Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1896-03-04
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 04 mars 1896 04 mars 1896
Description : 1896/03/04 (N9490). 1896/03/04 (N9490).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k75641300
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2013
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De 4la 8 keuTu du soiT et de 10 MuTeS du SoiT 1 heure du matin
N° ^490. — Mercredi 4 Mars 1830
15 VENTOSE AN 104
ADMINISTRATION s 131, rue Ilontmartre, 131
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
NOS LEA DERS
Le Sénatenr de la Seine
Nous avons, il y a quelques semaines,
pieusement, et le cœur êtreint par une
douloureuse émotionv suivi le cercueil
de cet illustre citoyen, Floquet, qui,
après plus de soixante années d'une
vie consacrée toute au service de la
démocratie, mourut, tué, assassiné
lâchement par.- la ealomnie et l'ou-
trage.
A ce mort*, dont le souvenir ne pé-
rira jamais dans les âmes républi-
caines, ni va falloir donner un succes-
seur au/Sénat.
Déjèi, dans tous les milieux politi-
ques on en parle, on slen préoccupe,
car Les circonstances donnent à cette
élerition une importance exception-
neTile.
Le Sénat vient d'entrer en lutte ou-
verte avec le parti réformateur, le parti
progressiste, le parti républicain, au-
jourd'hui fortement constitué, ayant
ses chefs et ne demandant qu'à com-
battre.
Inutile de rappeler les incidents de
ces derniers jours. Ils sont présents à
la mémoire de tous. Le Sénat, on le
sait, pris de peur, s'apercevant qu'il
s'était imprudemment avancé, a battu
en retraite. Mais on sait aussi que cette
reculade n'est qu'apparente et que le
Sénat,encore qu'il ait plié l'échiné sous
l'orage, est, comme il l'a toujours été,
comme il le sera toujours, déterminé
à remplir jusqu'au bout son rôle d'obs-
tacle.
Que disait, hier encore, le président
de la gauche républicaine au Sénat,
M. Bernard-Lavergne ? — « Le Sénat
veille, il l'a prouvé. Il persistera dans
sa voie, prenant au besoin et à défaut
du gouvernement les initiatives né-
cessaires. »
Rien n'est plus clair. Du reste, qui
serait assez naïf pour croire le Sénat
disposé à collaborer sincèrement, loya-
lement avec ces perturbateurs, ces
fauteurs de désordre qui veulent —
inexplicable crime, n'est-ce pas ? pré-
tention inadmissible! — que la Répu-
blique de nom devienne la République
de fait et soit la vraie République, sé-
vère pour tous les coupables, mater-
nelle pour tous les malheureux ?
Dans ces conditions, que va faire le
département de la Seine appelé à
nommer un sénateur?
A
Des noms déjà sont prononcés. Je ne
veux en connaître aucun. Elargissons
le débat, plaçons-le plus haut. Il ne
s'agit pas, pour le moment du moins,
de discuter telle ou telle personnalité,
mais de poser un principe.
On trouvera dans une autre partie
du journal l'ordre du jour adopté par
le comité républicain socialiste auto-
nomiste du Petit-Montrouge, ordre du
jour enjoignant au citoyen Champou-
dry, conseiller municipal, de présen-
ter et de défendre à l'Hôtel de Ville
une motion « tendant au refus de dé-
signer des délégués sénatoriaux ».
L'intention, incontestablement, est
louable. « Considérant, dit l'ordre du
jour, que l'existence du Sénat est con-
traire au droit public national. »
Soit. Mais la tactique me semble mau-
vaise.
Jamais l'abstention n'a été une arme
efficace. Quelques raisons, si valables
soient-elles, qu'il donne de son si-
lence, celui qui s'abstient a toujours
un peu l'air de déserter. De fait, il dé-
serte.
Le moment est assez grave pour que
la République soit en droit de récla-
mer la présence de tous ses soldats sur
le champ de bataille.
Que l'exemple donné par le comité
Champoudry soit suivi ; que, non seu-
lement à Paris, mais dans toutes les
communes du département de la
Seine, s'abstiennent tous les conseil-
lers municipaux hostiles au Sénat,
quel résultat pourra avoir une sem-
blable manœuvre? Celui-ci seulement.
Laisser le champ libre aux partisans
du Sénat, lesquels s'empresseront
de grossir d'une unité quelconque la
majorité de résistance, la majorité de
- Réaction qui siège au Luxembourg.
Mon ! non ! point d'abstentions ! Et si
M. Champoudry, obéissant à l'ordre
reçu — ah ! ces pauvres hommes poli-
tiques, serviteurs résignés de leur co-
mité! présente au conseil municipal
de Paris la motion en question, j'es-
père bien qu'elle sera bellement re-
poussée.
Point d'abstentions ! Une action com-
mune, au contraire, énergique, puis-
sante, de tous les républicains pour le
succès d'une candidature nettement,
hautement révisionniste.
**
Les escarmouches auxquelles je
viens de faire allusion, les intermi-
nables et insipides controverses sur
cet incident Rempler, enfin clos par
bonheur, ont eu ce grand avantage de
tendre la situation parfaitement nette.
Nul, maintenant, ne peut se refuser à
voir clair.
Le Sénat, en se lançant à corps
perdu à la suite du désormais célèbre
M. Monis dans l'aventure que l'on
connaît, a commis la faute du duel-
liste qui se découvre. Le temps des
équivoques est passé. Les masques gi-
sent sur le sol. A personne on ne fera
plus croire que le Sénat puisse être
disposé jamais à faillir à sa mission
qui est de tout retarder, tout entraver,
tout empêcher. Nul n'a plus le droit
d'ignorer maintenant qu'entre la dé-
mocratie et les réformes, se dresse une
barrière, et que cette barrière s'ap-
pelle le Sénat.
Ainsi, le devoir des électeurs séna-
toriaux de la Seine est tout tracé. En-
tre tous les candidats qui se présen-
tent à leurs suffrages, ils devront choi-
sir — et ils choisiront, nous en som-
mes convaincu — celui dont le nom
signifiera le plus clairement : Revision
de la Constitution — Suprématie ab-
solue du suffrage universel — Sup-
pression du Sénat. — Si aucun des
candidats ne formulait ces program-
mes nécessaires, alors seulement se
comprendrait l'abstention préconisée
par le comité du Petit-Montrouge.
Mais l'éventualité n'est pas à craindre.
Il s'en trouvera bien un au moins — et
c'est celui-là qui devra être choisi —
qui prendra l'engagement de déposer,
s'il est élu, sur le bureau du Sénat une
proposition de revision.
Nous n'avons pas besoin de con-
naître son nom pour savoir que c'est
en sa faveur que nous ferons cam-
pagne. A l'heure actuelle, lorsque la
bataille est commencée entre le Sénat
et la majorité radicale de la Chambre
des députés et qu'elle doit se terminer
ou par un provisoire succès de la réac-
tion ou par la victoire définitive de la
démocratie, alors que la réalisation
des promesses faites au peuple au nom
de la République est forcément subor-
donnée à la disparition d'un Sénat qui
pourra avoir l'air de capituler, mais
qui ne cèdera pas et qu'il faudra briser,
si l'on veut passer outre, le sénateur
de la Seine ne peut être que l'homme
qui, pour toute profession de foi, pour
tout programme, criera plus fort que
les autres : A bas le Sénat !
LUCIEN VICTOR-MEUNIER.
Nous publierons demain un article
de M. Camille Pelletati.
DISCOURS SENATORIAUX
LES VIEUX PERSISTENT
Deux manifestations oratoires ont eu lieu
hier au Luxembourg. A la gauche républi-
caine, le nouveau président, M. Bernard-
Lavergne, en prenant possession du fau-
'teuil présidentiel qui vient de lui être attri-
bué, a prononcé un interminable discours
danb lequel il s'est élevé avec une vigueur
toute sénatoriale « contre les doctrines anti-
sociales des nouveaux inspirateurs du gou-
vernement ». Puis, après avoir combattu
toutes les lois démocratiques proposées par
le gouvernement, M. Bernard-Lavergne
fait une déclaration stupéfiante :
« C'est un reproche injuste, dit-il, de
montrer le Sénat comme l'ennemi naturel
des réformes et spécialement de celles qui
visent l'amélioration du sort des ouvriers. »
En terminant, le président de la gauche
républicaine a déclaré que le Sénat, qui a
fait son devoir dans une circonstance ré-
cente, le fera encore quand les circonstances
l'exigeront.
M. Demôle, élu président de l'Union ré-
publicaine, a fait un discours non moins
long, inspiré par les mêmes sentiments.
Ces manifestations oratoires n'ont guère
d'importance, mais elles montrent que nous
avons raison d'affirmer qu'aucune réforme
démocratique ne pourra être votée tant que
le Sénat gardera le pouvoir que lui a donné
la Constitution réactionnaire de 1875.
4>
LE BUDGET DE 1897
La commission du budget dans sa séance
d'hier, a commencé l'examen des articles du
projet de budget.
Au début de la séance, M. Merlou de-
mande que la commission provoque l'avis
de tous les syndicats agricoles et ouvriers,
sur l'impôt sur le revenu. Cette proposition
ayant été faite par un commissaire radical,
elle a été naturellement repoussée.
Mais la commission ne voulant pas que
l'on dise qu'elle n'a voulu recevoir aucun
avis, a déclaré qu'elle recevrait toutes les
communications relatives à l'impôt sur le
revenu jusqu'au 8 mars.
Mais il nous semble que le règlement
avait prévu ce cas. De quel droit, en effet,
une commission parlementaire ne recevrait-
elle pas les communications qui lui sont
adressées.
LES FOURNITURES MILITAIRES
Il y a quelques mois, la hausse des cuirs
battait son plein,
Les fournisseurs de la guerre qui avaient
des marchés se trouvaient dans la situation
la plus critique. Les clauses des cahiers des
charges sont formelles : à défaut d'exécu-
tion, les cautionnements de garantie devien-
nent la propriété de l'Etat et les cautions
solidaires sont mises en demeure de conti-
nuer les fournitures abandonnées par les
adjudicataires primitifs.
Beaucoup de fournisseurs des différents
corps d'armée demandèrent la résiliation de
leurs marchés : elle leur fut impitoyable-
ment refusée..,
Quelques-uns d'entre eux trouvèrent
grâce devant l'inflexibilité ministérielle.
Ces privilégiés obtinrent du général Zur-
linden, le ministre d'alors, la résiliation
pure et simple de leurs marchés et la res-
titution des cautionnements, pois furent
réadmis aux adjudications et narticijpèrent
aux concours restreints, même aux condi-
tions. de gré à gré. Nous attircns sur ces
ftivcs l'attention de l'honorable M. Cavaignac,
ministre de la guerre, et nous sommes sûrs
qu'il mettra au pas cette administration,
trop habituée à violer les règlements et la
justice et qu'il ne permettra pas qu'ils se
renouvellent.
L'ESPAGNE ET LES ÉTATS-UNIS
Une dépêche de Washington, 2 mars,
nous annonce que la Chambre des représen-
tants a adopté la résolution relative à Cuba
par 263 voix contre 16.
Au cours des débats, le député Hitt dit
que l'Espagne ne possède actuellement
qu'un quart ou tout au plus un tiers de l'ile
de Cuba. Elle ne peut donc pas s'offenser
puisqu'elle même avait reconnu la confédé-
ration des Etats-Unis avant la bataille de
Bull-Run.
En raison de la manifestation provoquée
par le vote du Sénat de Washington et dans
la crainte d'insultes au drapeau américain,
le consulat des Etats-Unis à Barcelone est
protégé par la garde civile et la police.
Hier, pendant la manifestation, le consulat
des Etats-Unis était occupé par la police qui
avait placé des agents dans les escaliers et
jusque sur les toits, dans la crainte d'un
attentat.
Un lieutenant de gendarmerie a été blessé
d'un coup de pierre.
Les manifestants ont déchiré quelques
drapeaux américains qu'ils avaient achetés
dans un magasin.
LES ON-DIT
CARNET QUOTIDIEN :
Théâtre de la Renaissance : Répétition géné-
rale de la Figurante.
- Durée du jour : 12 h. 15 m.
CHEZ NOUS
- C'est hier qu'a commencé à la gale-
rie de la rue de Sèze, la vente des tableaux
et objets d'art dépendant de la succession
d'Alexandre Dumas.
Voici les principales enchères de cette
première journée :
Albert Aublet : Intérieur lVatelier, vendu
1,300 fr.
Baudry : Danaé, 5,650 fr.
De Beaumont : la Fin de la chanson,
3,000 fr.
Corot : Solitude, 11,000 fr.
Delacroix : le Roi Rodrigue à la bataille
de la Guadalète, 5,000 fr.
Jules Dupré : Coucher de soleil sur la
mer, 6,900 fr.; le Pont de VIsle-Adam,
7,900 fr.
Eugène Fromentin: Centaures et centau-
resses, 10,600 fr.
Géricault : « Son portraits, 3,350 fr.
Jules Lefebvre : Femme nue, 13,500 fr.
Ph. Rousseau : l'Ombrelle, 2,)00 fr.; la
Ruche, 2.300 fr.
Tassaert : Leda, 4,150 fr. ; la Madeleine
aux angesy 2,700 fr.; la Femme au traver-
sin, 3,000 fr.; Madeleine expirant, 5,500 fr
Troyon : le Pâturage, adjugé 7,900 fr.
Vollon : le Casque dit roi Henri II,
4,200 fr.; les Cuivres, 2,100 fr.; les Œufs,
4,700 fr.; la Mandoline, 3,500 fr.; Nature
morte, 4,100 fr. ; le Dessert, 13,500 fr.,
Barque de pêche, 5,200 fr; Une fer me, 4,500
francs ; Etude et Bouquet de fleurs dans un
vase, deux tout petits panneaux de 13 cen-
timètres, 1^305 fr. et 1,400 fr.
Ecole anglaise : Portrait d'homme, 8,000
francs.
Cette première vacation a produit
198,000 fr.
- Après-demain jeudi, à la galerie
Georges Petit, 8, rue de Sèze, ouverture de
la treizième Exposition de la Société inter-
nationale de peinture et de sculpture.
Au milieu des ouvrages des artistes vi-
vants, le public reverra trois des plus belles
œuvres du regretté maître Bastien-Lepage:
la Récolte des pommes de terre, le Portrait
de Mme Sarali Bernhardt, le Portrait de
M. A ndrieux.
A l'Ecole des beaux-arts :
Le concours des beaux-arts, dont le
programme a été présenté par le conseil
supérieur, a donné les résultats sui-
vants :
Section de peinture. — Première mé-
daille à M. Beuzon, élève de M. Cor-
mon.
Première deuxième médaille , à M.
Boisson, élève de MM. Moreau et De-
launay.
Seconde deuxième médaille, à M. Bero-
meau, élève de M. Moreau.
Mentions à MM. Benoist-Baruel, élève
de MM. Gilloreau et J. Blanc ; Bourgeois,
élève de M. L.-O. Merson ; Wielhorski,
élève de MM. Bonnat et Blanc.
Section de sculPture. — Première mé-
daille, M. Bouchart, élève de M. Barrias.
Première deuxième médaille, à M. Finot,
élève de M. Barrias.
Deuxième deuxième médaille, M. Ma-
lacou, élève de MM. Thomas et Injal-
bert.
Mentions à MM. Auban etSudrie, élèves
de M. Falguière.
Section d'architecture. — Première mé-
daille à M. Dufour, élève de M. Laloux.
Première deuxième médaille à M. Tous-
saint, élève de M. Laloux.
Deuxième deuxième médaille, à M. Bar-
bier, élève de M. Laloux.
Mention à MM. Feine, élève de M. Pas-
cal ; Bertaux, élève de M. Lambert ; Jeam,
élève de M. Laloux.
- Le Salon lyonnais :
Hier a eu lieu le vote pour la médaille
au Salon de la société lyonnaise des beaux-
arts.
M. Tony Tollet qui avait exposé la
Mort d'Arthus a obtenu la médaille par 79
voix, contre 24 données à M. de Belair.
- On annonce la mort de Gustave
Claudin, qui fut comme Arsène Houssaye,
dont il était l'ami et le contemvq.rain.
un des plus brillants journalistes de l'Em-
pire.
Gustave Claudin, né à la Ferté-sous-
"Jouarre en 1823, était âgé de soixante-
treize ans.
- M. Mesureur n'a, paraît-il, pris
aucune décision au sujet du nouveau tim-
bre-poste. Le ministre recevra encore les
différents projets qui lui seront soumis.
- Les cavalcades de la mi-carême :
Hier soir, à la suite d'une réunion des
marchandes du Temple, présidée par M.
Belloche, président du comité de la mi-
carême, une jeune et jolie veuve de vingt
et un ans, Mme Louise Jactel, a été élue
reine du marché du Temple.
- Les mémoires de Rochefort, que
le four publie, comme on le sait, sous ce
titre : les Aventures de ma vie, sont tout
à fait palpitants en ce moment. Le célèbre
pamphlétaire en est arrivé aux dures an-
nées de prison et de déportation. Ses com-
pagnons et lui ne pensent qu'à s'évader, et
les moyens qu'ils imaginent tiennent du
roman-feuilleton, — un roman-feuilleton
écrit avec une verve et un esprit de tous
les diables.
- M. Jean de Mitty, l'« éditeur» du
Lucien Leu-well de Stendhal, publie, dans
la Revue blanche du Ier mars, des fragments
inédits de Stendhal qui proviennent de la
bibliothèque de Grenoble et d'une col-
lection particulière.
Les uns sont datés d'Italie, les autres de
Grenoble. Ils montrent un Stendhal im-
prévu : sentimental, mélancolique et ti-
mide ; et un Stendhal pratique, dont on se
doutait un peu.
< Le sixième banquet annuel de la
Crêpe, société amicale des-Brestois de Pa-
ris, aura lieu le dimanche 15 mars, à sept
heures et demie, dans les salons du Grand
Véfour, rue du Beaujolais (Palais-Royal).
La carte d'invitation est illustrée d'un
superbe dessin du président de la société,
le graveur Ferdinand Gilbault dont plu-
sieurs médaillons figurent au musée du
Luxembourg.
Un dessin original du peintre de marine
Couturier ornera le menu.
Nul doute que cette fête bretonne, dont
l'amiral Vallon, député de Brest, a bien
voulu accepter la présidence, n'obtienne
le plus vif succès.
Cotisation huit francs; les dames sont
admises.
Adresser les adhésions avant le 11 mars
à M. Essirard, trésorier, 25, rue Coquil-
lière.
'V Nous apprenons l'arrivée à Paris de
M. Jacques de Narkiéviez-lodko, con-
seiller et collaborateur de l'Institut im-
périal de médecine expérimentale de Saint-
Pétersbourg.
M. de Narkiéviez, qui arrive directement
de Berlin, se propose de faire connaître
aux savants français ses dernières re-
cherches sur J'électrographie et sur leurs
rapports avec les rayons x.
On se rappelle qu'il y a deux ans, lors de
son dernier passage à Paris, M. de Narkié-
viez, qui est membre de la Société d'élec-
trothéraphie française, avait fait connaître
de premières expériences très curieuses sur
l'électrographie.
A L'ETRANGER
Le musée impérial historique de
Moscou vient de recevoir en cadeau le
drapeau de soie tricolore qui surmontait
l'édifice du Cercle militaire de Paris pen-
dant la visite des marins russes en 1893 et
qui lui a été envoyé en témoignage de
1 amitié unissant la France et la Russie. Ce
drapeau a été aussitôt joint à la collection
d'objets rappelant les solennités des visites
navales de Cronstadt et de Toulon, pré-
cieusement conservés par le musée mos-
covite.
- On télégraphie d'Athènes, que
l'inaugration du groupe représentant la
Grèce couronnant lord Byron, a eu lieu
hier.
Au moment où le roi a découvert la
statue, des acclamations frénétiques ont
retenti.
Le groupe, qui est l'œuvre de MM. Fal-
guière et Chapu, est très admiré.
Le Passant.
- ——————————
LA MÊMOIRE DE M. MAGNIER
Voilà deux fois que M. le juge d'instruc-
tion Le Poittevin se rend à la Conciergerie,
dans la cellule de M. Magnier, pour deman-
der à l'ancien sénateur du Var des rensei-
gnements concernant l'affaire des Chemins
de fer du Sud.
Aux questions du magistrat instructeur,
M. Magnier répond avec bonhomie :
— Je serais vraisemblablement en mesure,
monsieur le juge, de vous donner les ren-
seignements que vous voulez bien me de-
mander ; mais il me faudrait pour cela ras-
sembler mes souvenirs. Et je ne puis le faire
ici, dans cette cellule où je suis immobilisé,
où j'étouffe et où ma tête est douloureuse-
ment vide. Il me faudrait de l'air et du mou-
vement. Alors, je n'en doute pas, mes souve-
nirs sur les questions que vous me posez se
préciseraient et je pourrais présisément vous
renseigner sur les points qui vous inté-
ressent. Mais, ici, dans cette cellule où je
dépéris, impossible de mettre de l'ordre dans
ma mémoire. Je suis au désespoir, croyez-la
bien, monsieur le juge, de ne pouvoir vous
être agréable.
C'est en vain que M. Le Poittevin insiste
doucement. M. Magnier ne répond pas à ses
questions. U se borne à répéter, en se pas-
sant mélancoliquement la main droite sur le
front : — Ahl jo n'ai plus d'idées. plus
d'idées ! Le manque d'air et de mouvement
me tue.
Le juge d'instruction se retire alors de la
cellule de l'ancien directeur de Y Evénement
qui, depuis qu'il est en droit d'obtenir sa li-
bération conditionnelle — qu'on tarde à lui
accorder — se montre extrêmement ner-
veux.
-
LA COUR ET M. LE POITTEVIN
La chambre des mises en accusation va
être appelée à donner son avis, en droit, sur
la régularité des pouvoirs dont M. Le Poit-
tevin a été investi lorsque, comme juge chargé
de l'instruction, il a, soit par des ordon-
nances de renvoi en police correctionnelle,
soit par des ordonnances de non-lieu, liquidé
les vingt ou trente affaires du cabinet de M.
Gouraincourt.
Dans l'une de ces affaires, en effet, M. Le
Poittevin a rendu une ordonnance de non
lieu à laquelle une partie civile a mis immé-
diatement opposition.
S'emparant des discussions qui, ultérieu-
rement à son opposition, se sont produites
au Sénat, à la Chambre des députés et dans
la presse, cette partie civile soutient aujour-
d'hui que l'ordonnance de non-lieu rendue
par M. Le Poittevin est nulle à raison même
de l'irrégularité des pouvoirs de ce dernier,
comme juge chargé de l'instruction.
Bref, c'est la chambre des mises en accu-
sations qui, par ricochet, va juridiquement
dire le dernier mot de l'affaire Rempler-Le
Poittevin.
Les Promotions dans les Ijcées et collèges
Comme d'habitude, aux fêtes du jour de
l'an, on a fait connaitre au personnel, les
promotions accordées au début de l'année
1896. Pour les professeurs et répétiteurs des
lycées de Paris, la liste a été officieusement
communiquée aux chefs d'établissements au
cours même de la réception ministérielle.
Depuis — il y a de cela deux mois — les
fonctionnaires de l'enTOfgTicmcnJ acoonelairo
continuent à émarger sur leur ancien trai-
tement et attendent encore l'augmentation
promise.
Il y a mieux; dans un lycée de la rive
droite, tes nouveaux promus ont subi à la
fin de janvier la retenue du premier dou-
zième sur l'augmentation à venir. et l'aug-
mentation n'est pas venue, si bien que le
seul avantage que leur aient apporté les
promotions, a été, jusqu'à présent, une ré-
duction sur leur ancien traitement.
A qui la responsabilité de ce retard ?
————————————
Le Mystère de Villiers-sur-Marne
La vérité sur la « chambre maudite »
Les hasards de la mort
La fin d'Eugénie Foret — L'enquête
Un de nos confrères a annoncé que, dans
Villiers-sur-Marne, petite localité de l'arron-
dissement de Corbeil, l'émotion était très
vive, d'autant plus que le fait qui occupe les
esprits est dramatique et mystérieux.
Les patrons d'une petite auberge, située
place de la Gare, avaient fait venir une
jeune domestique qu'ils firent couchey le
soir de son arrivée dans une chambre du
premier étage. Cette chambre, parait-il, a
un mauvais renom, on l'appelle la « chambro
maudite » parce que un jeune employé du
chemin de fer de l'Est, Eugène Cheurier, y
était mort mystérieusement après y avoir
dormi une nuit. Il aurait été impossible d'é-
tablir les causes de son décès.
Or, la jeune domestique, dont nous par-
lons plus haut, a été également trouvée
morte, après une seule nuit passée dans
cette chambre. Toutes les autorités de la
ville : maire, gendarmes et garde-champêtre
ont donc été saisis de ce cas mystérieux.
Le docteur Vaquier a examiné le cadavre
et. sans se prononcer toutefois, a refusé le
permis d'inhumer.
D'autre part, la « chambre maudite « a été
examinée dans ses coins et recoins; mais on
n'y a remarqué rien d'anormal, ni poêle
mobile, ni tuyau, ni fissure, en un mot,
nulle source d'émanations délétères.
Le parquet de Corbeil s'occupe de cette
affaire.
A VILLIERS-SUR-MARNE
Ces faits ainsi exposés méritaient donc
notre attention, nous nous sommes rendu à
Villiers-sur-Marne pour donner à nos lec-
teurs le mot de l'énigme.
Disons tout de suite que la « chambre
maudite » est inconnue des habitants du
pays, qui savent déjà à quoi s'en tenir,
comme on le verra plus loin.
La justice a certainement un mystère à
éclaircir, mais c'est à Paris qu'il lui faudra
chercher les causes de la mort de la jeune
domestique de Villiers-sur-Marne.
LE RÉCIT DE M. DUQUESNE
L'auberge dans laquelle les choses se sont
passées est tenue par M. Duquesne, elle est
située en face de la gare. Nous avons donc
été recueillir auprès de lui les renseigne-
ments nécessaires.
— Les faits racontés par votre confrère ne
sont pas exacts, la « chambre maudite » a
toujours été habitée. Il y a quatre mois,
M. Chevrier, qui demeurait chez moi de-
puis six semaines, y est mort d'une conges-
tion pulmonaire constatée par le médecin ;
ça peut arriver à tout le monde. Plusieurs
clients l'ont occupée depuis et ne s'en por-
tent pas plus mal.
J'ai envoyé ma femme engager une bonne,
à Paris, il y a trois jours, elle a arrêté une
jeune fille qui se disait âgée de vingt ans,
dans un bureau de placement du boulevard
de Strasbourg. Eugénie Foret est arrivéo
chez nous pour diner, samedi soir; elle avait
l'air très triste et l'on voyait bien qu'elle
était dans une très grande misère. A dix
heures, après avoir lavé la vaisselle, elle
est allée se coucher. Dimanche matin, j'ai
voulu la réveiller, en frappant à sa porte, et
comme elle n'a pas répondu, jo suis entre
Par la fenêtre, accompagné d'un de mes
clients. La jeune-fille était morte. J'ai pré-
venu les autorités. Les deux médecins qui
sont venus ont déclaré que son corps ne
portait aucune trace do violence.
On a télégraphié à sa famille qui habite
Auteuil (Eure), et ce soir sa mère et son on-
cle sont venus chercher le cadavre, qui leur
a été donné sans difficulté. Je dois à la vé-
rité de dire que sur le certificat des méde-
cins ne figurait aucun nom de maladie.
C'est peut-être parce qu'ils n'ont pas bien
regardé.
CHEZ LE MAIRE
Voici les déclarations qui nous ont été fai-
tes par M. Quirin, maire de Villiers-sur-
Marne.
— Au cours des constatations, on a re-
marqué que les draps du lit étaient inondés
de sang. La jeune fille était étendue sur le
ventre. J'ai trouvé dans sa malle des lettres
qui indiquent que pendant quelques mois,
elle avait vécu à Paris, très librement. La
malheureuse n'était âgée que de dix-sept
ans.
J'ai télégraphié au parquet de Versailles.
Le corps a été examiné par deux méde
cms, mais leurs déclarations, quoique va-
gues, ne m'ont pas autorisé à empêcher les
parents de transporter la défunte dans leur
pas.
Seulement, sa correspondance a été re-
mise an parquet et il est certain que la
justice va s'occuper de cette affaire.
L'ENQUÊTE
Parmi les papiers saisis se trouve une
lettre retournée à la jeune fille par sa mère
et dans laquelle on avertissait cette dernière
de là conduite d'Eugénie Foret.
On se renseigne donc en ce moment sur
les fréquentations qu'elle avait à Paris, cal
il se pourrait que la jeune fille, avant de
partir pour Villiers-sur-Marne, ait subi des
manœuvres à la suite desquelles se serait
déclaré un accident mortel.
PAUB GÉGNON.
4
CHRONIQUE
Par PAUL GINISTY
Arsène Houssaye contait dans ses
Confessions, mine de souvenirs vrai-
ment riche, une assez saisissante aven-
ture. Il venait d'apprendre la mort dey
Rachel, sa grande amie, avec laquelle,
naguère, il avait bravé les colères des
comédiens du Théâtre-Français, quand,
par une sorte de petit coup d'Etat, il en.
avait été nommé directeur. Le corps de
la tragédienne n'était pas encore re-
venu du Cannet, où elle avait été sé..
teindre, luttant -trafriquement contre
l'anéantissement qu'elle sentait venir.
Et voici que, un matin, Arsène Hous-
saye reçut une lettre, sur l'enveloppe
de laquelle il reconnut, avec un grand
trouble, l'écriture de Rachel. Cette
lettre était partie, à son adresse, le jour
même de sa mort.
Je me suis souvenu de cette histoire
en recevant, avant-hier après m'être
allé inscrire à l'hôtel de l'avenue Fried-
land, le dernier livre d'Arsène Hous-
saye, avec sa carte, qui n'était plus que
la carte d'un mort. Et vraiment, ce fu-
nèbre hasard ne donnait-il pas une
sorte de suprême crânerie à la fin de
l'écrivain? Du lit où il était couché, dont
il ne se devait point relever, il avait
pensé aux envois de ce volume qui
s'ajoutait à tant d'autres, les Femmes
démasquées. Titre un peu trompeur : il
avait trop aimé la femme pour être ja-
mais bien sévère à son égard, et, dans
cette façon de Décaméron, où il était
inépuisable en évocations du passé, sa
satire était encore quelque chose comme
du madrigal.
Il avait fait à la vie la politesse de
rester toujours jeune de cœur, et cetto
persistante jeunesse était étonnante
chez lui. Cela ét charmant de retrou-
ver en ce temps-ci cette triomphante
belle humeur, cette imagination à pa-
nache, qui le poussait à transformer les
choses ordinaires ou mesquines en
choses prodigieuses, ce don de jeter
l'éclat sur tout, cette galanterie allant
parfois jusqu'à l'impertinence aisée.
Arsène Houssaye eut, quoi qu'on puisse
dire, une philosophie à lui, et même une
philosophie très personnelle. Elle con-
sistait en sa volontée déterminée d'ac.
cepter la vie comme un roman. Heu*
reux moyen d'y supprimer ce qu'il y
avait de trop triste ou de trop laid.
il y a dans ses confessions tels boute
de phrases qui détonnent fort avec les
positives habitudes actuelles et qui
sont l'évocation même d'un temps. Etres
étaient la grâce de ce livre. Ar-
sène Houssaye ne contait-il pag, par
exemple, qu'il lui arriva d'écrire des
sonnets, en n'ayant d'autre pupitre quo
le sein d'une jolie femme? Même un
poète, à présent, hésiterait devant une
déclaration pareille, et il est à craindre
qu'il n'ait l'esprit trop pratique pour ré-
fléchir à l'incommodité d'un si délicieux
appui.
Et l'histoire de V « addition » du pro-
priétaire du calé de Foy, que celui-ci,
narrait Arsène Houssaye, lui présenta,
lorsqu'elle fut suffisamment corsée,
dans un volume à tranches dorées, ma-
gniflquement relié en maroquin violet J
Toutes ces anecdotes — et c'était là le
plaisant et l'aimable — étaient contées,
en dépit de leur espèce de lyrisme, avec
une si savoureuse apparence de simpli-
cité et de naturel t Tout ceci semblait si
bien être l'ordinaire pour ce perpétuel
chercheur d'illusions! Et ce grain de
fatuité, cette ferme croyance en la sou-
veraineté des lettres, ce dédain de tout
ce qui n'était pas entouré d'un peu de
poésie, c'était, par le contraste avec les
écritures d'aujourd'hui, la chose la plus
piquante du monde.
On disait de Dumas, à propos de ses
romans historiques, d'une si débor-
dante fantaisie, qu'il avait recréé l'his-
toire. Arsène Houssaye lui, avait re-
créé son passô. Vous savez ce qu'il
avait fait de la bohème romantique.
Sous sa plume, les soupers d'autrefois
devenaient des fètes inouïes, où les
poètes jetaient des paradoxes étince-
lants devant des femmes merveilleuse-
ment belles. Heureux, à en croire ces
récits brillants, le Paris soupeur de
jadis 1 Les gens d'esprit gardent au-
jourd'hui le leur avec plus d économie,
pour en tirer un parti pratique.
Les innombrables portraits de ses
contemporains dessinés par Arsène
Houssaye ne sont pas rigoureusement
exacts, au sens propre du mot, car il
lui était impossible de ne pas tout ma-
gnifier, mais ils sont vrais de cette vé-
rité supérieure que donne la poésie,
qui, avec des traits essentiels, fait la
légende recueillie par la postérité. Et
puis, s'ils ne furent pas tels que les re-
traçait Arsène Houssaye, ces grands
hommes, de la littérature, dumonde, de
l'art, du théâtre, est-ce qu'ils n'eurent
pas un peu tort? Au reste, il y avait
quelque chose qui n'était point banal
dans la fidélité d'Arsène Haussaye à ses
^ARli £ T BlP^TEWTEWT^
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k, : ,. i
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ANNONCES
AUX BUREAUX DU JOURNAL
131, rue Montmartre, 131
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De 4la 8 keuTu du soiT et de 10 MuTeS du SoiT 1 heure du matin
N° ^490. — Mercredi 4 Mars 1830
15 VENTOSE AN 104
ADMINISTRATION s 131, rue Ilontmartre, 131
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
NOS LEA DERS
Le Sénatenr de la Seine
Nous avons, il y a quelques semaines,
pieusement, et le cœur êtreint par une
douloureuse émotionv suivi le cercueil
de cet illustre citoyen, Floquet, qui,
après plus de soixante années d'une
vie consacrée toute au service de la
démocratie, mourut, tué, assassiné
lâchement par.- la ealomnie et l'ou-
trage.
A ce mort*, dont le souvenir ne pé-
rira jamais dans les âmes républi-
caines, ni va falloir donner un succes-
seur au/Sénat.
Déjèi, dans tous les milieux politi-
ques on en parle, on slen préoccupe,
car Les circonstances donnent à cette
élerition une importance exception-
neTile.
Le Sénat vient d'entrer en lutte ou-
verte avec le parti réformateur, le parti
progressiste, le parti républicain, au-
jourd'hui fortement constitué, ayant
ses chefs et ne demandant qu'à com-
battre.
Inutile de rappeler les incidents de
ces derniers jours. Ils sont présents à
la mémoire de tous. Le Sénat, on le
sait, pris de peur, s'apercevant qu'il
s'était imprudemment avancé, a battu
en retraite. Mais on sait aussi que cette
reculade n'est qu'apparente et que le
Sénat,encore qu'il ait plié l'échiné sous
l'orage, est, comme il l'a toujours été,
comme il le sera toujours, déterminé
à remplir jusqu'au bout son rôle d'obs-
tacle.
Que disait, hier encore, le président
de la gauche républicaine au Sénat,
M. Bernard-Lavergne ? — « Le Sénat
veille, il l'a prouvé. Il persistera dans
sa voie, prenant au besoin et à défaut
du gouvernement les initiatives né-
cessaires. »
Rien n'est plus clair. Du reste, qui
serait assez naïf pour croire le Sénat
disposé à collaborer sincèrement, loya-
lement avec ces perturbateurs, ces
fauteurs de désordre qui veulent —
inexplicable crime, n'est-ce pas ? pré-
tention inadmissible! — que la Répu-
blique de nom devienne la République
de fait et soit la vraie République, sé-
vère pour tous les coupables, mater-
nelle pour tous les malheureux ?
Dans ces conditions, que va faire le
département de la Seine appelé à
nommer un sénateur?
A
Des noms déjà sont prononcés. Je ne
veux en connaître aucun. Elargissons
le débat, plaçons-le plus haut. Il ne
s'agit pas, pour le moment du moins,
de discuter telle ou telle personnalité,
mais de poser un principe.
On trouvera dans une autre partie
du journal l'ordre du jour adopté par
le comité républicain socialiste auto-
nomiste du Petit-Montrouge, ordre du
jour enjoignant au citoyen Champou-
dry, conseiller municipal, de présen-
ter et de défendre à l'Hôtel de Ville
une motion « tendant au refus de dé-
signer des délégués sénatoriaux ».
L'intention, incontestablement, est
louable. « Considérant, dit l'ordre du
jour, que l'existence du Sénat est con-
traire au droit public national. »
Soit. Mais la tactique me semble mau-
vaise.
Jamais l'abstention n'a été une arme
efficace. Quelques raisons, si valables
soient-elles, qu'il donne de son si-
lence, celui qui s'abstient a toujours
un peu l'air de déserter. De fait, il dé-
serte.
Le moment est assez grave pour que
la République soit en droit de récla-
mer la présence de tous ses soldats sur
le champ de bataille.
Que l'exemple donné par le comité
Champoudry soit suivi ; que, non seu-
lement à Paris, mais dans toutes les
communes du département de la
Seine, s'abstiennent tous les conseil-
lers municipaux hostiles au Sénat,
quel résultat pourra avoir une sem-
blable manœuvre? Celui-ci seulement.
Laisser le champ libre aux partisans
du Sénat, lesquels s'empresseront
de grossir d'une unité quelconque la
majorité de résistance, la majorité de
- Réaction qui siège au Luxembourg.
Mon ! non ! point d'abstentions ! Et si
M. Champoudry, obéissant à l'ordre
reçu — ah ! ces pauvres hommes poli-
tiques, serviteurs résignés de leur co-
mité! présente au conseil municipal
de Paris la motion en question, j'es-
père bien qu'elle sera bellement re-
poussée.
Point d'abstentions ! Une action com-
mune, au contraire, énergique, puis-
sante, de tous les républicains pour le
succès d'une candidature nettement,
hautement révisionniste.
**
Les escarmouches auxquelles je
viens de faire allusion, les intermi-
nables et insipides controverses sur
cet incident Rempler, enfin clos par
bonheur, ont eu ce grand avantage de
tendre la situation parfaitement nette.
Nul, maintenant, ne peut se refuser à
voir clair.
Le Sénat, en se lançant à corps
perdu à la suite du désormais célèbre
M. Monis dans l'aventure que l'on
connaît, a commis la faute du duel-
liste qui se découvre. Le temps des
équivoques est passé. Les masques gi-
sent sur le sol. A personne on ne fera
plus croire que le Sénat puisse être
disposé jamais à faillir à sa mission
qui est de tout retarder, tout entraver,
tout empêcher. Nul n'a plus le droit
d'ignorer maintenant qu'entre la dé-
mocratie et les réformes, se dresse une
barrière, et que cette barrière s'ap-
pelle le Sénat.
Ainsi, le devoir des électeurs séna-
toriaux de la Seine est tout tracé. En-
tre tous les candidats qui se présen-
tent à leurs suffrages, ils devront choi-
sir — et ils choisiront, nous en som-
mes convaincu — celui dont le nom
signifiera le plus clairement : Revision
de la Constitution — Suprématie ab-
solue du suffrage universel — Sup-
pression du Sénat. — Si aucun des
candidats ne formulait ces program-
mes nécessaires, alors seulement se
comprendrait l'abstention préconisée
par le comité du Petit-Montrouge.
Mais l'éventualité n'est pas à craindre.
Il s'en trouvera bien un au moins — et
c'est celui-là qui devra être choisi —
qui prendra l'engagement de déposer,
s'il est élu, sur le bureau du Sénat une
proposition de revision.
Nous n'avons pas besoin de con-
naître son nom pour savoir que c'est
en sa faveur que nous ferons cam-
pagne. A l'heure actuelle, lorsque la
bataille est commencée entre le Sénat
et la majorité radicale de la Chambre
des députés et qu'elle doit se terminer
ou par un provisoire succès de la réac-
tion ou par la victoire définitive de la
démocratie, alors que la réalisation
des promesses faites au peuple au nom
de la République est forcément subor-
donnée à la disparition d'un Sénat qui
pourra avoir l'air de capituler, mais
qui ne cèdera pas et qu'il faudra briser,
si l'on veut passer outre, le sénateur
de la Seine ne peut être que l'homme
qui, pour toute profession de foi, pour
tout programme, criera plus fort que
les autres : A bas le Sénat !
LUCIEN VICTOR-MEUNIER.
Nous publierons demain un article
de M. Camille Pelletati.
DISCOURS SENATORIAUX
LES VIEUX PERSISTENT
Deux manifestations oratoires ont eu lieu
hier au Luxembourg. A la gauche républi-
caine, le nouveau président, M. Bernard-
Lavergne, en prenant possession du fau-
'teuil présidentiel qui vient de lui être attri-
bué, a prononcé un interminable discours
danb lequel il s'est élevé avec une vigueur
toute sénatoriale « contre les doctrines anti-
sociales des nouveaux inspirateurs du gou-
vernement ». Puis, après avoir combattu
toutes les lois démocratiques proposées par
le gouvernement, M. Bernard-Lavergne
fait une déclaration stupéfiante :
« C'est un reproche injuste, dit-il, de
montrer le Sénat comme l'ennemi naturel
des réformes et spécialement de celles qui
visent l'amélioration du sort des ouvriers. »
En terminant, le président de la gauche
républicaine a déclaré que le Sénat, qui a
fait son devoir dans une circonstance ré-
cente, le fera encore quand les circonstances
l'exigeront.
M. Demôle, élu président de l'Union ré-
publicaine, a fait un discours non moins
long, inspiré par les mêmes sentiments.
Ces manifestations oratoires n'ont guère
d'importance, mais elles montrent que nous
avons raison d'affirmer qu'aucune réforme
démocratique ne pourra être votée tant que
le Sénat gardera le pouvoir que lui a donné
la Constitution réactionnaire de 1875.
4>
LE BUDGET DE 1897
La commission du budget dans sa séance
d'hier, a commencé l'examen des articles du
projet de budget.
Au début de la séance, M. Merlou de-
mande que la commission provoque l'avis
de tous les syndicats agricoles et ouvriers,
sur l'impôt sur le revenu. Cette proposition
ayant été faite par un commissaire radical,
elle a été naturellement repoussée.
Mais la commission ne voulant pas que
l'on dise qu'elle n'a voulu recevoir aucun
avis, a déclaré qu'elle recevrait toutes les
communications relatives à l'impôt sur le
revenu jusqu'au 8 mars.
Mais il nous semble que le règlement
avait prévu ce cas. De quel droit, en effet,
une commission parlementaire ne recevrait-
elle pas les communications qui lui sont
adressées.
LES FOURNITURES MILITAIRES
Il y a quelques mois, la hausse des cuirs
battait son plein,
Les fournisseurs de la guerre qui avaient
des marchés se trouvaient dans la situation
la plus critique. Les clauses des cahiers des
charges sont formelles : à défaut d'exécu-
tion, les cautionnements de garantie devien-
nent la propriété de l'Etat et les cautions
solidaires sont mises en demeure de conti-
nuer les fournitures abandonnées par les
adjudicataires primitifs.
Beaucoup de fournisseurs des différents
corps d'armée demandèrent la résiliation de
leurs marchés : elle leur fut impitoyable-
ment refusée..,
Quelques-uns d'entre eux trouvèrent
grâce devant l'inflexibilité ministérielle.
Ces privilégiés obtinrent du général Zur-
linden, le ministre d'alors, la résiliation
pure et simple de leurs marchés et la res-
titution des cautionnements, pois furent
réadmis aux adjudications et narticijpèrent
aux concours restreints, même aux condi-
tions. de gré à gré. Nous attircns sur ces
ftivcs l'attention de l'honorable M. Cavaignac,
ministre de la guerre, et nous sommes sûrs
qu'il mettra au pas cette administration,
trop habituée à violer les règlements et la
justice et qu'il ne permettra pas qu'ils se
renouvellent.
L'ESPAGNE ET LES ÉTATS-UNIS
Une dépêche de Washington, 2 mars,
nous annonce que la Chambre des représen-
tants a adopté la résolution relative à Cuba
par 263 voix contre 16.
Au cours des débats, le député Hitt dit
que l'Espagne ne possède actuellement
qu'un quart ou tout au plus un tiers de l'ile
de Cuba. Elle ne peut donc pas s'offenser
puisqu'elle même avait reconnu la confédé-
ration des Etats-Unis avant la bataille de
Bull-Run.
En raison de la manifestation provoquée
par le vote du Sénat de Washington et dans
la crainte d'insultes au drapeau américain,
le consulat des Etats-Unis à Barcelone est
protégé par la garde civile et la police.
Hier, pendant la manifestation, le consulat
des Etats-Unis était occupé par la police qui
avait placé des agents dans les escaliers et
jusque sur les toits, dans la crainte d'un
attentat.
Un lieutenant de gendarmerie a été blessé
d'un coup de pierre.
Les manifestants ont déchiré quelques
drapeaux américains qu'ils avaient achetés
dans un magasin.
LES ON-DIT
CARNET QUOTIDIEN :
Théâtre de la Renaissance : Répétition géné-
rale de la Figurante.
- Durée du jour : 12 h. 15 m.
CHEZ NOUS
- C'est hier qu'a commencé à la gale-
rie de la rue de Sèze, la vente des tableaux
et objets d'art dépendant de la succession
d'Alexandre Dumas.
Voici les principales enchères de cette
première journée :
Albert Aublet : Intérieur lVatelier, vendu
1,300 fr.
Baudry : Danaé, 5,650 fr.
De Beaumont : la Fin de la chanson,
3,000 fr.
Corot : Solitude, 11,000 fr.
Delacroix : le Roi Rodrigue à la bataille
de la Guadalète, 5,000 fr.
Jules Dupré : Coucher de soleil sur la
mer, 6,900 fr.; le Pont de VIsle-Adam,
7,900 fr.
Eugène Fromentin: Centaures et centau-
resses, 10,600 fr.
Géricault : « Son portraits, 3,350 fr.
Jules Lefebvre : Femme nue, 13,500 fr.
Ph. Rousseau : l'Ombrelle, 2,)00 fr.; la
Ruche, 2.300 fr.
Tassaert : Leda, 4,150 fr. ; la Madeleine
aux angesy 2,700 fr.; la Femme au traver-
sin, 3,000 fr.; Madeleine expirant, 5,500 fr
Troyon : le Pâturage, adjugé 7,900 fr.
Vollon : le Casque dit roi Henri II,
4,200 fr.; les Cuivres, 2,100 fr.; les Œufs,
4,700 fr.; la Mandoline, 3,500 fr.; Nature
morte, 4,100 fr. ; le Dessert, 13,500 fr.,
Barque de pêche, 5,200 fr; Une fer me, 4,500
francs ; Etude et Bouquet de fleurs dans un
vase, deux tout petits panneaux de 13 cen-
timètres, 1^305 fr. et 1,400 fr.
Ecole anglaise : Portrait d'homme, 8,000
francs.
Cette première vacation a produit
198,000 fr.
- Après-demain jeudi, à la galerie
Georges Petit, 8, rue de Sèze, ouverture de
la treizième Exposition de la Société inter-
nationale de peinture et de sculpture.
Au milieu des ouvrages des artistes vi-
vants, le public reverra trois des plus belles
œuvres du regretté maître Bastien-Lepage:
la Récolte des pommes de terre, le Portrait
de Mme Sarali Bernhardt, le Portrait de
M. A ndrieux.
A l'Ecole des beaux-arts :
Le concours des beaux-arts, dont le
programme a été présenté par le conseil
supérieur, a donné les résultats sui-
vants :
Section de peinture. — Première mé-
daille à M. Beuzon, élève de M. Cor-
mon.
Première deuxième médaille , à M.
Boisson, élève de MM. Moreau et De-
launay.
Seconde deuxième médaille, à M. Bero-
meau, élève de M. Moreau.
Mentions à MM. Benoist-Baruel, élève
de MM. Gilloreau et J. Blanc ; Bourgeois,
élève de M. L.-O. Merson ; Wielhorski,
élève de MM. Bonnat et Blanc.
Section de sculPture. — Première mé-
daille, M. Bouchart, élève de M. Barrias.
Première deuxième médaille, à M. Finot,
élève de M. Barrias.
Deuxième deuxième médaille, M. Ma-
lacou, élève de MM. Thomas et Injal-
bert.
Mentions à MM. Auban etSudrie, élèves
de M. Falguière.
Section d'architecture. — Première mé-
daille à M. Dufour, élève de M. Laloux.
Première deuxième médaille à M. Tous-
saint, élève de M. Laloux.
Deuxième deuxième médaille, à M. Bar-
bier, élève de M. Laloux.
Mention à MM. Feine, élève de M. Pas-
cal ; Bertaux, élève de M. Lambert ; Jeam,
élève de M. Laloux.
- Le Salon lyonnais :
Hier a eu lieu le vote pour la médaille
au Salon de la société lyonnaise des beaux-
arts.
M. Tony Tollet qui avait exposé la
Mort d'Arthus a obtenu la médaille par 79
voix, contre 24 données à M. de Belair.
- On annonce la mort de Gustave
Claudin, qui fut comme Arsène Houssaye,
dont il était l'ami et le contemvq.rain.
un des plus brillants journalistes de l'Em-
pire.
Gustave Claudin, né à la Ferté-sous-
"Jouarre en 1823, était âgé de soixante-
treize ans.
- M. Mesureur n'a, paraît-il, pris
aucune décision au sujet du nouveau tim-
bre-poste. Le ministre recevra encore les
différents projets qui lui seront soumis.
- Les cavalcades de la mi-carême :
Hier soir, à la suite d'une réunion des
marchandes du Temple, présidée par M.
Belloche, président du comité de la mi-
carême, une jeune et jolie veuve de vingt
et un ans, Mme Louise Jactel, a été élue
reine du marché du Temple.
- Les mémoires de Rochefort, que
le four publie, comme on le sait, sous ce
titre : les Aventures de ma vie, sont tout
à fait palpitants en ce moment. Le célèbre
pamphlétaire en est arrivé aux dures an-
nées de prison et de déportation. Ses com-
pagnons et lui ne pensent qu'à s'évader, et
les moyens qu'ils imaginent tiennent du
roman-feuilleton, — un roman-feuilleton
écrit avec une verve et un esprit de tous
les diables.
- M. Jean de Mitty, l'« éditeur» du
Lucien Leu-well de Stendhal, publie, dans
la Revue blanche du Ier mars, des fragments
inédits de Stendhal qui proviennent de la
bibliothèque de Grenoble et d'une col-
lection particulière.
Les uns sont datés d'Italie, les autres de
Grenoble. Ils montrent un Stendhal im-
prévu : sentimental, mélancolique et ti-
mide ; et un Stendhal pratique, dont on se
doutait un peu.
< Le sixième banquet annuel de la
Crêpe, société amicale des-Brestois de Pa-
ris, aura lieu le dimanche 15 mars, à sept
heures et demie, dans les salons du Grand
Véfour, rue du Beaujolais (Palais-Royal).
La carte d'invitation est illustrée d'un
superbe dessin du président de la société,
le graveur Ferdinand Gilbault dont plu-
sieurs médaillons figurent au musée du
Luxembourg.
Un dessin original du peintre de marine
Couturier ornera le menu.
Nul doute que cette fête bretonne, dont
l'amiral Vallon, député de Brest, a bien
voulu accepter la présidence, n'obtienne
le plus vif succès.
Cotisation huit francs; les dames sont
admises.
Adresser les adhésions avant le 11 mars
à M. Essirard, trésorier, 25, rue Coquil-
lière.
'V Nous apprenons l'arrivée à Paris de
M. Jacques de Narkiéviez-lodko, con-
seiller et collaborateur de l'Institut im-
périal de médecine expérimentale de Saint-
Pétersbourg.
M. de Narkiéviez, qui arrive directement
de Berlin, se propose de faire connaître
aux savants français ses dernières re-
cherches sur J'électrographie et sur leurs
rapports avec les rayons x.
On se rappelle qu'il y a deux ans, lors de
son dernier passage à Paris, M. de Narkié-
viez, qui est membre de la Société d'élec-
trothéraphie française, avait fait connaître
de premières expériences très curieuses sur
l'électrographie.
A L'ETRANGER
Le musée impérial historique de
Moscou vient de recevoir en cadeau le
drapeau de soie tricolore qui surmontait
l'édifice du Cercle militaire de Paris pen-
dant la visite des marins russes en 1893 et
qui lui a été envoyé en témoignage de
1 amitié unissant la France et la Russie. Ce
drapeau a été aussitôt joint à la collection
d'objets rappelant les solennités des visites
navales de Cronstadt et de Toulon, pré-
cieusement conservés par le musée mos-
covite.
- On télégraphie d'Athènes, que
l'inaugration du groupe représentant la
Grèce couronnant lord Byron, a eu lieu
hier.
Au moment où le roi a découvert la
statue, des acclamations frénétiques ont
retenti.
Le groupe, qui est l'œuvre de MM. Fal-
guière et Chapu, est très admiré.
Le Passant.
- ——————————
LA MÊMOIRE DE M. MAGNIER
Voilà deux fois que M. le juge d'instruc-
tion Le Poittevin se rend à la Conciergerie,
dans la cellule de M. Magnier, pour deman-
der à l'ancien sénateur du Var des rensei-
gnements concernant l'affaire des Chemins
de fer du Sud.
Aux questions du magistrat instructeur,
M. Magnier répond avec bonhomie :
— Je serais vraisemblablement en mesure,
monsieur le juge, de vous donner les ren-
seignements que vous voulez bien me de-
mander ; mais il me faudrait pour cela ras-
sembler mes souvenirs. Et je ne puis le faire
ici, dans cette cellule où je suis immobilisé,
où j'étouffe et où ma tête est douloureuse-
ment vide. Il me faudrait de l'air et du mou-
vement. Alors, je n'en doute pas, mes souve-
nirs sur les questions que vous me posez se
préciseraient et je pourrais présisément vous
renseigner sur les points qui vous inté-
ressent. Mais, ici, dans cette cellule où je
dépéris, impossible de mettre de l'ordre dans
ma mémoire. Je suis au désespoir, croyez-la
bien, monsieur le juge, de ne pouvoir vous
être agréable.
C'est en vain que M. Le Poittevin insiste
doucement. M. Magnier ne répond pas à ses
questions. U se borne à répéter, en se pas-
sant mélancoliquement la main droite sur le
front : — Ahl jo n'ai plus d'idées. plus
d'idées ! Le manque d'air et de mouvement
me tue.
Le juge d'instruction se retire alors de la
cellule de l'ancien directeur de Y Evénement
qui, depuis qu'il est en droit d'obtenir sa li-
bération conditionnelle — qu'on tarde à lui
accorder — se montre extrêmement ner-
veux.
-
LA COUR ET M. LE POITTEVIN
La chambre des mises en accusation va
être appelée à donner son avis, en droit, sur
la régularité des pouvoirs dont M. Le Poit-
tevin a été investi lorsque, comme juge chargé
de l'instruction, il a, soit par des ordon-
nances de renvoi en police correctionnelle,
soit par des ordonnances de non-lieu, liquidé
les vingt ou trente affaires du cabinet de M.
Gouraincourt.
Dans l'une de ces affaires, en effet, M. Le
Poittevin a rendu une ordonnance de non
lieu à laquelle une partie civile a mis immé-
diatement opposition.
S'emparant des discussions qui, ultérieu-
rement à son opposition, se sont produites
au Sénat, à la Chambre des députés et dans
la presse, cette partie civile soutient aujour-
d'hui que l'ordonnance de non-lieu rendue
par M. Le Poittevin est nulle à raison même
de l'irrégularité des pouvoirs de ce dernier,
comme juge chargé de l'instruction.
Bref, c'est la chambre des mises en accu-
sations qui, par ricochet, va juridiquement
dire le dernier mot de l'affaire Rempler-Le
Poittevin.
Les Promotions dans les Ijcées et collèges
Comme d'habitude, aux fêtes du jour de
l'an, on a fait connaitre au personnel, les
promotions accordées au début de l'année
1896. Pour les professeurs et répétiteurs des
lycées de Paris, la liste a été officieusement
communiquée aux chefs d'établissements au
cours même de la réception ministérielle.
Depuis — il y a de cela deux mois — les
fonctionnaires de l'enTOfgTicmcnJ acoonelairo
continuent à émarger sur leur ancien trai-
tement et attendent encore l'augmentation
promise.
Il y a mieux; dans un lycée de la rive
droite, tes nouveaux promus ont subi à la
fin de janvier la retenue du premier dou-
zième sur l'augmentation à venir. et l'aug-
mentation n'est pas venue, si bien que le
seul avantage que leur aient apporté les
promotions, a été, jusqu'à présent, une ré-
duction sur leur ancien traitement.
A qui la responsabilité de ce retard ?
————————————
Le Mystère de Villiers-sur-Marne
La vérité sur la « chambre maudite »
Les hasards de la mort
La fin d'Eugénie Foret — L'enquête
Un de nos confrères a annoncé que, dans
Villiers-sur-Marne, petite localité de l'arron-
dissement de Corbeil, l'émotion était très
vive, d'autant plus que le fait qui occupe les
esprits est dramatique et mystérieux.
Les patrons d'une petite auberge, située
place de la Gare, avaient fait venir une
jeune domestique qu'ils firent couchey le
soir de son arrivée dans une chambre du
premier étage. Cette chambre, parait-il, a
un mauvais renom, on l'appelle la « chambro
maudite » parce que un jeune employé du
chemin de fer de l'Est, Eugène Cheurier, y
était mort mystérieusement après y avoir
dormi une nuit. Il aurait été impossible d'é-
tablir les causes de son décès.
Or, la jeune domestique, dont nous par-
lons plus haut, a été également trouvée
morte, après une seule nuit passée dans
cette chambre. Toutes les autorités de la
ville : maire, gendarmes et garde-champêtre
ont donc été saisis de ce cas mystérieux.
Le docteur Vaquier a examiné le cadavre
et. sans se prononcer toutefois, a refusé le
permis d'inhumer.
D'autre part, la « chambre maudite « a été
examinée dans ses coins et recoins; mais on
n'y a remarqué rien d'anormal, ni poêle
mobile, ni tuyau, ni fissure, en un mot,
nulle source d'émanations délétères.
Le parquet de Corbeil s'occupe de cette
affaire.
A VILLIERS-SUR-MARNE
Ces faits ainsi exposés méritaient donc
notre attention, nous nous sommes rendu à
Villiers-sur-Marne pour donner à nos lec-
teurs le mot de l'énigme.
Disons tout de suite que la « chambre
maudite » est inconnue des habitants du
pays, qui savent déjà à quoi s'en tenir,
comme on le verra plus loin.
La justice a certainement un mystère à
éclaircir, mais c'est à Paris qu'il lui faudra
chercher les causes de la mort de la jeune
domestique de Villiers-sur-Marne.
LE RÉCIT DE M. DUQUESNE
L'auberge dans laquelle les choses se sont
passées est tenue par M. Duquesne, elle est
située en face de la gare. Nous avons donc
été recueillir auprès de lui les renseigne-
ments nécessaires.
— Les faits racontés par votre confrère ne
sont pas exacts, la « chambre maudite » a
toujours été habitée. Il y a quatre mois,
M. Chevrier, qui demeurait chez moi de-
puis six semaines, y est mort d'une conges-
tion pulmonaire constatée par le médecin ;
ça peut arriver à tout le monde. Plusieurs
clients l'ont occupée depuis et ne s'en por-
tent pas plus mal.
J'ai envoyé ma femme engager une bonne,
à Paris, il y a trois jours, elle a arrêté une
jeune fille qui se disait âgée de vingt ans,
dans un bureau de placement du boulevard
de Strasbourg. Eugénie Foret est arrivéo
chez nous pour diner, samedi soir; elle avait
l'air très triste et l'on voyait bien qu'elle
était dans une très grande misère. A dix
heures, après avoir lavé la vaisselle, elle
est allée se coucher. Dimanche matin, j'ai
voulu la réveiller, en frappant à sa porte, et
comme elle n'a pas répondu, jo suis entre
Par la fenêtre, accompagné d'un de mes
clients. La jeune-fille était morte. J'ai pré-
venu les autorités. Les deux médecins qui
sont venus ont déclaré que son corps ne
portait aucune trace do violence.
On a télégraphié à sa famille qui habite
Auteuil (Eure), et ce soir sa mère et son on-
cle sont venus chercher le cadavre, qui leur
a été donné sans difficulté. Je dois à la vé-
rité de dire que sur le certificat des méde-
cins ne figurait aucun nom de maladie.
C'est peut-être parce qu'ils n'ont pas bien
regardé.
CHEZ LE MAIRE
Voici les déclarations qui nous ont été fai-
tes par M. Quirin, maire de Villiers-sur-
Marne.
— Au cours des constatations, on a re-
marqué que les draps du lit étaient inondés
de sang. La jeune fille était étendue sur le
ventre. J'ai trouvé dans sa malle des lettres
qui indiquent que pendant quelques mois,
elle avait vécu à Paris, très librement. La
malheureuse n'était âgée que de dix-sept
ans.
J'ai télégraphié au parquet de Versailles.
Le corps a été examiné par deux méde
cms, mais leurs déclarations, quoique va-
gues, ne m'ont pas autorisé à empêcher les
parents de transporter la défunte dans leur
pas.
Seulement, sa correspondance a été re-
mise an parquet et il est certain que la
justice va s'occuper de cette affaire.
L'ENQUÊTE
Parmi les papiers saisis se trouve une
lettre retournée à la jeune fille par sa mère
et dans laquelle on avertissait cette dernière
de là conduite d'Eugénie Foret.
On se renseigne donc en ce moment sur
les fréquentations qu'elle avait à Paris, cal
il se pourrait que la jeune fille, avant de
partir pour Villiers-sur-Marne, ait subi des
manœuvres à la suite desquelles se serait
déclaré un accident mortel.
PAUB GÉGNON.
4
CHRONIQUE
Par PAUL GINISTY
Arsène Houssaye contait dans ses
Confessions, mine de souvenirs vrai-
ment riche, une assez saisissante aven-
ture. Il venait d'apprendre la mort dey
Rachel, sa grande amie, avec laquelle,
naguère, il avait bravé les colères des
comédiens du Théâtre-Français, quand,
par une sorte de petit coup d'Etat, il en.
avait été nommé directeur. Le corps de
la tragédienne n'était pas encore re-
venu du Cannet, où elle avait été sé..
teindre, luttant -trafriquement contre
l'anéantissement qu'elle sentait venir.
Et voici que, un matin, Arsène Hous-
saye reçut une lettre, sur l'enveloppe
de laquelle il reconnut, avec un grand
trouble, l'écriture de Rachel. Cette
lettre était partie, à son adresse, le jour
même de sa mort.
Je me suis souvenu de cette histoire
en recevant, avant-hier après m'être
allé inscrire à l'hôtel de l'avenue Fried-
land, le dernier livre d'Arsène Hous-
saye, avec sa carte, qui n'était plus que
la carte d'un mort. Et vraiment, ce fu-
nèbre hasard ne donnait-il pas une
sorte de suprême crânerie à la fin de
l'écrivain? Du lit où il était couché, dont
il ne se devait point relever, il avait
pensé aux envois de ce volume qui
s'ajoutait à tant d'autres, les Femmes
démasquées. Titre un peu trompeur : il
avait trop aimé la femme pour être ja-
mais bien sévère à son égard, et, dans
cette façon de Décaméron, où il était
inépuisable en évocations du passé, sa
satire était encore quelque chose comme
du madrigal.
Il avait fait à la vie la politesse de
rester toujours jeune de cœur, et cetto
persistante jeunesse était étonnante
chez lui. Cela ét charmant de retrou-
ver en ce temps-ci cette triomphante
belle humeur, cette imagination à pa-
nache, qui le poussait à transformer les
choses ordinaires ou mesquines en
choses prodigieuses, ce don de jeter
l'éclat sur tout, cette galanterie allant
parfois jusqu'à l'impertinence aisée.
Arsène Houssaye eut, quoi qu'on puisse
dire, une philosophie à lui, et même une
philosophie très personnelle. Elle con-
sistait en sa volontée déterminée d'ac.
cepter la vie comme un roman. Heu*
reux moyen d'y supprimer ce qu'il y
avait de trop triste ou de trop laid.
il y a dans ses confessions tels boute
de phrases qui détonnent fort avec les
positives habitudes actuelles et qui
sont l'évocation même d'un temps. Etres
étaient la grâce de ce livre. Ar-
sène Houssaye ne contait-il pag, par
exemple, qu'il lui arriva d'écrire des
sonnets, en n'ayant d'autre pupitre quo
le sein d'une jolie femme? Même un
poète, à présent, hésiterait devant une
déclaration pareille, et il est à craindre
qu'il n'ait l'esprit trop pratique pour ré-
fléchir à l'incommodité d'un si délicieux
appui.
Et l'histoire de V « addition » du pro-
priétaire du calé de Foy, que celui-ci,
narrait Arsène Houssaye, lui présenta,
lorsqu'elle fut suffisamment corsée,
dans un volume à tranches dorées, ma-
gniflquement relié en maroquin violet J
Toutes ces anecdotes — et c'était là le
plaisant et l'aimable — étaient contées,
en dépit de leur espèce de lyrisme, avec
une si savoureuse apparence de simpli-
cité et de naturel t Tout ceci semblait si
bien être l'ordinaire pour ce perpétuel
chercheur d'illusions! Et ce grain de
fatuité, cette ferme croyance en la sou-
veraineté des lettres, ce dédain de tout
ce qui n'était pas entouré d'un peu de
poésie, c'était, par le contraste avec les
écritures d'aujourd'hui, la chose la plus
piquante du monde.
On disait de Dumas, à propos de ses
romans historiques, d'une si débor-
dante fantaisie, qu'il avait recréé l'his-
toire. Arsène Houssaye lui, avait re-
créé son passô. Vous savez ce qu'il
avait fait de la bohème romantique.
Sous sa plume, les soupers d'autrefois
devenaient des fètes inouïes, où les
poètes jetaient des paradoxes étince-
lants devant des femmes merveilleuse-
ment belles. Heureux, à en croire ces
récits brillants, le Paris soupeur de
jadis 1 Les gens d'esprit gardent au-
jourd'hui le leur avec plus d économie,
pour en tirer un parti pratique.
Les innombrables portraits de ses
contemporains dessinés par Arsène
Houssaye ne sont pas rigoureusement
exacts, au sens propre du mot, car il
lui était impossible de ne pas tout ma-
gnifier, mais ils sont vrais de cette vé-
rité supérieure que donne la poésie,
qui, avec des traits essentiels, fait la
légende recueillie par la postérité. Et
puis, s'ils ne furent pas tels que les re-
traçait Arsène Houssaye, ces grands
hommes, de la littérature, dumonde, de
l'art, du théâtre, est-ce qu'ils n'eurent
pas un peu tort? Au reste, il y avait
quelque chose qui n'était point banal
dans la fidélité d'Arsène Haussaye à ses
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