Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1896-08-16
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 16 août 1896 16 août 1896
Description : 1896/08/16 (N9655). 1896/08/16 (N9655).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7564478v
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/05/2013
eiB9TO CENTÏMËS le Numéro.
PARr*'. ET DEPARTEMEI't'fS
Le Numéro, CINQ CENTIMES
LE XIX" SIECLE
AMORCES
AUX BUREAUX DU JOURNAL
131, rue Montmartre, 131
Igt chez MM. LAGRANGE, CERF& Cil
6, place de la Bourse» &
AdresBe télégraphique : XIX' SIÈCLE — PARIS
ABOIVIVEMEîVTS
Paris .', u trois loi, 6 f. Six lois, Il f. h ta, 20f.
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RÉDACTION: 131, rue Montmartre, 131
De 4 à 8 heures du soir et de 10 heurts du soir à 1 heure du matin
Ne 9655. - Dimanche 16 Août 1896
30 THERMIDOR AN 104
ADMINISTR ATIOIV : 131, rue Montmartre, tat
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
Nous commencerons demain diman-
ehe, dans notre feuilleton de la
deuxième page, la publication de
L'AFFAIRE DE LA RUE MARKOS
PAR
ÉDOUARD GACHOT
Dans ce roman parisien, écrit spé-
cialement pour nous, Edouard Ga-
chot, l'auteur de tant d'ouvrages po-
pulaires, nous guide à travers les pé-
ripéties d'une action émouvante, di-
sons même violente. Il nous fait con-
naître les dessous singulièrement
inattendus d'un crime qui fut grande-
ment célèbre et su-r lequel, malgré les
efforts de la police, la nuit la plus
épaisse s'est appesantie.
L'AFFAIRE BE LA RUE MABKOS
sera suivie avec passion par tous ceux
qui aiment les émotions fortes.
NOS LEADERS
LA DISSOLUTION
Les vacances aidant, on en est encore
aux projets de dissolution de M. Wal-
deck-Rousseau. Le bruit se répand,
qu'ils auraient pour eux une partie du
cabinet actuel; une partie seulement.
Je soupçonne fort qu'au moment d'a-
gir, personne ne se souciera plus de se
lancer dans cette aventure.
En effet, c'est en vain qu'on voudrait
en dissimuler le caractère : il s'agirait
bien d'une agression contre le pays,
comme au Seize Mai. M. Waldeck-
Rousseau, si j'ai bonne mémoire, a
cité à ce propos l'exemple de l'Angle-
terre. C'est se moquer galamment des
gens. Il n'y a aucun rapport entre les
deux situations. Tout d'abord, en An-
gleterre, le gouvernement est l'expres-
sion sincère de la majorité. La reine
se conforme aux idées manifestées par
les électeurs et représentées par les
Chambres. Chez nous, au contraire,
tous les présidents de République se
sont arrogé le droit, d'ailleurs parfai-
tement inconstitutionnel, de choisir
les cabinets d'après leurs propres pré-
férences, de les prendre très souvent
dans la minorité, de peser sur eux de
toutes façons ; et ces cabinets eux-
mêmes n'ont que par exception essayé,
même timidement, de réaliser le pro-
gramme de la Chambre. Au lieu de
suivre la pensée de la majorité, ils en-
tendent que la majorité s'incline de-
vant leur pensée.
Il en résulte des états de choses tout
à fait opposés dans les deux pays. De
l'autre côté de la Manche, ministère
et majorité sont solidaires, tous deux
tombent ensemble. Ce sont presque
toujours les élections qui changent le
gouvernement. Si, par exception, la
Chambre cesse de suivre les chefs de
parti qui l'ont emporté aux élections
précédentes, il y a là une situation si
si rare et si anormale qu'un appel au
pays s'impose.
Ces appels au pays sont d'ailleurs
rendus nécessaires par la durée nomi-
nale de la législature ; durée si longue,
qu'on ne peut guère penser à l'at-
teindre. En fait, le système anglais,
laissant au gouvernement, d'une fa-
çon constante, la faculté de désigner
le moment où le peuple sera consulté,
lui livrerait une arme terrible pour
essayer, sinon de contraindre, du
moins de surprendre la volonté na-
tionale, si les choses, en temps d'élec-
tions, se passaient comme en France.
Mais chez nos voisins, le gouverne-
ment n'essaye jamais de peser sur la
liberté des électeurs: même s'il le vou-
lait, il n'aurait aucun moyen de le
faire, puisque FAngleterre ne connait
ni notre centralisation, ni nos préfets;
il soulèverait d'ailleurs un tolle uni-
versel. On sait que quand la dissolu-
tion est prononcée, le pays fera libre-
ment connaître ses préférences. Chez
nous, on sait, au contraire, par expé-
rience, que la dissolution n'est que la
préface d'une tentative violente pour
imposer au pays, le vote que le gou-
vernement désire.
#,e#
On devine d'ailleurs ce qui se passe-
rait, si chaque crise ministérielle de-
vait être suivie d'élections nouvelles.
En France, d'une manière à peu près
constante, le gouvernement cherche à
se soustraire aux préférences de la
majorité, à ajourner les réformes
qu'elle comptait accomplir, à défendre
contre elle ses bureaux, son personnel,
les routines, les abus existants. Le
jour où il faudrait, pour le rappe-
ler à ses devoirs, ouvrir une période
d'élections générales, tout contrôle
parlementaire serait détruit. Com-
bien de députés reculeraient rien
que devant les tracas, devant les
frais d'une candidature nouvelle ! Il
faudrait être puissamment riche pour
oser voter contre le cabinet le plus
manifestement infidèle à ses devoirs.
Ainsi les ministres deviendraient les
maîtres absolus; je me trompe, il-,q se- -
raient tout à fait et exclusivement à la
merci d'un des pouvoirs publics, mais
ce serait le pouvoir du président. Le
système de dissolution, tel qu'on nous
le présente, est la forme la plus com-
plète du pouvoir personnel.
Il est surprenant d'avoir à rappeler
encore des idées aussi simples ; d'au-
tant plus que l'expérience leur a donné
une confirmation inoubliable. La dis-
solution ne nous est apparue que
comme l'arme d'un coup d'état hypo-
crite, avec M. de Mac-Mahon. On sait
du reste, que ceux qui y recourraient
de nouveau, ne le feraient pas pour
laisser leurs amis exposés à toutes les
incertitudes d'élections libres et sincè-
res. Un bon petit mouvement préfecto-
ral (qui, dit-on, était tout près ces
jours-ci) placerait à leur poste de
combat des gaillards qu'on suppo-
serait résolus à s'escrimer solidement
pour les candidats officiels. Ils traque-
raient les adversaires de toutes les fa-
çons. Ce fut un scandale, jadis, quand
ce gros Baragnon, alors sous-secrétaire
d'Etat de M. de Broglie, beugla de sa
grosse voix dans un couloir de l'As-
semblée : « Nous ferons marcher la
France. » Hélas! quel gouvernement,
chez nous, n'a hérité de cette mons-
trueuse prétention de faire marcher le
pays bon gré, mal gré?
**
C'est d'autant plus absurde que la
France n'entend marcher qu'à sa vo-
lonté et inflige de sévères leçons aux
insolents qui essayent de la faire obéir.
Il n'y a donc pas à redouter les résul-
tats d'une dissolution. Si l'on veut ris-
quer l'aventure, qu'on la risque ! On
aura lieu de s'en repentir. Mais l'im-
puissance de ces mauvais moyens
n'ôte rien à leur caractère de culpabi-
lité. Qu'il soit maladroit, absurde, fou,
de prétendre violenter un pays cons-
cient de sa force et de ses droits, cela
ne justifie en rien les auteurs de pa-
reilles entreprises. La défaite n'amnistie
pas les actes commis pour remporter
une victoire criminelle. Et l'atteinte
portée aux libertés républicaines reste
la même.
Ce n'est pas que la dissolution soit
par elle-même une mesure contraire
aux droits de la nation. Il est telle
situation inextricable où elle pourrait
s'imposer. Mais ce serait à la double
condition, que la nécessilé fût évi-
dente dans l'intérêt général, et non
dans un intérêt de parti, et qu'elle
précédàt un appel adressé loyalement
et sans pression au suffrage universel.
Ici, voulez-vous me dire de quel pré-
texte on la couvrirait? Il est vrai qu'au
printemps le pouvoir a brusquement
changé de direction à la suite d'une
crise : mais cette crise n'était pas l'œu-
vre de la Chambre ; elle était l'œuvre
du Sénat et du président de la Répu-
blique. Il est vrai aussi que depuis lors,
une réforme réclamée par le pays a
avorté. Mais cet avortement a été im-
posé, en quelque sorte, aux élus du
suffrage universel par les ministres
que le Sénat et le président lui avaient
infligés. Qui donc peut reprocher à la
Chn mbre ses faiblesses dans les deux
cas?Ce n'est assurément pas le parti qui
les a exigées d'elle et qui en a profité.
Voyez-vous M. Waldeck-Rousseau ou
M. Barthou reprochant à la Chambre de
les avoir suivis, eux ou leurs amis? Ce
serait dépasser véritablement la me-
sure de l'absurdité. Que diraient-ils
donc au pays qu'ils jetteraient, non
seulement dans les agitations des
élections générales ordinaires, mais
encore dans les émotions d'un conflit
où tous les pouvoirs publics seraient
engagés à la fois ?
La dissolution ne pourrait apparaî-
tre que comme un coup de force tenté
par des hommes qui sentent le pou-
voir leur glisser dans les mains, et qui
veulent s'en servir, avant qu'il ne leur
échappe, pour violenter le suffrage
universel. Mais il est plus qu'improba-
ble qu'elle soit même essayée. C'est le
rêve d'un parti qui se sent perdu, si les
choses suivent leur cours normal : il
s'apercevra bien vite qu'il est encore
plus perdu, s'il se précipite dans de si
périlleux hasards.
CAMILLE PELLETAN.
Nous publierons demain un article
de M. Charles Bos.
CANDEUR BELGE -
Vous avez lu, hier, ici les détails donnés
parle correspondant du Petit Bleu de Bruxel-
les, sur le camp allemand d'Elsenborn. Dites,
ne les trouvez-vous pas plus naïfs vraiment
qu'il n'est permis de l'être même à des Bel-
ges, ces officiers belges qui se demandent
à qui peu servir ce camp. A qui, bons Bel-
ges ? Il est là, soyez en sûrs, pour qne
puisse s'y rassembler l'armée que l'Allema-
gne veut pouvoir, à tout moment, jeter à
travers la Belgique sur la France.
Impossible ! disent les officiers belges ; ce"
camp, du côLé de la Belgique est une im-
passe, « pas de communication, pas de rou-
tes suffisantes. » Belges, vous poussez trop
loin la candeur ; vous croyez vraiment que
l'Allemagne est venu construire ce camp
colossal devant une porte fermée. Allons
donc ! les communications, les routes exis-
tent, vous ne les avez pas vues, voilà tout.
— On vous les montrera, à l'occasion.
Est-co d'aujourd'hui que l'hypothèse, en
cas de guerre franco-allemande, d'un coup
de mam sur notre fronticrw nord, est envi-
sagée? Non, certes. Toujours U a paru vrai-
semblable que les Allemands tentassent au
moins une diversion du côté d'Avesnes et
de Maubeuge) par exemple. Quoi donc? en
violant la neutralité de la Belgique ? Comme
les Allemands se gêneraient, s'ils se sen-
taient les plus forts. — Le camp d'Elsenborn
est une menace. Voilà la vérité ; menace
pour la Belgique, pour la France surtout.
LUCIEN VICTOR-MEUNIER.
A MADAGASCAR
Le Retour dLe M. Laroche
Dans leur réuniop d'hier, les ministres se
sont occupès très longuement de la situation
à Madagascar. De l échange de vues qui s'est
produit entre les membres du gouvernement
il résulte que dès que le général tiallieni
aura pris possession de son commandement,
M. Laroche, résident général, rentrera en
France.
Ajoutons que le ministre des colonies a
communiqué au conseil les derniers rap-
ports reçus de notre nouvelle colonie et qui
contiennent des renseignements qui justi-
fient très amplement les instructions très
énergiques données à notre nouveau com-
mandant militaire à Madagascar, le général
Gallieni.
— —
LA GARE DU QUAI D'ORSAY
M. Turrel, ministre des travaux publics,
n'ayant pas assisté au conseil des ministres,
le gouvernement a réserve l'examen du pro-
jet tendant à édifier une gare sur les ter-
rains. de l'ancienne Cour des comptas.
On annonce toutefois qu avant d'être sou-
mis au Parlement ce projet sera renvoyé à
l'étude d'une commission extraparlemen-
taire que M. Méline doit instituer très pro-
chainement.
Cette commission sera également saisie
de tous les projets concernant les trans-
ports ou toutes autres matières, préconisés
en vue de l'Exposition universelle de-1900.
LES ON-DIT
CARNET QUOrtDI&N:
Les courses : A Deauville.
- Fête des maçons et des entrepreneurs.
- Dernier délai d'inscription pour l'admission
à l'Ecole coloniale.
- Fermeture de la bibliothèque de l'Arsenal,
jusqu'au a septembre.
— Durée du jour : 15 h. 33 m.
CHEZ NOUS
- L'Exposition de 1900 :
C'est M. Edmond Moreau qui, sur la
proposition de M. Picard, commissaire gé-
néral, est chargé du service de conten-
tieux de la future Exposition univer-
selle.
- L'inhumation du corps de M. Spul-
ler déposé depuis le jour des obsèques
dans le caveau provisoire de la ville de
Paris, a eu lieu hier matin, à dix heures et
demie, au Père-Lachaise, en présence de
M. Auguste Spuller, trésorier-payeur gé-
néral de la Côte-d'Or, son frère ; de M.
Edouard Delpeuch, sous-secrétaire d'Etat
des postes et télégraphes ; de M. Duflos;
directeur de l'administration pénitentiaire
ses neveux, et des autres membres de la
famille.
La tombe de M. Spuller, située à l'an-
gle de l'avenue Circulaire et de l'avenue
de la Chapelle, est toute voisine de ceile
de son ami Burdeau.
Elle fait face au monument de la Dé-
fense nationale.
- Par décret rendu sur la proposition
dn ministre du commerce, M. Honoré,
vice-président de l'association des anciens
élèves de l'Ecole centrale des arts et manu-
factures, maire d'Epinay-sur-Orge, ancien
ingénieur des forges de Siam (Jura), ancien
directeur des papeteries et minoteries de
la Risle (Eure), directeur de la Société des
grands magasins du Louvre, est nommé
chevalier de la Légion d'honneur.
A L'ETRANGER
Certains journaux de Londres an-
noncent que le bruit court dans les cercles
bien informés que Oscar Wilde a été mis
en liberté à la suite d'un rapport fait par
les médecins de la prison et par les repré-
sentants du Home Office.
Oscar Wilde serait parti pour le conti-
nent. -.
Cette întormation n'est pas jusqu a pré-
sent confirmée.
- Pour faire prendre patience aux
pauvres :
Les biens du baron Hirsch, en Angleterre
seulement, s'élèvent à 1,372,163 livres ster-
ling, soit 34,304,075 francs.
Avec de l'économie et une bonne con-
duite.
—— La nature ayant donné à l'homme
deux pieds pour se tenir debout et pouvoir
lever sa tête vers le ciel (os homini sublime
dédit); il était à prévoir que des amateurs
de sport tenteraient de déranger tout cela.
C'est ce que deux jeunes Américains,
membres de l'Athletic Association de Ber-
kelly (Californie) vont s'efiorcer de réa-
liser.
En effet, MM. J.-C. Barry et P. Kroman
ont formé très sérieusement le projet ex-
centrique de traverser tout le continent
américain, de San-Francisco à New-York,
à quatre pattes.
Des médecins, consultés par eux, ont
pour la plupart approuvé le projet; quel-
ques-uns même enthousiastes accompa-
gneront les deux hommes transformés en
quadrupèdes, pour se livrer à une étude
spéciale du jeu des muscles.
Le départ est fixé au mois de février
prochain. Les deux voyageurs porteront
un harnachement spécial, composé d'une
forte ceinture en cuir, à laquelle leurs
pieds seront attachés et maintenus dans
une position verticale au moven d'un res- J
sort à boudin ; de genouillères formées de
tubes pneumatiques en caoutchouc et d'une
semelle en cuir, et, enfin, pour les mains
et les bras, de bottes spéciales dont les
tiges monteront jusqu'à l'épaule. La se-
melle de ces bottes, sur lesquelles repose-
ront les mains, sera, comme les genouil-
lères, en tubes pneumatiques, caoutchouc
et cuir.
Dans cet accoutrement, MM. Barry et
Kroman comptent faire de quinze à vingt
kilomètres par jour. La distance à parcou-
rir est de plus de cinq mille kilomètres. Et
comme ils se proposent de s'arrêter dans
les villes de leur itinéraire pour faire des
conférences sur cet étrange mode de loco-
motion, ils calculent que leur vojage à
quatre pattes leur demandera quatorze
mois. s'ils ne deviennent enragés en
route.
Le Passant.
Le Drame du quai de la Tournelle
TROIS VICTIMES
A Paris — Un chaussonnier qui cherche
un emploi — Désespoir
Les préparatifs funèbres-Découverte
des cadavres - L'enquête
Un drame des plus poignants s'est déroulé
hier au quartier du Jardin-des-Plantes : la
misère a fait trois nouvelles victimes.
Au numéro 27 du quai de la Tournelle ha-
bitait depuis deux ans une pauvre famille,
composée du père, Léon Guillaume, âgé de
cinquante ans, de la mère, âgée de trente-
huit ans, et d'un enfant, Marcel, âgé de huit
ans.
Guillaume était venu à Paris pour trouver
du travail ; il était chaussonnier de son mé-
tier et put difficilement s'occuper. Finale-
ment, voyant ses petites économies s'en
aller, il accepta toutes les besognes, même
les plus dures. A ce ré,
les plus dures. A ce régime il ne tarda pas à
tomber malade et, il y a huit jours, une
maladie de gorge l'obligea de s'aliter. La
femme, de son côté, était dans l'impossibi-
lité de travailler, atteinte depuis longtemps
de phtisie pulmonaire.
Avant-hier soir Guillaume, malgré la gra-
vité de son état, sortit et revint peu après
portant un gros paquet. C'était un sac à
demi-plein de charbon. La concierge, Mme
Frelon, n'eut aucun soupçon sur le mo-
ment ; mais hier, comme elle ne voyait pas
s'ouvrir la porte du logement que la famille
Guillaume occupait au quatrième étage, elle
devina le drame et, tout de suite, s en fut
prévenir le commissaire de police du quar-
tier, M. Thuilerie.
Celui-ci se rendit rue des Tournelles et fit
ouvrir la porte par un serrurier, après avoir
vainem nt frappé.
Une forte oefeur d'acide carbonique régnait
dans le logement ; la porte de la chambre à
coucher fut enfoncée et l'on aperçut alors,
étendus sur l'unique lit, trois cadavres.
L'enfant Marcel, déshabillé, était couché
dans les draps ; le père et la mère étaient
étendus tout habillés sur le lit. Tous trois
avaient cessé de vivrè et, malgré les soins
qui leur furent prodiguas, on ne put les rap-
peler à la vie.
Les malheureux s'étaient asphyxiés en
allumant un réchaud et un poêle mobile
dont les tuyaux avaient été préalablement
démontés.
Deux lettres avaient été laissées par Guil-
laume dont l'une adressée aux parents de la
femme et l'autre au commissaire de police
du quartier. Dans cette dernière lettre, le
malheureux expliquait que, malade, sans
travail, ayant épuisé toutes ses écouomies,
il préférait mourir avec sa famille.
Les trois cadavres ont été laissés dans la
chambre mortuaire ; la mise en bière aura
lieu aujourd'hui et les obsèques seront faites
aux frais du bureau de bienfaisance du quar-
tier.
LE CRIME DE ROYAT
M. Kauffmann, pharmacien à Limours
(Seine-et-Oise).a été assassiné hier, dans l'a-
près-midi, dans un bois des environs de Royat
(Puy-de-Dôme). Il était arrivé le matin de
Vichy.
Le parquet de Clermont s'est transporté à
cinq heures dans le bois de Gravenoire.
Le crime a dû être commis vers une heure
de l'après-midi, au moyen d'un instrument
contondant, dont le meurtrier a frappé M.
Kauffmann derrière la tête. On n'a trouvé
aucune trace de cette arme. Dans les poches
de Kauffmann se trouvait encore un porte-
feuille contenant 400 francs et une montre
en or, mais le porte-monnaie avait disparu.
Il est probable que l'assassin a été dérangé
au moment où il fouillait sa victime.
Le corps a été transporté, à neuf heures
du soir, à la mairie de Royat, où l'autopsie
sera faite. On suppose que M. Kauffmann
avait joué au casino de Vichy et qu'il a été
suivi par un pick-pocket qui croyait trou-
ver sur lui une somme plus élevée. j
C'est notre confrère Auguste Goutte*, criti-
que musical au journal le Soleil, qui, de pas-
sage dans le pays, trouva le premier le ca-
davre et prévint la police.
„
LE CRIME DE CHARAVINES
Yoici des détails sur le crime de Chara-
vines (Isère) dont nos dépêches ont parlé
déjà.
Hier, le chauffeur Boule, de la Compa-
gnie des chemins de fer économiques du
Nord, venait de prendre possession de sa
machine et il ouvrait le foyer, lorsqu'il
aperçut un paquet de chiffons. Il appela le
mécanicien Coiffier, et tous deux virent une
masse de chair carbonisée : on distinguait
encore une tête humaine.
Le garde de nuit, Alexis Bernard, âgé de
23 ans, fils du chef de la station au lieu dit
le 3" arrondissement, était absent lorsque le
mécanicien prit son service. En outre, le
garde de nuit, contrairement à son habi-
tude, n'avait pas réveillé le personnel du
dépôt des machines. Le mécanicien et le
chauffeur trouvèrent dans la gare les vête-
ments du garde de nuit.
Le cadavre trouvé dans le foyer était bien
celui de Bernard.
Lo malheureux a dû être assommé ou
étranglé. Les assassins, espérant faire dis-
paraitre leur victime, l'avaient jetée les pieds
en avant dans ie foyer de la locomotive.
11 ne restait que quelques ossements et
une partie du crâne carbonisés.
Sur l'ordre du parquet de Bourgoin, un
nommé Joseph Thomas, ancien garde à Cha-
ravines, que l'opinion publique désignait
comme l'auteur du crime, a été arrêté.
Une perquisition a été faite à son domicile.
On croit qu il a un complice.
On suppose que le crime a pour mobile la
vengeance ou la jalousie.
L'INCENDIE D'OSTENDE
L'église principale de la ville d'Ostende,
Saints-Pierre-et-Paul, a pris feu hier à midi.
A une heure et demie, on craignait l'écrou-
lement de la tour; jusqu'à présent, on ne
sait pas encore s'il y avait des personnes
dans l'église au moment où le feu éclata.
L'incendie est dû à des plombiers qui ré-
paraient la toiture.
Les flammes, chassées par un vent vio-
lent, se sont communiquées aux maisons
voisines.
Malgré les efforts des pompiers, l'église
Saints-Pierre-et-Paul est complètement dé-
truite.
A cinq heures du soir, on a réussi à sau-
ver le monument de la première reine des
Belges. La tour aussi est restée intacte. Le
feu a pris au jubé.
La chaire, très remarquable, a été entiè-
rement détruite, de même que le maître-
autel et un tableau de grande valeur de Phi-
lippe de Champaigne.
Un pompier a été atteint par une partie
du toit qui s'est écroulée sur lui. Il a été
transporté à l'hôpital. On espère qu'il en
réchappera.
Avis à nos abonnés
Pendant toutes les vacances, nous
servons des abonnements de villégia-
ture à raison de 2 francs par mois.
AU POLE NORD
LExpédition Nansen
Un premier télégramme que nous avons
publié hier, annonçait le retour de l'expédi-
tion Nansen, après un long séjour dans les
environs du poôle Nord.
Une nouvelle dépêche de Vardoë (Nor-
vège) en date du 14 août, nous apporte
quelques détails intéressants sur cette admi-
rable expédition :
M. Nansen et M. Johansen, son lieute-
nant, abandonnèr nt le Fram, le 14 mars
1895, par 84° de latitude Nord. pour explo-
rer la mer glaciale plus au Nord de la route
du Fram.
L'expédition, conformément à son plan,
pénétra dans la mer polaire, au Nord des
iles de la Nouvelle Sibérie, et explora la
région jusqu'à 86,15. Au-dessus du 82° degré
elle ne rencontra plus aucune terre. MM.
Nansen et Johansen redescendirent vers le
Sud et regagnèrent la terre de François-Jo-
seph, où ils hivernèrent, en se nourrissant
de viande d'ours et de lard de baleine. Là,
ils rencontrèrent l'explorateur Jackson avec
le Vùulward qui les ramena à Vardoë où ils
sont arrivés jeudi dans l'après-midi)à quatre
heures trente, en bonne santé.
On pense que le Fram, chassé par les
glaces, ne tardera pas à atterrir à Vardoë
ou à Bergen. Le Fram est un navire qui sa
comporte supérieurement dans les glaces.
Personne n'a été-malade à bord.
Le Fram, navire du docteur Nansen, qui
était dans les glaces à 84° de latitude, a été
entrainé vers l'ouest; il est attendu au Spitz-
berg. il y avait de la glace sur tous les points
où le docteur Nansen a pu parvenir; mais
elle présentait de grandes ouvertures où la
mer avait une profondeur de 3,800 mètres.
Les 190 premiers mètres d'eau étaient froids,
et il régnait plus bas une température de
1/2 degré au-dessus de zéro, ce qui provient
probablement du courant du golfe.
L'existence d'écueils inconnus jusqu'à pré-
sent a empêché le docteur Nansen de péné-
trer dans l'embouchure du fleuve Olének
avec le Fram pour prendre des chiens à
botd. 11 en est résulté que le nombre des
chiens à borda été insuffisant et que le doc-
teur - Nansen a été obligé de rebrousser
chemin après avoir atteint 86° 15' de lati-
tude. S'il avait eu assez de chiens et de
caïaques (légers bateaux pour une seule per-
sonne), il serait parvenu jusqu'au pôle Nord.
Le voyage par terre a été très fatigant.
Les résultats scientifiques sont excel-
lents.
A l'automne de 1895, le docteur Nansens'est
rendu à la côte septentrionale de la terre de
François-Joseph, où il a construit une mai-
son en pierres et où il est resté pendant tout
l'hiver.
L'expédition Jackson est arrivée au prin-
temps.
Le Dagens Nyheter, de Malmoë (Norvège),
a reçu une communication au sujet de l'ex-
plorateur Nansen. Il confirme que celui-ci et
son lieutenant, M. Johansen. sont arrivés à
Vardoë. Ils ont suivi leur route sur la glace
depuis l'époque à laquelle ils quittèrent leur
navire le Fram, le Dagens Ayhéter fixe cette
date, contrairement à la date indiquée par la
précédente dépêche — à l'automne de 1895.
Le vapeur anglais Windtvard, qui les a
ramenés en Norvège, les a recueillis comme
on sait déjà, près de la terre de François-
Joseph.
On pense que le Fram sera chassé vers la
côte orientale du Groëland.
M. Nansen n'a pas atteint le pôle nord,
mais il a poussé à quatre degrés plus au
nord que tous ses devanciers.
Le Windwurd faisait route pour aller ra-
vitailler l'expédition Jackson.
M. Jackson, chef de l'expédition au pôle
partie au secours du docteur Naussen, a en-
voyé par le capitaine du Windward un long
télégramme à Harmsworth, qui a organisé
l'expédition et qui a fourni les fonds néces-
saires.
Par suite d'inexactitude dans la carte de
Payers et de l'arrêt de ses chronomètres,
l'explorateur Naussen était hors d'état d'é-
tablir sa position. En conséquence, il s'ef-
força d'avancer à l'ouest, sur la banquise,
vers le Spitzberg.
M. Jackson le rencontra sur un champ de
glace, au sud-est du cap Flora.
Naussen, qui avait, avec son second
Johanssen, abandonné le Fram et qui s'a-
vançait au nord-est, avait atteint la latitude,
de 80° 14, ignorait la présence de Jackson et
fut très surpris de le rencontrer à la terre
de François-Joseph.
M. Jackson donne ensuite des détails sur
sa propre exploration, qui a été couronnée
de succès.
11 a parcouru le quart de la terre François-
Joseph et il y a découvert de nouvelles ré-
gions.
Un télégramme privé reçu par le journal
Unter Land. de Christiania, mande ce qui
suit «
« Lorsque M. Naussen avec le lieutenant
Johansen abandonnèrent le Fram, sans es-
poir de retour, le vaisseau chassa dans les
glaces vers l'ouest.
p, » L'expédition Jackson n'a pas pénétré
plus au nord que la terre François-Joseph,
où M. Naussen prit ses quartiers d'hiver.
» Le professeur Mohn, qui se trouve ac-
tuellement à Vardsoë, a déclaré que la con-
quête scientifique de M. Naussen est richa
d'observations et qu'elle a fixé la cartogra
phie de plusieurs iles inconnues.
» M. Naussen partira dimanche de Vardsoe.-
CHRONIQUE
Par ANDRÉ BALZ
CHOSES D'ESPAGNE
Je n'irai pas jusqu'à me réjouir des
désordres qui ont accompagné les der-
nières courses de taureaux à Perpi-
gnan et à Marseille. Mais il faut con-
venir que ces scènes de sauvagerie
sont la conséquence fatale des défail-
lances ou de la complicité de certains
ministres. Qui sème le vent récolte la
tempête.
A Perpignan, le directeur de la course
ayant substitué, pour la boucherie fi-
nale, un taureau petit et malingre à la
bête superbe dont la mort était annon-
cée sur l'affiche, le public s'est mis à
siffler, à briser les banquettes, à démo-
lir les arènes jusqu'à ce qu'il ait obtenu
satisfaction.
Marseille ne pouvait pas se laisser
battre par Perpignan. Une corrida avec
mise à mort avait été annoncée et, pour
piquer la curiosité au bon endroit, les
toréadors devaient être, pour la cir-
constance, remplacés par des « seno-
ritas toreras ». Mais au moment de
l'estocade, le cœur des femmes a failli
sans doute et les senoritas se sont pru-
demment éclipsées.
« Alors, dit un journal local, des
coups de sifflet retentissent. Une cen- -
taine de jeunes gens font irruption sur
la piste. Chaises et bancs sont arrachés
et prennent le même chemin. La police-
arrive. Elle est accueillie par une grêle
de projectiles. Les agents sont débor-
dés : sur dix points des arènes à la fois,
chaises, barrières, banquettes amon-
celées flambent et pétillent Le vélum
des premières est en flammes. Des
foyers d'incendie éclatent de toutes
parts. Les pompiers arrivent trop tard.
Tout est déjà consumé. Ce qui fut les
arènes n'existe plus qu'à l'état de
ruines. »
A la bonne heure, messieurs les « afi-
cionados », voilà du bon travail. Nous
avions jadis traité plus civilement les?
arènes de la rue Pergolèse. Mais il y a
une justice immanente et c'est folie de.
croire qu'on pourra développer au cœur
des populations les instincts les plus
sauvages sans qu'il en rejaillisse quel-
que chose sur leurs actes. Insensi-
blement les spectateurs finissent pac,
voir rouge comme les toreros et le taU"
reau lui-même.
Car, on ne saurait trop le répéter, c'est
moins encore l'animal que la loi Gram-
mont a voulu défendre que l'homme
même contre sa propre brutalité et sa
cruauté native Ainsi que l'a pu dire
très justement M. Accarias dans son
rapport à la cour de cassation, la loi
ne protège les animaux que par voie
de conséquence et en quelque sorte
d'une manière réflexe, « Sa pensée diri-
geante est que la brutalité envers les
animaux engendre la brutalité envers
l'homme lui-même et que la vue des
mauvais traitements qui leur sont in-
fligés, en même temps qu'elle révolte
les natures généreuses, développe dans
les âmes grossières les instincts de
violence et de cruauté. Le but du légis-
lateur de 1850 est donc avant tout un
but moral. »
N est-ce pas renforcer encore l'immo-
ralité de ces spectacles que d'y admet-
tre des femmes, des enfants surtout
qu'on prend plaisir à y attirer en foule
en mettant le prix des places à la por-
tée du premier âge? Les entrepreneurs
des corridas, pour mieux garnir les
banquettes, ne font payer que demi-
place aux enfants au-dessous de sept
ans estimant sans doute qu'on ne peut
les familiariser trop vite avec la vue
du sang versé 1 Et il se trouve des mè-
res pour justifier les calculs de ces in-
dustriels ! C'est dans ces conditions que
le 5 juillet dernier, le maire de Nîmes
a pu offrir à vingt mille personnes le
spectacle réconfortant de sept chevaux
tués ou éventrés sans compter les
blessés. « Et même, deux picadores
ayant été désarçonnés, leurs montu-
res, maintenues dans l'arène par des
garçons de plaza bien abrités derrière
la barrière, furent offertes aux cornes
des taureaux qui déchirèrent ces mal-
heureux animaux sous les yeux du
public. » Voilà qui doit singulièrement
éveiller le courage et la générosité au
cœur des enfants de sept ans !
Mais si l'on n'avait ni les enfants ni
les femmes, il faudrait renoncer aux
« grandes recettes ». Et que devien-
draient alors les éleveurs espagnols et
les capitaux engagés par les managers
des grandes corridas ? Tous les pré-
textes mis en avant pour justifier les
courses de taureaux peuvent faire illu-
sion aux snobs et aux imbéciles. Elles
ont tout juste autant de valeur que les
prétentions des bookmakers à l'amé-
lioration de la race chevaline. L'éle-
vage des taureaux de mort est une in-
dustrie à laquelle le marché espagnol
ne suffit plus. Elle a besoin pour pros-
pérer de passer les Pyrénées. Et c'est
précisément la seule barrière que le
protectionnisme de M. Méline n'ait pas
songé à relever.
A la faveur de cette faiblesse, nous
avons aujourd'hui des lois qui n'obli-
gent plus personne. Les municipalités
PARr*'. ET DEPARTEMEI't'fS
Le Numéro, CINQ CENTIMES
LE XIX" SIECLE
AMORCES
AUX BUREAUX DU JOURNAL
131, rue Montmartre, 131
Igt chez MM. LAGRANGE, CERF& Cil
6, place de la Bourse» &
AdresBe télégraphique : XIX' SIÈCLE — PARIS
ABOIVIVEMEîVTS
Paris .', u trois loi, 6 f. Six lois, Il f. h ta, 20f.
Départements — 7 f. — 12f. - 24f.
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Les Abonnements sont reçus sans frais
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RÉDACTION: 131, rue Montmartre, 131
De 4 à 8 heures du soir et de 10 heurts du soir à 1 heure du matin
Ne 9655. - Dimanche 16 Août 1896
30 THERMIDOR AN 104
ADMINISTR ATIOIV : 131, rue Montmartre, tat
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
Nous commencerons demain diman-
ehe, dans notre feuilleton de la
deuxième page, la publication de
L'AFFAIRE DE LA RUE MARKOS
PAR
ÉDOUARD GACHOT
Dans ce roman parisien, écrit spé-
cialement pour nous, Edouard Ga-
chot, l'auteur de tant d'ouvrages po-
pulaires, nous guide à travers les pé-
ripéties d'une action émouvante, di-
sons même violente. Il nous fait con-
naître les dessous singulièrement
inattendus d'un crime qui fut grande-
ment célèbre et su-r lequel, malgré les
efforts de la police, la nuit la plus
épaisse s'est appesantie.
L'AFFAIRE BE LA RUE MABKOS
sera suivie avec passion par tous ceux
qui aiment les émotions fortes.
NOS LEADERS
LA DISSOLUTION
Les vacances aidant, on en est encore
aux projets de dissolution de M. Wal-
deck-Rousseau. Le bruit se répand,
qu'ils auraient pour eux une partie du
cabinet actuel; une partie seulement.
Je soupçonne fort qu'au moment d'a-
gir, personne ne se souciera plus de se
lancer dans cette aventure.
En effet, c'est en vain qu'on voudrait
en dissimuler le caractère : il s'agirait
bien d'une agression contre le pays,
comme au Seize Mai. M. Waldeck-
Rousseau, si j'ai bonne mémoire, a
cité à ce propos l'exemple de l'Angle-
terre. C'est se moquer galamment des
gens. Il n'y a aucun rapport entre les
deux situations. Tout d'abord, en An-
gleterre, le gouvernement est l'expres-
sion sincère de la majorité. La reine
se conforme aux idées manifestées par
les électeurs et représentées par les
Chambres. Chez nous, au contraire,
tous les présidents de République se
sont arrogé le droit, d'ailleurs parfai-
tement inconstitutionnel, de choisir
les cabinets d'après leurs propres pré-
férences, de les prendre très souvent
dans la minorité, de peser sur eux de
toutes façons ; et ces cabinets eux-
mêmes n'ont que par exception essayé,
même timidement, de réaliser le pro-
gramme de la Chambre. Au lieu de
suivre la pensée de la majorité, ils en-
tendent que la majorité s'incline de-
vant leur pensée.
Il en résulte des états de choses tout
à fait opposés dans les deux pays. De
l'autre côté de la Manche, ministère
et majorité sont solidaires, tous deux
tombent ensemble. Ce sont presque
toujours les élections qui changent le
gouvernement. Si, par exception, la
Chambre cesse de suivre les chefs de
parti qui l'ont emporté aux élections
précédentes, il y a là une situation si
si rare et si anormale qu'un appel au
pays s'impose.
Ces appels au pays sont d'ailleurs
rendus nécessaires par la durée nomi-
nale de la législature ; durée si longue,
qu'on ne peut guère penser à l'at-
teindre. En fait, le système anglais,
laissant au gouvernement, d'une fa-
çon constante, la faculté de désigner
le moment où le peuple sera consulté,
lui livrerait une arme terrible pour
essayer, sinon de contraindre, du
moins de surprendre la volonté na-
tionale, si les choses, en temps d'élec-
tions, se passaient comme en France.
Mais chez nos voisins, le gouverne-
ment n'essaye jamais de peser sur la
liberté des électeurs: même s'il le vou-
lait, il n'aurait aucun moyen de le
faire, puisque FAngleterre ne connait
ni notre centralisation, ni nos préfets;
il soulèverait d'ailleurs un tolle uni-
versel. On sait que quand la dissolu-
tion est prononcée, le pays fera libre-
ment connaître ses préférences. Chez
nous, on sait, au contraire, par expé-
rience, que la dissolution n'est que la
préface d'une tentative violente pour
imposer au pays, le vote que le gou-
vernement désire.
#,e#
On devine d'ailleurs ce qui se passe-
rait, si chaque crise ministérielle de-
vait être suivie d'élections nouvelles.
En France, d'une manière à peu près
constante, le gouvernement cherche à
se soustraire aux préférences de la
majorité, à ajourner les réformes
qu'elle comptait accomplir, à défendre
contre elle ses bureaux, son personnel,
les routines, les abus existants. Le
jour où il faudrait, pour le rappe-
ler à ses devoirs, ouvrir une période
d'élections générales, tout contrôle
parlementaire serait détruit. Com-
bien de députés reculeraient rien
que devant les tracas, devant les
frais d'une candidature nouvelle ! Il
faudrait être puissamment riche pour
oser voter contre le cabinet le plus
manifestement infidèle à ses devoirs.
Ainsi les ministres deviendraient les
maîtres absolus; je me trompe, il-,q se- -
raient tout à fait et exclusivement à la
merci d'un des pouvoirs publics, mais
ce serait le pouvoir du président. Le
système de dissolution, tel qu'on nous
le présente, est la forme la plus com-
plète du pouvoir personnel.
Il est surprenant d'avoir à rappeler
encore des idées aussi simples ; d'au-
tant plus que l'expérience leur a donné
une confirmation inoubliable. La dis-
solution ne nous est apparue que
comme l'arme d'un coup d'état hypo-
crite, avec M. de Mac-Mahon. On sait
du reste, que ceux qui y recourraient
de nouveau, ne le feraient pas pour
laisser leurs amis exposés à toutes les
incertitudes d'élections libres et sincè-
res. Un bon petit mouvement préfecto-
ral (qui, dit-on, était tout près ces
jours-ci) placerait à leur poste de
combat des gaillards qu'on suppo-
serait résolus à s'escrimer solidement
pour les candidats officiels. Ils traque-
raient les adversaires de toutes les fa-
çons. Ce fut un scandale, jadis, quand
ce gros Baragnon, alors sous-secrétaire
d'Etat de M. de Broglie, beugla de sa
grosse voix dans un couloir de l'As-
semblée : « Nous ferons marcher la
France. » Hélas! quel gouvernement,
chez nous, n'a hérité de cette mons-
trueuse prétention de faire marcher le
pays bon gré, mal gré?
**
C'est d'autant plus absurde que la
France n'entend marcher qu'à sa vo-
lonté et inflige de sévères leçons aux
insolents qui essayent de la faire obéir.
Il n'y a donc pas à redouter les résul-
tats d'une dissolution. Si l'on veut ris-
quer l'aventure, qu'on la risque ! On
aura lieu de s'en repentir. Mais l'im-
puissance de ces mauvais moyens
n'ôte rien à leur caractère de culpabi-
lité. Qu'il soit maladroit, absurde, fou,
de prétendre violenter un pays cons-
cient de sa force et de ses droits, cela
ne justifie en rien les auteurs de pa-
reilles entreprises. La défaite n'amnistie
pas les actes commis pour remporter
une victoire criminelle. Et l'atteinte
portée aux libertés républicaines reste
la même.
Ce n'est pas que la dissolution soit
par elle-même une mesure contraire
aux droits de la nation. Il est telle
situation inextricable où elle pourrait
s'imposer. Mais ce serait à la double
condition, que la nécessilé fût évi-
dente dans l'intérêt général, et non
dans un intérêt de parti, et qu'elle
précédàt un appel adressé loyalement
et sans pression au suffrage universel.
Ici, voulez-vous me dire de quel pré-
texte on la couvrirait? Il est vrai qu'au
printemps le pouvoir a brusquement
changé de direction à la suite d'une
crise : mais cette crise n'était pas l'œu-
vre de la Chambre ; elle était l'œuvre
du Sénat et du président de la Répu-
blique. Il est vrai aussi que depuis lors,
une réforme réclamée par le pays a
avorté. Mais cet avortement a été im-
posé, en quelque sorte, aux élus du
suffrage universel par les ministres
que le Sénat et le président lui avaient
infligés. Qui donc peut reprocher à la
Chn mbre ses faiblesses dans les deux
cas?Ce n'est assurément pas le parti qui
les a exigées d'elle et qui en a profité.
Voyez-vous M. Waldeck-Rousseau ou
M. Barthou reprochant à la Chambre de
les avoir suivis, eux ou leurs amis? Ce
serait dépasser véritablement la me-
sure de l'absurdité. Que diraient-ils
donc au pays qu'ils jetteraient, non
seulement dans les agitations des
élections générales ordinaires, mais
encore dans les émotions d'un conflit
où tous les pouvoirs publics seraient
engagés à la fois ?
La dissolution ne pourrait apparaî-
tre que comme un coup de force tenté
par des hommes qui sentent le pou-
voir leur glisser dans les mains, et qui
veulent s'en servir, avant qu'il ne leur
échappe, pour violenter le suffrage
universel. Mais il est plus qu'improba-
ble qu'elle soit même essayée. C'est le
rêve d'un parti qui se sent perdu, si les
choses suivent leur cours normal : il
s'apercevra bien vite qu'il est encore
plus perdu, s'il se précipite dans de si
périlleux hasards.
CAMILLE PELLETAN.
Nous publierons demain un article
de M. Charles Bos.
CANDEUR BELGE -
Vous avez lu, hier, ici les détails donnés
parle correspondant du Petit Bleu de Bruxel-
les, sur le camp allemand d'Elsenborn. Dites,
ne les trouvez-vous pas plus naïfs vraiment
qu'il n'est permis de l'être même à des Bel-
ges, ces officiers belges qui se demandent
à qui peu servir ce camp. A qui, bons Bel-
ges ? Il est là, soyez en sûrs, pour qne
puisse s'y rassembler l'armée que l'Allema-
gne veut pouvoir, à tout moment, jeter à
travers la Belgique sur la France.
Impossible ! disent les officiers belges ; ce"
camp, du côLé de la Belgique est une im-
passe, « pas de communication, pas de rou-
tes suffisantes. » Belges, vous poussez trop
loin la candeur ; vous croyez vraiment que
l'Allemagne est venu construire ce camp
colossal devant une porte fermée. Allons
donc ! les communications, les routes exis-
tent, vous ne les avez pas vues, voilà tout.
— On vous les montrera, à l'occasion.
Est-co d'aujourd'hui que l'hypothèse, en
cas de guerre franco-allemande, d'un coup
de mam sur notre fronticrw nord, est envi-
sagée? Non, certes. Toujours U a paru vrai-
semblable que les Allemands tentassent au
moins une diversion du côté d'Avesnes et
de Maubeuge) par exemple. Quoi donc? en
violant la neutralité de la Belgique ? Comme
les Allemands se gêneraient, s'ils se sen-
taient les plus forts. — Le camp d'Elsenborn
est une menace. Voilà la vérité ; menace
pour la Belgique, pour la France surtout.
LUCIEN VICTOR-MEUNIER.
A MADAGASCAR
Le Retour dLe M. Laroche
Dans leur réuniop d'hier, les ministres se
sont occupès très longuement de la situation
à Madagascar. De l échange de vues qui s'est
produit entre les membres du gouvernement
il résulte que dès que le général tiallieni
aura pris possession de son commandement,
M. Laroche, résident général, rentrera en
France.
Ajoutons que le ministre des colonies a
communiqué au conseil les derniers rap-
ports reçus de notre nouvelle colonie et qui
contiennent des renseignements qui justi-
fient très amplement les instructions très
énergiques données à notre nouveau com-
mandant militaire à Madagascar, le général
Gallieni.
— —
LA GARE DU QUAI D'ORSAY
M. Turrel, ministre des travaux publics,
n'ayant pas assisté au conseil des ministres,
le gouvernement a réserve l'examen du pro-
jet tendant à édifier une gare sur les ter-
rains. de l'ancienne Cour des comptas.
On annonce toutefois qu avant d'être sou-
mis au Parlement ce projet sera renvoyé à
l'étude d'une commission extraparlemen-
taire que M. Méline doit instituer très pro-
chainement.
Cette commission sera également saisie
de tous les projets concernant les trans-
ports ou toutes autres matières, préconisés
en vue de l'Exposition universelle de-1900.
LES ON-DIT
CARNET QUOrtDI&N:
Les courses : A Deauville.
- Fête des maçons et des entrepreneurs.
- Dernier délai d'inscription pour l'admission
à l'Ecole coloniale.
- Fermeture de la bibliothèque de l'Arsenal,
jusqu'au a septembre.
— Durée du jour : 15 h. 33 m.
CHEZ NOUS
- L'Exposition de 1900 :
C'est M. Edmond Moreau qui, sur la
proposition de M. Picard, commissaire gé-
néral, est chargé du service de conten-
tieux de la future Exposition univer-
selle.
- L'inhumation du corps de M. Spul-
ler déposé depuis le jour des obsèques
dans le caveau provisoire de la ville de
Paris, a eu lieu hier matin, à dix heures et
demie, au Père-Lachaise, en présence de
M. Auguste Spuller, trésorier-payeur gé-
néral de la Côte-d'Or, son frère ; de M.
Edouard Delpeuch, sous-secrétaire d'Etat
des postes et télégraphes ; de M. Duflos;
directeur de l'administration pénitentiaire
ses neveux, et des autres membres de la
famille.
La tombe de M. Spuller, située à l'an-
gle de l'avenue Circulaire et de l'avenue
de la Chapelle, est toute voisine de ceile
de son ami Burdeau.
Elle fait face au monument de la Dé-
fense nationale.
- Par décret rendu sur la proposition
dn ministre du commerce, M. Honoré,
vice-président de l'association des anciens
élèves de l'Ecole centrale des arts et manu-
factures, maire d'Epinay-sur-Orge, ancien
ingénieur des forges de Siam (Jura), ancien
directeur des papeteries et minoteries de
la Risle (Eure), directeur de la Société des
grands magasins du Louvre, est nommé
chevalier de la Légion d'honneur.
A L'ETRANGER
Certains journaux de Londres an-
noncent que le bruit court dans les cercles
bien informés que Oscar Wilde a été mis
en liberté à la suite d'un rapport fait par
les médecins de la prison et par les repré-
sentants du Home Office.
Oscar Wilde serait parti pour le conti-
nent. -.
Cette întormation n'est pas jusqu a pré-
sent confirmée.
- Pour faire prendre patience aux
pauvres :
Les biens du baron Hirsch, en Angleterre
seulement, s'élèvent à 1,372,163 livres ster-
ling, soit 34,304,075 francs.
Avec de l'économie et une bonne con-
duite.
—— La nature ayant donné à l'homme
deux pieds pour se tenir debout et pouvoir
lever sa tête vers le ciel (os homini sublime
dédit); il était à prévoir que des amateurs
de sport tenteraient de déranger tout cela.
C'est ce que deux jeunes Américains,
membres de l'Athletic Association de Ber-
kelly (Californie) vont s'efiorcer de réa-
liser.
En effet, MM. J.-C. Barry et P. Kroman
ont formé très sérieusement le projet ex-
centrique de traverser tout le continent
américain, de San-Francisco à New-York,
à quatre pattes.
Des médecins, consultés par eux, ont
pour la plupart approuvé le projet; quel-
ques-uns même enthousiastes accompa-
gneront les deux hommes transformés en
quadrupèdes, pour se livrer à une étude
spéciale du jeu des muscles.
Le départ est fixé au mois de février
prochain. Les deux voyageurs porteront
un harnachement spécial, composé d'une
forte ceinture en cuir, à laquelle leurs
pieds seront attachés et maintenus dans
une position verticale au moven d'un res- J
sort à boudin ; de genouillères formées de
tubes pneumatiques en caoutchouc et d'une
semelle en cuir, et, enfin, pour les mains
et les bras, de bottes spéciales dont les
tiges monteront jusqu'à l'épaule. La se-
melle de ces bottes, sur lesquelles repose-
ront les mains, sera, comme les genouil-
lères, en tubes pneumatiques, caoutchouc
et cuir.
Dans cet accoutrement, MM. Barry et
Kroman comptent faire de quinze à vingt
kilomètres par jour. La distance à parcou-
rir est de plus de cinq mille kilomètres. Et
comme ils se proposent de s'arrêter dans
les villes de leur itinéraire pour faire des
conférences sur cet étrange mode de loco-
motion, ils calculent que leur vojage à
quatre pattes leur demandera quatorze
mois. s'ils ne deviennent enragés en
route.
Le Passant.
Le Drame du quai de la Tournelle
TROIS VICTIMES
A Paris — Un chaussonnier qui cherche
un emploi — Désespoir
Les préparatifs funèbres-Découverte
des cadavres - L'enquête
Un drame des plus poignants s'est déroulé
hier au quartier du Jardin-des-Plantes : la
misère a fait trois nouvelles victimes.
Au numéro 27 du quai de la Tournelle ha-
bitait depuis deux ans une pauvre famille,
composée du père, Léon Guillaume, âgé de
cinquante ans, de la mère, âgée de trente-
huit ans, et d'un enfant, Marcel, âgé de huit
ans.
Guillaume était venu à Paris pour trouver
du travail ; il était chaussonnier de son mé-
tier et put difficilement s'occuper. Finale-
ment, voyant ses petites économies s'en
aller, il accepta toutes les besognes, même
les plus dures. A ce ré,
les plus dures. A ce régime il ne tarda pas à
tomber malade et, il y a huit jours, une
maladie de gorge l'obligea de s'aliter. La
femme, de son côté, était dans l'impossibi-
lité de travailler, atteinte depuis longtemps
de phtisie pulmonaire.
Avant-hier soir Guillaume, malgré la gra-
vité de son état, sortit et revint peu après
portant un gros paquet. C'était un sac à
demi-plein de charbon. La concierge, Mme
Frelon, n'eut aucun soupçon sur le mo-
ment ; mais hier, comme elle ne voyait pas
s'ouvrir la porte du logement que la famille
Guillaume occupait au quatrième étage, elle
devina le drame et, tout de suite, s en fut
prévenir le commissaire de police du quar-
tier, M. Thuilerie.
Celui-ci se rendit rue des Tournelles et fit
ouvrir la porte par un serrurier, après avoir
vainem nt frappé.
Une forte oefeur d'acide carbonique régnait
dans le logement ; la porte de la chambre à
coucher fut enfoncée et l'on aperçut alors,
étendus sur l'unique lit, trois cadavres.
L'enfant Marcel, déshabillé, était couché
dans les draps ; le père et la mère étaient
étendus tout habillés sur le lit. Tous trois
avaient cessé de vivrè et, malgré les soins
qui leur furent prodiguas, on ne put les rap-
peler à la vie.
Les malheureux s'étaient asphyxiés en
allumant un réchaud et un poêle mobile
dont les tuyaux avaient été préalablement
démontés.
Deux lettres avaient été laissées par Guil-
laume dont l'une adressée aux parents de la
femme et l'autre au commissaire de police
du quartier. Dans cette dernière lettre, le
malheureux expliquait que, malade, sans
travail, ayant épuisé toutes ses écouomies,
il préférait mourir avec sa famille.
Les trois cadavres ont été laissés dans la
chambre mortuaire ; la mise en bière aura
lieu aujourd'hui et les obsèques seront faites
aux frais du bureau de bienfaisance du quar-
tier.
LE CRIME DE ROYAT
M. Kauffmann, pharmacien à Limours
(Seine-et-Oise).a été assassiné hier, dans l'a-
près-midi, dans un bois des environs de Royat
(Puy-de-Dôme). Il était arrivé le matin de
Vichy.
Le parquet de Clermont s'est transporté à
cinq heures dans le bois de Gravenoire.
Le crime a dû être commis vers une heure
de l'après-midi, au moyen d'un instrument
contondant, dont le meurtrier a frappé M.
Kauffmann derrière la tête. On n'a trouvé
aucune trace de cette arme. Dans les poches
de Kauffmann se trouvait encore un porte-
feuille contenant 400 francs et une montre
en or, mais le porte-monnaie avait disparu.
Il est probable que l'assassin a été dérangé
au moment où il fouillait sa victime.
Le corps a été transporté, à neuf heures
du soir, à la mairie de Royat, où l'autopsie
sera faite. On suppose que M. Kauffmann
avait joué au casino de Vichy et qu'il a été
suivi par un pick-pocket qui croyait trou-
ver sur lui une somme plus élevée. j
C'est notre confrère Auguste Goutte*, criti-
que musical au journal le Soleil, qui, de pas-
sage dans le pays, trouva le premier le ca-
davre et prévint la police.
„
LE CRIME DE CHARAVINES
Yoici des détails sur le crime de Chara-
vines (Isère) dont nos dépêches ont parlé
déjà.
Hier, le chauffeur Boule, de la Compa-
gnie des chemins de fer économiques du
Nord, venait de prendre possession de sa
machine et il ouvrait le foyer, lorsqu'il
aperçut un paquet de chiffons. Il appela le
mécanicien Coiffier, et tous deux virent une
masse de chair carbonisée : on distinguait
encore une tête humaine.
Le garde de nuit, Alexis Bernard, âgé de
23 ans, fils du chef de la station au lieu dit
le 3" arrondissement, était absent lorsque le
mécanicien prit son service. En outre, le
garde de nuit, contrairement à son habi-
tude, n'avait pas réveillé le personnel du
dépôt des machines. Le mécanicien et le
chauffeur trouvèrent dans la gare les vête-
ments du garde de nuit.
Le cadavre trouvé dans le foyer était bien
celui de Bernard.
Lo malheureux a dû être assommé ou
étranglé. Les assassins, espérant faire dis-
paraitre leur victime, l'avaient jetée les pieds
en avant dans ie foyer de la locomotive.
11 ne restait que quelques ossements et
une partie du crâne carbonisés.
Sur l'ordre du parquet de Bourgoin, un
nommé Joseph Thomas, ancien garde à Cha-
ravines, que l'opinion publique désignait
comme l'auteur du crime, a été arrêté.
Une perquisition a été faite à son domicile.
On croit qu il a un complice.
On suppose que le crime a pour mobile la
vengeance ou la jalousie.
L'INCENDIE D'OSTENDE
L'église principale de la ville d'Ostende,
Saints-Pierre-et-Paul, a pris feu hier à midi.
A une heure et demie, on craignait l'écrou-
lement de la tour; jusqu'à présent, on ne
sait pas encore s'il y avait des personnes
dans l'église au moment où le feu éclata.
L'incendie est dû à des plombiers qui ré-
paraient la toiture.
Les flammes, chassées par un vent vio-
lent, se sont communiquées aux maisons
voisines.
Malgré les efforts des pompiers, l'église
Saints-Pierre-et-Paul est complètement dé-
truite.
A cinq heures du soir, on a réussi à sau-
ver le monument de la première reine des
Belges. La tour aussi est restée intacte. Le
feu a pris au jubé.
La chaire, très remarquable, a été entiè-
rement détruite, de même que le maître-
autel et un tableau de grande valeur de Phi-
lippe de Champaigne.
Un pompier a été atteint par une partie
du toit qui s'est écroulée sur lui. Il a été
transporté à l'hôpital. On espère qu'il en
réchappera.
Avis à nos abonnés
Pendant toutes les vacances, nous
servons des abonnements de villégia-
ture à raison de 2 francs par mois.
AU POLE NORD
LExpédition Nansen
Un premier télégramme que nous avons
publié hier, annonçait le retour de l'expédi-
tion Nansen, après un long séjour dans les
environs du poôle Nord.
Une nouvelle dépêche de Vardoë (Nor-
vège) en date du 14 août, nous apporte
quelques détails intéressants sur cette admi-
rable expédition :
M. Nansen et M. Johansen, son lieute-
nant, abandonnèr nt le Fram, le 14 mars
1895, par 84° de latitude Nord. pour explo-
rer la mer glaciale plus au Nord de la route
du Fram.
L'expédition, conformément à son plan,
pénétra dans la mer polaire, au Nord des
iles de la Nouvelle Sibérie, et explora la
région jusqu'à 86,15. Au-dessus du 82° degré
elle ne rencontra plus aucune terre. MM.
Nansen et Johansen redescendirent vers le
Sud et regagnèrent la terre de François-Jo-
seph, où ils hivernèrent, en se nourrissant
de viande d'ours et de lard de baleine. Là,
ils rencontrèrent l'explorateur Jackson avec
le Vùulward qui les ramena à Vardoë où ils
sont arrivés jeudi dans l'après-midi)à quatre
heures trente, en bonne santé.
On pense que le Fram, chassé par les
glaces, ne tardera pas à atterrir à Vardoë
ou à Bergen. Le Fram est un navire qui sa
comporte supérieurement dans les glaces.
Personne n'a été-malade à bord.
Le Fram, navire du docteur Nansen, qui
était dans les glaces à 84° de latitude, a été
entrainé vers l'ouest; il est attendu au Spitz-
berg. il y avait de la glace sur tous les points
où le docteur Nansen a pu parvenir; mais
elle présentait de grandes ouvertures où la
mer avait une profondeur de 3,800 mètres.
Les 190 premiers mètres d'eau étaient froids,
et il régnait plus bas une température de
1/2 degré au-dessus de zéro, ce qui provient
probablement du courant du golfe.
L'existence d'écueils inconnus jusqu'à pré-
sent a empêché le docteur Nansen de péné-
trer dans l'embouchure du fleuve Olének
avec le Fram pour prendre des chiens à
botd. 11 en est résulté que le nombre des
chiens à borda été insuffisant et que le doc-
teur - Nansen a été obligé de rebrousser
chemin après avoir atteint 86° 15' de lati-
tude. S'il avait eu assez de chiens et de
caïaques (légers bateaux pour une seule per-
sonne), il serait parvenu jusqu'au pôle Nord.
Le voyage par terre a été très fatigant.
Les résultats scientifiques sont excel-
lents.
A l'automne de 1895, le docteur Nansens'est
rendu à la côte septentrionale de la terre de
François-Joseph, où il a construit une mai-
son en pierres et où il est resté pendant tout
l'hiver.
L'expédition Jackson est arrivée au prin-
temps.
Le Dagens Nyheter, de Malmoë (Norvège),
a reçu une communication au sujet de l'ex-
plorateur Nansen. Il confirme que celui-ci et
son lieutenant, M. Johansen. sont arrivés à
Vardoë. Ils ont suivi leur route sur la glace
depuis l'époque à laquelle ils quittèrent leur
navire le Fram, le Dagens Ayhéter fixe cette
date, contrairement à la date indiquée par la
précédente dépêche — à l'automne de 1895.
Le vapeur anglais Windtvard, qui les a
ramenés en Norvège, les a recueillis comme
on sait déjà, près de la terre de François-
Joseph.
On pense que le Fram sera chassé vers la
côte orientale du Groëland.
M. Nansen n'a pas atteint le pôle nord,
mais il a poussé à quatre degrés plus au
nord que tous ses devanciers.
Le Windwurd faisait route pour aller ra-
vitailler l'expédition Jackson.
M. Jackson, chef de l'expédition au pôle
partie au secours du docteur Naussen, a en-
voyé par le capitaine du Windward un long
télégramme à Harmsworth, qui a organisé
l'expédition et qui a fourni les fonds néces-
saires.
Par suite d'inexactitude dans la carte de
Payers et de l'arrêt de ses chronomètres,
l'explorateur Naussen était hors d'état d'é-
tablir sa position. En conséquence, il s'ef-
força d'avancer à l'ouest, sur la banquise,
vers le Spitzberg.
M. Jackson le rencontra sur un champ de
glace, au sud-est du cap Flora.
Naussen, qui avait, avec son second
Johanssen, abandonné le Fram et qui s'a-
vançait au nord-est, avait atteint la latitude,
de 80° 14, ignorait la présence de Jackson et
fut très surpris de le rencontrer à la terre
de François-Joseph.
M. Jackson donne ensuite des détails sur
sa propre exploration, qui a été couronnée
de succès.
11 a parcouru le quart de la terre François-
Joseph et il y a découvert de nouvelles ré-
gions.
Un télégramme privé reçu par le journal
Unter Land. de Christiania, mande ce qui
suit «
« Lorsque M. Naussen avec le lieutenant
Johansen abandonnèrent le Fram, sans es-
poir de retour, le vaisseau chassa dans les
glaces vers l'ouest.
p, » L'expédition Jackson n'a pas pénétré
plus au nord que la terre François-Joseph,
où M. Naussen prit ses quartiers d'hiver.
» Le professeur Mohn, qui se trouve ac-
tuellement à Vardsoë, a déclaré que la con-
quête scientifique de M. Naussen est richa
d'observations et qu'elle a fixé la cartogra
phie de plusieurs iles inconnues.
» M. Naussen partira dimanche de Vardsoe.-
CHRONIQUE
Par ANDRÉ BALZ
CHOSES D'ESPAGNE
Je n'irai pas jusqu'à me réjouir des
désordres qui ont accompagné les der-
nières courses de taureaux à Perpi-
gnan et à Marseille. Mais il faut con-
venir que ces scènes de sauvagerie
sont la conséquence fatale des défail-
lances ou de la complicité de certains
ministres. Qui sème le vent récolte la
tempête.
A Perpignan, le directeur de la course
ayant substitué, pour la boucherie fi-
nale, un taureau petit et malingre à la
bête superbe dont la mort était annon-
cée sur l'affiche, le public s'est mis à
siffler, à briser les banquettes, à démo-
lir les arènes jusqu'à ce qu'il ait obtenu
satisfaction.
Marseille ne pouvait pas se laisser
battre par Perpignan. Une corrida avec
mise à mort avait été annoncée et, pour
piquer la curiosité au bon endroit, les
toréadors devaient être, pour la cir-
constance, remplacés par des « seno-
ritas toreras ». Mais au moment de
l'estocade, le cœur des femmes a failli
sans doute et les senoritas se sont pru-
demment éclipsées.
« Alors, dit un journal local, des
coups de sifflet retentissent. Une cen- -
taine de jeunes gens font irruption sur
la piste. Chaises et bancs sont arrachés
et prennent le même chemin. La police-
arrive. Elle est accueillie par une grêle
de projectiles. Les agents sont débor-
dés : sur dix points des arènes à la fois,
chaises, barrières, banquettes amon-
celées flambent et pétillent Le vélum
des premières est en flammes. Des
foyers d'incendie éclatent de toutes
parts. Les pompiers arrivent trop tard.
Tout est déjà consumé. Ce qui fut les
arènes n'existe plus qu'à l'état de
ruines. »
A la bonne heure, messieurs les « afi-
cionados », voilà du bon travail. Nous
avions jadis traité plus civilement les?
arènes de la rue Pergolèse. Mais il y a
une justice immanente et c'est folie de.
croire qu'on pourra développer au cœur
des populations les instincts les plus
sauvages sans qu'il en rejaillisse quel-
que chose sur leurs actes. Insensi-
blement les spectateurs finissent pac,
voir rouge comme les toreros et le taU"
reau lui-même.
Car, on ne saurait trop le répéter, c'est
moins encore l'animal que la loi Gram-
mont a voulu défendre que l'homme
même contre sa propre brutalité et sa
cruauté native Ainsi que l'a pu dire
très justement M. Accarias dans son
rapport à la cour de cassation, la loi
ne protège les animaux que par voie
de conséquence et en quelque sorte
d'une manière réflexe, « Sa pensée diri-
geante est que la brutalité envers les
animaux engendre la brutalité envers
l'homme lui-même et que la vue des
mauvais traitements qui leur sont in-
fligés, en même temps qu'elle révolte
les natures généreuses, développe dans
les âmes grossières les instincts de
violence et de cruauté. Le but du légis-
lateur de 1850 est donc avant tout un
but moral. »
N est-ce pas renforcer encore l'immo-
ralité de ces spectacles que d'y admet-
tre des femmes, des enfants surtout
qu'on prend plaisir à y attirer en foule
en mettant le prix des places à la por-
tée du premier âge? Les entrepreneurs
des corridas, pour mieux garnir les
banquettes, ne font payer que demi-
place aux enfants au-dessous de sept
ans estimant sans doute qu'on ne peut
les familiariser trop vite avec la vue
du sang versé 1 Et il se trouve des mè-
res pour justifier les calculs de ces in-
dustriels ! C'est dans ces conditions que
le 5 juillet dernier, le maire de Nîmes
a pu offrir à vingt mille personnes le
spectacle réconfortant de sept chevaux
tués ou éventrés sans compter les
blessés. « Et même, deux picadores
ayant été désarçonnés, leurs montu-
res, maintenues dans l'arène par des
garçons de plaza bien abrités derrière
la barrière, furent offertes aux cornes
des taureaux qui déchirèrent ces mal-
heureux animaux sous les yeux du
public. » Voilà qui doit singulièrement
éveiller le courage et la générosité au
cœur des enfants de sept ans !
Mais si l'on n'avait ni les enfants ni
les femmes, il faudrait renoncer aux
« grandes recettes ». Et que devien-
draient alors les éleveurs espagnols et
les capitaux engagés par les managers
des grandes corridas ? Tous les pré-
textes mis en avant pour justifier les
courses de taureaux peuvent faire illu-
sion aux snobs et aux imbéciles. Elles
ont tout juste autant de valeur que les
prétentions des bookmakers à l'amé-
lioration de la race chevaline. L'éle-
vage des taureaux de mort est une in-
dustrie à laquelle le marché espagnol
ne suffit plus. Elle a besoin pour pros-
pérer de passer les Pyrénées. Et c'est
précisément la seule barrière que le
protectionnisme de M. Méline n'ait pas
songé à relever.
A la faveur de cette faiblesse, nous
avons aujourd'hui des lois qui n'obli-
gent plus personne. Les municipalités
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