoccupés d'attraper au
vol des croix de Sainte-Anne et des ta-
batières en or.
Mais il ressort de tout cela que, sans
vouloir incriminer outre mesure ni
M. Crozier — on le dit un aimable et
galant homme — ni les jeunes gens
qu'il a sous ses ordres, nous traînons
derrière nous tout un reste de vieille
défroque monarchique, faite d'oripeaux
et de clinquant; qu'elle aille rejoindre
ceux qui nous l'ont léguée.
P. L.
LA PRESSE ANGLAISE
Le langage des journaux anglais est
des plus significatifs. Depuis longtemps
nous n'étions pas habitués à tant de
bonne foi. Non-seulement ils nous féli-
citent du succès des fêtes franco-russes,
mais encore deux d'entre eux engagent
le gouvernement britannique à contrac-
ter une alliance durable avec la France
et la Russie.
Ils n'y vont pas par quatre chemins.
Autant, il n'y a que quelques jours en-
core, nous étions un peuple vain, léger,
inconscient, frondeur, sans puissance
réelle et dangereux pour la paix euro-
péenne, autant aujourd'hui nous som-
mes une nation posée, réfléchie, sé-
rieuse, sachant ce qu'elle veut, relevée
complètement de ses désastres et dont
l'amitié a le plus grand prix.
Je ne commente pas. Je résume.
Les journaux de Londres ont donc
trouvé, grâce au voyage du tsar, leur
chemin de Damas. Auparavant, ils dou-
taient de l'alliance franco-russe ; main-
tenant, ils proclament au'elle est faite
et ils recherchent son appui.
Nous ne voyons en France aucun
inconvénient à cette volte-face et nous
sommes même heureux que les Anglais
rendent enfin justice aux efforts de la
République et de la patrie françaises.
sans doute, c'est leur intérêt qui leur
dicte cette tactique. Mais la politique
n'est-elle pas faite dans le but de sauve-
garder, le mieux possible, les intérêts
des peuples ?
Il est certain qu'une alliance entre
l'Angleterre, la France et la Russie se-
rait une chose des plus heureuses pour
la tranquillité du monde. Rien ne pour-
rait être fait sans elle ou contre elle.
La triple coalition serait la maltresse
des destinées du vieux et du nouveau
continent. -
D'autre part, elle permettrait de ré-
gler avec une facilité admirable les
litiges, dont quelques-uns sont des
plus importants, qui existent entre les
trois pays.
Mais il ne faut pas tout nous deman-
der. L'Angleterre est-elle prête à re-
noncer à sa politique de rapines colo-
niales? Est-elle disposée à nous faire
les concessions que, de droit strict,
elle nous doit? Si oui? Eh bien 1 pour-
quoi ne manifesterions-nous pas nous-
mêmes les meilleures intentions ? Ce
n'est pas de notre côté que seraient
soulevées des difficultés.
CH. B.
LES TRAVAUX BUDGÉTAIRES
L'examen du budget de 1897, interrompu
par les fêtes de la réception du tsar, a été
repris hier par la commission du budget.
Des réductions s'élevant à un million en-
viron avaient été opérées par la commission
sur le budget des colonies.
Le ministre dés colonies a écrit hier à la
commission pour lui déclarer qu'il ne pou-
vait accepter ces réductions, mais la com-
mission les a maintenues.
Au sujet des frais d'occupation du Soudan,
le ministre des colonies a fait connaître que,
grâce à une nouvelle organisation de la re-
lève et au concours du gouvernement local,
il a trouvé le moyen de faire une nouvelle
économie de 500,000 fr. sur les frais d'occu-
pation qu'il propose d'affecter à la construc-
tion du chemin do fer du Soudan, pour le-
quel il serait créé un budget annexe.
Avant de prendre une décision, la com-
mission a demandé à entendre les ministres
des colonies et des finances.
La commission a ensuite réservé pour le
moment où sera discuté le budget des re-
cettes l'examen d'un amendement de M. Le
Myre de Vilers tendant à réduire de 750,000
francs le contingent de la Cochinchine dans
le budget de l'Indo-Chine.
La commission examine ensuite les cha-
pitres réservés du budget de l'instruction
publique.
Sur l'art. 7 (facultés), la commission, sur
les conclusions de son rapporteur, exprime
le désir qu'à l'avenir chaque faculté ait son
budget spécial. Une réduction de 25,000 fr.
est opérée sur le chapitre 9 (bourses de l'en-
seignement supérieur), contrairement à l'a-
vis du ministre et du rapporteur.
Un relèvement de crédit est demandé pour
la création de nouvelles chaires au Collbge
de France (chapitre 13); mais on fait observer
qu'un certain nombre de chaires font actuel-
lement double emploi avec des chaires exis-
tant au-dehors de ce collège et que la sup-
pression de certaines d'entre elles permet-
trait d'en créer de plus utiles. La commis-
sion repousse la demande de relèvement.
Sur les articles 42 à 46 de l'enseignement
secondaire, d'intéressantes observations sont
échangées sur le recrutement des lycées na-
tionaux et sur les résultats financiers de
leur gestion.
La commission discutera lundi la question
des relèvements demandés pour l'enseigne-
ment primaire.
LES PAROLES D'ADIEU
Après le départ de l'empereur, le président
de la République lui avait adressé à Pagny-
sur-Moselle la dépêche suivante :
Au moment où votre majesté quitte
la France, je tiens à ce qu'elle reçoive
la nouvelle expression de la joie que
nous a causée sa visite.
Les vœux de la République française
accompagnent vos majestés jusqu'au
seuil de leur empire et dans la glorieuse
durée de leur règne.
FÉLIX FAURE..
L'empereur de Russie a télégraphié de son
côté :
Pagny-sur-Moselle, 9 octobre. 1896"
11 heures 40 soir.
Monsieur le président de la République
française,
Paris.
Au moment de traverser la frontière,
je tiens à vous exprimer, encore une
fois, monsieur le président, combien
nous sommes touchés, l'impératrice et
moi, de l'accueil chaleureux qui nous
a été fait à Paris.
Nous avons senti battre le cœur de
ce beau pays de France dans sa belle
capitale, et le souvenide ces quelques
jours passés parmi vous restera pro-
fondément gravé dans nos cœurs.
Je vous prie, monsieur le président,
de vouloir bien faire part de nos senti-
ments à la France entière.
NICOLAS.
LES ON-DIT
CARNET QUOTIDIEN:
Les courses : A Longchamps.
— Commémoration du combat de Bagneux.
— Durée du jour : 12 h. 8 m.
CHEZ NOUS
—Le Journal officiel publiera ce ma-
tin toutes les distinctions académiques
accordées au cours des voyages officiels
depuis le mois de juin. t
- Le roi de Grèce est parti hier de
Kronberg pour Paris, où il arrivera au-
jourd'hui à dix heures du matin.
- JL Académie des beaux-arts a décidé
que le prix Estrade-Delcros a pour objet
de récompenser une œuvre appartenant,
soit à l'un des arts du dessin, soit à l'art
de la composition musicale, produite dans
le cours des cinq dernières années.
Ce prix, de la valeur de 8,000 fr., sera
décerné en 1899, pour la première fois.
— Nous avons le regret d'apprendre
la mort à Paris de M. F. Rieder, ancien
membre du conseil supérieur de l'instruc-
tion publique. L'œuvre principale de sa
vie a été la fondation, en 1874, de l'Ecole
alsacienne, qu'il a dirigée jusqu'en 1891 et
dont il était resté directeur honoraire.
—- Les examens de l'Ecole des chartes
commenceront le 27 octobre, à onze heures
du matin. Le registre d'inscription sera
ouvert au secrétariat de l'école (58, rue des
Francs-Bourgeois) du 20 au 26 octobre, de
midi à quatre heures.
-Le Muséum d'histoire naturelle
vient de recevoir une panthère d'Afrique,
don de M. Versepuy, l'explorateur mort
récemment. Il a reçu, en outre, de M. Bas-
tard, un cryptoprocte, capturé à Majunga.
Ce fauve tient le milieu entre le chat et
la civette et doit son nom aux glandes ou
cryptes qu'il porte au-dessous de l'anus.
Sa taille atteint le double de celle d'un
chat. Sa robe est fauve ; sa queue, excessi.
vement longue, est tachetée de blanc.
----- La mort du poète et de l'artiste
décorateur William Morris, appelle de
nouveau l'attention sur le volume de Ga-
briel Mourey, Passé le Détroit, dont la
traduction anglaise suscite en ce moment
à Londres de vives polémiques et qui reste
l'étude la plus complète sur la Vie et l'Art
contemporain en Angleterre.
, Mœurs anglaises :
Lady Scott, belle-mère du comte Rus-
sell, a été arrêtée, à Londres, dans un hôtel
du Strand, à la requête de son gendre.
Celui-ci avait obtenu, à la suite d'un reten-
tissant et scandaleux procès, une séparation
judiciaire contre sa femme, qui avait été
obligée de rétracter les accusations de
crimes contre nature portées par elle con-
tre le comte Russell.
C'est aussi pour un délit de diffamation
que lady Scott a été arrêtée. Elle a passé la
nuit dans une cellule de Bow street et elle
devait comparaître hier devant le tribunal
de ce nom.
Le comte Russell vient précisément de
gagner à Winchester un procès qui lui
était intenté pour un prétendu acte de
brutalité commis il y a neuf ans sur la per-
sonne d'un nommé Frederick Kast.
--- Les obsèques du général Trochu
ont eu lieu hier matin, a dix heures, à
Tours, en l'église Saint-Pierre-des-Corps.
Le corbillard n'avait ni fleurs, ni cou-
ronnes. Le cortège comprenait six géné-
raux et vingt officiers supérieurs.
Le président de la République s'était
fait représenter par le colonel Lacroix et
le commandant Humbert. M. Méline, pré-
sident du conseil, s'était fait représenter
par son chef de cabinet, M. Mersey.
L'inhumation a eu lieu au cimetière de
la Salle. Le corps a été déposé à côté 4e
celui de Mme Trochu.
A L'ETRANGER
— Par décret, une nouvelle école su-
périeure de commerce est reconnue à
Nancy.
Cette reconnaissance est faite dans les
conditions prévues par l'article 23 de la
loi du 15 juillet 1889 sur le recrutement de
l'armée et spécifiées par le décret du
21 mai 1890.
L'école de Nancy est soumise aux règles
générales applicables, d'après le décret
précité, aux écoles supérieures de com-
merce. C'est le dixième établissement de
ce genre qui existe en France. Paris pos-
sède trois de ces écoles, l'Ecole des hautes
études commerci2les, l'Ecole supérieure
de commerce et l'Institut commercial. Les
autres sont établies à Lyon, Marseille, Bor-
deaux, le Havre, Lille, Rouen.
Le Passant.
Le Drame de la rue Ruhmkorff
Depuis plusieurs années vivaient dans un
petit appartement du numéro 25 de la rue
Ruhmkorff, Mme veuve Primat, rentière,
âgée d'environ soixante-huit ans, et son fils
M. Victor Primat, qui tint longtemps sur le
boulevard Gouvion Saint-Cyr, un commerce
de bicyclettes. Il s'était retiré des affaires; il
y a huit mois, à la suite de son divorce.
Depuis cette époque, il vivait oisif auprès de
sa mère et rien, au dire de la concierge et
des voisins, ne semblait troubler leur bonne
intelligence.
Toutefois, il était de notoriété publique,
dans le voisinage, que M. Primat entrete-
tenait des relations intimes avec Mlle Le-
tort, ouvrière qui habitait dans le second
corps de bâtiment du même immeuble.
Mlle Letort est une blonde de vingt à
vingt-deux ans; elle se rendait fréquem-
ment chez Mme veuve Primat, qui semblait
accepter là situation irrégulière de son fils.
Hier, samedi, Mlle Letort montait chez
Mme Primat.
Une demi-heure environ après avoir vu
monter la jeune fille, la concierge, Mme
Freyaud, entendit crier désespérément : « Au
secours 1 »
Affolée, la pauvre femme se précipita
dans l'escalier et vit, dans la salle à manger
de l'appartement, les cadavres de M. Primat
et de sa mère gisant sur le plancher; un
revolver se trouvait entre leurs corps ina-
nimés.
Mlle Letort se tordait les bras sans pou-
voir articuler une seule parole.
La concierge envoya son fils prévenir im-
médiatement M. Chapelle, commissaire de
police du quartier, qui vint, accompagné d'a-
gents et d'un médecin, procéder aux consta-
tations
On pense qu'à la suite d'une discussion
ayant pour sujet des intérêts de famille ou
peut-être son mariage avec Letort, auquel
se serait opposée Mme Primat mère, M. Vic-
tor Primat aurait tué cette dernière, puis,
affolé, se serait suicidé dans un accès de
désespoir.
M. Primat étatt âgé d'eviron quarante-
six ans.
M. Chapelle, commissaire de police, a
gardé Mlle Letort à la disposition du par-
quet.
LE PROCES CAUVIN .SIMONo
Cauvin, le forçat innocent, a formé, hier,
devant la cour d'Aix, appel du jugement du
tribunal de Marseille qui, en février 1893,
après sa condamnation aux travaux forcés
à perpétuité, et, sur la demande de MM. Si-
mond frères, a révoqué, pour cause d'ingra-
titude, le legs universel fait en sa faveur
par Mme Mouttet; legs de meubles et d'im.
meubles d'une valeur de cent vingt mille
francs environ.
Ce legs, qui a échappé à Cauvin unique-
ment parce qu'un arrêt de justice l'avait dé-
claré 1 assassin de Mme Mouttet, doit-il lui
revenir aujourd'hui qu'un nouvel arrêt de
justice, plus éclairé, a proclamé sa complète
innocence dans le crime de la Blancarde?
Au point de vue du bon sens et de la raison,
la question ne fait pas de doute : il n'en est
malheureusement pas do même au point de
vue juridique.
Comme les délais d'appel du jugement
de 1893 sont depuis longtemps expirés, Cau-
vin invoque à l'appui de sa demande l'ar-
ticle 448 uu Code de procédure, ainsi conçu :
Dans les cas où le jugement aurait été rendu
sur une pièce fausse, ou si la partie avait été
condamnée faute de représenter une pièce déci-
sive qui était retenue par son adversaire, les
délais de l'appel ne courront que du jour où le
faux aura été reconnu ou juridiquement cons-
taté, ou que la pièce aura été recouvrée, pourvu
que dans ce dernier cas, il y ait preuve par
écrit du jour où la pièce a été recouvrée et non
autrement.
Dès maintenant, il est facile de prévoir
que les héritiers Simond, fort désireux de
conserver l'héritage de Mme Mouttet, sou-
tiendront que le jugement de février 1893 ne
constitue pas juridiquement là « pièce
fausse » de l'article 44a.
Au cas où la cour d'Aix rejetterait l'appel
de Cauvin, l'affaire viendrait d'une façon dé-
finitive devant la cour de cassation qui alors
créerait une jurisprudence en la matière, la
question étant tout à fait neuve comme on
difen droit.
C'est l'éloquent Mo Félix Decori qui sou-
tiendra la demande de Cauvin; Mo Roche,
du barreau de Toulon, se présentera pour
MM. Simond frères.
A MADAGASCAR
Le rapport de la résidence générale de
Madagascar, reçu hier par le ministre des
colonies et daté de Tananarive du 12 sep-
tembre dernier, apporte les nouvelles sui-
vantes : *
Au nord de l'Imérina, dans la nuit du 23
au 24 août, le lieutenant Gramont a surpris,
à l'est du mont Baka, un village où se trou
vaient réunis 150 Fahavalos. Ils ont fui,
laissant 32 cadavres sur le terrain et ont fait
UÏ18 quinzaine de prisonniers. Personne de
de notre côté n'a été atteint.
Région du Sud-Est et de t'Est. — Quelques
bandes de pillards sont en ce moment si-
gnalées dans le Sud, mais n'ont jusqu'Ici
manifesté leur présence que sur la ligna
des troupes entre Soavina et Treforona.
Trois ou quatre cents rebelles ont atta-
que, à 1 est de Maharidaza, deux convoîg
venant de la direction opposée. Les rebel-
les se sont retirés après une heure et demie
de lutte. Un tirailleur et deux borjans ont
été tués. Le capitaine Delcroix, du service
géographique, a été légèrement blessé au
bras.
Les confiscations des biens des rebelles
se poursuivent. Trois rebelles, condamnés
a mort par la cour criminelle pour avoir
trompé dans l'assassinat de M. Duret de
Brie et de sês compagnons, ont été exé-
cutés.
CHRONIQU ^DRAMATIQUE
Odéon. — Le Capitaine Fracasse, comédie
héroïque en cinq actes et sept tableaux, en
vers, d'après le roman de Théophile Gau-
tier, par M. Emile Bergerat.
L'Odéon nous a offert, pour sa réou.
verture, la curiosité d'un spectacle qui
son auteur a qualifié de comédlehé.
roïque un peu improprement, témoin
,don Sanche et sa préface — et qui est
a proprement parler, ce qu'on appelle,
depuis belle lurette, au-delà des mon
une comédie de cape et d'épée. Dans « le
roman », comme dit tout court l'affiche,
donc, dans le fameux roman de Théo-
phile Gautier, M. Emile Bergerat a. dé-
coupé une comédie fameuse, comme il
était dit, autour de Lope de Vega, au
pays d'origine de ces ingénieux et com-
plexes et surannés monstres dramati«
ques. Il en a tiré cinq actes et sept ta-
bleaux : les actes sont vagues, mais
les tableaux, du premier au dernier,
surtout en avançant vers le dernier,
sont intéressants et de plusieurs ma-
nières fort distinguées.
Pourquoi le baron de Sigognac, cadet
de Gascogne et seigneur aussi noble
que famélique du Château de la misère,
en partit, avec une troupe de cabotins,
pour conquérir Paris, n'ayant que la
cape et l'épée; comment il devint éper-
dùment amoureux d'Isabelle, l'étoile
de la troupe ; à travers quelles péripé-
ties il dut la disputer, à la pointe de
l'épée, au duc de Vallombreuse et à la
horde des rufifans aux gages de cef ,
insolent et millionnaire et cauteleux
rival ; par quel coup du sort il réussit
à l'épouser et à redorer les cigognes
du blason des Sigognac, après qu'elle
eût été reconnue pour la propre sœur
du terrible duc, voilà toute une histoira
que je vous suppose connue.
C'est aussi, je pense, une supposition
qu'a faite à moitié l'auteur, tant il s'est
peu pressé de nous exposer et de nouer
sa fable, — laquelle procède d'ailleurs
tour à tour, pour le cadre, du Roman
comique, et, pour le pathétique et nom-
bre de situations, de Mignon, voire
même de la Fille du Régiment -.
Il a compté en effet, polir soutenir
notre attention pendant les trois pre-
miers tableaux, sur, le prestige de ses
vers et de ses verves, et sur le pittores-
que des scènes bien plus que sur leur
liaison. C'était bien compter un peu
sans son hôte; mais enfin le quatrième
tableau est venu tout réparer, et le
brouillard doré qui planait sur le sujet,
— cet exigeant sujet qui n'est jamais
assez tôt expliqué, au dire de Nicolas, —
a pris une aussi heureuse que néces-
saire transparence.
L'action un peu imprécise jusque-là
s'est plus fortement posée et nouée, et,
sa vie s'ajoutant dès lors à celle au
reste, la fringante comédie a poursuivi
gaillardement sa carrière jusqu'au bout.
parmi les applaudissements d'un pu-
blic dégelé, et où les amateurs des
prouesses poétiques, de la fantaisie
empanachée et du pittoresque scénique
n'étaient plus seuls à se divertir.
Le spectacle, qui n avait jamais cesso
dès le leyer du rideau d'être très artiste
est devenu très intéressant.
Artiste il l'a été d'abord et.surtout pai
les vers qui rappellent tour à tour 12
bigarrure picaresque et l'allure sautil-
lante et disloquée du burlesque auteuf
de Dom Japhet d'Arménie, ou le vastf
essor et l'éloquent lyrisme de celui de
Ruy Blas et du Roi s'amuse, ou enfin a
prestigieuse invention verbale et la so-
norité carillonnante de celui de Grin-
goire. Il y faut signaler d'ailleurs, pout
n'être que juste, une verve et une har-
diesse, un lyrisme et un accent très
personnels et qui traduisent et trans-
posent à merveille la couleur et la tru-
culence du roman originel.
Attrapés au vol :
L'Espagae ne va plus depuis Philippe II,
dit par un Matalobos sans ouvrage, dé-
busqué de son embuscade ; —
Etes-vous sans maîtresse? — Etes-vous sans amant?
dialogué par un couple qui s'accroche
et file bras dessus, bras dessous, dans
la nuit étoilêe ; — la vieille que le client
de filles vertes trouve « de figure assez
proxénétique » ; —
C'est d'Espagne que nous arrivent ces traînées
Et l'on demande à quoi servent les Pyrénées I
risqué plaisamment par un moraliste
d'occasion; — cette annonce d'une
botte secrète par un malandrin, mar-
chand d'estocades assassines :
Messieurs, voici le fruit de mes longues études,
Et je le recommande à vos sollicitudes; —
d'excellents parodies des meilleures
verves de Hugo, telles que de la scène
des portraits d'Hernani, et certaine
tirade qui commence ainsi ou à peu
près :
Un viaduc qu'on coupe est-ce encore an viaduc, etc.
Que toutes ces gerbes lyriques jaillis-
sent avec un égal élan et même limpi-
dité, je n'en jurerais pas : il y a bien
quelque tortillage ça et là, mais si raref
j'ai eu pourtant l'oreille grattée par un
certain
On enclottro les gens à possession moindre,
et deux ou trois vers amphigouriques
de même acabit. -
Î.Ï! JiT siir.î.1!
I
ANNONCES
AUX BUREAUX DU JOURNAL
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Ps4 hS Attires du soir et d& 10 fieurts d* sotr à 1 heure du
WO 97.:::. - LU1':\.di 12 Octobre iSaa
21 VENDÉMIAIRE AN 105
ADMINISTRATION t 131, rae Montmartre, 13i
Adresser Uttru * mandats à rAdministr&ew
NOS LEADERS
UN DERNIER MOT
Les fêtes ont pris fin. A cette heure,
lètsar est à Darmstadt et il a certaine-
ment emporté un souvenir inoubliable
de l'accueil que lui a fait le peuple
français. Les deux millions de provin-
ciaux qui avaient envahi Paris sont
rentrés chez eux. La grande ville, re-
tenue à son état normal, s'est remise à
Son labeur quotidien. Mais dans le
feœur de chaque citoyen, quelque chose
est resté de cette semaine mémorable,
C'est, avec une immense joie, la cer-
titude que notre patrie pourra suivre,
fn.s être inquiétée, le cours de ses des-
Unees. -.
Pourtant, il convient d'ajouter un
dernier mot à ce qui a paru, dans ce
Journal, sur la merveilleuse et incom-
parable réception de Nicolas II. Il im-
porte, en effet — et c'est un acte de
justice — de dire pourquoi les fêtes
Dnt si bien réussi, de signaler une fois
fie plus l'absence de toute note discor-
flante dans la presse, de féliciter, en un
mot, tous les acteurs. de ce magnifique
Spectacle dont l'Europe continue tou-
jours d'être éblotiie.
.,.;. :t-;\\< * ',"
Et d'abord, les premiers remercî-
jnents doivent être adressés à cette
Joule de cinq millions d'hommes qui,
pendant quatre jours, s'est pressée
dans les rues de Paris sur le passage
du tsar et qui n'a cessé de se montrer
digne et sage tout en manifestant son
débordant enthousiasme. Quel peuple
intelligent, ce peuple parisien ; et
comme il comprend à merveille, sui-
vant les circonstances, ce qu'il faut
qu'il soit ! On le voit tour à tour fron-
deur, d'une gaîté familière, calme,
Respectueux. Et chacun de ses états
d'âme correspond admirablement aux
nécessités de la situation. Et cela est
chez lui spontané; personne ne le lui
J6 conseillé ; il a deviné seul. Que nous
voilà loin de ces démonstrations com-
mandées, surveillées et régularisées
auxquelles on assiste dans certaines
capitales de l'Europe, à Berlin et à
Vienne, par exemple ?
*'*', ";'C;'
Jamais Paris n'a été pavoisé, décoré,
illuminé avec autant de bon goût que
pendant la présence du tsar. Une mer-
veille, un rêve oriental, une matière à
un conte des Mille et une nuits! La
municipalité de Paris et M. Bouvard
ont été les bonnes fées de cette trans-
formation soudaine et inattendue. Car
rien ne donnait l'impression d'une
chose déjà vue; tout était original et
Inédit. C'est le génie de M. Bouvard
qui a enfanté ce magique décor. Mais
paris lui a donné son argent sans
compter.
Vive Paris ! La preuve est faite
maintenant que nos rues ne peuvent
prendre un air de fête que si l'Hôtel de
"Ville s'en mêle. Je ne veux pas faire
de récriminations, mais je suis bien
Convaincu que le gouvernement doit
regretter d'avoir songé un moment à
se passer de la participation du con-
seil municipal aux réjouissances pu-
':ques. Qu'eussent été, je le demande
sincèrement, l'aspect et le caractère
généraux des voies de Paris sans l'in-
tervention des représentants et de
J'administration de la grande ville ?
A Paris, tout le monde a fait son
revoir, population et élus. Quelle fête
plus belle que celle de l'Hôtel de Ville?
Et comme le président du conseil mu-
micipal, mon collègue et ami Pierre
Baudin, a su tenir avec tact et gran-
deur le rôle auquel il avait droit!
iDomme, avec l'aide des membres du
bureau, il a su, sans éclat, par une
nergique douceur, maintenir et faire
Jrjompher les revendications patrio-
tiques de Paris !
Je m'en voudrais beaucoup si je ne
louais pas aussi la conduite de notre
Syndic Léopold Bellan. C'est lui qui
vait la périlleuse mission de préparer
Ja réception de l'Hôtel de Ville, de faire
la salle, suivant une expression con-
sacrée, d'expédier à chacun des mem-
bres de l'assemblée ses cartes et ses
invitations. Charge difficile entre
toutes. On se fait si vite un ennemi
d'un personnage qu'on élimine; on
et assiégé de tant de réclamations.
Oriw-ci prétend qu'il n'a rien eu ; celui-
là proteste. C'est une besogne infer-
nale. Je suis heureux de constater que
Bellan s'en est admirablement tiré.
Pas une seule minute, le service de
1 Hôtel de Ville n'a été défectueux.
Ooelle différence avec celui du proto-
cole et du ministère de l'intérieur !
Je ne veux pas oublier non plus la
préfecture de police. MM. Lépine et
iaurent ont donné des ordres mielli-
S'mis qui ont été exécutés avec une
{grande docilité par les gardiens de la
pux. Les premiers ont compris qu'on
,,!:,e.st pas maître de la population pa-
tfcienne en la brutalisant et que les,
liges conseils en même temps qu'une
certaine tolérance produisent les meil-
leurs résultats. Les autres ont obéi
scrupuleusement et se sont surmenés
sans rendre le peuple responsable de
leur effrayante corvée. Il serait in-
juste de ne pas les en remercier.
Mais, il y a là, une leçon pour l'a-
venir, M. Lépine doit être aujourd'hui
persuadé que la police n'a pas été
créée pour ennuyer et assommer les
citoyens. Une population libre comme
l'est celle de Paris se contient d'elle-
même. Elle a seulement besoin d'être
aidée, encouragée et renseignée par la
force publique. Les gardiens de la
paix ne demanderaient sûrement pas
mieux que de voir leur rôle ainsi mo-
difié. Ils y gagneraient en considéra-
tion et la police n'en serait que mieux
faite. -.
r **#
Je conclus : La France a en la
Russie une alliée fidèle et puissante.
L'accueil enthousiaste que le tsar a
reçu du peuple parisien n'a pu que
fortifier les liens d'amitié qui unissent
les deux nations. La chancellerie du
quai d'Orsay se trouve donc en pré-
sence d'une situation admirable. Et je
souhaite, avec Pelletan, qu'elle s'ins-
pire d'une politique digne du passé et
de l'avenir de notre pays, claire, pré-
cise et aussi peu disposée à laisser
attaquer les droits de notre pays qu'à
menacer ceux des autres nations.
CHARLES BOS.
Nous publierons demain un article
de M. J.-L. de Lanessan
LE PROTOCOLE ET L'OPINION
Il était réservé au protocole de résou-
dre le problème réputé le plus difficile
à notre époque de polémiques contra-
dictoires : mettre toute la presse d'ac-
cord. Il est vrai que c'est sur son pro-
pre dos que le protocole a obtenu cette
touchante unanimité.
Nous n'allons pas, comme quelques-
uns de nos confrères peu révérencieux
jusqu'à décerner à ces fantaisistes
fonctionnaires les épithètes de larbins
ou de sous-larbins ; nous estimons que
la politesse vaut mieux en ces sortes de
choses ; mais, où nous protestons
énergiquement, c'est quand un d'eux
les assimile à nos chefs de gare.
Les chefs de gare forment une des
corporations les plus particulièrement
honorables et précieuses, et s'ils appor-
taient dans leur service l'incroyable
désordre dont vient de faire montre le
protocole, il n'y aurait pas lieu de se
préoccuper en France du problème de
la dépopulation : tous les Français au-
raient vite passé de mort à trépas dans
de quotidiennes collisions.
Toujours est-il que, pendant toute
cette semaine, ce protocole que l'Europe
nous envie vient de se moquer du pu-
blic de la plus agréable manière : c'est
d'abord la représentation nationale
laissée aux bagages, à Cherbourg, dans
la personne de MM. Loubet et Brisson ;
si bien que, nous dit-on, le vénéré pré-
sident de la Chambre dut vertement
rappeler à l'ordre un des jeunes proto-
colistes.
C'est, dans la personne des députés
et des sénateurs, cette même représen-
tation nationale autorisée à regarder,
en tout et pour tout, sur la place de
l'Opéra et sur celle du Théâtre-Fran-
çais, s'il n'y a pas de lampion qui
fument, et à interroger, à la sortie, les
petits protocol eux pour savoir comment
« ça s'est passé là-dedans ».
C'est le bureau du conseil municipal
de Paris trouvant, au gala de l'Opéra,
la loge qui lui était réservée occupée,
de par la volonté du protocole, par
d'aimables sociétaires de la Comédie-
Française, fort gracieuses à coup sûr,
mais peu désignées par le suffrage uni-
versel pour parader en ces places offi-
cielles.
C'est M. Picard, président de section
au conseil d'Etat, directeur de l'Expo-
sition universelle de 1900, l'un des per-
sonnages les plus considérables de la
République, ayant rang de général de
division, occupant à ce même Opéra un
modeste parterre, quand se prélassent
à l'orchestre les moindres tailleurs de
crayons ou colleurs de pains à cacheter
du quai d'Orsay.
C'est M. Bouvard, directeur des tra-
vaux de cette même exposition, direc-
teur général des travaux d'architecture
de la ville de Paris, et l'organisateur
acclamé de cette admirable décoration
des fêtes franco-russes, oublié et aux
soirées de gala, et chez le président de
la République et à Versailles, si bien
qu'il n'a pu assister qu'aux cérémonies
offertes par la Ville.
C'est M. Pierre Baudin, président du
conseil municipal, qu'un protocolard
.quelconque veut empêcher, au nom de
la ville de Paris, de souhaiter la bien-
venue aux souverains à l'Hôtel de Ville
même.
C'est cette étrange foule bigarrée, ha-
bituée des mardis de la Comédie et des
vendredis de l'Académie nationale,
américaine du Nord, turque ou péru-
vienne, qui s'installe aux galas aux
places les plus en vue, et donne le la
des enchères. — Une loge, dit-on, fut
payée vingt mille francs.
Ce sont les maires des grandes villes
de France, les présidents des princi-
paux conseils municipaux, les prési-
dents des grandes associations patro-
nales ou ouvrières, tout ce qui enfin
représente la France démocratique
et laborieuse, complètement laissé de
côté.
C'est enfin la presse, par qui fut faite
véritablement l'alliance franco-russe,
qui, par ses vœux, par ses tendances
de chaque jour, par ses enthousiasmes
d'hier, prépara patiemment les gran-
dioses manifestations d'une foule de
quatre millions d'hommes, mise dans
l'impossibilité de renseigner ses lec-
teurs sur ce qu'elle ne voyait elle-même
que derrière le dos chamarré des atta-
chés du protocole.
C'est ce suprême défi jeté par eux à
toute la presse républicaine, qui s'ap-
pelle le Temps, les Débats, le Petit Jour-
nal, le Radical, la Lanterne, et tant
d'autres organes importants. de ne lais-
ser pénétrer dans ce sanctuaire de Ver-
sailles qu'un reporter du Figaro 1
Pour nous, qui considérons que le
véritable spectacle a été dans les rues,
au milieu de ces foules pressées qui, de
toutes les forces de leurs poumons et
de leur enthousiasme, acclamaient
dans la personne des jeunes souve-
rains l'union de deux grands peuples,
nous ne pouvons nous empêcher de
sourire aux gaffes des jeunes proto-
colistes, tout préoccupés d'attraper au
vol des croix de Sainte-Anne et des ta-
batières en or.
Mais il ressort de tout cela que, sans
vouloir incriminer outre mesure ni
M. Crozier — on le dit un aimable et
galant homme — ni les jeunes gens
qu'il a sous ses ordres, nous traînons
derrière nous tout un reste de vieille
défroque monarchique, faite d'oripeaux
et de clinquant; qu'elle aille rejoindre
ceux qui nous l'ont léguée.
P. L.
LA PRESSE ANGLAISE
Le langage des journaux anglais est
des plus significatifs. Depuis longtemps
nous n'étions pas habitués à tant de
bonne foi. Non-seulement ils nous féli-
citent du succès des fêtes franco-russes,
mais encore deux d'entre eux engagent
le gouvernement britannique à contrac-
ter une alliance durable avec la France
et la Russie.
Ils n'y vont pas par quatre chemins.
Autant, il n'y a que quelques jours en-
core, nous étions un peuple vain, léger,
inconscient, frondeur, sans puissance
réelle et dangereux pour la paix euro-
péenne, autant aujourd'hui nous som-
mes une nation posée, réfléchie, sé-
rieuse, sachant ce qu'elle veut, relevée
complètement de ses désastres et dont
l'amitié a le plus grand prix.
Je ne commente pas. Je résume.
Les journaux de Londres ont donc
trouvé, grâce au voyage du tsar, leur
chemin de Damas. Auparavant, ils dou-
taient de l'alliance franco-russe ; main-
tenant, ils proclament au'elle est faite
et ils recherchent son appui.
Nous ne voyons en France aucun
inconvénient à cette volte-face et nous
sommes même heureux que les Anglais
rendent enfin justice aux efforts de la
République et de la patrie françaises.
sans doute, c'est leur intérêt qui leur
dicte cette tactique. Mais la politique
n'est-elle pas faite dans le but de sauve-
garder, le mieux possible, les intérêts
des peuples ?
Il est certain qu'une alliance entre
l'Angleterre, la France et la Russie se-
rait une chose des plus heureuses pour
la tranquillité du monde. Rien ne pour-
rait être fait sans elle ou contre elle.
La triple coalition serait la maltresse
des destinées du vieux et du nouveau
continent. -
D'autre part, elle permettrait de ré-
gler avec une facilité admirable les
litiges, dont quelques-uns sont des
plus importants, qui existent entre les
trois pays.
Mais il ne faut pas tout nous deman-
der. L'Angleterre est-elle prête à re-
noncer à sa politique de rapines colo-
niales? Est-elle disposée à nous faire
les concessions que, de droit strict,
elle nous doit? Si oui? Eh bien 1 pour-
quoi ne manifesterions-nous pas nous-
mêmes les meilleures intentions ? Ce
n'est pas de notre côté que seraient
soulevées des difficultés.
CH. B.
LES TRAVAUX BUDGÉTAIRES
L'examen du budget de 1897, interrompu
par les fêtes de la réception du tsar, a été
repris hier par la commission du budget.
Des réductions s'élevant à un million en-
viron avaient été opérées par la commission
sur le budget des colonies.
Le ministre dés colonies a écrit hier à la
commission pour lui déclarer qu'il ne pou-
vait accepter ces réductions, mais la com-
mission les a maintenues.
Au sujet des frais d'occupation du Soudan,
le ministre des colonies a fait connaître que,
grâce à une nouvelle organisation de la re-
lève et au concours du gouvernement local,
il a trouvé le moyen de faire une nouvelle
économie de 500,000 fr. sur les frais d'occu-
pation qu'il propose d'affecter à la construc-
tion du chemin do fer du Soudan, pour le-
quel il serait créé un budget annexe.
Avant de prendre une décision, la com-
mission a demandé à entendre les ministres
des colonies et des finances.
La commission a ensuite réservé pour le
moment où sera discuté le budget des re-
cettes l'examen d'un amendement de M. Le
Myre de Vilers tendant à réduire de 750,000
francs le contingent de la Cochinchine dans
le budget de l'Indo-Chine.
La commission examine ensuite les cha-
pitres réservés du budget de l'instruction
publique.
Sur l'art. 7 (facultés), la commission, sur
les conclusions de son rapporteur, exprime
le désir qu'à l'avenir chaque faculté ait son
budget spécial. Une réduction de 25,000 fr.
est opérée sur le chapitre 9 (bourses de l'en-
seignement supérieur), contrairement à l'a-
vis du ministre et du rapporteur.
Un relèvement de crédit est demandé pour
la création de nouvelles chaires au Collbge
de France (chapitre 13); mais on fait observer
qu'un certain nombre de chaires font actuel-
lement double emploi avec des chaires exis-
tant au-dehors de ce collège et que la sup-
pression de certaines d'entre elles permet-
trait d'en créer de plus utiles. La commis-
sion repousse la demande de relèvement.
Sur les articles 42 à 46 de l'enseignement
secondaire, d'intéressantes observations sont
échangées sur le recrutement des lycées na-
tionaux et sur les résultats financiers de
leur gestion.
La commission discutera lundi la question
des relèvements demandés pour l'enseigne-
ment primaire.
LES PAROLES D'ADIEU
Après le départ de l'empereur, le président
de la République lui avait adressé à Pagny-
sur-Moselle la dépêche suivante :
Au moment où votre majesté quitte
la France, je tiens à ce qu'elle reçoive
la nouvelle expression de la joie que
nous a causée sa visite.
Les vœux de la République française
accompagnent vos majestés jusqu'au
seuil de leur empire et dans la glorieuse
durée de leur règne.
FÉLIX FAURE..
L'empereur de Russie a télégraphié de son
côté :
Pagny-sur-Moselle, 9 octobre. 1896"
11 heures 40 soir.
Monsieur le président de la République
française,
Paris.
Au moment de traverser la frontière,
je tiens à vous exprimer, encore une
fois, monsieur le président, combien
nous sommes touchés, l'impératrice et
moi, de l'accueil chaleureux qui nous
a été fait à Paris.
Nous avons senti battre le cœur de
ce beau pays de France dans sa belle
capitale, et le souvenide ces quelques
jours passés parmi vous restera pro-
fondément gravé dans nos cœurs.
Je vous prie, monsieur le président,
de vouloir bien faire part de nos senti-
ments à la France entière.
NICOLAS.
LES ON-DIT
CARNET QUOTIDIEN:
Les courses : A Longchamps.
— Commémoration du combat de Bagneux.
— Durée du jour : 12 h. 8 m.
CHEZ NOUS
—Le Journal officiel publiera ce ma-
tin toutes les distinctions académiques
accordées au cours des voyages officiels
depuis le mois de juin. t
- Le roi de Grèce est parti hier de
Kronberg pour Paris, où il arrivera au-
jourd'hui à dix heures du matin.
- JL Académie des beaux-arts a décidé
que le prix Estrade-Delcros a pour objet
de récompenser une œuvre appartenant,
soit à l'un des arts du dessin, soit à l'art
de la composition musicale, produite dans
le cours des cinq dernières années.
Ce prix, de la valeur de 8,000 fr., sera
décerné en 1899, pour la première fois.
— Nous avons le regret d'apprendre
la mort à Paris de M. F. Rieder, ancien
membre du conseil supérieur de l'instruc-
tion publique. L'œuvre principale de sa
vie a été la fondation, en 1874, de l'Ecole
alsacienne, qu'il a dirigée jusqu'en 1891 et
dont il était resté directeur honoraire.
—- Les examens de l'Ecole des chartes
commenceront le 27 octobre, à onze heures
du matin. Le registre d'inscription sera
ouvert au secrétariat de l'école (58, rue des
Francs-Bourgeois) du 20 au 26 octobre, de
midi à quatre heures.
-Le Muséum d'histoire naturelle
vient de recevoir une panthère d'Afrique,
don de M. Versepuy, l'explorateur mort
récemment. Il a reçu, en outre, de M. Bas-
tard, un cryptoprocte, capturé à Majunga.
Ce fauve tient le milieu entre le chat et
la civette et doit son nom aux glandes ou
cryptes qu'il porte au-dessous de l'anus.
Sa taille atteint le double de celle d'un
chat. Sa robe est fauve ; sa queue, excessi.
vement longue, est tachetée de blanc.
----- La mort du poète et de l'artiste
décorateur William Morris, appelle de
nouveau l'attention sur le volume de Ga-
briel Mourey, Passé le Détroit, dont la
traduction anglaise suscite en ce moment
à Londres de vives polémiques et qui reste
l'étude la plus complète sur la Vie et l'Art
contemporain en Angleterre.
, Mœurs anglaises :
Lady Scott, belle-mère du comte Rus-
sell, a été arrêtée, à Londres, dans un hôtel
du Strand, à la requête de son gendre.
Celui-ci avait obtenu, à la suite d'un reten-
tissant et scandaleux procès, une séparation
judiciaire contre sa femme, qui avait été
obligée de rétracter les accusations de
crimes contre nature portées par elle con-
tre le comte Russell.
C'est aussi pour un délit de diffamation
que lady Scott a été arrêtée. Elle a passé la
nuit dans une cellule de Bow street et elle
devait comparaître hier devant le tribunal
de ce nom.
Le comte Russell vient précisément de
gagner à Winchester un procès qui lui
était intenté pour un prétendu acte de
brutalité commis il y a neuf ans sur la per-
sonne d'un nommé Frederick Kast.
--- Les obsèques du général Trochu
ont eu lieu hier matin, a dix heures, à
Tours, en l'église Saint-Pierre-des-Corps.
Le corbillard n'avait ni fleurs, ni cou-
ronnes. Le cortège comprenait six géné-
raux et vingt officiers supérieurs.
Le président de la République s'était
fait représenter par le colonel Lacroix et
le commandant Humbert. M. Méline, pré-
sident du conseil, s'était fait représenter
par son chef de cabinet, M. Mersey.
L'inhumation a eu lieu au cimetière de
la Salle. Le corps a été déposé à côté 4e
celui de Mme Trochu.
A L'ETRANGER
— Par décret, une nouvelle école su-
périeure de commerce est reconnue à
Nancy.
Cette reconnaissance est faite dans les
conditions prévues par l'article 23 de la
loi du 15 juillet 1889 sur le recrutement de
l'armée et spécifiées par le décret du
21 mai 1890.
L'école de Nancy est soumise aux règles
générales applicables, d'après le décret
précité, aux écoles supérieures de com-
merce. C'est le dixième établissement de
ce genre qui existe en France. Paris pos-
sède trois de ces écoles, l'Ecole des hautes
études commerci2les, l'Ecole supérieure
de commerce et l'Institut commercial. Les
autres sont établies à Lyon, Marseille, Bor-
deaux, le Havre, Lille, Rouen.
Le Passant.
Le Drame de la rue Ruhmkorff
Depuis plusieurs années vivaient dans un
petit appartement du numéro 25 de la rue
Ruhmkorff, Mme veuve Primat, rentière,
âgée d'environ soixante-huit ans, et son fils
M. Victor Primat, qui tint longtemps sur le
boulevard Gouvion Saint-Cyr, un commerce
de bicyclettes. Il s'était retiré des affaires; il
y a huit mois, à la suite de son divorce.
Depuis cette époque, il vivait oisif auprès de
sa mère et rien, au dire de la concierge et
des voisins, ne semblait troubler leur bonne
intelligence.
Toutefois, il était de notoriété publique,
dans le voisinage, que M. Primat entrete-
tenait des relations intimes avec Mlle Le-
tort, ouvrière qui habitait dans le second
corps de bâtiment du même immeuble.
Mlle Letort est une blonde de vingt à
vingt-deux ans; elle se rendait fréquem-
ment chez Mme veuve Primat, qui semblait
accepter là situation irrégulière de son fils.
Hier, samedi, Mlle Letort montait chez
Mme Primat.
Une demi-heure environ après avoir vu
monter la jeune fille, la concierge, Mme
Freyaud, entendit crier désespérément : « Au
secours 1 »
Affolée, la pauvre femme se précipita
dans l'escalier et vit, dans la salle à manger
de l'appartement, les cadavres de M. Primat
et de sa mère gisant sur le plancher; un
revolver se trouvait entre leurs corps ina-
nimés.
Mlle Letort se tordait les bras sans pou-
voir articuler une seule parole.
La concierge envoya son fils prévenir im-
médiatement M. Chapelle, commissaire de
police du quartier, qui vint, accompagné d'a-
gents et d'un médecin, procéder aux consta-
tations
On pense qu'à la suite d'une discussion
ayant pour sujet des intérêts de famille ou
peut-être son mariage avec Letort, auquel
se serait opposée Mme Primat mère, M. Vic-
tor Primat aurait tué cette dernière, puis,
affolé, se serait suicidé dans un accès de
désespoir.
M. Primat étatt âgé d'eviron quarante-
six ans.
M. Chapelle, commissaire de police, a
gardé Mlle Letort à la disposition du par-
quet.
LE PROCES CAUVIN .SIMONo
Cauvin, le forçat innocent, a formé, hier,
devant la cour d'Aix, appel du jugement du
tribunal de Marseille qui, en février 1893,
après sa condamnation aux travaux forcés
à perpétuité, et, sur la demande de MM. Si-
mond frères, a révoqué, pour cause d'ingra-
titude, le legs universel fait en sa faveur
par Mme Mouttet; legs de meubles et d'im.
meubles d'une valeur de cent vingt mille
francs environ.
Ce legs, qui a échappé à Cauvin unique-
ment parce qu'un arrêt de justice l'avait dé-
claré 1 assassin de Mme Mouttet, doit-il lui
revenir aujourd'hui qu'un nouvel arrêt de
justice, plus éclairé, a proclamé sa complète
innocence dans le crime de la Blancarde?
Au point de vue du bon sens et de la raison,
la question ne fait pas de doute : il n'en est
malheureusement pas do même au point de
vue juridique.
Comme les délais d'appel du jugement
de 1893 sont depuis longtemps expirés, Cau-
vin invoque à l'appui de sa demande l'ar-
ticle 448 uu Code de procédure, ainsi conçu :
Dans les cas où le jugement aurait été rendu
sur une pièce fausse, ou si la partie avait été
condamnée faute de représenter une pièce déci-
sive qui était retenue par son adversaire, les
délais de l'appel ne courront que du jour où le
faux aura été reconnu ou juridiquement cons-
taté, ou que la pièce aura été recouvrée, pourvu
que dans ce dernier cas, il y ait preuve par
écrit du jour où la pièce a été recouvrée et non
autrement.
Dès maintenant, il est facile de prévoir
que les héritiers Simond, fort désireux de
conserver l'héritage de Mme Mouttet, sou-
tiendront que le jugement de février 1893 ne
constitue pas juridiquement là « pièce
fausse » de l'article 44a.
Au cas où la cour d'Aix rejetterait l'appel
de Cauvin, l'affaire viendrait d'une façon dé-
finitive devant la cour de cassation qui alors
créerait une jurisprudence en la matière, la
question étant tout à fait neuve comme on
difen droit.
C'est l'éloquent Mo Félix Decori qui sou-
tiendra la demande de Cauvin; Mo Roche,
du barreau de Toulon, se présentera pour
MM. Simond frères.
A MADAGASCAR
Le rapport de la résidence générale de
Madagascar, reçu hier par le ministre des
colonies et daté de Tananarive du 12 sep-
tembre dernier, apporte les nouvelles sui-
vantes : *
Au nord de l'Imérina, dans la nuit du 23
au 24 août, le lieutenant Gramont a surpris,
à l'est du mont Baka, un village où se trou
vaient réunis 150 Fahavalos. Ils ont fui,
laissant 32 cadavres sur le terrain et ont fait
UÏ18 quinzaine de prisonniers. Personne de
de notre côté n'a été atteint.
Région du Sud-Est et de t'Est. — Quelques
bandes de pillards sont en ce moment si-
gnalées dans le Sud, mais n'ont jusqu'Ici
manifesté leur présence que sur la ligna
des troupes entre Soavina et Treforona.
Trois ou quatre cents rebelles ont atta-
que, à 1 est de Maharidaza, deux convoîg
venant de la direction opposée. Les rebel-
les se sont retirés après une heure et demie
de lutte. Un tirailleur et deux borjans ont
été tués. Le capitaine Delcroix, du service
géographique, a été légèrement blessé au
bras.
Les confiscations des biens des rebelles
se poursuivent. Trois rebelles, condamnés
a mort par la cour criminelle pour avoir
trompé dans l'assassinat de M. Duret de
Brie et de sês compagnons, ont été exé-
cutés.
CHRONIQU ^DRAMATIQUE
Odéon. — Le Capitaine Fracasse, comédie
héroïque en cinq actes et sept tableaux, en
vers, d'après le roman de Théophile Gau-
tier, par M. Emile Bergerat.
L'Odéon nous a offert, pour sa réou.
verture, la curiosité d'un spectacle qui
son auteur a qualifié de comédlehé.
roïque un peu improprement, témoin
,don Sanche et sa préface — et qui est
a proprement parler, ce qu'on appelle,
depuis belle lurette, au-delà des mon
une comédie de cape et d'épée. Dans « le
roman », comme dit tout court l'affiche,
donc, dans le fameux roman de Théo-
phile Gautier, M. Emile Bergerat a. dé-
coupé une comédie fameuse, comme il
était dit, autour de Lope de Vega, au
pays d'origine de ces ingénieux et com-
plexes et surannés monstres dramati«
ques. Il en a tiré cinq actes et sept ta-
bleaux : les actes sont vagues, mais
les tableaux, du premier au dernier,
surtout en avançant vers le dernier,
sont intéressants et de plusieurs ma-
nières fort distinguées.
Pourquoi le baron de Sigognac, cadet
de Gascogne et seigneur aussi noble
que famélique du Château de la misère,
en partit, avec une troupe de cabotins,
pour conquérir Paris, n'ayant que la
cape et l'épée; comment il devint éper-
dùment amoureux d'Isabelle, l'étoile
de la troupe ; à travers quelles péripé-
ties il dut la disputer, à la pointe de
l'épée, au duc de Vallombreuse et à la
horde des rufifans aux gages de cef ,
insolent et millionnaire et cauteleux
rival ; par quel coup du sort il réussit
à l'épouser et à redorer les cigognes
du blason des Sigognac, après qu'elle
eût été reconnue pour la propre sœur
du terrible duc, voilà toute une histoira
que je vous suppose connue.
C'est aussi, je pense, une supposition
qu'a faite à moitié l'auteur, tant il s'est
peu pressé de nous exposer et de nouer
sa fable, — laquelle procède d'ailleurs
tour à tour, pour le cadre, du Roman
comique, et, pour le pathétique et nom-
bre de situations, de Mignon, voire
même de la Fille du Régiment -.
Il a compté en effet, polir soutenir
notre attention pendant les trois pre-
miers tableaux, sur, le prestige de ses
vers et de ses verves, et sur le pittores-
que des scènes bien plus que sur leur
liaison. C'était bien compter un peu
sans son hôte; mais enfin le quatrième
tableau est venu tout réparer, et le
brouillard doré qui planait sur le sujet,
— cet exigeant sujet qui n'est jamais
assez tôt expliqué, au dire de Nicolas, —
a pris une aussi heureuse que néces-
saire transparence.
L'action un peu imprécise jusque-là
s'est plus fortement posée et nouée, et,
sa vie s'ajoutant dès lors à celle au
reste, la fringante comédie a poursuivi
gaillardement sa carrière jusqu'au bout.
parmi les applaudissements d'un pu-
blic dégelé, et où les amateurs des
prouesses poétiques, de la fantaisie
empanachée et du pittoresque scénique
n'étaient plus seuls à se divertir.
Le spectacle, qui n avait jamais cesso
dès le leyer du rideau d'être très artiste
est devenu très intéressant.
Artiste il l'a été d'abord et.surtout pai
les vers qui rappellent tour à tour 12
bigarrure picaresque et l'allure sautil-
lante et disloquée du burlesque auteuf
de Dom Japhet d'Arménie, ou le vastf
essor et l'éloquent lyrisme de celui de
Ruy Blas et du Roi s'amuse, ou enfin a
prestigieuse invention verbale et la so-
norité carillonnante de celui de Grin-
goire. Il y faut signaler d'ailleurs, pout
n'être que juste, une verve et une har-
diesse, un lyrisme et un accent très
personnels et qui traduisent et trans-
posent à merveille la couleur et la tru-
culence du roman originel.
Attrapés au vol :
L'Espagae ne va plus depuis Philippe II,
dit par un Matalobos sans ouvrage, dé-
busqué de son embuscade ; —
Etes-vous sans maîtresse? — Etes-vous sans amant?
dialogué par un couple qui s'accroche
et file bras dessus, bras dessous, dans
la nuit étoilêe ; — la vieille que le client
de filles vertes trouve « de figure assez
proxénétique » ; —
C'est d'Espagne que nous arrivent ces traînées
Et l'on demande à quoi servent les Pyrénées I
risqué plaisamment par un moraliste
d'occasion; — cette annonce d'une
botte secrète par un malandrin, mar-
chand d'estocades assassines :
Messieurs, voici le fruit de mes longues études,
Et je le recommande à vos sollicitudes; —
d'excellents parodies des meilleures
verves de Hugo, telles que de la scène
des portraits d'Hernani, et certaine
tirade qui commence ainsi ou à peu
près :
Un viaduc qu'on coupe est-ce encore an viaduc, etc.
Que toutes ces gerbes lyriques jaillis-
sent avec un égal élan et même limpi-
dité, je n'en jurerais pas : il y a bien
quelque tortillage ça et là, mais si raref
j'ai eu pourtant l'oreille grattée par un
certain
On enclottro les gens à possession moindre,
et deux ou trois vers amphigouriques
de même acabit. -
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