Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1896-08-27
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 27 août 1896 27 août 1896
Description : 1896/08/27 (N9666). 1896/08/27 (N9666).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/05/2013
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ANNONCES
AUX BUREAUX DU JOURNAL
131, rue Montmartre, 131
jpjtchez MM. LAGRANGE, CERF &C~
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"m dresse téléFcaphiaue : XIX' SIÈCLE - PARIS
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Wo 9636. — Jeudi 2 11 FRUCTIDOR AN 104
ADMINISTRATION: 131, rue Montmartre, 189
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NOS LEADERS
HHAMUBMBMHMB
ENCORE LA MARINE
On ne compte plus avec notre in-
croyable marine. Elle essaye un na-
ire : on s'aperçoit que le navire ne
lient pas sur l'eau, et est à refaire.
Élle chauffe une chaudière : la chau-
dière éclate, ou ses tubes se déchirent,
ou la vapeur met le feu à des subs-
tances explosibles logées précisément
,à côté. Elle fait des manœuvres : aus-
sitôt, on apprend qu'un torpilleur a
été coulé. Elle fait des exercices de tir :
ice n'est pas sur le but, mais sur l'équi-
page d'un de nos vaisseaux, à cinq
cents mètres de là, que les projectiles
tombent. Ce n'est plus toutes les
semaines qu'on a à constater quelques-
unes de ces bévues : c'est tous les
jours; et si l'on songe qu'elle en dissi-
mule la plus grande partie, qu'elle
Souue de son mieux le bruit et la lu-
mière, on se demande ce que ce serait
gi l'on savait tout. Les avaries, les
accidents sont devenus son état
ja'ormal.
**
il en était de même l'an dernier,
.comme il en sera de même l'an pro-
chain. J'ouvre un petit livre fort inté-
ressant et qu'on n'accusera pas d'es-
iprrt de panti. C'est le Carnet de l'offi-
cier de marine, recueil résumé des ren-
seignements officiels qu'un officier de
aiotre flotte doit avoir toujours sous la
imam. J'y regarde le résumé des gran-
'des manœuvres de l'an dernier. J'y
vois que l'une des trois escadres qui
avaient à faire le simulacre de la
guerre s'est trouvée absolument para-
lysée au moment d'agir, parce qu'elle
n'avait aucun navire pour l'éclairer,
tous ceux qui étaient destinés à cette
tâche s'étant trouvés à la fois avoir
quelque accident. L'un d'eux dut
même rentrer d'Ajaccio au port de
Toulon. C'eût été gai si l'on avait été
en guerre, s'il s'était agi de manœu-
vres réelles en face de l'ennemi.
Ce qu'il y a d'effrayant, c'est que le
plus simple bon sens indique qu'en
pàreil cas, les accidents et les avaries
seraient tout au moins décuplés. Pour
comprendre la portée des malheurs de
toute sorte, dont les nouvelles nous
arrivent quotidiennement, il ne faut
pas oublier qu'ils se produisent dans
les circonstances les plus favorables ;
soit dans la parfaite tranquillité d'une
rade, soit dans des exercices dont les
conditions ont été commodément exé-
cutées. Imaginez cette flotte aux ava-
riés continuelles exposée aux épreu-
vos d'une guerre véritable, contrainte
de tenir la mer par des gros temps,
risquant de recevoir les projectiles de
l'ennemi, n'ayant pas toujours les
moyens de rentrer au port pour répa-
rer ses avaries, et calculez, s'il se peut,
le nombre de catastrophes qui se pro-
duiraient inévitablement.
**
Cette pensée s'impose d'autant plus,
qu'aucun de ces navires de guerre n'a
été expérimenté dans les conditions
que la guerre réaliserait, en sorte que
personne ne sait ce que deviendrait
en pareil cas, cet outillage si difficile à
manier. Un homme qui a fait de ces
questions une étude spéciale, me fai-
sait remarquer, parexemple, qu'on n'a
jamais essayé de tirer ensemble, les
canons d'un de nos navires avec la
charge de guerre. On les essaie l'un
après l'autre. Or, le lecteur sait que
ces pièces formidables sont quelque
peu redoutables pour le vaisseau qùi
les porte. Vous devinez si leur explo-
sion, lançant à des distances étonnan-
tes des projectiles d'un poids énorme
avec une vitesse prodigieuse, secoue
la masse flottante sur laquelle la
pièce repose. C'est chose connue que
le développement soudain du gaz qui
chasse le projectile, balaye, renverse,
même à côté de la pièce, tout ce qui se
trouve à sa portée. Enfin, chaque coup
dégage des vapeurs asphyxiantes, tout
à fait intolérables pour les servants de
la pièce, si l'endroit où ils se trouvent
est renfermé. Qu'arrivera-t-il quand
les pièces de calibres divers qui se
trouvent à bord d'un de nos navires
tireront toutes à la fois? Le navire,
l'équipage pourront-ils supporter de
telles secousses? N'y aurait-il pas des
dispositions spéciales à prendre, pour
faciliter l'utilisation simultanée de
toute l'artillerie? Jamais l'expérience
n'a prononcé sur ces questions déci-
sives, qui réservent peut-être les sur-
prises les plus désastreuses.
Les navires de guerre modernes
sont à la fois des instruments d'une
puissance, d'une complexité et d'une
délicatesse incroyables. Ils contien-
nent des forces formidables, maniées
par des rouages fragiles. Il résulte
donc de leurs données mêmes une
somme extraordinaires de périls. Pour
peu que dans les mille hasards de la
guerre et du combat, sous les coups
combinés des éléments et de l'ennemi,
ces mécanismes accumulés et enche-
vêtrés, soient détruits ou mis hors de
service, voilà le navire désarmé, et
peut-être les forces terribles qu'il porte
en lui-même tournées contre lui. Il est
donc inévitable que ces engins moder-
nes courent, quand ils seront utilisés,
des dangers sans précédents. C'est la
conséquence de leur nature même. Et
l'on se demande de tous côtés si leur
première épreuve ne sera pas un ter-
rible mécompte et necondamnere pas
à tout jamais ce colossal outillage de
guerre. Mais au moins, sa première
condition d'existence c'est qu'on ne
néglige aucun des soins que la science
la plus exacte et l'attention la plus
soutenue peuvent fournir, pour res-
treindre ces faits dans la mesure du
possible. Et si des négligences in-
croyables, des bévues énormes, toutes
les suites d'une navrante désorganisa-
tion, viennent eajouter aux chances
de perte qui résultent des données
mêmes de ces grands navires, com-
ment ne seraient-ils pas voués aux
plus épouvantables désastres?
.*
Or, la France tolère, de la part de
sa marine, tous les abus et toutes les
routines. Chose inouïe! on ne réclame
même pas une responsabilité derrière
tous ces accidents. Les choses de la
marine sont arrangées, ou plutôt em-
brouillées de telle sorte que, les trois
quarts du temps, il est impossible de
savoir qui a commis la faute dont les
conséquences éclatent aux yeux. Pour
la construction des navires, par exem-
ple, on peut défier toutes les recher-
ches. Une fois qu'ils sont sur l'eau, on
s'aperçoit qu'ils ne peuvent pas tenir
debout. A qui s'en prendre? Leur plan,
cent fois manié, remanié, corrigé par
les comités, raturé tout le temps en
cours d'exécution, finit par ne plus
ressembler en rien à celui de son au-
teur nominal. D'ailleurs celui qui l'a
exécuté n'est pas celui qui l'a conçu.
Il y a une telle confusion d'actions
diverses, qu'on n'en peut plus rendre
aucune responsable. Au surplus, à
quoi cela servirait-il? On sait du reste
que si une responsabilité pouvait être
prise sur les faits, ce serait être très
exigeant que de demander qu'elle
n'obtint pas une récompense en guise
de châtiment pour la faute commise.
Avec l'esprit de solidarité qui fait cou-
vrir tous les abus, ce n'est pas assez
de déclarer innocent, celui que le pu-
blic croit coupable : il faut aussi lui
conférer quelque faveur nouvelle,
pour détourner les soupçons et le
èonsoler des charges qui pèsent sur
lui.
On s'apercevra un jour, combien
ont été criminels les gouvernements
et les Chambres qui ont toléré, perpé-
tué un si scandaleux et si rui-
neux état de choses. Puissent-ils s'en
apercevoir, avant qu'il ne soit trop
tard!
CAMILLE PELLETAN.
Nous publierons demain un article
de M. J.-L. de Lanessan
L'AFFAIRE DU « LIBERTAIRE »
C'est aujourd'hui mercredi que M. Pros-
per Guyard, gérant du Libertaire, compa-
raîtra devant la 9e chambre correctionnelle,
présidée par M. Chéreau, sous l'inculpation
d'apologie de faits qualifiés crimes. Les arti-
cles visés par la prévention et relevés
contre M. Prosper Guyard sont les articles
23, 24, 42 et 60 de la loi du 27 juillet 1888,
modifiée par la loi du 12 décembre 1893, et
les articles 1 et 3 de la loi du 29 juillet 1894.
Dans son interrogatoire, M. Guyard pré-
tendra que le Libertaire, dans ses numéros
des 15 et 21 août, a, non pas fait l'apologie
de Caserio, mais simplement retracé sa bio-
graphie et mis en relief son caractère.
Me André Frémiet assistera le gérant du
Libertaire.
M. le substitut Bloch soutiendra la pré-
vention.
LES ON-DIT
CARNET QUOTIDIEN:
A la chapelle Saint-Ferdinand, cérémonie
commémorative de la mort de Louis-Phi-
lippe.
— Durée du jour : 14 h. 56 m.
CHEZ NOUS
Contrairement à ce qui avait été
annoncé, le bureau du conseil municipal
ne s'est pas réuni hier. M. Baudin, prési-
dent, n'est pas encore rentré à Paris, et
c'est jeudi prochain seulement que les
membres du bureau, convoqués par M.
Landrin, vice-président, se réunissent.
- Hier, à l'Académie de médecine,
M. Hervieux, président, a annoncé à ses
confrères la perte que l'Académie vient de
faire en la personne du docteur Lagneau,
membre de la section d'hygiène publique,
médecine légale et police médicale, dé-
cédé hier matin.
Ses obsèques auront lieu jeudi à la Tri-
nité, à onze heures du matin.
L'assemblée se fera à la maison mor-
tuaire, 38, rue de la Chaussée-d'Antin.
—^ On vient de changer les plaques
d'une partie du boulevard de Vaugirard,
qui s'appellera dorénavant boulevard Pas-
teur. On sait que l'institut Pasteur est
établi dans ce quartier, rue Dutot.
- Le président de la République a
quitté Le Havre hier matin en compagnie
de M. Hanotaux, pour aller chasser à Saint-
Laurent-de-Brevedent, chez M. Bergerault.
Le président était de retour dans la soi-
rée au Havre.
- Dans l'après-midi d'hier M. Casi-
mir-Perier a visité l'arsenal de Cherbourg
où il a été conduit dans le canot du préfet
maritime.
-- M. Turrel, ministre des travaux
publics qui était venu à Saint-Jean-d'An-
gely pour assister aux obsèques de son
beau-père est tombé malade dans cette
ville. Il a dû retarder son retour à Paris.
Il s'agit d'ailleurs d'une simple indispo-
sition.
- M. Auguste Prost, le savant histo-
rien, ancien conseiller municipal de Metz,
décédé à Paris le 14 juillet dernier, a légué
à la Société des antiquaires de France, dont
il était membre, une somme de cent mille
francs pour l'aider dans ses publications.
—— Toutes les élégantes se procure-
ront le troisième fascicule de la belle pu-
blication Les modes du XIX0 siècle qui
contient dix planches d'au moins trois gra-
vures de la fameuse collection Guzler. Ce
troisième fascicule va de 1803 à 1829.
L'ouvrage entier, qui contiendra dix fasci-
cules, s'annonce comme un monument
unique de l'art de la mode (Ollendorff,
éditeur).
'-''-'-'" M. Eugène Gouin, sénateur, mem-
bre du conseil supérieur des habitations à
bon marché, est nommé vice-président
de ce conseil, en remplacement de feu
Jules Simon.
'- Le bâton de guimauve :
Depuis que les sergents de ville de la
brigade chargée d'ennuyer particulière-
ment les cochers, ont le fameux petit bâ-
ton blanc, ils s'en servent si peu, qu'on
croyait que cet engin allait être sup-
primé.
Mais il paraît qu'on va le conserver.pour
s'en servir avec frénésie quand l'hiver
aura ramené le mouvement sur les boule-
vards.
En attendant, on met à chaque carre-
four, une plaque avec ces mots : « Mar-
chez au pas. »
Allons, c'est très bien.
- Propos de chasse :
Notre confrère Champimont, du Chas-
seur illustré, vient d'ouvrir un plébiscite
sur la valeur, au point de vue culinaire,
des divers gibiers.
Les notes données par les votants al-
laient de o à 20, et le dépouillement du
scrutin a donné le résultat suivant :
1. La bécasse d'automne, 19,1; 2. la grive,
18,5; 3. le perdreau gris, 17,8; 4. l'alouette,
17,4; 5. la caille, 17,3; 6. la bécassine, 17,2 ;
7. le faisan (coq ou poule), 17,1; 8. le per-
dreau rouge, 17; 9. le râle de genêts, 16,7;
10.1e chevreuil (non mariné), 16,5; 11. la
sarcelle, 15; 12. la bécasse de printemps,
14,9; 13. le canard ou cane sauvage, 14,7;
14. le lièvre (en civet), 14,1; 15. le sanglier
(jeune, rôti), 12,2; 16. la perdrix (auxchoux),
11,1; 17. le lapin (avec sauce), 10,9.
Ces dix-sept animaux ont réuni chacun
plus de 1,000 suffrages, arrivés pour le
quart de la Bourgogne, pour un autre
quart de la Normandie et de la Picardie;
des autres provinces pour le troisième, et
de Paris pour le quatrième. Seul, le Midi-
n'a presque rien donné.
C'est la province qui fait triompher la
bécasse. Paris préfère le faisan.
- Les Salons de peinture et de sculp-
ture :
Voilà deux siècles que s'est intronisé
l'usage de réunir dans un local plus ou
moins vaste des mètres carrés de toile
peinte et des mètres cubes de marbre, de
plâtre ou de bronze, pour la plus grande
gloire des artistes plastiques et pour l'éton-
nement des badauds connaisseurs et autres.
Il y a eu 10 Salons sous Louis XIV, 26
sous Louis XV, 9 sous Louis XVI, 9 sous la
première République, 5 sous le premier
Empire, 6 sous la Restauration, 16 sous
Louis-Philippe, 4 sous la deuxième Répu-
bliqne, 13 sous le second Empire et 24 sous
la troisième République. Le nombre des
toiles exposées, qui était environ d'un
millier sous la Restauration, augmenta
sans cesse jusqu'en 1848, année où, le jury
étant supprimé, toutes les œuvres furent
admises. Elles étaient 5,180. Sous Napo-
léon III, la moyenne était de 3,000. Sous
la République, le chiffre qui était de 2,000
en 1872, s'éleva à 7,327 en 1880. Depuis on
est devenu plus sévère, et cette année
4,879 œuvres seulement ont été reçues.
C'est encore beaucoup.
Le Salon de 1896 était le 122e.
Ouf 1 voilà de la statistique.
A L'ETRANGER
—~ Le docteur Pincus, d'Ecosse, a ob-
servé qu'en laissant pousser les cheveux
d'une personne sans jamais les couper, la
longueur maxima obtenue variait entre 51
centimètres et 1 m. 15.
Pour la barbe, le médecin écossais a
trouvé qu'elle avait en général une vitesse
de croissance égale à 3 millimètres et 16
centièmes par semaine. En un an, elle
pousse d'environ 16 centimètres et demi.
Un homme de quatrevingts ans, qui s'est
toujours rasé, a donc — si les calculs du
docteur Pincus sont exacts — coupé de son
menton de huit à neuf mètres de barbe.
- Les huîtres et la fièvre typhoïde :
Le Daily Telegraph raconte l'histoire de
trois jeunes gens ayant mangé des huî-
tres.
M. Raymon-Georges Bennett, fils du
conseiller Bennett, et son cousin M. Tom
Bennett, en excursion à bord de leur yacht
sur la côte d'Essex, pêchèrent des huîtres
et en absorbèrent une certaine quantité.
Un de leurs amis, qui était à leur bord
n'en mangea pas.
Une partie des huîtres restant fut offerte
à M. Arthur Field, fils d'un architecte
d'Ipsiaich, qui en mangea,
MM. Bennett et Field étaient atteints le
lendemain de la fièvre typhoïde. Leur ami
qui n'avait pas touché aux huîtres est en
parfaite santé.
Le dicton qui recommande de s'abstenir
des huîtres pendant les mois sans r, serait-
il parole d'Evangile?
—— Le musée Roumianzof (tableaux et
objets d'art) de Moscou a failli être la proie
d'un incendie. La salle Panine, qui conte-
nait une précieuse collection de livres, est
complètement détruite ; les deux salles
voisines ont été endommagées par l'eau.
Le Passant.
———————————— ————————————
MORT DU SULTAN DE ZANZIBAR
Le sultan de Zanzibar est mort hier dans
cette ville.
Le sultan Hammed ben Thwain avait suc-
cédé, le 15 mars 1893, à son grand-oncle, le
sultan Sayyid Ali ben Saïd : il était petit-
fils de Twain, quatrième fils d'Isman Sayyid,
saïd de Mascate, mort en 1859.
Aussitôt que la mort du sultan a été con-
nue, Saïd-Kalid, son oncle, a pris possession
du palais et s'est proclamé sultan. Il a avec
lui 700 Ascaris armés. Il s'est barricadé dans
le palais.
Le croiseur Philomel et les canonnières
Torush et Sparzow ont débarqué des marins
à la douane et attendent pour agir les ordres
du Foreign-Office.
Toutes les dames de la colonie sont logées
au consulat britannique en prévision de
troubles.
LIRE PLUS LOIN:
La liste officielle des numéros ga-
gnants des bons de l'Exposition de
'1 BOfi.
DUE NOUVELLE AFFAIRE RABAROUST
Dans la soirée d'hier, le bruit courait que
M. Rabaroust, ancien substitut du procu-
reur de la République à Paris, qui avait eu
des démêlés avec la justice en 1891, à Area-
chon (il était alors accusé d'outrage aux
mœurs), venait d'être arrêté à nouveau,
cette fois à Paris, sous la même inculpa-
tion.
C'est rue du Mail que M. Rabaroust aurait
été arrêté dans l'après-midi d'hier.
Nos lecteurs nous pardonneront de ne pas
entrer dans les détails de cette affaire dont
les particularités, d'après les témoins, ne
sont pas imprimables.
Conduit immédiatement au commissariat
de M. Orsatii, M. Rabaroust aurait déclaré
être victime d'une erreur, mais le résultat
aurait été son arrestation préventive et son
incarcération au Dépôt.
D'après d'autres renseignements qui nous
arrivent à la dernière heure, l'affaire se
bornerait à ceci : M. Rabaroust, après avoir
été entendu par M. Atthalin, procureur de
la République, aurait déclaré être la victime
d'un chantage et aurait été remis en liberté.
LA FAMILLE ET LES ÉTATS DE SERVICE DE
M. RABAROUST
M. Rabaroust appartient à une famille de
magistrats très estimée au Palais.
Son père, M. Ernest Rabaroust, a été suc-
cessivement juge suppléant à Mantes en
1849, président du tribunal civil de Coulom-
miers en 1863 et juge au tribunal civil de la
Seine en 1879. Démissionnaire en 1891 à la
suite des affaires de son fils, il a été nommé
depuis juge honoraire près le tribunal de la
Seine.
Gendre de M. Barboux, syndic, et neveu
de Me Barboux avocat, M. Gaston Raba-
roust était entré dans la magistrature le
19 novembre 1878, en qualité de juge sup-
pléant à Péronne.
Il avait été depuis :
Juge suppléant, chargé de l'instruction,
à Nogent-le-Rotrou, le lor juillet 1879;
Juge à Nogent-le-Rotrou, le 29 juillet
1880;
Juge à Versailles, le 3 juin 1882;
Chef de cabinet de M. Guyot-Dessaignes,
pendant les quelques jours qu'il passa au
ministère de la justice, le 9 février 1889;
Substitut à Paris, le 27 février 1889 ;
Démisionnaire, le 25 février 1891.
Condamné puis acquitté en appel, M. Ra-
baroust avait dirigé une petite revue et
s'était associé dans ces dernières années au
directeur d'une agence littéraire dont il était
devenu par la suite le seul directeur.
Agé de quarante-cinq ans, il porte les
cheveux en brosse et les favoris coupés
ras. C'est un homme de taille élevee, à l'a-
bord courtois et réservé tout ensemble, —
car M. Rabaroust est très méfiant de sa
nature.
UNE PREMIÈRE AFFAIRE
Son rôle au parquet de la Seine a toujours
été assez effacé. Jamais il n'a pris la parole
dans une affaire à sensation et quand ses
collègues parlaient de lui, ils l'appelaient
régulièrement « le fils de M. Rabaroust n.
C'était là, du reste, son meilleur et son
principal titre.
Il paraît qu'il avait eu, longtemps avant
le procès qui l'a rendu célèbre, une petite
affaire, assez désagréable, rapidement
étouffée.
En 1882, alors qu'il était juge à Versailles,
il avait adressé au parquet de Versailles
une plainte en vol contre une de ses domes-
tiques. Cette femme, prétendait-il, lui avait
volé une somme d'argent assez importante.
Elle fut appelée devant un magistrat, pro-
duisit des lettres prouvant que M. Rabaroust
lui avait fait la cour et ne lui avait réelle-
ment donné la forte somme dont il s'agissait
« que parce qu'elle lui avait cédé ».
Comme bien on pense, l'affaire n'eut pas
de suite dans de semblables conditions.
LE SCANDALE D'ARCACHOI
Le 25 février 1891, M. Rabaroust était
arrêté à Arcachon, où il allait annuellement
passer l'hiver avec sa femme et ses deux
enfants, sous l'inculpation d'attentat à la
pudeur.
L'accusation disait que M. Rabaroust avait
été surpris dans la forêt qui s'avance jusqu'à
la mer, au moment où il se livrait sur un
petit garçon de treize ans environ à des
attouchements obscènes.
Une enquête fut ouverte, et des petits
garçons interrogés ont fourni des détails
révoltants sur les fantaisies lubriques de
l'accusé.
On ne se rapporta pas tout d'abord à ces
déclarations et un supplément d'enquête fut
ordonné. Le parquet de Bordeaux se trans-
porta sur les lieux, et de nombreux témoi-
gnages nouveaux furent recueillis dans la
forêt d'Arcachon et dans la ville ; parmi les
témoins se trouvait M. Bernard-Lenoir,
matelassier à Arcachon, dont le fils avait
été victime des attentats de l'inculpé.
Devant ces déclarations formelles, un
mandat d'arrêt fut lancé contre M. Raba-
roust qui, aussitôt informé, envoyé sa dé-
mission.
LE PROCÈS ET LA CONDAMNATION
Au mois de mars 1891, la cour de Bor-
deaux fut appelée à juger disciplinairement
le procès.
Les débats eurent lieu à huis-clos. Ils
furent longs et mouvementés et donnèrent
lieu à plusieurs incidents.
Le 18 mars, M. Gaston Rabaroust, re-
connu coupable d'outrages publics à la pu-
deur, était condamné à dix mois de- prison,
à deux cents francs d'amende et aux dé-
pens.
Après la lecture de l'arrêt une scène des
plus émouvantes se produisit. M. Rabaroust
père, les larmes aux yeux, mit les mains sur
les épaules du condamné et s'écria par deux
fois : Mon fils, je t'absous !
L'ARRÊT D'ACQUITTEMENT
Bien entendu, M. Rabaroust s'empressa
d'appeler du jugement qui le frappait.
L'affaire vint devant la cour d Orléans et,
le 31 juillet 1891, celle-ci rendait un arrêt
conforma aux vœux de l'ancien magistrat.
Dans cet arrêt, la cour constatait que les
déclarations des enfants étaient contradic-
toires et insuffisantes pour établir la culpa-
bilité de l'ex-substitut; qu'aucun des enfants
n'avaient pu indiquer une grande personne
qui eût été témoin des faits imputés, et en
outre qu'on avait recueilli sur leur compte
de mauvais renseignements qui représen-
taient plusieurs d'entre eux comme vicieux
et faisant métier d'assaillir les étrangers.
En conséquence, la cour décidait que la
culpabilité de M. Rabaroust n'était pas éta-
blie et le renvoyait des fins de la plainte,
sans dépens.
LA PÉTITION DE M. RABAROUST
A la suite de cet acquittement, M. Raba-
roust, dont la plus vive ambition était d'être
réintégré dans son ancienne qualité de ma-
gistrat, après de nombreuses et vaines sol-
licitations directes faites par lui et ses amis
auprès du ministre de la justice, avait
adressé à la Chambre des députés une péti-
tion pour appeler l'attention sur son cas.
Cette pétition, bien qu'ayant reçu un ac-
cueil favorable de la commission compé-
tente, n'avait du reste reçu jusqu'ici au-
cune sanction.
LE VOYAGE DU TSAR
LE DÉPART DU TSAR
L'empereur et l'impératrice de Russie,
sont partis hier de Saint-Péterbourg pour
Vienne.
Dans le train impérial ont pris place les
hauts personnages de la cour, qui doivent
les accompagner dans leur voyage, le géné-
ral Richter, chef de la maison militaire; le
prinze Lobanow Rostowsky, le comte Wo-
rouzoff-Duchkof, le général Hesse, les prin-
ces Obolensky et Dolgorouki.
Le train impérial est parti à 10 heures 30,
via Varsovie.
A PARIS
Le ministre des affaires étrangères est
rentré hier à Paris, venant du Havre où il
était allô conférer .avec le président de la
République sur la réception du tsar.
Le programme des fêtes officielles sera
donc assez prochainement fixé et ainsi que
nous le disions hier, se sera probablement
en face du rond-point de la Défense nationale
que sera installée la gare d'arrivée.
A ce propos, on nous fait observer que le
road-point de la Défense, dépendant en ma-
jeure partie de la commune de Puteaux, il
est inexact de dire que c'est par Courbevoie
que le tsar ferait ainsi son entrée dans
Paris.
En réalité, il descendrait à Puteaux et pas-
serait successivement sur le territoire des
communes de Puteaux, de Courbevoie et de
Neuilly.
En attendant que les autres détails du
programme soient arrêtés, on va toujours
placer sur la façade de l'Opéra un appareil
à gaz représentant les armes impériales
russes.
A LA MONNAIE
On sait qu'une médaille, œuvre de M.
Chaplain. de l'Institut, sera frappée, à la
Monnaie, en présence des souverains. Cette
médaille, de grand module, en or, portera
sur sa face les profils superposés de l'empe-
reur et de l'impératrice. Elle sera frappée
par le doyen des ouvriers-artistes de la
Monnaie qui est chargé précisément des
médailles commémoratives.
A VERSAILLES
Voici de nouveaux détails sur la réception
qu'on prépare à Nicolas II, à Versailles. Des
troupes seront échelonnées sur la route en-
tre Paris et la grande cour du palais. Le
cortège montera le grand escalier de mar-
bre, traversera la salle des Sacres et un
lunch sera servi dans la salle des Glaces.
Les grandes eaux joueront.
UNE SOUSCRIPTION
Les groupes syndicaux du commerce ej
de l'industrie viennent de prendre l'initiative
d'une souscription en vue d'offrir au tsar,
au nom de l'industrie et du commerce fran-
çais, un souvenir de son voyage en France.
Des circulaires ont été envoyées en grand
nombre aux présidents de toutes les cham-
bres syndicales de France avec mission de
les faire parvenir à chaque membre des
professions qu'ils représentent. Elles sont
signées des noms de MM. A. Ancelot, prési-
dent de l'Association générale des tissus et
des matières textiles.
Bertrand, président du Groupe de l'indus-
trie et du bâtiment ;
Expert-Bezançon, président du Comité
central ;
Hartmann, président de l'Union des syn-
dicats de l'alimentation en gros ;
Lanier, président du Syndicat général à
la Bourse du commerce ;
Marguery, président du Comité de l'ali-
mentation parisienne ;
Muzet, président du Syndicat général du
commerce et de l'industrie ;
Pinard, président de l'Alliance syndicale;
Charles Robert, président de l'Union syn-
dicale des compagnies d'assurances de toute
nature.
Un Livre d'Or, contenant les noms par
ordre alphabétique de tous les souscrip-
teurs, sera remis, par les soins du comité
d'initiative, au tsar, en même temps que le
souvenir qui lui sera offert par le commerce
et l'industrie français.
Les souscriptions doivent être adressées
à M. Louis Roucairol, secrétaire-trésorier,
j 1, rue d'Haute ville.
--
DUE LETTRE DE M. HÂRMËT
Nous recevons la lettre qu'on lira
plus loin, du bon jésuite appelé Harmel,
organisateur de cercles catholiques, de
pèlerinages à Rome, de ces tapages illé-
gaux auxquels il préside en écharpe.
Cette lettre me donne une raison de
plus, pour me féliciter d'avoir connu le
personnage. C'est une espèce de gens
vraiment curieuse.
Avec les adversaires des autres par-
tis, il reste quelque chose de commun :
on se bat, on se déchire, l'ardeur de la
lutte peut entraîner parfois l'emploi de
mauvais moyens — des injures exces-
sives, des altérations passionnées de
la vérité. Mais la mauvaise foi elle-
même a sa limite. Avec Bazille, cela
change : on a affaire à un animal
particulier, pour lequel l'hypocrisie ,
les restrictions mentales et toutes sor-
tes de mensonge, dont Pascal dressait
le catalogue il y a plus de deux siècles,
sont devenus des fonctions aussi natu-
relles que la respiration.
Il faut vraiment un entraînement
spécial au sieur Harmel, que j'ai vu,
de mes yeux vu, avec lequel j'ai dis-
cuté, alors que son écharpe de maire
au flanc, il essayait vaillamment de
nous faire assommer, pour nier avec
cet aplomb.
11 a osé inventer la légende qu'il
avait essayé de nous préserver des
fureurs de la foule!
La foule dont il parle, et qui n'aurait
pas pesé lourd, si nous n'avions adjuré
nos amis d'éviter de répondre aux pro-
vocations, se composait exclusivement,
au su de tous, de gens par lui embri-
gadés dans ses confréries religieuses,
discipiinés et surveillés jusqu'à l'inti-
mité du foyer domestique, pourvus cha-
cun d'une carte spéciale, indiquant le
bataillon dévot auquel ils appartien-
nent et qui ne pourraient pas lever le ,
petit doigt contre son ordre, sous
peine de perdre leur gagne pain le len-
demain.
J'ajoute que cette prétendue foule
avait été pour la circonstance rappelée
de Reims où elie avait été envovée, à
l'occasion de la fêté de Notre-Dame-de-
l'Usine ; et qu'aux scènes de tapage,
elle était surveillée par ses contremat-
tres, qui donnaient l'exemple. Car ces
choses-là se font hiérarchiquement.
J'ajoute enfin, que honteuse du mé-
tier qu'elle faisait malgré elle au profit
de son despote clérical, elle donnait
le moins possible, avec une répu-
gnance marquée ; et que loin de la rete-
nir, on perdait sa peine à l'exciter.
Le sieur Harmel — chose étonnante I
— n'ose pas nier les propos qu'il a
tenus. Ils suffiraient à le confondre.Que
dites-vous de ce maire, qui soi-disant
pour calmer les siens,nous dénie le droif
de venir dans sa commune, et quand je
lui dis :
— Mais nous sommes en France 1
Me répond :
— Non, vous êtes à Warmeriville !
Il n'ose pas nier non plus formelle^
ment qu'il n'ait marché à la tête des.
tapageurs, en faisant enfoncer les por-
tes de la réunion privée que nous avions
organisée aussitôt après l'échec de la
première. Il s'en tire par une phrase
exquise.
Je me demande pourquoi il s'est ar-
rêté en si beau chemin.
Au surplus, cet Harmel est dans son
rôle d'agent à tout faire de l'Eglise.
Mais, il organise la violence. Ayant à
s'expliquer, il fausse hardiment la vé-
rité, telle qu'elle éclatait à la lumière
du jour. Cela est dans l'ordre des cho-
ses.
Mais que dire du gouvernement soi-
disant républicain, devenu le complice
des violences et des mensonges de ces
gens là ? ,
CAMILLE PELLETAN.
Voici la lettre de M. Harmel :
On me communique l'article que M. Ca*
mille Pelletan vient de publier dans val
colonnes au sujet de Warmériville.
Le maire et l'industriel y sont confondus
dans une même réprobation, et M Pelletan,
voulant pourfendre l'un et l'autre, s'engage
dans une charge à fond qlli ne manque
point de comique. Que n'es-tu là, ô Cer.
vantes l
Franchement, il m'étonne de voir M. Pel-
letan se plaindre que les catholiques l'aient
reçu avec quelque vivacité. N'est-ce pas là
l'exemple que vous nous donnez depuis de
longues années? Votre intolérance n'a d'égale
que votre audace, et pour une fois que quel-
ques catholiques ont suivi vos exemples, il
ne faut pas vous en plaindre.
Mais ce qui inquiète M. Pelletan et ses
amis, c'est de constater qu'il se fait dans les
masses populaires comme un réveil d'éner-
gie et de protestations. Lassées des promes-
ses qui n'ont jamais été tenues, fatiguées
des aventures où on les a lancées en les
abandonnant ensuite, elles ont perdu la fol
aux prophètes, et elles le leur font compren-
dre à leur manière.
M. Pelletan savait fort bien qu'en venant
à Warmériville, il y serait reçu tout an
moins avec indifférence. Car, sous quel pa-
tronage s'est-il placé ? et à l'appel de quels
citoyens a-t-il répondu ï Le principal orga-
nisateur de sa réunion eà4 an étranger au
pays, les autres l'habitent depuis quelques
années à peine. Que vos amis veuillent bien
le remarquer, parmi les habitants de War-
mériville, ceux qui ont voulu vous donner
quelque témoignage de sympathie l'ont fait
avec une discrétion telle que vous n'avei
fait que les entrevoir : « Ils ont passé, et
déjà ils n'étaient plus. »
11 est bien regrettable, quand on a l'es-
prit et la notoriété de M. Pelletan, d'avoit
des amis qui vous tendent de pareilles em-
buscades. C'est là le cas de répéter le vieil
adage : « Délivrez-moi de mes amis En-
droits, de mes ennemis je m'en charge. »
Je me suis bien souvent demandé par
8Ë XifcfC CÎ1S-ï>r TIM Iô Numéro;'
A.
y -PARIS ET DEPARTEMENTS
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NOS LEADERS
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ENCORE LA MARINE
On ne compte plus avec notre in-
croyable marine. Elle essaye un na-
ire : on s'aperçoit que le navire ne
lient pas sur l'eau, et est à refaire.
Élle chauffe une chaudière : la chau-
dière éclate, ou ses tubes se déchirent,
ou la vapeur met le feu à des subs-
tances explosibles logées précisément
,à côté. Elle fait des manœuvres : aus-
sitôt, on apprend qu'un torpilleur a
été coulé. Elle fait des exercices de tir :
ice n'est pas sur le but, mais sur l'équi-
page d'un de nos vaisseaux, à cinq
cents mètres de là, que les projectiles
tombent. Ce n'est plus toutes les
semaines qu'on a à constater quelques-
unes de ces bévues : c'est tous les
jours; et si l'on songe qu'elle en dissi-
mule la plus grande partie, qu'elle
Souue de son mieux le bruit et la lu-
mière, on se demande ce que ce serait
gi l'on savait tout. Les avaries, les
accidents sont devenus son état
ja'ormal.
**
il en était de même l'an dernier,
.comme il en sera de même l'an pro-
chain. J'ouvre un petit livre fort inté-
ressant et qu'on n'accusera pas d'es-
iprrt de panti. C'est le Carnet de l'offi-
cier de marine, recueil résumé des ren-
seignements officiels qu'un officier de
aiotre flotte doit avoir toujours sous la
imam. J'y regarde le résumé des gran-
'des manœuvres de l'an dernier. J'y
vois que l'une des trois escadres qui
avaient à faire le simulacre de la
guerre s'est trouvée absolument para-
lysée au moment d'agir, parce qu'elle
n'avait aucun navire pour l'éclairer,
tous ceux qui étaient destinés à cette
tâche s'étant trouvés à la fois avoir
quelque accident. L'un d'eux dut
même rentrer d'Ajaccio au port de
Toulon. C'eût été gai si l'on avait été
en guerre, s'il s'était agi de manœu-
vres réelles en face de l'ennemi.
Ce qu'il y a d'effrayant, c'est que le
plus simple bon sens indique qu'en
pàreil cas, les accidents et les avaries
seraient tout au moins décuplés. Pour
comprendre la portée des malheurs de
toute sorte, dont les nouvelles nous
arrivent quotidiennement, il ne faut
pas oublier qu'ils se produisent dans
les circonstances les plus favorables ;
soit dans la parfaite tranquillité d'une
rade, soit dans des exercices dont les
conditions ont été commodément exé-
cutées. Imaginez cette flotte aux ava-
riés continuelles exposée aux épreu-
vos d'une guerre véritable, contrainte
de tenir la mer par des gros temps,
risquant de recevoir les projectiles de
l'ennemi, n'ayant pas toujours les
moyens de rentrer au port pour répa-
rer ses avaries, et calculez, s'il se peut,
le nombre de catastrophes qui se pro-
duiraient inévitablement.
**
Cette pensée s'impose d'autant plus,
qu'aucun de ces navires de guerre n'a
été expérimenté dans les conditions
que la guerre réaliserait, en sorte que
personne ne sait ce que deviendrait
en pareil cas, cet outillage si difficile à
manier. Un homme qui a fait de ces
questions une étude spéciale, me fai-
sait remarquer, parexemple, qu'on n'a
jamais essayé de tirer ensemble, les
canons d'un de nos navires avec la
charge de guerre. On les essaie l'un
après l'autre. Or, le lecteur sait que
ces pièces formidables sont quelque
peu redoutables pour le vaisseau qùi
les porte. Vous devinez si leur explo-
sion, lançant à des distances étonnan-
tes des projectiles d'un poids énorme
avec une vitesse prodigieuse, secoue
la masse flottante sur laquelle la
pièce repose. C'est chose connue que
le développement soudain du gaz qui
chasse le projectile, balaye, renverse,
même à côté de la pièce, tout ce qui se
trouve à sa portée. Enfin, chaque coup
dégage des vapeurs asphyxiantes, tout
à fait intolérables pour les servants de
la pièce, si l'endroit où ils se trouvent
est renfermé. Qu'arrivera-t-il quand
les pièces de calibres divers qui se
trouvent à bord d'un de nos navires
tireront toutes à la fois? Le navire,
l'équipage pourront-ils supporter de
telles secousses? N'y aurait-il pas des
dispositions spéciales à prendre, pour
faciliter l'utilisation simultanée de
toute l'artillerie? Jamais l'expérience
n'a prononcé sur ces questions déci-
sives, qui réservent peut-être les sur-
prises les plus désastreuses.
Les navires de guerre modernes
sont à la fois des instruments d'une
puissance, d'une complexité et d'une
délicatesse incroyables. Ils contien-
nent des forces formidables, maniées
par des rouages fragiles. Il résulte
donc de leurs données mêmes une
somme extraordinaires de périls. Pour
peu que dans les mille hasards de la
guerre et du combat, sous les coups
combinés des éléments et de l'ennemi,
ces mécanismes accumulés et enche-
vêtrés, soient détruits ou mis hors de
service, voilà le navire désarmé, et
peut-être les forces terribles qu'il porte
en lui-même tournées contre lui. Il est
donc inévitable que ces engins moder-
nes courent, quand ils seront utilisés,
des dangers sans précédents. C'est la
conséquence de leur nature même. Et
l'on se demande de tous côtés si leur
première épreuve ne sera pas un ter-
rible mécompte et necondamnere pas
à tout jamais ce colossal outillage de
guerre. Mais au moins, sa première
condition d'existence c'est qu'on ne
néglige aucun des soins que la science
la plus exacte et l'attention la plus
soutenue peuvent fournir, pour res-
treindre ces faits dans la mesure du
possible. Et si des négligences in-
croyables, des bévues énormes, toutes
les suites d'une navrante désorganisa-
tion, viennent eajouter aux chances
de perte qui résultent des données
mêmes de ces grands navires, com-
ment ne seraient-ils pas voués aux
plus épouvantables désastres?
.*
Or, la France tolère, de la part de
sa marine, tous les abus et toutes les
routines. Chose inouïe! on ne réclame
même pas une responsabilité derrière
tous ces accidents. Les choses de la
marine sont arrangées, ou plutôt em-
brouillées de telle sorte que, les trois
quarts du temps, il est impossible de
savoir qui a commis la faute dont les
conséquences éclatent aux yeux. Pour
la construction des navires, par exem-
ple, on peut défier toutes les recher-
ches. Une fois qu'ils sont sur l'eau, on
s'aperçoit qu'ils ne peuvent pas tenir
debout. A qui s'en prendre? Leur plan,
cent fois manié, remanié, corrigé par
les comités, raturé tout le temps en
cours d'exécution, finit par ne plus
ressembler en rien à celui de son au-
teur nominal. D'ailleurs celui qui l'a
exécuté n'est pas celui qui l'a conçu.
Il y a une telle confusion d'actions
diverses, qu'on n'en peut plus rendre
aucune responsable. Au surplus, à
quoi cela servirait-il? On sait du reste
que si une responsabilité pouvait être
prise sur les faits, ce serait être très
exigeant que de demander qu'elle
n'obtint pas une récompense en guise
de châtiment pour la faute commise.
Avec l'esprit de solidarité qui fait cou-
vrir tous les abus, ce n'est pas assez
de déclarer innocent, celui que le pu-
blic croit coupable : il faut aussi lui
conférer quelque faveur nouvelle,
pour détourner les soupçons et le
èonsoler des charges qui pèsent sur
lui.
On s'apercevra un jour, combien
ont été criminels les gouvernements
et les Chambres qui ont toléré, perpé-
tué un si scandaleux et si rui-
neux état de choses. Puissent-ils s'en
apercevoir, avant qu'il ne soit trop
tard!
CAMILLE PELLETAN.
Nous publierons demain un article
de M. J.-L. de Lanessan
L'AFFAIRE DU « LIBERTAIRE »
C'est aujourd'hui mercredi que M. Pros-
per Guyard, gérant du Libertaire, compa-
raîtra devant la 9e chambre correctionnelle,
présidée par M. Chéreau, sous l'inculpation
d'apologie de faits qualifiés crimes. Les arti-
cles visés par la prévention et relevés
contre M. Prosper Guyard sont les articles
23, 24, 42 et 60 de la loi du 27 juillet 1888,
modifiée par la loi du 12 décembre 1893, et
les articles 1 et 3 de la loi du 29 juillet 1894.
Dans son interrogatoire, M. Guyard pré-
tendra que le Libertaire, dans ses numéros
des 15 et 21 août, a, non pas fait l'apologie
de Caserio, mais simplement retracé sa bio-
graphie et mis en relief son caractère.
Me André Frémiet assistera le gérant du
Libertaire.
M. le substitut Bloch soutiendra la pré-
vention.
LES ON-DIT
CARNET QUOTIDIEN:
A la chapelle Saint-Ferdinand, cérémonie
commémorative de la mort de Louis-Phi-
lippe.
— Durée du jour : 14 h. 56 m.
CHEZ NOUS
Contrairement à ce qui avait été
annoncé, le bureau du conseil municipal
ne s'est pas réuni hier. M. Baudin, prési-
dent, n'est pas encore rentré à Paris, et
c'est jeudi prochain seulement que les
membres du bureau, convoqués par M.
Landrin, vice-président, se réunissent.
- Hier, à l'Académie de médecine,
M. Hervieux, président, a annoncé à ses
confrères la perte que l'Académie vient de
faire en la personne du docteur Lagneau,
membre de la section d'hygiène publique,
médecine légale et police médicale, dé-
cédé hier matin.
Ses obsèques auront lieu jeudi à la Tri-
nité, à onze heures du matin.
L'assemblée se fera à la maison mor-
tuaire, 38, rue de la Chaussée-d'Antin.
—^ On vient de changer les plaques
d'une partie du boulevard de Vaugirard,
qui s'appellera dorénavant boulevard Pas-
teur. On sait que l'institut Pasteur est
établi dans ce quartier, rue Dutot.
- Le président de la République a
quitté Le Havre hier matin en compagnie
de M. Hanotaux, pour aller chasser à Saint-
Laurent-de-Brevedent, chez M. Bergerault.
Le président était de retour dans la soi-
rée au Havre.
- Dans l'après-midi d'hier M. Casi-
mir-Perier a visité l'arsenal de Cherbourg
où il a été conduit dans le canot du préfet
maritime.
-- M. Turrel, ministre des travaux
publics qui était venu à Saint-Jean-d'An-
gely pour assister aux obsèques de son
beau-père est tombé malade dans cette
ville. Il a dû retarder son retour à Paris.
Il s'agit d'ailleurs d'une simple indispo-
sition.
- M. Auguste Prost, le savant histo-
rien, ancien conseiller municipal de Metz,
décédé à Paris le 14 juillet dernier, a légué
à la Société des antiquaires de France, dont
il était membre, une somme de cent mille
francs pour l'aider dans ses publications.
—— Toutes les élégantes se procure-
ront le troisième fascicule de la belle pu-
blication Les modes du XIX0 siècle qui
contient dix planches d'au moins trois gra-
vures de la fameuse collection Guzler. Ce
troisième fascicule va de 1803 à 1829.
L'ouvrage entier, qui contiendra dix fasci-
cules, s'annonce comme un monument
unique de l'art de la mode (Ollendorff,
éditeur).
'-''-'-'" M. Eugène Gouin, sénateur, mem-
bre du conseil supérieur des habitations à
bon marché, est nommé vice-président
de ce conseil, en remplacement de feu
Jules Simon.
'- Le bâton de guimauve :
Depuis que les sergents de ville de la
brigade chargée d'ennuyer particulière-
ment les cochers, ont le fameux petit bâ-
ton blanc, ils s'en servent si peu, qu'on
croyait que cet engin allait être sup-
primé.
Mais il paraît qu'on va le conserver.pour
s'en servir avec frénésie quand l'hiver
aura ramené le mouvement sur les boule-
vards.
En attendant, on met à chaque carre-
four, une plaque avec ces mots : « Mar-
chez au pas. »
Allons, c'est très bien.
- Propos de chasse :
Notre confrère Champimont, du Chas-
seur illustré, vient d'ouvrir un plébiscite
sur la valeur, au point de vue culinaire,
des divers gibiers.
Les notes données par les votants al-
laient de o à 20, et le dépouillement du
scrutin a donné le résultat suivant :
1. La bécasse d'automne, 19,1; 2. la grive,
18,5; 3. le perdreau gris, 17,8; 4. l'alouette,
17,4; 5. la caille, 17,3; 6. la bécassine, 17,2 ;
7. le faisan (coq ou poule), 17,1; 8. le per-
dreau rouge, 17; 9. le râle de genêts, 16,7;
10.1e chevreuil (non mariné), 16,5; 11. la
sarcelle, 15; 12. la bécasse de printemps,
14,9; 13. le canard ou cane sauvage, 14,7;
14. le lièvre (en civet), 14,1; 15. le sanglier
(jeune, rôti), 12,2; 16. la perdrix (auxchoux),
11,1; 17. le lapin (avec sauce), 10,9.
Ces dix-sept animaux ont réuni chacun
plus de 1,000 suffrages, arrivés pour le
quart de la Bourgogne, pour un autre
quart de la Normandie et de la Picardie;
des autres provinces pour le troisième, et
de Paris pour le quatrième. Seul, le Midi-
n'a presque rien donné.
C'est la province qui fait triompher la
bécasse. Paris préfère le faisan.
- Les Salons de peinture et de sculp-
ture :
Voilà deux siècles que s'est intronisé
l'usage de réunir dans un local plus ou
moins vaste des mètres carrés de toile
peinte et des mètres cubes de marbre, de
plâtre ou de bronze, pour la plus grande
gloire des artistes plastiques et pour l'éton-
nement des badauds connaisseurs et autres.
Il y a eu 10 Salons sous Louis XIV, 26
sous Louis XV, 9 sous Louis XVI, 9 sous la
première République, 5 sous le premier
Empire, 6 sous la Restauration, 16 sous
Louis-Philippe, 4 sous la deuxième Répu-
bliqne, 13 sous le second Empire et 24 sous
la troisième République. Le nombre des
toiles exposées, qui était environ d'un
millier sous la Restauration, augmenta
sans cesse jusqu'en 1848, année où, le jury
étant supprimé, toutes les œuvres furent
admises. Elles étaient 5,180. Sous Napo-
léon III, la moyenne était de 3,000. Sous
la République, le chiffre qui était de 2,000
en 1872, s'éleva à 7,327 en 1880. Depuis on
est devenu plus sévère, et cette année
4,879 œuvres seulement ont été reçues.
C'est encore beaucoup.
Le Salon de 1896 était le 122e.
Ouf 1 voilà de la statistique.
A L'ETRANGER
—~ Le docteur Pincus, d'Ecosse, a ob-
servé qu'en laissant pousser les cheveux
d'une personne sans jamais les couper, la
longueur maxima obtenue variait entre 51
centimètres et 1 m. 15.
Pour la barbe, le médecin écossais a
trouvé qu'elle avait en général une vitesse
de croissance égale à 3 millimètres et 16
centièmes par semaine. En un an, elle
pousse d'environ 16 centimètres et demi.
Un homme de quatrevingts ans, qui s'est
toujours rasé, a donc — si les calculs du
docteur Pincus sont exacts — coupé de son
menton de huit à neuf mètres de barbe.
- Les huîtres et la fièvre typhoïde :
Le Daily Telegraph raconte l'histoire de
trois jeunes gens ayant mangé des huî-
tres.
M. Raymon-Georges Bennett, fils du
conseiller Bennett, et son cousin M. Tom
Bennett, en excursion à bord de leur yacht
sur la côte d'Essex, pêchèrent des huîtres
et en absorbèrent une certaine quantité.
Un de leurs amis, qui était à leur bord
n'en mangea pas.
Une partie des huîtres restant fut offerte
à M. Arthur Field, fils d'un architecte
d'Ipsiaich, qui en mangea,
MM. Bennett et Field étaient atteints le
lendemain de la fièvre typhoïde. Leur ami
qui n'avait pas touché aux huîtres est en
parfaite santé.
Le dicton qui recommande de s'abstenir
des huîtres pendant les mois sans r, serait-
il parole d'Evangile?
—— Le musée Roumianzof (tableaux et
objets d'art) de Moscou a failli être la proie
d'un incendie. La salle Panine, qui conte-
nait une précieuse collection de livres, est
complètement détruite ; les deux salles
voisines ont été endommagées par l'eau.
Le Passant.
———————————— ————————————
MORT DU SULTAN DE ZANZIBAR
Le sultan de Zanzibar est mort hier dans
cette ville.
Le sultan Hammed ben Thwain avait suc-
cédé, le 15 mars 1893, à son grand-oncle, le
sultan Sayyid Ali ben Saïd : il était petit-
fils de Twain, quatrième fils d'Isman Sayyid,
saïd de Mascate, mort en 1859.
Aussitôt que la mort du sultan a été con-
nue, Saïd-Kalid, son oncle, a pris possession
du palais et s'est proclamé sultan. Il a avec
lui 700 Ascaris armés. Il s'est barricadé dans
le palais.
Le croiseur Philomel et les canonnières
Torush et Sparzow ont débarqué des marins
à la douane et attendent pour agir les ordres
du Foreign-Office.
Toutes les dames de la colonie sont logées
au consulat britannique en prévision de
troubles.
LIRE PLUS LOIN:
La liste officielle des numéros ga-
gnants des bons de l'Exposition de
'1 BOfi.
DUE NOUVELLE AFFAIRE RABAROUST
Dans la soirée d'hier, le bruit courait que
M. Rabaroust, ancien substitut du procu-
reur de la République à Paris, qui avait eu
des démêlés avec la justice en 1891, à Area-
chon (il était alors accusé d'outrage aux
mœurs), venait d'être arrêté à nouveau,
cette fois à Paris, sous la même inculpa-
tion.
C'est rue du Mail que M. Rabaroust aurait
été arrêté dans l'après-midi d'hier.
Nos lecteurs nous pardonneront de ne pas
entrer dans les détails de cette affaire dont
les particularités, d'après les témoins, ne
sont pas imprimables.
Conduit immédiatement au commissariat
de M. Orsatii, M. Rabaroust aurait déclaré
être victime d'une erreur, mais le résultat
aurait été son arrestation préventive et son
incarcération au Dépôt.
D'après d'autres renseignements qui nous
arrivent à la dernière heure, l'affaire se
bornerait à ceci : M. Rabaroust, après avoir
été entendu par M. Atthalin, procureur de
la République, aurait déclaré être la victime
d'un chantage et aurait été remis en liberté.
LA FAMILLE ET LES ÉTATS DE SERVICE DE
M. RABAROUST
M. Rabaroust appartient à une famille de
magistrats très estimée au Palais.
Son père, M. Ernest Rabaroust, a été suc-
cessivement juge suppléant à Mantes en
1849, président du tribunal civil de Coulom-
miers en 1863 et juge au tribunal civil de la
Seine en 1879. Démissionnaire en 1891 à la
suite des affaires de son fils, il a été nommé
depuis juge honoraire près le tribunal de la
Seine.
Gendre de M. Barboux, syndic, et neveu
de Me Barboux avocat, M. Gaston Raba-
roust était entré dans la magistrature le
19 novembre 1878, en qualité de juge sup-
pléant à Péronne.
Il avait été depuis :
Juge suppléant, chargé de l'instruction,
à Nogent-le-Rotrou, le lor juillet 1879;
Juge à Nogent-le-Rotrou, le 29 juillet
1880;
Juge à Versailles, le 3 juin 1882;
Chef de cabinet de M. Guyot-Dessaignes,
pendant les quelques jours qu'il passa au
ministère de la justice, le 9 février 1889;
Substitut à Paris, le 27 février 1889 ;
Démisionnaire, le 25 février 1891.
Condamné puis acquitté en appel, M. Ra-
baroust avait dirigé une petite revue et
s'était associé dans ces dernières années au
directeur d'une agence littéraire dont il était
devenu par la suite le seul directeur.
Agé de quarante-cinq ans, il porte les
cheveux en brosse et les favoris coupés
ras. C'est un homme de taille élevee, à l'a-
bord courtois et réservé tout ensemble, —
car M. Rabaroust est très méfiant de sa
nature.
UNE PREMIÈRE AFFAIRE
Son rôle au parquet de la Seine a toujours
été assez effacé. Jamais il n'a pris la parole
dans une affaire à sensation et quand ses
collègues parlaient de lui, ils l'appelaient
régulièrement « le fils de M. Rabaroust n.
C'était là, du reste, son meilleur et son
principal titre.
Il paraît qu'il avait eu, longtemps avant
le procès qui l'a rendu célèbre, une petite
affaire, assez désagréable, rapidement
étouffée.
En 1882, alors qu'il était juge à Versailles,
il avait adressé au parquet de Versailles
une plainte en vol contre une de ses domes-
tiques. Cette femme, prétendait-il, lui avait
volé une somme d'argent assez importante.
Elle fut appelée devant un magistrat, pro-
duisit des lettres prouvant que M. Rabaroust
lui avait fait la cour et ne lui avait réelle-
ment donné la forte somme dont il s'agissait
« que parce qu'elle lui avait cédé ».
Comme bien on pense, l'affaire n'eut pas
de suite dans de semblables conditions.
LE SCANDALE D'ARCACHOI
Le 25 février 1891, M. Rabaroust était
arrêté à Arcachon, où il allait annuellement
passer l'hiver avec sa femme et ses deux
enfants, sous l'inculpation d'attentat à la
pudeur.
L'accusation disait que M. Rabaroust avait
été surpris dans la forêt qui s'avance jusqu'à
la mer, au moment où il se livrait sur un
petit garçon de treize ans environ à des
attouchements obscènes.
Une enquête fut ouverte, et des petits
garçons interrogés ont fourni des détails
révoltants sur les fantaisies lubriques de
l'accusé.
On ne se rapporta pas tout d'abord à ces
déclarations et un supplément d'enquête fut
ordonné. Le parquet de Bordeaux se trans-
porta sur les lieux, et de nombreux témoi-
gnages nouveaux furent recueillis dans la
forêt d'Arcachon et dans la ville ; parmi les
témoins se trouvait M. Bernard-Lenoir,
matelassier à Arcachon, dont le fils avait
été victime des attentats de l'inculpé.
Devant ces déclarations formelles, un
mandat d'arrêt fut lancé contre M. Raba-
roust qui, aussitôt informé, envoyé sa dé-
mission.
LE PROCÈS ET LA CONDAMNATION
Au mois de mars 1891, la cour de Bor-
deaux fut appelée à juger disciplinairement
le procès.
Les débats eurent lieu à huis-clos. Ils
furent longs et mouvementés et donnèrent
lieu à plusieurs incidents.
Le 18 mars, M. Gaston Rabaroust, re-
connu coupable d'outrages publics à la pu-
deur, était condamné à dix mois de- prison,
à deux cents francs d'amende et aux dé-
pens.
Après la lecture de l'arrêt une scène des
plus émouvantes se produisit. M. Rabaroust
père, les larmes aux yeux, mit les mains sur
les épaules du condamné et s'écria par deux
fois : Mon fils, je t'absous !
L'ARRÊT D'ACQUITTEMENT
Bien entendu, M. Rabaroust s'empressa
d'appeler du jugement qui le frappait.
L'affaire vint devant la cour d Orléans et,
le 31 juillet 1891, celle-ci rendait un arrêt
conforma aux vœux de l'ancien magistrat.
Dans cet arrêt, la cour constatait que les
déclarations des enfants étaient contradic-
toires et insuffisantes pour établir la culpa-
bilité de l'ex-substitut; qu'aucun des enfants
n'avaient pu indiquer une grande personne
qui eût été témoin des faits imputés, et en
outre qu'on avait recueilli sur leur compte
de mauvais renseignements qui représen-
taient plusieurs d'entre eux comme vicieux
et faisant métier d'assaillir les étrangers.
En conséquence, la cour décidait que la
culpabilité de M. Rabaroust n'était pas éta-
blie et le renvoyait des fins de la plainte,
sans dépens.
LA PÉTITION DE M. RABAROUST
A la suite de cet acquittement, M. Raba-
roust, dont la plus vive ambition était d'être
réintégré dans son ancienne qualité de ma-
gistrat, après de nombreuses et vaines sol-
licitations directes faites par lui et ses amis
auprès du ministre de la justice, avait
adressé à la Chambre des députés une péti-
tion pour appeler l'attention sur son cas.
Cette pétition, bien qu'ayant reçu un ac-
cueil favorable de la commission compé-
tente, n'avait du reste reçu jusqu'ici au-
cune sanction.
LE VOYAGE DU TSAR
LE DÉPART DU TSAR
L'empereur et l'impératrice de Russie,
sont partis hier de Saint-Péterbourg pour
Vienne.
Dans le train impérial ont pris place les
hauts personnages de la cour, qui doivent
les accompagner dans leur voyage, le géné-
ral Richter, chef de la maison militaire; le
prinze Lobanow Rostowsky, le comte Wo-
rouzoff-Duchkof, le général Hesse, les prin-
ces Obolensky et Dolgorouki.
Le train impérial est parti à 10 heures 30,
via Varsovie.
A PARIS
Le ministre des affaires étrangères est
rentré hier à Paris, venant du Havre où il
était allô conférer .avec le président de la
République sur la réception du tsar.
Le programme des fêtes officielles sera
donc assez prochainement fixé et ainsi que
nous le disions hier, se sera probablement
en face du rond-point de la Défense nationale
que sera installée la gare d'arrivée.
A ce propos, on nous fait observer que le
road-point de la Défense, dépendant en ma-
jeure partie de la commune de Puteaux, il
est inexact de dire que c'est par Courbevoie
que le tsar ferait ainsi son entrée dans
Paris.
En réalité, il descendrait à Puteaux et pas-
serait successivement sur le territoire des
communes de Puteaux, de Courbevoie et de
Neuilly.
En attendant que les autres détails du
programme soient arrêtés, on va toujours
placer sur la façade de l'Opéra un appareil
à gaz représentant les armes impériales
russes.
A LA MONNAIE
On sait qu'une médaille, œuvre de M.
Chaplain. de l'Institut, sera frappée, à la
Monnaie, en présence des souverains. Cette
médaille, de grand module, en or, portera
sur sa face les profils superposés de l'empe-
reur et de l'impératrice. Elle sera frappée
par le doyen des ouvriers-artistes de la
Monnaie qui est chargé précisément des
médailles commémoratives.
A VERSAILLES
Voici de nouveaux détails sur la réception
qu'on prépare à Nicolas II, à Versailles. Des
troupes seront échelonnées sur la route en-
tre Paris et la grande cour du palais. Le
cortège montera le grand escalier de mar-
bre, traversera la salle des Sacres et un
lunch sera servi dans la salle des Glaces.
Les grandes eaux joueront.
UNE SOUSCRIPTION
Les groupes syndicaux du commerce ej
de l'industrie viennent de prendre l'initiative
d'une souscription en vue d'offrir au tsar,
au nom de l'industrie et du commerce fran-
çais, un souvenir de son voyage en France.
Des circulaires ont été envoyées en grand
nombre aux présidents de toutes les cham-
bres syndicales de France avec mission de
les faire parvenir à chaque membre des
professions qu'ils représentent. Elles sont
signées des noms de MM. A. Ancelot, prési-
dent de l'Association générale des tissus et
des matières textiles.
Bertrand, président du Groupe de l'indus-
trie et du bâtiment ;
Expert-Bezançon, président du Comité
central ;
Hartmann, président de l'Union des syn-
dicats de l'alimentation en gros ;
Lanier, président du Syndicat général à
la Bourse du commerce ;
Marguery, président du Comité de l'ali-
mentation parisienne ;
Muzet, président du Syndicat général du
commerce et de l'industrie ;
Pinard, président de l'Alliance syndicale;
Charles Robert, président de l'Union syn-
dicale des compagnies d'assurances de toute
nature.
Un Livre d'Or, contenant les noms par
ordre alphabétique de tous les souscrip-
teurs, sera remis, par les soins du comité
d'initiative, au tsar, en même temps que le
souvenir qui lui sera offert par le commerce
et l'industrie français.
Les souscriptions doivent être adressées
à M. Louis Roucairol, secrétaire-trésorier,
j 1, rue d'Haute ville.
--
DUE LETTRE DE M. HÂRMËT
Nous recevons la lettre qu'on lira
plus loin, du bon jésuite appelé Harmel,
organisateur de cercles catholiques, de
pèlerinages à Rome, de ces tapages illé-
gaux auxquels il préside en écharpe.
Cette lettre me donne une raison de
plus, pour me féliciter d'avoir connu le
personnage. C'est une espèce de gens
vraiment curieuse.
Avec les adversaires des autres par-
tis, il reste quelque chose de commun :
on se bat, on se déchire, l'ardeur de la
lutte peut entraîner parfois l'emploi de
mauvais moyens — des injures exces-
sives, des altérations passionnées de
la vérité. Mais la mauvaise foi elle-
même a sa limite. Avec Bazille, cela
change : on a affaire à un animal
particulier, pour lequel l'hypocrisie ,
les restrictions mentales et toutes sor-
tes de mensonge, dont Pascal dressait
le catalogue il y a plus de deux siècles,
sont devenus des fonctions aussi natu-
relles que la respiration.
Il faut vraiment un entraînement
spécial au sieur Harmel, que j'ai vu,
de mes yeux vu, avec lequel j'ai dis-
cuté, alors que son écharpe de maire
au flanc, il essayait vaillamment de
nous faire assommer, pour nier avec
cet aplomb.
11 a osé inventer la légende qu'il
avait essayé de nous préserver des
fureurs de la foule!
La foule dont il parle, et qui n'aurait
pas pesé lourd, si nous n'avions adjuré
nos amis d'éviter de répondre aux pro-
vocations, se composait exclusivement,
au su de tous, de gens par lui embri-
gadés dans ses confréries religieuses,
discipiinés et surveillés jusqu'à l'inti-
mité du foyer domestique, pourvus cha-
cun d'une carte spéciale, indiquant le
bataillon dévot auquel ils appartien-
nent et qui ne pourraient pas lever le ,
petit doigt contre son ordre, sous
peine de perdre leur gagne pain le len-
demain.
J'ajoute que cette prétendue foule
avait été pour la circonstance rappelée
de Reims où elie avait été envovée, à
l'occasion de la fêté de Notre-Dame-de-
l'Usine ; et qu'aux scènes de tapage,
elle était surveillée par ses contremat-
tres, qui donnaient l'exemple. Car ces
choses-là se font hiérarchiquement.
J'ajoute enfin, que honteuse du mé-
tier qu'elle faisait malgré elle au profit
de son despote clérical, elle donnait
le moins possible, avec une répu-
gnance marquée ; et que loin de la rete-
nir, on perdait sa peine à l'exciter.
Le sieur Harmel — chose étonnante I
— n'ose pas nier les propos qu'il a
tenus. Ils suffiraient à le confondre.Que
dites-vous de ce maire, qui soi-disant
pour calmer les siens,nous dénie le droif
de venir dans sa commune, et quand je
lui dis :
— Mais nous sommes en France 1
Me répond :
— Non, vous êtes à Warmeriville !
Il n'ose pas nier non plus formelle^
ment qu'il n'ait marché à la tête des.
tapageurs, en faisant enfoncer les por-
tes de la réunion privée que nous avions
organisée aussitôt après l'échec de la
première. Il s'en tire par une phrase
exquise.
Je me demande pourquoi il s'est ar-
rêté en si beau chemin.
Au surplus, cet Harmel est dans son
rôle d'agent à tout faire de l'Eglise.
Mais, il organise la violence. Ayant à
s'expliquer, il fausse hardiment la vé-
rité, telle qu'elle éclatait à la lumière
du jour. Cela est dans l'ordre des cho-
ses.
Mais que dire du gouvernement soi-
disant républicain, devenu le complice
des violences et des mensonges de ces
gens là ? ,
CAMILLE PELLETAN.
Voici la lettre de M. Harmel :
On me communique l'article que M. Ca*
mille Pelletan vient de publier dans val
colonnes au sujet de Warmériville.
Le maire et l'industriel y sont confondus
dans une même réprobation, et M Pelletan,
voulant pourfendre l'un et l'autre, s'engage
dans une charge à fond qlli ne manque
point de comique. Que n'es-tu là, ô Cer.
vantes l
Franchement, il m'étonne de voir M. Pel-
letan se plaindre que les catholiques l'aient
reçu avec quelque vivacité. N'est-ce pas là
l'exemple que vous nous donnez depuis de
longues années? Votre intolérance n'a d'égale
que votre audace, et pour une fois que quel-
ques catholiques ont suivi vos exemples, il
ne faut pas vous en plaindre.
Mais ce qui inquiète M. Pelletan et ses
amis, c'est de constater qu'il se fait dans les
masses populaires comme un réveil d'éner-
gie et de protestations. Lassées des promes-
ses qui n'ont jamais été tenues, fatiguées
des aventures où on les a lancées en les
abandonnant ensuite, elles ont perdu la fol
aux prophètes, et elles le leur font compren-
dre à leur manière.
M. Pelletan savait fort bien qu'en venant
à Warmériville, il y serait reçu tout an
moins avec indifférence. Car, sous quel pa-
tronage s'est-il placé ? et à l'appel de quels
citoyens a-t-il répondu ï Le principal orga-
nisateur de sa réunion eà4 an étranger au
pays, les autres l'habitent depuis quelques
années à peine. Que vos amis veuillent bien
le remarquer, parmi les habitants de War-
mériville, ceux qui ont voulu vous donner
quelque témoignage de sympathie l'ont fait
avec une discrétion telle que vous n'avei
fait que les entrevoir : « Ils ont passé, et
déjà ils n'étaient plus. »
11 est bien regrettable, quand on a l'es-
prit et la notoriété de M. Pelletan, d'avoit
des amis qui vous tendent de pareilles em-
buscades. C'est là le cas de répéter le vieil
adage : « Délivrez-moi de mes amis En-
droits, de mes ennemis je m'en charge. »
Je me suis bien souvent demandé par
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