Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1896-08-29
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 29 août 1896 29 août 1896
Description : 1896/08/29 (N9668). 1896/08/29 (N9668).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7564491q
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/05/2013
,::: 1 Q CSlyTïMgS lé Numaro;
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PARIS ET DEPARTEMENTS
*YJ& JNT xi»i^r*oT CINQ CENTIMES
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ANNONCES
AUX BUREAUX DU JOURNAL , ;;
131* rue Montmartre, 131
fît chez MM. LAGRANGE,CERFiCit
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dreSletélérnphiqUe : XIX' SIÈCLE - PARIS
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WO 9663. - Sa=iedi 29 Août 1896
13 FRUCTIDOR AN 104
ADMINISTRATION : 131, rue Montmartre, 18t
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
e NOS LEADERS
Réponse au Batinollais
J'étais à la campagne. Il faut bien
faire comme tout le monde; moi,
j'aime l)ien Paris en été, je l'avoue;
mais l'usagé. Enfin, j'étais à la cam-
pagne, et c'est pourquoi je n'ai pas ré -
pondu tout de suite à la volumineuse
lettre signée modestement : « Un Bati-
gnollais », à laquelle la Petite Répu-
blique a accordé, lundi dernier, une
modeste hospitalité de seconde page.
Mais comment n'aurais-je pas hâte
de répondre à ce Batignollais qui dé-
clare — textuel — que ce sont « les
imprécations de M. Lucien Victor-
Meunier contre les Liebnecht et les
• Bebel qui l'ont conduit au socia-
lisme »?
Quelle bouffée d'orgueil ne me mon-
terait pas à la face? J'ai conduit,
moi, — par un chemin détourné, c'est
vrai ; mais qu'importe? toute rue mène
au boulevard — quelqu'un au socia-
lisme ! J'ai conquis un Batignollais au
socialisme. A la bonne heure! Sonnez,
clairons! Batignollais, je suis content
de vous.
Je profiterai, si l'on veut bien me le
permettre, de cette occasion unique,
pour dire un dernier mot — quant à
présent du moins — sur cette irritante
question de l'internationalisme, et
préciser une fois de plus mon attitude.
En vérité, je le remarque en passant,
et d'ailleurs sans amertume, j'ai af-
faire à des contradicteurs singulière-
ment durs d'oreilles. Quoi ! le Bati-
gnollais dont s'agit me reproche en-
core d'avoir changé de sentiments à
l'égard des Liebnecht et des Bebel?
En effet, nous sommes pas mal ici qui,
nous souvenant de l'énergique et cou-
rageuse protestation formulée par les
socialistes allemands contre l'annexion
de l'Alsace et de la Lorraine, voyions
dans les continuels progrès du socia
lisme en Allemagne un gage de paix
européenne. Nous nous disions que
l'empereur Guillaume — quelle que
put être son envie d'ajouter une con-
quête aux conquêtes de son aïeul —
hésiterait, ayant peur, s'il déchaînait
la guerre, d'avoir à lutter, en même
temps que contre ses ennemis du de-
hors, contre ses sujets socialistes.
Et nous tendions nos mains frater-
nelles à ces Allemands qui refusant
leur part de la gloire infâme acquise
dans les batailles d'il y a vingt-cinq
ans, se réclamaient avant tout de cette
patrie supérieure : l'humanité.
Telles étaient nos illusions.
Mais les Bebel et les Liebnecht se
sont chargés de nous ouvrir les yeux,
de nous rappeler à la réalité ; ils nous
ont déclaré, très haut, très net, que si
la guerre éclatait ils feraient leur de-
voir d'Allemands contre tous, contre
nous et je demande, vraiment, quels
hommes nous serions si nous, les
Français, les vaincus d'hier, nous ne
sentions pas, en présence de ces pa-
triotes-là, brûler en nous la flamme
ardente du patriotisme.
#*#
Entre ces bons Allemands et ces
bons Français que nous affirmons
être, il ne saurait plus être question de
fraternité ; voilà qui est bien certain.
De fraternité immédiate, s'entend. Car
est-il nécessaire de répéter, même au
correspondant batignollais de la Petite
République, que nous n'entendons re-
noncer en rien aux grands espoirs,
aux nobles ambitions qui sont la fierté
suprême de ceux qui les peuvent con-
cevoir ?
Aujourd'hui comme hier — et ce
sera encore notre foi demain, quoi
qu'il arrive — nous pensons qu'il y a
sur cette vieille terre assez de place
pour que tous les hommes puissent y
travailler côte à côte, sans se gêner
mutuellement, sans que l'un ait à
éprouver le besoin de voir disparaître
l'autre. Plus de frontières; tous frères;
plus de haines ; la paix universelle ;
les Etats-Unis d'Europe !.
Et maintenant, je m'adresse directe-
ment au Batignollais, je lui demande si
elle ne prendra pas bientôt fin la plai-
eanterie douteuse qui consiste à essayer
de nous mettre en contradiction avec le
grand penseur dont nous nous hono-
rons de suivre, autant que cela est en
nous, les traditions, et dont le souve-
nir plane sur ce journal. "0 qui le pré-
Oui, c'est Victor Hugo qui le pre-
mier, le 17 juillet 1851, à la tribune de
l'Assemblée législative, a prononcé
cette grande parole : les Etats-Unis
d'Europe ; mais, après la guerre, après
le vol de l'Alsace et de la Lorraine,
Victor Hugo a pensé que les choses
étaient changées. Il a écrit l'Année ter-
rible et dans l'Année terrible, s'adres-
sant à « ceux qui reparlaient de fra-
ternité », il a dit :
Quand nous serons vainqueurs, nous verrons!.
Et, plus loin, expliquant la même
pensée, il a écrit ce vers que seule,
peut-être, sa main eût osé tracer :
, U&e dernière guerre, Mlas ! il la faut, oui!
Mais est-il besoin de feuilleter l'An-
née terrible? Est-ce que Victor Hugo, à
l'Assemblée de Bordeaux, n'a pas fait
se dresser au-dessus des champs de
bataille couverts encore de cadavres
l'espérance de la revanche? N'a-t-il
pas parlé du jour où l'on verrait la
France s'élancer, ressaisir Strasbourg,
ressaisir Metz?. Non! tenez; ne tentez
plus, pour les besoins de votre cause,
mauvaise, de travestir Victor Hugo;
ne cherchez pas davantage à faire
croire que Victor Hugo est resté inter-
nationaliste le jour où l'internationa-
lisme fut devenu un crime de lèse-
patrie. — Je vous renvoie aux vers
que Victor Hugo écrivit pour la reprise
de Ruy Blas, en 1872, à l'Odéon, et
auxquels la censure épouvantée de
tant d'audace française refusa son
visa. Les connaissez-vous, Batignol-
lais, ces vers? Les voici :
Si devant le vainqueur disant : Cessons la lutte,
Paix, et restons-en là; nous disions : J'y pensais,
Oh! tout serait fini; de sa tête, ô Français,
La France arracherait de ses mains indignées
Ses cheveux, et parmi ses cheveux des poignées
D'étoiles, qui s'iraient éteindre dans la nuit.
***
Maintenant, je ne crois pas néces-
saire de répondre aux insinuations du
Batignolais. « Si, dit-il, l'amour de la
patrie devient soudainement si intran-
sigeant et si farouche, n'est-ce pas
uniquement pour mieux défendre 1 or-
ganisation capitaliste actuelle et les
intérêts capitalistes du monde entier?»
Non, monsieur; ne me supposez pas de
pensée de derrière la tête, comme on
dit; ne me croyez pas un cerveau à
double fond. Vous demandez comment
mon patriotisme a pu « approuver ou
supporter l'humiliation historique (sic)
de notre escadre et du drapeau fran-
çais à Kiel ». Je ne comprends pas —
je l'ai dit ici même lorsqu'on dis-
cutait la question de la participation
de la France aux fêtes de Kiel —
comment il pourrait résulter une
une humiliation pour une grande puis-
sance de ce fait qu'elle s'est montrée à
sa place, armée, fière, à côté de son
alliée, au milieu des nations assem-
blées. Passons : républicain socialiste
et Français je considère comme en-
nemi l'empereur Guillaume II; du
jour où les Liebnecht et les Bebel se
se sont rangés, non sans enthousiasme,
parmi les soldats de cet empereur, ils
ont cessé de pouvoir prétendre à notre
amitié, - à - notre confiance. Voilà les
choses telles qu'elles sont ; sans exagé-
ration, sans acrimonie.
Je ne reproche nullement aux socia-
listes allemands d'être Allemands
avant d'être socialistes ; mais qu'ils
comprennent que nous avons, nous,
autant qu'eux et plus qu'eux le droit
et le devoir d'être Français avant tout ;
et — ceci pour terminer — qu'ils ne
viennent plus chez nous nous apporter
des paroles auxquelles nous ne pou-
vons plus croire et nous tendre des
mains que nous ne voulons plus
toucher.
LUCIEN VICTOR-MEUNIER
Nous publierons demain un article
de M. Camille Pelle tan
LES ON-DIT
CHEZ NO as
V «WnHBMEMS
- Hier, à l'Académie française, la
séance hebdomadaire du jeudi était pré-
sidée par M. Jules Claretie, directeur, as-
sisté de M. Thureau-Dangin, chancelier,
et de M. Gaston Boissier, secrétaire per-
pétuel.
Etaient présents : MM. Bertrand, le
comte d'Haussonville , Halévy, Hervé,
le duc d'Aumale, Cherbuliez , Jules Le-
maitre.
Au total, les quarante étaient dix hier.
Tous les autres étaient à la campagne.
- Lq Journal officiel publiera aujour-
d'hui une liste des personnes auxquelles le
ministre de l'intérieur a décerné des mé-
dailles d'honneur et des mentions honora-
bles, en récompense du dévouement dont
elles ont fait preuve au cours des diverses
épidémies qui ont sévi à Marseille et en
Algérie de 1893 à 1896.
- Dimanche 20 septembre, on inau-
gurera à Milly, près de Mâcon, où Lamar-
tine passa la plus grande partie de son en-
fance, un buste de l'illustre poète.
- On a de très mauvaises nouvelles
de la santé de M. Fizeau, membre de
l'Académie des sciences (section de phy-
sique générale).
- M. Albert Cim vient d'être nommé
directeur de la bibliothèque du sous-secré-
tariat des postes et télégraphes.
- Le général Billot, ministre de la
guerre, est depuis hier en villégiature au
Puits, près de Gien.; il se rendra proba-
blement aujourd'hui aux manœuvres de
cavalerie dans le Gâtinais.
.-. Le gouvernement belge a désigné
M. Quintin, docteur en médecine, de
Liège, pour le représenter au congrès in-
ternational d'hydrologie, de climatologie
et de géologie, qui se tiendra à Clermont-
Ferrand en septembre prochain.
- L'enquête sur les causes de l'in-
cendie de l'exposition de Montpellier don-
nerait à penser, paraît-il, que la malveil-
lance ne serait pas étrangère au sinistre.
-—— Les 2 et 5 août derniers, il était
procédé, dans la commune de Saint-Rome-
de-Dolan (Lozère), à deux publications de
mariage, qui devaient être célébrés en cette
mairie.
Les futurs du premier mariage se sont
donc présentés à la mairie le 22 août. Le
maire a dû les renvoyer en leur avouant
qu'il n'y avait pas de place sur les regis-
tres de la mairie pour les marier : il a, en
même temps, délivré au fiancé le certificat
dont teneur suit :
« Le maire de la commune de Saint-
Rome de Dolan déclare à n'importe qui
qu'il est absolument dans l'impossibilité
de marier le sieur Clément-Ferdinand Me-
met, tailleur à Aguessac, avec Marie-Julie
Pages, les registres de l'état civil étant
terminés.
» D'autres feuilles demandées à la sous-
préfecture arriveront incessamment. —
Fait à Saint-Rome, le 22 août 1896. Le
maire, Monestier. »
~- Je reçois la communication sui-
vante. Elle intéresse les amateurs de vin
véritable :
Monsieur le directeur,
Des commerçants en vins se présentent
chez les consommateurs comme propriétai-
res de Margaux vendant leurs propres pro-
duits. Ils envoient des circulaires dans les-
quelles ils affirment cette qualité, alors
qu'ils ne possèdent pas un pied de vigne
dans cette commune et que, le plus sou-
vent, ils n'y ont pas d'habitation.
Le conseil municipal de Margaux vient de
décider que, par les soins du maire et de
l'un des conseillers municipaux, et à l'aide
de la matrice cadastrale, il serait répondu à
toute question, d'où qu'elle vienne, relative
à la qualité de propriétaire de vignes, prise
dans les circulaires adressées au pabhc. Il
suffira de joindre à la demande de rensei-
gnements ou simplement à la circulaire sus-
pecte, le timbre-poste nécessaire à la ré-
ponse.
Vous jugerez peut-être opportun, mon-
sieur, dans l'intérêt de vos lecteurs, de por-
ter cette nouvelle à leur connaissance.
Cette lettre est signée du maire de Mar-
gaux et d'un conseiller municipal.
A L'ETRANGER
---. Mais aussi pourquoi diable traîner
ses chausses en Allemagne quand on n'y
est pas obligé ?
Le World rapporte que M. Gully,
speaker de la Chambre des communes, et
Mme Gully ont fait, en se rendant à Hom-
bourg, une expérience désagréable de la
gracieuseté des employés de la douane
allemande à Cologne.
Les deux voyageurs ayant déclaré qu us
ne transportaient aucun objet soumis aux
droits, sauf un jeu de piquet qui leur ser-
vait à tromper la longueur de la route,
l'Allemand leur apprit brutalement que
c'était là un objet de contrebande et leur
annonça qu'il allait dresser procès-verba V
Le speaker fit alors connaître sa haute
qualité, mais l'Allemand, sans égard pour
le premier membre du Parlement du
Royaume-Uni, le força d'attendre pendant
plus d'une heure quelle procès-verbal fût
rédigé et chaque carfe timbrée, puis il fit
verser aux voyageurs une amende de 20
francs.
Le Passant.
LE BOMBARDEMENT DE ZANZIBAR
La résistance de Saïd-Khalid n'aura pas
duré longtemps. Les Anglais ont bombardé
son palais hier matin et, quelques heures
après, ils étaient les maîtres de toute la
ville.
L'affaire de Zanzibar, née d'hier, est donc
aujourd'hui virtuellement terminée.
Pour qu'on puisse en comprendre l'origine
et la nature, nous demandons à nos lecteurs
la permission de faire précéder le récit de la
bataille d'un court préambule rappelant
dans quelles conditions s'est engagée la
lutte.
Les sultans qui régnent ou pour mieux
dire qui régnaient hier encore à Zanzibar —
car on ne sait pas si l'Angleterre ne va pas
prononcer la déchéance de leur dynastie —
ne tenaient pour la plupart leur couronne
que d'une tasse de « mauvais café ».
En huit ans, cinq princes se sont ainsi suc-
cédé sur le trône sans qu'on ait jamais pu
connaître au juste le dessous des sanglantes
tragédies qui se tramaient dans l'ombre de
leurs harems.
Le dernier d'entre eux, Hammed ben The-
vaïn, n'a pas échappé au sort commun de
ses prédécesseurs.
Proclamé sultan par l'agent britannique,
il y a trois ans, contre les prétentions de
son cousin Saïd-Khalid, il s'était vu bientôt
en butte à l'inimitié déclarée de celui-ci.
11 y a succombé dernièrement et Khalid,
résolu à ne pas se laisser ravir le trône une
seconde fois, s'est empressé de s'emparer
du palais et de déclarer qu'on ne l'en ferait
pas sortir vivant.
Les Anglais ne pouvaient évidemment
pas supporter qu'on se jouât d'eux avec nne
pareille désinvolture.
Ils ont donc sommé le nouveau sultan de
se rendre ; sur son refus, avec une rapidité
qui devrait donner à réfléchir à nos hommes
d'Etat, ils l'ont bombardé dans son harem
au milieu de ses soldats.
Vont-ils profiter de l'événement pour an-
nexer Zanzibar à leur empire ?
C'est possible, mais, depuis 1890, ils en
étaient déjà les maîtres sous la forme tran-
sactionnelle du protectorat et, quelque im"
portante que soit la position qu'elle leur
assure dans l'Afrique orientale, nous n'avons
pas à intervenir dans la question.
Laissons-les donc régler leurs affaires eux-
mêmes et profitons seulement des leçons
que nous pouvons tirer de leur exemple.
ANDRÉ HONNORAT.
LE COMBAT D'HIER
Un ultimatum a été signifié avant-hier
par l'autorité britannique à Saïd Khalid.
Aux termes de ce document, le palais de-
vait être bombardé, hier jeudi, si Khalid
n'amenait son pavillon et n'opérait sa red-
dition avant neuf heures du matin.
Khalid n'ayant pas répondu à cette som-
mation le bombardement du palais a com-
mencé à l'heure dite. Il a duré cinquante
minutes, pendant lesquelles une canonnade
très nourrie a été dirigée contre le palais
par le cuirassé Racoon, et les canonnières
Thrush et Sparrow.
Les rebelles étaient en force et bien ar-
més ; ils ripostaient derrière des barricades
par un feu très soutenu.
Le vapeur appartenant au sultan a ouvert
le feu sur les navires de guerre anglais
pendant le bombardement. Il a été coulé, et
Khalid, avec un de ses chefs, s'est réfugié
au consulat allemand.
Le palais et la vieille maison des douanes
sont en ruines.
Les marins anglais, aussitôt descendus
à terre, se sont occupés d'éteindre le feu du
palais, tandis que des détachements ramas-
saient les cadavres des rebelles tués pen-
dant l'action.
, Les combats isolés continuent aux envi-
rons de la ville, où le capitaine Raikes, de
l'armée zanzibarienne, se maintient avec
quatre cents soldats restés fidèles à l'An-
gleterre.
Quarante soldats de l'infanterie de ma-
rine occupent les routes principales. Les
affaires sont complètement suspendues et
il est impossible de prévoir quand l'ordre
se rétablira.
Le chiffre des pertes est inconnu.
On croit que si les Anglais n'annexent pas
l'ile, c'est un proche parent d'Hamed ben
Twain, nommé Saïd ben Hamoud, qu'ils
porteront sur le trône.
Pendant l'action, le navire de guerre ita-
lien Volturno a débarqué un petit détache-
ment de marins pour protéger le consulat
italien.
Notons que d'après une dépêche de Lon-
dres Saïd-Khalid aurait été capturé.
DERNIÈRE HEURE
Une dépêche de Zanzibar annonce que la
seule perte subie par les Anglais a été un
sous-officier blessé.
Les pertes de liennexpi sont considérables.
Les Anglais ont proclamé Hamoud, cousin
du sultan décédé.
COMME AU SEIZE-MAI
Le Phare du littoral raconte qu'à Nice M.
Henry, préfet des Alpes-Maritimes, a inter-
dit le chant de la Maseillaise et en a même
interdit la musique.
On ne peut, dit notre confrère, expliquer
la frénésie avec laquelle le central de Nice
menace de se ruer sur les paisibles citoyens
qui ne croient pas mal faire en chantant
l'hymne de Rouget de l'Isle. La Marseillaise
est décrétée par le préfet chant séditieux :
c'est un retour au 16 mai.
UN ATTENTAT A CONSTANTINOPLE
Un événement dont on a tout d'abord
exagéré l'importance est survenu avant-hier
à Constantinople.
La Banque ottomane a été envahie, vers
une heure du matin, par une quarantaine
d'Arméniens. La Banque n'était gardée que
par le service ordinaire de surveillance
qu'on y installait toutes les nuits.
Après quelques heures, la police est par-
venue à déloger les agresseurs. Les dépê-
ches n'indiquent pas que Jes caisses aient
été pillées, ni qu'il y ait eu de graves vio-
lences sur les personnes. Elles disent seule-
ment que les agresseurs sont des anarchis-
tes arméniens et qu'une bombe a éclaté au
même moment à Péra, tuant et blessant
plusieurs soldats.
L'attentat a provoqué une vive émotion
dans le quartier de Constantinople où se
trouvent les bureaux de la Banque et, dans
les rues, l'effervescence est grande entre
Arméniens et Turcs.
Le grand-vizir, dès la première heure, a
assuré les représentants des puissances
qu'il garantissait l'ordre dans la ville.
Les ambassadeurs ont pris toutefois, en
prévision des troubles qui pourraient se pro-
duire, quelques précautions. Ils ont fait dé-
barquer des marins pour garder leurs hô-
tels.
M. Hanotaux, ministre des affaires étran-
gères, a été informé que notre ambassadeur
avait demandé au commandant du station-
naire douze matelots qui ont été placés dans
les bureaux de l'ambassade.
D'autre part, le ministre des affaires
étrangères a demandé à son collègue de la
marine, l'amiral Besnard, de donner l'ordre
au second stationnaire, qui avait été envové
dans les eaux de la Crète, de retourner à
Constantinople.
RETOUR DE LA MISSION VERSEPUY
M. Maurice - Versepuy, qui accompagné
M. de Romans, vient de traverser, au mi-
lieu des plus grands dangers, le continent
africain, d'un océan à l'autre, est arrivé à
onze heures, hier matin, à Paris, venant de
Lisbonne, par le Sud-express.
M. Maurice Versepuy, à son arrivée, était
dans un mauvais état de santé, très affaibli
par son voyage et miné par les fièvres; le
courageux voyageur ne s'est arrêté que
quelques minutes dans la gare du Nord, par
laquelle il est reparti pour aller dans sa
famille se rétablir.
L'explorateur a ramené du continent afri-
cain un jeune nègre Massai, qui est d'une
remarquable intelligence et a mérité, par
son dévouement au milieu des plus pénibles
épreuves, l'affection de M. Versepuy.
A la gare du Nord, le voyageur a été reçu
par M. Gauthiot, secrétaire général de la
Société de géographie commerciale, qui, au
nom de cette société a félicité chaudement
le hardi pionnier.
C'est la deuxième fois seulement que ce
voyage a été entièrement accompli par un
Français.
Parti de Monbosa le 7 juillet 1895, M. Ver-
sepuy, au milieu de difficultés extraordi-
naires et de peuplades hostiles et pillardes,
arriva au lac Victoria Nianza, après avoir
traversé les massifs montagneux do Kili-
mandjoro et du Koeilia. Manquant d'embar-
cations et ne trouvant aucune aide parmi
les autorités de la région, la mission dut
contourner l'immense lac, en suivant la rive
nord. Traversant ensuite l'Ouganda, elle
parvint au lac Albert qu'elle traversa, dé-
arquant à Xatwé. A partir de ce moment,
la mission se trouve en pays inexploré, elle
suit et détermine le cours du Sembiki puis
de l'Itimee, enfin en descendant l'ltawin,
arrive au fleuve du Congo, au-dessous des
Stanley falls, à Bazongo.
Là, M. Versepuy, qui avait triomphé des
embûches, qui avait passé à travers des
bandes armées sans s'arrêter, est pris par
les fièvres. Il ne s'arrête cependant pas et,
avec un courage surhumain, continue son
- voyage.
Il descend le Congo et arrive enfin à
Borna, où le gouverneur de l'état libre du
Congo, saisi de pitié et d'admiration, met à
la disposition de la mission, son propre ca-
not, qui le conduit jusqu'à Cabinda, d'où
M. Versepuy s'embarque pour l'Europe.
Le voyage avait duré treize mois.
LES TROIS DOUZE
M. De Selves, préfet de la Seine, a profité
de la réunion du bureau du conseil munici-
pal, dont nous parlons d'autre part, pour
porter à la connaissance de ses membres le
résultat de l'enquête qu'il avait confiée à
M. Defrance, sur l'application du système
des trois douze aux employés de l'octroi.
Ce rapport sera étudié prochainement par
le bureau du conseil et la sous-commission
de l'octroi, ainsi que nous l'avions annoncé
ces jours derniers et tout porte à croire que
ce système sera applique partiellement le
1er octobre dans la division sud.
00-
LE VOYAGE DU TSAR
A VIENNE
Les Viennois ont fait à l'empereur et à
l'impératrice de Russie une chaleureuse ré-
ception.
Mâts, drapeaux, fleurs, obélisques, arcs
de triomphe, rien n'a été épargné pour don-
ner à la ville un aspect souriant. Seul, le
soleil s'est obstinément refusé à participer
à la fête.
Dès la première heure, la foule s'est ré-
pandue dans la Praterstrasse et la Ring-
strasse, sur le long parcours qui mène de la
gare du Nord à la porte de la Burg. Peu
après, les troupes sont arrivées à leur tour
et, immédiatement, elles se sont alignées
sur trois rangs, séparant ainsi les ourieux
de la chaussée par une épaisse haie.
Quelques instants plus tard, — à dix heu-
res vingt-six exactement, — le train impé-
rial arrivait aux sons de l'Hymne russe.
Les souverains et l'archiduc Othon se
sont aussitôt postés à la portière du wagon
impérial. L'impératrice Alexandra est appa-
rue. L'empereur lui a tendu la main pour
l'aider à descendre. Puis, Nicolas II, en uni-
forme autrichien, l'a suivie.
Les deux empereurs se sont embrassés
deux fois très cordialement. Les deux im-
pératrices se sont aussi fait l'une à l'autre
un très cordial accueil.
L'empereur François-Joseph a ensuite
baisé la main de l'impératrice de Russie,
et l'empereur Nicolas celle de l'impératrice
d'Autriche.
A midi et demi, l'empereur et l'impératrice
de Russie se sont rendus à l'ambassade de
Russie où ils ont été reçus très respectueu-
sement par le comte Kapnist, ambassadeur,
et la comtesse sa femme.
Le déjeuner a eu un caractere absolument
intime. Outre l'empereur et l'impératrice de
Russie, la liste des convives comprenait le
comte et la comtesse Kapnist, la comtesse
Steinbœck, la comtesse Dolgorouki, les
aides de camp généraux Obolcnski, Vo-
rontsof-Dachkof et Richter, et la princesse
Galitzine.
Après le déjeuner, l'empereur et l'impéra-
trice ont visité les travaux de la nouvelle
église de 1 ambassade de Russie et sous la
conduite des archiprêtrcs Nikolaïewski et
Karnasevitch.
Ils ont quitté l'hôtel de l'ambassade à une
heure trois quarts dans une voiture fermée
et ont fait des visites aux membres de la
famille impériale d'Autriche.
A trois heures et demie, le tsar a reçu en
audience spéciale les ministres : comte Go-
luchowski, de Krieghammer, Kallay, puis
les deux présidents du conseil : comte Ba-
deni et baron Banffy, et les deux ministres
de la défense : de Welsersheimb et baron
Fejervary.
Le soir, au grand dîner qui a eu lieu à la
Hofburg, la table était dressée en fer à
cheval.
Les deux impératrices présidaient ; la tsa-
rine était assise à la droite de l'impératrice
Elisabeth ; l'empereur d'Autriche à la droite
de la tsarine.
Les deux impératrices causèrent beaucoup
durant le repas.
La tsarine portait une robe rose constellée
de brillants innombrables, et une aigrette de
diamants.
L'impératrice Elisabeth, vêtue de noir,
portait le grand-cordon.de l'ordre de Cathe-
rine.
Ce repas comportait 70 couverts.
La musique du régiment d'iafanterie
Alexandre III jouait.
A BRESLAU
Le Tagebïatt assure que le tsar a exprimé
le dÚsjr d'avoir une entrevue avec le prince
de Bismarck. Il est incertain, si le pro-
gramme déjà très chargé et, d'autre part, la
santé de l'ancien chancelier permettront de
réaliser ce projet.
A PARIS
C'est par erreur qu'il a été dit que le gou-
vernement devra attendre la fin des vacan-
ces du conseil d'Etat pour lui soumettre les
crédits nécessaires pour le séjour en France
du tsar et de l'impératrice de Russie.
Dès qu'il aura approuvé le programme
et arrêté le chiffre des crédits destinés à y
faire face, le gouvernement enverra ces cré-
dits au conseil d'Etat où une chambre des
vacations, analogue à celle des tribunaux,
en autorisera l'ouverture en l'absence des
Chambres, les crédits étant de ceux qui sont
visés par la loi du 14 décembre 1879, à
charge pour le gouvernement de les faire
ratifier par le Parlement dès la rentrée.
Au conseil municipal, le bureau s'est
réuni hier, vers quatre heures, sous la pré-
sidence de M. Landrin, vice-président, rem-
plaçant M. Baudin, président, en congé.
On a envisagé les mesures à prendre pour
la réception du tsar lors de son passage à
Paris, mais aucune décision n'a été prise, le
bureau du conseil n'ayant pas été averti
officiellement de la date d'arrivée de l'em-
pereur de Russie à Paris. Une autre réunion
sera tenue prochainement, après le retour
du président du conseil.
A l'ambassade de Russie, où le tsar rési-
dera pendant son séjour parmi nous, les ou-
vriers ont déjà pris possession de l'im-
meuble, pour y exécuter les travaux néces-
saires à la réception de l'empereur. Actuel-
lement, une équipe d'ouvriers peintres est
occupée à nettoyer et à repeindre la façade
extérieure de l'hôtel. Hier matin, des enca-
dreurs sont venus décrocher les tableaux
pour en redorer les cadres.
Ajoutons que le conseil municipal de
Cherbourg a voté des crédits illimités en
vue de l'arrlvee du tsar. De nombreux co-
mités se sont formés pour l'organisation de
fêtes de quartier.
——— ..-
LA VIE DE PARIS
Par HENRY FOUQUIER
Le baron Jérôme Pichon vient da
mourir, très âgé, dans ce vieil hôtel
Pimodan, du quai d'Anjou, qui était
lui-même une curiosité et servait da
cadre aux collections que l'amateur y
avait, à plusieurs reprises, réunies. Le
baron Pichon était un des fondateurs et
avait été pendant de longues années le
président de la Société des bibliophiles
de France. Il fut remplacé dans ces
fonctions par le duc d'Aumale qui, par
sa merveilleuse bibliothèque de Chan-
tilly, a pris rang parmi les premiers
collectionneurs du monde. Le baron
Pichon a eu ce qu'on appelle « une
bonne presse ». C'était si ce n'est un
type et un caractère, du moins une
physionomie. Il était resté, d'allures et
aussi d'idées, il faut bien le dire, très
en retard sur son temps. Il y avait en
lui quelque chose du musée des an-
tiques. D'ailleurs, c'était un amateur
compétent et passionné, assez bienveil-
lant, ayant le goût et le flair des belles
choses.
Sa carrière de collectionneur ne fut
pas toujours sans incidents. Comme il
fit, une ou deux fois, des ventes d'or-
fèvreries, de médailles et de livres, il
lui arriva d'être discuté, ce qu'il sup-
portait mal volontiers. D'habitus corpo-
ris austère, il n'en était pas moins très
curieux des belles éditions érotiques
du dix-huitième siècle. Ce fut lui, je
crois, qui acheta à un prix assez bas et
revendit très cher le fameux manuscrit
illustré de la Poupelinière, où ce finan-
cier avait eu l'idée de se faire peindre
en des postures plutôt bizarres et de
raconter lui-même ses fredaines, en
des histoires assez imbéciles. Or,
comme le baron Pichon s'était, en
même temps, livré à une campagne
contre les « mauvais livres », vous
pensez qu'on ne lui épargna pas les
épigrammes. Il se fâcha. Je ne sais
même pas s'il n'y eut pas procès ? Tout
ceci est oublié et il reste, en somme,
de lui le souvenir d'un amateur érudit,
et que la seule vanité ne poussa pas
au goût des bibelots et des livres rares,
comme il arrive trop souvent pour des
collectionneurs qui, peut-on dire, ai-
ment le prix des curiosités sans les
connaître.
Le collectionneur qui accumule des
objets d'art ou des livres, ou des can-
nes, pour obéir à la mode, parce que
c'est « chic » et cher de le faire, est un
snob peu intéressant, encore moins in-
téressant même que le collectionneur
industriel qui achète pour trafiquer et
qui, lui au moins, a les mérites d'un
commerçant habile. J'avoue que je
pousse la sévérité vis-à-vis du collec-
tionneur « poseur » jusqu'à être ravi
quand il lui arrive quelque mésaven-
ture et à ne pas trop en vouloir aux
» truqueurs », artistes souvent fort
adroits, qui leur font payer les choses
beaucoup plus cher, non parfois que
leur valeur réelle, mais que la valeur
que leur donneraient seules la marque
et l'antiquité.
Le baron Pichon n'était pas de ces
faux amateurs, ignorants, « parvenus »
de la curiosité. Il a pu se tromper et
être trompé, comme tout le monde.
Mais il s'y entendait et aimait les œu-
vres d'art et les livres.
C'est, en somme, un beau et noble goût
et il faut passer condamnation sur les
petits ridicules qu'il comporte. Toutes
les passions en ont. Les plus grands
sentiments de l'homme sont toujours
diminués par quelque puérilité qui, sou-
vent, leur ajoute du charme. Ne dit-on
pas communément que rien n'est bête
comme un amoureux? Mais sa bêtise
est touchante. De même l'amateur de
curiosités et le bibliophile ne sont pas
sans avoir des cotés de maniaque. Pour
la plupart, la manie se traduit par
l'exclusivisme outré du goût. Tel qui
acquerra à tout prix une œuvre, même
médiocre, de l'époque qui a ses préfé-
rences, ne voudra pas donner un prix
minime très avantageux, d'une très
belle chose qui n'est pas du temps au-
quel il s'est consacré. Et tous les ama-
teurs ont ce commun travers de moins
juger de la valeur intrinsèque des
choses que de s'attacher à l'ancien-
neté, à la marque de fabrique, à la
classification et à l'estimation des cata-
logues. Pour les livres, ce travers a
donné lieu à cette jolie et profonde épi-
gramme, si connue — et dont pourtant,
je l'avoue, j'ignore ou j'ai oublié l'au-
teur. C'est un bibliophile qUi parle, en
regardant un volume :
Je la tiens, Dieu, que je suis aise !
Oui, c'est la bonne édition !
Car je vois, page douze et zeize,
Les deux fautes d'impression
Qui ne sont pas dans la mauvaise.
Il est certain que ce respect de la
date, de l'antériorité, de l'édition prin-
ceps est poussé très loin pour les li-
vres, par les amateurs. Et tous, même
ceux qui veulent faire les dédaigneux,
nous en sommes là. Je ne suis pas un
bibliophile, loin de là. Mais j'ai, cepen-
dant, comme on a ses outils de travail
(et de repos aussi, car le livre est l'un
et l'autre), une bibliothèque considé-
rable. Et, parmi tant de livres, mare
rrtagnum, je me plais à mettre à part
un certain nombre de livres qui ne sont
rares que par la date de l'impression et
par la cote assez arbitraire des ama-
teurs. Par exemple, les éditions prin-
ceps des écrivains romantiques, pu-
bliés chez Randuel et mis en vente chez
les « marchands de nouveautés »,
comme on disait alors. Ce sont de très
vilains bouquins, assez mal imprjgiçs.
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Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
e NOS LEADERS
Réponse au Batinollais
J'étais à la campagne. Il faut bien
faire comme tout le monde; moi,
j'aime l)ien Paris en été, je l'avoue;
mais l'usagé. Enfin, j'étais à la cam-
pagne, et c'est pourquoi je n'ai pas ré -
pondu tout de suite à la volumineuse
lettre signée modestement : « Un Bati-
gnollais », à laquelle la Petite Répu-
blique a accordé, lundi dernier, une
modeste hospitalité de seconde page.
Mais comment n'aurais-je pas hâte
de répondre à ce Batignollais qui dé-
clare — textuel — que ce sont « les
imprécations de M. Lucien Victor-
Meunier contre les Liebnecht et les
• Bebel qui l'ont conduit au socia-
lisme »?
Quelle bouffée d'orgueil ne me mon-
terait pas à la face? J'ai conduit,
moi, — par un chemin détourné, c'est
vrai ; mais qu'importe? toute rue mène
au boulevard — quelqu'un au socia-
lisme ! J'ai conquis un Batignollais au
socialisme. A la bonne heure! Sonnez,
clairons! Batignollais, je suis content
de vous.
Je profiterai, si l'on veut bien me le
permettre, de cette occasion unique,
pour dire un dernier mot — quant à
présent du moins — sur cette irritante
question de l'internationalisme, et
préciser une fois de plus mon attitude.
En vérité, je le remarque en passant,
et d'ailleurs sans amertume, j'ai af-
faire à des contradicteurs singulière-
ment durs d'oreilles. Quoi ! le Bati-
gnollais dont s'agit me reproche en-
core d'avoir changé de sentiments à
l'égard des Liebnecht et des Bebel?
En effet, nous sommes pas mal ici qui,
nous souvenant de l'énergique et cou-
rageuse protestation formulée par les
socialistes allemands contre l'annexion
de l'Alsace et de la Lorraine, voyions
dans les continuels progrès du socia
lisme en Allemagne un gage de paix
européenne. Nous nous disions que
l'empereur Guillaume — quelle que
put être son envie d'ajouter une con-
quête aux conquêtes de son aïeul —
hésiterait, ayant peur, s'il déchaînait
la guerre, d'avoir à lutter, en même
temps que contre ses ennemis du de-
hors, contre ses sujets socialistes.
Et nous tendions nos mains frater-
nelles à ces Allemands qui refusant
leur part de la gloire infâme acquise
dans les batailles d'il y a vingt-cinq
ans, se réclamaient avant tout de cette
patrie supérieure : l'humanité.
Telles étaient nos illusions.
Mais les Bebel et les Liebnecht se
sont chargés de nous ouvrir les yeux,
de nous rappeler à la réalité ; ils nous
ont déclaré, très haut, très net, que si
la guerre éclatait ils feraient leur de-
voir d'Allemands contre tous, contre
nous et je demande, vraiment, quels
hommes nous serions si nous, les
Français, les vaincus d'hier, nous ne
sentions pas, en présence de ces pa-
triotes-là, brûler en nous la flamme
ardente du patriotisme.
#*#
Entre ces bons Allemands et ces
bons Français que nous affirmons
être, il ne saurait plus être question de
fraternité ; voilà qui est bien certain.
De fraternité immédiate, s'entend. Car
est-il nécessaire de répéter, même au
correspondant batignollais de la Petite
République, que nous n'entendons re-
noncer en rien aux grands espoirs,
aux nobles ambitions qui sont la fierté
suprême de ceux qui les peuvent con-
cevoir ?
Aujourd'hui comme hier — et ce
sera encore notre foi demain, quoi
qu'il arrive — nous pensons qu'il y a
sur cette vieille terre assez de place
pour que tous les hommes puissent y
travailler côte à côte, sans se gêner
mutuellement, sans que l'un ait à
éprouver le besoin de voir disparaître
l'autre. Plus de frontières; tous frères;
plus de haines ; la paix universelle ;
les Etats-Unis d'Europe !.
Et maintenant, je m'adresse directe-
ment au Batignollais, je lui demande si
elle ne prendra pas bientôt fin la plai-
eanterie douteuse qui consiste à essayer
de nous mettre en contradiction avec le
grand penseur dont nous nous hono-
rons de suivre, autant que cela est en
nous, les traditions, et dont le souve-
nir plane sur ce journal. "0 qui le pré-
Oui, c'est Victor Hugo qui le pre-
mier, le 17 juillet 1851, à la tribune de
l'Assemblée législative, a prononcé
cette grande parole : les Etats-Unis
d'Europe ; mais, après la guerre, après
le vol de l'Alsace et de la Lorraine,
Victor Hugo a pensé que les choses
étaient changées. Il a écrit l'Année ter-
rible et dans l'Année terrible, s'adres-
sant à « ceux qui reparlaient de fra-
ternité », il a dit :
Quand nous serons vainqueurs, nous verrons!.
Et, plus loin, expliquant la même
pensée, il a écrit ce vers que seule,
peut-être, sa main eût osé tracer :
, U&e dernière guerre, Mlas ! il la faut, oui!
Mais est-il besoin de feuilleter l'An-
née terrible? Est-ce que Victor Hugo, à
l'Assemblée de Bordeaux, n'a pas fait
se dresser au-dessus des champs de
bataille couverts encore de cadavres
l'espérance de la revanche? N'a-t-il
pas parlé du jour où l'on verrait la
France s'élancer, ressaisir Strasbourg,
ressaisir Metz?. Non! tenez; ne tentez
plus, pour les besoins de votre cause,
mauvaise, de travestir Victor Hugo;
ne cherchez pas davantage à faire
croire que Victor Hugo est resté inter-
nationaliste le jour où l'internationa-
lisme fut devenu un crime de lèse-
patrie. — Je vous renvoie aux vers
que Victor Hugo écrivit pour la reprise
de Ruy Blas, en 1872, à l'Odéon, et
auxquels la censure épouvantée de
tant d'audace française refusa son
visa. Les connaissez-vous, Batignol-
lais, ces vers? Les voici :
Si devant le vainqueur disant : Cessons la lutte,
Paix, et restons-en là; nous disions : J'y pensais,
Oh! tout serait fini; de sa tête, ô Français,
La France arracherait de ses mains indignées
Ses cheveux, et parmi ses cheveux des poignées
D'étoiles, qui s'iraient éteindre dans la nuit.
***
Maintenant, je ne crois pas néces-
saire de répondre aux insinuations du
Batignolais. « Si, dit-il, l'amour de la
patrie devient soudainement si intran-
sigeant et si farouche, n'est-ce pas
uniquement pour mieux défendre 1 or-
ganisation capitaliste actuelle et les
intérêts capitalistes du monde entier?»
Non, monsieur; ne me supposez pas de
pensée de derrière la tête, comme on
dit; ne me croyez pas un cerveau à
double fond. Vous demandez comment
mon patriotisme a pu « approuver ou
supporter l'humiliation historique (sic)
de notre escadre et du drapeau fran-
çais à Kiel ». Je ne comprends pas —
je l'ai dit ici même lorsqu'on dis-
cutait la question de la participation
de la France aux fêtes de Kiel —
comment il pourrait résulter une
une humiliation pour une grande puis-
sance de ce fait qu'elle s'est montrée à
sa place, armée, fière, à côté de son
alliée, au milieu des nations assem-
blées. Passons : républicain socialiste
et Français je considère comme en-
nemi l'empereur Guillaume II; du
jour où les Liebnecht et les Bebel se
se sont rangés, non sans enthousiasme,
parmi les soldats de cet empereur, ils
ont cessé de pouvoir prétendre à notre
amitié, - à - notre confiance. Voilà les
choses telles qu'elles sont ; sans exagé-
ration, sans acrimonie.
Je ne reproche nullement aux socia-
listes allemands d'être Allemands
avant d'être socialistes ; mais qu'ils
comprennent que nous avons, nous,
autant qu'eux et plus qu'eux le droit
et le devoir d'être Français avant tout ;
et — ceci pour terminer — qu'ils ne
viennent plus chez nous nous apporter
des paroles auxquelles nous ne pou-
vons plus croire et nous tendre des
mains que nous ne voulons plus
toucher.
LUCIEN VICTOR-MEUNIER
Nous publierons demain un article
de M. Camille Pelle tan
LES ON-DIT
CHEZ NO as
V «WnHBMEMS
- Hier, à l'Académie française, la
séance hebdomadaire du jeudi était pré-
sidée par M. Jules Claretie, directeur, as-
sisté de M. Thureau-Dangin, chancelier,
et de M. Gaston Boissier, secrétaire per-
pétuel.
Etaient présents : MM. Bertrand, le
comte d'Haussonville , Halévy, Hervé,
le duc d'Aumale, Cherbuliez , Jules Le-
maitre.
Au total, les quarante étaient dix hier.
Tous les autres étaient à la campagne.
- Lq Journal officiel publiera aujour-
d'hui une liste des personnes auxquelles le
ministre de l'intérieur a décerné des mé-
dailles d'honneur et des mentions honora-
bles, en récompense du dévouement dont
elles ont fait preuve au cours des diverses
épidémies qui ont sévi à Marseille et en
Algérie de 1893 à 1896.
- Dimanche 20 septembre, on inau-
gurera à Milly, près de Mâcon, où Lamar-
tine passa la plus grande partie de son en-
fance, un buste de l'illustre poète.
- On a de très mauvaises nouvelles
de la santé de M. Fizeau, membre de
l'Académie des sciences (section de phy-
sique générale).
- M. Albert Cim vient d'être nommé
directeur de la bibliothèque du sous-secré-
tariat des postes et télégraphes.
- Le général Billot, ministre de la
guerre, est depuis hier en villégiature au
Puits, près de Gien.; il se rendra proba-
blement aujourd'hui aux manœuvres de
cavalerie dans le Gâtinais.
.-. Le gouvernement belge a désigné
M. Quintin, docteur en médecine, de
Liège, pour le représenter au congrès in-
ternational d'hydrologie, de climatologie
et de géologie, qui se tiendra à Clermont-
Ferrand en septembre prochain.
- L'enquête sur les causes de l'in-
cendie de l'exposition de Montpellier don-
nerait à penser, paraît-il, que la malveil-
lance ne serait pas étrangère au sinistre.
-—— Les 2 et 5 août derniers, il était
procédé, dans la commune de Saint-Rome-
de-Dolan (Lozère), à deux publications de
mariage, qui devaient être célébrés en cette
mairie.
Les futurs du premier mariage se sont
donc présentés à la mairie le 22 août. Le
maire a dû les renvoyer en leur avouant
qu'il n'y avait pas de place sur les regis-
tres de la mairie pour les marier : il a, en
même temps, délivré au fiancé le certificat
dont teneur suit :
« Le maire de la commune de Saint-
Rome de Dolan déclare à n'importe qui
qu'il est absolument dans l'impossibilité
de marier le sieur Clément-Ferdinand Me-
met, tailleur à Aguessac, avec Marie-Julie
Pages, les registres de l'état civil étant
terminés.
» D'autres feuilles demandées à la sous-
préfecture arriveront incessamment. —
Fait à Saint-Rome, le 22 août 1896. Le
maire, Monestier. »
~- Je reçois la communication sui-
vante. Elle intéresse les amateurs de vin
véritable :
Monsieur le directeur,
Des commerçants en vins se présentent
chez les consommateurs comme propriétai-
res de Margaux vendant leurs propres pro-
duits. Ils envoient des circulaires dans les-
quelles ils affirment cette qualité, alors
qu'ils ne possèdent pas un pied de vigne
dans cette commune et que, le plus sou-
vent, ils n'y ont pas d'habitation.
Le conseil municipal de Margaux vient de
décider que, par les soins du maire et de
l'un des conseillers municipaux, et à l'aide
de la matrice cadastrale, il serait répondu à
toute question, d'où qu'elle vienne, relative
à la qualité de propriétaire de vignes, prise
dans les circulaires adressées au pabhc. Il
suffira de joindre à la demande de rensei-
gnements ou simplement à la circulaire sus-
pecte, le timbre-poste nécessaire à la ré-
ponse.
Vous jugerez peut-être opportun, mon-
sieur, dans l'intérêt de vos lecteurs, de por-
ter cette nouvelle à leur connaissance.
Cette lettre est signée du maire de Mar-
gaux et d'un conseiller municipal.
A L'ETRANGER
---. Mais aussi pourquoi diable traîner
ses chausses en Allemagne quand on n'y
est pas obligé ?
Le World rapporte que M. Gully,
speaker de la Chambre des communes, et
Mme Gully ont fait, en se rendant à Hom-
bourg, une expérience désagréable de la
gracieuseté des employés de la douane
allemande à Cologne.
Les deux voyageurs ayant déclaré qu us
ne transportaient aucun objet soumis aux
droits, sauf un jeu de piquet qui leur ser-
vait à tromper la longueur de la route,
l'Allemand leur apprit brutalement que
c'était là un objet de contrebande et leur
annonça qu'il allait dresser procès-verba V
Le speaker fit alors connaître sa haute
qualité, mais l'Allemand, sans égard pour
le premier membre du Parlement du
Royaume-Uni, le força d'attendre pendant
plus d'une heure quelle procès-verbal fût
rédigé et chaque carfe timbrée, puis il fit
verser aux voyageurs une amende de 20
francs.
Le Passant.
LE BOMBARDEMENT DE ZANZIBAR
La résistance de Saïd-Khalid n'aura pas
duré longtemps. Les Anglais ont bombardé
son palais hier matin et, quelques heures
après, ils étaient les maîtres de toute la
ville.
L'affaire de Zanzibar, née d'hier, est donc
aujourd'hui virtuellement terminée.
Pour qu'on puisse en comprendre l'origine
et la nature, nous demandons à nos lecteurs
la permission de faire précéder le récit de la
bataille d'un court préambule rappelant
dans quelles conditions s'est engagée la
lutte.
Les sultans qui régnent ou pour mieux
dire qui régnaient hier encore à Zanzibar —
car on ne sait pas si l'Angleterre ne va pas
prononcer la déchéance de leur dynastie —
ne tenaient pour la plupart leur couronne
que d'une tasse de « mauvais café ».
En huit ans, cinq princes se sont ainsi suc-
cédé sur le trône sans qu'on ait jamais pu
connaître au juste le dessous des sanglantes
tragédies qui se tramaient dans l'ombre de
leurs harems.
Le dernier d'entre eux, Hammed ben The-
vaïn, n'a pas échappé au sort commun de
ses prédécesseurs.
Proclamé sultan par l'agent britannique,
il y a trois ans, contre les prétentions de
son cousin Saïd-Khalid, il s'était vu bientôt
en butte à l'inimitié déclarée de celui-ci.
11 y a succombé dernièrement et Khalid,
résolu à ne pas se laisser ravir le trône une
seconde fois, s'est empressé de s'emparer
du palais et de déclarer qu'on ne l'en ferait
pas sortir vivant.
Les Anglais ne pouvaient évidemment
pas supporter qu'on se jouât d'eux avec nne
pareille désinvolture.
Ils ont donc sommé le nouveau sultan de
se rendre ; sur son refus, avec une rapidité
qui devrait donner à réfléchir à nos hommes
d'Etat, ils l'ont bombardé dans son harem
au milieu de ses soldats.
Vont-ils profiter de l'événement pour an-
nexer Zanzibar à leur empire ?
C'est possible, mais, depuis 1890, ils en
étaient déjà les maîtres sous la forme tran-
sactionnelle du protectorat et, quelque im"
portante que soit la position qu'elle leur
assure dans l'Afrique orientale, nous n'avons
pas à intervenir dans la question.
Laissons-les donc régler leurs affaires eux-
mêmes et profitons seulement des leçons
que nous pouvons tirer de leur exemple.
ANDRÉ HONNORAT.
LE COMBAT D'HIER
Un ultimatum a été signifié avant-hier
par l'autorité britannique à Saïd Khalid.
Aux termes de ce document, le palais de-
vait être bombardé, hier jeudi, si Khalid
n'amenait son pavillon et n'opérait sa red-
dition avant neuf heures du matin.
Khalid n'ayant pas répondu à cette som-
mation le bombardement du palais a com-
mencé à l'heure dite. Il a duré cinquante
minutes, pendant lesquelles une canonnade
très nourrie a été dirigée contre le palais
par le cuirassé Racoon, et les canonnières
Thrush et Sparrow.
Les rebelles étaient en force et bien ar-
més ; ils ripostaient derrière des barricades
par un feu très soutenu.
Le vapeur appartenant au sultan a ouvert
le feu sur les navires de guerre anglais
pendant le bombardement. Il a été coulé, et
Khalid, avec un de ses chefs, s'est réfugié
au consulat allemand.
Le palais et la vieille maison des douanes
sont en ruines.
Les marins anglais, aussitôt descendus
à terre, se sont occupés d'éteindre le feu du
palais, tandis que des détachements ramas-
saient les cadavres des rebelles tués pen-
dant l'action.
, Les combats isolés continuent aux envi-
rons de la ville, où le capitaine Raikes, de
l'armée zanzibarienne, se maintient avec
quatre cents soldats restés fidèles à l'An-
gleterre.
Quarante soldats de l'infanterie de ma-
rine occupent les routes principales. Les
affaires sont complètement suspendues et
il est impossible de prévoir quand l'ordre
se rétablira.
Le chiffre des pertes est inconnu.
On croit que si les Anglais n'annexent pas
l'ile, c'est un proche parent d'Hamed ben
Twain, nommé Saïd ben Hamoud, qu'ils
porteront sur le trône.
Pendant l'action, le navire de guerre ita-
lien Volturno a débarqué un petit détache-
ment de marins pour protéger le consulat
italien.
Notons que d'après une dépêche de Lon-
dres Saïd-Khalid aurait été capturé.
DERNIÈRE HEURE
Une dépêche de Zanzibar annonce que la
seule perte subie par les Anglais a été un
sous-officier blessé.
Les pertes de liennexpi sont considérables.
Les Anglais ont proclamé Hamoud, cousin
du sultan décédé.
COMME AU SEIZE-MAI
Le Phare du littoral raconte qu'à Nice M.
Henry, préfet des Alpes-Maritimes, a inter-
dit le chant de la Maseillaise et en a même
interdit la musique.
On ne peut, dit notre confrère, expliquer
la frénésie avec laquelle le central de Nice
menace de se ruer sur les paisibles citoyens
qui ne croient pas mal faire en chantant
l'hymne de Rouget de l'Isle. La Marseillaise
est décrétée par le préfet chant séditieux :
c'est un retour au 16 mai.
UN ATTENTAT A CONSTANTINOPLE
Un événement dont on a tout d'abord
exagéré l'importance est survenu avant-hier
à Constantinople.
La Banque ottomane a été envahie, vers
une heure du matin, par une quarantaine
d'Arméniens. La Banque n'était gardée que
par le service ordinaire de surveillance
qu'on y installait toutes les nuits.
Après quelques heures, la police est par-
venue à déloger les agresseurs. Les dépê-
ches n'indiquent pas que Jes caisses aient
été pillées, ni qu'il y ait eu de graves vio-
lences sur les personnes. Elles disent seule-
ment que les agresseurs sont des anarchis-
tes arméniens et qu'une bombe a éclaté au
même moment à Péra, tuant et blessant
plusieurs soldats.
L'attentat a provoqué une vive émotion
dans le quartier de Constantinople où se
trouvent les bureaux de la Banque et, dans
les rues, l'effervescence est grande entre
Arméniens et Turcs.
Le grand-vizir, dès la première heure, a
assuré les représentants des puissances
qu'il garantissait l'ordre dans la ville.
Les ambassadeurs ont pris toutefois, en
prévision des troubles qui pourraient se pro-
duire, quelques précautions. Ils ont fait dé-
barquer des marins pour garder leurs hô-
tels.
M. Hanotaux, ministre des affaires étran-
gères, a été informé que notre ambassadeur
avait demandé au commandant du station-
naire douze matelots qui ont été placés dans
les bureaux de l'ambassade.
D'autre part, le ministre des affaires
étrangères a demandé à son collègue de la
marine, l'amiral Besnard, de donner l'ordre
au second stationnaire, qui avait été envové
dans les eaux de la Crète, de retourner à
Constantinople.
RETOUR DE LA MISSION VERSEPUY
M. Maurice - Versepuy, qui accompagné
M. de Romans, vient de traverser, au mi-
lieu des plus grands dangers, le continent
africain, d'un océan à l'autre, est arrivé à
onze heures, hier matin, à Paris, venant de
Lisbonne, par le Sud-express.
M. Maurice Versepuy, à son arrivée, était
dans un mauvais état de santé, très affaibli
par son voyage et miné par les fièvres; le
courageux voyageur ne s'est arrêté que
quelques minutes dans la gare du Nord, par
laquelle il est reparti pour aller dans sa
famille se rétablir.
L'explorateur a ramené du continent afri-
cain un jeune nègre Massai, qui est d'une
remarquable intelligence et a mérité, par
son dévouement au milieu des plus pénibles
épreuves, l'affection de M. Versepuy.
A la gare du Nord, le voyageur a été reçu
par M. Gauthiot, secrétaire général de la
Société de géographie commerciale, qui, au
nom de cette société a félicité chaudement
le hardi pionnier.
C'est la deuxième fois seulement que ce
voyage a été entièrement accompli par un
Français.
Parti de Monbosa le 7 juillet 1895, M. Ver-
sepuy, au milieu de difficultés extraordi-
naires et de peuplades hostiles et pillardes,
arriva au lac Victoria Nianza, après avoir
traversé les massifs montagneux do Kili-
mandjoro et du Koeilia. Manquant d'embar-
cations et ne trouvant aucune aide parmi
les autorités de la région, la mission dut
contourner l'immense lac, en suivant la rive
nord. Traversant ensuite l'Ouganda, elle
parvint au lac Albert qu'elle traversa, dé-
arquant à Xatwé. A partir de ce moment,
la mission se trouve en pays inexploré, elle
suit et détermine le cours du Sembiki puis
de l'Itimee, enfin en descendant l'ltawin,
arrive au fleuve du Congo, au-dessous des
Stanley falls, à Bazongo.
Là, M. Versepuy, qui avait triomphé des
embûches, qui avait passé à travers des
bandes armées sans s'arrêter, est pris par
les fièvres. Il ne s'arrête cependant pas et,
avec un courage surhumain, continue son
- voyage.
Il descend le Congo et arrive enfin à
Borna, où le gouverneur de l'état libre du
Congo, saisi de pitié et d'admiration, met à
la disposition de la mission, son propre ca-
not, qui le conduit jusqu'à Cabinda, d'où
M. Versepuy s'embarque pour l'Europe.
Le voyage avait duré treize mois.
LES TROIS DOUZE
M. De Selves, préfet de la Seine, a profité
de la réunion du bureau du conseil munici-
pal, dont nous parlons d'autre part, pour
porter à la connaissance de ses membres le
résultat de l'enquête qu'il avait confiée à
M. Defrance, sur l'application du système
des trois douze aux employés de l'octroi.
Ce rapport sera étudié prochainement par
le bureau du conseil et la sous-commission
de l'octroi, ainsi que nous l'avions annoncé
ces jours derniers et tout porte à croire que
ce système sera applique partiellement le
1er octobre dans la division sud.
00-
LE VOYAGE DU TSAR
A VIENNE
Les Viennois ont fait à l'empereur et à
l'impératrice de Russie une chaleureuse ré-
ception.
Mâts, drapeaux, fleurs, obélisques, arcs
de triomphe, rien n'a été épargné pour don-
ner à la ville un aspect souriant. Seul, le
soleil s'est obstinément refusé à participer
à la fête.
Dès la première heure, la foule s'est ré-
pandue dans la Praterstrasse et la Ring-
strasse, sur le long parcours qui mène de la
gare du Nord à la porte de la Burg. Peu
après, les troupes sont arrivées à leur tour
et, immédiatement, elles se sont alignées
sur trois rangs, séparant ainsi les ourieux
de la chaussée par une épaisse haie.
Quelques instants plus tard, — à dix heu-
res vingt-six exactement, — le train impé-
rial arrivait aux sons de l'Hymne russe.
Les souverains et l'archiduc Othon se
sont aussitôt postés à la portière du wagon
impérial. L'impératrice Alexandra est appa-
rue. L'empereur lui a tendu la main pour
l'aider à descendre. Puis, Nicolas II, en uni-
forme autrichien, l'a suivie.
Les deux empereurs se sont embrassés
deux fois très cordialement. Les deux im-
pératrices se sont aussi fait l'une à l'autre
un très cordial accueil.
L'empereur François-Joseph a ensuite
baisé la main de l'impératrice de Russie,
et l'empereur Nicolas celle de l'impératrice
d'Autriche.
A midi et demi, l'empereur et l'impératrice
de Russie se sont rendus à l'ambassade de
Russie où ils ont été reçus très respectueu-
sement par le comte Kapnist, ambassadeur,
et la comtesse sa femme.
Le déjeuner a eu un caractere absolument
intime. Outre l'empereur et l'impératrice de
Russie, la liste des convives comprenait le
comte et la comtesse Kapnist, la comtesse
Steinbœck, la comtesse Dolgorouki, les
aides de camp généraux Obolcnski, Vo-
rontsof-Dachkof et Richter, et la princesse
Galitzine.
Après le déjeuner, l'empereur et l'impéra-
trice ont visité les travaux de la nouvelle
église de 1 ambassade de Russie et sous la
conduite des archiprêtrcs Nikolaïewski et
Karnasevitch.
Ils ont quitté l'hôtel de l'ambassade à une
heure trois quarts dans une voiture fermée
et ont fait des visites aux membres de la
famille impériale d'Autriche.
A trois heures et demie, le tsar a reçu en
audience spéciale les ministres : comte Go-
luchowski, de Krieghammer, Kallay, puis
les deux présidents du conseil : comte Ba-
deni et baron Banffy, et les deux ministres
de la défense : de Welsersheimb et baron
Fejervary.
Le soir, au grand dîner qui a eu lieu à la
Hofburg, la table était dressée en fer à
cheval.
Les deux impératrices présidaient ; la tsa-
rine était assise à la droite de l'impératrice
Elisabeth ; l'empereur d'Autriche à la droite
de la tsarine.
Les deux impératrices causèrent beaucoup
durant le repas.
La tsarine portait une robe rose constellée
de brillants innombrables, et une aigrette de
diamants.
L'impératrice Elisabeth, vêtue de noir,
portait le grand-cordon.de l'ordre de Cathe-
rine.
Ce repas comportait 70 couverts.
La musique du régiment d'iafanterie
Alexandre III jouait.
A BRESLAU
Le Tagebïatt assure que le tsar a exprimé
le dÚsjr d'avoir une entrevue avec le prince
de Bismarck. Il est incertain, si le pro-
gramme déjà très chargé et, d'autre part, la
santé de l'ancien chancelier permettront de
réaliser ce projet.
A PARIS
C'est par erreur qu'il a été dit que le gou-
vernement devra attendre la fin des vacan-
ces du conseil d'Etat pour lui soumettre les
crédits nécessaires pour le séjour en France
du tsar et de l'impératrice de Russie.
Dès qu'il aura approuvé le programme
et arrêté le chiffre des crédits destinés à y
faire face, le gouvernement enverra ces cré-
dits au conseil d'Etat où une chambre des
vacations, analogue à celle des tribunaux,
en autorisera l'ouverture en l'absence des
Chambres, les crédits étant de ceux qui sont
visés par la loi du 14 décembre 1879, à
charge pour le gouvernement de les faire
ratifier par le Parlement dès la rentrée.
Au conseil municipal, le bureau s'est
réuni hier, vers quatre heures, sous la pré-
sidence de M. Landrin, vice-président, rem-
plaçant M. Baudin, président, en congé.
On a envisagé les mesures à prendre pour
la réception du tsar lors de son passage à
Paris, mais aucune décision n'a été prise, le
bureau du conseil n'ayant pas été averti
officiellement de la date d'arrivée de l'em-
pereur de Russie à Paris. Une autre réunion
sera tenue prochainement, après le retour
du président du conseil.
A l'ambassade de Russie, où le tsar rési-
dera pendant son séjour parmi nous, les ou-
vriers ont déjà pris possession de l'im-
meuble, pour y exécuter les travaux néces-
saires à la réception de l'empereur. Actuel-
lement, une équipe d'ouvriers peintres est
occupée à nettoyer et à repeindre la façade
extérieure de l'hôtel. Hier matin, des enca-
dreurs sont venus décrocher les tableaux
pour en redorer les cadres.
Ajoutons que le conseil municipal de
Cherbourg a voté des crédits illimités en
vue de l'arrlvee du tsar. De nombreux co-
mités se sont formés pour l'organisation de
fêtes de quartier.
——— ..-
LA VIE DE PARIS
Par HENRY FOUQUIER
Le baron Jérôme Pichon vient da
mourir, très âgé, dans ce vieil hôtel
Pimodan, du quai d'Anjou, qui était
lui-même une curiosité et servait da
cadre aux collections que l'amateur y
avait, à plusieurs reprises, réunies. Le
baron Pichon était un des fondateurs et
avait été pendant de longues années le
président de la Société des bibliophiles
de France. Il fut remplacé dans ces
fonctions par le duc d'Aumale qui, par
sa merveilleuse bibliothèque de Chan-
tilly, a pris rang parmi les premiers
collectionneurs du monde. Le baron
Pichon a eu ce qu'on appelle « une
bonne presse ». C'était si ce n'est un
type et un caractère, du moins une
physionomie. Il était resté, d'allures et
aussi d'idées, il faut bien le dire, très
en retard sur son temps. Il y avait en
lui quelque chose du musée des an-
tiques. D'ailleurs, c'était un amateur
compétent et passionné, assez bienveil-
lant, ayant le goût et le flair des belles
choses.
Sa carrière de collectionneur ne fut
pas toujours sans incidents. Comme il
fit, une ou deux fois, des ventes d'or-
fèvreries, de médailles et de livres, il
lui arriva d'être discuté, ce qu'il sup-
portait mal volontiers. D'habitus corpo-
ris austère, il n'en était pas moins très
curieux des belles éditions érotiques
du dix-huitième siècle. Ce fut lui, je
crois, qui acheta à un prix assez bas et
revendit très cher le fameux manuscrit
illustré de la Poupelinière, où ce finan-
cier avait eu l'idée de se faire peindre
en des postures plutôt bizarres et de
raconter lui-même ses fredaines, en
des histoires assez imbéciles. Or,
comme le baron Pichon s'était, en
même temps, livré à une campagne
contre les « mauvais livres », vous
pensez qu'on ne lui épargna pas les
épigrammes. Il se fâcha. Je ne sais
même pas s'il n'y eut pas procès ? Tout
ceci est oublié et il reste, en somme,
de lui le souvenir d'un amateur érudit,
et que la seule vanité ne poussa pas
au goût des bibelots et des livres rares,
comme il arrive trop souvent pour des
collectionneurs qui, peut-on dire, ai-
ment le prix des curiosités sans les
connaître.
Le collectionneur qui accumule des
objets d'art ou des livres, ou des can-
nes, pour obéir à la mode, parce que
c'est « chic » et cher de le faire, est un
snob peu intéressant, encore moins in-
téressant même que le collectionneur
industriel qui achète pour trafiquer et
qui, lui au moins, a les mérites d'un
commerçant habile. J'avoue que je
pousse la sévérité vis-à-vis du collec-
tionneur « poseur » jusqu'à être ravi
quand il lui arrive quelque mésaven-
ture et à ne pas trop en vouloir aux
» truqueurs », artistes souvent fort
adroits, qui leur font payer les choses
beaucoup plus cher, non parfois que
leur valeur réelle, mais que la valeur
que leur donneraient seules la marque
et l'antiquité.
Le baron Pichon n'était pas de ces
faux amateurs, ignorants, « parvenus »
de la curiosité. Il a pu se tromper et
être trompé, comme tout le monde.
Mais il s'y entendait et aimait les œu-
vres d'art et les livres.
C'est, en somme, un beau et noble goût
et il faut passer condamnation sur les
petits ridicules qu'il comporte. Toutes
les passions en ont. Les plus grands
sentiments de l'homme sont toujours
diminués par quelque puérilité qui, sou-
vent, leur ajoute du charme. Ne dit-on
pas communément que rien n'est bête
comme un amoureux? Mais sa bêtise
est touchante. De même l'amateur de
curiosités et le bibliophile ne sont pas
sans avoir des cotés de maniaque. Pour
la plupart, la manie se traduit par
l'exclusivisme outré du goût. Tel qui
acquerra à tout prix une œuvre, même
médiocre, de l'époque qui a ses préfé-
rences, ne voudra pas donner un prix
minime très avantageux, d'une très
belle chose qui n'est pas du temps au-
quel il s'est consacré. Et tous les ama-
teurs ont ce commun travers de moins
juger de la valeur intrinsèque des
choses que de s'attacher à l'ancien-
neté, à la marque de fabrique, à la
classification et à l'estimation des cata-
logues. Pour les livres, ce travers a
donné lieu à cette jolie et profonde épi-
gramme, si connue — et dont pourtant,
je l'avoue, j'ignore ou j'ai oublié l'au-
teur. C'est un bibliophile qUi parle, en
regardant un volume :
Je la tiens, Dieu, que je suis aise !
Oui, c'est la bonne édition !
Car je vois, page douze et zeize,
Les deux fautes d'impression
Qui ne sont pas dans la mauvaise.
Il est certain que ce respect de la
date, de l'antériorité, de l'édition prin-
ceps est poussé très loin pour les li-
vres, par les amateurs. Et tous, même
ceux qui veulent faire les dédaigneux,
nous en sommes là. Je ne suis pas un
bibliophile, loin de là. Mais j'ai, cepen-
dant, comme on a ses outils de travail
(et de repos aussi, car le livre est l'un
et l'autre), une bibliothèque considé-
rable. Et, parmi tant de livres, mare
rrtagnum, je me plais à mettre à part
un certain nombre de livres qui ne sont
rares que par la date de l'impression et
par la cote assez arbitraire des ama-
teurs. Par exemple, les éditions prin-
ceps des écrivains romantiques, pu-
bliés chez Randuel et mis en vente chez
les « marchands de nouveautés »,
comme on disait alors. Ce sont de très
vilains bouquins, assez mal imprjgiçs.
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