Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1896-02-25
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 25 février 1896 25 février 1896
Description : 1896/02/25 (N9482). 1896/02/25 (N9482).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7564122f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2013
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* v ANNONCES .- -
AUX BUBEAUX DU JOURNAL
131, rue Montmartre, 131
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N° 9482. — Mardi 25 Février 1896
7 VENTOSE AN 104
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'Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
NOS LEADERS
LETTRES LIBRES
LE CONFLIT & LES PARTIS
Le résultat le plus évident du conflit
constitutionnel auquel nous assistons
depuis quinze jours et qui, en dépit de
l'apparente reculade du Sénat, n'est
nullement terminé, aura été d'accen-
tuer la division entre le parti démo-
cratique et le parti conservateur. Au-
jourd'hui, le fossé qui les sépare est
tellement profond qu'on verra s'y
noyer tous ceux qui ne prendront pas
position sur l'une ou l'autre rive, dans
l'un ou l'autre parti.
Le conflit n'est même plus, en réalité,
entre le Sénat et la Chambre, mais
entre la majorité conservatrice du Sé-
nat et la majorité démocratique de la
Chambre, c'est-à-dire, en prenant les
chiffres des derniers scrutins, entre les
deux tiers des sénateurs et un peu plus
de la moitié des élus du suffrage uni-
versel. La gauche démocratique séna-
toriale, en se séparant de la majorité
du Sénat, non seulement par ses votes,
mais encore par son manifeste du 19
février, encourageait la Chambre à
soutenir le cabinet et se solidarisait
avec tous les députés du parti démo-
cratique, tandis que sénateurs et dépu-
tés conservateurs se groupaient sous
un même drapeau. - -
D'un côté se trouvent, côte à côte,
tous les républicains du Parlement
qui veulent sortir de l'ornière où la
République a été embourbée par la po-
litique dite de concentration; depuis
les socialistes collectivistes les plus ré-
volutionnaires jusqu'aux progressistes
les moins radicaux. De l'autre côté, il
n'y a pas que des républicains. Les
monarchistes et les ralliés y sont unis
aux républicains du centre gauche
par un programme commun de con-
servation ou de recul, et à un certain
nombre de progressistes qui, pour des
motifs divers, n'ont pas cru devoir ac-
cepter le programme du cabinet ou
s'associer à sa conduite politique.
Le devoir du parti démocratique et
son intérêt, au point de vue de l'ave-
nir, sont d'attirer à lui ces derniers
éléments. Leur place réelle n'est pas
dans le parti conservateur ; ils font
partie de la démocratie et celle-ci ne
saurait se priver de leur concours
sans s'affaiblir aux yeux d'une notable
portion du pays.
**
Tel qu'il est aujourd'hui constitué,
le parti démocratique du Parlement
n'a pas des bases assez larges pour que
son avenir soit entièrement assuré. Sa
majorité réelle, dans la Chambre, ne
dépasse pas une quarantaine de voix,
dont une partie paraît même suscepti-
ble d'être déplacée. Au Sénat, il ne
dispose que de 85 à 90 voix, c'est-à-
dire de moins du tiers de la Chambre
haute. Cela est insuffisant.
S'il veut se mettre à l'abri d'un coup
demain et de quelque vote de hasard qui
le ferait glisser sur la pelure d'orange
traditionnelle, il faut que le cabinet
renforce sa majorité dans la Chambre.
Il ne le pourra qu'en mettant les élec-
teurs de son côté par une attitude
aussi ferme sur le terrnin administra-
tif que sur celui des réformes. Le jour
où tous les progressistes du pays se
sentiraient soutenus dans leurs reven-
dications et dans leurs luttes quoti-
diennes contre la réaction, par des
Dréfets. des sous-préfets, des fonction-
naires de tous ordres imbus de l'esprit
démocratique qui anime le cabinet et
la majorité de la Chambre, on ne tar-
derait pas à voir augmenter le nom-
bre des députés formant cette majo-
rité. C'est donc, sans délai, du côté de
J'administration que le ministère doit
diriger ses efforts. C'est à démocratiser
les services publics qu'il doit tout d'a-
bord se consacrer.
Je n'entends point par là qu'il faille
dresser des hécatombes de préfets ou
de sous-préfets et jeter brutalement à
la porte tous les fonctionnaires dont la
conduite dans le passé n'aurait pas été
conforme à ce que le parti démocrati-
que a le droit d'exiger d'eux dans l'a-
venir. En déployant une brutalité inu-
tile, notre parti se ferait plus d'enne-
mis qu'il ne gagnerait d'amis et rejet-
terait dans les bras des conservateurs
des gens qui ne demandent pas mieux
que de le servir. Les fonctionnaires
ont vu passer tant de ministères et de
programmes, depuis vingt-cinq ans;
ils ont reçu tant de circulaires contra-
dictoires et se sont fait appuyer auprès
de leurs grands chefs par tant de dé-
putés, sénateurs ou conseillers géné-
raux de nuances variées, qu'ils sont
prêts à faire tout ce qu'on leur deman-
dera.
Il suffit donc que le ministère donne
à tous ses agents des instructions for-
melles et comminatoires, en se débar-
rassant de ceux qui feraient mine de
De pas les exécuter docilement, pour
Spe « l'esprit nouveau » dont l'admi-
nistration fut imprégnée car les mi-
nistères de « concentration » soit rem-
placé par l'esprit démocratique.
Il faut que ces instructions soient
données publiquement, afin que les
électeurs en aient connaissance et
puissent signaler à leurs élus et au
gouvernement les infractions dont
elles seraient l'objet.
Si, en un mot, le gouvernement dé-
mocratique veut faire pénétrer son in-
fluence jusque dans la profondeur des
masses, il faut qu'il leur fasse connaî-
tre exactement la mesure dans laquelle
l'admnistration doit appuyer sa poli-
tique. A la liberté qui fait la grandeur
de son programme, il faut que le gou-
vernement démocratique joigne l'au-
torité, sans laquelle aucun gouverne-
ment ne saurait vivre.
.*
Tandis que le cabinet contribuera
de la sorte à fortifier sa majorité dans
le pays et, par conséquence forcée,
dans la Chambre, le parti démocra-
tique du parlement ne doit pas rester
inactif. Les sénateurs et députés qui
le composent et qui ont été rapprochés
par une pensée commune dans les
derniers votes émis au Luxembourg
et au palais Bourbon, doivent prendre
en mains la direction des intérêts du
parti.
C'est à eux qu'il appartient de fixer
les points du programme démocrati-
que immédiatement réalisables, de dé-
terminer les questions qu'il vaut mieux
laisser de côté provisoirement, afin de
ne pas diviser les membres du parti, et
celles qu'il y aurait avantage à préco-
niser pour grossir ses rangs et y atti-
rer tous les progressistes que des pré-
jugés ou des inquiétudes retiennent
parmi les conservateurs.
Le parti démocratique existe ; ses
fractions les plus avancées ont fait
preuve, depuis trois mois, d'un esprit
de discipline dont bien peu de gens les
croyaient susceptibles ; sa fraction
modérée ne s'est pas montrée moins
correcte ; son programme a été trans-
porté, en partie, dans le domaine gou-
vernemental ; il a remporté déjà, sur
ses adversaires, des victoires signa-
lées ; mais il ne jouit encore d'aucune
organisation et, @ si quelque incident
imprévu venait à surgir, il n'aurait
pas de représentants autorisés pour y
faire face et indiquer la ligne de con-
duite à suivre.
Il est indispensable que l'on procède
sans retard à cette organisation et c'est
aux démocrates du Sénat et de la
Chambre qu'en revient la tâche. Autour
d'eux ils verront se grouper toute la
démocratie du pays et, sous la poussée
d'opinion qu'ils provoqueront, toutes
les barrières que les monarchistes ont
mises en travers du progrès, dans la
Constitution de 1875, tomberont les
unes après les autres.
**
Mais, si le parti démocratique de
gouvernement ne profite pas de ce
qu'il détient le pouvoir, pour s'orga-
niser solidement et se constituer une
discipline très rigide, il ne pourra ni
résister longtemps aux embûches que
les conservateurs sont en train de dres-
ser sous ses pas, ni se créer * dans le
pays des attaches solides et on le ver-
rait bientôt comme en Belgique, suc-
comber sous les efforts combinés des
révolutionnaires revenus à leurs doc-
trines anti-gouvernementales et des
réactionnaires, encouragés, par son
impuissance, dans leurs tentatives
contre la République.
La partie que jouent en ce moment
les démocrates du ministère et du
Parlement est la plus sérieuse qui ait
été jouée depuis vingt-cinq ans par
aucun parti politique. Suivant la ma-
nière dont elle sera conduite, il en peut
sortir ou une ère de progrès qui forti-
fiera le régime républicain ou un mou-
vement de réaction qui pourrait l'em-
porter.
J.-L. DE LANESSAN.
Nous publierons demain an article
de M. Charles Bos.
LES MÉDECINS A PARIS
Une statistique de M. Bertillon
Les médecins étrangers-Grave concurrence
Le truc des facultés allemandes
Le docteur Bertillon, chef du bureau de
statistique de la Ville de Paris, vient de ter-
miner un travailintérssant sur les méde-
cins de Paris. Il résulte de ce document que
les médecins étrangers envahissent de plus
en plus la capitale et la proportion s'accen-
tue d'année en année.
Il y a à Paris 2,401 docteurs français et
521 docteurs étrangers, c'est-à-dire que la
proportion est de 5 médecins français pour
1 étranger. Il n'va. en Europe aucune cani-
tale qui soit dans la même situation, car
dans les autres pays, et notamment en
Allemagne, il est difficile à un étranger
d'obtenir les diplômes nécessaires pour
exercer.
La grande proportion des étrangers est
due aux privilèges dont jouissent les étu-
diants des différents pays au détriment des
étudiants français.
Un étudiant français pour être inscrit à la
faculté de médecine, doit être possesseur
des baccalauréats èe sciences et ès lettres.
Tandis que la faculté ne demande aux autres
que des papiers d'une valeur quelconque.
Les diplômes exisés pour les Russes et
considérés comme équivalents à nos bacca-
lauréats ne seraient en réalité que des certi-
ficats d'instruction primaire complet; pour
les Turcs et les Grecs une attestation d ins-
truction primaire à peine complète. Enfin,
en général, il est beaucoup plus facile d'ob-
tenir l'inscription à titre d étranger.
En Allemagne, pays de précaution, on ac-
cueille à cœur ouvert les étudiants des au-
tres pays, mais voici dans quelles condi-
tions. Les études médicales terminées, on
accorde à profusion un diplôme dit examen
académique et s'il peut satisfaire ceux qui
l'obtiennent, il est entendu qu'il ne leur con-
fère pas le droit d'exercer; car dans ce cas il
faut un autre diplôme qui se donne si rare-
ment aux étrangers que la concurrence est,
pour ainsi dire, nulle.
Il paraît que les étudiants américains
abondant en Allemagne; comme ils sont
toujours certains d'obtenir ce diplôme d'exa-
men académique, ils peuvent montrer dans
leur pays un très beau parchemin orné d'i-
mages et de lettres gothiques du plus beau
effet, aussi ma!heur à leurs compatriotes
qui tomberont sous leur bistouri. -
Les médecins étrangers ne paraissent pas
faire de mauvaises affaires à Paris, car, d'a-
près la statisiique, nous voyons qu'ils sont
en grand nombre dans les arrondissements
riches. C'est ainsi que le lor arrondissement
en compte 31, le 8e 66, le 9e 62, le 16° 20, etc.,
tandis que dans les quartiers ouvriers, où le
prix de la visite est beaucoup moins élevé,
il n'y en a presque pas.
Les malades du vingtième arrondisse-
ment, par exemple, les ignorent. -
Les chiffres et les consultations faites par
le docteur Bertillon doivent appeler certaine-
ment 1 attent:on des facultés de médecine.
Car, si les étrangers viennent apprendre
chez nous une belle langue et l'art médical
supérieurement enseigné, il ne s'en suit pas
qu il faille leur procurer, en outre, une situa-
tion lucrative. Pour les Allemands, un vaste
certificat d'examen académique , enjolivé
de dessins coloriés, serait, sans doute, la
juste et réciproque récompense de leurs étu-
des.
PAue GÉGNON.
LES ELECTIONS D'HIER
A LA CHAMBRE
SEINE
TROISIÈME CIRCONSCRIPTION DE SAINT-DENIS
Levallois — Clichy
Inscrits: 1 Votants:.
MM. Trébois, radicaL. 2.962 voix
Henou, collectiviste 2.761
Briand, publiciste, coll.. 1.820
Allaire, rép 1.371
Pons, rép 824
Tauzin, cons. gén., rép.. 186
Brou, socialiste. 13t
Roué, avocat, rép. 117
Ballottage
Il s'agissait de remplacer M. Avez, socialiste
atlemamste, décédé, qui avait été élu au scrutin
de ballottage des élections générales de 1893 par
4,803 voix contre 3,810 à M. Trébois, maire de
Levallois, radical, et 87 à M. Gabriel, ancien dé-
puté, revisionniste.
QUATRIÈME CIRCONSCRIPTION DE SAJNT-DEIS-
Neuilly — Boulogne
Inscrits : 13.157 1 Votants: 9.290
MM. Rigaud, industriel, rép. 4.082 voix
Sautumicr, avocat, rév.. 2.345
Maurice Barrès, revis. 1.897
Robert, blanquisto 111
Dicudy-Defly, ingénieur. 436
Ballottage
Il s'agissait de remplacer M. Lefoullon, radical,
décédé, qui avait été élu aux élections générales
de 1893 par 4,149 voix contre 3,923 à M. Maurice
Barrès, 7 à M. Oudart, 7 à M. Alclabe et 3 à M.
Pressensé.
AISNE
ARRONDISSEMENT DE CHATEAU-THIERRY
Inscrits: 1 Votants:.
MM. Morlot, radical - 7.508 voix
Paillet, rép 3.885
Ringuier) socialiste. 886
Jehan, ra!li6. 456
M. Morlot est élu
Il s'agissait de remplacer M. Devillc, radical,
décédé, qui avait été élu aux élections générales
de 1893 par 7,943 voix contre 5,392 à M. Paillet,
libéral.
JIU SENAT
ARDÈCHE
MM. Fougeirol, dép. rép. 227 voix
Prat, conseiller gênéral,rép. 150
Chalamet, rép. 140
Galliot, rèp. 140
Dindeau, député radical. 80
Hugon, conseillea général. 50
Au troisième tour, M. FougciroI, républi-
cain modéré, est élu par 387 voix contre 265
à M. Prat et 129 à M. Galliot.
Il s'agissait de remplacer M. Chalamet, répu-
blicain, décédé, qui avait été réélu en 1894 par
448 voix sur 804 votants-
Dernière heure. — On télégraphie de
Privas, H h. 10 du soir qu'à onze heures le
résultat du troisième tour de l'élection séna-
toriale n'est pas encore proclamé.
On a trouvé dans l'urne 131 bulletins de
plus qu'il n'y avait de votants.
CREUSE
Inscrits : 613 Votants : 640
MM. Rousseau, cons. gén.,rép. 281 voix
Martinon, député progress. 196
Mazeron, rép. radical. 157
Deuxième tour
MM. Rousseau. 376 Elu
Martinon. 250
Mazeron. 12
M. Mazeron s'était désisté en faveur de M.
Rousseau.
Il s'agissait de remplacer M. Leclerc, républi-
cain, décédé, qui avait été élu le 17 mars 1889,
après l'invalidation de M. Sauton, par 345 voix
contre 288 à cc dernier.
VAR
Inscrits : 479 1 Votants : 474
MM. Bayol, radical. 163 voix
Gaïrard, cons. gén., rép. 113
Castueil, cons. gén., rép. 58
Gènsollen, prés.du c. g.,rép. 30
Caffarena, républicain. 29
le colonel Nairince, rép. 23
Bordenave, cons. gén., rép. 17
Jaubert, rép. 16
Ferrouillat, anc. sén., rép.. 5
le com. Vialle, antisénatorial 2
Ricard, rép. 2
Deuxième tour
MM. Bayol. 249 Elu
Guciral'd. 200
Il s'agissait de remplacer M. Edmond Magnier,
déchu de son andat, qui avait élé élu au re-
nouvellement de 189ipar 258 voix contre 214 à
M, Ferrouillat, sortant.
MAINE-ET-LOIRE
Inscrits : 978 Votants : 968
MM. le comte de Maillé, dép. mon. 619 Elu
Jean Joxé, républicain. 332
Il s'agissait de pourvoir au siège de M. Bar-
thélémy Saint-Hilaire, décédé, attribué par le
sort au département de Maine-et-Loire.
La dernière élection sénatoriale avait eu lieu
en Maine-et-Loire le 7 juillet 1895 en remplace-
ment du général marquis d'Andigné, décédé.
M. de Blois, royaliste, avait été élu par.ooZ
voix contre 330 à M. Joxé.
M. Klotz, républicain radical, a été élu
conseiller général du canton do Rosières
(Somme) par 2,023 voix contre 93i à M. Le-
maire, républicain modéré.
e.
LES ON-DIT
CARNET QUOTIDIEN :
Banquet anniversaire de la proclamation de la
deuxième République.
- Tribunaux : Il\) chambre. L'accident de la
gare Montparnasse.
- Durée du jour : 11 h. 48 m.
CHEZ NOUS
'-, Un grand concours de tir aura lieu
à Satory, du 17 juillet au 3 août, sous la
présidence d'honneur du président de la
République.
Une souscription a été ouverte à cet
effet, et tous les patriotes sont instamment
priés de faire parvenir au trésorier de
l'Union des Sociétés de tir de France, 2,
passage des Petits-Pères; les dons en es-
pèces ou en nature dont ils peuvent dépo-
ser en faveur du concours.
-- Les socialistes ont manifesté hier
à Saint-Maur, sur la tombe de Pierre Vin-
çard, l'écrivain saint-simonien, qui présida
au Luxembourg, en 1848, la réunion des
612 délégués ouviers.
Dans l'assistance quelques survivants de
1848 et des représentants des groupes ra-
dicaux et socialistes.
Les manifestants se sont contentés de
déposer des fleurs sur la tombe.
La veuve de Vinçard assistait à la céré-
monie.
-- L'empereur d'Autriche en France.
L'empereur François-Joseph a quitté
Vienne hier, se rendant au Cap-Martin.
L'empereur restera en France deux semai-
nes environ ; il rentrera ensuite en Au-
triche tandis que l'impératrice fera un nou-
veau voyage par mer et séjournera un cer-
tain temps à Corfou dans sa villa Achil-
leion. De là elle partira directement pour
Budapest.
A la Sorbonne :
M. Albert Le Ra), docteur ès lettres,
reprendra son cours sur la littérature sen-
timentale, par l'étude de Marivaux, demain
mardi, à trois heures et demie.
On nous prie d'annoncer que les
listes d'invitation au deuxième bal de la
présidence de la République sont irrévo-
cablement closes.
Toutes les demandes qui parviendraient
dès maintenant au secrétariat de la prési-
dence ne pourraient recevoir satisfaction.
- L'envers de la gloire.
Les spectateurs de la cavalcade du Bœuf
gras n'ont certes pas oublié le Porthos su-
perbement moustachu, qui chevauchait
impeccablement dans le groupe des trois
mousquetaires. Sous le manteau rouge en-
soleillé d'or se cachait, en la circonstance,
la personnalité de M. P., comptable chez
un fabricant d'appareils de chauffage, et
figurant pour rien, pour le plaisir.
Ennemi — quoique fumiste — de la plai-
santerie, le patron se montra gravement
scandalisé de voir l'un de ses employés
prendre part à une mascarade. Aussi, au
letour de son congé, dùment sollicité et
obtenu, le pauvre Porthos fut-il prié de
porter sa « plume » de mousquetaire-calli-
graphe ailleurs.
Pareille mésaventure serait arrivée, pa-
raît-il, à la charmante et très discrète
Cérès, du char de l'Agriculture, Mlle
Jeanne C., qui aurait été renvoyée des
choeurs des concerts de l'Opéra à son trône,
hélas 1 démoli.
Décidément, M. Prudhomme n'est pas
mort!
-- Je découpe dans la Petite Gironde,
les dix vers que voici, de M. René Ghil.
M. Ghil est, comme chacun sait, un poète
« nouveau modèle » et digne (s'il ne l'est
point) d'être Belge. Savourez plutôt :
Doux et épars sanglots de la vie! En la nunc.
rameur de paix stellantc qu'une nuit module
un cœur nuptial pour eux n'a pas (Cœurs élus
ardant l'azur muet de sanglots impollus!)
chanté haut, ainsi que le Devoir qu'on exalte
de fleurs, quand les lèvres amantes diraient lent
que parmi le millier de ramures du monde
vaste du manque aux yeux de regrets du serment
qui d'aurore en néant évagueraient par l'onde,
la mémoire des mers murmure indulgcmment.
Notre confrère de Bordeaux qui cite ce
joli spécimen d'une langue si neuve et si
claire, aftecte de n'en point sentir toute la
beauté.
Des gens bien informés m'ont pourtant
assuré que cela était charmant, traduit en
français.
Le Passant.
LE BERCEAU DE LA PLÉIADE
Le collège Coqueret—Ronsard et du Bellay
Une coquille historique
Dans la rue Chartière, une rue que bien
peu de Parisiens connaissent et qui possède
à son encoignure un buste curieux de
Henri IV, qui filait là le complet amour avec
Gabrielle, contre le bâtiment neuf de Sainte-
Barbe existe une vieille bâtisse au chef
branlant, aux murs de guingois, étançonnée
et tellement minée qu'elte est veuve de lo-
cataires.
Cette bâtisse, qui va bientôt être démolie
et qui ne tient plus que grâce à ses béquilles,
mérite qu'on la salue avant qu'elle n'aille
rejoindre, dans lo. tépôt des vieilles lunes,
les vieux logis qu* ont joué un rôle dans
l'histoire de Paris.
Sur l'emplacement, s'élevait le formidable
castel de messeigneurs les ducs de Bour-
gogne qui le quêtèrent pour aller bâtir, au
cœur de Paris, le chàteau-fort dont il reste
encore le donjon dans la rue Etienne-Marcel.
On bàtit là un collège qui prit le nom d'un
de ses fondateurs, Nicole Coqueret. >
Par un calembour fort en usage dans le
monde universitaire du moyen-âge, on dé-
cora la porte cintrée d'une coquille symboli-
que. On peut la voir encore parfaitement
conservée.
Un des premiers professeurs fut le savant
du Bellay, qui devint ministre de Fran-
çois Ier.
L'éclat de son enseignement était tel,
que les ambassadeurs vénitiens écrivirent,
dans leur curieux récit, que l'Italie n'avait
rien à enlever à la France.
Cet humble collège, qui ne comprenait que
dix boursiers et qui aujourd'hui sombre de
vieillesse, morceau par morceau, a eu dans
notre histoire littéraire son heure de gloire
rayonnante.
C'est là où commença la Pléiade, c'est
dans cette retraite modeste et studieuse,
dans ce pauvre et triste collège, « où, dit
Buchanon, on sentait la poirée », que Ron-
sard, au retour de plusieurs voyages en
Ecosse, près de Marie Stuart, et que ses in-
firmités avaient forcé de quitter la cour, vint
s'enfermer avec Baïf, Remy Belleau, Jodello
Amadis Zamyn, Joachim du Bellay qui lança
le superbe manifeste de la nouvelle école,
la « Défense et illustration de la langue fran-
çaise », qui eut une si grande influence sur
la littérature.
Les « académiciens » n'hésitant pas à s'as-
treindre au régime sévère du collège Ron-
sard, dit un biographe Claude Binet, conti-
nuoient à l'estude jusques à deux ou trois heu-
res après minuit et se couchant rçveilloeint
Baïf qui se levait et prenoit la chandelle et
ne laissoit refroidir la place. »
Les revenus du collège étaient minimes,
les bourses rares, les élèves peu nombreux.
Quelques années après, le plein exercice fut
supprimé par la faculté des arts. Les bâti-
ments furent vendus à un fabricant de pa-
pier.
Carnavalet, en souvenir de la glorieuso
Pléiade, devrait bien acheter la porte dont
le cintre est décoré de la curieuse coquille.
A. C.
LA VIE DE PARIS
Par HENRY FOUQUIER
Il n'est pas un jour où quelque inci-
dent nouveau ne vienne donner raison
à ceux qui affirment, comme moi, que
rien n'est plus injuste au monde que ce
que l'on nomme la « Justice ». Certes,
ces incidents sont presque toujours de
nature à choquer en nous le sens de
l'équité, souvent de nature aussi à
nous inspirer de la pitié ou de la co-
lère. Mais ils ont aussi ceci de bon qu'ils
éveillent et excitent l'opinion et que, de
l'excès du mal, viendra quelque jour le
bien. Ce n'est pas possible que le pou-
voir et le Parlement se contentent à
tout jamais de querelles vaines, de
scandales écœurants, de politicaille-
ries. L'heure viendra des bonnes et
utiles besognes.
Aujourd'hui, c'est d'un artiste char-
mant qu'il s'agit, de M. Willette. Tout
le monde connaît et apprécie ce gra-
cieux dessinateur en qui a passé quel-
que chose de l'âme exquise de Watteau.
Il paraît que M. Puvis de Chavannes,
que la chose honore et qui a montré par
là qu'il n'y a pas de genres pour le vrai
talent, avait commencé des démarches
pour obtenir la croix pour M. Wil-
lette. Mais une objection absolue fut
soulevée, objection que M. Willette
constate lui-même et dont il reconnaît
l'absolue valeur dans la lettre que
voici, adressée par lui au Coiwricr
français :
Mercredi dernier, mon ami Maurice Guil-
lemot annonçait dans le FigarQ, en termes
affectueux, que, sur la demande de M. Puvis
de Chavannes, on me faisait chevalier de la
Légion d'honneur.
Par malheur, je reste comme devant le
chevalier du Clair de Lune que vous con-
naissez, attendu que ma mise en faillite
pour un dédit à payer comme directeur et
propriétaire du journal le Pierrot m'a enlevé
la qualité de , citoyen français.
Ah ! je suis bien Pierrot : la fortune me
fait risette et me fiche un croc-en-jambe ;
habit de satin doublé de papier gris et bordé
de ficelles, pàtés de foie gras truffés en car-
ton, ça y est, c'est do la pantomime pour de
vrai. J vas m'pendre.
Cordialement.
A. WILLETTE.
M. Roques, directeur du Courrier
français, a répondu à cette lettre par
l'offre généreuse de s'entremettre pour
arranger les affaires de « Pierrot » et
espère que cela se pourra faire. Mais
combien mélancolique et d'une amer-
tume légitime en sa faveur légère, la
lutte de l'artiste. qui a voulu un jour
toucher aux choses de l'argent, et qui
s'y est brisé 1 Encore ne s'agit-il pour
lui, après tout, que d'une récompense
à obtenir, d'un ruban à porter. Et,
quoique je sois loin d'affecter du - mé-
pris pour ces distinctions, je ne puis
m'empêcher de songer aux hommes de
talent, presque innombrables, que l'ar-
gent et les lois iniques qui le défendent
étreignent plus gravement encore,
leur prenant leur repos, le fruit de leur
travail, leur vie entière, faisant de no-
tre pays le pays des « forces perdues. »
L'idée d'attacher une note d'infamie à
un homme, de le retrancher du nombre
des citoyens, de le priver de ses droits
électoraux parce que, malheureux dans
une entreprise, il reste, malgré sa bonne
foi, débiteur de quelques milliers de
francs, cette idée est tout simplement
monstrueuse. « Où diable les hommes
vont-ils mettre leur honneur? » disait
Voltaire, en songeant à l'humeur légère
des femmes et à leurs faiblesses amou-
reùqs. Mais n'est-il pas aussi sot de
faire tenir l'honneur d'un homme à la
régularité d'une échéance? Je com.
prends très bien, que lorsqu'un négo-
ciant, qnt, de par m tot-m- cette loi
aussi est des plus mauvaises en cer-
taines de ses parties — a des privilèges
et des obligations, se trouve en mau
valse posture d'affaires, Je comprends
très bien que la justice intervienne.
Elle examine les livres, contrôle la
créance du négociant et, si l'actif est
inférieur au, passif, prononce la faillite.
Mais cette faillite, puisque, je l'ai
dit, le juge examine l'existence du com-
merçant, apprécie ses dépenses per-
sonnelles, fait le départ entre ce qui peut
être attribué, dans son malheur, à des
fautes et des imprudences et ce quff
peut être le résultat d'une fatalité,pour-
quoi entraine-t-elle ipso facto une note
de déshonneur ? Pourquoi comporte-t-
elle la plus. grave des punitions, cette
privation dés droits civiques qui, chozt
les Romains, était le plus sévère des
châtiments? Quand un capitaine de na-
vire perd Je bâtiment dont il avait le
commandement, on le traduit — et
c'est là une mesure d'une équité in-
discutable — devant un conseil do
guerre composé do ses supérieurs et
de ses égaux, compétents pour juger
sa conduite. Il s'explique et il n'est pas
sans exemple, il est même assez ordi-
naire que le capitaine sorte de l'au-
dience ayant reçu des éloges. Car il ne
peut être responsable de la fatalité des
éléments. N'y a-t-il pas aussi dans les
affaires des fatalités? Et, en dehors de
ces fatalités, combien de ruines sont
causées par les lois mêmes ? Partout.
en effet, le créancier qui représente le
pouvoir de l'argent a des privilèges
excessifs. Le droit d'opposition, tel
qu'il est reconnu et consacré par nos
lois et nos procédures, c'est souvent la
faillite pour le commerçant, et, pour le
particulier, la ruine Car le créancier
peut, à la fois, empêcher un travailleur
de toucher le produit de son travail et le
poursuivre d autre part dans sa mai.
son, dans son homef son foyer ! La
« double emploi », en matière de procé-
dure, est la règle de nos lois et, aussi,
la pratique des compagnies privilégiées
dont l'Etat est l'humble serviteur. Je
citerai la façon de procéder de la com-
pagnie du Gaz ; cette compagnie, quand
on lui doit un mois, présente la note :
si, dans les cinq jours, on ne paie pas.
elle ferme le compteur. Soit, c'est la rè-
gle. Mais voici ce qui m'est arrivé.
Comme il n'y a pas de crédit à la com-
pagnie, je ne garde pas les reçus. La
fait que le compteur est ouvert suffif,
en bon sens, à établir qu'on est en rè-
gle. Or, en octobre, la compagnie — qui
l'été, reste parfois deux mois sans se
présenter — me présenta cinq ou six
quittances. J'avais payé. Mon livre de
ménage en faisait foi. La dette était, en
tout cas, contestable, appartenant au
contentieux. La compagnie avait la
droit de tout créancier, le droit de m'as-
signer; j'avais celui de tout débiteur,
le droit de me défendre, d'essayer d'é-
tablir qu'on me demandait indûment
des sommes versées. Que fait la com-
pagnie ? Elle me signifie que si, sans
débat, sans jugement, je ne paie pas,
on ferme le compteur. C'est-à-dire
qu'elle s'arroge le droit, a de me
priver de chauffage, d'éclairage, d'ob-
jets de nécessité première. C'est là la
chantage, le vrai — et ce chantage-là,
la loi le permet aux créanciers, sous
1 toutes les formes, saisies, oppositions,
vente 1 Voilà ce qu'il faut changer et ce
qui touche les honnêtes gens égorgés
par les gens d'affaires un peu plus que
la politique t
HENRY FOUQUIER.
Nous publierons demain la Chronique
de Jtl. Paul Ginisly
MINISTRES EN VOYAGE
-
MM. BOURGEOIS ET MESUREUR A CHAlONS
Ainsi qu'on l'avait annoncé, le président
du conseil et le ministre du commerce ont
quitté Paris hier matin pour aller-présider
à Châlons-sur-Marnc l'inauguration des
nouveaux locaux de récole des Arts-ct-M.
tiers.
Dès leur arrivée, à ODZ,' heures moins
vingt. Ils se sont rendus à la préfecture au
milieu des cris enthousi.isies d'une foula
nombreuse, et immédiatement ils ont reçu
les autorités militaires et civues.
Au cours des réceptions, 1. s palmes aca-
démiques ont été remises a M. te Guillemot,
directrice des cours secondaires de jeunes
filles à ChÙlons, à M. Bagno, professeur à
l'Ecole normale d'instituteur* de Chàlons, et
à M. Bondois, professeur au collège de Ch:'
Ions.
La décoration du Mérite agricole a été re-
miso à M. Bahra, professeur de chimie à
l'Ecolo des arts et métiers, et a M. Nanteil,
inspecteur des forêts.
A midi et dcmj, les ministre- se sont ren-
dus à la cérémonie de l'inauguration offi-
cielle dea nouveaux ateliers de l'Ecole des
arts-et-métiers.
Dans la cour d'honneur, a en lieu la pré-
sentation du personnel et des élevés da
l'école.
M. Bourgeois, comme député de Châlons,
a profité de la circonstance pour remercier
M. Mesureur de j'intérêt qu'il porte à l'école
de cette ville, et fait remarquer que la pré-
sence do MM. Leydet, Plissonnier et Labus-
sière, députés, anciens élèves de l'Ecole des
arts et métiers, « est la preuve que chacun,
dans notre société, peut par son intelligence
et son travail adever aux plus hautes fonc-
tions ».
Les paroles du président du conseil ont
été accueillies par do chaleureux cris de :
« Vivo la République n
LE BANQUET
Après l'inauguration a eu lieu le banquet
de 550 couverts, dont la table avait été dres-
sée dans la grande salle des nouveaux bâti*
ments.
-s ç Y
PARIS ET -t '--
i ,,'
Tfco Wumêpo; CINQ CENTIME^
* v ANNONCES .- -
AUX BUBEAUX DU JOURNAL
131, rue Montmartre, 131
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N° 9482. — Mardi 25 Février 1896
7 VENTOSE AN 104
ADMEYISTRATIOIV s t31, rue lftODImartre. wa"
'Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
NOS LEADERS
LETTRES LIBRES
LE CONFLIT & LES PARTIS
Le résultat le plus évident du conflit
constitutionnel auquel nous assistons
depuis quinze jours et qui, en dépit de
l'apparente reculade du Sénat, n'est
nullement terminé, aura été d'accen-
tuer la division entre le parti démo-
cratique et le parti conservateur. Au-
jourd'hui, le fossé qui les sépare est
tellement profond qu'on verra s'y
noyer tous ceux qui ne prendront pas
position sur l'une ou l'autre rive, dans
l'un ou l'autre parti.
Le conflit n'est même plus, en réalité,
entre le Sénat et la Chambre, mais
entre la majorité conservatrice du Sé-
nat et la majorité démocratique de la
Chambre, c'est-à-dire, en prenant les
chiffres des derniers scrutins, entre les
deux tiers des sénateurs et un peu plus
de la moitié des élus du suffrage uni-
versel. La gauche démocratique séna-
toriale, en se séparant de la majorité
du Sénat, non seulement par ses votes,
mais encore par son manifeste du 19
février, encourageait la Chambre à
soutenir le cabinet et se solidarisait
avec tous les députés du parti démo-
cratique, tandis que sénateurs et dépu-
tés conservateurs se groupaient sous
un même drapeau. - -
D'un côté se trouvent, côte à côte,
tous les républicains du Parlement
qui veulent sortir de l'ornière où la
République a été embourbée par la po-
litique dite de concentration; depuis
les socialistes collectivistes les plus ré-
volutionnaires jusqu'aux progressistes
les moins radicaux. De l'autre côté, il
n'y a pas que des républicains. Les
monarchistes et les ralliés y sont unis
aux républicains du centre gauche
par un programme commun de con-
servation ou de recul, et à un certain
nombre de progressistes qui, pour des
motifs divers, n'ont pas cru devoir ac-
cepter le programme du cabinet ou
s'associer à sa conduite politique.
Le devoir du parti démocratique et
son intérêt, au point de vue de l'ave-
nir, sont d'attirer à lui ces derniers
éléments. Leur place réelle n'est pas
dans le parti conservateur ; ils font
partie de la démocratie et celle-ci ne
saurait se priver de leur concours
sans s'affaiblir aux yeux d'une notable
portion du pays.
**
Tel qu'il est aujourd'hui constitué,
le parti démocratique du Parlement
n'a pas des bases assez larges pour que
son avenir soit entièrement assuré. Sa
majorité réelle, dans la Chambre, ne
dépasse pas une quarantaine de voix,
dont une partie paraît même suscepti-
ble d'être déplacée. Au Sénat, il ne
dispose que de 85 à 90 voix, c'est-à-
dire de moins du tiers de la Chambre
haute. Cela est insuffisant.
S'il veut se mettre à l'abri d'un coup
demain et de quelque vote de hasard qui
le ferait glisser sur la pelure d'orange
traditionnelle, il faut que le cabinet
renforce sa majorité dans la Chambre.
Il ne le pourra qu'en mettant les élec-
teurs de son côté par une attitude
aussi ferme sur le terrnin administra-
tif que sur celui des réformes. Le jour
où tous les progressistes du pays se
sentiraient soutenus dans leurs reven-
dications et dans leurs luttes quoti-
diennes contre la réaction, par des
Dréfets. des sous-préfets, des fonction-
naires de tous ordres imbus de l'esprit
démocratique qui anime le cabinet et
la majorité de la Chambre, on ne tar-
derait pas à voir augmenter le nom-
bre des députés formant cette majo-
rité. C'est donc, sans délai, du côté de
J'administration que le ministère doit
diriger ses efforts. C'est à démocratiser
les services publics qu'il doit tout d'a-
bord se consacrer.
Je n'entends point par là qu'il faille
dresser des hécatombes de préfets ou
de sous-préfets et jeter brutalement à
la porte tous les fonctionnaires dont la
conduite dans le passé n'aurait pas été
conforme à ce que le parti démocrati-
que a le droit d'exiger d'eux dans l'a-
venir. En déployant une brutalité inu-
tile, notre parti se ferait plus d'enne-
mis qu'il ne gagnerait d'amis et rejet-
terait dans les bras des conservateurs
des gens qui ne demandent pas mieux
que de le servir. Les fonctionnaires
ont vu passer tant de ministères et de
programmes, depuis vingt-cinq ans;
ils ont reçu tant de circulaires contra-
dictoires et se sont fait appuyer auprès
de leurs grands chefs par tant de dé-
putés, sénateurs ou conseillers géné-
raux de nuances variées, qu'ils sont
prêts à faire tout ce qu'on leur deman-
dera.
Il suffit donc que le ministère donne
à tous ses agents des instructions for-
melles et comminatoires, en se débar-
rassant de ceux qui feraient mine de
De pas les exécuter docilement, pour
Spe « l'esprit nouveau » dont l'admi-
nistration fut imprégnée car les mi-
nistères de « concentration » soit rem-
placé par l'esprit démocratique.
Il faut que ces instructions soient
données publiquement, afin que les
électeurs en aient connaissance et
puissent signaler à leurs élus et au
gouvernement les infractions dont
elles seraient l'objet.
Si, en un mot, le gouvernement dé-
mocratique veut faire pénétrer son in-
fluence jusque dans la profondeur des
masses, il faut qu'il leur fasse connaî-
tre exactement la mesure dans laquelle
l'admnistration doit appuyer sa poli-
tique. A la liberté qui fait la grandeur
de son programme, il faut que le gou-
vernement démocratique joigne l'au-
torité, sans laquelle aucun gouverne-
ment ne saurait vivre.
.*
Tandis que le cabinet contribuera
de la sorte à fortifier sa majorité dans
le pays et, par conséquence forcée,
dans la Chambre, le parti démocra-
tique du parlement ne doit pas rester
inactif. Les sénateurs et députés qui
le composent et qui ont été rapprochés
par une pensée commune dans les
derniers votes émis au Luxembourg
et au palais Bourbon, doivent prendre
en mains la direction des intérêts du
parti.
C'est à eux qu'il appartient de fixer
les points du programme démocrati-
que immédiatement réalisables, de dé-
terminer les questions qu'il vaut mieux
laisser de côté provisoirement, afin de
ne pas diviser les membres du parti, et
celles qu'il y aurait avantage à préco-
niser pour grossir ses rangs et y atti-
rer tous les progressistes que des pré-
jugés ou des inquiétudes retiennent
parmi les conservateurs.
Le parti démocratique existe ; ses
fractions les plus avancées ont fait
preuve, depuis trois mois, d'un esprit
de discipline dont bien peu de gens les
croyaient susceptibles ; sa fraction
modérée ne s'est pas montrée moins
correcte ; son programme a été trans-
porté, en partie, dans le domaine gou-
vernemental ; il a remporté déjà, sur
ses adversaires, des victoires signa-
lées ; mais il ne jouit encore d'aucune
organisation et, @ si quelque incident
imprévu venait à surgir, il n'aurait
pas de représentants autorisés pour y
faire face et indiquer la ligne de con-
duite à suivre.
Il est indispensable que l'on procède
sans retard à cette organisation et c'est
aux démocrates du Sénat et de la
Chambre qu'en revient la tâche. Autour
d'eux ils verront se grouper toute la
démocratie du pays et, sous la poussée
d'opinion qu'ils provoqueront, toutes
les barrières que les monarchistes ont
mises en travers du progrès, dans la
Constitution de 1875, tomberont les
unes après les autres.
**
Mais, si le parti démocratique de
gouvernement ne profite pas de ce
qu'il détient le pouvoir, pour s'orga-
niser solidement et se constituer une
discipline très rigide, il ne pourra ni
résister longtemps aux embûches que
les conservateurs sont en train de dres-
ser sous ses pas, ni se créer * dans le
pays des attaches solides et on le ver-
rait bientôt comme en Belgique, suc-
comber sous les efforts combinés des
révolutionnaires revenus à leurs doc-
trines anti-gouvernementales et des
réactionnaires, encouragés, par son
impuissance, dans leurs tentatives
contre la République.
La partie que jouent en ce moment
les démocrates du ministère et du
Parlement est la plus sérieuse qui ait
été jouée depuis vingt-cinq ans par
aucun parti politique. Suivant la ma-
nière dont elle sera conduite, il en peut
sortir ou une ère de progrès qui forti-
fiera le régime républicain ou un mou-
vement de réaction qui pourrait l'em-
porter.
J.-L. DE LANESSAN.
Nous publierons demain an article
de M. Charles Bos.
LES MÉDECINS A PARIS
Une statistique de M. Bertillon
Les médecins étrangers-Grave concurrence
Le truc des facultés allemandes
Le docteur Bertillon, chef du bureau de
statistique de la Ville de Paris, vient de ter-
miner un travailintérssant sur les méde-
cins de Paris. Il résulte de ce document que
les médecins étrangers envahissent de plus
en plus la capitale et la proportion s'accen-
tue d'année en année.
Il y a à Paris 2,401 docteurs français et
521 docteurs étrangers, c'est-à-dire que la
proportion est de 5 médecins français pour
1 étranger. Il n'va. en Europe aucune cani-
tale qui soit dans la même situation, car
dans les autres pays, et notamment en
Allemagne, il est difficile à un étranger
d'obtenir les diplômes nécessaires pour
exercer.
La grande proportion des étrangers est
due aux privilèges dont jouissent les étu-
diants des différents pays au détriment des
étudiants français.
Un étudiant français pour être inscrit à la
faculté de médecine, doit être possesseur
des baccalauréats èe sciences et ès lettres.
Tandis que la faculté ne demande aux autres
que des papiers d'une valeur quelconque.
Les diplômes exisés pour les Russes et
considérés comme équivalents à nos bacca-
lauréats ne seraient en réalité que des certi-
ficats d'instruction primaire complet; pour
les Turcs et les Grecs une attestation d ins-
truction primaire à peine complète. Enfin,
en général, il est beaucoup plus facile d'ob-
tenir l'inscription à titre d étranger.
En Allemagne, pays de précaution, on ac-
cueille à cœur ouvert les étudiants des au-
tres pays, mais voici dans quelles condi-
tions. Les études médicales terminées, on
accorde à profusion un diplôme dit examen
académique et s'il peut satisfaire ceux qui
l'obtiennent, il est entendu qu'il ne leur con-
fère pas le droit d'exercer; car dans ce cas il
faut un autre diplôme qui se donne si rare-
ment aux étrangers que la concurrence est,
pour ainsi dire, nulle.
Il paraît que les étudiants américains
abondant en Allemagne; comme ils sont
toujours certains d'obtenir ce diplôme d'exa-
men académique, ils peuvent montrer dans
leur pays un très beau parchemin orné d'i-
mages et de lettres gothiques du plus beau
effet, aussi ma!heur à leurs compatriotes
qui tomberont sous leur bistouri. -
Les médecins étrangers ne paraissent pas
faire de mauvaises affaires à Paris, car, d'a-
près la statisiique, nous voyons qu'ils sont
en grand nombre dans les arrondissements
riches. C'est ainsi que le lor arrondissement
en compte 31, le 8e 66, le 9e 62, le 16° 20, etc.,
tandis que dans les quartiers ouvriers, où le
prix de la visite est beaucoup moins élevé,
il n'y en a presque pas.
Les malades du vingtième arrondisse-
ment, par exemple, les ignorent. -
Les chiffres et les consultations faites par
le docteur Bertillon doivent appeler certaine-
ment 1 attent:on des facultés de médecine.
Car, si les étrangers viennent apprendre
chez nous une belle langue et l'art médical
supérieurement enseigné, il ne s'en suit pas
qu il faille leur procurer, en outre, une situa-
tion lucrative. Pour les Allemands, un vaste
certificat d'examen académique , enjolivé
de dessins coloriés, serait, sans doute, la
juste et réciproque récompense de leurs étu-
des.
PAue GÉGNON.
LES ELECTIONS D'HIER
A LA CHAMBRE
SEINE
TROISIÈME CIRCONSCRIPTION DE SAINT-DENIS
Levallois — Clichy
Inscrits: 1 Votants:.
MM. Trébois, radicaL. 2.962 voix
Henou, collectiviste 2.761
Briand, publiciste, coll.. 1.820
Allaire, rép 1.371
Pons, rép 824
Tauzin, cons. gén., rép.. 186
Brou, socialiste. 13t
Roué, avocat, rép. 117
Ballottage
Il s'agissait de remplacer M. Avez, socialiste
atlemamste, décédé, qui avait été élu au scrutin
de ballottage des élections générales de 1893 par
4,803 voix contre 3,810 à M. Trébois, maire de
Levallois, radical, et 87 à M. Gabriel, ancien dé-
puté, revisionniste.
QUATRIÈME CIRCONSCRIPTION DE SAJNT-DEIS-
Neuilly — Boulogne
Inscrits : 13.157 1 Votants: 9.290
MM. Rigaud, industriel, rép. 4.082 voix
Sautumicr, avocat, rév.. 2.345
Maurice Barrès, revis. 1.897
Robert, blanquisto 111
Dicudy-Defly, ingénieur. 436
Ballottage
Il s'agissait de remplacer M. Lefoullon, radical,
décédé, qui avait été élu aux élections générales
de 1893 par 4,149 voix contre 3,923 à M. Maurice
Barrès, 7 à M. Oudart, 7 à M. Alclabe et 3 à M.
Pressensé.
AISNE
ARRONDISSEMENT DE CHATEAU-THIERRY
Inscrits: 1 Votants:.
MM. Morlot, radical - 7.508 voix
Paillet, rép 3.885
Ringuier) socialiste. 886
Jehan, ra!li6. 456
M. Morlot est élu
Il s'agissait de remplacer M. Devillc, radical,
décédé, qui avait été élu aux élections générales
de 1893 par 7,943 voix contre 5,392 à M. Paillet,
libéral.
JIU SENAT
ARDÈCHE
MM. Fougeirol, dép. rép. 227 voix
Prat, conseiller gênéral,rép. 150
Chalamet, rép. 140
Galliot, rèp. 140
Dindeau, député radical. 80
Hugon, conseillea général. 50
Au troisième tour, M. FougciroI, républi-
cain modéré, est élu par 387 voix contre 265
à M. Prat et 129 à M. Galliot.
Il s'agissait de remplacer M. Chalamet, répu-
blicain, décédé, qui avait été réélu en 1894 par
448 voix sur 804 votants-
Dernière heure. — On télégraphie de
Privas, H h. 10 du soir qu'à onze heures le
résultat du troisième tour de l'élection séna-
toriale n'est pas encore proclamé.
On a trouvé dans l'urne 131 bulletins de
plus qu'il n'y avait de votants.
CREUSE
Inscrits : 613 Votants : 640
MM. Rousseau, cons. gén.,rép. 281 voix
Martinon, député progress. 196
Mazeron, rép. radical. 157
Deuxième tour
MM. Rousseau. 376 Elu
Martinon. 250
Mazeron. 12
M. Mazeron s'était désisté en faveur de M.
Rousseau.
Il s'agissait de remplacer M. Leclerc, républi-
cain, décédé, qui avait été élu le 17 mars 1889,
après l'invalidation de M. Sauton, par 345 voix
contre 288 à cc dernier.
VAR
Inscrits : 479 1 Votants : 474
MM. Bayol, radical. 163 voix
Gaïrard, cons. gén., rép. 113
Castueil, cons. gén., rép. 58
Gènsollen, prés.du c. g.,rép. 30
Caffarena, républicain. 29
le colonel Nairince, rép. 23
Bordenave, cons. gén., rép. 17
Jaubert, rép. 16
Ferrouillat, anc. sén., rép.. 5
le com. Vialle, antisénatorial 2
Ricard, rép. 2
Deuxième tour
MM. Bayol. 249 Elu
Guciral'd. 200
Il s'agissait de remplacer M. Edmond Magnier,
déchu de son andat, qui avait élé élu au re-
nouvellement de 189ipar 258 voix contre 214 à
M, Ferrouillat, sortant.
MAINE-ET-LOIRE
Inscrits : 978 Votants : 968
MM. le comte de Maillé, dép. mon. 619 Elu
Jean Joxé, républicain. 332
Il s'agissait de pourvoir au siège de M. Bar-
thélémy Saint-Hilaire, décédé, attribué par le
sort au département de Maine-et-Loire.
La dernière élection sénatoriale avait eu lieu
en Maine-et-Loire le 7 juillet 1895 en remplace-
ment du général marquis d'Andigné, décédé.
M. de Blois, royaliste, avait été élu par.ooZ
voix contre 330 à M. Joxé.
M. Klotz, républicain radical, a été élu
conseiller général du canton do Rosières
(Somme) par 2,023 voix contre 93i à M. Le-
maire, républicain modéré.
e.
LES ON-DIT
CARNET QUOTIDIEN :
Banquet anniversaire de la proclamation de la
deuxième République.
- Tribunaux : Il\) chambre. L'accident de la
gare Montparnasse.
- Durée du jour : 11 h. 48 m.
CHEZ NOUS
'-, Un grand concours de tir aura lieu
à Satory, du 17 juillet au 3 août, sous la
présidence d'honneur du président de la
République.
Une souscription a été ouverte à cet
effet, et tous les patriotes sont instamment
priés de faire parvenir au trésorier de
l'Union des Sociétés de tir de France, 2,
passage des Petits-Pères; les dons en es-
pèces ou en nature dont ils peuvent dépo-
ser en faveur du concours.
-- Les socialistes ont manifesté hier
à Saint-Maur, sur la tombe de Pierre Vin-
çard, l'écrivain saint-simonien, qui présida
au Luxembourg, en 1848, la réunion des
612 délégués ouviers.
Dans l'assistance quelques survivants de
1848 et des représentants des groupes ra-
dicaux et socialistes.
Les manifestants se sont contentés de
déposer des fleurs sur la tombe.
La veuve de Vinçard assistait à la céré-
monie.
-- L'empereur d'Autriche en France.
L'empereur François-Joseph a quitté
Vienne hier, se rendant au Cap-Martin.
L'empereur restera en France deux semai-
nes environ ; il rentrera ensuite en Au-
triche tandis que l'impératrice fera un nou-
veau voyage par mer et séjournera un cer-
tain temps à Corfou dans sa villa Achil-
leion. De là elle partira directement pour
Budapest.
A la Sorbonne :
M. Albert Le Ra), docteur ès lettres,
reprendra son cours sur la littérature sen-
timentale, par l'étude de Marivaux, demain
mardi, à trois heures et demie.
On nous prie d'annoncer que les
listes d'invitation au deuxième bal de la
présidence de la République sont irrévo-
cablement closes.
Toutes les demandes qui parviendraient
dès maintenant au secrétariat de la prési-
dence ne pourraient recevoir satisfaction.
- L'envers de la gloire.
Les spectateurs de la cavalcade du Bœuf
gras n'ont certes pas oublié le Porthos su-
perbement moustachu, qui chevauchait
impeccablement dans le groupe des trois
mousquetaires. Sous le manteau rouge en-
soleillé d'or se cachait, en la circonstance,
la personnalité de M. P., comptable chez
un fabricant d'appareils de chauffage, et
figurant pour rien, pour le plaisir.
Ennemi — quoique fumiste — de la plai-
santerie, le patron se montra gravement
scandalisé de voir l'un de ses employés
prendre part à une mascarade. Aussi, au
letour de son congé, dùment sollicité et
obtenu, le pauvre Porthos fut-il prié de
porter sa « plume » de mousquetaire-calli-
graphe ailleurs.
Pareille mésaventure serait arrivée, pa-
raît-il, à la charmante et très discrète
Cérès, du char de l'Agriculture, Mlle
Jeanne C., qui aurait été renvoyée des
choeurs des concerts de l'Opéra à son trône,
hélas 1 démoli.
Décidément, M. Prudhomme n'est pas
mort!
-- Je découpe dans la Petite Gironde,
les dix vers que voici, de M. René Ghil.
M. Ghil est, comme chacun sait, un poète
« nouveau modèle » et digne (s'il ne l'est
point) d'être Belge. Savourez plutôt :
Doux et épars sanglots de la vie! En la nunc.
rameur de paix stellantc qu'une nuit module
un cœur nuptial pour eux n'a pas (Cœurs élus
ardant l'azur muet de sanglots impollus!)
chanté haut, ainsi que le Devoir qu'on exalte
de fleurs, quand les lèvres amantes diraient lent
que parmi le millier de ramures du monde
vaste du manque aux yeux de regrets du serment
qui d'aurore en néant évagueraient par l'onde,
la mémoire des mers murmure indulgcmment.
Notre confrère de Bordeaux qui cite ce
joli spécimen d'une langue si neuve et si
claire, aftecte de n'en point sentir toute la
beauté.
Des gens bien informés m'ont pourtant
assuré que cela était charmant, traduit en
français.
Le Passant.
LE BERCEAU DE LA PLÉIADE
Le collège Coqueret—Ronsard et du Bellay
Une coquille historique
Dans la rue Chartière, une rue que bien
peu de Parisiens connaissent et qui possède
à son encoignure un buste curieux de
Henri IV, qui filait là le complet amour avec
Gabrielle, contre le bâtiment neuf de Sainte-
Barbe existe une vieille bâtisse au chef
branlant, aux murs de guingois, étançonnée
et tellement minée qu'elte est veuve de lo-
cataires.
Cette bâtisse, qui va bientôt être démolie
et qui ne tient plus que grâce à ses béquilles,
mérite qu'on la salue avant qu'elle n'aille
rejoindre, dans lo. tépôt des vieilles lunes,
les vieux logis qu* ont joué un rôle dans
l'histoire de Paris.
Sur l'emplacement, s'élevait le formidable
castel de messeigneurs les ducs de Bour-
gogne qui le quêtèrent pour aller bâtir, au
cœur de Paris, le chàteau-fort dont il reste
encore le donjon dans la rue Etienne-Marcel.
On bàtit là un collège qui prit le nom d'un
de ses fondateurs, Nicole Coqueret. >
Par un calembour fort en usage dans le
monde universitaire du moyen-âge, on dé-
cora la porte cintrée d'une coquille symboli-
que. On peut la voir encore parfaitement
conservée.
Un des premiers professeurs fut le savant
du Bellay, qui devint ministre de Fran-
çois Ier.
L'éclat de son enseignement était tel,
que les ambassadeurs vénitiens écrivirent,
dans leur curieux récit, que l'Italie n'avait
rien à enlever à la France.
Cet humble collège, qui ne comprenait que
dix boursiers et qui aujourd'hui sombre de
vieillesse, morceau par morceau, a eu dans
notre histoire littéraire son heure de gloire
rayonnante.
C'est là où commença la Pléiade, c'est
dans cette retraite modeste et studieuse,
dans ce pauvre et triste collège, « où, dit
Buchanon, on sentait la poirée », que Ron-
sard, au retour de plusieurs voyages en
Ecosse, près de Marie Stuart, et que ses in-
firmités avaient forcé de quitter la cour, vint
s'enfermer avec Baïf, Remy Belleau, Jodello
Amadis Zamyn, Joachim du Bellay qui lança
le superbe manifeste de la nouvelle école,
la « Défense et illustration de la langue fran-
çaise », qui eut une si grande influence sur
la littérature.
Les « académiciens » n'hésitant pas à s'as-
treindre au régime sévère du collège Ron-
sard, dit un biographe Claude Binet, conti-
nuoient à l'estude jusques à deux ou trois heu-
res après minuit et se couchant rçveilloeint
Baïf qui se levait et prenoit la chandelle et
ne laissoit refroidir la place. »
Les revenus du collège étaient minimes,
les bourses rares, les élèves peu nombreux.
Quelques années après, le plein exercice fut
supprimé par la faculté des arts. Les bâti-
ments furent vendus à un fabricant de pa-
pier.
Carnavalet, en souvenir de la glorieuso
Pléiade, devrait bien acheter la porte dont
le cintre est décoré de la curieuse coquille.
A. C.
LA VIE DE PARIS
Par HENRY FOUQUIER
Il n'est pas un jour où quelque inci-
dent nouveau ne vienne donner raison
à ceux qui affirment, comme moi, que
rien n'est plus injuste au monde que ce
que l'on nomme la « Justice ». Certes,
ces incidents sont presque toujours de
nature à choquer en nous le sens de
l'équité, souvent de nature aussi à
nous inspirer de la pitié ou de la co-
lère. Mais ils ont aussi ceci de bon qu'ils
éveillent et excitent l'opinion et que, de
l'excès du mal, viendra quelque jour le
bien. Ce n'est pas possible que le pou-
voir et le Parlement se contentent à
tout jamais de querelles vaines, de
scandales écœurants, de politicaille-
ries. L'heure viendra des bonnes et
utiles besognes.
Aujourd'hui, c'est d'un artiste char-
mant qu'il s'agit, de M. Willette. Tout
le monde connaît et apprécie ce gra-
cieux dessinateur en qui a passé quel-
que chose de l'âme exquise de Watteau.
Il paraît que M. Puvis de Chavannes,
que la chose honore et qui a montré par
là qu'il n'y a pas de genres pour le vrai
talent, avait commencé des démarches
pour obtenir la croix pour M. Wil-
lette. Mais une objection absolue fut
soulevée, objection que M. Willette
constate lui-même et dont il reconnaît
l'absolue valeur dans la lettre que
voici, adressée par lui au Coiwricr
français :
Mercredi dernier, mon ami Maurice Guil-
lemot annonçait dans le FigarQ, en termes
affectueux, que, sur la demande de M. Puvis
de Chavannes, on me faisait chevalier de la
Légion d'honneur.
Par malheur, je reste comme devant le
chevalier du Clair de Lune que vous con-
naissez, attendu que ma mise en faillite
pour un dédit à payer comme directeur et
propriétaire du journal le Pierrot m'a enlevé
la qualité de , citoyen français.
Ah ! je suis bien Pierrot : la fortune me
fait risette et me fiche un croc-en-jambe ;
habit de satin doublé de papier gris et bordé
de ficelles, pàtés de foie gras truffés en car-
ton, ça y est, c'est do la pantomime pour de
vrai. J vas m'pendre.
Cordialement.
A. WILLETTE.
M. Roques, directeur du Courrier
français, a répondu à cette lettre par
l'offre généreuse de s'entremettre pour
arranger les affaires de « Pierrot » et
espère que cela se pourra faire. Mais
combien mélancolique et d'une amer-
tume légitime en sa faveur légère, la
lutte de l'artiste. qui a voulu un jour
toucher aux choses de l'argent, et qui
s'y est brisé 1 Encore ne s'agit-il pour
lui, après tout, que d'une récompense
à obtenir, d'un ruban à porter. Et,
quoique je sois loin d'affecter du - mé-
pris pour ces distinctions, je ne puis
m'empêcher de songer aux hommes de
talent, presque innombrables, que l'ar-
gent et les lois iniques qui le défendent
étreignent plus gravement encore,
leur prenant leur repos, le fruit de leur
travail, leur vie entière, faisant de no-
tre pays le pays des « forces perdues. »
L'idée d'attacher une note d'infamie à
un homme, de le retrancher du nombre
des citoyens, de le priver de ses droits
électoraux parce que, malheureux dans
une entreprise, il reste, malgré sa bonne
foi, débiteur de quelques milliers de
francs, cette idée est tout simplement
monstrueuse. « Où diable les hommes
vont-ils mettre leur honneur? » disait
Voltaire, en songeant à l'humeur légère
des femmes et à leurs faiblesses amou-
reùqs. Mais n'est-il pas aussi sot de
faire tenir l'honneur d'un homme à la
régularité d'une échéance? Je com.
prends très bien, que lorsqu'un négo-
ciant, qnt, de par m tot-m- cette loi
aussi est des plus mauvaises en cer-
taines de ses parties — a des privilèges
et des obligations, se trouve en mau
valse posture d'affaires, Je comprends
très bien que la justice intervienne.
Elle examine les livres, contrôle la
créance du négociant et, si l'actif est
inférieur au, passif, prononce la faillite.
Mais cette faillite, puisque, je l'ai
dit, le juge examine l'existence du com-
merçant, apprécie ses dépenses per-
sonnelles, fait le départ entre ce qui peut
être attribué, dans son malheur, à des
fautes et des imprudences et ce quff
peut être le résultat d'une fatalité,pour-
quoi entraine-t-elle ipso facto une note
de déshonneur ? Pourquoi comporte-t-
elle la plus. grave des punitions, cette
privation dés droits civiques qui, chozt
les Romains, était le plus sévère des
châtiments? Quand un capitaine de na-
vire perd Je bâtiment dont il avait le
commandement, on le traduit — et
c'est là une mesure d'une équité in-
discutable — devant un conseil do
guerre composé do ses supérieurs et
de ses égaux, compétents pour juger
sa conduite. Il s'explique et il n'est pas
sans exemple, il est même assez ordi-
naire que le capitaine sorte de l'au-
dience ayant reçu des éloges. Car il ne
peut être responsable de la fatalité des
éléments. N'y a-t-il pas aussi dans les
affaires des fatalités? Et, en dehors de
ces fatalités, combien de ruines sont
causées par les lois mêmes ? Partout.
en effet, le créancier qui représente le
pouvoir de l'argent a des privilèges
excessifs. Le droit d'opposition, tel
qu'il est reconnu et consacré par nos
lois et nos procédures, c'est souvent la
faillite pour le commerçant, et, pour le
particulier, la ruine Car le créancier
peut, à la fois, empêcher un travailleur
de toucher le produit de son travail et le
poursuivre d autre part dans sa mai.
son, dans son homef son foyer ! La
« double emploi », en matière de procé-
dure, est la règle de nos lois et, aussi,
la pratique des compagnies privilégiées
dont l'Etat est l'humble serviteur. Je
citerai la façon de procéder de la com-
pagnie du Gaz ; cette compagnie, quand
on lui doit un mois, présente la note :
si, dans les cinq jours, on ne paie pas.
elle ferme le compteur. Soit, c'est la rè-
gle. Mais voici ce qui m'est arrivé.
Comme il n'y a pas de crédit à la com-
pagnie, je ne garde pas les reçus. La
fait que le compteur est ouvert suffif,
en bon sens, à établir qu'on est en rè-
gle. Or, en octobre, la compagnie — qui
l'été, reste parfois deux mois sans se
présenter — me présenta cinq ou six
quittances. J'avais payé. Mon livre de
ménage en faisait foi. La dette était, en
tout cas, contestable, appartenant au
contentieux. La compagnie avait la
droit de tout créancier, le droit de m'as-
signer; j'avais celui de tout débiteur,
le droit de me défendre, d'essayer d'é-
tablir qu'on me demandait indûment
des sommes versées. Que fait la com-
pagnie ? Elle me signifie que si, sans
débat, sans jugement, je ne paie pas,
on ferme le compteur. C'est-à-dire
qu'elle s'arroge le droit, a de me
priver de chauffage, d'éclairage, d'ob-
jets de nécessité première. C'est là la
chantage, le vrai — et ce chantage-là,
la loi le permet aux créanciers, sous
1 toutes les formes, saisies, oppositions,
vente 1 Voilà ce qu'il faut changer et ce
qui touche les honnêtes gens égorgés
par les gens d'affaires un peu plus que
la politique t
HENRY FOUQUIER.
Nous publierons demain la Chronique
de Jtl. Paul Ginisly
MINISTRES EN VOYAGE
-
MM. BOURGEOIS ET MESUREUR A CHAlONS
Ainsi qu'on l'avait annoncé, le président
du conseil et le ministre du commerce ont
quitté Paris hier matin pour aller-présider
à Châlons-sur-Marnc l'inauguration des
nouveaux locaux de récole des Arts-ct-M.
tiers.
Dès leur arrivée, à ODZ,' heures moins
vingt. Ils se sont rendus à la préfecture au
milieu des cris enthousi.isies d'une foula
nombreuse, et immédiatement ils ont reçu
les autorités militaires et civues.
Au cours des réceptions, 1. s palmes aca-
démiques ont été remises a M. te Guillemot,
directrice des cours secondaires de jeunes
filles à ChÙlons, à M. Bagno, professeur à
l'Ecole normale d'instituteur* de Chàlons, et
à M. Bondois, professeur au collège de Ch:'
Ions.
La décoration du Mérite agricole a été re-
miso à M. Bahra, professeur de chimie à
l'Ecolo des arts et métiers, et a M. Nanteil,
inspecteur des forêts.
A midi et dcmj, les ministre- se sont ren-
dus à la cérémonie de l'inauguration offi-
cielle dea nouveaux ateliers de l'Ecole des
arts-et-métiers.
Dans la cour d'honneur, a en lieu la pré-
sentation du personnel et des élevés da
l'école.
M. Bourgeois, comme député de Châlons,
a profité de la circonstance pour remercier
M. Mesureur de j'intérêt qu'il porte à l'école
de cette ville, et fait remarquer que la pré-
sence do MM. Leydet, Plissonnier et Labus-
sière, députés, anciens élèves de l'Ecole des
arts et métiers, « est la preuve que chacun,
dans notre société, peut par son intelligence
et son travail adever aux plus hautes fonc-
tions ».
Les paroles du président du conseil ont
été accueillies par do chaleureux cris de :
« Vivo la République n
LE BANQUET
Après l'inauguration a eu lieu le banquet
de 550 couverts, dont la table avait été dres-
sée dans la grande salle des nouveaux bâti*
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