Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1896-10-10
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 10 octobre 1896 10 octobre 1896
Description : 1896/10/10 (N9710). 1896/10/10 (N9710).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7564533m
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/05/2013
ÇINQ' CENTIMES le Numéro;
PARIS ET DEPARTEMENTS
lM'dO .01
TL.& Numéro, aJ:NQCENTJ:1\IrRt=8
E
ANNONCES
AUX BUREAUX DU JOURNAL
131, rue Montmartre, 131
Et chez MM. LAGRANGE, CERF & Cle
6, place de la Bouise, 6.
'adresse télégraphique : XIX' SIÈCLE - PARIS
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Paris Trois Mois, 6 f. Six Mois, 12 f II a, 20 f,
Départements — 7f. — 12 f. - 24f,
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RÉDACTION : 131, rue Montmartre, 131
De 4 è 8 heures du soir et de 10 heures du soir à 1 hmro du mage
N° 9710. — Samedi 10 Octobre 1886
19 VENDÉMIAIRE AN 105
ADMINISTRATION i 131, rue Montmartre, 18)
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
LA REVUE D'AUJOURD'HUI
A-CHALONS
Arrivée du train présidentiel à Bouy,
foh. fo.
A 10 h. 30 : arrivée du train impé-
rial. Tenue : grand uniforme.
Le tsar, la tsarine et le président s'ar-
fêteront au quartier National où sera
yervi un petit déjeuner.
A midi: revue.
## h. 30 : déjeuner militaire offert à
]J.t}mpereur et à l'impératrice par le pré-
sident de la République.
.! A 5 h. : départ du train impérial qui
Arrivera à 11 h. du soir à Pagny-sur-
Moselle.
A 5 h. 15 : départ du train présiden-
tiel qui arrivera à Paris à 8 h. 10 du
loir.
NOS LEADERS
PAX
de serait se condamner volontaire-
ment à de fatigantes redites que de se
borner, une fois de plus, à constater
le caractère absolument grandiose de
la réception faite par Paris et par la
France aux souverains de Russie.
Aujourd'hui que le tsar et la tsarine
ont quitté la grande ville toute frémis-
sante encore de la prodigieuse émotion
qui vient de la soulever, aujourd'hui
jour de la revue de Chàlons, il sied
sans doute d'essayer de préciser l'im-
portance vraie, la réelle portée du
grand acte qui s'accomplit en ce mo-
ment.
.*.
« Pax » ; les décorations officielles
pnt multiplié ce mot; et dans son toast
de mardi, le président de la Républi-
que, affirmant — ce qui est d'ailleurs
çonforme à la stricte vérité — que
i l'union d'un puissant empire et
t tune République latorieuse a pu déjà
exercer une action bienfaisante sur la
paix du monde », s'est contenté d'ex-
primer l'espoir que cette union conti-
nue « à répandre partout son heureuse
influence ». — Pourtant on a remarqué
que le tsar, dans sa réponse, désor-
mais historique, à ce toast, n'a pas
prononcé, lui, ce mot de «paix » dont,
par exemple, l'empereur d'Allemagne
se montre, lui, on le sait, en toute
occasion, si prodigue. —Mais ne nous
attardons point en discussions inutiles;
est-ce que, comme toute grande nation,
la France n'a pas besoin de la paix
pour se développer, pour grandir sans
cesse, pour donner libre essor à son
activité et à son intelligence ? Qui de
vous, je le demande, n'est partisan de
la paix?
Seulement l'heure paraît venue de
dissiper toutes les équivoques, de faire
cesser tous les malentendus, de s'en-
lendre sur la signification précise de
ce mot : Paix.
La paix, oui, sans doute 1 — Mais
quelle paix ?
.:\
Depuis un quart de siècle nous subis-
sons, sous le nom de paix armée, un
régime plus onéreux, à la longue, que
la guerre. Depuis un quart de siècle,
tout en affirmant nos volontés pacifi-
ques,nous nous préparons sans relâche
à la guerre. Depuis un quart de siècle
nous consacrons aux dépenses mili-
taires un milliard et plus par an ; et
c'est miracle que la prospérité de la
France ait pu résister à de si continuels
et si lourds sacrifices. Deux ou trois
fois déjà, forcés que nous sommes de
nous tenir au courant des incessants
progrès de la science, nous avons dû,
a frais énormes, renouveler de fond
$n comble notre armement. Et la cer-
titude est, tant que subsistera l'état de
choses actuel, qu'ira se creusant tou-
jours davantage le gouffre où nous
jetons, depuis tant d'années, tant d'or
et tant de force.
Dire que nous ne sommes pas les
maîtres d'agir ou de ne pas agir ainsi,
que notre sécurité impérieusement
-exige cette préparation constante de
la guerre toujours possible, ce ne se-
rait exprimer qu'une partie de la vé-
rité. Au-dessus même du souci de
jaotre sécurité, il y a en nous le senti-
ment de l'honneur national ; il y a la
souffrance jamais guérie de l'arrache-
fchement subi en 71 ; il y a l'espoir vi-
vace en nos cœurs de la réparation
itue — pourquoi ne pas écrire le mot ?
fie la revanche.
Disons-le en toute franchise et en
10ute netteté : si l'amitié de la Russie,
si l'alliance franco-russe ne devait
avoir d'autre résultat que de mainte-
nir, que de consolider cette abomi-
nable paix armée qui obère si terri-
blement le Trésor public, paralyse
:dans une certaine mesure l'activité
"Commerciale et industrielle de la na-
tion, nous fait vivre dans une sorte de
Jièvre faite d'attente énervée et n'est,
Su bout du compte, que la consécra-
tion, par le temps écoulé, des iniquités
commises en 70, si cette alliance, qui
nous inspire au moment présent tant
de joie, tant d'orgueil et tant d'espé-
rance, devait être à ce point stérile,
ce serait pour tous les cçeurs patriotes
une immense déception.
Car nous rêvons, nous voulons une
autre paix que celle qui existe ; nous
voulons la paix que seule peut, sans
déchoir, signer la France redevenue
puissante et fière, la seule aussi qui
n'aura point seulement le caractère
d'une trêve, d'un arrêt essoufflé dans
la lutte, mais par laquelle s'ouvrira
aux regards des peuples une longue
période de calme et fécond travail ;
nous voulons la paix qui ne pourra
être conclue qu'après le règlement de
tous les vieux comptes et la reconsti-
tution intégrale de la France ; nous
voulons la paix qui fera disparaître
tous les ferments de haine, toutes les
rancunes, tousles désirs de vengeance;
— et c'est cette paix-là, cette paix
désarmée, que nous attendons de l'al-
liance russe.
;}f*
Nul ne s'y trompe d'ailleurs. Voyez
la presse étrangère : nulle part on
n'essaye, çle réduire l'événement d'au-
jourd'hui aux modestes proportions
d'une visite de courtoisie d'un chef
d'Etat à un autre chef d'Etat. Per-
sonne, en réalité, ne tente de donner
ou de se donner le change. Tout le
monde a compris. De grandes choses
se préparent. Le peuple de France
tout entier s'est soulevé, comme une
vague énorme; et hier, à Saint-Pé-
tersbourg, au théâtre Panaïew, la
Marseillaise réclamée par la foule a
été saluée trois fois de suite, par de
frénétiques acclamations. Nous som-
mes en pleine veillée des armes. Le
sang coule à flots impétueux dans nos
artères et nos fronts se redressent,
tout illuminés d'orgueil. Le tsar, en
passant devant la statue de Strasbourg
aux drapeaux voilés de crêpe, a salué.
S'il a bien entendu, il sait que tous
les cris passionnés qui, pendant ces
trois jours, lui ont fait cortège, peu-
vent, doivent se résumer en cette
courte phrase, qui dit tout : « - Sire,
la France est prête ! »
LUCIEN VICTOR-MEUNIER
Nous publierons demain un article
de M. Camille Pelletan
LA PRESSE ETRANGERE
Les journaux étrangers ne s'occu-
pent, ainsi que l'écrivait hier notre ami
Charles Bos, que de la réception en-
thousiaste faite au tsar par le peuple
français. Et cela se comprend. La pré-
sence du tsar à Paris est à la fois un
évènement et un moment politiques
d'une importance extraordinaire.
Il nous parait utile de donner quel-
ques extraits de ces articles.
Les journaux russes
En Russie, bien entendu, tous les
journaux sont unanimes à célébrer avec
enthousiasme les événements dont Pa-
ris vient d'être le théâtre.
La Petersbourgskaia Gazeta :
L'alliance franco-russe n'est plus désor-
mais une chimère, une hypothèse, mais un
fait matériel, proclamé par le souverain
russe pour la joie immense de tous les sin-
cères amis de la paix, de l'ordre et de la
tranquillité générale.
Les Novosti :
Les solenni és de Paris sont une grande
fête, aussi bien pour le peuple russe que
pour les Français. L'équilibre est mainte-
nant complètement établi : la France et la
Russie peuvent tranquillement, au milieu
de la paix générale, s'occuper du dévelop-
pement de leurs forces intérieures.
Le Novoïé Vremia :
L'histoire contemporaine de l'Europe ne
contient aucun fait plus remarquable et plus
bienfaisant que celui de la Russie et de la
France se donnant la main pour leur com-
mune sauvegarde.
La Gazette de la Bourse :
L'affirmation par le tsar' de l'alliance
franco-russe est encore rehaussée par l'ac-
ceptation et la reconnaissance, que compor-
tent ses paroles, de tout ce qui a été, est, et
sera fait en France, y compris l'ordre de
choses gouvernemental actuel. >
Le Petersbourgskaia Listok déclare que
cette combinaisen politique a pour but de
sauvegarder efficacement la civilisation et
le progès.
Le Svet considère cette amitié franco-
russe d'égal à égal, de fort à fort, comme le
ferme et inébranlable rempart de la paix
européenne.
Les journaux allemands
Ceux-là, naturellement, sont furieux.
L'alliance franco-russe leur fait peur.
Ils n'osent pas la mettre en doute, mais
ils équivoquent à plaisir.
La Gazette de Cologne est le seul or-
gane qui constate franchement l'exis-
tence d'un traité entre la France et la
Russie.
La Gazette de Voss est en colère. In-
terprétant le fameux mot de Napo-
léon 1111 : « Dans cinquante ans, la
France sera républicaine ou cosaque »,
elle dit :
On compte sur le moment où l'Europe
sera moitié républicaine et moitié cosaque.
On arcorde au tsar blanc l'Europe tout en-
tière, et même l'univers entier, pourvu qu'il
accorde aux Français la rive gauche du
Rhin. La France est en ce moment aux
pieds du tsar. S'il plaît à l'empereur de Rus-
sie de consentir à une alliance offensive
avec la République française, il n'aurait qu'à
dicter simplement ses conditions. Elles se-
raient acceptées avant môme d'avoir été
formulées. Sur ce point, il n'y a pas d'illu-
sion possible. Au moment même où le tsar
porterait la main à la poignée de son épée,
la République française aurait déjà tiré son
épée du fourreau. Il y a pourtant en France
des hommes sensésqui ne se dissimulent pas
le danger qui résulte d'un pareil état d es-
prit de leurs compatrlotes et qui se rendent
compte des conséquences qu'entraînerait
l'écrasement des Etats de l'Europe centrale
par la Russie, laquelle, naturellement, dans
le partage du butin, se réserverait la part du
lion.
Le Tageblatt:
L'alliance franco-russe, dès 1891, était le
facteur auquel le chancelier de Caprivi fit
allusion dans un discours.
Le Lokalanzeiger :
La visite du tsar a inspiré à la France la
confiance dans l'avenir. Cette visite est par-
ticulièrement cordiale à cause de. la pré-
sence de l'impératrice.
Le Boersencourier :
La signification donnée par l'opinion pu-
blique française au séjour du tsar à Paris
pourrait changer en inquiétude l'indiffé-
rence avec laquelle l'Europe assiste aux
brillantes fêtes données par la population
parisienne.
Les journaux italiens
Les feuilles ministérielles prennent
les choses avec assez de philosophie.
L'officieuse Fanfulla dit : -
La visite de l'empereur ne menace nulle-
ment la paix de 1 Europe ; au contraire, les
rapports de tous les cabinets n'ont jamais
été meilleurs.
La Tribuna :
La situation de l'Italie dans le concert eu-
ropéen est tout au moins singulière depuis
plusieurs années. La tripiiee ayant été pour
nous de peu d'utilité, nous ne pleurerions
pas sa fin. Si depuis 1682 nous avions été
isolés, notre situa ion ne serait pas pire.
La Tribuna adresse ensuite des re-
proches amers à l'Autriche et à l'Alle-
magne pour leur attitude égoïste.
Combien, dit-elle, la trlplice ditfère de la
duplice, laquelle est solide, courageuse, affir-
mant sa solidarité ouvertement, défendant
franchement ses intérêts réciproques et en-
courageant jusqu'à l'amour-propre et à l'or-
gueil national.
L'Osservatore :
La visite du tsar consacre les rapports
déjà existants en leur donnant une forme
plus concrète.
Les amis de la paix doivent se féliciter
de voir l'alliance franco-russe cimentée, ser-
vant de contre-poids à la triplice.
L'officieux Don Chisciotte relève le
contraste entre les visites à Vienne,
Berlin et Balmoral, presque glaciales,
avec l'imposant spectacle de Paris
prouvant la grande vitalité et la force
de la France.
Quant aux journaux crispiniens, ils
nous insultent. Inutile de reproduire de
pareilles ordures.
Les journaux autrichiens
En Autriche, on ne doute pas de l'al-
liance franco-russe mais on insiste sur
son caractère pacifique.
La Neue Presse, constatant l'attitude
froide et réservée du tsar à Breslau et
à Vienne et celle toute différente qu'il a
à Paris, dit qu'il n'est plus possible de
douter que la France et la Russie soient
alliées et que les nations de la Triple-
Alliance doivent être plus unies que
jamais.
Le Wiener Tagblatt :
Il y a non-seulement une alliance, mais
des ;entiments de fraternité unissant les
peuples français et russe. La visite du tsar
à Paris est une revanche de Sedan.
La Volkszeitung :
Cet événement ne suscite aucune crainte,
toutes les nations désirant la paix. 1
La Deutsche Zeitung exprime la même
opinion et insiste sur les dispositions
pacifiques du tsar.
Les journaux suisses
Le Journal de Genève publie un arti-
cle excellent dont nous détachons les
passages suivants :
Depuis leur entrée à Paris, Nicolas II et
Alexandra Feodorovna ne sont plus des sou-
verains mortels, mais des demi-dieux que
l'on acclame, que l'on adore, que l'on attend
des heures entières pour avoir l'insigne fa-
veur de les entrevoir, que l'on poursuit à
toutes jambes pour les revoir encore. On
s'attendait à tou cela, mais toutes les pré-
vision, sont encore dépassées.
Ce n'est certainement pas l'unique curio-
sité de voir un tsar et une tsarine dans les
rues de Paris, qui a mis en mouvement de
telles multitudes et qui les fait se presser
ainsi sur le passage du cortège : c'est un
sentiment complexe, > mais naturel et légi-
time, fait de reconnaissance et de contente-
ment de soi.
On est heureux de pouvoir saluer le fils du
souverain qui le premier, dans son intérêt,
il est vrai, mais en rompant avec ses tradi-
tions de famille, a tendu la main à la France
vaincue, délaissée et toujours menacée dans
son isolement, qui l'a aidée à reconquérir sa
place, un instant perdue, au premier rang
de l'Europe. Il est vrai qu'il s'est acquis là
un utile et fidèle auxiliaire pour sa propre
politique et un accroissement de puissance
tel qu'il en est devenu presque l'arbitre du
monde.
Mais il y a autre chose dans cette joie pu-
blique : il y a la satisfaction de montrer à
cet allié généreux que l'amitié de la France
a son prix, — il le sait déjà, — et qu elle a
des façons d'aimer les gens et de leur té-
moigner sa reconnaissance qui ne sont pas
à la portée de tous.
Le spectacle qu'offre aujourd'hui Paris en
fête est de ceux que l'on n'oublie pas, fût-on
le maitre de l'Europe et de l'Asie. Il y a là
un déploiement de richesse et de force qui
s'impose à première vue, et en même temps
une intensité de sentiment qui permet de
juger ce que seraient les haines de ce
peuple en les mesurant à ce que sont ses
amours.
Les journaux anglais
Le Times :
L'union entre les deux peuples est aussi
complète que si le mot alliance avait été
prononcé dans le toast impérial.
Cette coupure du Times suffit. Tous
les autres journaux tiennent le même
langage.
Les journaux belges
En Belgique, on entonne un hymne
de paix, car on voit dans l'alliance
franco-russe le gage de la tranquillité
de l'Europe.
Le Patriote dit :
Plus de doutes, l'alliance franco-russe
était dans les préoccupattons de tous. Au-
jourd hui, le fait est accompli à la face du
monde.
Le tsar a mis la main dans la main de la
France.
VEtoile belge :
Le toast porté à l'Elysée est plus vibrant
encore d'émotion que celui de Cherbourg.
Il met le sceau impérial à la solidarité
franco-russe. Le tsar n'aurait pu être plus
explicite sans aller à l'encontre du rôle de
paciiicateur universel qu'il brigue et qu'il
remplit de fait.
La Chronique:
Pour nous, Beiges, nous devons applaudir
à la visite du tsar en France. Nous sommes
directemen intéressés à la paix de l'Europe
et l'entente franco-russe transforme silen-
cieusement un état de choses troublant, qui
a failli plusieurs fois produire un cataclysme;
mais aujourd'hui nous avons le droit d'es-
pérer que ce trouble va devenir une sécurite
de longue durée.
LES RADICAUX ET LE TSAR
Vous souvient-il encore de cet épou-
vantail que les journaux modérés et
opportunistes n'ont cessé d'agiter, sous
le ministère Floquet d'abord, sous le
ministère Bourgeois ensuite, à propos
des relations de la France et de la
Russie?
Jamais, disaient-ils, le tsar ne con-
sentirait à traiter avec un gouverne-
ment de radicaux et de socialistes. Les
iûées de MM. Bourgeois et Doumer
l'effrayaient. D'ailleurs, la Russie pou-
vait-elle compter sur un cabinét qui
rêvait un bouleversement social?
Je me souviens encore comme si elles
étaient d'hier des attaques passionnées
et acrimonieuses que, sur ce terrain,
ils ont livrées au ministère Bourgeois.
J'imagine, pourtant, que, sous le pro-
chain ministère radical — car le parti
radical et socialiste ne s'est jamais
mieux porté, tandis que le parti oppor-
tuniste n'est pas dans une situation
brillante — nos adversaires n'oseront
plus tenir ce langage antipatriotique.
Le tsar, en effet, a été on ne peut plus
aimable avec MM. Bourgeois, Doumer
et Lockroy. Il a voulu qu'ils lui fussent
présentés; il a longuement causé avec
eux et notamment avec le premier. On
a remarqué au contraire qu'il n'a rien
dit ni à M. Dupuy, ni à quelques autres
notabilités opportunistes et modérées.
Les radicaux et les socialistes n'ef-
frayent donc pas le tsar qui sait, à
merveille, que la France est un pays
républicain et avide de réformes dé-
mocratiques. Si donc M. Bourgeois
avait été encore premier ministre c.: i
moment où il a été question d'une vi-
site de Nicolas II à la nation française,
l'empereur de Russie n'en aurait pas
moins décidé de venir à Paris, quoi-
que prétende, s'il .faut en croire cer-
tains bruits, M. Hanotaux, qui se
figure avoir créé tout seul l'alliance
franco-russe.
La constatation est, sans doute, gê-
nante pour le parti opportuniste, mais
il était utile de la faire.
CHARLES BOS.
LA REVUE
A la gare de l'Est
Dire le nombre des voyageurs qui pren-
nent des trains à destination de Chàlons est
impossible ; toute la journée d'hier ç'a n'a
été qu'un défilé continuel, ainsi que dans la
soirée et la nuit.
Un train bondé de voyageurs (public) par-
tait à minuit dix, puis vingt minutes après
un train d'officerd, à une heure moins dix
un autre train de public précédant de vingt-
cinq minutes le train de la presse.
Le ministre de la guerre a pris un train
spécial à deux heures dix.
Le conseil municipal est parti à cinq heu-
res, précédé de vingt minutes par un train
de voyageurs (public). - - -
Enfin, à six heures et demie, le corps di-
plomatique est parti, précédant quatre trains
parlementaires qui quittent Paris de sept
heures dix à sept heures vingt-cinq.
L'escorte du tsar
Ce n'est pas l'escadron de chasseurs et de
spahis qui servira d'escorte au cortège im-
périal aujourd'hui, pendant la revue de Châ-
lans, mais le 12° régiment de dragons de
la garnison extrême frontière de Pont-à-
Mousson.
Le colonel de Villaine, qui commande le
126, a été pendant longtemps attaché mili-
taire français à la légation de Copenhague
et connait personnellement le tsar.
4>
LA RETRAITE DE LORD ROSEBERY
Lord Rosebery.chef du parti libéral anglais,
viont de donner sa démission. Il se retire de
la politique. La nouvelle n'était pas impré-
vue. Elle a surpris pourtant l'opinion britan-
nique. Aussi, tous les journaux de Londres
consacrent-ils de longs articles à la retraite
de l'ancien premier ministre.
Lord Rosebery, on le sait, avait été dési-
gné par M. Gladstone lui-même, comme lea-
der du parti libéral. Il lui avait succédé à la
direction du dernier ministère whig. Il ne
s'y distingua pas au contraire. Il ne sut dé-
fendre aucune réforme ; à l'extérieur, sa po-
litique fut brutalement provocante. Et quand
le cabinet dut céder la place aux amis de
lord Salisbury, lord Rosebery n'avait plus
la confiance des hommes les plus considéra-
bles de son parti.
Depuis, if n'a fait que perdre ce qui lui
re-tau de crédit. Il négligait, d'ailleurs, les
intérêts des libéraux pour ne s'occuper aue
de son écurie de courses. Quand il donnait
son avis sur une question, il était toujours
en désaccord avec les autres chefs, môme
avec M. Gladstone pour les affaires d Orient
M. Gladstone, qui a toujours conservé sur
le parti une énorme influence ne pouvait,
lui, défenseur des Arméniens, permettre à
lord Rosebery d'approuver la conduite du
sultan. Dans ces conditions, lord Rosebery
devait démissionnt-r.
Tout porte à croire que M. Gladstone l'a-
vait imposé pour l'user, comme leader du
parti. L'ambition de lord Rosebery le gênait
et l'inquiétait en effet.
C'est sans doute sir William Harcourt qui
va recueillir l'héritage de lord Rosebery.
Aucun choix ne saurait être meilleur, puis-
que M. Gladstone refuse de reparaître sur
la scène politique. — CH. B.
-e
NICOLAS II A PARIS
ET A VERSAILLES
TROISIÈME JOURNÉE DE FÊTE
Du Louvre à Versailles
En route pour Châlons
Aujourd'hui, le tsar sera à Châlons : voici
donc terminée la partie parisienne des ré-
jouissances franco-russes. C'est le moment
de remercier tous ceux qui ont eu une part
dans le succès incomparable des fêtes, c'est-
à-dire un peu tout le monde, à commencer
par le ciel. La coupole céleste a vraiment
été très convenable pendant ces trois jours :
le service d'ordre a été très bien organisé
là-haut, et les quelques nuages que nous
avous entrevus, et dont l'automne légiti-
mait la venue, ont passé assez rapidement
et ont eu la pudeur de se retenir de pleuvoir
sur leur passage.
Le soleil s'est montré aimable, sans deve-
nir encombrant : hier matin, il se mit sous
les armes pour le départ des souverains pour
Versailles.
Et prit tous les rayons dont l'Olympe se dore.
Grâce à lui, la foule a pu venir, sans in-
quiétude et sans parapluie, saluer encore
uue fois le tsar et l'accompagner jusqu'au
Louvre, où il a été admirer les chefs -d'am-
vre réunis dans notre grand mu ée national.
Beaucoup de Parisiens ont poussé jusqu'à
la demeure du regretté Louis XIV, et ont
voulu assister à la visite d'un grand empe-
reur à la ville du grand roi. Le spectacle a
été aussi imposant, disons-le tout de suite,
qu'ils pouvaient se le figurer. D'après les
détails très complets que nou& donnons, nos
lecteurs pourront imaginer sans peine le
tableau sympathique de la réception du tsar
à Versailles. ,
A PARIS ,.'
..,L
AU MUSÉE DU LOUVRE
C'est au Louvre que l'empereur et l'impé-
ratrice de Russie ont passé les dernières
heures de leur séjour à Paris.
Dès le matin, les lourdes grilles de fer des
guichets du pont des Arts, de la rue de Ri-
voli et de la colonnade avaient été fermées ;
l'accès de la cour intérieure ouverte sur la
place du Carrousel, derrière le monument
de Gambetta, et par laquelle les souverains
devaient entrer, avait ?eul été permis au
public. Mais les gardons de la paix, les
: l'onpes de ligne et les douaniers venus de
iouen et du Havre qui formaient la haie,
il avaient aucune peine à contenir les cu-
rieux.
Les invités, du reste peu nombreux, en-
traient par la rue de Rivoli, traversaient la
cour Carrée, revêtue pour la circonstance
d'un épais tapis de sable fin, et venaient se
ranger dans la galerie des antiques qui pré-
cède l'escalier Daru. 1
Parmi les personnes présentes, on remar-
quait Mme liosa Bonheur, vêtue d'une robe
et d'un long mantelet de velours noir; l'il-
lustre octogénaire portait avec une aisance
toute juvénile le poids de son âge.
Le conseil supérieur des musées, dont
MM. Bardou et Bourgeois font partie, était
également représenté par le comte Henri
Delaborde et par MM. Bonnat, Barrias,
Collignon, Louis Gonse et Tréteau.
Le conseil supérieur des beaux-arts était
représenté par MM. Antonin Proust, Adrien
Hébrard, sénateur, de Fourcaud, etc. Enfin,
du côté des artistes, MM. Puvis de Cha-
vannes, Detaille, Jules Lefèvre, Cazin, Caro-
lus-Duran, Boucher, Besnard, Carrière, etc.
Annoncée pour neuf heures et demie, l'ar-
rivée des souverains n'a eu lieu que quel-
ques minutes seulement avant onze heures.
La fatigue ressentie par les souverains la
veille et l'avant-veille avait motivé ce re
tard. Dès le matin, ils en avaient informé
M. Félix Faure, qui devait les accompagner
au musée.
Le président de la République n'est donc
allé qu'à dix heures quarante les chercher à
l'ambassade. Il était accompagné de l'amiral
Gervais et des généraux de Boisdeflre et
Tournier.
L empereur, toujours en uniforme de co-
lonel du régirent Préobrajensky, et l'impé-
ratrice, en tuilette de ville gris perle, l'ont
reçu dans le grand salon de Tambassade et,
après quelques instants d'entretien, sont
montés avec lui en voiture découverte, pré-
cédés d'un escadron de cuirassiers. D'un
bout à l'autre du parcours, ils ont été sa-
lués par des cris ae : Vive la Russie! vive
le tsar ! vive l'impératrice 1
Les souverains ont été reçus, en descen-
dant de voiture sur le seuil du pavillon De-
non, par M. Rambaud, qui leur a présenté
MM. Roujon Kaempfen, Lafenestre, conser-
vateur de la peinture, et de Villefosse, con-
servateur de la sculpture antique, etc.
Les présentations terminées, le cortège
s'est mis en route. L'impératrice était au bras
de M. Félix Faure et l'empereur marchait à
sa droite.
Dès leur entrée dans la salle des antiques,
les souverains ont été saisis par l'admirable
spectacle qui leur avait été ménagé. En face
d'eux, au sommet de l'escalier Daru, la Vic-
toire de Samothrace, dressée sur son avant
de navire, ouvrait ses larges ailes et dans
un mouvement d'une incomparable gran-
deur se soulevait pour prondre son vol.
Précédés de deux attachés au protocole en
grand uniforme, les souverains ont passé
dans la galerie d'Apollon, dont les superbes
grilles s'ouvraientdevant eux et, guicfés par
M. Roujon, ils se sont arrêtés devant les
principaux chefs-d'œuvre : le ciboire en
émail de Limoges du treizième siècle, les
diamants de la Couronne, diverses gemmes
et le grand bureau Louis XV que le tsar a
admiré particulièrement.
L'impératrice, elle, a paru surtout impres-
sionnée par la salle elle-même. La voûta
1 émerveillait, avec ses grands caissons d'or
éteint, avec son magnifique plafond de De-
lacroix. Les souverains sont ensuite entrés
dans le salon carré où ils ont fait une halte
devant la Joconde, devant les Pélerins d'E"
maûs do Rembrandt, devant les Noces de
Cana et devant la Belle Jardinière. Puis ils
se sont dirigés en passant par la grande
galerie italienne, vers la salle des Etats, ot
ils ont admiré les toiles d'Ingres, de Dela-
croix et de Millet.
Au moment où le cortège s'engageait à
nouveau dans l'escalier Daru pour descendre
aux marbres antiques, les souveraine
ont manifesté le désir de visiter la galerie
des sept mètres, où les primitifs italiens
sont réunis. Les Botticelli, les Bellini et lea
Fra Angelico ont bénéficié de cette addi-
tion Au programme. L'impératrice a été sur-
tout charmée de l'exquise délicatesse do
sentiment que le maître de Fiesole a sa
mettre dans ses figures de saints et de
saintes et de la fraicheur de tons qu'a gar-
dée son Couronnement de la Vierge. En
voyant la grande Vierge de Cimabue, Nico*
las Il a fait remarquer de son côté quel ait
de famille cette œuvre avait avec les pein-
tures religieuses de la Russie et M. Kaemp-
fen lui a donné quelques explications sur
leurs origines byzantines.
Les souverains sont alors descendus au
rez-de-chaussée, où ils ont parcouru sans
arrêt la longue galerie au bout de laquelle
ils voyaient se dresser la sereine Vénus de
Milo.
Puis ils sont revenus rapidement par la
salle Melpomène et se sont dirigés, en pas-
sant devant la colossale figure du Tibre.
vers la salle des Cariatides, où les présenta-
tions d'artistes ont eu lieu. Mme Rosa Bonheur,
à laquelle l'empereur a adressé quelques
paroles chaleureuses, l'a remercié en lui
rappelant les belles heures qu'elle avait au-
trefois passées en Russie. M. Puvis de Cha-
vannes et M. Detatlle, ce dernier surLou4
que l'empereur connaît depuis longtemps,
ont reçu une cordiale poignée de main do
souverain.
Prenant alors congé du ministre et da
directeur des beaux-arts, le souverain s'est
écrié très vivement : « C'est la première foië*
que nous venons ici; ce ne sera certaine-
ment pas la dernière. »
Sortis par la porte Henri II, les souverains
sont remontés en voiture aussitôt. Traver-
sant la cour Carrée, ils ont passé sous la
colonnade et tourné à droite devant Saint-
Germain-l'Auxerrois pour regagner l'ambas-
sade, où ils sont arrivés à midi vingt, aa
milieu d'une foule considérable, poussant
bans interruption les cris de : Vive le tsar!
vive la Russie 1
M. Félix Faure est reparti presque immé-
diatement, salué à son tour par les cris dc :
Vive la République ! vive Félix Faure 1
LE DEJEUNER A L'AMBASSADE
Un grand déjeuner de soixante couverts
a eu lieu à midi au palais impérial.
11 est offert par les souverains à tout le
haut personnel de l'ambassade, à tous les
officiers de leur suite, et à tous les officiers
français attachés à leurs personnes pen-
dant leur séjour en France. Les deux ofli
ciers de la garde républicaine, qui comman-
dent le puste de service à la residence im-
périale, y étaient également invités.
La table, présidée par les souverains
qui étaient assis à côté l'un de l'autre,
était dressée dans la salle à manger au pre-
mier étage. Elle comprenait quarante cou-
verts.
Une autre table de vingt couverts avait
été dressée dans un salon attenant à la salie
à manger.
LE DÉPART
A une heure vingt-cinq, le président de la
République, ayant à ses côtés le général
Tournier et en face de lui M. Le Gall, arri-
vait dans une calèche, attelée en poste de
quatre superbes percherons gris-pommelés,
montés par des postillons.
Une tninuie après son entrée dans la cour
du palais impérial, l'empereur et l'impéra-
trice prennent place dans la calèche prési-
dentielle. Le président de la République se
place en face des souverains, deux cosaques
montent derrière le landau et le départ pour
Versailles a lieu aussitôt,
Une magnifiqùe gerbe, faite de roses et de
fleurs rares, esi aéposée sur les coussins de
la banquette de devant, à la gauche da
président de la République. Ces tlcurs sont
offertes à la tsarine par la municipalité de
Paris.
La première daumont est suivie d'un lan-
dau où sont montés le général de Boisdeffre,
le prince Orloff, le commandant de Laga-
renne, et un officier russe, aide de camp da
drince Orlotf.
La deuxième daumont contient MM. Le
Gall, le général Tournier, le commandant
Bourgeois et un officier russe ; la troisième,
l'amiral Gervais, la princesse Galitzine et les
dames d honneur de la tsarine.
M. et Mme de MohrenLeim avec le reste
de la suite suivent dans les autres voitures.
Les deux compagnies du 700 régiment de
ligne, qui forment la haie dans la cour
d honneur, présentent les armes, tandis que
la musique exécute l'Hymne russe. Toutes les
têtes se découvrent et les assistants placés
aux fenêtres des maisons qui font face iL
l'hôtel de l'ambassade font entendre de cha-
leureuses acclamations.
Le piqueur Mon t jarret, en costume de
postillon, veste bleue garnie de galons d'or,
la culotte de peau jaune, et le bicorne sur la
tête, précède la calèche des souverains.
Les cuirassés et l'étendard du régiment les
escortent.
A leur sortie du palais impérial, la foule
qui est massée dans les rues avoisinantes.
leur fait de chaleureuses ovations.
L'empereur et l'impératrice y répondent
par des inclinations de téte.
Et de nouveau, sur leurs parcours, les cria
éclatent, chauds et nourris. ,
DE PARIS A VERSAILLES
DE L'AMBASSADE AU BOIS
La circulation des voitures, omnibus et
tramways est restée interrompue toute la
matinée aux abords de l'ambassade, rue
Saint-Simon, boulevard Saint-Germain, sur
le pont de la Concorde et le quai d'Orsay.
La foule, sans cesse renouvelée, est tou-
jours compacte et quand le cortège apparut
l'enthousiasme est indescriptible ; c'est une
frénésie; les hourrahs se suivent ininterrom-
pus, ou, pour mieux dire, c'est une acclama-
tion soutenue, qui s'étend en un instant
comme une trainée de poudre jusqu'au ponl
de la Concorde.
Le cortège a déjà disparu que, sur le bou-
levard Saint-Germain, l'ovation dure en-
core.
Détail piquant : Des feutres et des bal
PARIS ET DEPARTEMENTS
lM'dO .01
TL.& Numéro, aJ:NQCENTJ:1\IrRt=8
E
ANNONCES
AUX BUREAUX DU JOURNAL
131, rue Montmartre, 131
Et chez MM. LAGRANGE, CERF & Cle
6, place de la Bouise, 6.
'adresse télégraphique : XIX' SIÈCLE - PARIS
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RÉDACTION : 131, rue Montmartre, 131
De 4 è 8 heures du soir et de 10 heures du soir à 1 hmro du mage
N° 9710. — Samedi 10 Octobre 1886
19 VENDÉMIAIRE AN 105
ADMINISTRATION i 131, rue Montmartre, 18)
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
LA REVUE D'AUJOURD'HUI
A-CHALONS
Arrivée du train présidentiel à Bouy,
foh. fo.
A 10 h. 30 : arrivée du train impé-
rial. Tenue : grand uniforme.
Le tsar, la tsarine et le président s'ar-
fêteront au quartier National où sera
yervi un petit déjeuner.
A midi: revue.
## h. 30 : déjeuner militaire offert à
]J.t}mpereur et à l'impératrice par le pré-
sident de la République.
.! A 5 h. : départ du train impérial qui
Arrivera à 11 h. du soir à Pagny-sur-
Moselle.
A 5 h. 15 : départ du train présiden-
tiel qui arrivera à Paris à 8 h. 10 du
loir.
NOS LEADERS
PAX
de serait se condamner volontaire-
ment à de fatigantes redites que de se
borner, une fois de plus, à constater
le caractère absolument grandiose de
la réception faite par Paris et par la
France aux souverains de Russie.
Aujourd'hui que le tsar et la tsarine
ont quitté la grande ville toute frémis-
sante encore de la prodigieuse émotion
qui vient de la soulever, aujourd'hui
jour de la revue de Chàlons, il sied
sans doute d'essayer de préciser l'im-
portance vraie, la réelle portée du
grand acte qui s'accomplit en ce mo-
ment.
.*.
« Pax » ; les décorations officielles
pnt multiplié ce mot; et dans son toast
de mardi, le président de la Républi-
que, affirmant — ce qui est d'ailleurs
çonforme à la stricte vérité — que
i l'union d'un puissant empire et
t tune République latorieuse a pu déjà
exercer une action bienfaisante sur la
paix du monde », s'est contenté d'ex-
primer l'espoir que cette union conti-
nue « à répandre partout son heureuse
influence ». — Pourtant on a remarqué
que le tsar, dans sa réponse, désor-
mais historique, à ce toast, n'a pas
prononcé, lui, ce mot de «paix » dont,
par exemple, l'empereur d'Allemagne
se montre, lui, on le sait, en toute
occasion, si prodigue. —Mais ne nous
attardons point en discussions inutiles;
est-ce que, comme toute grande nation,
la France n'a pas besoin de la paix
pour se développer, pour grandir sans
cesse, pour donner libre essor à son
activité et à son intelligence ? Qui de
vous, je le demande, n'est partisan de
la paix?
Seulement l'heure paraît venue de
dissiper toutes les équivoques, de faire
cesser tous les malentendus, de s'en-
lendre sur la signification précise de
ce mot : Paix.
La paix, oui, sans doute 1 — Mais
quelle paix ?
.:\
Depuis un quart de siècle nous subis-
sons, sous le nom de paix armée, un
régime plus onéreux, à la longue, que
la guerre. Depuis un quart de siècle,
tout en affirmant nos volontés pacifi-
ques,nous nous préparons sans relâche
à la guerre. Depuis un quart de siècle
nous consacrons aux dépenses mili-
taires un milliard et plus par an ; et
c'est miracle que la prospérité de la
France ait pu résister à de si continuels
et si lourds sacrifices. Deux ou trois
fois déjà, forcés que nous sommes de
nous tenir au courant des incessants
progrès de la science, nous avons dû,
a frais énormes, renouveler de fond
$n comble notre armement. Et la cer-
titude est, tant que subsistera l'état de
choses actuel, qu'ira se creusant tou-
jours davantage le gouffre où nous
jetons, depuis tant d'années, tant d'or
et tant de force.
Dire que nous ne sommes pas les
maîtres d'agir ou de ne pas agir ainsi,
que notre sécurité impérieusement
-exige cette préparation constante de
la guerre toujours possible, ce ne se-
rait exprimer qu'une partie de la vé-
rité. Au-dessus même du souci de
jaotre sécurité, il y a en nous le senti-
ment de l'honneur national ; il y a la
souffrance jamais guérie de l'arrache-
fchement subi en 71 ; il y a l'espoir vi-
vace en nos cœurs de la réparation
itue — pourquoi ne pas écrire le mot ?
fie la revanche.
Disons-le en toute franchise et en
10ute netteté : si l'amitié de la Russie,
si l'alliance franco-russe ne devait
avoir d'autre résultat que de mainte-
nir, que de consolider cette abomi-
nable paix armée qui obère si terri-
blement le Trésor public, paralyse
:dans une certaine mesure l'activité
"Commerciale et industrielle de la na-
tion, nous fait vivre dans une sorte de
Jièvre faite d'attente énervée et n'est,
Su bout du compte, que la consécra-
tion, par le temps écoulé, des iniquités
commises en 70, si cette alliance, qui
nous inspire au moment présent tant
de joie, tant d'orgueil et tant d'espé-
rance, devait être à ce point stérile,
ce serait pour tous les cçeurs patriotes
une immense déception.
Car nous rêvons, nous voulons une
autre paix que celle qui existe ; nous
voulons la paix que seule peut, sans
déchoir, signer la France redevenue
puissante et fière, la seule aussi qui
n'aura point seulement le caractère
d'une trêve, d'un arrêt essoufflé dans
la lutte, mais par laquelle s'ouvrira
aux regards des peuples une longue
période de calme et fécond travail ;
nous voulons la paix qui ne pourra
être conclue qu'après le règlement de
tous les vieux comptes et la reconsti-
tution intégrale de la France ; nous
voulons la paix qui fera disparaître
tous les ferments de haine, toutes les
rancunes, tousles désirs de vengeance;
— et c'est cette paix-là, cette paix
désarmée, que nous attendons de l'al-
liance russe.
;}f*
Nul ne s'y trompe d'ailleurs. Voyez
la presse étrangère : nulle part on
n'essaye, çle réduire l'événement d'au-
jourd'hui aux modestes proportions
d'une visite de courtoisie d'un chef
d'Etat à un autre chef d'Etat. Per-
sonne, en réalité, ne tente de donner
ou de se donner le change. Tout le
monde a compris. De grandes choses
se préparent. Le peuple de France
tout entier s'est soulevé, comme une
vague énorme; et hier, à Saint-Pé-
tersbourg, au théâtre Panaïew, la
Marseillaise réclamée par la foule a
été saluée trois fois de suite, par de
frénétiques acclamations. Nous som-
mes en pleine veillée des armes. Le
sang coule à flots impétueux dans nos
artères et nos fronts se redressent,
tout illuminés d'orgueil. Le tsar, en
passant devant la statue de Strasbourg
aux drapeaux voilés de crêpe, a salué.
S'il a bien entendu, il sait que tous
les cris passionnés qui, pendant ces
trois jours, lui ont fait cortège, peu-
vent, doivent se résumer en cette
courte phrase, qui dit tout : « - Sire,
la France est prête ! »
LUCIEN VICTOR-MEUNIER
Nous publierons demain un article
de M. Camille Pelletan
LA PRESSE ETRANGERE
Les journaux étrangers ne s'occu-
pent, ainsi que l'écrivait hier notre ami
Charles Bos, que de la réception en-
thousiaste faite au tsar par le peuple
français. Et cela se comprend. La pré-
sence du tsar à Paris est à la fois un
évènement et un moment politiques
d'une importance extraordinaire.
Il nous parait utile de donner quel-
ques extraits de ces articles.
Les journaux russes
En Russie, bien entendu, tous les
journaux sont unanimes à célébrer avec
enthousiasme les événements dont Pa-
ris vient d'être le théâtre.
La Petersbourgskaia Gazeta :
L'alliance franco-russe n'est plus désor-
mais une chimère, une hypothèse, mais un
fait matériel, proclamé par le souverain
russe pour la joie immense de tous les sin-
cères amis de la paix, de l'ordre et de la
tranquillité générale.
Les Novosti :
Les solenni és de Paris sont une grande
fête, aussi bien pour le peuple russe que
pour les Français. L'équilibre est mainte-
nant complètement établi : la France et la
Russie peuvent tranquillement, au milieu
de la paix générale, s'occuper du dévelop-
pement de leurs forces intérieures.
Le Novoïé Vremia :
L'histoire contemporaine de l'Europe ne
contient aucun fait plus remarquable et plus
bienfaisant que celui de la Russie et de la
France se donnant la main pour leur com-
mune sauvegarde.
La Gazette de la Bourse :
L'affirmation par le tsar' de l'alliance
franco-russe est encore rehaussée par l'ac-
ceptation et la reconnaissance, que compor-
tent ses paroles, de tout ce qui a été, est, et
sera fait en France, y compris l'ordre de
choses gouvernemental actuel. >
Le Petersbourgskaia Listok déclare que
cette combinaisen politique a pour but de
sauvegarder efficacement la civilisation et
le progès.
Le Svet considère cette amitié franco-
russe d'égal à égal, de fort à fort, comme le
ferme et inébranlable rempart de la paix
européenne.
Les journaux allemands
Ceux-là, naturellement, sont furieux.
L'alliance franco-russe leur fait peur.
Ils n'osent pas la mettre en doute, mais
ils équivoquent à plaisir.
La Gazette de Cologne est le seul or-
gane qui constate franchement l'exis-
tence d'un traité entre la France et la
Russie.
La Gazette de Voss est en colère. In-
terprétant le fameux mot de Napo-
léon 1111 : « Dans cinquante ans, la
France sera républicaine ou cosaque »,
elle dit :
On compte sur le moment où l'Europe
sera moitié républicaine et moitié cosaque.
On arcorde au tsar blanc l'Europe tout en-
tière, et même l'univers entier, pourvu qu'il
accorde aux Français la rive gauche du
Rhin. La France est en ce moment aux
pieds du tsar. S'il plaît à l'empereur de Rus-
sie de consentir à une alliance offensive
avec la République française, il n'aurait qu'à
dicter simplement ses conditions. Elles se-
raient acceptées avant môme d'avoir été
formulées. Sur ce point, il n'y a pas d'illu-
sion possible. Au moment même où le tsar
porterait la main à la poignée de son épée,
la République française aurait déjà tiré son
épée du fourreau. Il y a pourtant en France
des hommes sensésqui ne se dissimulent pas
le danger qui résulte d'un pareil état d es-
prit de leurs compatrlotes et qui se rendent
compte des conséquences qu'entraînerait
l'écrasement des Etats de l'Europe centrale
par la Russie, laquelle, naturellement, dans
le partage du butin, se réserverait la part du
lion.
Le Tageblatt:
L'alliance franco-russe, dès 1891, était le
facteur auquel le chancelier de Caprivi fit
allusion dans un discours.
Le Lokalanzeiger :
La visite du tsar a inspiré à la France la
confiance dans l'avenir. Cette visite est par-
ticulièrement cordiale à cause de. la pré-
sence de l'impératrice.
Le Boersencourier :
La signification donnée par l'opinion pu-
blique française au séjour du tsar à Paris
pourrait changer en inquiétude l'indiffé-
rence avec laquelle l'Europe assiste aux
brillantes fêtes données par la population
parisienne.
Les journaux italiens
Les feuilles ministérielles prennent
les choses avec assez de philosophie.
L'officieuse Fanfulla dit : -
La visite de l'empereur ne menace nulle-
ment la paix de 1 Europe ; au contraire, les
rapports de tous les cabinets n'ont jamais
été meilleurs.
La Tribuna :
La situation de l'Italie dans le concert eu-
ropéen est tout au moins singulière depuis
plusieurs années. La tripiiee ayant été pour
nous de peu d'utilité, nous ne pleurerions
pas sa fin. Si depuis 1682 nous avions été
isolés, notre situa ion ne serait pas pire.
La Tribuna adresse ensuite des re-
proches amers à l'Autriche et à l'Alle-
magne pour leur attitude égoïste.
Combien, dit-elle, la trlplice ditfère de la
duplice, laquelle est solide, courageuse, affir-
mant sa solidarité ouvertement, défendant
franchement ses intérêts réciproques et en-
courageant jusqu'à l'amour-propre et à l'or-
gueil national.
L'Osservatore :
La visite du tsar consacre les rapports
déjà existants en leur donnant une forme
plus concrète.
Les amis de la paix doivent se féliciter
de voir l'alliance franco-russe cimentée, ser-
vant de contre-poids à la triplice.
L'officieux Don Chisciotte relève le
contraste entre les visites à Vienne,
Berlin et Balmoral, presque glaciales,
avec l'imposant spectacle de Paris
prouvant la grande vitalité et la force
de la France.
Quant aux journaux crispiniens, ils
nous insultent. Inutile de reproduire de
pareilles ordures.
Les journaux autrichiens
En Autriche, on ne doute pas de l'al-
liance franco-russe mais on insiste sur
son caractère pacifique.
La Neue Presse, constatant l'attitude
froide et réservée du tsar à Breslau et
à Vienne et celle toute différente qu'il a
à Paris, dit qu'il n'est plus possible de
douter que la France et la Russie soient
alliées et que les nations de la Triple-
Alliance doivent être plus unies que
jamais.
Le Wiener Tagblatt :
Il y a non-seulement une alliance, mais
des ;entiments de fraternité unissant les
peuples français et russe. La visite du tsar
à Paris est une revanche de Sedan.
La Volkszeitung :
Cet événement ne suscite aucune crainte,
toutes les nations désirant la paix. 1
La Deutsche Zeitung exprime la même
opinion et insiste sur les dispositions
pacifiques du tsar.
Les journaux suisses
Le Journal de Genève publie un arti-
cle excellent dont nous détachons les
passages suivants :
Depuis leur entrée à Paris, Nicolas II et
Alexandra Feodorovna ne sont plus des sou-
verains mortels, mais des demi-dieux que
l'on acclame, que l'on adore, que l'on attend
des heures entières pour avoir l'insigne fa-
veur de les entrevoir, que l'on poursuit à
toutes jambes pour les revoir encore. On
s'attendait à tou cela, mais toutes les pré-
vision, sont encore dépassées.
Ce n'est certainement pas l'unique curio-
sité de voir un tsar et une tsarine dans les
rues de Paris, qui a mis en mouvement de
telles multitudes et qui les fait se presser
ainsi sur le passage du cortège : c'est un
sentiment complexe, > mais naturel et légi-
time, fait de reconnaissance et de contente-
ment de soi.
On est heureux de pouvoir saluer le fils du
souverain qui le premier, dans son intérêt,
il est vrai, mais en rompant avec ses tradi-
tions de famille, a tendu la main à la France
vaincue, délaissée et toujours menacée dans
son isolement, qui l'a aidée à reconquérir sa
place, un instant perdue, au premier rang
de l'Europe. Il est vrai qu'il s'est acquis là
un utile et fidèle auxiliaire pour sa propre
politique et un accroissement de puissance
tel qu'il en est devenu presque l'arbitre du
monde.
Mais il y a autre chose dans cette joie pu-
blique : il y a la satisfaction de montrer à
cet allié généreux que l'amitié de la France
a son prix, — il le sait déjà, — et qu elle a
des façons d'aimer les gens et de leur té-
moigner sa reconnaissance qui ne sont pas
à la portée de tous.
Le spectacle qu'offre aujourd'hui Paris en
fête est de ceux que l'on n'oublie pas, fût-on
le maitre de l'Europe et de l'Asie. Il y a là
un déploiement de richesse et de force qui
s'impose à première vue, et en même temps
une intensité de sentiment qui permet de
juger ce que seraient les haines de ce
peuple en les mesurant à ce que sont ses
amours.
Les journaux anglais
Le Times :
L'union entre les deux peuples est aussi
complète que si le mot alliance avait été
prononcé dans le toast impérial.
Cette coupure du Times suffit. Tous
les autres journaux tiennent le même
langage.
Les journaux belges
En Belgique, on entonne un hymne
de paix, car on voit dans l'alliance
franco-russe le gage de la tranquillité
de l'Europe.
Le Patriote dit :
Plus de doutes, l'alliance franco-russe
était dans les préoccupattons de tous. Au-
jourd hui, le fait est accompli à la face du
monde.
Le tsar a mis la main dans la main de la
France.
VEtoile belge :
Le toast porté à l'Elysée est plus vibrant
encore d'émotion que celui de Cherbourg.
Il met le sceau impérial à la solidarité
franco-russe. Le tsar n'aurait pu être plus
explicite sans aller à l'encontre du rôle de
paciiicateur universel qu'il brigue et qu'il
remplit de fait.
La Chronique:
Pour nous, Beiges, nous devons applaudir
à la visite du tsar en France. Nous sommes
directemen intéressés à la paix de l'Europe
et l'entente franco-russe transforme silen-
cieusement un état de choses troublant, qui
a failli plusieurs fois produire un cataclysme;
mais aujourd'hui nous avons le droit d'es-
pérer que ce trouble va devenir une sécurite
de longue durée.
LES RADICAUX ET LE TSAR
Vous souvient-il encore de cet épou-
vantail que les journaux modérés et
opportunistes n'ont cessé d'agiter, sous
le ministère Floquet d'abord, sous le
ministère Bourgeois ensuite, à propos
des relations de la France et de la
Russie?
Jamais, disaient-ils, le tsar ne con-
sentirait à traiter avec un gouverne-
ment de radicaux et de socialistes. Les
iûées de MM. Bourgeois et Doumer
l'effrayaient. D'ailleurs, la Russie pou-
vait-elle compter sur un cabinét qui
rêvait un bouleversement social?
Je me souviens encore comme si elles
étaient d'hier des attaques passionnées
et acrimonieuses que, sur ce terrain,
ils ont livrées au ministère Bourgeois.
J'imagine, pourtant, que, sous le pro-
chain ministère radical — car le parti
radical et socialiste ne s'est jamais
mieux porté, tandis que le parti oppor-
tuniste n'est pas dans une situation
brillante — nos adversaires n'oseront
plus tenir ce langage antipatriotique.
Le tsar, en effet, a été on ne peut plus
aimable avec MM. Bourgeois, Doumer
et Lockroy. Il a voulu qu'ils lui fussent
présentés; il a longuement causé avec
eux et notamment avec le premier. On
a remarqué au contraire qu'il n'a rien
dit ni à M. Dupuy, ni à quelques autres
notabilités opportunistes et modérées.
Les radicaux et les socialistes n'ef-
frayent donc pas le tsar qui sait, à
merveille, que la France est un pays
républicain et avide de réformes dé-
mocratiques. Si donc M. Bourgeois
avait été encore premier ministre c.: i
moment où il a été question d'une vi-
site de Nicolas II à la nation française,
l'empereur de Russie n'en aurait pas
moins décidé de venir à Paris, quoi-
que prétende, s'il .faut en croire cer-
tains bruits, M. Hanotaux, qui se
figure avoir créé tout seul l'alliance
franco-russe.
La constatation est, sans doute, gê-
nante pour le parti opportuniste, mais
il était utile de la faire.
CHARLES BOS.
LA REVUE
A la gare de l'Est
Dire le nombre des voyageurs qui pren-
nent des trains à destination de Chàlons est
impossible ; toute la journée d'hier ç'a n'a
été qu'un défilé continuel, ainsi que dans la
soirée et la nuit.
Un train bondé de voyageurs (public) par-
tait à minuit dix, puis vingt minutes après
un train d'officerd, à une heure moins dix
un autre train de public précédant de vingt-
cinq minutes le train de la presse.
Le ministre de la guerre a pris un train
spécial à deux heures dix.
Le conseil municipal est parti à cinq heu-
res, précédé de vingt minutes par un train
de voyageurs (public). - - -
Enfin, à six heures et demie, le corps di-
plomatique est parti, précédant quatre trains
parlementaires qui quittent Paris de sept
heures dix à sept heures vingt-cinq.
L'escorte du tsar
Ce n'est pas l'escadron de chasseurs et de
spahis qui servira d'escorte au cortège im-
périal aujourd'hui, pendant la revue de Châ-
lans, mais le 12° régiment de dragons de
la garnison extrême frontière de Pont-à-
Mousson.
Le colonel de Villaine, qui commande le
126, a été pendant longtemps attaché mili-
taire français à la légation de Copenhague
et connait personnellement le tsar.
4>
LA RETRAITE DE LORD ROSEBERY
Lord Rosebery.chef du parti libéral anglais,
viont de donner sa démission. Il se retire de
la politique. La nouvelle n'était pas impré-
vue. Elle a surpris pourtant l'opinion britan-
nique. Aussi, tous les journaux de Londres
consacrent-ils de longs articles à la retraite
de l'ancien premier ministre.
Lord Rosebery, on le sait, avait été dési-
gné par M. Gladstone lui-même, comme lea-
der du parti libéral. Il lui avait succédé à la
direction du dernier ministère whig. Il ne
s'y distingua pas au contraire. Il ne sut dé-
fendre aucune réforme ; à l'extérieur, sa po-
litique fut brutalement provocante. Et quand
le cabinet dut céder la place aux amis de
lord Salisbury, lord Rosebery n'avait plus
la confiance des hommes les plus considéra-
bles de son parti.
Depuis, if n'a fait que perdre ce qui lui
re-tau de crédit. Il négligait, d'ailleurs, les
intérêts des libéraux pour ne s'occuper aue
de son écurie de courses. Quand il donnait
son avis sur une question, il était toujours
en désaccord avec les autres chefs, môme
avec M. Gladstone pour les affaires d Orient
M. Gladstone, qui a toujours conservé sur
le parti une énorme influence ne pouvait,
lui, défenseur des Arméniens, permettre à
lord Rosebery d'approuver la conduite du
sultan. Dans ces conditions, lord Rosebery
devait démissionnt-r.
Tout porte à croire que M. Gladstone l'a-
vait imposé pour l'user, comme leader du
parti. L'ambition de lord Rosebery le gênait
et l'inquiétait en effet.
C'est sans doute sir William Harcourt qui
va recueillir l'héritage de lord Rosebery.
Aucun choix ne saurait être meilleur, puis-
que M. Gladstone refuse de reparaître sur
la scène politique. — CH. B.
-e
NICOLAS II A PARIS
ET A VERSAILLES
TROISIÈME JOURNÉE DE FÊTE
Du Louvre à Versailles
En route pour Châlons
Aujourd'hui, le tsar sera à Châlons : voici
donc terminée la partie parisienne des ré-
jouissances franco-russes. C'est le moment
de remercier tous ceux qui ont eu une part
dans le succès incomparable des fêtes, c'est-
à-dire un peu tout le monde, à commencer
par le ciel. La coupole céleste a vraiment
été très convenable pendant ces trois jours :
le service d'ordre a été très bien organisé
là-haut, et les quelques nuages que nous
avous entrevus, et dont l'automne légiti-
mait la venue, ont passé assez rapidement
et ont eu la pudeur de se retenir de pleuvoir
sur leur passage.
Le soleil s'est montré aimable, sans deve-
nir encombrant : hier matin, il se mit sous
les armes pour le départ des souverains pour
Versailles.
Et prit tous les rayons dont l'Olympe se dore.
Grâce à lui, la foule a pu venir, sans in-
quiétude et sans parapluie, saluer encore
uue fois le tsar et l'accompagner jusqu'au
Louvre, où il a été admirer les chefs -d'am-
vre réunis dans notre grand mu ée national.
Beaucoup de Parisiens ont poussé jusqu'à
la demeure du regretté Louis XIV, et ont
voulu assister à la visite d'un grand empe-
reur à la ville du grand roi. Le spectacle a
été aussi imposant, disons-le tout de suite,
qu'ils pouvaient se le figurer. D'après les
détails très complets que nou& donnons, nos
lecteurs pourront imaginer sans peine le
tableau sympathique de la réception du tsar
à Versailles. ,
A PARIS ,.'
..,L
AU MUSÉE DU LOUVRE
C'est au Louvre que l'empereur et l'impé-
ratrice de Russie ont passé les dernières
heures de leur séjour à Paris.
Dès le matin, les lourdes grilles de fer des
guichets du pont des Arts, de la rue de Ri-
voli et de la colonnade avaient été fermées ;
l'accès de la cour intérieure ouverte sur la
place du Carrousel, derrière le monument
de Gambetta, et par laquelle les souverains
devaient entrer, avait ?eul été permis au
public. Mais les gardons de la paix, les
: l'onpes de ligne et les douaniers venus de
iouen et du Havre qui formaient la haie,
il avaient aucune peine à contenir les cu-
rieux.
Les invités, du reste peu nombreux, en-
traient par la rue de Rivoli, traversaient la
cour Carrée, revêtue pour la circonstance
d'un épais tapis de sable fin, et venaient se
ranger dans la galerie des antiques qui pré-
cède l'escalier Daru. 1
Parmi les personnes présentes, on remar-
quait Mme liosa Bonheur, vêtue d'une robe
et d'un long mantelet de velours noir; l'il-
lustre octogénaire portait avec une aisance
toute juvénile le poids de son âge.
Le conseil supérieur des musées, dont
MM. Bardou et Bourgeois font partie, était
également représenté par le comte Henri
Delaborde et par MM. Bonnat, Barrias,
Collignon, Louis Gonse et Tréteau.
Le conseil supérieur des beaux-arts était
représenté par MM. Antonin Proust, Adrien
Hébrard, sénateur, de Fourcaud, etc. Enfin,
du côté des artistes, MM. Puvis de Cha-
vannes, Detaille, Jules Lefèvre, Cazin, Caro-
lus-Duran, Boucher, Besnard, Carrière, etc.
Annoncée pour neuf heures et demie, l'ar-
rivée des souverains n'a eu lieu que quel-
ques minutes seulement avant onze heures.
La fatigue ressentie par les souverains la
veille et l'avant-veille avait motivé ce re
tard. Dès le matin, ils en avaient informé
M. Félix Faure, qui devait les accompagner
au musée.
Le président de la République n'est donc
allé qu'à dix heures quarante les chercher à
l'ambassade. Il était accompagné de l'amiral
Gervais et des généraux de Boisdeflre et
Tournier.
L empereur, toujours en uniforme de co-
lonel du régirent Préobrajensky, et l'impé-
ratrice, en tuilette de ville gris perle, l'ont
reçu dans le grand salon de Tambassade et,
après quelques instants d'entretien, sont
montés avec lui en voiture découverte, pré-
cédés d'un escadron de cuirassiers. D'un
bout à l'autre du parcours, ils ont été sa-
lués par des cris ae : Vive la Russie! vive
le tsar ! vive l'impératrice 1
Les souverains ont été reçus, en descen-
dant de voiture sur le seuil du pavillon De-
non, par M. Rambaud, qui leur a présenté
MM. Roujon Kaempfen, Lafenestre, conser-
vateur de la peinture, et de Villefosse, con-
servateur de la sculpture antique, etc.
Les présentations terminées, le cortège
s'est mis en route. L'impératrice était au bras
de M. Félix Faure et l'empereur marchait à
sa droite.
Dès leur entrée dans la salle des antiques,
les souverains ont été saisis par l'admirable
spectacle qui leur avait été ménagé. En face
d'eux, au sommet de l'escalier Daru, la Vic-
toire de Samothrace, dressée sur son avant
de navire, ouvrait ses larges ailes et dans
un mouvement d'une incomparable gran-
deur se soulevait pour prondre son vol.
Précédés de deux attachés au protocole en
grand uniforme, les souverains ont passé
dans la galerie d'Apollon, dont les superbes
grilles s'ouvraientdevant eux et, guicfés par
M. Roujon, ils se sont arrêtés devant les
principaux chefs-d'œuvre : le ciboire en
émail de Limoges du treizième siècle, les
diamants de la Couronne, diverses gemmes
et le grand bureau Louis XV que le tsar a
admiré particulièrement.
L'impératrice, elle, a paru surtout impres-
sionnée par la salle elle-même. La voûta
1 émerveillait, avec ses grands caissons d'or
éteint, avec son magnifique plafond de De-
lacroix. Les souverains sont ensuite entrés
dans le salon carré où ils ont fait une halte
devant la Joconde, devant les Pélerins d'E"
maûs do Rembrandt, devant les Noces de
Cana et devant la Belle Jardinière. Puis ils
se sont dirigés en passant par la grande
galerie italienne, vers la salle des Etats, ot
ils ont admiré les toiles d'Ingres, de Dela-
croix et de Millet.
Au moment où le cortège s'engageait à
nouveau dans l'escalier Daru pour descendre
aux marbres antiques, les souveraine
ont manifesté le désir de visiter la galerie
des sept mètres, où les primitifs italiens
sont réunis. Les Botticelli, les Bellini et lea
Fra Angelico ont bénéficié de cette addi-
tion Au programme. L'impératrice a été sur-
tout charmée de l'exquise délicatesse do
sentiment que le maître de Fiesole a sa
mettre dans ses figures de saints et de
saintes et de la fraicheur de tons qu'a gar-
dée son Couronnement de la Vierge. En
voyant la grande Vierge de Cimabue, Nico*
las Il a fait remarquer de son côté quel ait
de famille cette œuvre avait avec les pein-
tures religieuses de la Russie et M. Kaemp-
fen lui a donné quelques explications sur
leurs origines byzantines.
Les souverains sont alors descendus au
rez-de-chaussée, où ils ont parcouru sans
arrêt la longue galerie au bout de laquelle
ils voyaient se dresser la sereine Vénus de
Milo.
Puis ils sont revenus rapidement par la
salle Melpomène et se sont dirigés, en pas-
sant devant la colossale figure du Tibre.
vers la salle des Cariatides, où les présenta-
tions d'artistes ont eu lieu. Mme Rosa Bonheur,
à laquelle l'empereur a adressé quelques
paroles chaleureuses, l'a remercié en lui
rappelant les belles heures qu'elle avait au-
trefois passées en Russie. M. Puvis de Cha-
vannes et M. Detatlle, ce dernier surLou4
que l'empereur connaît depuis longtemps,
ont reçu une cordiale poignée de main do
souverain.
Prenant alors congé du ministre et da
directeur des beaux-arts, le souverain s'est
écrié très vivement : « C'est la première foië*
que nous venons ici; ce ne sera certaine-
ment pas la dernière. »
Sortis par la porte Henri II, les souverains
sont remontés en voiture aussitôt. Traver-
sant la cour Carrée, ils ont passé sous la
colonnade et tourné à droite devant Saint-
Germain-l'Auxerrois pour regagner l'ambas-
sade, où ils sont arrivés à midi vingt, aa
milieu d'une foule considérable, poussant
bans interruption les cris de : Vive le tsar!
vive la Russie 1
M. Félix Faure est reparti presque immé-
diatement, salué à son tour par les cris dc :
Vive la République ! vive Félix Faure 1
LE DEJEUNER A L'AMBASSADE
Un grand déjeuner de soixante couverts
a eu lieu à midi au palais impérial.
11 est offert par les souverains à tout le
haut personnel de l'ambassade, à tous les
officiers de leur suite, et à tous les officiers
français attachés à leurs personnes pen-
dant leur séjour en France. Les deux ofli
ciers de la garde républicaine, qui comman-
dent le puste de service à la residence im-
périale, y étaient également invités.
La table, présidée par les souverains
qui étaient assis à côté l'un de l'autre,
était dressée dans la salle à manger au pre-
mier étage. Elle comprenait quarante cou-
verts.
Une autre table de vingt couverts avait
été dressée dans un salon attenant à la salie
à manger.
LE DÉPART
A une heure vingt-cinq, le président de la
République, ayant à ses côtés le général
Tournier et en face de lui M. Le Gall, arri-
vait dans une calèche, attelée en poste de
quatre superbes percherons gris-pommelés,
montés par des postillons.
Une tninuie après son entrée dans la cour
du palais impérial, l'empereur et l'impéra-
trice prennent place dans la calèche prési-
dentielle. Le président de la République se
place en face des souverains, deux cosaques
montent derrière le landau et le départ pour
Versailles a lieu aussitôt,
Une magnifiqùe gerbe, faite de roses et de
fleurs rares, esi aéposée sur les coussins de
la banquette de devant, à la gauche da
président de la République. Ces tlcurs sont
offertes à la tsarine par la municipalité de
Paris.
La première daumont est suivie d'un lan-
dau où sont montés le général de Boisdeffre,
le prince Orloff, le commandant de Laga-
renne, et un officier russe, aide de camp da
drince Orlotf.
La deuxième daumont contient MM. Le
Gall, le général Tournier, le commandant
Bourgeois et un officier russe ; la troisième,
l'amiral Gervais, la princesse Galitzine et les
dames d honneur de la tsarine.
M. et Mme de MohrenLeim avec le reste
de la suite suivent dans les autres voitures.
Les deux compagnies du 700 régiment de
ligne, qui forment la haie dans la cour
d honneur, présentent les armes, tandis que
la musique exécute l'Hymne russe. Toutes les
têtes se découvrent et les assistants placés
aux fenêtres des maisons qui font face iL
l'hôtel de l'ambassade font entendre de cha-
leureuses acclamations.
Le piqueur Mon t jarret, en costume de
postillon, veste bleue garnie de galons d'or,
la culotte de peau jaune, et le bicorne sur la
tête, précède la calèche des souverains.
Les cuirassés et l'étendard du régiment les
escortent.
A leur sortie du palais impérial, la foule
qui est massée dans les rues avoisinantes.
leur fait de chaleureuses ovations.
L'empereur et l'impératrice y répondent
par des inclinations de téte.
Et de nouveau, sur leurs parcours, les cria
éclatent, chauds et nourris. ,
DE PARIS A VERSAILLES
DE L'AMBASSADE AU BOIS
La circulation des voitures, omnibus et
tramways est restée interrompue toute la
matinée aux abords de l'ambassade, rue
Saint-Simon, boulevard Saint-Germain, sur
le pont de la Concorde et le quai d'Orsay.
La foule, sans cesse renouvelée, est tou-
jours compacte et quand le cortège apparut
l'enthousiasme est indescriptible ; c'est une
frénésie; les hourrahs se suivent ininterrom-
pus, ou, pour mieux dire, c'est une acclama-
tion soutenue, qui s'étend en un instant
comme une trainée de poudre jusqu'au ponl
de la Concorde.
Le cortège a déjà disparu que, sur le bou-
levard Saint-Germain, l'ovation dure en-
core.
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