Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1896-02-24
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 24 février 1896 24 février 1896
Description : 1896/02/24 (N9481). 1896/02/24 (N9481).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2013
nr3STV' CENTIlV.lES le Numéro?
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PARIS ET DÉPARTEMENTS
Le W umëro; CINQ CENT I TUT Tï» <3à
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:.=:. AIVreOïVCES —
AUX BUREAUX DU JOURNAL
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N° 9481. — Lundi 24 Février 1896
Í 6 VENTOSE AN 104
ADMINISTRATION 1 131, rue IIontmartre. t81
Adresser lettres et mondàtsh 1 Udmùdgratew
, NOS LEADERS
LA SUITE -b.
* y —————
Y a-t-il, je le demande, des gens
assez naïfs pour croire le conflit ter-
miné? Pelletan a très heureusement,
hier, à cette même place, défini la si-
tuation en disant que le Sénat « im-
puissant pour renverser le gouverne-
ment, garde le moyen de faire avorter
toutes les réformes ». Rien de plus
vrai. Or, tant que le Sénat gardera le
moyen de faire avorter toutes les ré-
formes, nous autres qui ne voyons rien
d'intéressant dans la politique hors
ces réformes, nous devrons considérer
que la lutte, comme M. Charles Dupuy
l'a dit d'une séance fameuse, « conti-
nue ». Tout au plus peut-on dire que
la reculade du Sénat clôt définitive-
ment le débat sur l'affaire Rempler. Et
tant mieux. Mais ce n'était là qu'un
incident d'importance secondaire, un
prétexte. Mettons que le premier acte
de la pièce soit joué. Nous attendons,
maintenant, que la toile se relève sur
le second acte.
Nous attendons la suite.
*.
Passons, d'abord, en revue les résul-
tats de cette première bataille. Ils sont
considérables.
Par deux fois s'est, à la Chambre,
affirmée une majorité composée exclu-
sivement de républicains progressistes
décidés à soutenir le ministère radical.
Ah ! cette majorité radicale que nous
affirmions dès le lendemain des élec-
tions de 18931 elle existe; on ne peut
plus la nier. Et, en face d'elle, se sont
groupés les républicains modérés, les
débris des anciens centre-gauche, les
ralliés et tout ce qui reste de la droite.
De sorte que, du coup, s'est trouvé fait
ce partage tant désiré de la représen-
tation nationale en deux grands par-
tis : le parti conservateur, j'entends
conservateur des abus, des privilèges,
de la routine ; et le parti progressiste.
— Appelons l'ub, pour nous servir
d'expressions facilement comprises,
s'expliquant d'elles-mêmes, le parti
réactionnaire, l'autre le parti républi-
cain.
Et, conséquence logique, c'en est
fini, bien fini maintenant, de la con-
centration, de cette concentration qui
a, depuis dix ans, servi de prétexte à
tant de capitulations, à tant de défail-
lances; de cette concentration grâce à
laquelle, les efforts des progressistes
étant paralysés, ont pu se développer
en France et grandir, et s'aggraver,
ce mécontentement, cette indifférence,
cet état de malaise qui eussent pu, en
se prolongeant, devenir funestes à la
République. On ne parlera plus de la
concentration.
Puis, le Sénat ayant commis l'im-
prudence de renoncer pour un jour
à son attitude de résistance inerte
et d'engager la bataille à ciel ouvert,
la majorité républicaine a eu tout de
suite l'occasion d'essayer ses forces.
L'expérience a été concluante. Le Sé-
nat a vite battu en retraite, et nous
Douchons sur les positions conquises.
..«c
Tel est le bulletin de cette première
victoire.
Mais un simple engagement a été
livré, une escarmouche préliminaire,
une bagarre d'avant-garde, pas autre
chose. La grande bataille n'est pas en-
core engagée.
Pour celle-ci, nous sommes prêts.
Ce sera la bataille pour les réformes.
Le Sénat a entortillé dans le linceul
d'un ajournement indéfini la loi sur
les accidents du travail ; il a enfoui
sous la poussière de ses cartons la ré-
forme de l'impôt sur les successions ;
il a adopté la loi sur les coalitions ; il
se dispose à rejeter une fois de plus,
dès qu'il aura été voté à nouveau à la
Chambre, le projet de loi courageuse-
ment repris par M. Mesureur sur les
syndicats professionnels; et quant à
l'impôt sur le revenu. La voilà, la
bataille. Il ne s'agit plus ici de mes-
quines discutailleries sur un point
douteux de procédure; le terrain est
vaste, l'armée de la démocratie peut
s'y déployer tout entière.
Est-ce que, depuis vingt ans, le
Sénat n'a pas été l'obstacle, la barrière
infranchissable? Est-ce qu'il n'a pas
arrêté au passage toutes les lois réfor-
matrices, toutes les lois vraiment d'in-
térêt social, ne consentant à les lâcher
qu'après les avoir mutilées, renduesmé-
connaissables, inapplicables? Soyons
justes : en agissant autrement, le
Sénat eût trahi son origine, trompé
la volonté de ceux qui l'ont mis au
monde. Créé pour empêcher, il em-
pêche; pour résister, il résiste. De
même, toujours il résistera. Son passé
répond de son avenir.
.*
De sorte que la question se réduit
toute à savoir de quelle patience est
encore capable le pays, et combien de
temps le suffrage universel se rési-
gnera encore à être tenu en échec car
le suffrage à deux degrés ? Je suis de
de ceux qui pensent et qui disent qu'il
n'y a pas à attendre davantage, puis-
qu'il ne saurait y avoir rien à espérer,
et que l'on devrait agir sur-le-champ.
Mais il faut compter avec les timides,
avec ceux qu'épouvante— oh ! le pou-
voir des vieilles rengaines ! — un saut
dans l'inconnu. Comme si nous n'é-
prouvions pas la nausée du trop connu
dans lequel nous pataugeons sans
avancer depuis vingt ans ! Soit, cepen-
dant ; consentons à l'entr'acte.
Mais ne restons pas les bras croisés.
Que la Chambre et le gouvernement
travaillent. Que projets et propositions
s'entassent sur le bureau du Sénat.
Donnons-lui de la besogne à ce Sénat,
de façon à faire éclater aux yeux de
tous son mauvais vouloir. Que le pays
sache bien que le Sénat refuse sa sanc-
tion aux lois votées par la majorité
républicaine de la Chambre des dé-
putés. Qu'il soit ainsi, le Sénat, pris en
flagrant délit de refus de concourir au
travail législatif. — Quand cette dé-
monstration sera faite — j'admets,
vous le voyez, pour un instant, qu'elle
ne soit pas faite, — il n'y aura plus
aucun prétexte à invoquer, bon ou
mauvais, pour contester la nécessité
de la revision.
:}tt:\*
Et c'est là le but auquel nos efforts
doivent tendre. Je ne me lasserai pas
de le répéter, parce qu'en politique il
faut savoir cogner sur le même clou
jusqu'à ce qu'il enfonce. La Constitu-
tion de 1875 a été faite en haine et en
défiance de la République par des
royalistes qui, n'ayant pas réussi à
restaurer la monarchie, ont voulu
tout au moins que la République fût
aussi peu républicaine que possible.
Ceux qui, en 1875, se sont donné à
eux-mêmes le mandat de doter d'une
Constitution la France, ont voulu un
Sénat pour enrayer, arrêter si possible
la marche du peuple vers l'idéal de vé-
rité, de justice et de liberté promis par
ce mot : République. Tel ils ont in-
venté le Sénat, tel il est, tel il sera.
Folie de croire des améliorations réa-
lisables. En vingt ans, de patients et
laborieux efforts ont pu — voyez le
scrutin d'avant-hier — faire entrer au
Sénat soixante sénateurs animés de
l'esprit démocratique. Combien fau-
drait-il de renouvellements triennaux
pour que ces soixante devinssent ma-
jorité? Non, non; on n'améliore pas
les choses en soi mauvaises; on n'a-
mende pas les sénats, on les sup-
prime. - - -
On supprimera celui-ci, comme ont
été supprimés tous ceux que précé-
demment on avait, selon l'expression
de Victor Hugo, « déposés le long des
Constitutions ». Et la chose, croyez-le,
se fera sans secousses; il n'y aura pas
besoin de faire une révolution ; on
laissera les pavés de bois tranquilles
dans leurs alvéoles et on ne couchera
pas les omnibus en travers des rues;
procédés d'un autre âge. Comme trou-
peau conduit à l'abattoir, le Sénat,
rechignant, je le veux, protestant, ira
à Versailles — pour n'en plus revenir.
C'est là le but; et tous nous devons
travailler. Le gouvernement et la ma-
jorité républicaine de la Chambre des
députés ont fait ces jours derniers de
la bonne besogne. On peut compter
qu'ils ne s'arrêteront pas en si beau
chemin. A tous les citoyens de les ai-
der, chacun en faisant ce qu'il faut,
dans la sphère où il se meut, pour que
l'agitation, née des récents incidents,
cette saine et féconde agitation, ne
s'éteigne pas faute d'aliments; pour
que le peuple qui vient de donner des
indices non équivoques de réveil ne
risque pas de retomber dans cette tor-
peur dangereuse où le manque d'inté-
rêt de la politique l'avait plongé. Pour
mon compte, je ne serai pas le der-
nier, je vous assure, si l'entr'acte se
prolonge au delà du temps raisonna-
ble, à taper de la canne et des talons
sur le plancher et à crier : La toile !
la toile !. en mettant, comme font les
bruyants spectateurs des quatrièmes
galeries, mes deux mains en porte-
voix devant ma bouche.
LUCIEN VIQTOR-MEUNIER.
@-
Nous publierons demain un article
de M. J.-L. de Lanessan
ACCIDENT DE BICYCLETTE
M. Falguière, l'un des fils du célèbre
sculpteur, s'est blessé assez grièvement
avant-hier, dans une promenade qu'il fai-
sait à bicyclette, en compagnie de son
frère, dans les environs de Rambouillet.
Les jeunes gens étant isolés sur la route,
la victime de cet accident a dû se traîner,
pendant trois cents mètres, soutenu par son
frère, qui a montré dans cette circonstance
beaucoup de courage et de sang-froid.
De l'avis des deux médecins qui ont exa-
miné le blessé, on peut espérer que l'acci-
dent n'aura pas de suites dangereuses et
que quelques jours de soins remettront le
jeune homme sur pied. Les complications
qu'on aurait pu craindre du côté de la tête
ne se sont heureusement pas produites.
Au premier bruit de l'accident, Mme
Falguière s'est rendue auprès de son fils ;
M. Falguière, qui avait déjà été voir le
blessé avant-hier, est retourné hier auprès
de lui.
LES ON-DIT
CARNET QUOTIDIEN :
Courses à Auteuil.
— Elections législatives dans la Seine et dans
l'Aisne.
- Election sénatoriale dans la Creuse.
- Durée du jour : 11 h. 44 m.
CHEZ NOUS
— L'emprunt de 80 millions du Ton,
kin a été couvert un grand nombre de
fois.
A Paris, les souscriptions atteignent le
chiffre de 737 millions. -
- M. Mesureur accompagnera au-
jourd'hui le président du conseil à Châ-
lons-sur-Marne pour l'inauguration des
nouveaux bâtiments de l'Ecole des arts-et-
métiers.
- La ville de Brest a décidé d'envoyer
une délégation, composée de M. Delobeau,
sénateur et maire ; MM. Sanquer, adjoint,
Réguron, Ravier et Gehin, membres du
conseil municipal, à Paris, pour inviter
officiellement le président de la Républi-
que à visiter la ville de Brest.
Une délégation des négociants de Brest
et de l'arrondissement de Brest compre-
nant MM. Paillet, président du syndicat
du commerce ; MarfiUe, président du tri-
bunal de commerce; Lejeune, conseiller
général du 20 canton de Brest; Lullien,
négociant, chargée de faire l'invitation à M.
Félix Faure au nom du commerce brestois,
se rendra également à Paris.
-—- Certains journaux publient, sur le
prochain voyage du président de la Répu-
blique dans le Midi, des détails inexacts ou
tout au moins prématurés.
Le programme de ce déplacement ne
sera définitivement arrêté qu'après le re-
tour à Paris de l'officier de la maison mili-
taire qui est allé en régler sur place les
dispositions préalables.
Il est toutefois certain que le président
de la République visitera les hôpitaux, sui-
vant son habitude, et notamment l'hôpital
spécial de Toulon, où sont soignés les ra-
patriés de Madagascar.
- Le Diable boiteux annonce la mise
à la retraite de M. Pingard, secrétaire de
l'Institut et désigne son successeur qui se-
rait M. Capelle, rédacteur au Gaulois.
,-,-.rv- Le conseil municipal de Fontaine-
bleau s'est ému de l'intention qu'a le gou-
vernement de retirer du palais des tapisse-
ries. tentures et meubles qui seraient en-
voyés à Moscou pour décorer les hôtels
qui viennent d'y être loués à l'occasion du
couronnement du tsart
Il a chargé le maire de protester contre
ces nouveaux enlèvements d'objets d'art,
et il a prié le sénateur et le député de plai-
der la cause de la ville auprès de l'autorité
compétente.
- Les employés des postes, anciens
militaires, ont fêté hier par un punch le
vote des Chambres leur accordant pour
l'avancement le bénéfice de la moitié du
temps passé sous les drapeaux.
- A l'Ecole des chartes :
Sont nommés archivistes-paléographes
dans l'ordre de mérite suivant :
MM. Poute de Puybaudet (Edmond-Guy-
Marie), Thiollier (Noël-Auguste-Emma-
nuel), Trouillard (Guy-Jules-Marie-Louis),
Maruéjouls (Pierre-Laurent-Frédéric).
Sont nommés archivistes-paléographes
hors rang :
MM. Jacob (Louis-Marie-Omer-Arthur),
Le Bègue de Germiny (Melchior-Ghis-
lain-Maxime), Saint-Jolin de Crèvecœur
(Paul-Lionel).
- Samedi 7 mars, la Caisse de re-
traites des officiers de réserve et de l'armée
territoriale, qui a pour président M. Mar-
tini, contrôleur général, donnera son
deuxième grand bal annuel dans les salons
de l'hôtel Continental.
Le prix d'entrée est fixé à 10 francs.
On trouve des billets au Cercle militaire,
aux agences de théâtre, au siège de la so-
ciété, 40, rue Laffitte et dans les bureaux
de tous les journaux militaires.
- M. Cavaignac a envoyé aux préfets
l'instruction annuelle pour l'admission au
Prytanée militaire en 1896.
Aucune des dispositions générales n'est
changée.
Les examens sont fixés au 29 et 30 juin.
- On sait à présent quelles sont les
intentions de M. Baïhaut, au cas où sa
mise en liberté serait décidée.
L'ancien ministre des travaux publics
aurait déjà trouvé un poste d'ingénieur
dans une grande entreprise coloniale. Son
désir est de s'expatrier pendant plusieurs
années, puis de rentrer plus tard en France
pour demander aux tribunaux sa réhabili-
tation.
Mme Baïhaut, dont le dévouement ne
s'est pas démenti un jour, aurait, dit-on,
vivement insisté pour suivre son mari dans
cet exil volontaire; mais M. Baïhajt se
refuse à ce sacrifice.
- A la suite d'une polémique provo-
quée par l'élection sénatoriale qui a lieu
aujourd'hui dans le Var pour pourvoir au
remplacement de M. Magnier, le directeur
du Petit Var, M. Emile Roques, qui sou-
tient la candidature de M. Gairard, con-
seiller général, se trouvant injurié par un
article de la République du Var, qui sou-
tient la candidature du docteur Gensoilen,
président du conseil général, a envoyé ses
témoins au directeur de ce journal, M.
Louis Roure.
Une rencontre à l'épie a eu lieu hier
matin,
A la première reprise, M. Emile Roques
a reçu à l'avant-bras droit une blèssure
pénétrante qui a mis fin au combat.
- Tunis, le fameux cheval noir du
général Boulanger, vient de mourir.
D'avatar en avatar, le cheval noir était
allé prendre sa retraite chez un riche
propriétaire éleveur de Warloy-Baillon
(Somme).
Ces jours derniers, les dépendances du
château furent détruites par un incendie
qui causa pour cent mille francs de pertes,
dont dix mille au moins en bétail.
Le pauvre Tunis périt au milieu des
flammes.
Pauvre grand cheval du triomphe !
A L'ETRANGER
-- En Espagne, la mort de l'amiral
Montojo donne lieu à un curieux in-
cident.
Le prince de Monaco, ayant servi dans
la marine de guerre espagnole lorsqu'il
était prince héritier, figurait depuis sur les
cadres.
Par suite de la mort de l'amiral, il de-
vait être promu à un grade supérieur. Mais
le gouvernement, ne pouvant utiliser ses
services dans le cadre actif, a décidé de le
nommer, dans le cadre de réserve, capi-
taine de vaisseau de première classe, grade
équivalant dans l'armée de terre à celui de
général de brigade. -.
- Un ami de l'instruction :
M. Eulogio Georgieff, riche banquier
bulgare, établi à Bucharest et député à la
Sobranié de Philippopoli, a fait don de
800,000 francs au gouvernement pour l'ins-
titution d'une université à Sofia.
En outre, le généreux donateur a cédé
un terrain de 10,000 mètres carrés, sur le-
quel sera édifié le bâtiment.
.—~ Le sorcier de Longo-Park :
M. Edison a découvert, paraît-il, un
moyen de donner à l'aluminium la pureté,
la consistance et les qualités de l'acier.
.,.,., Où s'arrêtera l'indiscrétion des
rayons cathodiques ?
Un savant américain, le docteur Carleton-
Simon, ancien élève de Charcot, vient pa-
raît-il d'inventer un procédé qui lui a per-
mis de photographier son propre cer-
veau.
A Brugf*, en creusant une tranchée
pour construire un égout, on a mis au jour
une série de caveaux mortuaires dont les
parois sont ornées de peintures faites di-
rectement sur la maçonnerie : Dieu le père
levant la main pour bénir la Vierge et l'en-
fant Jésus, saint Jean, un évêque, utf ange
aux ailes déployées, des croix, des flam-
beaux, etc.
Les tombes paraissent être du quinzième
siècle.
Le Passant.
LES PETITS SALONS
Et la peinture montait toujours 1. Chef
Georges Petit, dans le salon qui prend jour
sur la rue Godot-de-Mauroi, Maurice Bom-
pard expose une trentaine de tableaux qu'il
a rapportés de Venise et d'Algérie.
Bompard est un de nos orientalistes les
plus en vue. Depuis nombre d'années, il
s'est exilé de France, n'y faisant que de
courtes apparitions, pour aller vivre aux
pays de la lumière et du soleil. C'est un
travailleur, un consciencieux, qui ne be-
sogne que sur le terrain. Sa palette s'y est
éclaircie, vaporisée. Il voit clair et gai. Sur
ses toiles lumineuses, baignées d'air ruti-
lant, les ombres sont bleues et violettes.
Sa Venise est rose. Musset la voyait
rouge. Pour Ziem elle est flamboyante et
John Sergent Va peinte délicieusement grise
comme Edouard Manet, qui l'a célébrée en
quelques magistrales ébauches. A qui s'en
rapporter? Que penser de ces multiples vi-
sions ? Sinon que la reine de l'Adriatique
est terriblement changeante?
C'est surtout le matin, à l'aube, que
Maurice Bompard l'a surprise, par delà les
lagunes, encore mi-voilée de gazes lfottantes
où transparaît son profil rose. Il est aussi
entré dans son intimité, dans ses églises, à
Saint-Marc dont il a peint la chaire et l'au-
tel' dans ses rues, sur ses places, égayées
de scènes populaires, sur ses canaux, dans
ses ateliers, où Marbriers et Perlières sont
à l'ouvrage.
Puis nous voilà sur le sol africain, au
milieu des scènes de la vie arabe, sur le mar-
ché de Biskra, devant les oasis et les bois
de palmiers, aux confins du désert. Ici le
pinceau du peintre s'avive. Le coloris devient
plus ardent, la lumière plus intense, l'hori-
zon plus vaste, l'ombre plus rare et plvs
courte. L'Aumône, l'Entrée du vieux
Chetma, l'Intérieur de mosquée avec mu-
sulmans en prière, le Défilé de marchands
arabes, en route pour le marché de Biskra,
sont des tableaux achevés, qui nous initient
aux moeurs et aux coutumes de ces peuples
nomades; et des études comme ce lever de
lune, toute blanche, sur les montagnes en-
core empourprées de l'Amar, comme ce cou-
eher de soleil cramoisi sous un incendie de
nuages f umants, nous donnent la caracté-
ristique de cette nature qui n'est que lumière
et couleurs.
En sortant de l'exposition Bompard, on
trouvera dans la petite galerie, à gauche,
une très remarquable exposition d'aqua-
relles — marines et paysages — clairement
et franchement enlevée, par William
Thornley. L'artiste est allé !!tM peu partout, {
en Normandie, en Provence, dans tes Vos-
ges, en Suisse, en Italie, apportant ainsi
beaucoup de variété dans son exhibition. La
Pointe du Cap Béar, une Ferme à Osny,
Intérieur d'église, Paysage dau. l'Eure,
m'ont plu tout particulièrement. Devant ces
aquatelles, si vivement et si fraîchement
lavées, on pense à Harpignies.
Armand Guillanmin, qui se rattache à
VécoU néo-rMnU 411 çfonfo Monet et
des Pissaro, expose également une série de
marines et de paysages, à la galerie Du-
rand-Ruel. Peinture lourde et massive, où
les arbres, les terrains, les vagues, les ro-
chers, apparaissent barbarement dessinés,
mais puissante quand même, évoquant sai-
nement - et largement - la nature.
Enfin, chei Pierre Morel, à la galerie des
Arts-Réunis, exposition par M. de La Vil-
léon d'une quarantaine de toiles prises pour
la plupart à la\ lisière et dans le fona des
bois. Bois au printemps et à l'automne,
sous les neiges de l'hiver et les frondaisons
estivales, nous sommes en plein pays fores-
tier. La vision en est claire et jolie, trop
jolie même. C'est le contraire de M. Guil-
laumin. Il semble que M. de la Villéon ait
enjolive ses tableaux. Et puis ses arbres,
pour élégants et légers qu'ils soient, man-
quent de caractère. Leur ramure est trop
sommairement indiquée, leurs branches ne
s'enmanchent pas, ne se relient pas. On
n'en distingue pas l'essence. Ce sont des
arbres quelconques. Qu'on regarde son
Allée en avril, pourtant si poétiquement
charmante; les arbres fleuris qui la bordent
n'ont pas de marque. bi poiriers, ni pom-
miers : une double ligne de rameaux de
fleurs enchevêtrés. Une autre fois, le peintre
se montrera plus précis.
CHARLES FRÉMINE.
.4>
CHRONIQUE
Par PAUL GINISTY
Dans notre aimable Midi, rien ne se
passe comme ailleurs. C'est ainsi que
les fêtes du Centenaire de la réunion de
Nice à la France auront lieu deux ans
après l'anniversaire exact. Vous verrez
qu'elles n'en seront pas moins pleines
d'un bel entrain.
Le programme du voyage présiden-
tiel comporte une foule d'inaugurations
de monuments commémoratifs, et, en-
tre autres, une de ces solennités à Men-
ton qui, la dernière entrée dans la fa-
mille française, est quelque chose
comme la Benjamine de nos villas. Et
Menton s'est bien donnée de bon cœur
à la France : il se faut rappeler que, au
moment du traité de 1860 elle était cité
indépendante, ayait fait, deux ans au-
paravant, sa petite révolution.
Le passage de M. Félix Faure coïnci-
dera précisément avec cet autre anni-
versaire, auquel on n'avait pas pensé,
sans doute, - celui de son insurrection
victorieuse contre la « tyrannie » moné-1
gasque.
Oh! l'histoire de cette « révolution »
qui coûta au prince de Monaco, Flores-
tan 1er, la moitié de ses Etats ! L'exi-
guité du cadre donne, quoi qu'on fasse,
quelque chose d'amusant à ce soulève-
ment, encore qu'il ait mis en jeu des
passions aussi vives que celles qui se
pouvaient agiter sur une plus vaste
scène. Mais le moyen d'offrir à la pos-
térité des évènements héroïques, quand
il s'agit des divisions d'un si petit pays !
N'importe 1 on eut la tête joliment
près du bonnet, à Menton, au lende-
main de 48, qui déjà avait eu sa réper-
cussion sur la petite principauté de
Neuchâtel. Il y eut là un certain Char-
les Trenca, qui se transforma en tribun
et qui ne manqua pas de crânerie,
Rienzi au petit pied. La muse Clio eut
tant à faire, en ce siècle, qu'elle oublia
de recueillir pour l'avenir ses mots mé-
morables; mais soyez persuadés qu'il
en eut.
Menton avait d'ailleurs de vieux griefs
contre Monaco et, même au temps où,
pendant la Révolution, Monaco s'était
mis èn République, Menton avait exigé
que cette République, contenant six
mille habitants, fût « fédérative ». Un
peu plus tard, Roquebrune, ce village
haut perché, avait même voulu se sé-
parer de Menton. Ce n'est pas, voyez-
vous, à l'étendue des pays qu'on me-
vous, l'intensité des violences de senti-
sure
ments!
En 48, Menton, bouleversée par l'écho
des nouvelles de Paris, se révolta car-
rément contre son souverain. Menton
demanda au prince Florestan une cons-
titution. Ah mais! Il y avait une cer-
taine aventure de moulins perfection-
nés, dont se défiaient les Mentonais,
qui avait mis le feu aux poudres. Il
leur fallait un grand homme : Trenca
fut ce grand homme. En ce temps-là,
on ne craignait point que l'opérette
vous guettât. Il fut superbe 1
Qui dira congtùment les fastes de
cette Révolution, sous un ciel trop bleu
et trop pur, sous un climat trop cares-
sant pour que, de part et d'autre, on
songeât sérieusement à se faire beau-
coup de mal? Au fond, c'était peut-être
un spectacle nouveau que l'on se don-
nait.
L'affaire commença par l'expulsion
du « gouverneur », car Monaco avait
un gouverneur à Menton. Ce haut fonc-
tionnaire, ayant l'avantage de pouvoir
regagner promptement la capitale, y
arriva tout essoufflé, et là, sans doute,
se réédita le dialogue fameux :
— C'est une émeute.
— Non, altesse, c'est une révolution !
Le prince dépêcha son fils à Menton.
Charmante courtoisie du Midi expli-
quant des évènements qui, autrement,
sembleraient un peu contradictoires.
On porta l'envoyé princier en triomphe,
on lui fit fête, mais un le renvoya, sans
l'avoir écouté, sans que rien se fût ar-
rangé. Menton, bien qu'avec gentil-
lesse, entendait secouer le joug sécu-
laire !
Trenca forme un gouvernement pro-
visoire, organise une garde nationale,
harangue — oh ! avec quelle facilité il
le dut haranguer ! — le peuple, frémis-
sant ; et, fièrement, Menton se déclare
« ville libre », et notifie son émancipa-
tion aux puissances. Nouveau voyage
du prince héritier à Menton. Mais, cette
fois, tout porteur qu'il soit de proposir
tions de reformes, Trenca lui répoIid1
avec un geste magnifique : J
- Il est trop tard I w.,,¿. "• I(.
Menton a conscience de ses droits, et
entend s'administrer elle-même. Un
souffle belliqueux a passé sur la villes
bien que le saag n'ait pas coulé. Et
voici que les Mentonais, ne doutant
plus de rien, s'avancent même, en co
hortes serrées, quoique forcément peu
nombreuses, sur la capitale, - histoire
de l'intimider un peu. — La vérité est
que l'escalade du rocher sur lequel s'é<
lève Monaco leur semble un peu diffîv
cile et qu'ils renoncent à leur projet d&
s'en emparer. Mais, dans le Midi, on
n estjamais embarrassé.
- Eh bien? demande un étranger, un
peu narquois, qui les voit se retirer,
après un moment d'hésitation. -
- Eh bien, lui répoud-on avec séré-
nité, nous voulions faire une démons.
tration : elle est faite.
N'empêche que ce ne soit là la page
affligeante des annales de Monaco.
Mais, dans ce beau pays, peut-on avoir
les rancunes longues? Le temps a
pansé les blessures d'amour-propra
des Grimaldi, auxquels la maison de
jeu allait offrir d'amples compensa-
tions.
Menton, ville libre, se conduit sage-
ment, d'ailleurs, tant que les têtes se
soient échauffées, et déjoue certains
pièges de la Sardaigne tentant de pê-
cher en eau trouble. 11 y a une curieuse
aventure de plébiscite, conduit par les
Italiens, avec une belle effronterie, qui
ne leur sert à rien. Menton tient à diri-
ger ses destinées sans le secours d'au
trui.
Mais voici l'heure dramatique. Quand
on règne sur des Etats de proportions
aussi modestes, il est dur de s'en voir
arracher la moitié, et le fils du prince
Florestan prend malaisément son parti.
Les enseignements de l'histoire attes-
tent que l'audace a réussi, souventt
aux souverains : lui aussi, il sera au-
dacieux, et il reconquerra la cité re-
belle. Redoutable entreprise, cepen-
dant! Tel Galeas Sforza dans Milan*
naguère, il se jette dans Menton : son
armée, qui compte bien soixante-dix
hommes, est t'rête à l'appuyer. Le
prince tire l'épée, appelle à lui ses par-
tisans, marche sur l'hôtel de ville.
mais s'aperçoit bientôt qu'il marché
seul, ce qui est vraiment une escorte
insuffisante, est arrêté, et connaît
quatre jours durant, les « horreurs *
d'une captivité durant laquelle il fait
d'amères réflexions sur l'ingratitude
de « ses » peuples! Comble d'ironieï
l'Europe, qui a, alors, de bien autres
préoccupations, reste même assez in*
différente, tant qu'il souffre pour la
cause monarchique, à ses infortunes 1
Mais Menton ne sera plus jamais mo-
négasque, et, en 1860, elle se jette dans
les bras de la France. Le monument
qu'elle va inaugurer prouve qu'elle s'y
plait.
N'importe ! ce fut une fière révolution
que sa révolution contre Monaco! Ahl
les bonnes révolutions que celles oû,
le parfum des orangers flottant dans
l'air, on trouve la vie trop douce pous
aller jusqu'à s'entretuer 1
PAUL GINISTY. f
Demain la Vie de Paris par M. Henry
Fouquier.
LE THÉATRE D'ORANGE
Le président de la République a reçu hier
une délégation de la commission officielle
du théâtre antique d'orange. M. Edouard'
Lockroy, en sa qualité de président de lar
sous-commission littéraire, a présenté à M.
Félix Faure M. Capty, maire d Orange, MMî;
Maurice Faure, Ducos, Pourcruery de Bois..
serin, députés; Guérin, Taulier, sénateurs?
Jules Claretie, Gaithard, Bertrand, Eugène
Lintilhac, Mounet-Suily, Albert Tournier,
Sextius Michel, Louis iissier, Charles For-
mentin, Théodore Reinach, etc., etc.
Après avoir chaleureusement félicité la
commission de son œuvre qu'il a qualifiée,
de nationale, le président de la République
a déclaré qu'il était vraiment heureux d'y
collaborer et de la sanctionner en acceptant
de tout cœur l'invitation qui lui était faite.
Conformément au programme soumis à
M. Félix Faure, les fêtes débuteront le 9
août à Valence, d'où le président de la Ré-
publique se rendra en descendant le Rhône,
à Avignon.
De fà, il viendra les 8 et 9 août à Orange.
pour goûter, a-t-il dit, le double plaisir de sa
mettre en contact avec les nobles popula-
tions de la vallée du Rhône et d'assister à
une manifestation qui symbolise si éloquem-,
ment l'étroite parenté de l'art français et du
génie antique.
Les Obsèqnes d'Ambroise Thomas
AU CONSERVATOIRE
Les obsèques d'Ambroise Thomas ont été
célébrées hier matin au milieu d'una al*
fluence considérable. ,.
Dès dix heures et demie, les invités com-
mençaient à arriver au Conservatoire. Suc-
cessivement, les uns après les autres, ils
ont défilé dans la chapelle ardente où depuis
le lendemain de son décès le maître repo-
sait. Puis vers onze heures, le cercueil a été
transporté du vestibule sur un catafalque
dressé au milieu de la grande cour, et làL
au milieu du silence ému et respectueux do
tous, M. Bourgault-Ducou iray a adressé
les adieux des professeurs et des élèves du
Conservatoire à leur vénéré directeur.
La levée du corps a eu lieu aussitôt après
cette allocution, et la bière, placée sur un
char de lre classe, a été recouverte de l'habit,
de l'épée et du grand-cordun de la Légion
d'honneur du défunt. -
Aux angles du corbillard s'inclinaient des
faisceaux de drapeaux tricolores, rcliôs entre .,
eux par des cravates de crôpe. Au dessus,
se balançaient cinq panaches noirs.
Tout autour, tenant les cordons du Dociej
.,., - ',
PARIS ET DÉPARTEMENTS
Le W umëro; CINQ CENT I TUT Tï» <3à
.-:. - -
t X
:.=:. AIVreOïVCES —
AUX BUREAUX DU JOURNAL
131, rue Montmartre, 131
ttchez MM. LAGRANGE, CERF 6 Cie
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De 4 a 8 heures du soir et de 10 heures du soir à 1 heure du matin
N° 9481. — Lundi 24 Février 1896
Í 6 VENTOSE AN 104
ADMINISTRATION 1 131, rue IIontmartre. t81
Adresser lettres et mondàtsh 1 Udmùdgratew
, NOS LEADERS
LA SUITE -b.
* y —————
Y a-t-il, je le demande, des gens
assez naïfs pour croire le conflit ter-
miné? Pelletan a très heureusement,
hier, à cette même place, défini la si-
tuation en disant que le Sénat « im-
puissant pour renverser le gouverne-
ment, garde le moyen de faire avorter
toutes les réformes ». Rien de plus
vrai. Or, tant que le Sénat gardera le
moyen de faire avorter toutes les ré-
formes, nous autres qui ne voyons rien
d'intéressant dans la politique hors
ces réformes, nous devrons considérer
que la lutte, comme M. Charles Dupuy
l'a dit d'une séance fameuse, « conti-
nue ». Tout au plus peut-on dire que
la reculade du Sénat clôt définitive-
ment le débat sur l'affaire Rempler. Et
tant mieux. Mais ce n'était là qu'un
incident d'importance secondaire, un
prétexte. Mettons que le premier acte
de la pièce soit joué. Nous attendons,
maintenant, que la toile se relève sur
le second acte.
Nous attendons la suite.
*.
Passons, d'abord, en revue les résul-
tats de cette première bataille. Ils sont
considérables.
Par deux fois s'est, à la Chambre,
affirmée une majorité composée exclu-
sivement de républicains progressistes
décidés à soutenir le ministère radical.
Ah ! cette majorité radicale que nous
affirmions dès le lendemain des élec-
tions de 18931 elle existe; on ne peut
plus la nier. Et, en face d'elle, se sont
groupés les républicains modérés, les
débris des anciens centre-gauche, les
ralliés et tout ce qui reste de la droite.
De sorte que, du coup, s'est trouvé fait
ce partage tant désiré de la représen-
tation nationale en deux grands par-
tis : le parti conservateur, j'entends
conservateur des abus, des privilèges,
de la routine ; et le parti progressiste.
— Appelons l'ub, pour nous servir
d'expressions facilement comprises,
s'expliquant d'elles-mêmes, le parti
réactionnaire, l'autre le parti républi-
cain.
Et, conséquence logique, c'en est
fini, bien fini maintenant, de la con-
centration, de cette concentration qui
a, depuis dix ans, servi de prétexte à
tant de capitulations, à tant de défail-
lances; de cette concentration grâce à
laquelle, les efforts des progressistes
étant paralysés, ont pu se développer
en France et grandir, et s'aggraver,
ce mécontentement, cette indifférence,
cet état de malaise qui eussent pu, en
se prolongeant, devenir funestes à la
République. On ne parlera plus de la
concentration.
Puis, le Sénat ayant commis l'im-
prudence de renoncer pour un jour
à son attitude de résistance inerte
et d'engager la bataille à ciel ouvert,
la majorité républicaine a eu tout de
suite l'occasion d'essayer ses forces.
L'expérience a été concluante. Le Sé-
nat a vite battu en retraite, et nous
Douchons sur les positions conquises.
..«c
Tel est le bulletin de cette première
victoire.
Mais un simple engagement a été
livré, une escarmouche préliminaire,
une bagarre d'avant-garde, pas autre
chose. La grande bataille n'est pas en-
core engagée.
Pour celle-ci, nous sommes prêts.
Ce sera la bataille pour les réformes.
Le Sénat a entortillé dans le linceul
d'un ajournement indéfini la loi sur
les accidents du travail ; il a enfoui
sous la poussière de ses cartons la ré-
forme de l'impôt sur les successions ;
il a adopté la loi sur les coalitions ; il
se dispose à rejeter une fois de plus,
dès qu'il aura été voté à nouveau à la
Chambre, le projet de loi courageuse-
ment repris par M. Mesureur sur les
syndicats professionnels; et quant à
l'impôt sur le revenu. La voilà, la
bataille. Il ne s'agit plus ici de mes-
quines discutailleries sur un point
douteux de procédure; le terrain est
vaste, l'armée de la démocratie peut
s'y déployer tout entière.
Est-ce que, depuis vingt ans, le
Sénat n'a pas été l'obstacle, la barrière
infranchissable? Est-ce qu'il n'a pas
arrêté au passage toutes les lois réfor-
matrices, toutes les lois vraiment d'in-
térêt social, ne consentant à les lâcher
qu'après les avoir mutilées, renduesmé-
connaissables, inapplicables? Soyons
justes : en agissant autrement, le
Sénat eût trahi son origine, trompé
la volonté de ceux qui l'ont mis au
monde. Créé pour empêcher, il em-
pêche; pour résister, il résiste. De
même, toujours il résistera. Son passé
répond de son avenir.
.*
De sorte que la question se réduit
toute à savoir de quelle patience est
encore capable le pays, et combien de
temps le suffrage universel se rési-
gnera encore à être tenu en échec car
le suffrage à deux degrés ? Je suis de
de ceux qui pensent et qui disent qu'il
n'y a pas à attendre davantage, puis-
qu'il ne saurait y avoir rien à espérer,
et que l'on devrait agir sur-le-champ.
Mais il faut compter avec les timides,
avec ceux qu'épouvante— oh ! le pou-
voir des vieilles rengaines ! — un saut
dans l'inconnu. Comme si nous n'é-
prouvions pas la nausée du trop connu
dans lequel nous pataugeons sans
avancer depuis vingt ans ! Soit, cepen-
dant ; consentons à l'entr'acte.
Mais ne restons pas les bras croisés.
Que la Chambre et le gouvernement
travaillent. Que projets et propositions
s'entassent sur le bureau du Sénat.
Donnons-lui de la besogne à ce Sénat,
de façon à faire éclater aux yeux de
tous son mauvais vouloir. Que le pays
sache bien que le Sénat refuse sa sanc-
tion aux lois votées par la majorité
républicaine de la Chambre des dé-
putés. Qu'il soit ainsi, le Sénat, pris en
flagrant délit de refus de concourir au
travail législatif. — Quand cette dé-
monstration sera faite — j'admets,
vous le voyez, pour un instant, qu'elle
ne soit pas faite, — il n'y aura plus
aucun prétexte à invoquer, bon ou
mauvais, pour contester la nécessité
de la revision.
:}tt:\*
Et c'est là le but auquel nos efforts
doivent tendre. Je ne me lasserai pas
de le répéter, parce qu'en politique il
faut savoir cogner sur le même clou
jusqu'à ce qu'il enfonce. La Constitu-
tion de 1875 a été faite en haine et en
défiance de la République par des
royalistes qui, n'ayant pas réussi à
restaurer la monarchie, ont voulu
tout au moins que la République fût
aussi peu républicaine que possible.
Ceux qui, en 1875, se sont donné à
eux-mêmes le mandat de doter d'une
Constitution la France, ont voulu un
Sénat pour enrayer, arrêter si possible
la marche du peuple vers l'idéal de vé-
rité, de justice et de liberté promis par
ce mot : République. Tel ils ont in-
venté le Sénat, tel il est, tel il sera.
Folie de croire des améliorations réa-
lisables. En vingt ans, de patients et
laborieux efforts ont pu — voyez le
scrutin d'avant-hier — faire entrer au
Sénat soixante sénateurs animés de
l'esprit démocratique. Combien fau-
drait-il de renouvellements triennaux
pour que ces soixante devinssent ma-
jorité? Non, non; on n'améliore pas
les choses en soi mauvaises; on n'a-
mende pas les sénats, on les sup-
prime. - - -
On supprimera celui-ci, comme ont
été supprimés tous ceux que précé-
demment on avait, selon l'expression
de Victor Hugo, « déposés le long des
Constitutions ». Et la chose, croyez-le,
se fera sans secousses; il n'y aura pas
besoin de faire une révolution ; on
laissera les pavés de bois tranquilles
dans leurs alvéoles et on ne couchera
pas les omnibus en travers des rues;
procédés d'un autre âge. Comme trou-
peau conduit à l'abattoir, le Sénat,
rechignant, je le veux, protestant, ira
à Versailles — pour n'en plus revenir.
C'est là le but; et tous nous devons
travailler. Le gouvernement et la ma-
jorité républicaine de la Chambre des
députés ont fait ces jours derniers de
la bonne besogne. On peut compter
qu'ils ne s'arrêteront pas en si beau
chemin. A tous les citoyens de les ai-
der, chacun en faisant ce qu'il faut,
dans la sphère où il se meut, pour que
l'agitation, née des récents incidents,
cette saine et féconde agitation, ne
s'éteigne pas faute d'aliments; pour
que le peuple qui vient de donner des
indices non équivoques de réveil ne
risque pas de retomber dans cette tor-
peur dangereuse où le manque d'inté-
rêt de la politique l'avait plongé. Pour
mon compte, je ne serai pas le der-
nier, je vous assure, si l'entr'acte se
prolonge au delà du temps raisonna-
ble, à taper de la canne et des talons
sur le plancher et à crier : La toile !
la toile !. en mettant, comme font les
bruyants spectateurs des quatrièmes
galeries, mes deux mains en porte-
voix devant ma bouche.
LUCIEN VIQTOR-MEUNIER.
@-
Nous publierons demain un article
de M. J.-L. de Lanessan
ACCIDENT DE BICYCLETTE
M. Falguière, l'un des fils du célèbre
sculpteur, s'est blessé assez grièvement
avant-hier, dans une promenade qu'il fai-
sait à bicyclette, en compagnie de son
frère, dans les environs de Rambouillet.
Les jeunes gens étant isolés sur la route,
la victime de cet accident a dû se traîner,
pendant trois cents mètres, soutenu par son
frère, qui a montré dans cette circonstance
beaucoup de courage et de sang-froid.
De l'avis des deux médecins qui ont exa-
miné le blessé, on peut espérer que l'acci-
dent n'aura pas de suites dangereuses et
que quelques jours de soins remettront le
jeune homme sur pied. Les complications
qu'on aurait pu craindre du côté de la tête
ne se sont heureusement pas produites.
Au premier bruit de l'accident, Mme
Falguière s'est rendue auprès de son fils ;
M. Falguière, qui avait déjà été voir le
blessé avant-hier, est retourné hier auprès
de lui.
LES ON-DIT
CARNET QUOTIDIEN :
Courses à Auteuil.
— Elections législatives dans la Seine et dans
l'Aisne.
- Election sénatoriale dans la Creuse.
- Durée du jour : 11 h. 44 m.
CHEZ NOUS
— L'emprunt de 80 millions du Ton,
kin a été couvert un grand nombre de
fois.
A Paris, les souscriptions atteignent le
chiffre de 737 millions. -
- M. Mesureur accompagnera au-
jourd'hui le président du conseil à Châ-
lons-sur-Marne pour l'inauguration des
nouveaux bâtiments de l'Ecole des arts-et-
métiers.
- La ville de Brest a décidé d'envoyer
une délégation, composée de M. Delobeau,
sénateur et maire ; MM. Sanquer, adjoint,
Réguron, Ravier et Gehin, membres du
conseil municipal, à Paris, pour inviter
officiellement le président de la Républi-
que à visiter la ville de Brest.
Une délégation des négociants de Brest
et de l'arrondissement de Brest compre-
nant MM. Paillet, président du syndicat
du commerce ; MarfiUe, président du tri-
bunal de commerce; Lejeune, conseiller
général du 20 canton de Brest; Lullien,
négociant, chargée de faire l'invitation à M.
Félix Faure au nom du commerce brestois,
se rendra également à Paris.
-—- Certains journaux publient, sur le
prochain voyage du président de la Répu-
blique dans le Midi, des détails inexacts ou
tout au moins prématurés.
Le programme de ce déplacement ne
sera définitivement arrêté qu'après le re-
tour à Paris de l'officier de la maison mili-
taire qui est allé en régler sur place les
dispositions préalables.
Il est toutefois certain que le président
de la République visitera les hôpitaux, sui-
vant son habitude, et notamment l'hôpital
spécial de Toulon, où sont soignés les ra-
patriés de Madagascar.
- Le Diable boiteux annonce la mise
à la retraite de M. Pingard, secrétaire de
l'Institut et désigne son successeur qui se-
rait M. Capelle, rédacteur au Gaulois.
,-,-.rv- Le conseil municipal de Fontaine-
bleau s'est ému de l'intention qu'a le gou-
vernement de retirer du palais des tapisse-
ries. tentures et meubles qui seraient en-
voyés à Moscou pour décorer les hôtels
qui viennent d'y être loués à l'occasion du
couronnement du tsart
Il a chargé le maire de protester contre
ces nouveaux enlèvements d'objets d'art,
et il a prié le sénateur et le député de plai-
der la cause de la ville auprès de l'autorité
compétente.
- Les employés des postes, anciens
militaires, ont fêté hier par un punch le
vote des Chambres leur accordant pour
l'avancement le bénéfice de la moitié du
temps passé sous les drapeaux.
- A l'Ecole des chartes :
Sont nommés archivistes-paléographes
dans l'ordre de mérite suivant :
MM. Poute de Puybaudet (Edmond-Guy-
Marie), Thiollier (Noël-Auguste-Emma-
nuel), Trouillard (Guy-Jules-Marie-Louis),
Maruéjouls (Pierre-Laurent-Frédéric).
Sont nommés archivistes-paléographes
hors rang :
MM. Jacob (Louis-Marie-Omer-Arthur),
Le Bègue de Germiny (Melchior-Ghis-
lain-Maxime), Saint-Jolin de Crèvecœur
(Paul-Lionel).
- Samedi 7 mars, la Caisse de re-
traites des officiers de réserve et de l'armée
territoriale, qui a pour président M. Mar-
tini, contrôleur général, donnera son
deuxième grand bal annuel dans les salons
de l'hôtel Continental.
Le prix d'entrée est fixé à 10 francs.
On trouve des billets au Cercle militaire,
aux agences de théâtre, au siège de la so-
ciété, 40, rue Laffitte et dans les bureaux
de tous les journaux militaires.
- M. Cavaignac a envoyé aux préfets
l'instruction annuelle pour l'admission au
Prytanée militaire en 1896.
Aucune des dispositions générales n'est
changée.
Les examens sont fixés au 29 et 30 juin.
- On sait à présent quelles sont les
intentions de M. Baïhaut, au cas où sa
mise en liberté serait décidée.
L'ancien ministre des travaux publics
aurait déjà trouvé un poste d'ingénieur
dans une grande entreprise coloniale. Son
désir est de s'expatrier pendant plusieurs
années, puis de rentrer plus tard en France
pour demander aux tribunaux sa réhabili-
tation.
Mme Baïhaut, dont le dévouement ne
s'est pas démenti un jour, aurait, dit-on,
vivement insisté pour suivre son mari dans
cet exil volontaire; mais M. Baïhajt se
refuse à ce sacrifice.
- A la suite d'une polémique provo-
quée par l'élection sénatoriale qui a lieu
aujourd'hui dans le Var pour pourvoir au
remplacement de M. Magnier, le directeur
du Petit Var, M. Emile Roques, qui sou-
tient la candidature de M. Gairard, con-
seiller général, se trouvant injurié par un
article de la République du Var, qui sou-
tient la candidature du docteur Gensoilen,
président du conseil général, a envoyé ses
témoins au directeur de ce journal, M.
Louis Roure.
Une rencontre à l'épie a eu lieu hier
matin,
A la première reprise, M. Emile Roques
a reçu à l'avant-bras droit une blèssure
pénétrante qui a mis fin au combat.
- Tunis, le fameux cheval noir du
général Boulanger, vient de mourir.
D'avatar en avatar, le cheval noir était
allé prendre sa retraite chez un riche
propriétaire éleveur de Warloy-Baillon
(Somme).
Ces jours derniers, les dépendances du
château furent détruites par un incendie
qui causa pour cent mille francs de pertes,
dont dix mille au moins en bétail.
Le pauvre Tunis périt au milieu des
flammes.
Pauvre grand cheval du triomphe !
A L'ETRANGER
-- En Espagne, la mort de l'amiral
Montojo donne lieu à un curieux in-
cident.
Le prince de Monaco, ayant servi dans
la marine de guerre espagnole lorsqu'il
était prince héritier, figurait depuis sur les
cadres.
Par suite de la mort de l'amiral, il de-
vait être promu à un grade supérieur. Mais
le gouvernement, ne pouvant utiliser ses
services dans le cadre actif, a décidé de le
nommer, dans le cadre de réserve, capi-
taine de vaisseau de première classe, grade
équivalant dans l'armée de terre à celui de
général de brigade. -.
- Un ami de l'instruction :
M. Eulogio Georgieff, riche banquier
bulgare, établi à Bucharest et député à la
Sobranié de Philippopoli, a fait don de
800,000 francs au gouvernement pour l'ins-
titution d'une université à Sofia.
En outre, le généreux donateur a cédé
un terrain de 10,000 mètres carrés, sur le-
quel sera édifié le bâtiment.
.—~ Le sorcier de Longo-Park :
M. Edison a découvert, paraît-il, un
moyen de donner à l'aluminium la pureté,
la consistance et les qualités de l'acier.
.,.,., Où s'arrêtera l'indiscrétion des
rayons cathodiques ?
Un savant américain, le docteur Carleton-
Simon, ancien élève de Charcot, vient pa-
raît-il d'inventer un procédé qui lui a per-
mis de photographier son propre cer-
veau.
A Brugf*, en creusant une tranchée
pour construire un égout, on a mis au jour
une série de caveaux mortuaires dont les
parois sont ornées de peintures faites di-
rectement sur la maçonnerie : Dieu le père
levant la main pour bénir la Vierge et l'en-
fant Jésus, saint Jean, un évêque, utf ange
aux ailes déployées, des croix, des flam-
beaux, etc.
Les tombes paraissent être du quinzième
siècle.
Le Passant.
LES PETITS SALONS
Et la peinture montait toujours 1. Chef
Georges Petit, dans le salon qui prend jour
sur la rue Godot-de-Mauroi, Maurice Bom-
pard expose une trentaine de tableaux qu'il
a rapportés de Venise et d'Algérie.
Bompard est un de nos orientalistes les
plus en vue. Depuis nombre d'années, il
s'est exilé de France, n'y faisant que de
courtes apparitions, pour aller vivre aux
pays de la lumière et du soleil. C'est un
travailleur, un consciencieux, qui ne be-
sogne que sur le terrain. Sa palette s'y est
éclaircie, vaporisée. Il voit clair et gai. Sur
ses toiles lumineuses, baignées d'air ruti-
lant, les ombres sont bleues et violettes.
Sa Venise est rose. Musset la voyait
rouge. Pour Ziem elle est flamboyante et
John Sergent Va peinte délicieusement grise
comme Edouard Manet, qui l'a célébrée en
quelques magistrales ébauches. A qui s'en
rapporter? Que penser de ces multiples vi-
sions ? Sinon que la reine de l'Adriatique
est terriblement changeante?
C'est surtout le matin, à l'aube, que
Maurice Bompard l'a surprise, par delà les
lagunes, encore mi-voilée de gazes lfottantes
où transparaît son profil rose. Il est aussi
entré dans son intimité, dans ses églises, à
Saint-Marc dont il a peint la chaire et l'au-
tel' dans ses rues, sur ses places, égayées
de scènes populaires, sur ses canaux, dans
ses ateliers, où Marbriers et Perlières sont
à l'ouvrage.
Puis nous voilà sur le sol africain, au
milieu des scènes de la vie arabe, sur le mar-
ché de Biskra, devant les oasis et les bois
de palmiers, aux confins du désert. Ici le
pinceau du peintre s'avive. Le coloris devient
plus ardent, la lumière plus intense, l'hori-
zon plus vaste, l'ombre plus rare et plvs
courte. L'Aumône, l'Entrée du vieux
Chetma, l'Intérieur de mosquée avec mu-
sulmans en prière, le Défilé de marchands
arabes, en route pour le marché de Biskra,
sont des tableaux achevés, qui nous initient
aux moeurs et aux coutumes de ces peuples
nomades; et des études comme ce lever de
lune, toute blanche, sur les montagnes en-
core empourprées de l'Amar, comme ce cou-
eher de soleil cramoisi sous un incendie de
nuages f umants, nous donnent la caracté-
ristique de cette nature qui n'est que lumière
et couleurs.
En sortant de l'exposition Bompard, on
trouvera dans la petite galerie, à gauche,
une très remarquable exposition d'aqua-
relles — marines et paysages — clairement
et franchement enlevée, par William
Thornley. L'artiste est allé !!tM peu partout, {
en Normandie, en Provence, dans tes Vos-
ges, en Suisse, en Italie, apportant ainsi
beaucoup de variété dans son exhibition. La
Pointe du Cap Béar, une Ferme à Osny,
Intérieur d'église, Paysage dau. l'Eure,
m'ont plu tout particulièrement. Devant ces
aquatelles, si vivement et si fraîchement
lavées, on pense à Harpignies.
Armand Guillanmin, qui se rattache à
VécoU néo-rMnU 411 çfonfo Monet et
des Pissaro, expose également une série de
marines et de paysages, à la galerie Du-
rand-Ruel. Peinture lourde et massive, où
les arbres, les terrains, les vagues, les ro-
chers, apparaissent barbarement dessinés,
mais puissante quand même, évoquant sai-
nement - et largement - la nature.
Enfin, chei Pierre Morel, à la galerie des
Arts-Réunis, exposition par M. de La Vil-
léon d'une quarantaine de toiles prises pour
la plupart à la\ lisière et dans le fona des
bois. Bois au printemps et à l'automne,
sous les neiges de l'hiver et les frondaisons
estivales, nous sommes en plein pays fores-
tier. La vision en est claire et jolie, trop
jolie même. C'est le contraire de M. Guil-
laumin. Il semble que M. de la Villéon ait
enjolive ses tableaux. Et puis ses arbres,
pour élégants et légers qu'ils soient, man-
quent de caractère. Leur ramure est trop
sommairement indiquée, leurs branches ne
s'enmanchent pas, ne se relient pas. On
n'en distingue pas l'essence. Ce sont des
arbres quelconques. Qu'on regarde son
Allée en avril, pourtant si poétiquement
charmante; les arbres fleuris qui la bordent
n'ont pas de marque. bi poiriers, ni pom-
miers : une double ligne de rameaux de
fleurs enchevêtrés. Une autre fois, le peintre
se montrera plus précis.
CHARLES FRÉMINE.
.4>
CHRONIQUE
Par PAUL GINISTY
Dans notre aimable Midi, rien ne se
passe comme ailleurs. C'est ainsi que
les fêtes du Centenaire de la réunion de
Nice à la France auront lieu deux ans
après l'anniversaire exact. Vous verrez
qu'elles n'en seront pas moins pleines
d'un bel entrain.
Le programme du voyage présiden-
tiel comporte une foule d'inaugurations
de monuments commémoratifs, et, en-
tre autres, une de ces solennités à Men-
ton qui, la dernière entrée dans la fa-
mille française, est quelque chose
comme la Benjamine de nos villas. Et
Menton s'est bien donnée de bon cœur
à la France : il se faut rappeler que, au
moment du traité de 1860 elle était cité
indépendante, ayait fait, deux ans au-
paravant, sa petite révolution.
Le passage de M. Félix Faure coïnci-
dera précisément avec cet autre anni-
versaire, auquel on n'avait pas pensé,
sans doute, - celui de son insurrection
victorieuse contre la « tyrannie » moné-1
gasque.
Oh! l'histoire de cette « révolution »
qui coûta au prince de Monaco, Flores-
tan 1er, la moitié de ses Etats ! L'exi-
guité du cadre donne, quoi qu'on fasse,
quelque chose d'amusant à ce soulève-
ment, encore qu'il ait mis en jeu des
passions aussi vives que celles qui se
pouvaient agiter sur une plus vaste
scène. Mais le moyen d'offrir à la pos-
térité des évènements héroïques, quand
il s'agit des divisions d'un si petit pays !
N'importe 1 on eut la tête joliment
près du bonnet, à Menton, au lende-
main de 48, qui déjà avait eu sa réper-
cussion sur la petite principauté de
Neuchâtel. Il y eut là un certain Char-
les Trenca, qui se transforma en tribun
et qui ne manqua pas de crânerie,
Rienzi au petit pied. La muse Clio eut
tant à faire, en ce siècle, qu'elle oublia
de recueillir pour l'avenir ses mots mé-
morables; mais soyez persuadés qu'il
en eut.
Menton avait d'ailleurs de vieux griefs
contre Monaco et, même au temps où,
pendant la Révolution, Monaco s'était
mis èn République, Menton avait exigé
que cette République, contenant six
mille habitants, fût « fédérative ». Un
peu plus tard, Roquebrune, ce village
haut perché, avait même voulu se sé-
parer de Menton. Ce n'est pas, voyez-
vous, à l'étendue des pays qu'on me-
vous, l'intensité des violences de senti-
sure
ments!
En 48, Menton, bouleversée par l'écho
des nouvelles de Paris, se révolta car-
rément contre son souverain. Menton
demanda au prince Florestan une cons-
titution. Ah mais! Il y avait une cer-
taine aventure de moulins perfection-
nés, dont se défiaient les Mentonais,
qui avait mis le feu aux poudres. Il
leur fallait un grand homme : Trenca
fut ce grand homme. En ce temps-là,
on ne craignait point que l'opérette
vous guettât. Il fut superbe 1
Qui dira congtùment les fastes de
cette Révolution, sous un ciel trop bleu
et trop pur, sous un climat trop cares-
sant pour que, de part et d'autre, on
songeât sérieusement à se faire beau-
coup de mal? Au fond, c'était peut-être
un spectacle nouveau que l'on se don-
nait.
L'affaire commença par l'expulsion
du « gouverneur », car Monaco avait
un gouverneur à Menton. Ce haut fonc-
tionnaire, ayant l'avantage de pouvoir
regagner promptement la capitale, y
arriva tout essoufflé, et là, sans doute,
se réédita le dialogue fameux :
— C'est une émeute.
— Non, altesse, c'est une révolution !
Le prince dépêcha son fils à Menton.
Charmante courtoisie du Midi expli-
quant des évènements qui, autrement,
sembleraient un peu contradictoires.
On porta l'envoyé princier en triomphe,
on lui fit fête, mais un le renvoya, sans
l'avoir écouté, sans que rien se fût ar-
rangé. Menton, bien qu'avec gentil-
lesse, entendait secouer le joug sécu-
laire !
Trenca forme un gouvernement pro-
visoire, organise une garde nationale,
harangue — oh ! avec quelle facilité il
le dut haranguer ! — le peuple, frémis-
sant ; et, fièrement, Menton se déclare
« ville libre », et notifie son émancipa-
tion aux puissances. Nouveau voyage
du prince héritier à Menton. Mais, cette
fois, tout porteur qu'il soit de proposir
tions de reformes, Trenca lui répoIid1
avec un geste magnifique : J
- Il est trop tard I w.,,¿. "• I(.
Menton a conscience de ses droits, et
entend s'administrer elle-même. Un
souffle belliqueux a passé sur la villes
bien que le saag n'ait pas coulé. Et
voici que les Mentonais, ne doutant
plus de rien, s'avancent même, en co
hortes serrées, quoique forcément peu
nombreuses, sur la capitale, - histoire
de l'intimider un peu. — La vérité est
que l'escalade du rocher sur lequel s'é<
lève Monaco leur semble un peu diffîv
cile et qu'ils renoncent à leur projet d&
s'en emparer. Mais, dans le Midi, on
n estjamais embarrassé.
- Eh bien? demande un étranger, un
peu narquois, qui les voit se retirer,
après un moment d'hésitation. -
- Eh bien, lui répoud-on avec séré-
nité, nous voulions faire une démons.
tration : elle est faite.
N'empêche que ce ne soit là la page
affligeante des annales de Monaco.
Mais, dans ce beau pays, peut-on avoir
les rancunes longues? Le temps a
pansé les blessures d'amour-propra
des Grimaldi, auxquels la maison de
jeu allait offrir d'amples compensa-
tions.
Menton, ville libre, se conduit sage-
ment, d'ailleurs, tant que les têtes se
soient échauffées, et déjoue certains
pièges de la Sardaigne tentant de pê-
cher en eau trouble. 11 y a une curieuse
aventure de plébiscite, conduit par les
Italiens, avec une belle effronterie, qui
ne leur sert à rien. Menton tient à diri-
ger ses destinées sans le secours d'au
trui.
Mais voici l'heure dramatique. Quand
on règne sur des Etats de proportions
aussi modestes, il est dur de s'en voir
arracher la moitié, et le fils du prince
Florestan prend malaisément son parti.
Les enseignements de l'histoire attes-
tent que l'audace a réussi, souventt
aux souverains : lui aussi, il sera au-
dacieux, et il reconquerra la cité re-
belle. Redoutable entreprise, cepen-
dant! Tel Galeas Sforza dans Milan*
naguère, il se jette dans Menton : son
armée, qui compte bien soixante-dix
hommes, est t'rête à l'appuyer. Le
prince tire l'épée, appelle à lui ses par-
tisans, marche sur l'hôtel de ville.
mais s'aperçoit bientôt qu'il marché
seul, ce qui est vraiment une escorte
insuffisante, est arrêté, et connaît
quatre jours durant, les « horreurs *
d'une captivité durant laquelle il fait
d'amères réflexions sur l'ingratitude
de « ses » peuples! Comble d'ironieï
l'Europe, qui a, alors, de bien autres
préoccupations, reste même assez in*
différente, tant qu'il souffre pour la
cause monarchique, à ses infortunes 1
Mais Menton ne sera plus jamais mo-
négasque, et, en 1860, elle se jette dans
les bras de la France. Le monument
qu'elle va inaugurer prouve qu'elle s'y
plait.
N'importe ! ce fut une fière révolution
que sa révolution contre Monaco! Ahl
les bonnes révolutions que celles oû,
le parfum des orangers flottant dans
l'air, on trouve la vie trop douce pous
aller jusqu'à s'entretuer 1
PAUL GINISTY. f
Demain la Vie de Paris par M. Henry
Fouquier.
LE THÉATRE D'ORANGE
Le président de la République a reçu hier
une délégation de la commission officielle
du théâtre antique d'orange. M. Edouard'
Lockroy, en sa qualité de président de lar
sous-commission littéraire, a présenté à M.
Félix Faure M. Capty, maire d Orange, MMî;
Maurice Faure, Ducos, Pourcruery de Bois..
serin, députés; Guérin, Taulier, sénateurs?
Jules Claretie, Gaithard, Bertrand, Eugène
Lintilhac, Mounet-Suily, Albert Tournier,
Sextius Michel, Louis iissier, Charles For-
mentin, Théodore Reinach, etc., etc.
Après avoir chaleureusement félicité la
commission de son œuvre qu'il a qualifiée,
de nationale, le président de la République
a déclaré qu'il était vraiment heureux d'y
collaborer et de la sanctionner en acceptant
de tout cœur l'invitation qui lui était faite.
Conformément au programme soumis à
M. Félix Faure, les fêtes débuteront le 9
août à Valence, d'où le président de la Ré-
publique se rendra en descendant le Rhône,
à Avignon.
De fà, il viendra les 8 et 9 août à Orange.
pour goûter, a-t-il dit, le double plaisir de sa
mettre en contact avec les nobles popula-
tions de la vallée du Rhône et d'assister à
une manifestation qui symbolise si éloquem-,
ment l'étroite parenté de l'art français et du
génie antique.
Les Obsèqnes d'Ambroise Thomas
AU CONSERVATOIRE
Les obsèques d'Ambroise Thomas ont été
célébrées hier matin au milieu d'una al*
fluence considérable. ,.
Dès dix heures et demie, les invités com-
mençaient à arriver au Conservatoire. Suc-
cessivement, les uns après les autres, ils
ont défilé dans la chapelle ardente où depuis
le lendemain de son décès le maître repo-
sait. Puis vers onze heures, le cercueil a été
transporté du vestibule sur un catafalque
dressé au milieu de la grande cour, et làL
au milieu du silence ému et respectueux do
tous, M. Bourgault-Ducou iray a adressé
les adieux des professeurs et des élèves du
Conservatoire à leur vénéré directeur.
La levée du corps a eu lieu aussitôt après
cette allocution, et la bière, placée sur un
char de lre classe, a été recouverte de l'habit,
de l'épée et du grand-cordun de la Légion
d'honneur du défunt. -
Aux angles du corbillard s'inclinaient des
faisceaux de drapeaux tricolores, rcliôs entre .,
eux par des cravates de crôpe. Au dessus,
se balançaient cinq panaches noirs.
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