Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1896-04-04
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 04 avril 1896 04 avril 1896
Description : 1896/04/04 (N9521). 1896/04/04 (N9521).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7564161j
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2013
- CINQ CENTIME S le Numéroi
~8 ET tSEPAtÇTi&IENTfe*
Le Numéro; CI NO CENTImpo
LE Xir SIECLE
ANNONCES
AUX BUEEAUX DU JOURNAL
131, rue Montmartre, 131
Et chez MM. LAGRANGE, CERF 6 CM
6, place de la Bourse, S.
Adresse téléffr*phlaue : XIX* SIÈCLE — PARU
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Paris;. Ifoa lois, 6 f. Sis lM, n f. Il n,ho t!..
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N° 9521. - Samedi 4 Avril 1896
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NOS LEADERS
NOUVELLE VICTOIRE
C'est par 317 voix contre 241, c'est-
à-dire à la majorité de 76 voix que
l'ordre du jour pur et simple que M.
Francis Charmes a présenté hier
comme un ordre du jour de défiance
à propos des affaires d'Egypte, a été
repoussé par la Chambre.
Quant à l'ordre du jour de confiance
voté au ministère Bourgeois, la majo-
rité a été encore plus forte : 96 voix.
La coalition des réactionnaires et
des conservateurs républicains n'a
donc abouti qu'à augmenter le nombre
des représentants décidés à appliquer
dans ce pays une politique résolûment
réformatrice. Et cette majorité, le gou-
vernement la retrouvera toujours, sauf
dans la question de l'impôt sur le re-
venu.
J'irai même plus loin. Si les vacan-
ces de Pâques n'étaient pas si pro-
chaines, il suffirait que la coalition dé-
veloppât deux ou trois interpellations
nouvelles pour porter à cent voix le
chiffre de la majorité ministérielle.
e*
Aussi bien, cette misérable coalition
d'appétits et d'intérêts, qui a la pré-
tention d'arrêter le progrès démocra-
tique, a perdu tout esprit politique.
Elle est dirigée, on le sait du reste, par
quelques jeunes gens dont le talent est
loin d'égaler l'ambition. Ces jeunes,
« les gosses » — c'est ainsi qu'on les
a appelés le premier jour et le surnom
leur restera — sont trop désolés en
vérité d'avoir été précipités du pou-
voir auquel les avait élevés le hasard,
ce grand maître de nos destinées, et
trop impatients d'y remonter, car MM.
Poincaré, Barthou, Lebon, etc., ne
s'agitent, ne se démènent, n'intri-
guent, ne parlent ou ne font prendre
la parole par d'autres que dans ce but :
conquérir un portefeuille. Ils souffrent
de cette maladie que j'appelais hier la
maroquinite et que chaque déception
qu'ils éprouvent envenime à un degré
inimaginable.
Ils interpellent sur tout et à pro-
pos de tout. Tout ce que l'on a fait
avant eux était mauvais, tout ce
que l'on fait après eux est détestable.
Ils jugent toutes les questions, appré-
cient les actes de leurs successeurs et
censurent le gouvernement avec cette
audace que seule donne la médiocrité.
Mais le pays les a jugés eux aussi,
et le pays, qui a bien le droit, je sup-
pose, de faire entendre sa voix quand
il s'agit de ses intérêts, a déclaré par
ces acclamations dont ont été accom-
pagnés pendant leur voyage dans le
Midi MM. Félix Faure et Bourgeois,
par ces milliers d'adresses qu'a reçus
e président du conseil, par une foule
de manifestations symptômatiques,
qu'il ne veut plus de la politique de
piétinement, qu'il exige des réformes,
qu' il soutiendra tous ceux qui lui
promettront et réaliseront des ré-
formes.
.**
Je disais plus haut que nos adver-
saires ont perdu tout esprit politique.
N'était-ce pas une folie que d'espérer
renverser le ministère sur une ques-
tion à la solution de laquelle est inté-
ressé l'honneur de la France? Compter
sur une majorité au moment où le ca-
binet négocie avec les puissances,
alors que de l'aveu de toutes les per-
sonnes de bonne foi, il a fermement
revendiqué les droits de l'Egypte et
défendu les créanciers français? Mais,
pour commettre une action aussi cri-
minelle, le mot n'est pas trop fort, il
fallait ne pas connaître la Chambre, il
fallait vouloir ignorer la susceptibilité
légitime de notre patriotisme ou il fal-
lait vouloir rompre en visière avec
l'opinion publique.
Au cours de ce débat, nous avons pu
voir s'étaler avec un cynisme incons-
cient la coalition des réactionnaires,
des ralliés et des républicains modé-
rés. Le ministère a été, en effet, inter-
pellé par un rédacteur du Figaro,
M. Delafosse, par un ancien rédacteur
du Temps, M. André Lebon, et par un
rédacteur des Débats, le diplomate en
chambre des Débats, et le rédacteur
politique de la Revue des Deux-Mondes,
M. Francis Charmes.
Est ce que l'union de ces trois noms
et de ces quatre organes ne vous dit
tion ? Est-ce que, contre la République
démocratique, vous n'apercevez pas
clairement les réactionnaires, les ral-
liés et les modérés massés pour conser-
ver leurs privilèges de fortune et de
finance, leurs monopoles, les abus
dont ils profitent ? Est-ce que vous ne
vous indignez pas en voyant d'anciens
républicains faire alliance ouverte et
définitive avec les amis de la monar-
chie contre le peuple souverain?
Et ces gens-là, dominés par le des-
sein, non dissimulé d'ailleurs, de re-
prendre le pouvoir, ont osé, tandis
que le gouvernement a besoin contre
l'étranger de l'appui de tout le Parle-
ment et de toute la population, parler
de fautes irréparables. Eh bien ! cela,
nous ne l'avons jamais fait, nous au-
tres démocrates. Est-ce notre parti qui
a commis, en 1881, le crime d'aban-
donner l'Egypte à l'occupation an-
glaise?
Comme, contrairement à ces tristes
palinodies, la lecture de la déclaration
de M. Bourgeois a été nette et précise,
sans équivoque! Le président du con-
seil a, en effet, présenté l'historique
de la question d'Egypte jusqu'à au-
jourd'hui même. Il a montré ce qui
avait été fait avant lui et ce que son
ministère a fait. Quand il a prononcé
ce grand mot« l'honneur delaFrance »,
le patriotisme de la partie démocra-
tique de la Chambre, trop longtemps
contenu, a éclaté en une triple salve de
bravos. Quelle politique a opposée la
coalition à celle du gouvernement?
Aucune.
Bref, on connaît le résultat de cette
nouvelle bataille : 317 républicaine —
exclusivement — se sont réunis au-
tour du cabinet Bourgeois.
#*#
Maintenant, je me demande ce que
va faire le Sénat. Aura-t-il l'audace
d'Interpeller un gouvernement qui ne
lui répondra, s'il lui répond, qu'en lui
rappelant le vote de confiance qu'il a
obtenu hier.
Le Sénat s'est mis volontairement
dans une posture desplus humiliantes.
Comment sortira-t-il de cette impasse?
Je lui prédis que ce ne sera pas sans
un peu plus de déconsidération.
CHARLES BOS.
Nous publierons demain un article
de M. Camille Pelle tan
LES ON-DIT
CARNET QUO TIDIEM :
Les courses : A Neuilly-Levallois.
— Vacances judiciaires, jusqu'au 13.
— Concerts au Châtelet (Colonne) et au cirque
d'Eté (Lamoureux).
— Durée du jour : 14 h. 9 m.
AU JOUR LE JOUR
La Chambre s'est ajournée au 19 mai
prochain. C'était prévu.
Mais que va faire le Sénat? On m'as-
sure que « les vieux persistent ». Quelle
est donc la manifestation à laquelle ils
vont se livrer ? Est-ce exagérer que de
dire qu'ils donnent au pays un spec-
tacle lamentable. Le Sénat est déjà dis-
crédité. Veut-il donc se déshonorer?
N'oubliez pas qu'aujourd'hui, c'est le
vendredi saint. Et voilà un « anniver-
saire » qui me rappelle un mot de Pi-
ron : « Le jour où la divinité succombe,
il est bien permis à l'humanité de chan-
celer ». Dans l'espèce, l'humanité, c'est
le Sénat.
11 y a quelque temps, d'ailleurs, que
le Sénat chancelle, mais s'il veut suc-
comber « pour de bon », il n'a qu'à con-
tinuer à obéir à MM. Waldeck-Rousseau
et Le Provost de Launay. Pourtant,
vous verrez qu'une fois de plus, il cé-
dera.
Comme le mot de Madier de Montjau
est juste : « Sus au Sénat 1 » Quelles
espérances peut-on, en effet, fonder sur
une assemblée qui, chaque fois qu'elle
a l'air de se mettre en colère, s'em-
presse de prendre la fuite quand on lui
parle comme il convient.
CHEZ NOUS
Le président de la République a
visité hier, à quatre heures et demie, l'ex-
position des pastellistes, rue de Sèze.
Il était accompagné du général Tour-
nier, de M. Le Gall et du commandant
Meaux de Saint-Mars.
- Grande affluence hier au Champ
de Mars. C'était vernissage aux Indépen-
dants. De trois à quatre heures, on se por-
tait littéralement dans les salles de cette
intéressante exposition, dont le succès va
grandissant chaque année.
- Parmi les envois au Salon des
Champs-Elysées, citons : Un mendiant, de
Ch. Weiser, et un dessin d'une originalité
remarquable, de notre dessinateur Ferdi-
nand Raffin.
- Le bureau du conseil général a
reçu hier après-midi, pour resserrer les
liens entre les représentants de la banlieue
et ceux de Paris, les conseillers d'arron-
dissement, les maires et adjoints et les
principaux fonctionnaires de l'arrondisse-
ment de Saint-Denis. Les ministres, invités,
s'étaient fait excuser.
- M. Alfred Morain est nommé chef
du secrétariat particulier de M. Sarrien, le
nouveau ministre de l'intérieur
- Sont arrivés hier à Paris :
La reine Nathalie de Serbie, avec une
suite de trois personnes. La reine a été re-
çue à la descente de son wagon par M.
Garaschanine, président de la Skoupt-
china, et plusieurs membres de la colonie
serbe.
Le duc d'Albany qui, arrivant de Lon-
dres, a pris immédiatement le Nice-Ex-
pres, se rendant près de sa grand-mère,
a reine Victoria.
- Le prince Serge Galitzene a quitté
Paris mercredi soir, se rendant à Saint-Pé-
tersbourg.
- Le bal donné par l'Association ami-
cale des anciens élèves de Saint-Cyr aura
lieu dans les salons de l'hôtel Continental,
le samedi 25 avril prochain.
—— Le gouvernement coréen vient de
faire connaître au gouvernement de la Ré-
publique que la Corée serait officiellement
représentée à l'Exposition de 1900.
- La foire aux jambons :
Hier s'est terminée la foire aux jambons,
qui, cette année, a duré quatre jours.
Il y avait 547 baraques, 180 de plus que
l'année dernière. Cette augmentation du
nombre de vendeurs est due à la baisse de
prix de la viande de porc.
Il est entré sur la foire 170,743 kilos de
jambons et saucissons et 2,574 kilos de
graisse.
Onze boucheries hippophagiques four-
nissent 3,600 kilos de saucisson.
Les départements les plus renommés
pour la charcuterie sont la Meuse et Meur-
the-et-Moselle. Dès le premier jour un
grand nombre de baraques de ces deux
départements étaient vides le soir.
Le saucisson de Lorraine se vendait 4 fr.
50 le kilo, celui des autres départements
de 1 fr. 30 à 2 fr. 30.
Le jambon de Lorraine 2 fr. 80 et celui
des autres départements de 1 fr. 80 à 2
francs 50.
Le lard de 2 fr. à 2 fr. 80.
Les andouilles de Lorraine de 2 à 3
francs le kilo ou de 3 à 6 francs la dou-
zaine.
On a saisi :
Le premier jour 1,25 1 kilos de marchan-
dises avariées.
Le deuxième jour 131 kilos.
Le troisième jour 46 kilos.
Et le quatrième et dernier 74 kilos.
Soit un total de 1,502. Sans compter ce
qui a pu échapper à la visite des vétéri-
naires.
Et maintenant, tout à la Foire au pain
d'épice !
Le Passant.
L'ANGE G,ABRIEL
Suivant l'abbé Brettes, fondateur de la
société des sciences psychiques, composée
de 25 prêtres et d'autant de médecins, ces
appoints ne sont point de la petite bière,
Mlle Couédon ne serait pas très intéressante
au point de vue scientifique.
Le pasteur Kuhn pense que les prédictions
de Mlle Couédon ne valent pas l'examen
d'un chrétien.
Le docteur Dumontpallier dit : « C'est une
folle. et une farceuse. »
« Ce praticien lui a posé, dit un de nos
confrères du Temps, au moment où elle se
trouvait à l'état naturel, cette rrriAstinn -
» — Vous nous avez dit que 1 ange Gabriel
annonçait les plus grands cataclysmes ;
pouvez-vous me dire pour quelle époque ils
sont prédits ?
» Mlle Couédon a répondu:
» — L'ange Gabriel ne me l'a pas dit.
» Cette réponse, déclare le docteur Du-
montpallier, prouve jusqu'à l'évidence que
Mlle Couédon est une farceuse, parce que,
lorsqu'on est dans l'état second et qu'on pro-
phétise, le retour à l'état premier ou normal
se manifeste par ceci qu'on oublie tout sur-
le-champ. Mlle Couédon devait donc avoir
tout oublié quand je lui ai posé ma ques-
tion. Le seul fait qu'elle y ait répondu dé-
montre qu'elle ne saurait être prisa au sé-
rieux. »
J'ai dit hier que j'avais prié Mlle Couédon
de ne pas faire intervenir l'ange Gabriel
dans notre conversation, et je ne le regrette
pas.
C'est une très aimable personne que l'on
fatigue beaucoup en ce moment, et elle fi-
nira par devenir complètement folle si ça
continue.
J'espère pour elle que ce qui lui reste de
raison se manifestera par ces simples
mots :
— En voilà assez 1
P. G.
00
UNE LETTRE DE M. DE MOLTKE
UN DOCUMENT HISTORIQUE
La «Correspondance militaire de Moltke»,
qui vient de paraitre à Berlin, contient entre
autres documents une lettre fort intéres-
sante sur la situation militaire de la Prusse
vis-à-vis de la France et de l'Autriche
en 1867.
Nous détachons de cette lettre adressée
au prince de Bismarck et datoe de Berlin,
8 août 1866, les passages suivants :
« D'après nos calculs, la France ne peut
réunir une armée de 250,000 hommes prête
pour la guerre entre Metz et Strasbourg, en
moins de vingt-six jours. Il est manifeste-
ment de la plus haute importance d'arriver
à un accord définitif avec l'Autriche, aussi-
tôt que possible, afin d'avoir les mains li-
bres dans l'est et dans l'ouest, si nos voi-
sins tentaient de nous dérober une partie
des fruits de nos victorieuses campagnes.
La question principale n'est donc pas d'in-
sister sur des conditions d'importance se-
condaire pendant les négociations de Prague,
mais de tenir aussi promptement que possi-
ble à notre disposition, nos troupes actuel-
lement en Moravie et en Bohême,
» L'éventualité la plus probable est que la
France réclamera des cessions de territoires
incompatibles avec la fonction historique de
la Prusse, qui est d'unifier et de protéger
l'Allemagne tout entière, fonction dont la
partie la plus importante vient d'être réali-
sée.
» Si la France émettait une pareille pré-
tention, la guerre serait populaire dans toute
l'Allemagne non autrichienne. On peut diffi-
cilement douter au'una alliance ne nuisse
être conclue contre la France, avec les Etats
de l'Allemagne du Sud, en abandonnant la
plus grande partie, ou même, la totalité du
territoire occupé par nous au sud du Mein.
Dans ce cas, la nouvelle alliance engloberait
non seulement l'Allemagne du Nord, mais
toute l'Allemagne.
» Les contingents de l'Allemagne du Sud
pourraient être rassemblés à Manheim, dans
leur etat actuel de préparation à la guerre,
et nous donner, entre huit et dix jours, une
force d'environ 80,000 combattants.
» Dans le même temps, notre armée sur
le Mein et la réserve, en tout 90,000
hommes, se concentreraient autour de
Mayence. La première, par étapes, la se-
conde par étapes et par voies ferrées, sui-
vant les circonstances.
» La France ne peut, pratiquement, dans
un délai également court, réunir une armée
offensive assez forte pour franchir le Rhin.»
Et le comte de Moltke, après avoir envi-
sagé l'éventualité d'une guerre simultanée
contre la France et l'Autriche, conclut
ainsi :
« S'il est démontré que la paix peut être
conclue avec l'Autriche dans les prochains
jours, la France s'abstiendra certainement
de soulever aucune prétention dans un ave-
nir prochain, car elle ne pourrait choisir un
plus mauvais moment pour faire la guerre.
Plus tard, l'oeuvre principale sera de conso-
lider rapidement l'Allemagne du Nord, afin
de faire face avec des forces suffisantes au
danger qui viendra de l'Est et de l'Ouest. «
On sait, hélas! que ces prévisions n'ont
été que trop fondées!.
LA VIE DE PARIS
Par HENRY FOUQUIER
Il est impossible de ne pas être frappé
du grand nombre de « spectacles sa-
crés » qui sont offerts, chaque année
plus nombreux, à la curiosité des Pari-
siens, car je n'ose pas tout à fait dire à
leur piété. L'église se transporte au
théâtre et le théâtre se transforme en
église. Par là, nous retournons à la
tradition du moyen âge, mais avec des
sentiments bien divers. Nos pères
avaient ia 101. men des enoses étaient
donc naturelles de leur part qui peu-
vent paraître un peu étranges de la
nôtre. Le théâtre, on le sait, chez pres-
que tous les peuples, fut cultuel à son
origine et, en cela comme en beaucoup
de points, nous n'avons fait qu'imiter
les Hellènes. Alors que le théâtre
grec s'était « laïcisé », comme nous di-
sons aujourd'hui, le souvenir de ses
origines religieuses était conservé par
l'autel de Bacchus, placé au-dessus de
la scène, ce qui n'empêchait pas, d'ail-
leurs, l'impie Euripide de se moquer du
dieu. Mais rien ne persiste comme les
formes cultuelles, et la tradition survit
longtemps à la croyance ferme. Il y
avait de l'une et de l'autre dans les
spectacles pieux auxquels j'assistais
encore pendant mon enfance, dans les
pays provençaux. C'était alors l'usage,
dans toutes les maisons où il y avait
des enfants, de faire une « crèche »,
c'est-à-dire un petit théâtre où, pen-
dant la semaine de Noël, on voyait
réprésentée la naissance de Jésus
et l'adoration des Mages. Dans ce dé-
cor de la crèche, on plaçait des sta-
tuettes de terre cuite et peinte, très
joliment fabriquées par des artistes ita-
liens et qu'on appelait des santiballi,
les beaux saints. En outre, des sociétés
de jeunes gens jouaient, sur des
théâtres même, le drame de la Nati-
vité. Cela s'appelait, d'un joli nom, la
Pastorale, par allusion à l'adoration
des bergers, précédant celle des rois. Il
y avait même — personnage tradition-
nel et bien provençal — un berger qui
décrochait son fusil pour tirer un lièvre
et en faire hommage à la vierge Marie.
Les naïfs spectacles, qui ont malheu-
reusement à peu près disparu, étaient
exquis. On y chantait des vieilles chan-
sons dont Bizet s'est souvenu dans son
Artésienne, où il a intercalé un chant
de Bohémiens, d'une admirable cou-
leur.
Les spectacles sacrés des Parisiens
n'ont rien gardé, je pense, de ce qu'il
restait de naïveté aux Pastorales de
Provence. Il y entre même un tantinet
de cabotinage qui fait que certains
chrétiens austères s'en affligent plutôt
qu'ils ne s'en réjouissent. Les théâtres
fermés, le vendredi saint, leur parais-
sent plus respectueux pour l'anniver-
saire que les théâtres ouverts, fût-ce
pour représenter des scènes de l'Evan-
gile. Tout d'abord, les scènes sont
jouées par des comédiens de profes-
sions, supérieurs, certes, aux ama-
teurs de la Pastorale, mais dont la per-
sonnalité persiste trop. On se dit que
Jésus-Christ peut recevoir, dans la
coulisse, un mot qui lui rappelle que la
coulissel, 'attend et que la vierge Marie
manille l'attend et que la vierge Marie
peut être invitée par un galant à se dé-
maquiller vivement pour aller à un
joyeux souper. Même contraste, un peu
vif, pour les poètes pieux. L'un d'eux,
M. Haraucourt, est connu pour d'autres
légendes que celle de la semaine sainte.
Sur les aftiches, nous voyons M. Silves-
tre, successivement, célébrer les douze
stations de la croix et, en vers également
adroits, chanter les postures volup-
tueuses des images païennes et nues.
A la Bodinière, les sermons deBossuet,
le farouche orthodoxe, sont lus par un
acteur qui est protestant. Avouez qu'il
y a de quoi encourager le scepticisme et
qu'on a bien le droit de dire que les
spectacles pieux sont, pour le vulgaire
d'une piété « fin de siècle » 1
Cependant (et peut-être à cause de
cela même) ils se multiplient et réus-
sissent. C'est à ce point qu'un jeune
homme entreprenant et hardi est en
train de fonder à Paris un théâtre ca-
tholique, encouragé, je pense, par le
Théâtre blanc de Mme Samary. L'idée
est intéressante et, quant à moi, n'a
fait naître Qu'une sympathique curio-
sité. Seulement, si j'étais catholique, je
croirais être avisé en regardant d'un
mauvais œil ces modes pieuses et ces
retours au passé. D'une part, quand un
peuple n'est plus bien naïf, l'idée même
de la divinité peut perdre quelque chose
de la créance qu'elle garde encore à
des réalisations matérielles qui la ra-
mènent à l'histoire purement humaine.
Et puis — et c'est là le grand point —
plus la légende de Jésus sera - repré-
sentee devant la loule, plus elle sera
montrée en la réalité évangélique,
plus elle sera grandiose, pathétique et
impressionnante, comme elle doit être,
plus la foule constatera que la religion
primitive de Jésus n'a rien à voir avec
l'institution catholique, dont elle est la
négation, avec l'état d'âme de la plu-
part des hommes qui représentent le
parti catholique, dont elle est la con-
damnation. Il paraît qu'on trouve de
tout à Paris, même des Esséniens.
Ceux-ci sont vraiment les disciples de
Jésus, du Jésus des discours sur la
montagne et de la Passion. Il est hors
de conteste que si ces Esséniens à l'âme
exquise, avec qui je suis de cœur dans
ma haine et mon mépris de l'ordre so-
cial et de la morale de mon temps, s'a-
visaient d'être autre chose que de doux
rêveurs et de mettre leurs doctrines en
pratique, il n'y aurait pas assez de ser-
gents et de gendarmes pour les arrêter,
de juges d'instruction pour les torturer,
de magistrats pour les condamner et
de députés — même radicaux 1 — pour
les flétrir. J'estime qu'il est plein de pé-
rils, pour ceux qui ont fait une religion
sur le nom de Jésus, de nous le laisser
trop connaître tel qu'il fut, tel qu'on
peut l'affirmer sur certains points, le
présumer sur d'autres. Ce fut l'homme
et, aussi, ça ne me gêne pas de dire : le
Dieu, car le divin était en lui, dont la
doctrine se résume en une bonté et une
pitié supérieures à l'équité même —
car je ne parle pas de l'ignoble justice
des hommes 1 Que resterait-il de notre
monde, de nos institutions, de nos lois,
si ces idées y pénétraient victorieuses?
HENRY FonQUlER.
Nous publierons demain la Chronique
de M. André Balz.
A LA CHAMBRE
L'INTERPELLATION D'AUJOURD'HUI
Tandis que le Sénat inscrivait à son ordre
du jour d'aujourd hui non pas une, mais
deux interpellations, la Chambre, après avoir
clos le débat soulevé par MM. Pierre Alype,
Delafosse et Lebon, s'ajournait au 19 mai.
Il était impossible aux élus du suffrage uni-
versel de plus éloquemment exprimer leur
dédain pour la « haute assemblée H. Vous
voulez interpeller, messieurs du Luxem-
bourg? Soit; parlez, votez, ça n'a aucune
importance. Quelle que soit la décision à
laquelle vous vous arrêtiez depuis hier, sept
heures de relevée, le Parlement est en va-
cances.
Mais la Chambre ne s'est séparée qu'après
avoir, par une manifestation éclatante, re-
nouvelé l'expression de sa confiance dans le
ministère. L'ordre du jour approuvant les
déclarations du gouvernement a été adopté,
hier, au palais Bourbon, à soixante-seize
voix de majorité.— En vérité, M. Bourgeois
et ses collaborateurs peuvent assister l'âme
pleine de sécurité aux démonstrations séna-
toriales, un peu ridicules puisque, forcément
vaines, et dont tout le monde sait à l'avance
que personne ne s'en préoccupera.
.t:
Par ce qui précède, on voit que la bataille
imprudemment engagée hier par les oppo-
sants de droite et du centre a été, pour eux,
une déroute. Ils sont, du reste, fort naïfs
s'ils ont pu se faire beaucoup d'illusions sur
l'issue de la discussion qu'ils provoquaient.
C'était de leur part faire injure cruelle à la
Chambre que de croire qu'elle faillirait assez
aux devoirs du patriotisme pour ne pas sou-
tenir le gouvernement qui,devant l'étranger,
parle au nom de la France. — La Chambre
leur a répondu.
Trois interpellateurs ont successivement
paru à la tribune.
1°M. Pierre Alype. — Les orateurs qui se
sont fait une spécialité des questions exté-
rieures, sont généralement redoutés à la
Chambre. Que dire des « coloniaux!.» Il en
est peu qu'on ose voir monter à la tribune
sans une sourde terreur.
Hier on écoutait avec une sourde résigna-
tien M. Pierre Alype, lequel retraçait l'his-
torique de la question d'Egypte. Une phrase
a réveillé tout le monde.
Celle-ci :
Je ne commettrai pas l'imprudence de deman-
der au gouvernement ce qu'il va faire, et je
crois que le gouvernement ne commettra pas
davantage colle de nous dire ce qu'il fera.
On a bien ri. — Et pourtant M. Pierre
Alype, ainsi, ingénuement, caractérisait ces
discussions sur la politique é rangère, dis-
cussions où l'on parle le doigt sur la bouche
et en faisant des gros yeux pleins de mys-
tère.
2° M. Delafosse. Le diplomate de la droite.
saluez. S'installera au quai d'Orsay quand
le prince Victor sera premier consul. De
bonnes joues roses. Tire trop sur ses man-
chettes et a la manie de fourrer les doigts
dans les goussets de son gilet, ce qui n'est
pas gracieux. — Au demeurant, le discours
qu'il a fait a paru sensiblement plus sérieux
que celui de M. Pierae Alype.
3° M. André Lebon, déjà ancien ministre,
beaucoup de barbe et de cheveux. Discours
qui exaspère MM, de Mahy et Brunet, mais
qu'on écoute avec faveur au centre. L'ora-
teur est de la maison.
Enfin le président du conseil paraît à la
tribune. Il y est accueilli par les applaudis-
sements répétés de la majorité radicale.
M. de Bernis se fâche. M. Brisson le rap-
pelle à l'ordre. Le silence se fait.
Conformément aux traditions, M. Bour-
geois a écrit son discours et le lit d'une voix
claire et nette.
:\#
Dès les premiers mots, les bravos écla-
tent :
— On sait quelle est la situation que l'Angle-
terre occupe en Egypte; o'est exclusivement
une situation de fait dont il n'est pas inutile de
faire ressortir une fois de plus le caractère.
L'&typte fait partie intégrante de l'empire
ottoman en vertu de traités solennels auxquels.
ont pris part toutes les grandes puissances. Lea
9 diflerents firmans d'investiture octroyés par le
sultan à tous les khédives attestent également
l'existence des liens qui unissent r%ypte à la
Turquie.
Suit le bref historique des phases par les.
quelles a passé déjà cette fameuse question
d'Egypte.
Le ministre des affaires étrangères insiste
- et la Chambre souligne d'applaudisse-
ment ses paroles — sur les engage mentit
réitérés pris par l'Angleterre d'évacuer tôt
ou tard l'Egypte.
- Le 13 juin 1885, devant la commission în
ternationale, le gouvernement britannique affir-
mait que l'occupation était un état transitoire et
exceptionnel, et, le 20 octobre 1887, confirmait le
caractère transitoire et exceptionnel dans une
note communiquée officiellement aux puis.
sances. -
,, Ces engagements réitérés, formulés au cours
d'une période de quatorze années, le gouverne-
ment de la RépublJque en a constamment pris
acte. C'est dire assez que nous ne pouvions res-
ter inditférents aux conséquences d'une entre-
prise qui tendrait à ajourner sine die l'exécution
des engagements pris. ----
J ajouterai qu'une opération de guerre entre.
prise sous les tropiques, dans des conditions
aussi hâtives et dans une saison défavorable, ne
peut manquer de nécessiter des efforts mili-
taires et financiers plus étendus; de telle sorte
que l'occupation britannique peut se trouver
ainsi non seulement prolongée, mais encore
aggravee.
Devant de teHes perspectives, le gouverne-
ment de la République avait le devoir de na
pas laisser la prescription s'établir. La Chambre
peut être assurée qu'il n'a pas manqué à ce
devoir
H a eu la satisfaction de le remplir dans des
conditions qui ne s'étaient pas encore rencon-
trees. Cette fois, en etlet, la France n'a pas é+.J
la seule à rappeler les principes de droit dow
1 Europe a la garde et à réserver l'avenir dan-
une question où elle défend, en même temp
que ses propres intérêts, ceux de toutes le
puissances européennes.
Le gouvernement russe, avec lequel notre ac-
cord n a jamais été plus étroit ni plus cordial, q
fait entendre le même langage et poursuit avec
nous, par les mêmes voies, la défense de Ill.
même cause.
Ces derniers mots sont significativemenf
applaudis, et M. Bourgeois poursuit:
— La France ne poursuit en Egypte aucune
vue particulière, aucun avantage exclusif. Nos
ettorts, comme ceux de nos prédécesseurs, ten-
dent à maintenir à la question d'Egypte son ca-
ractère de question européenne.
La garantie que le libre usage du canal de
Suez sera assuré en temos de guerre comme en
temps de paix aux navires de toutes les nations
est devenue pour nous plus essentielle que ja.
mais depuis notre établissement au Tonkin et à
Madagascar.
Mais elle intéresse en .même temps que nous
toutes les puissances coloniales, toutes les puis-
sances maritimes.
Il est d'un intérêt non moins général que l'a-
venir de l'Egypte, initiée à la civilisation euro-
péenne, grâce à de longs et féconds efforts dans
lesquels nous ne méconnaissons la part de per-
sonne, soit assuré dans des conditions qu'un
examen impartial des puissances doit pouvoir
permettre de déterminer equitabiemement.
Mais, ue tous les intercts dont nous avons à
nous préoccuper, il n'en est pas qui revêtent
plus nettement un caractère européen, ni qui
soient à nos yeux d'un plus grand prix que ceux
qui se rattachent au maintien de l'intégrité de
l'empire ottoman.
Quels que soient les privilèges que lui assurent
les nnnans, l'Egypte n a jamais cessé d'être une
partie intégrante de cet empire. L'occupation
étrangère, en se prolongeant au delà des cir-
constances passageres qui ont été son unique
raison d'être, équivaudrait à le méconnaître.
Or, s'il est une vérité que la situation de l'Eu-
rope rende plus que jamais évtdente, c'est que
l'intégrité de l'empire ottoman est une des con-
ditions @ les plus essentielles du maintien de la
paix générale.
Tel est J'ensemble des considérations dont
notre diplomatie s'inspire au cours des négocia-
tions que nous poursuivons, d'accord avec le
gouvernement russe.
Nous saurons les continuer avec la courtoisie
qui convient entre des nations également sou-
cieuses du respect du droit, mais avec la fermeté
que nous inspire la conscience de défendre nom
seulement les intérêts et les droits légitimes dfï
notre pays, mais aussi les intérêts et les droitlf
qui sont communs à toutes les puissances, et de
travailler par là même à l'œuvre supérieure do
la paix du monde.
la J'attendrai qu'on vienne dire par quelle voie
il serait possible de mieux servir, dans ces
circonstances, les intérêts permanents de la
France.
Je ne ferai qu'une allusion aux critiques plus
générales qui toueltent notre situation interna-
tionale,
L'affaire d'Egypte comporte, en 1896 comma
dans toutes les circonstances où elle a été sou-
levée depuis 1882, des difficultés particulières.
Mais, en dehors de ces difficultés, je ne vois pas
d'après quels actes ou quels indices on pourrait
dire que les affaires dont nous avons recueilli la
dépôt aient périclité, ou que notre situation exté-
rieure se soit modifiée, depuis cinq mois, à notre
détriment.
Partout nous avons la conscience de nous être
inspirés des intérêts permanents de la Erance et'
de les avoir servis utilement. ;
J'ai terminé; J'espère que la Chambre, se dé^
gageant de toutes les considérations étrangères
à ce débat, laissant de côté toutes les préoccu-
pations d'ordre intérieur, qu'il ne serait digne de
personne de laisser aujourd'hui pénétrer lCli'
voudra bien, par son vote, dire nettement que
nous n'avons pas démérité de sa confianca, et
qu'elle peut compter sur nous pour sauvegar*
der, au plus grand profit de la paix uDlver-
selle, les intérêts, les droits et l'honneur de no-
tre pays.
La majorité fait une ovation au président
du conseil. Le débat, de fait, est terminé, il
n'y a rien à ajouter. Le reste n'est plus qua
du bruit.
*"**
M. François Delonde - l'inévitable Mz
François Deloncle, qui serait malade si on
traitait sans lui une question de politique
extérieure — vient, avec une véhémence
qui le fait bredouiller vraiment plus que dG
raison, proposer un ordre du jour approu-
vant les déclarations du gouvernement.
Puis, M. Francis Charmes, orateur de
l'opposition, parle au milieu d'un bruit inces-
sant.
Il blàme le gouvernement, lui, M. Francis
Charmes. La Chambre devient tumultueuse.
M. Francis Charmes. — Ce que je reprocha
au gouvernement, c'est, lorsque la question da
Dongola a été soulevée, de n'avoir pas suivi la
politique qu'il vient tui-même d'exposer.
M. Pourquery de Boisserin. — Comment le
savez-vous?
M. Francis Charmes. — Je le sais par la ra-
pidité fâcheuse avec laquelle le gouvernement.
en a saisi l'opinion, en rendant publiques des
notes qui indiquaient une attitude déjà prise
par lui et une attitude comminatoire.
Tout le monde sait que le gouvernement a été
saisi le matin de la question de Dongola, et que
dans l'après-midi il a communiqué la nole aux
journaux.
Voix à gauche. - Il a bien fait!
M. Francis Charmes. — Je crois qu'il a mal
fait. Dans cette hâte fâcheuse, il y a eu une dé-
viation très nette de la politique qu'il vient d'ex-
poser.
Le président dn conseil. — Il avait été dit
la veille à Londres qu'aucune puissance n avait
protesté. Il était urgent de faire connaître qUe.
nous du moins, nous ne consentions pas.
~8 ET tSEPAtÇTi&IENTfe*
Le Numéro; CI NO CENTImpo
LE Xir SIECLE
ANNONCES
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N° 9521. - Samedi 4 Avril 1896
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NOS LEADERS
NOUVELLE VICTOIRE
C'est par 317 voix contre 241, c'est-
à-dire à la majorité de 76 voix que
l'ordre du jour pur et simple que M.
Francis Charmes a présenté hier
comme un ordre du jour de défiance
à propos des affaires d'Egypte, a été
repoussé par la Chambre.
Quant à l'ordre du jour de confiance
voté au ministère Bourgeois, la majo-
rité a été encore plus forte : 96 voix.
La coalition des réactionnaires et
des conservateurs républicains n'a
donc abouti qu'à augmenter le nombre
des représentants décidés à appliquer
dans ce pays une politique résolûment
réformatrice. Et cette majorité, le gou-
vernement la retrouvera toujours, sauf
dans la question de l'impôt sur le re-
venu.
J'irai même plus loin. Si les vacan-
ces de Pâques n'étaient pas si pro-
chaines, il suffirait que la coalition dé-
veloppât deux ou trois interpellations
nouvelles pour porter à cent voix le
chiffre de la majorité ministérielle.
e*
Aussi bien, cette misérable coalition
d'appétits et d'intérêts, qui a la pré-
tention d'arrêter le progrès démocra-
tique, a perdu tout esprit politique.
Elle est dirigée, on le sait du reste, par
quelques jeunes gens dont le talent est
loin d'égaler l'ambition. Ces jeunes,
« les gosses » — c'est ainsi qu'on les
a appelés le premier jour et le surnom
leur restera — sont trop désolés en
vérité d'avoir été précipités du pou-
voir auquel les avait élevés le hasard,
ce grand maître de nos destinées, et
trop impatients d'y remonter, car MM.
Poincaré, Barthou, Lebon, etc., ne
s'agitent, ne se démènent, n'intri-
guent, ne parlent ou ne font prendre
la parole par d'autres que dans ce but :
conquérir un portefeuille. Ils souffrent
de cette maladie que j'appelais hier la
maroquinite et que chaque déception
qu'ils éprouvent envenime à un degré
inimaginable.
Ils interpellent sur tout et à pro-
pos de tout. Tout ce que l'on a fait
avant eux était mauvais, tout ce
que l'on fait après eux est détestable.
Ils jugent toutes les questions, appré-
cient les actes de leurs successeurs et
censurent le gouvernement avec cette
audace que seule donne la médiocrité.
Mais le pays les a jugés eux aussi,
et le pays, qui a bien le droit, je sup-
pose, de faire entendre sa voix quand
il s'agit de ses intérêts, a déclaré par
ces acclamations dont ont été accom-
pagnés pendant leur voyage dans le
Midi MM. Félix Faure et Bourgeois,
par ces milliers d'adresses qu'a reçus
e président du conseil, par une foule
de manifestations symptômatiques,
qu'il ne veut plus de la politique de
piétinement, qu'il exige des réformes,
qu' il soutiendra tous ceux qui lui
promettront et réaliseront des ré-
formes.
.**
Je disais plus haut que nos adver-
saires ont perdu tout esprit politique.
N'était-ce pas une folie que d'espérer
renverser le ministère sur une ques-
tion à la solution de laquelle est inté-
ressé l'honneur de la France? Compter
sur une majorité au moment où le ca-
binet négocie avec les puissances,
alors que de l'aveu de toutes les per-
sonnes de bonne foi, il a fermement
revendiqué les droits de l'Egypte et
défendu les créanciers français? Mais,
pour commettre une action aussi cri-
minelle, le mot n'est pas trop fort, il
fallait ne pas connaître la Chambre, il
fallait vouloir ignorer la susceptibilité
légitime de notre patriotisme ou il fal-
lait vouloir rompre en visière avec
l'opinion publique.
Au cours de ce débat, nous avons pu
voir s'étaler avec un cynisme incons-
cient la coalition des réactionnaires,
des ralliés et des républicains modé-
rés. Le ministère a été, en effet, inter-
pellé par un rédacteur du Figaro,
M. Delafosse, par un ancien rédacteur
du Temps, M. André Lebon, et par un
rédacteur des Débats, le diplomate en
chambre des Débats, et le rédacteur
politique de la Revue des Deux-Mondes,
M. Francis Charmes.
Est ce que l'union de ces trois noms
et de ces quatre organes ne vous dit
tion ? Est-ce que, contre la République
démocratique, vous n'apercevez pas
clairement les réactionnaires, les ral-
liés et les modérés massés pour conser-
ver leurs privilèges de fortune et de
finance, leurs monopoles, les abus
dont ils profitent ? Est-ce que vous ne
vous indignez pas en voyant d'anciens
républicains faire alliance ouverte et
définitive avec les amis de la monar-
chie contre le peuple souverain?
Et ces gens-là, dominés par le des-
sein, non dissimulé d'ailleurs, de re-
prendre le pouvoir, ont osé, tandis
que le gouvernement a besoin contre
l'étranger de l'appui de tout le Parle-
ment et de toute la population, parler
de fautes irréparables. Eh bien ! cela,
nous ne l'avons jamais fait, nous au-
tres démocrates. Est-ce notre parti qui
a commis, en 1881, le crime d'aban-
donner l'Egypte à l'occupation an-
glaise?
Comme, contrairement à ces tristes
palinodies, la lecture de la déclaration
de M. Bourgeois a été nette et précise,
sans équivoque! Le président du con-
seil a, en effet, présenté l'historique
de la question d'Egypte jusqu'à au-
jourd'hui même. Il a montré ce qui
avait été fait avant lui et ce que son
ministère a fait. Quand il a prononcé
ce grand mot« l'honneur delaFrance »,
le patriotisme de la partie démocra-
tique de la Chambre, trop longtemps
contenu, a éclaté en une triple salve de
bravos. Quelle politique a opposée la
coalition à celle du gouvernement?
Aucune.
Bref, on connaît le résultat de cette
nouvelle bataille : 317 républicaine —
exclusivement — se sont réunis au-
tour du cabinet Bourgeois.
#*#
Maintenant, je me demande ce que
va faire le Sénat. Aura-t-il l'audace
d'Interpeller un gouvernement qui ne
lui répondra, s'il lui répond, qu'en lui
rappelant le vote de confiance qu'il a
obtenu hier.
Le Sénat s'est mis volontairement
dans une posture desplus humiliantes.
Comment sortira-t-il de cette impasse?
Je lui prédis que ce ne sera pas sans
un peu plus de déconsidération.
CHARLES BOS.
Nous publierons demain un article
de M. Camille Pelle tan
LES ON-DIT
CARNET QUO TIDIEM :
Les courses : A Neuilly-Levallois.
— Vacances judiciaires, jusqu'au 13.
— Concerts au Châtelet (Colonne) et au cirque
d'Eté (Lamoureux).
— Durée du jour : 14 h. 9 m.
AU JOUR LE JOUR
La Chambre s'est ajournée au 19 mai
prochain. C'était prévu.
Mais que va faire le Sénat? On m'as-
sure que « les vieux persistent ». Quelle
est donc la manifestation à laquelle ils
vont se livrer ? Est-ce exagérer que de
dire qu'ils donnent au pays un spec-
tacle lamentable. Le Sénat est déjà dis-
crédité. Veut-il donc se déshonorer?
N'oubliez pas qu'aujourd'hui, c'est le
vendredi saint. Et voilà un « anniver-
saire » qui me rappelle un mot de Pi-
ron : « Le jour où la divinité succombe,
il est bien permis à l'humanité de chan-
celer ». Dans l'espèce, l'humanité, c'est
le Sénat.
11 y a quelque temps, d'ailleurs, que
le Sénat chancelle, mais s'il veut suc-
comber « pour de bon », il n'a qu'à con-
tinuer à obéir à MM. Waldeck-Rousseau
et Le Provost de Launay. Pourtant,
vous verrez qu'une fois de plus, il cé-
dera.
Comme le mot de Madier de Montjau
est juste : « Sus au Sénat 1 » Quelles
espérances peut-on, en effet, fonder sur
une assemblée qui, chaque fois qu'elle
a l'air de se mettre en colère, s'em-
presse de prendre la fuite quand on lui
parle comme il convient.
CHEZ NOUS
Le président de la République a
visité hier, à quatre heures et demie, l'ex-
position des pastellistes, rue de Sèze.
Il était accompagné du général Tour-
nier, de M. Le Gall et du commandant
Meaux de Saint-Mars.
- Grande affluence hier au Champ
de Mars. C'était vernissage aux Indépen-
dants. De trois à quatre heures, on se por-
tait littéralement dans les salles de cette
intéressante exposition, dont le succès va
grandissant chaque année.
- Parmi les envois au Salon des
Champs-Elysées, citons : Un mendiant, de
Ch. Weiser, et un dessin d'une originalité
remarquable, de notre dessinateur Ferdi-
nand Raffin.
- Le bureau du conseil général a
reçu hier après-midi, pour resserrer les
liens entre les représentants de la banlieue
et ceux de Paris, les conseillers d'arron-
dissement, les maires et adjoints et les
principaux fonctionnaires de l'arrondisse-
ment de Saint-Denis. Les ministres, invités,
s'étaient fait excuser.
- M. Alfred Morain est nommé chef
du secrétariat particulier de M. Sarrien, le
nouveau ministre de l'intérieur
- Sont arrivés hier à Paris :
La reine Nathalie de Serbie, avec une
suite de trois personnes. La reine a été re-
çue à la descente de son wagon par M.
Garaschanine, président de la Skoupt-
china, et plusieurs membres de la colonie
serbe.
Le duc d'Albany qui, arrivant de Lon-
dres, a pris immédiatement le Nice-Ex-
pres, se rendant près de sa grand-mère,
a reine Victoria.
- Le prince Serge Galitzene a quitté
Paris mercredi soir, se rendant à Saint-Pé-
tersbourg.
- Le bal donné par l'Association ami-
cale des anciens élèves de Saint-Cyr aura
lieu dans les salons de l'hôtel Continental,
le samedi 25 avril prochain.
—— Le gouvernement coréen vient de
faire connaître au gouvernement de la Ré-
publique que la Corée serait officiellement
représentée à l'Exposition de 1900.
- La foire aux jambons :
Hier s'est terminée la foire aux jambons,
qui, cette année, a duré quatre jours.
Il y avait 547 baraques, 180 de plus que
l'année dernière. Cette augmentation du
nombre de vendeurs est due à la baisse de
prix de la viande de porc.
Il est entré sur la foire 170,743 kilos de
jambons et saucissons et 2,574 kilos de
graisse.
Onze boucheries hippophagiques four-
nissent 3,600 kilos de saucisson.
Les départements les plus renommés
pour la charcuterie sont la Meuse et Meur-
the-et-Moselle. Dès le premier jour un
grand nombre de baraques de ces deux
départements étaient vides le soir.
Le saucisson de Lorraine se vendait 4 fr.
50 le kilo, celui des autres départements
de 1 fr. 30 à 2 fr. 30.
Le jambon de Lorraine 2 fr. 80 et celui
des autres départements de 1 fr. 80 à 2
francs 50.
Le lard de 2 fr. à 2 fr. 80.
Les andouilles de Lorraine de 2 à 3
francs le kilo ou de 3 à 6 francs la dou-
zaine.
On a saisi :
Le premier jour 1,25 1 kilos de marchan-
dises avariées.
Le deuxième jour 131 kilos.
Le troisième jour 46 kilos.
Et le quatrième et dernier 74 kilos.
Soit un total de 1,502. Sans compter ce
qui a pu échapper à la visite des vétéri-
naires.
Et maintenant, tout à la Foire au pain
d'épice !
Le Passant.
L'ANGE G,ABRIEL
Suivant l'abbé Brettes, fondateur de la
société des sciences psychiques, composée
de 25 prêtres et d'autant de médecins, ces
appoints ne sont point de la petite bière,
Mlle Couédon ne serait pas très intéressante
au point de vue scientifique.
Le pasteur Kuhn pense que les prédictions
de Mlle Couédon ne valent pas l'examen
d'un chrétien.
Le docteur Dumontpallier dit : « C'est une
folle. et une farceuse. »
« Ce praticien lui a posé, dit un de nos
confrères du Temps, au moment où elle se
trouvait à l'état naturel, cette rrriAstinn -
» — Vous nous avez dit que 1 ange Gabriel
annonçait les plus grands cataclysmes ;
pouvez-vous me dire pour quelle époque ils
sont prédits ?
» Mlle Couédon a répondu:
» — L'ange Gabriel ne me l'a pas dit.
» Cette réponse, déclare le docteur Du-
montpallier, prouve jusqu'à l'évidence que
Mlle Couédon est une farceuse, parce que,
lorsqu'on est dans l'état second et qu'on pro-
phétise, le retour à l'état premier ou normal
se manifeste par ceci qu'on oublie tout sur-
le-champ. Mlle Couédon devait donc avoir
tout oublié quand je lui ai posé ma ques-
tion. Le seul fait qu'elle y ait répondu dé-
montre qu'elle ne saurait être prisa au sé-
rieux. »
J'ai dit hier que j'avais prié Mlle Couédon
de ne pas faire intervenir l'ange Gabriel
dans notre conversation, et je ne le regrette
pas.
C'est une très aimable personne que l'on
fatigue beaucoup en ce moment, et elle fi-
nira par devenir complètement folle si ça
continue.
J'espère pour elle que ce qui lui reste de
raison se manifestera par ces simples
mots :
— En voilà assez 1
P. G.
00
UNE LETTRE DE M. DE MOLTKE
UN DOCUMENT HISTORIQUE
La «Correspondance militaire de Moltke»,
qui vient de paraitre à Berlin, contient entre
autres documents une lettre fort intéres-
sante sur la situation militaire de la Prusse
vis-à-vis de la France et de l'Autriche
en 1867.
Nous détachons de cette lettre adressée
au prince de Bismarck et datoe de Berlin,
8 août 1866, les passages suivants :
« D'après nos calculs, la France ne peut
réunir une armée de 250,000 hommes prête
pour la guerre entre Metz et Strasbourg, en
moins de vingt-six jours. Il est manifeste-
ment de la plus haute importance d'arriver
à un accord définitif avec l'Autriche, aussi-
tôt que possible, afin d'avoir les mains li-
bres dans l'est et dans l'ouest, si nos voi-
sins tentaient de nous dérober une partie
des fruits de nos victorieuses campagnes.
La question principale n'est donc pas d'in-
sister sur des conditions d'importance se-
condaire pendant les négociations de Prague,
mais de tenir aussi promptement que possi-
ble à notre disposition, nos troupes actuel-
lement en Moravie et en Bohême,
» L'éventualité la plus probable est que la
France réclamera des cessions de territoires
incompatibles avec la fonction historique de
la Prusse, qui est d'unifier et de protéger
l'Allemagne tout entière, fonction dont la
partie la plus importante vient d'être réali-
sée.
» Si la France émettait une pareille pré-
tention, la guerre serait populaire dans toute
l'Allemagne non autrichienne. On peut diffi-
cilement douter au'una alliance ne nuisse
être conclue contre la France, avec les Etats
de l'Allemagne du Sud, en abandonnant la
plus grande partie, ou même, la totalité du
territoire occupé par nous au sud du Mein.
Dans ce cas, la nouvelle alliance engloberait
non seulement l'Allemagne du Nord, mais
toute l'Allemagne.
» Les contingents de l'Allemagne du Sud
pourraient être rassemblés à Manheim, dans
leur etat actuel de préparation à la guerre,
et nous donner, entre huit et dix jours, une
force d'environ 80,000 combattants.
» Dans le même temps, notre armée sur
le Mein et la réserve, en tout 90,000
hommes, se concentreraient autour de
Mayence. La première, par étapes, la se-
conde par étapes et par voies ferrées, sui-
vant les circonstances.
» La France ne peut, pratiquement, dans
un délai également court, réunir une armée
offensive assez forte pour franchir le Rhin.»
Et le comte de Moltke, après avoir envi-
sagé l'éventualité d'une guerre simultanée
contre la France et l'Autriche, conclut
ainsi :
« S'il est démontré que la paix peut être
conclue avec l'Autriche dans les prochains
jours, la France s'abstiendra certainement
de soulever aucune prétention dans un ave-
nir prochain, car elle ne pourrait choisir un
plus mauvais moment pour faire la guerre.
Plus tard, l'oeuvre principale sera de conso-
lider rapidement l'Allemagne du Nord, afin
de faire face avec des forces suffisantes au
danger qui viendra de l'Est et de l'Ouest. «
On sait, hélas! que ces prévisions n'ont
été que trop fondées!.
LA VIE DE PARIS
Par HENRY FOUQUIER
Il est impossible de ne pas être frappé
du grand nombre de « spectacles sa-
crés » qui sont offerts, chaque année
plus nombreux, à la curiosité des Pari-
siens, car je n'ose pas tout à fait dire à
leur piété. L'église se transporte au
théâtre et le théâtre se transforme en
église. Par là, nous retournons à la
tradition du moyen âge, mais avec des
sentiments bien divers. Nos pères
avaient ia 101. men des enoses étaient
donc naturelles de leur part qui peu-
vent paraître un peu étranges de la
nôtre. Le théâtre, on le sait, chez pres-
que tous les peuples, fut cultuel à son
origine et, en cela comme en beaucoup
de points, nous n'avons fait qu'imiter
les Hellènes. Alors que le théâtre
grec s'était « laïcisé », comme nous di-
sons aujourd'hui, le souvenir de ses
origines religieuses était conservé par
l'autel de Bacchus, placé au-dessus de
la scène, ce qui n'empêchait pas, d'ail-
leurs, l'impie Euripide de se moquer du
dieu. Mais rien ne persiste comme les
formes cultuelles, et la tradition survit
longtemps à la croyance ferme. Il y
avait de l'une et de l'autre dans les
spectacles pieux auxquels j'assistais
encore pendant mon enfance, dans les
pays provençaux. C'était alors l'usage,
dans toutes les maisons où il y avait
des enfants, de faire une « crèche »,
c'est-à-dire un petit théâtre où, pen-
dant la semaine de Noël, on voyait
réprésentée la naissance de Jésus
et l'adoration des Mages. Dans ce dé-
cor de la crèche, on plaçait des sta-
tuettes de terre cuite et peinte, très
joliment fabriquées par des artistes ita-
liens et qu'on appelait des santiballi,
les beaux saints. En outre, des sociétés
de jeunes gens jouaient, sur des
théâtres même, le drame de la Nati-
vité. Cela s'appelait, d'un joli nom, la
Pastorale, par allusion à l'adoration
des bergers, précédant celle des rois. Il
y avait même — personnage tradition-
nel et bien provençal — un berger qui
décrochait son fusil pour tirer un lièvre
et en faire hommage à la vierge Marie.
Les naïfs spectacles, qui ont malheu-
reusement à peu près disparu, étaient
exquis. On y chantait des vieilles chan-
sons dont Bizet s'est souvenu dans son
Artésienne, où il a intercalé un chant
de Bohémiens, d'une admirable cou-
leur.
Les spectacles sacrés des Parisiens
n'ont rien gardé, je pense, de ce qu'il
restait de naïveté aux Pastorales de
Provence. Il y entre même un tantinet
de cabotinage qui fait que certains
chrétiens austères s'en affligent plutôt
qu'ils ne s'en réjouissent. Les théâtres
fermés, le vendredi saint, leur parais-
sent plus respectueux pour l'anniver-
saire que les théâtres ouverts, fût-ce
pour représenter des scènes de l'Evan-
gile. Tout d'abord, les scènes sont
jouées par des comédiens de profes-
sions, supérieurs, certes, aux ama-
teurs de la Pastorale, mais dont la per-
sonnalité persiste trop. On se dit que
Jésus-Christ peut recevoir, dans la
coulisse, un mot qui lui rappelle que la
coulissel, 'attend et que la vierge Marie
manille l'attend et que la vierge Marie
peut être invitée par un galant à se dé-
maquiller vivement pour aller à un
joyeux souper. Même contraste, un peu
vif, pour les poètes pieux. L'un d'eux,
M. Haraucourt, est connu pour d'autres
légendes que celle de la semaine sainte.
Sur les aftiches, nous voyons M. Silves-
tre, successivement, célébrer les douze
stations de la croix et, en vers également
adroits, chanter les postures volup-
tueuses des images païennes et nues.
A la Bodinière, les sermons deBossuet,
le farouche orthodoxe, sont lus par un
acteur qui est protestant. Avouez qu'il
y a de quoi encourager le scepticisme et
qu'on a bien le droit de dire que les
spectacles pieux sont, pour le vulgaire
d'une piété « fin de siècle » 1
Cependant (et peut-être à cause de
cela même) ils se multiplient et réus-
sissent. C'est à ce point qu'un jeune
homme entreprenant et hardi est en
train de fonder à Paris un théâtre ca-
tholique, encouragé, je pense, par le
Théâtre blanc de Mme Samary. L'idée
est intéressante et, quant à moi, n'a
fait naître Qu'une sympathique curio-
sité. Seulement, si j'étais catholique, je
croirais être avisé en regardant d'un
mauvais œil ces modes pieuses et ces
retours au passé. D'une part, quand un
peuple n'est plus bien naïf, l'idée même
de la divinité peut perdre quelque chose
de la créance qu'elle garde encore à
des réalisations matérielles qui la ra-
mènent à l'histoire purement humaine.
Et puis — et c'est là le grand point —
plus la légende de Jésus sera - repré-
sentee devant la loule, plus elle sera
montrée en la réalité évangélique,
plus elle sera grandiose, pathétique et
impressionnante, comme elle doit être,
plus la foule constatera que la religion
primitive de Jésus n'a rien à voir avec
l'institution catholique, dont elle est la
négation, avec l'état d'âme de la plu-
part des hommes qui représentent le
parti catholique, dont elle est la con-
damnation. Il paraît qu'on trouve de
tout à Paris, même des Esséniens.
Ceux-ci sont vraiment les disciples de
Jésus, du Jésus des discours sur la
montagne et de la Passion. Il est hors
de conteste que si ces Esséniens à l'âme
exquise, avec qui je suis de cœur dans
ma haine et mon mépris de l'ordre so-
cial et de la morale de mon temps, s'a-
visaient d'être autre chose que de doux
rêveurs et de mettre leurs doctrines en
pratique, il n'y aurait pas assez de ser-
gents et de gendarmes pour les arrêter,
de juges d'instruction pour les torturer,
de magistrats pour les condamner et
de députés — même radicaux 1 — pour
les flétrir. J'estime qu'il est plein de pé-
rils, pour ceux qui ont fait une religion
sur le nom de Jésus, de nous le laisser
trop connaître tel qu'il fut, tel qu'on
peut l'affirmer sur certains points, le
présumer sur d'autres. Ce fut l'homme
et, aussi, ça ne me gêne pas de dire : le
Dieu, car le divin était en lui, dont la
doctrine se résume en une bonté et une
pitié supérieures à l'équité même —
car je ne parle pas de l'ignoble justice
des hommes 1 Que resterait-il de notre
monde, de nos institutions, de nos lois,
si ces idées y pénétraient victorieuses?
HENRY FonQUlER.
Nous publierons demain la Chronique
de M. André Balz.
A LA CHAMBRE
L'INTERPELLATION D'AUJOURD'HUI
Tandis que le Sénat inscrivait à son ordre
du jour d'aujourd hui non pas une, mais
deux interpellations, la Chambre, après avoir
clos le débat soulevé par MM. Pierre Alype,
Delafosse et Lebon, s'ajournait au 19 mai.
Il était impossible aux élus du suffrage uni-
versel de plus éloquemment exprimer leur
dédain pour la « haute assemblée H. Vous
voulez interpeller, messieurs du Luxem-
bourg? Soit; parlez, votez, ça n'a aucune
importance. Quelle que soit la décision à
laquelle vous vous arrêtiez depuis hier, sept
heures de relevée, le Parlement est en va-
cances.
Mais la Chambre ne s'est séparée qu'après
avoir, par une manifestation éclatante, re-
nouvelé l'expression de sa confiance dans le
ministère. L'ordre du jour approuvant les
déclarations du gouvernement a été adopté,
hier, au palais Bourbon, à soixante-seize
voix de majorité.— En vérité, M. Bourgeois
et ses collaborateurs peuvent assister l'âme
pleine de sécurité aux démonstrations séna-
toriales, un peu ridicules puisque, forcément
vaines, et dont tout le monde sait à l'avance
que personne ne s'en préoccupera.
.t:
Par ce qui précède, on voit que la bataille
imprudemment engagée hier par les oppo-
sants de droite et du centre a été, pour eux,
une déroute. Ils sont, du reste, fort naïfs
s'ils ont pu se faire beaucoup d'illusions sur
l'issue de la discussion qu'ils provoquaient.
C'était de leur part faire injure cruelle à la
Chambre que de croire qu'elle faillirait assez
aux devoirs du patriotisme pour ne pas sou-
tenir le gouvernement qui,devant l'étranger,
parle au nom de la France. — La Chambre
leur a répondu.
Trois interpellateurs ont successivement
paru à la tribune.
1°M. Pierre Alype. — Les orateurs qui se
sont fait une spécialité des questions exté-
rieures, sont généralement redoutés à la
Chambre. Que dire des « coloniaux!.» Il en
est peu qu'on ose voir monter à la tribune
sans une sourde terreur.
Hier on écoutait avec une sourde résigna-
tien M. Pierre Alype, lequel retraçait l'his-
torique de la question d'Egypte. Une phrase
a réveillé tout le monde.
Celle-ci :
Je ne commettrai pas l'imprudence de deman-
der au gouvernement ce qu'il va faire, et je
crois que le gouvernement ne commettra pas
davantage colle de nous dire ce qu'il fera.
On a bien ri. — Et pourtant M. Pierre
Alype, ainsi, ingénuement, caractérisait ces
discussions sur la politique é rangère, dis-
cussions où l'on parle le doigt sur la bouche
et en faisant des gros yeux pleins de mys-
tère.
2° M. Delafosse. Le diplomate de la droite.
saluez. S'installera au quai d'Orsay quand
le prince Victor sera premier consul. De
bonnes joues roses. Tire trop sur ses man-
chettes et a la manie de fourrer les doigts
dans les goussets de son gilet, ce qui n'est
pas gracieux. — Au demeurant, le discours
qu'il a fait a paru sensiblement plus sérieux
que celui de M. Pierae Alype.
3° M. André Lebon, déjà ancien ministre,
beaucoup de barbe et de cheveux. Discours
qui exaspère MM, de Mahy et Brunet, mais
qu'on écoute avec faveur au centre. L'ora-
teur est de la maison.
Enfin le président du conseil paraît à la
tribune. Il y est accueilli par les applaudis-
sements répétés de la majorité radicale.
M. de Bernis se fâche. M. Brisson le rap-
pelle à l'ordre. Le silence se fait.
Conformément aux traditions, M. Bour-
geois a écrit son discours et le lit d'une voix
claire et nette.
:\#
Dès les premiers mots, les bravos écla-
tent :
— On sait quelle est la situation que l'Angle-
terre occupe en Egypte; o'est exclusivement
une situation de fait dont il n'est pas inutile de
faire ressortir une fois de plus le caractère.
L'&typte fait partie intégrante de l'empire
ottoman en vertu de traités solennels auxquels.
ont pris part toutes les grandes puissances. Lea
9 diflerents firmans d'investiture octroyés par le
sultan à tous les khédives attestent également
l'existence des liens qui unissent r%ypte à la
Turquie.
Suit le bref historique des phases par les.
quelles a passé déjà cette fameuse question
d'Egypte.
Le ministre des affaires étrangères insiste
- et la Chambre souligne d'applaudisse-
ment ses paroles — sur les engage mentit
réitérés pris par l'Angleterre d'évacuer tôt
ou tard l'Egypte.
- Le 13 juin 1885, devant la commission în
ternationale, le gouvernement britannique affir-
mait que l'occupation était un état transitoire et
exceptionnel, et, le 20 octobre 1887, confirmait le
caractère transitoire et exceptionnel dans une
note communiquée officiellement aux puis.
sances. -
,, Ces engagements réitérés, formulés au cours
d'une période de quatorze années, le gouverne-
ment de la RépublJque en a constamment pris
acte. C'est dire assez que nous ne pouvions res-
ter inditférents aux conséquences d'une entre-
prise qui tendrait à ajourner sine die l'exécution
des engagements pris. ----
J ajouterai qu'une opération de guerre entre.
prise sous les tropiques, dans des conditions
aussi hâtives et dans une saison défavorable, ne
peut manquer de nécessiter des efforts mili-
taires et financiers plus étendus; de telle sorte
que l'occupation britannique peut se trouver
ainsi non seulement prolongée, mais encore
aggravee.
Devant de teHes perspectives, le gouverne-
ment de la République avait le devoir de na
pas laisser la prescription s'établir. La Chambre
peut être assurée qu'il n'a pas manqué à ce
devoir
H a eu la satisfaction de le remplir dans des
conditions qui ne s'étaient pas encore rencon-
trees. Cette fois, en etlet, la France n'a pas é+.J
la seule à rappeler les principes de droit dow
1 Europe a la garde et à réserver l'avenir dan-
une question où elle défend, en même temp
que ses propres intérêts, ceux de toutes le
puissances européennes.
Le gouvernement russe, avec lequel notre ac-
cord n a jamais été plus étroit ni plus cordial, q
fait entendre le même langage et poursuit avec
nous, par les mêmes voies, la défense de Ill.
même cause.
Ces derniers mots sont significativemenf
applaudis, et M. Bourgeois poursuit:
— La France ne poursuit en Egypte aucune
vue particulière, aucun avantage exclusif. Nos
ettorts, comme ceux de nos prédécesseurs, ten-
dent à maintenir à la question d'Egypte son ca-
ractère de question européenne.
La garantie que le libre usage du canal de
Suez sera assuré en temos de guerre comme en
temps de paix aux navires de toutes les nations
est devenue pour nous plus essentielle que ja.
mais depuis notre établissement au Tonkin et à
Madagascar.
Mais elle intéresse en .même temps que nous
toutes les puissances coloniales, toutes les puis-
sances maritimes.
Il est d'un intérêt non moins général que l'a-
venir de l'Egypte, initiée à la civilisation euro-
péenne, grâce à de longs et féconds efforts dans
lesquels nous ne méconnaissons la part de per-
sonne, soit assuré dans des conditions qu'un
examen impartial des puissances doit pouvoir
permettre de déterminer equitabiemement.
Mais, ue tous les intercts dont nous avons à
nous préoccuper, il n'en est pas qui revêtent
plus nettement un caractère européen, ni qui
soient à nos yeux d'un plus grand prix que ceux
qui se rattachent au maintien de l'intégrité de
l'empire ottoman.
Quels que soient les privilèges que lui assurent
les nnnans, l'Egypte n a jamais cessé d'être une
partie intégrante de cet empire. L'occupation
étrangère, en se prolongeant au delà des cir-
constances passageres qui ont été son unique
raison d'être, équivaudrait à le méconnaître.
Or, s'il est une vérité que la situation de l'Eu-
rope rende plus que jamais évtdente, c'est que
l'intégrité de l'empire ottoman est une des con-
ditions @ les plus essentielles du maintien de la
paix générale.
Tel est J'ensemble des considérations dont
notre diplomatie s'inspire au cours des négocia-
tions que nous poursuivons, d'accord avec le
gouvernement russe.
Nous saurons les continuer avec la courtoisie
qui convient entre des nations également sou-
cieuses du respect du droit, mais avec la fermeté
que nous inspire la conscience de défendre nom
seulement les intérêts et les droits légitimes dfï
notre pays, mais aussi les intérêts et les droitlf
qui sont communs à toutes les puissances, et de
travailler par là même à l'œuvre supérieure do
la paix du monde.
la J'attendrai qu'on vienne dire par quelle voie
il serait possible de mieux servir, dans ces
circonstances, les intérêts permanents de la
France.
Je ne ferai qu'une allusion aux critiques plus
générales qui toueltent notre situation interna-
tionale,
L'affaire d'Egypte comporte, en 1896 comma
dans toutes les circonstances où elle a été sou-
levée depuis 1882, des difficultés particulières.
Mais, en dehors de ces difficultés, je ne vois pas
d'après quels actes ou quels indices on pourrait
dire que les affaires dont nous avons recueilli la
dépôt aient périclité, ou que notre situation exté-
rieure se soit modifiée, depuis cinq mois, à notre
détriment.
Partout nous avons la conscience de nous être
inspirés des intérêts permanents de la Erance et'
de les avoir servis utilement. ;
J'ai terminé; J'espère que la Chambre, se dé^
gageant de toutes les considérations étrangères
à ce débat, laissant de côté toutes les préoccu-
pations d'ordre intérieur, qu'il ne serait digne de
personne de laisser aujourd'hui pénétrer lCli'
voudra bien, par son vote, dire nettement que
nous n'avons pas démérité de sa confianca, et
qu'elle peut compter sur nous pour sauvegar*
der, au plus grand profit de la paix uDlver-
selle, les intérêts, les droits et l'honneur de no-
tre pays.
La majorité fait une ovation au président
du conseil. Le débat, de fait, est terminé, il
n'y a rien à ajouter. Le reste n'est plus qua
du bruit.
*"**
M. François Delonde - l'inévitable Mz
François Deloncle, qui serait malade si on
traitait sans lui une question de politique
extérieure — vient, avec une véhémence
qui le fait bredouiller vraiment plus que dG
raison, proposer un ordre du jour approu-
vant les déclarations du gouvernement.
Puis, M. Francis Charmes, orateur de
l'opposition, parle au milieu d'un bruit inces-
sant.
Il blàme le gouvernement, lui, M. Francis
Charmes. La Chambre devient tumultueuse.
M. Francis Charmes. — Ce que je reprocha
au gouvernement, c'est, lorsque la question da
Dongola a été soulevée, de n'avoir pas suivi la
politique qu'il vient tui-même d'exposer.
M. Pourquery de Boisserin. — Comment le
savez-vous?
M. Francis Charmes. — Je le sais par la ra-
pidité fâcheuse avec laquelle le gouvernement.
en a saisi l'opinion, en rendant publiques des
notes qui indiquaient une attitude déjà prise
par lui et une attitude comminatoire.
Tout le monde sait que le gouvernement a été
saisi le matin de la question de Dongola, et que
dans l'après-midi il a communiqué la nole aux
journaux.
Voix à gauche. - Il a bien fait!
M. Francis Charmes. — Je crois qu'il a mal
fait. Dans cette hâte fâcheuse, il y a eu une dé-
viation très nette de la politique qu'il vient d'ex-
poser.
Le président dn conseil. — Il avait été dit
la veille à Londres qu'aucune puissance n avait
protesté. Il était urgent de faire connaître qUe.
nous du moins, nous ne consentions pas.
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