Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1896-08-04
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 04 août 1896 04 août 1896
Description : 1896/08/04 (N9643). 1896/08/04 (N9643).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7564466n
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/05/2013
® E î®'TP ï M 3S ïe Numéro.
ÎPÀRlS ET DÉPARTEMENTS
H,e Numéro, CINQ CENTIMSM
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£ B £ BUREAUX DU JOTTOfflL
rue Montmartre, 131
gftfcfces MM, LAGRANGE, CERF" ca
.) pïficè de la B(YIl/psè:, &
tâïêSfô ¡al,qra.z¡hlqua : XIX- SIÈCLE — PABXS
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NOS LEADERS
LETTRES LIBRES
MYSTIFICATION DU GÉNÉRAL DODDS
En comparant les joarnaux du
Tonkin avec les informations four-
nies àla presse parisienne par l'agence
Havas et avec la lettre du ministre de
ta marine à M. Gerville-Réache, on
arrive aisément à se convaincre que
le général Dodds a été l'objet d'une
véritable mystification. Soit que son
rappel ait été provoqué par le gouver-
neur général de l'Indo-Chine, comme
l'affirmait le Temps il y a huit jours,
soit que l'initiative en ait été prise par
le ministre de la marine, il ressort
clairement de la lecture des journaux
du Tonkin, que le général Dodds,
après avoir travaillé pour le compte
de la marine, a été traité par elle
gtmme un collégien.
$ik.
D'abord, il n'est pas permis de dou-
ter qu'au moment de son départ de
France il ne fût d'accord avec ses
chefs du ministère de la marine sur le
programme militaire qu'il suivrait,
car il est notoire qu'il fut nommé
commandant en chef des troupes de
l'Indo-Chine, en dehors de M. Rous-
seau et malgré les propositions faites
par ce dernier en faveur d'un autre
général.
Voici, d'autre part, ce que disent au
sujet du plan militaire du général
Dodds les journaux du Tonkin. « La
récente nomination au grade de géné-
ral de M. le colonel de Badens quel-
ques jours après son débarquement au
Tonkin, a donné une actualité nou-
velle à la création d'un poste de géné-
ral de brigade pour l'Annam et le Ton-
kin. If après les conclusions du rapport
de M. le général en chef (général Dodds),
M. le gouverneur général aurait de-
mandé au ministère que M. de Badens
soit maintenu au Tonkin. Cette déci-
sion se justifie par de nombreuses
considérations. » L'Indépendance ton-
kinoise, manifestement bien informée,
développe amplement ces considéra-
tions, puis elle ajoute : « Dès lors, M.
le général en chef remplirait les fonc-
tions d'un général de division n'ayant
nnq de commandement effectif, mais
ayant sous ses ordres toutes les trou-
pes de l'Indo-Chine obéissant, au point
de vue administratif et militaire, dans
chacune des parties de l'union indo-
chinoise, à un général de brigade.
Auprès de chacun de ces deux géné-
raux, un état-major spécial; auprès
du général en chef, l'état-major gé-
néral. »
Le plan est net ; son exposé est pré-
cis : il s'agit de créer deux brigades,
l'une en Cochinchine, avec un général
de brigade et son « état-major spé-
cial », l'autre au Tonkin, également
avec un général de brigade et son
« état-major spécial », toutes les deux
sous les ordres du général en chef qui
« remplirait les fonctions d'un général
de division » et qui. aurait auprès de
lui « l'état-major général ». Au total
trois généraux et trois états-majors.
Le général en chef restait installé à
Hanoï et le général commandant la
brigade du Tonkin aurait son quartier
général à Haïphong. « Là, dit le jour-
nal cité plus haut, le groupe scolaire
qui n'a pas encore été occupé consti-
tue un hôtel digne de l'hôte qui de-
vrait y loger, spacieux, et où l'état-
major pourrait trouver la place néces-
saire et pour les bureaux et pour les
logements des officiers. » On ne dit
pas où iraient les élèves.
Quant au titulaire du poste de géné-
ral « faisant fonction de général de
division » il n'y avait aucun doute
dans l'esprit de ceux qui fournis-
saient les renseignements, car le
journal ajoute: « Nous ne pouvons que
souhaiter que la demande de M. le
gouverneur général trouve un accueil
favarable. Avec des officiers généraux
ayant une connaissance aussi pro-
fonde des choses du Tonkin, un passé
aussi glorieux que MM. les généraux
Dodds et de Badens, nous sommes as-
surés du succès et de la pacification
prochaine et complète de notre belle
colonie. »
**
Dans tout cela, vous le voyez, il
n'est nullement question de remplacer
le général Dodds par un général de
division; c'est lui, tout au contraire,
qui est considéré comme devant « en
remplir les fonctions ».
Ce plan n'était pas approuvé par
tout le monde au Tonkin, mais il était
connu de tout le monde. On lit dans
un journal qui le combattait, Y Avenir
du Tonkin : « M. le Général en chef
nous est arrivé de France ayant dans
sa poche, son programme arrêté d'a-
vance. D'après ce programme, il pa-
raîtrait qu'il est indispensable dégar-
nir de troupes, toutes les villes, tous
les centres du Delta, en faisant venir
de France des troupes fraîches qui y
seraient cantonnées. On rétablirait les
brigades avec effectifs complets, ce
qui fait tout d'abord que M. le Général
commandant en chef serait mieux
dans son rôle, dans les attributions de
général de division. Il parait que
certaines complications pourraient
survenir dans le monde politique;
dans ce cas, le Tonkin pourrait bien
être le point de mire d'un peuple,
aujourd'hui ami, mais qui pourrait
bien devenir notre adversaire. Il s'agit
du Japon ou d'une invasion japonaise,
si l'on aime mieux. Il nous reste à
prier nos lecteurs de croire que ce que
nous venons de dire n'a pas été in-
venté par nous ».
Etait-ce simplement pour ridiculiser
le plan du général Dodds qu'on lui
prètait la crainte d'une invasion du
Japon ? Avait-il réellement manifesté
cette crainte? Je l'ignore. Toujours
est-il que le plan du général, approuvé
d'avance par le ministre de la marine,
l'était ensuite par le gouverneur gé-
néral. Il n'est pas moins douteux que
le général Dodds, en demandant le ré-
tablissement des trois généraux et des
trois états-majors qui existaient avant
1891, s'était réservé, sans défiance, ni
fausse modestie et publiquement, le
rôle de général en chef « faisant fonc-
tions de général de division », en at-
tendant qu'il fût promu à ce grade.
On ne saurait le blâmer d'avoir
songé, en travaillant pour le ministère
de la marine, à ses propres intérêts.
On lui faisait tirer les marrons du feu,
il était assez naturel qu'il songeât à
les croquer
*-:W*
C'est ici que la mystification se pro-
duit. Tant qu'il opère pour le compte
général du militarisme, tant qu'il
dresse des plans en vue de l'augmen-
tation des états-majors et des effectifs,
dût-on pour aboutir menacer le Tonkin
d'un débarquement de Japonais, le
ministère de la marine l'encourage.
Mais quand il a obtenu de M. Rous-
seau que ce plan soit envoyé en France
et appuyé par le gouvernement géné-
ral de l'Indo-Chine, l'attitude à son
égard change du tout au tout. On
adopte son plan, on ramasse ses mar-
rons, et l'on confie à un autre le soin
d'exécuter le plan et de manger les
marrons.
On comprend que les amis du géné-
ral Dodds ne soient pas satisfaits et
qu'ils tiennent à connaître les causes
et l'auteur de la mystification dont le
vainqueur du Dahomey a été la vic-
time.
*:\t'*
Tandis qu'il sera procédé à cette
enquête, on fera bien de ne pas perdre
de vue les innovations militaires intro-
duites en Indo-Chine par le ministère
de la marine.
On fera sagement de demander pour-
quoi trois généraux, dont un de divi-
sion, et trois états-majors sont jugés
nécessaires en 1896, quand le Tonkin
est pacifié, alors qu'un seul général de
brigade suffisait lorsque le pays était
ravagé par l'insurrection et les pirates
chinois.
Instruite par la mystification dont
le général Dodds vient d'être l'objet, la
commission du budget ne voudra pas
se laisser, à son tour, mystifier par la
menace d'une invasion de Japonais.
Les défenseurs attitrés du budget
voudront savoir non-seulement pour-
quoi on triple les états-majors, mais
encore sur quels motifs la marine
s'appuie pour imposer à la Métropole
25,400,000 fr. de dépenses militaires
en 1896 tandis que 24,000,000 suffi-
saient en 1892, 1893 et 1894, c'est-à-
dire pendant la période la plus active
de la pacification.
La commission du budget voudra
savoir pourquoi on a augmenté ainsi
de 1,400,000 fr. le budget militaire du
Tonkin, précisément à partir du mo-
ment où il était facile de le réduire.
Le ministre des colonies, à son
tour, voudra étudier de près toutes ces
questions, sur lesquelles il est pro-
bable que son service militai^ ne le
renseigne que très insuffisamment.
Le souci qu'il a de ménager les con-
tribuables et d'empêcher nos colonies
de verser dans un militarisme stérile
et ruineux, nous inspire la conviction
qu'il saura faire rentrer le Tonkin
dans la bonne voie d'où l'on essaie de
le faire sortir.
Cette attitude lui vaudra peut-être
quelques inimitiés parmi les cher-
cheurs de galons et de gloire, mais il
y gagnera les sympathies des contri-
buables qui paient les folies du milita-
risme colonial et l'estime de tous ceux
que préoccupent les intérêts majeurs
de notre œuvre coloniale.
J.-L. DE LANESSAN.
Nous publierons demain un article
de M. Lucien Victor-Meuiiîei*
L'Alleznand de Lorient
L'Agence Havas nous communique
la note suivante :
L'un des principaux membres du Touring-
Club de la section de Lorient, qui avait de-
mandé à faire partie de l'escorte du prési-
dent de la République lors de son prochain
voyage en Bretagne aurait été reconnu
comme étant de nationalité allemande.
Cette affaire cause une certaine émotion
à Lorient, l'article 31 des statuts du club
déclarant que les délégués s'offrent en temps
de guerre comme estafettes ou éclaireurs au
commandant de corps d'armée.
Des détails plus circonstanciés man-
quent. Cependant, on affirme d'autre
part que l'Allemand en question avait
pris les plus grandes précautions, à
Lorient pour dissimuler sa véritable
nationalité.
Il ne faudrait pas toutefois attacher
trop d'importance à cet incident. L'ar-
ticle 31 des statuts de T. C. F. dit bien,
en effet, que les délégués « s'offrent »
comme estafettes ou éclaireurs en cas
de guerre, mais il ne dit pas, bien en-
tendu, qu'ils seraient acceptés sans
un examen sérieux.
En tout cas, cette petite aventure ne
pourra, sans doute,que rendrele T. C. F.
plus circonspect dans le choix de ses
délégués.
L. V.-M.
1 ■" -in- —. l.— ■ ..1 II M B
LES ON-DIT
CARNEr QUOTIDIEN:
Les courses : A Caen.
—Durée du jour : 16 h. 12 m.
CHEZ NOUS
--- M. Clausel de Coussergues, vice-
président de la Chambre des députés, dont
nous annoncions hier la maladie, vient de
mourir dans son appartement de la rue de
Provence.
Claude-Charles-Louis Clausel était né le
3 décembre 1831, d'une vieille famille du
département de l'Aveyron ; il était petit-
fils de M. Clausel de Coussergues, député
de l'Aveyron sous l'empire et la Restaura-
tion, et le neveu de l'évêque de Chartres,
M. Clausel de Montais.
Nommé député le 22 septembre 1889, il
fut élu en 1892 vice-président de la com-
mission d'enquête sur le Panama, puis en
juillet 1894, vice-président de la Chambre,
en remplacement de M. Burdeau qui deve-
nait président.
M. Clausel de Coussergues était mem-
bre du conseil de l'ordre des avocats.
Les obsèques seront faites à Cous-
sergues.
Un service funèbre sera célébré mardi
ou mercredi à Notre-Dame-de-Lorette.
Suivant les intentions du défunt, il n'y
aura à cette cérémonie ni discours ni
pompe officielle.
.,.-. Notre ami et collaborateur Amédée
Blondeàu vient d'avoir la douleur de per-
dre sa mère décédée hier matin à Roche-
fort à l'âge de quatrevingt-cinq ans.
Que notre ami,dans le deuil qui le frappe,
trouve ici l'expression de nos sincères
condoléances.
- Les obsèques civiles de notre sym-
pathique confrère, M. Armand Goin, di-
recteur de la France du Sud-Ouest à Bor-
deaux, si brusquement décédé à l'âge de
quarante ans, auront lieu à Paris aujour-
d'hui lundi 3 août, à dix heures précises
du matin.
Le convoi partira de la gare d'Orléans
(Messageries), rue Sauvage, et l'inhuma-
tion anra lieu au cimetière du Nord dans
le caveau de famille.
'"rv M. Alexandre Baulant, le graveur
préféré de Gavarni et de Henri Monnier,
vient de mourir à soixante-treize ans, dans
sa propriété de Bois-Colombes.
M. Baulant avait aussi renouvelé et porté
à sa perfection l'art de la fabrication des
fleurs artificielles, l'un des succès de l'in-
dustrie parisienne.
- Li-Hung-Tchang s'est embarqué
hier matin, à sept heures un quart, au Ha-
vre, à bord du remorqueurTi'tan qui l'a
conduit à bord du Général-Chanrv, mouillé
sur rade.
Le steamer a fait ensuite route pour l'An-
gleterre.
Peu de curieux assistaient au départ.
Li-Hung-Tchang est arrivé à trois heures
trente à Southampton. Il est parti par train
spécial pour Londres à quatre heures qua-
rante-cinq.
- Les régates du Havre :
Le président de la République a assisté
hier, aux régates, à bord de l'aviso-torpil-
leur Sainte-Barbe.
M. Félix Faure était accompagné de l'a-
miral Besnard, ministre de la marine, de
M. Le Gall, des officiers de la maison mi-
litaire et des officiers d'ordonnance du mi-
nistre de la marine.
La veille, le chef de l'Etat avait assisté
au grand bal offert par la société des ré-
gates.
- Voici, pour les différents centres,
les diverses dates des épreuves orales que
subiront en province les candidats à l'Ecole
polytechnique :
Nancy, 25-28 août; Dijon, 28 août-i"
septembre; Lyon , 31 août-4 septembre;
Grenoble, 2 septembre (les eandidats de
Grenoble subiront les examens du second
degré à Lyon); Marseille, 5-9 septembre;
Montpellier, j-11 septembre; Toulouse*
11-14 septembre; Bordeaux, 13-17 sep-
tembre; Tours, 15-19 septembre.
-- Un arrêté du préfet de la Seine
décide que le conservateur de la biblio-
thèque et des collections historiques de la
ville de Paris sera désormais membre de
droit et secrétaire de la commission admi-
nistrative des travaux historiques.
En exécution de cet arrêté, M. Le Vayer,
inspecteur des travaux historiques, chargé
des fonctions de conservateur de la biblio-
thèque et des collections historiques de la
Ville, est appelé à faire partie de la com-
mission des travaux historiques.
Le docteur Dumont, ancien adjoint
de Levallois, a légué à cette commune une
somme de 80,000 fr. dont la rente doit ser-
vir à doter annuellement deux jeunes filles
de Levallois signalées par leurs soins en-
vers leurs vieux parents ou leurs jeunes
frères et sœurs.
Ces jeunes filles, qui reçoivent chacune
une dot de 1,500 fr., doivent être choisies,
l'une dans la partie de la ville au nord de
la rue de LourcelIes, la seconde dans l'au-
tre partie de la ville.
La commission chargée de choisir les
lauréates se compose du maire, de deux
institutrices laïques, du curé, de deux ins-
titutrices congréganistes et d'un repré-
sentant de la famille du donateur.
Cette année, sur vingt-deux candidates,
les deux élues sont Mlles Stéphanie
Perrin et Jeanne Levyt.
Mlle Perrin, fixée depuis treize ans à
Levallois, habite 20, passage Trebert, et
est âgée de vingt-trois ans; elle est coutu-
rière et, depuis la mort de sa mère surve-
nue il y a cinq ans, elle a trouvé le moyen
d'élever six frères ou sœurs, dont l'aîné a
aujourd'hui dix-neuf ans et le plus jeune
sept ans.
Mlle Levyt, qui habite 29, rue du Mar-
ché, âgée de vingt-trois ans, est l'unique
soutien de sa famille depuis de longues
années.
-- Deux cents empoisonnements :
On annonce de Lunéville qu'une en-
quête vient d'être commencée pour établir
les causes d'un empoisonnement qui s'est
produit à Saint-Christophe, près de Bac-
carat.
Plus de deux cents personnes, qui avaient
mangé des écrevisses, seraient très sérieu-
sement malades; un malade aurait suc-
combé.
Plusieurs autres habitants sont dans un
état alarmant.
—— M. Henry Boucher doit présider
le 5 août, la séance de clôture du congrès
de cbimie.
de cbimie.
~— C'est dimanche - août qu'aura
lieu l'inauguration de la nouvelle ligne du
chemin de fer de Tournemire au Vigan. A
cette occasion, des fêtes sont organisées
par la municipalité du Vigan.
Cette ligne, qui du Vigan va se raccor-
der à Tournemire, ligne du Midi, et qui
possède de nombreux travaux d'art, a une
ongueur de plus de 62 kilomètres.
- Un dernier écho — culinaire celui-
ci — du passage de Li-Hung-Tchang.
Voici exactement le menu d'un dînerque
s'ingurgita le Céleste, à Lyon, un soir lors
de son séjour dans cette ville :
Potage Salangane
Œufs de poule couvés
Haehis de chien salé
Conserve de vers à soie en purée
Poule au riz safrané
Salade à l'huile de ricin
Confiture de nénuphar
Thé Pey-Ko
Oh 1 cette conserve de vers à soie et
cette salade à l'huile de ricin 1
Voici d'ailleurs la recette d'un mets : « le
crapaud à la chinoise », qui risquerait fort
de ne pas exciter l'appétit d'un simple Eu-
ropéen :
Prenez douze crapauds que vous écorchez
vifs ; faites-les frire à l'huile do ricin. Puis
après les avoir coupés en petits morceaux,
faites mijoter dans une sauce aux cloportes.
Servez bouillant.
Recommandé aux estomacs affaiblis et
dégoûtés.
Si non e vero.
Le Passant.
A TRAVERS LE CIMETIÈRE MOHTPARHASSE
La tour du Moulin — Le vieux théâtre
Montparnasse
Guinguettes, beuglants et cimetières
Si cela continue on va percer ce pauvre
cimetière Montparnasse comme une écu-
moire, on a déjà percé dans la partie orien-
tale les rues Gassendi, Victor-Considérant,
Schœlcher, qui font communiquer directe-
ment la mairie de Montrouge avec le boule-
vard Montparnasse.
On va bientôt, de l'autre côté, procéder à
l'ouverture d'une rue longeant tout le côté
ouvert du cimetière et allant de l'avenue du
Maine au boulevard Edgar-Quinet et em-
pruntant en partie le mur de ronde. La rue
sera parallèle à la rue de la Gaîté avec qui
elle communiquera par les impasses de la
Gaîté et qui deviendront des rues.
Elle poussera près « de la Tour du Mou-
lin », vieille tour du commencement du dix-
septième siècle, qui au sommet de la butte
du Montparnasse était le moulin à vent des
frères de la Charité à qui Marie de Médicis
avait, dans ces parages, donné de vastes
domaines « qui ne lui coûtaient guère" et
au milieu desquels, les âpres tonsurés, se
disant que charité bien ordonné commence
par soi-même, avaient fait bâtir des gran-
ges où ils engrangeaient leurs récoltes et
pressaient con amore la septembrale et
écarlare purée des vignes du Très-Haut.
Sur la rue nouvelle se dégagera une fa-
çade nouvelle du vieux théâtre Montpar-
nasse avec sa folie à grelots et son mous-
quetaire à panache, où ont rugi tant de
traîtres, pleuré tant de demi-vierges et ou
tant de futurs illustres comédiens ont dé-
buté incognito.
Sur tous ces terrains s'élevaient, en bor-
dure du cimetière, des beuglants tapageurs
et des bastringues orageux, le Jardin de
Paris, la Belle Polonaisef Grados, la Ro-
re oz-vous -du artistes, tçnu
par le père Bourdon, où, autour des broc 1
en hêtre verni, une bande d'artistes, A. Hu-
go, de Ville maust, Chai-le t,Chenavard,Viard,
1 mystificateur Billoud se réunissaient aux
beaux jours, sous des gloriettes de hou-
blon.
.- y
Lomme jadis au enarmer des innocents,
c'est toujours autour des cimetières que
s'établissent les guinguettes bruyantes, les
bals excentriques, les bosquets de coudrettes
si propices au tête-à-tête.
Y a-t-il là une idée philosophique, le spec-
tacle de la mort incitant à joyeusement
vivre ou plutôt, n est-ce pas tout simplement
le débit de la consolation que cherche le per-
sonnel toujours altéré des enterrements et
le besoin de bruit et de distraction pour ou-
blier la douleur récente ?
A. c.
EN ROUTE
Mon voyage a commencé rue d'Assas, sur
les confins du Luxembourg. Il était tout
juste sept heures du matin - même qu*elles
sonnaient à Saint-Jacques-du-Haut-Pas.
Un fiacre découvert passait précisément de-
vant ma porte. Je tt-ai eu que ta peine a y
monter et, tout de suite, pendant que nous
roulions vers la gare Saint-Lazare, me
voilà m'intéressant aux moindres accidents
de la rue, à l'allure vive des passants ma-
tineux, à Vouverture des boutiques, à la
toilette des étalages, au chien maraudeur
qu'un garçon épicier pourchassait de son
plumeau, à la rencontre de deux petits sol-
dats gantés de blanc, échangeant une ra-
pide poignée de main sur le trottoir. J'étais
en voyage.
A m&i arrivée à la gare, déjà les cours
étaient encombrées de voitures. Des fa-
milles chargées de paquets, de paniers, de
valises, s'engouffraient sous les porches,
escaladant les escaliers. On faisait queue
aux guichets. Le rapide de Cherbourg était
prêt à partir. A huit heures quarante, il
s'ébranlait, m'emportant. J'ai eu un frisson
de joie. Je m'en allais pourtant tout seul, un
peu à l'aventure, mes derrières asseî mal
assurés, vers mon pays où personne ne
m'attendait.
Mais non, je n'étais pas seul. Un mon-
sieur gras et fleuri, le feutre sur le ne{, le
cigare à la bouche, un journal sous les
yeux, était assis à ma droite, dans l'autre
angle du wagon. Ni son cigare, ni son
journal n'eurent l'heur de l'amuser long-
temps, car nous n'étions pas à Asnières
qu'il avait laissé éteindre l'un et tomber
l'autre à se* pieds. Il ronflait, commençant
ainsi sajournee par un somme. Heureuse-
ment qu'il n'allait pas loin. Au cri poussé
par le conducteur du train : « Poissy ! », il
s'est réveillé brusquement et n'a eu que le
temps de sauter sur le quai où deux ae ses
amis, déguisés en pêcheurs, l'ont immédia-
tement hârnaché d'une hotte à pêche, d'une
épuisette, d'une ligne d tourniquet et autres
engins de destruction. Cette fois, j'étais
bieTtseul. J'en ai profite pour mettre la tête
à la portière et regarder le paysage.
Le ricl était bleu et blanc, brouillé de so-
leil et de nuées oralfeuses. Des corneilles
volaient autour des clochers romains de
Véglise de Poissy.' Nous allions pénétrer
dans la terre classique des cathédrales, ce
qui a pu faire dire et croire que l'art go-
thique est né en Normandie. En tout cas,
nulle part ailleurs il ne se montre aussi
touffu" aussi vivace. Abbayes, donjons,
châteaux, manoirs, basiliques. pendant plus
de cinq cents ans les Normanas n'ont cessé
de remuer, d'échafauder, de sculpter des
montagnes de pierre. Artistes et conqué-
rants, c'est leur double caractère.
Le train roulait à toute vapeur. Déjà par
dessus les bouquets d'arbres, dans la coulée
de la Seine, à travers les saulaies frisson-
nantes se montraient et disparaissaient les
deux tours ajourées de Mantes-la-Jolie.
Puis, ç'a été Evreux, Caen, Bayeux, défi-
lant avec leurs souvenirs historiques dans
la mélancolique grandeur de leurs mer-
veilles architecturales.
Sur toute la ligne, on était en pleine
moisson. Moissonneurs et moissonneuses se
redressaient de leur travail, s'appuyaient
sur leurs outils, soufflaient un instant pour
nous regarder passer. Aux barrières des
chemins à niveau se tenaient arrêtées de
longues files de charrettes chargées d'orge
et ae blé. Jamais, par exemple, je n'avais
vu la campagne normande aussi jaune, en
juillet, aussi grillée, aussi rôtie. Pas un
pré vert. Les bestiaux paissent de l'herbe
brûlée. Gare la margarine 1 Et pas de
pommes !
Mais voici Lison, Isigny, le pont de fer
jeté sur la Vire et les vastes marais du Co-
tentin. Changement à vue. Les nuages s'a-
baissent, se condensent, l'horizon se noie et
il bruine légèrement. J'entends dire, à Ca-
rentan : « C'hest la montée d'ia mé ». Une
simple brise marine, en effet, car pendant
la traversée de la presqu'île le ciel s'éclaircit
de nouveau et c'est par un soleil triomphant
que j'ai fait, sur la pointe de cinq heures,
mon entrée solitaire dans ma vieille bour-
gade natale.
Bricquebec ! Un nom rude, mais qui m'est
doux. Et tout de suite, au saut du wagon,
sans toucher barre à l'hâtel où le commis-
sionnaire emportait ma valise, j'ai remonte
pédestrement la grande rue pavée du bourg,
aux enseignes, aux façades familières, passé
devant la statue du général Lemarois, lieu-
tenant général des armées de Napoléon,
aide de camp de Vempereur — un bronze de
Canova s'il vous plaît — traversé la cour
du vieux château féodal que domine l'un
des ptus beaux donjons qui soient, rasé la
maison des Buttes où s'abrita mon enfance,
et, redescendant par la route de Carleret,
je me suis assis au creux du vallon, sur le
bord d'un Jossé qu'ombrage une haie vivace
d'épines et de coudriers.
Le ruisseau du Boq où, tout enfant, j'ai
pris mon premier véron, coulait à ma droite,
aux trois quarts étouffé sous sa double bor-
dure retombante de joncs et de roseaux. Des
âgfles" mariaient leurs larges ombelles aux
panaches odorants des reines-des-prés. Un
peu en contre-bas, un petit pont démantelé
—; le font$Ai$y — l'enjambait de ses deux
arches basses, brodées de lierre. Lune était
pleine d'ombre, Vautre de jour et, par des-
sous, dans la perspective de Veau fuyante,
se deployatent les herbages vallonnés de la
rlanque-ès-Vaques. Bons Parisiens qui
me lise" tous ces détails vous paraîtront
sans doute bien puérils, mais si vous saviez
comme c'est bon d'avoir un pays 1
CHARLES FRÉMINE.
Attentai contre le tomtaa de StataloH
La nuit dernière, à Sofia, un inconnu Q
fait sauter le tombeau de Stambouloff au
moyen de la dynamite. ,
La croix et le grillage ont été détruits,
mais le cercueil est resté intact.
LA VIE DE PARIS
Par HENRY FOUQUIER
Les femmes appartenant au monde
où l'on s'amuse — on le croit, du moins 1
— ont fort occupé le Palais, le Palais
de Justice, s'entend, ces jours-ci. Car,
à vrai dire, les Palais de nos gouver-
nants sont fort austères. Donc, les ju-
ges s'occupèrent de Mme Marie La-
croix, qui a eu des démêlés avec son
propriétaire, M. Henry Houssaye, et do
Mme Liane de Pougy, qui, à ce qu'il
parait, ne s'est pas encore faite carmé-
lite. On sait l'aventu e de Mme Marie
Lacroix, que nous appelions gaiement
« la croix et la bannière ».
D'excellente famille bourgeoise, ma-
riée à un haut employé, cette femme,
très jolie, très ensorcelante, avait lâ-
ché la vie de famille pour une exis-
tence plus gaie. Cette existence ne fut
pas sans traverses. Un de ses amants,
personnage à la fois comique et tragi-
que, très curieux, très intéressant, se
tua. Un autre, fils d'un riche bijoutier,
fût familier avec la caisse où papa
mettait ses plus beaux diamants et ses
perles de choix. Ceci n'alla pas sans
beaucoup « d'ennuis » pour Mme M. ,
Lacroix. Elle pensait avoir trouvé le
repos en louant un petit hôtel à M.
Henry Houssaye, où, de quatre à six,
elle donnait des réunions. Il venait
chez elle des femmes aimables qui se
rencontraient, comme par hasard, avec
des messieurs très galants. Où était le
mal, portes et fenêtres closes? Je ne
sais. Mais des locataires d'hôtels voi-
sins s'émurent de ces allées et ve-
nues.
Ils se plaignirent. Il parait que, parmi
les plus terribles, se trouvait un vieux
général. Arsène Houssaye, à ces plain-
tes, eût souri, j'imagine et opposé un
non possumus. M. Henry Houssaye n'a
pas ri et a envoyé du papier timbré. La
maison de Mme Lacroix ne lui semblait
pas habitée « bourgeoisement », comme
disent les baux: et il a gagné son procès.
Il me semble qu il pourrait bien y avoir
là une jurisprudence un peu dange-
reuse. Car enfin, où irons-nous, si les
propriétaires ont un droit de contrôle
sur ce qui se fait dans les maisons qu'ils
louent, même dans le cas où ces mai-
sons sont des hôtels occupés par une
seule personne ?
On comprend l'inconvénient des al-
lées et venues dans un escalier com-
mun à plusieurs locataires. Mais quand
il n'y en a qu'un? Et la jurisprudence,
en tout cas, est fort incertaine. Car il
n'est pas possible de ne pas opposer,
dans son esprit, ce jugement à celui
qui a été rendu, tout récemment, dans
le procès entre la belle Otero et son
propriétaire ou, plus exactement, entre
celui-ci et le propriétaire de la belle
Otero. Le loueur d appartements disait,
et je crois qu'il n'avait bas tort, que la
locataire qu'on avait instailé.chez lui
ne vivait pas bourgeoisement et que
c'était, chez elle, une allée et venue
continue et nocturne de joyeux viveurs,
qui finissaient quelquefois dans l'esca-
lier la chanson cornmencée dans le
boudoir.
Il paraît même que les Tsiganes, ces
maudits Tsiganes qu'on trouve par-
tout raclaient leurs violons toute la
nuit, pendant que la belle Otero
essayait ses poses. Pourtant, le pro-
priétaire a été débouté. Il me parait
probable que, chez Mme Lacroix, on
faisait moins de tapage et que le ton de
la maison était plutôt mystérieux ? 0
Justice ! même avec toi, tout est heur
et malheur. D'ailleurs, le dernier mot
n'est pas encore dit. Mme Marie La-
croix ne se tient pas pour battue. Elle
fait appel. Du temps que je la voyais
dans le monde, c'était déjà une per-
sonne qui avait beaucoup de ressort.
Les juges n'en ont pas fini avec elle.
Par contre, Mme Liane de Pougy a
gagné son procès. Elle avait affaire à
un couturier qui, à la suite d'une
brouille, lui avait envoyé sa note avec
impératif commandement d'avoir à la
payer dans les quarante-huit heures.
Ainsi procèdent les fourniseurs, bas,
obséquieux pour placer leur marchan-
dise et qui, lorsqu'il n'y a plus rien à •
gagner, se changent en tigres. La note
était de trente-trois mille francs. Excu-
sez du peu ! Mme ee Pougy ujensa qu'elle
était un peu salée, cette note.
D'ailleurs, les robes fanées, déjà re-
passées à la femme de chambre, c'est
très écœurant à payer, comme les dî-
ners digérés depuis longtemps. Mme
Liane de Pougy consigna donc dix
mille francs et demanda qu'on réglât
la note, par expertise. C'est ici qu'appa-
raît en son plein le comique sinistre de
nos mœurs judiciaires et qu'éclate un
des plus criants abus de notre temps -:-
qui en connaît tant ! Savez-vous à qui
on donna la mission d'expertiser ta
facture du couturier de Mme Liane cN"
Pougy ? A un autre couturier, -- M- je~)~
ÎPÀRlS ET DÉPARTEMENTS
H,e Numéro, CINQ CENTIMSM
ATOMES
£ B £ BUREAUX DU JOTTOfflL
rue Montmartre, 131
gftfcfces MM, LAGRANGE, CERF" ca
.) pïficè de la B(YIl/psè:, &
tâïêSfô ¡al,qra.z¡hlqua : XIX- SIÈCLE — PABXS
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RÉDACTION: 131, rue Montmartre, f 31
Dé 4 h 3 heures du soir et de 10 heures du soir à 1 heure du matin
w- 9643 - Mardi 4 Août 1896
18 THERMIDOR AN 104 -
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NOS LEADERS
LETTRES LIBRES
MYSTIFICATION DU GÉNÉRAL DODDS
En comparant les joarnaux du
Tonkin avec les informations four-
nies àla presse parisienne par l'agence
Havas et avec la lettre du ministre de
ta marine à M. Gerville-Réache, on
arrive aisément à se convaincre que
le général Dodds a été l'objet d'une
véritable mystification. Soit que son
rappel ait été provoqué par le gouver-
neur général de l'Indo-Chine, comme
l'affirmait le Temps il y a huit jours,
soit que l'initiative en ait été prise par
le ministre de la marine, il ressort
clairement de la lecture des journaux
du Tonkin, que le général Dodds,
après avoir travaillé pour le compte
de la marine, a été traité par elle
gtmme un collégien.
$ik.
D'abord, il n'est pas permis de dou-
ter qu'au moment de son départ de
France il ne fût d'accord avec ses
chefs du ministère de la marine sur le
programme militaire qu'il suivrait,
car il est notoire qu'il fut nommé
commandant en chef des troupes de
l'Indo-Chine, en dehors de M. Rous-
seau et malgré les propositions faites
par ce dernier en faveur d'un autre
général.
Voici, d'autre part, ce que disent au
sujet du plan militaire du général
Dodds les journaux du Tonkin. « La
récente nomination au grade de géné-
ral de M. le colonel de Badens quel-
ques jours après son débarquement au
Tonkin, a donné une actualité nou-
velle à la création d'un poste de géné-
ral de brigade pour l'Annam et le Ton-
kin. If après les conclusions du rapport
de M. le général en chef (général Dodds),
M. le gouverneur général aurait de-
mandé au ministère que M. de Badens
soit maintenu au Tonkin. Cette déci-
sion se justifie par de nombreuses
considérations. » L'Indépendance ton-
kinoise, manifestement bien informée,
développe amplement ces considéra-
tions, puis elle ajoute : « Dès lors, M.
le général en chef remplirait les fonc-
tions d'un général de division n'ayant
nnq de commandement effectif, mais
ayant sous ses ordres toutes les trou-
pes de l'Indo-Chine obéissant, au point
de vue administratif et militaire, dans
chacune des parties de l'union indo-
chinoise, à un général de brigade.
Auprès de chacun de ces deux géné-
raux, un état-major spécial; auprès
du général en chef, l'état-major gé-
néral. »
Le plan est net ; son exposé est pré-
cis : il s'agit de créer deux brigades,
l'une en Cochinchine, avec un général
de brigade et son « état-major spé-
cial », l'autre au Tonkin, également
avec un général de brigade et son
« état-major spécial », toutes les deux
sous les ordres du général en chef qui
« remplirait les fonctions d'un général
de division » et qui. aurait auprès de
lui « l'état-major général ». Au total
trois généraux et trois états-majors.
Le général en chef restait installé à
Hanoï et le général commandant la
brigade du Tonkin aurait son quartier
général à Haïphong. « Là, dit le jour-
nal cité plus haut, le groupe scolaire
qui n'a pas encore été occupé consti-
tue un hôtel digne de l'hôte qui de-
vrait y loger, spacieux, et où l'état-
major pourrait trouver la place néces-
saire et pour les bureaux et pour les
logements des officiers. » On ne dit
pas où iraient les élèves.
Quant au titulaire du poste de géné-
ral « faisant fonction de général de
division » il n'y avait aucun doute
dans l'esprit de ceux qui fournis-
saient les renseignements, car le
journal ajoute: « Nous ne pouvons que
souhaiter que la demande de M. le
gouverneur général trouve un accueil
favarable. Avec des officiers généraux
ayant une connaissance aussi pro-
fonde des choses du Tonkin, un passé
aussi glorieux que MM. les généraux
Dodds et de Badens, nous sommes as-
surés du succès et de la pacification
prochaine et complète de notre belle
colonie. »
**
Dans tout cela, vous le voyez, il
n'est nullement question de remplacer
le général Dodds par un général de
division; c'est lui, tout au contraire,
qui est considéré comme devant « en
remplir les fonctions ».
Ce plan n'était pas approuvé par
tout le monde au Tonkin, mais il était
connu de tout le monde. On lit dans
un journal qui le combattait, Y Avenir
du Tonkin : « M. le Général en chef
nous est arrivé de France ayant dans
sa poche, son programme arrêté d'a-
vance. D'après ce programme, il pa-
raîtrait qu'il est indispensable dégar-
nir de troupes, toutes les villes, tous
les centres du Delta, en faisant venir
de France des troupes fraîches qui y
seraient cantonnées. On rétablirait les
brigades avec effectifs complets, ce
qui fait tout d'abord que M. le Général
commandant en chef serait mieux
dans son rôle, dans les attributions de
général de division. Il parait que
certaines complications pourraient
survenir dans le monde politique;
dans ce cas, le Tonkin pourrait bien
être le point de mire d'un peuple,
aujourd'hui ami, mais qui pourrait
bien devenir notre adversaire. Il s'agit
du Japon ou d'une invasion japonaise,
si l'on aime mieux. Il nous reste à
prier nos lecteurs de croire que ce que
nous venons de dire n'a pas été in-
venté par nous ».
Etait-ce simplement pour ridiculiser
le plan du général Dodds qu'on lui
prètait la crainte d'une invasion du
Japon ? Avait-il réellement manifesté
cette crainte? Je l'ignore. Toujours
est-il que le plan du général, approuvé
d'avance par le ministre de la marine,
l'était ensuite par le gouverneur gé-
néral. Il n'est pas moins douteux que
le général Dodds, en demandant le ré-
tablissement des trois généraux et des
trois états-majors qui existaient avant
1891, s'était réservé, sans défiance, ni
fausse modestie et publiquement, le
rôle de général en chef « faisant fonc-
tions de général de division », en at-
tendant qu'il fût promu à ce grade.
On ne saurait le blâmer d'avoir
songé, en travaillant pour le ministère
de la marine, à ses propres intérêts.
On lui faisait tirer les marrons du feu,
il était assez naturel qu'il songeât à
les croquer
*-:W*
C'est ici que la mystification se pro-
duit. Tant qu'il opère pour le compte
général du militarisme, tant qu'il
dresse des plans en vue de l'augmen-
tation des états-majors et des effectifs,
dût-on pour aboutir menacer le Tonkin
d'un débarquement de Japonais, le
ministère de la marine l'encourage.
Mais quand il a obtenu de M. Rous-
seau que ce plan soit envoyé en France
et appuyé par le gouvernement géné-
ral de l'Indo-Chine, l'attitude à son
égard change du tout au tout. On
adopte son plan, on ramasse ses mar-
rons, et l'on confie à un autre le soin
d'exécuter le plan et de manger les
marrons.
On comprend que les amis du géné-
ral Dodds ne soient pas satisfaits et
qu'ils tiennent à connaître les causes
et l'auteur de la mystification dont le
vainqueur du Dahomey a été la vic-
time.
*:\t'*
Tandis qu'il sera procédé à cette
enquête, on fera bien de ne pas perdre
de vue les innovations militaires intro-
duites en Indo-Chine par le ministère
de la marine.
On fera sagement de demander pour-
quoi trois généraux, dont un de divi-
sion, et trois états-majors sont jugés
nécessaires en 1896, quand le Tonkin
est pacifié, alors qu'un seul général de
brigade suffisait lorsque le pays était
ravagé par l'insurrection et les pirates
chinois.
Instruite par la mystification dont
le général Dodds vient d'être l'objet, la
commission du budget ne voudra pas
se laisser, à son tour, mystifier par la
menace d'une invasion de Japonais.
Les défenseurs attitrés du budget
voudront savoir non-seulement pour-
quoi on triple les états-majors, mais
encore sur quels motifs la marine
s'appuie pour imposer à la Métropole
25,400,000 fr. de dépenses militaires
en 1896 tandis que 24,000,000 suffi-
saient en 1892, 1893 et 1894, c'est-à-
dire pendant la période la plus active
de la pacification.
La commission du budget voudra
savoir pourquoi on a augmenté ainsi
de 1,400,000 fr. le budget militaire du
Tonkin, précisément à partir du mo-
ment où il était facile de le réduire.
Le ministre des colonies, à son
tour, voudra étudier de près toutes ces
questions, sur lesquelles il est pro-
bable que son service militai^ ne le
renseigne que très insuffisamment.
Le souci qu'il a de ménager les con-
tribuables et d'empêcher nos colonies
de verser dans un militarisme stérile
et ruineux, nous inspire la conviction
qu'il saura faire rentrer le Tonkin
dans la bonne voie d'où l'on essaie de
le faire sortir.
Cette attitude lui vaudra peut-être
quelques inimitiés parmi les cher-
cheurs de galons et de gloire, mais il
y gagnera les sympathies des contri-
buables qui paient les folies du milita-
risme colonial et l'estime de tous ceux
que préoccupent les intérêts majeurs
de notre œuvre coloniale.
J.-L. DE LANESSAN.
Nous publierons demain un article
de M. Lucien Victor-Meuiiîei*
L'Alleznand de Lorient
L'Agence Havas nous communique
la note suivante :
L'un des principaux membres du Touring-
Club de la section de Lorient, qui avait de-
mandé à faire partie de l'escorte du prési-
dent de la République lors de son prochain
voyage en Bretagne aurait été reconnu
comme étant de nationalité allemande.
Cette affaire cause une certaine émotion
à Lorient, l'article 31 des statuts du club
déclarant que les délégués s'offrent en temps
de guerre comme estafettes ou éclaireurs au
commandant de corps d'armée.
Des détails plus circonstanciés man-
quent. Cependant, on affirme d'autre
part que l'Allemand en question avait
pris les plus grandes précautions, à
Lorient pour dissimuler sa véritable
nationalité.
Il ne faudrait pas toutefois attacher
trop d'importance à cet incident. L'ar-
ticle 31 des statuts de T. C. F. dit bien,
en effet, que les délégués « s'offrent »
comme estafettes ou éclaireurs en cas
de guerre, mais il ne dit pas, bien en-
tendu, qu'ils seraient acceptés sans
un examen sérieux.
En tout cas, cette petite aventure ne
pourra, sans doute,que rendrele T. C. F.
plus circonspect dans le choix de ses
délégués.
L. V.-M.
1 ■" -in- —. l.— ■ ..1 II M B
LES ON-DIT
CARNEr QUOTIDIEN:
Les courses : A Caen.
—Durée du jour : 16 h. 12 m.
CHEZ NOUS
--- M. Clausel de Coussergues, vice-
président de la Chambre des députés, dont
nous annoncions hier la maladie, vient de
mourir dans son appartement de la rue de
Provence.
Claude-Charles-Louis Clausel était né le
3 décembre 1831, d'une vieille famille du
département de l'Aveyron ; il était petit-
fils de M. Clausel de Coussergues, député
de l'Aveyron sous l'empire et la Restaura-
tion, et le neveu de l'évêque de Chartres,
M. Clausel de Montais.
Nommé député le 22 septembre 1889, il
fut élu en 1892 vice-président de la com-
mission d'enquête sur le Panama, puis en
juillet 1894, vice-président de la Chambre,
en remplacement de M. Burdeau qui deve-
nait président.
M. Clausel de Coussergues était mem-
bre du conseil de l'ordre des avocats.
Les obsèques seront faites à Cous-
sergues.
Un service funèbre sera célébré mardi
ou mercredi à Notre-Dame-de-Lorette.
Suivant les intentions du défunt, il n'y
aura à cette cérémonie ni discours ni
pompe officielle.
.,.-. Notre ami et collaborateur Amédée
Blondeàu vient d'avoir la douleur de per-
dre sa mère décédée hier matin à Roche-
fort à l'âge de quatrevingt-cinq ans.
Que notre ami,dans le deuil qui le frappe,
trouve ici l'expression de nos sincères
condoléances.
- Les obsèques civiles de notre sym-
pathique confrère, M. Armand Goin, di-
recteur de la France du Sud-Ouest à Bor-
deaux, si brusquement décédé à l'âge de
quarante ans, auront lieu à Paris aujour-
d'hui lundi 3 août, à dix heures précises
du matin.
Le convoi partira de la gare d'Orléans
(Messageries), rue Sauvage, et l'inhuma-
tion anra lieu au cimetière du Nord dans
le caveau de famille.
'"rv M. Alexandre Baulant, le graveur
préféré de Gavarni et de Henri Monnier,
vient de mourir à soixante-treize ans, dans
sa propriété de Bois-Colombes.
M. Baulant avait aussi renouvelé et porté
à sa perfection l'art de la fabrication des
fleurs artificielles, l'un des succès de l'in-
dustrie parisienne.
- Li-Hung-Tchang s'est embarqué
hier matin, à sept heures un quart, au Ha-
vre, à bord du remorqueurTi'tan qui l'a
conduit à bord du Général-Chanrv, mouillé
sur rade.
Le steamer a fait ensuite route pour l'An-
gleterre.
Peu de curieux assistaient au départ.
Li-Hung-Tchang est arrivé à trois heures
trente à Southampton. Il est parti par train
spécial pour Londres à quatre heures qua-
rante-cinq.
- Les régates du Havre :
Le président de la République a assisté
hier, aux régates, à bord de l'aviso-torpil-
leur Sainte-Barbe.
M. Félix Faure était accompagné de l'a-
miral Besnard, ministre de la marine, de
M. Le Gall, des officiers de la maison mi-
litaire et des officiers d'ordonnance du mi-
nistre de la marine.
La veille, le chef de l'Etat avait assisté
au grand bal offert par la société des ré-
gates.
- Voici, pour les différents centres,
les diverses dates des épreuves orales que
subiront en province les candidats à l'Ecole
polytechnique :
Nancy, 25-28 août; Dijon, 28 août-i"
septembre; Lyon , 31 août-4 septembre;
Grenoble, 2 septembre (les eandidats de
Grenoble subiront les examens du second
degré à Lyon); Marseille, 5-9 septembre;
Montpellier, j-11 septembre; Toulouse*
11-14 septembre; Bordeaux, 13-17 sep-
tembre; Tours, 15-19 septembre.
-- Un arrêté du préfet de la Seine
décide que le conservateur de la biblio-
thèque et des collections historiques de la
ville de Paris sera désormais membre de
droit et secrétaire de la commission admi-
nistrative des travaux historiques.
En exécution de cet arrêté, M. Le Vayer,
inspecteur des travaux historiques, chargé
des fonctions de conservateur de la biblio-
thèque et des collections historiques de la
Ville, est appelé à faire partie de la com-
mission des travaux historiques.
Le docteur Dumont, ancien adjoint
de Levallois, a légué à cette commune une
somme de 80,000 fr. dont la rente doit ser-
vir à doter annuellement deux jeunes filles
de Levallois signalées par leurs soins en-
vers leurs vieux parents ou leurs jeunes
frères et sœurs.
Ces jeunes filles, qui reçoivent chacune
une dot de 1,500 fr., doivent être choisies,
l'une dans la partie de la ville au nord de
la rue de LourcelIes, la seconde dans l'au-
tre partie de la ville.
La commission chargée de choisir les
lauréates se compose du maire, de deux
institutrices laïques, du curé, de deux ins-
titutrices congréganistes et d'un repré-
sentant de la famille du donateur.
Cette année, sur vingt-deux candidates,
les deux élues sont Mlles Stéphanie
Perrin et Jeanne Levyt.
Mlle Perrin, fixée depuis treize ans à
Levallois, habite 20, passage Trebert, et
est âgée de vingt-trois ans; elle est coutu-
rière et, depuis la mort de sa mère surve-
nue il y a cinq ans, elle a trouvé le moyen
d'élever six frères ou sœurs, dont l'aîné a
aujourd'hui dix-neuf ans et le plus jeune
sept ans.
Mlle Levyt, qui habite 29, rue du Mar-
ché, âgée de vingt-trois ans, est l'unique
soutien de sa famille depuis de longues
années.
-- Deux cents empoisonnements :
On annonce de Lunéville qu'une en-
quête vient d'être commencée pour établir
les causes d'un empoisonnement qui s'est
produit à Saint-Christophe, près de Bac-
carat.
Plus de deux cents personnes, qui avaient
mangé des écrevisses, seraient très sérieu-
sement malades; un malade aurait suc-
combé.
Plusieurs autres habitants sont dans un
état alarmant.
—— M. Henry Boucher doit présider
le 5 août, la séance de clôture du congrès
de cbimie.
de cbimie.
~— C'est dimanche - août qu'aura
lieu l'inauguration de la nouvelle ligne du
chemin de fer de Tournemire au Vigan. A
cette occasion, des fêtes sont organisées
par la municipalité du Vigan.
Cette ligne, qui du Vigan va se raccor-
der à Tournemire, ligne du Midi, et qui
possède de nombreux travaux d'art, a une
ongueur de plus de 62 kilomètres.
- Un dernier écho — culinaire celui-
ci — du passage de Li-Hung-Tchang.
Voici exactement le menu d'un dînerque
s'ingurgita le Céleste, à Lyon, un soir lors
de son séjour dans cette ville :
Potage Salangane
Œufs de poule couvés
Haehis de chien salé
Conserve de vers à soie en purée
Poule au riz safrané
Salade à l'huile de ricin
Confiture de nénuphar
Thé Pey-Ko
Oh 1 cette conserve de vers à soie et
cette salade à l'huile de ricin 1
Voici d'ailleurs la recette d'un mets : « le
crapaud à la chinoise », qui risquerait fort
de ne pas exciter l'appétit d'un simple Eu-
ropéen :
Prenez douze crapauds que vous écorchez
vifs ; faites-les frire à l'huile do ricin. Puis
après les avoir coupés en petits morceaux,
faites mijoter dans une sauce aux cloportes.
Servez bouillant.
Recommandé aux estomacs affaiblis et
dégoûtés.
Si non e vero.
Le Passant.
A TRAVERS LE CIMETIÈRE MOHTPARHASSE
La tour du Moulin — Le vieux théâtre
Montparnasse
Guinguettes, beuglants et cimetières
Si cela continue on va percer ce pauvre
cimetière Montparnasse comme une écu-
moire, on a déjà percé dans la partie orien-
tale les rues Gassendi, Victor-Considérant,
Schœlcher, qui font communiquer directe-
ment la mairie de Montrouge avec le boule-
vard Montparnasse.
On va bientôt, de l'autre côté, procéder à
l'ouverture d'une rue longeant tout le côté
ouvert du cimetière et allant de l'avenue du
Maine au boulevard Edgar-Quinet et em-
pruntant en partie le mur de ronde. La rue
sera parallèle à la rue de la Gaîté avec qui
elle communiquera par les impasses de la
Gaîté et qui deviendront des rues.
Elle poussera près « de la Tour du Mou-
lin », vieille tour du commencement du dix-
septième siècle, qui au sommet de la butte
du Montparnasse était le moulin à vent des
frères de la Charité à qui Marie de Médicis
avait, dans ces parages, donné de vastes
domaines « qui ne lui coûtaient guère" et
au milieu desquels, les âpres tonsurés, se
disant que charité bien ordonné commence
par soi-même, avaient fait bâtir des gran-
ges où ils engrangeaient leurs récoltes et
pressaient con amore la septembrale et
écarlare purée des vignes du Très-Haut.
Sur la rue nouvelle se dégagera une fa-
çade nouvelle du vieux théâtre Montpar-
nasse avec sa folie à grelots et son mous-
quetaire à panache, où ont rugi tant de
traîtres, pleuré tant de demi-vierges et ou
tant de futurs illustres comédiens ont dé-
buté incognito.
Sur tous ces terrains s'élevaient, en bor-
dure du cimetière, des beuglants tapageurs
et des bastringues orageux, le Jardin de
Paris, la Belle Polonaisef Grados, la Ro-
re oz-vous -du artistes, tçnu
par le père Bourdon, où, autour des broc 1
en hêtre verni, une bande d'artistes, A. Hu-
go, de Ville maust, Chai-le t,Chenavard,Viard,
1 mystificateur Billoud se réunissaient aux
beaux jours, sous des gloriettes de hou-
blon.
.- y
Lomme jadis au enarmer des innocents,
c'est toujours autour des cimetières que
s'établissent les guinguettes bruyantes, les
bals excentriques, les bosquets de coudrettes
si propices au tête-à-tête.
Y a-t-il là une idée philosophique, le spec-
tacle de la mort incitant à joyeusement
vivre ou plutôt, n est-ce pas tout simplement
le débit de la consolation que cherche le per-
sonnel toujours altéré des enterrements et
le besoin de bruit et de distraction pour ou-
blier la douleur récente ?
A. c.
EN ROUTE
Mon voyage a commencé rue d'Assas, sur
les confins du Luxembourg. Il était tout
juste sept heures du matin - même qu*elles
sonnaient à Saint-Jacques-du-Haut-Pas.
Un fiacre découvert passait précisément de-
vant ma porte. Je tt-ai eu que ta peine a y
monter et, tout de suite, pendant que nous
roulions vers la gare Saint-Lazare, me
voilà m'intéressant aux moindres accidents
de la rue, à l'allure vive des passants ma-
tineux, à Vouverture des boutiques, à la
toilette des étalages, au chien maraudeur
qu'un garçon épicier pourchassait de son
plumeau, à la rencontre de deux petits sol-
dats gantés de blanc, échangeant une ra-
pide poignée de main sur le trottoir. J'étais
en voyage.
A m&i arrivée à la gare, déjà les cours
étaient encombrées de voitures. Des fa-
milles chargées de paquets, de paniers, de
valises, s'engouffraient sous les porches,
escaladant les escaliers. On faisait queue
aux guichets. Le rapide de Cherbourg était
prêt à partir. A huit heures quarante, il
s'ébranlait, m'emportant. J'ai eu un frisson
de joie. Je m'en allais pourtant tout seul, un
peu à l'aventure, mes derrières asseî mal
assurés, vers mon pays où personne ne
m'attendait.
Mais non, je n'étais pas seul. Un mon-
sieur gras et fleuri, le feutre sur le ne{, le
cigare à la bouche, un journal sous les
yeux, était assis à ma droite, dans l'autre
angle du wagon. Ni son cigare, ni son
journal n'eurent l'heur de l'amuser long-
temps, car nous n'étions pas à Asnières
qu'il avait laissé éteindre l'un et tomber
l'autre à se* pieds. Il ronflait, commençant
ainsi sajournee par un somme. Heureuse-
ment qu'il n'allait pas loin. Au cri poussé
par le conducteur du train : « Poissy ! », il
s'est réveillé brusquement et n'a eu que le
temps de sauter sur le quai où deux ae ses
amis, déguisés en pêcheurs, l'ont immédia-
tement hârnaché d'une hotte à pêche, d'une
épuisette, d'une ligne d tourniquet et autres
engins de destruction. Cette fois, j'étais
bieTtseul. J'en ai profite pour mettre la tête
à la portière et regarder le paysage.
Le ricl était bleu et blanc, brouillé de so-
leil et de nuées oralfeuses. Des corneilles
volaient autour des clochers romains de
Véglise de Poissy.' Nous allions pénétrer
dans la terre classique des cathédrales, ce
qui a pu faire dire et croire que l'art go-
thique est né en Normandie. En tout cas,
nulle part ailleurs il ne se montre aussi
touffu" aussi vivace. Abbayes, donjons,
châteaux, manoirs, basiliques. pendant plus
de cinq cents ans les Normanas n'ont cessé
de remuer, d'échafauder, de sculpter des
montagnes de pierre. Artistes et conqué-
rants, c'est leur double caractère.
Le train roulait à toute vapeur. Déjà par
dessus les bouquets d'arbres, dans la coulée
de la Seine, à travers les saulaies frisson-
nantes se montraient et disparaissaient les
deux tours ajourées de Mantes-la-Jolie.
Puis, ç'a été Evreux, Caen, Bayeux, défi-
lant avec leurs souvenirs historiques dans
la mélancolique grandeur de leurs mer-
veilles architecturales.
Sur toute la ligne, on était en pleine
moisson. Moissonneurs et moissonneuses se
redressaient de leur travail, s'appuyaient
sur leurs outils, soufflaient un instant pour
nous regarder passer. Aux barrières des
chemins à niveau se tenaient arrêtées de
longues files de charrettes chargées d'orge
et ae blé. Jamais, par exemple, je n'avais
vu la campagne normande aussi jaune, en
juillet, aussi grillée, aussi rôtie. Pas un
pré vert. Les bestiaux paissent de l'herbe
brûlée. Gare la margarine 1 Et pas de
pommes !
Mais voici Lison, Isigny, le pont de fer
jeté sur la Vire et les vastes marais du Co-
tentin. Changement à vue. Les nuages s'a-
baissent, se condensent, l'horizon se noie et
il bruine légèrement. J'entends dire, à Ca-
rentan : « C'hest la montée d'ia mé ». Une
simple brise marine, en effet, car pendant
la traversée de la presqu'île le ciel s'éclaircit
de nouveau et c'est par un soleil triomphant
que j'ai fait, sur la pointe de cinq heures,
mon entrée solitaire dans ma vieille bour-
gade natale.
Bricquebec ! Un nom rude, mais qui m'est
doux. Et tout de suite, au saut du wagon,
sans toucher barre à l'hâtel où le commis-
sionnaire emportait ma valise, j'ai remonte
pédestrement la grande rue pavée du bourg,
aux enseignes, aux façades familières, passé
devant la statue du général Lemarois, lieu-
tenant général des armées de Napoléon,
aide de camp de Vempereur — un bronze de
Canova s'il vous plaît — traversé la cour
du vieux château féodal que domine l'un
des ptus beaux donjons qui soient, rasé la
maison des Buttes où s'abrita mon enfance,
et, redescendant par la route de Carleret,
je me suis assis au creux du vallon, sur le
bord d'un Jossé qu'ombrage une haie vivace
d'épines et de coudriers.
Le ruisseau du Boq où, tout enfant, j'ai
pris mon premier véron, coulait à ma droite,
aux trois quarts étouffé sous sa double bor-
dure retombante de joncs et de roseaux. Des
âgfles" mariaient leurs larges ombelles aux
panaches odorants des reines-des-prés. Un
peu en contre-bas, un petit pont démantelé
—; le font$Ai$y — l'enjambait de ses deux
arches basses, brodées de lierre. Lune était
pleine d'ombre, Vautre de jour et, par des-
sous, dans la perspective de Veau fuyante,
se deployatent les herbages vallonnés de la
rlanque-ès-Vaques. Bons Parisiens qui
me lise" tous ces détails vous paraîtront
sans doute bien puérils, mais si vous saviez
comme c'est bon d'avoir un pays 1
CHARLES FRÉMINE.
Attentai contre le tomtaa de StataloH
La nuit dernière, à Sofia, un inconnu Q
fait sauter le tombeau de Stambouloff au
moyen de la dynamite. ,
La croix et le grillage ont été détruits,
mais le cercueil est resté intact.
LA VIE DE PARIS
Par HENRY FOUQUIER
Les femmes appartenant au monde
où l'on s'amuse — on le croit, du moins 1
— ont fort occupé le Palais, le Palais
de Justice, s'entend, ces jours-ci. Car,
à vrai dire, les Palais de nos gouver-
nants sont fort austères. Donc, les ju-
ges s'occupèrent de Mme Marie La-
croix, qui a eu des démêlés avec son
propriétaire, M. Henry Houssaye, et do
Mme Liane de Pougy, qui, à ce qu'il
parait, ne s'est pas encore faite carmé-
lite. On sait l'aventu e de Mme Marie
Lacroix, que nous appelions gaiement
« la croix et la bannière ».
D'excellente famille bourgeoise, ma-
riée à un haut employé, cette femme,
très jolie, très ensorcelante, avait lâ-
ché la vie de famille pour une exis-
tence plus gaie. Cette existence ne fut
pas sans traverses. Un de ses amants,
personnage à la fois comique et tragi-
que, très curieux, très intéressant, se
tua. Un autre, fils d'un riche bijoutier,
fût familier avec la caisse où papa
mettait ses plus beaux diamants et ses
perles de choix. Ceci n'alla pas sans
beaucoup « d'ennuis » pour Mme M. ,
Lacroix. Elle pensait avoir trouvé le
repos en louant un petit hôtel à M.
Henry Houssaye, où, de quatre à six,
elle donnait des réunions. Il venait
chez elle des femmes aimables qui se
rencontraient, comme par hasard, avec
des messieurs très galants. Où était le
mal, portes et fenêtres closes? Je ne
sais. Mais des locataires d'hôtels voi-
sins s'émurent de ces allées et ve-
nues.
Ils se plaignirent. Il parait que, parmi
les plus terribles, se trouvait un vieux
général. Arsène Houssaye, à ces plain-
tes, eût souri, j'imagine et opposé un
non possumus. M. Henry Houssaye n'a
pas ri et a envoyé du papier timbré. La
maison de Mme Lacroix ne lui semblait
pas habitée « bourgeoisement », comme
disent les baux: et il a gagné son procès.
Il me semble qu il pourrait bien y avoir
là une jurisprudence un peu dange-
reuse. Car enfin, où irons-nous, si les
propriétaires ont un droit de contrôle
sur ce qui se fait dans les maisons qu'ils
louent, même dans le cas où ces mai-
sons sont des hôtels occupés par une
seule personne ?
On comprend l'inconvénient des al-
lées et venues dans un escalier com-
mun à plusieurs locataires. Mais quand
il n'y en a qu'un? Et la jurisprudence,
en tout cas, est fort incertaine. Car il
n'est pas possible de ne pas opposer,
dans son esprit, ce jugement à celui
qui a été rendu, tout récemment, dans
le procès entre la belle Otero et son
propriétaire ou, plus exactement, entre
celui-ci et le propriétaire de la belle
Otero. Le loueur d appartements disait,
et je crois qu'il n'avait bas tort, que la
locataire qu'on avait instailé.chez lui
ne vivait pas bourgeoisement et que
c'était, chez elle, une allée et venue
continue et nocturne de joyeux viveurs,
qui finissaient quelquefois dans l'esca-
lier la chanson cornmencée dans le
boudoir.
Il paraît même que les Tsiganes, ces
maudits Tsiganes qu'on trouve par-
tout raclaient leurs violons toute la
nuit, pendant que la belle Otero
essayait ses poses. Pourtant, le pro-
priétaire a été débouté. Il me parait
probable que, chez Mme Lacroix, on
faisait moins de tapage et que le ton de
la maison était plutôt mystérieux ? 0
Justice ! même avec toi, tout est heur
et malheur. D'ailleurs, le dernier mot
n'est pas encore dit. Mme Marie La-
croix ne se tient pas pour battue. Elle
fait appel. Du temps que je la voyais
dans le monde, c'était déjà une per-
sonne qui avait beaucoup de ressort.
Les juges n'en ont pas fini avec elle.
Par contre, Mme Liane de Pougy a
gagné son procès. Elle avait affaire à
un couturier qui, à la suite d'une
brouille, lui avait envoyé sa note avec
impératif commandement d'avoir à la
payer dans les quarante-huit heures.
Ainsi procèdent les fourniseurs, bas,
obséquieux pour placer leur marchan-
dise et qui, lorsqu'il n'y a plus rien à •
gagner, se changent en tigres. La note
était de trente-trois mille francs. Excu-
sez du peu ! Mme ee Pougy ujensa qu'elle
était un peu salée, cette note.
D'ailleurs, les robes fanées, déjà re-
passées à la femme de chambre, c'est
très écœurant à payer, comme les dî-
ners digérés depuis longtemps. Mme
Liane de Pougy consigna donc dix
mille francs et demanda qu'on réglât
la note, par expertise. C'est ici qu'appa-
raît en son plein le comique sinistre de
nos mœurs judiciaires et qu'éclate un
des plus criants abus de notre temps -:-
qui en connaît tant ! Savez-vous à qui
on donna la mission d'expertiser ta
facture du couturier de Mme Liane cN"
Pougy ? A un autre couturier, -- M- je~)~
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