Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1896-02-23
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 23 février 1896 23 février 1896
Description : 1896/02/23 (N9480). 1896/02/23 (N9480).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2013
tJI NO O E 3tf T I M12 tS le 3STumôro;
P A RI S§E Tf DÉPARYEM Ê N T S
Le Numéro, CINQ CENTIMES
ArONCES
AUX BDRKAUX DU JOURNAL
131, rue Montmartre, 131
Et chez MM. LAGRANGE, CERF & O
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RÉDACTION s 131, me Montmartre, 131
De 4 b 8 heures du soir et de 10 Mures du soir à 1 heure du matin
Wo 9480. — Dimanche 23 Février 1886
5 VENTOSE AN 104
ADMINISTRATION s 131, rue Montmartre, 131
Adresser lettres et mandats h l'Admnistratew
NOS LEADERS
AU LUXEMBOURG
La capitulation est signée. Signée
par M. Demôle. Contresignée par le
Sénat. Signée et contresignée avec
cette condition spéciale : sans les hon-
neurs de la guerre.
Ah! ce Sénat! Cette assemblée in-
traitable ! Cette réunion de héros,
mûrs, mais farouches! Ce bataillon de
burgraves! Cet essaim de blanches in-
trépidités qui avaient sauvé le Capi-
tole! Cette troupe de vieillards invin-
cibles, qui, nous disait-on (je n'ai ja-
mais su pourquoi), avait détruit le
boulangisme (auquel la plupart au-
raient d'ailleurs été demander eux-
mêmes un fauteuil de pair de France,
s'il eût été le plus fort)! Ah ! le dernier
recours de l'ordre social, l'immortelle
* vieille garde ».
La garde, espoir suprême et suprême pensée!
Oui, il était bien vrai que l'hydre de
l'anarchie faisait des siennes, et que
le cabinet avait pour cet animal dan-
gereux de lâches complaisances. Mais
le Sénat était là ; un Sénat de marbre ;
un Sénat d'airain. On pouvait le mas-
sacrer sur ses chaises curules ; mais le
faire reculer, jamais ! Et qu'arriverait-
il? On s'interrogeait; on scrutait toutes
les hypothèses. Il se mettrait en grève,
lui qui ne veut pas que les autres s'y
mettent. Il tirerait ce qui lui reste de
tonnerre. Il serait inflexible. Il serait
terrible. On se jetait dans les crises les
plus graves. Et quelle était l'issue?
Comment sortir delà? Par quel moyen
résister au Sénat? Quelles tempetes
déchaînerait-il? Fort de ses droits
(ceux - du suffrage restreint), il allait
nous loudroyer !
Nous disions bien : « Assurément,
ces braves gens font grand tapage.
Mais est-ce de la colère ? Est-ce une
simple quinte de toux ? Nous con-
naissons ces braves. Ils n'ont jamais
eu d'autres convictionsque celles qu'ils
trahissent en ce moment. Chagrins et
hargneux, soit, ils le sont formidable-
ment. Ils n'ont que cela de formidable.
Au fond, ils ne demandent que le re-
pos. Ils en ont tant besoin ! S'ils se
fâchent, c'est qu'on a menacé la seule
institution à laquelle ils tiennent en-
core, le coussin de leur siège. Qu'on
marche sur eux et vous verrez une belle
panique! Juste celle que le boulan-
gisme aurait vue s'il l'avait emporté.
ils sont trop décatis pour se compro-
mettre. » Nous le disions : c'est fait.
**
Ce Sénat est vraiment prodigieux. 11
est entendu qu'il défend « ses droits ».
Il a renversé le ministère. Donc le mi-
nistère est tombé : la prérogative du
Sénat le voulait ainsi. Et après avoir
renversé le ministère, quel est son pre-
mier soin? C'est de dire à ses amis de
la Chambre : « Jetez-le donc un peu
par terre, pour qu'il y soit ! » Etil peut
si peu mettre un cabinet à bas, que
sitôt qu'il a procédé (en imagination)
- à - cette opération inoffensive, tous ses
amis de la Chambre essayent de la re-
commencer pour leur compte, à sa
prière, comme si rien ne s'était passé !
Ils obtiennent un four mémorable.
Le bouillant Barthou et le subtil Poin-
caré se compromettent en vain. La
jeunesse (hélas ! déjà bien vieillie)
n'ayant pas réussi, les anciens don-
nent. M. Ribot consacre à la cause
sainte les restes « d'une ardeur qui
tombe et d'une voix qui bafouille »,
comme disait feu Bossuet. On fait don-
ner les réserves; ceux qui, par peur
des électeurs, se disaient ministériels,
lèvent le masque et trahissent, ou leur
haine secrète, ou la rancune de leurs
ambitions déçues, ou leur répugnance
pour certaines recherches judiciaires.
A la voix du Sénat, tout ce qu'on peut
grouper contre le cabinet appuyé par
les radicaux renonce à ses hypocrisies
de la veille pour tenter un suprême
effort. Ils sont battus. Battus par qua-
rante-cinq voix. C'est un chiffre.
Et alors, on cherche le Sénat. Où
est-il? Il n'y en a plus. Il est intrépide,
assurément. Mais il est aussi réfléchi
qu'intrépide. Le moment est venu de
s'éclipser : il s'éclipse. Si au moins il
le faisait avec quelque habileté ! Mais
point : il souligne sa déroute. Et dans
une séance d'une incomparable bouf-
fonnerie, il déclare : primo, qu'il a
renversé le ministère, qu'en le faisant
il a usé d'un droit incontestable, que
par conséquent il n'y a plus de gou-
vernement qui ait le droit de fonc-
tionner, à moins de violer les règles de
la Constitution, et par suite d'accom-
plir un acte véritablement insurrec-
tionnel ; secundo, qu'il n'insiste pas
sur cette considération qui, paraît-il,
est secondaire, et qu'il continuera à
vivre avec le ministère actuel comme
si de rien n'était.
**#
Il eût mieux valu s'aplatir sans
phrases: C'eût été moins piteux. Et qui
onc lit cette belle déclaration 1. Qui
«ela?. M. Demôle lui-même. Oui, M.
Demôle en personne qui avait annoncé
les résolutions de venger les préroga-
tives de la Haute Assemblée !
Alors se produit une scène inénarra-
ble de comédie. Il se trouve sur les
bancs de la Chambre du Luxembourg,
pour refuser de capituler. combien de
gens? Trente? Vous plaisantez. Vingt?
Vous insultez le Sénat. Dix? Vous n'y
êtes pas. Cinq? Allons donc! à quoi
songez-vous? Deux? Voyons donc! Ce
serait invraisemblable 1 Il s'en trouve
un!
Il s'en trouve un, selon le mot du
poète : « S'il n'en reste qu'un, je serai
celui-là! » Il s'en trouve un qui a droit
à l'immortalité. Inscrivons-le dans les
fastes de l'histoire. Il s'appelle. atten-
dez un peu. Du diable si je puis me
souvenir de son nom! C'est quelque
chose comme Hasard ou comme Ti-
- - -.
rard, je ne sais plus au juste. Peut-ètre
bien Touzard, ou Trezard. Peu im-
porte. Il paraît qu'il y avait un séna-
teur de ce nom (ou à peu près), dont
on n'avait jamais entendu parler. Il se
lève; il veut défendre les droits sacrés
de la Haute Assemblée. Aussitôt, des
cris furieux couvrent sa voix : « Clô-
ture! clôture! Taisez-vous! » Et c'est
l'intraitable Demôle lui-même qui lui
lance ce cri du cœur :
« Mais descendez donc de la tri-
bune, et laissez donc voter ! »
Noble assemblée, qui dans ce jour
d'épreuve suprême, n'a éprouvé qu'un
sentiment : la peur bleue qu'un des
siens ne la mît en présence de la pré-
tention qu'elle désertait.
II. (par ce mot : il, j'entends le fa-
meux Touzart, ou Hasard, ou Trézard,
ou Tirard, voyez l'Officiel).,. Il ne se fit
pas prier. Et le Sénat capitula.
C'est bien : mais ce n'est pas fini. Il
a donné sa mesure ; il a donné au
pays un avertissement salutaire ; im-
puissant pour renverser le gouverne-
ment, il garde les moyens de faire
avorter toutes les réformes. On en re-
parlera en France.
CAMILLE PELLETAN.
Nous publierons demain un article
de M. Lueien Victor-Meunier
LA GAUCHE DÉMOCRATmUE DU SÉMAT
Le groupe de la gauche démocratique du
Sénat s'est réuni hier avant la séance.
Il a approuvé et applaudi :
1° La démarche faite par son bureau au-
près du président du conseil et après la
séance du 15 février courant pour engager
le ministère à conserver le pouvoir, malgré
les provocations des réactionnaires du Sé-
nat ;
2° La déclaration rédigée et signée par les
membres de son bureau, déclaration que
nous avons publiée et qui assurait M. Bour-
geois et ses collaborateurs qu'ils pouvaient
compter sur la gauche démocratique du
Luxembourg.
L'attitude républicaine prise par la gauche
démocratique au cours du conflit qui vient
de se terminer est restée la môme pendant
la séance d'hier. Tous les membres du
groupe ont, en effet, applaudi avec vigueur,
les quelques mots par lesquels M. Bourgeois
a répondu à la déclaration de M* Demôle.
.————————————
LES FÈTES D'ORANGE
La commission chargée d'organiser les
fêtes d'Orange s'est réunie hier au ministère
des beaux-arts, sous la présidence de M.
H. Roujon.
Après avoir décidé la périodicité des re-
présentations, qui tous les deux ans seront
aonnées alternativement par la Comédie-
Française et par l'Opéra, la commission a
chargé MM. Bertrand et Gailhard d'étudier
l'organisation d'une œuvre lyrique en rap-
port avec le caractère spécial du théâtre
d'Orange et dont les grandes lignes lui se-
ront soumises.
M. Mounet-Sully, pour conserver aux ma-
nifestations artistiques leur physionomie
antique, a demandé que, suivant l'usage
grec-romain, les représentations eussent lieu
avant le coucher du soleil.
M. Formigé, architecte des monuments
historiques, a été prié de présenter un pro-
jet de vélarium.
Sur les observations de MM. Capty, maire
d'Orange, et AbelTournier, M. Maurice Faure,
rapporteur du budget des beaux-arts et de
la commission du budget, a affirmé les in-
tentions du Parlement d'encourager les es-
sais de décentralisation artistique.
Dès maintenant, il a été décidé que les
représentations pour 1896 seront les sui-
vantes :
(Samedi 8 août) Horace, précédé d'un pro-
logue avec chœurs et musique.
(Dimanche 9 août) Antigone.
Le jeudi suivant, les félibres et les ciga-
liers offriront en représentation libre la Reine
Jeanne, de Mistral.
Aujourd'hui, le président de la Républiqus
recevra les membres de la commission qui
lui exposeront le programme des fêtes
d'Orange qu'il a promis de présider.
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L'ILE DE LA FOLIE
Tandis que le Brésil et l'Angleterre se
préparent, peut-être, à recourir à l'arbitrage
ou au canon, cette ultima ratio, au sujet de
la souveraineté de l'ile de la Trinidad, un
conflit du même genre s'élève aux portes da
Paris.
La commune de Boulogne et la ville de
Paris sont, depuis quelques années, en litige
au sujet d'une île et le tribunal de première
instance sera prochainement appelé à tran-
cher cette question de suzeraineté territo-
riale.
Il s'agit de l'ile de la Folie, située à quel-
ques mètres en aval du pont de Suresnes.
Tant que l'île a été inoccupée, la commune
de Boulogne n'a élevé aucune revendication;
mais depuis que le navire de la ville de
Paris y a jeté l'ancre et y a planté son éten-
dard mi-parti bleu et rouge, la commune
s'est émue. Elle soutient que la cession du
bois de Boulogne à la ville de Paris ne com-
prenait que la rive droite de la rivière et que
l'île n'a pas été aliénée, pas plus que l'ile voi-
sine de Puteaux.
La ville de Paris a loué les deux tiers de
l'îlot à un restaurateur.
Le Cassenr de carreaux de I de Bari
Sitôt pris, sitôt. condamné.
M. Seurat, le casseur de carreaux ordi-
naire de M. le comte de Bari, comparaîtra
aujourd'hui, samedi, devant la 9e chambre
correctionnelle, sous l'inculpation de bris de
clôture.
M. Seurat sera expédié dans une fournée
de flagrants délits.
M. le comte de Bari ne sera pas entendu
comme témoin.
-
LES ON-DIT
CARNET QUOTIDIEN :
Obsèques d'Ambroise Thomas.
— Au Théâtre Mondain, première de Noblesse
du jour.
— Durée du jour : Il h. 41 m.
AU JOUR LE JOUR
J'avais bien raisonde l'annoncer hier :
Le Sénat a capitulé sans même com-
battre, car la déclaration de M. Demôle
n'a été qu'une précaution pour assurer
la retraite. Et M. Bourgeois n'a eu qu'à
dire un mot pour donner au débat sa
véritable signification : « On parle de
provocation, elle n'est ni dans nos in-
tentions ni dans les faits ». Après quoi
la déroute, que dis-je? la débandade a
commencé.
Voilà donc le terrain déblayé devant
le cabinet et le conflit terminé. Ce se-
rait, pourtant, une grosse faute politi-
que que commettraient le gouvernement
et le parti démocrate s'ils se conten-
taient de cette seule satisfaction, à sa-
voir que les provocateurs ont rengainé
leur provocation. Plus que jamais, il
faut préparer la revision, réclamer la
suppression du Sénat et revendiquer
une Chambre unique. Est-ce que la
preuve n'est pas faite de façon éclatante
de cette opinion, soutenue par tous les
républicains, que le Sénat est hostile,
absolument hostile, à la politique des
réformes ?
Mais la Chambre et le gouvernement,
avec lesquels le pays tout entier marche
maintenant, ont encore autre chose à
faire.
Puisque le Sénat boude et manifeste
quelques velléités de faire systémati-
quement de l'opposition au ministère,
la Chambre doit s'attendre à voir ses
décidions faire longtemps antichambre
au Luxembourg. Qu'elle s'ajourne donc
au mois de mai,après s'être prononcée
sur l'Exposition et la convention du
Siam, et ies projets de loi urgents de
manière que les élections municipales
se fassent normalement, sans secousses
sur cette plate-forme : la revision.
Quant au cabinet, qui est aujourd'hui
bien consolidé et peut aller de l'avant,
son premier devoir est de songer à ces
élections municipales auxquelles il pré-
sidera. De quoi, il résulte que le mo-
ment est venu pour lui de remplacer
partout, dans l'administration préfecto-
rale, dans la magistrature debout, dans
les finances, etc,, les fonctionnaires de
la réaction par de vrais républicains
sur lesquels il pourra compter. Est-ce
trop demander à des hommes qui ont
démontré qu'ils étaient animés du seul
amour de la démocratie ?
CHEZ NOUS
r- Les obsèques d'Ambroise Thomas :
Hier matin, le corps a été transporté au
Conservatoire, dans le grand vestibule de
la salle des Concerts transformée en cha-
pelle ardente, et le public a été admis à
défiler devant le cercueil à partir de onze
heures.
La décoration funèbre, toute en grandes
draperies noires constellées et frangées
d'argent était d'un grand effet. Partout des
couronnes et des palmes.
Le dais du catafalque était pavoisé de
drapeaux en deuil.
Voici la liste des discours qui seront pro-
noncés aujourd'hui, pendant la cérémonie.
M. Combes parlera au nom du gouverne-
ment ; M. Bonnat, au nom de l'Académie
des beaux-arts ; M. Massenet, au nom de
la Société des compositeurs ; M. Bour-
gault-Ducoudray, au nom du Conserva-
toire ; M. Gailhard, au nom de l'Opéra ;
M. Carvalho, au nom de l'Opéra-Comique;
M. Mézières, au nom des habitants de
Metz.
Si M. Combes ne peut assister aux obsè-
ques, il se fera représenter par M. Roujon.
- Le général Duchesne, qui a quitté
Marseille hier soir, arrive à Paris aujour-
d'hui, de huit à neuf heures du matin.
r-.r-.o. Le président de la République a
reçu hier, à cinq heures, le bureau de
l'Académie française.,
r--rvv Nous avons annoncé hier qu'à la
suite d'un incident de séance, M. Léon
Bourgeois avait envoyé deux de ses amis,
MM. Ca-vaignac et Doumer, à M. Poincaré
et que celui-ci avait désigné pour le repré-
senter MM. Henri Lavertujon et Georges
Cochery.
Après examen du compte-tendu sténo-
graphique du débat, les quatre témoins ont
reconnu d'un commun accord que l'affaire
ne comportait aucune suite.
- M. Mesureur, ministre du com-
merce, accompagné de M. Michel Lagrave,
chef de son cabinet, et de M. , Henri Qué-
roy, son secrétaire particulier, a visité
hier, à deux heures, l'Institut commercial.
Il a été reçu par MM. Jules Maumy,
président du conseil d'administration de
l'école; Bernardini, directeur, a la tête du
personnel enseignant.
• £ ,e ministre a visité en détail l'Institut.
Le ministre a remis les palmes d'officier
d'académie à MM. Jules Hollande, admi-
nistrateur trésorier de l'Institut, et Jacques
Bloch, professeur.
-' Le prince Henri d'Orléans et son
compagnon M. Roux sont arrivés hier
matin à Paris. Le bureau de la Société de
géographie s'était rendu à la gare de Lyon
pour recevoir les deux voyageurs.
M. Le Myre de Vilers, vice-président de
la société, et M. Levasseur, au nom de la
Société de géographie commerciale, ont
félicité les explorateurs de leur belle expé-
dition par qui se trouve close définitive-
ment la période des grandes découvertes
dans l'Asie méridionale.
Le prince Henri d'Orléans a remercié en
quelques mots.
-- L'Association des nouvellistes pari-
siens a, dans son assemblée générale tenue
hier, constitué ainsi son bureau :
MM. Georges Quatremain, président,
Félix Barbereau et Georges Grison, vice-
présidents; Maurice Delphin, secrétaire;
Henry Oriol, trésorier: Henri Vandon,
syndic.
Ont été nommés membres du comité :
MM. Lucien Bally, G. Viauld, F. Viauld,
Paul Fontaine, Thinet, Henri Bourgeois.
-- Le bal donné au profit de la caisse
de l'Association amicale des anciens élèves
de l'Ecole centrale aura lieu ce soir à
l'hôtel Continental.
Cette fête se terminera par un splendide
cotillon. Le président de la République a
promis d'honorer le bal de sa présence.
Plusieurs membres du corps diploma-
tique ont également accepté l'invitation
du comité.
-- Les artistes de l'Ame ouvrent à la
Bodiniere une exposition qui durera du
22 février au 13 mars.
Voici les noms de quelques exposants :
C. Schwabe, A. Point, Vollgren, James
Vibert, Gallé, Lévy Dhurmer, etc.
Spiritualistes, à vos lorgnettes!
- L'Union française pour le sauvetage
de l'enfance, dont le président est M. Jules
Simon, a sauvé, depuis sa fondation en
1888. plus de douze cent.; enfants maltrai-
tés et en danger moral. Elle en a actuelle-
ment six cent trois à sa charge, placés dans
des familles ou des établissements spé-
ciaux.
Afin de procurer les ressources néces-
saires à l'entretien et à l'éducation de ses
nombreux pupilles, elle organise une tom-
bola qui sera tirée, dans les salons du mi-
nistère de l'instruction publique, le 29
février prochain.
Le président de la République et les
ministres ont tenu à encourager l'œuvre
entreprise par l'Union française en faisant
don de lots d'une valeur et d'une beauté
exceptionnelles.
On peut se procurer des billets au siège
de la société, 10, rue Pasquier.
Le prix du billet est de 1 franc.
- Qui n'a lu le Train de huit heures
quarante-sept, par Georges Courteline, ce
chef-d'œuvre du roman militaire, ce trésor
de rire et de vérité ?
Le Train de huit heur-es quarante-sept
paraît en livraisons illustrées, et c'est le
bon dessinateur Guillaume qui s'est chargé
de croquer les silhouettes désormais lé-
gendaires du brigadier La Guillaumette et
du chasseur Croquebol.
V" La vache enragée ;
Le comité de la « vachalcade » a fait ap-
poser des affiches annonçant une grande
représentation au profit de son œuvre, au
Trianon-Concert, pour le 27 février.
Les principaux artistes des théàtres et
concerts ont promis leur concours.
Une affiche ultérieure donnera les dé-
tails du programme.
-- Vous vous rappelez la chanson de
la Femme tatouée que détaillait si drôlement
Bonnaire :
Sur Je cubitus
La tête à Paulus,
Et l'portrait d'ma nièce
Sur le gras des. joues!.
Parmi les forçats, dont nous relations
hier l'évasion du bagne de Cayenne, il
en est un dont le signalement se pour-
rait comparer à celui de l'héroïne célébrée
par Bonnaire.
C'est un certain Louis-Marie Jukaie, con-
damné à Poitiers le 18 novembre 1892. Ce
gaillard est tatoué des pieds à la tête. Sur
l'avant-bras gauche, il porte un tombeau
avec cette inscription : « Regrets à mes
parents »; un saule pleureurombrage cette
sépulture. Au poignet gauche il s'est fait
dessiner un bracelet orné d'une ancre, sou-
venir de ses traversées; aux mains des
bagues; à l'avant-bras droit une devise
galante : « Ma pensée à Marie », et comme
symbole und pensée ; au bras gauche une
ancre encore et trois bombes. Le poignet
gauche est décoré d'un bracelet comme le
droit. Sur la poitrine est figuré un couteau
fiché dans la chair en trompe-l'œil, rappe-
lant Inès de las Sierras dansant avec un
poignard dans le cœur. Le pied droit porte
une étoile, avec cette devise : « L'étoile du
malheur »; le pied gauche avec cette ins-
cription : « Marche ou meurs ! »
C'est-à-dire que cen'est plus un homme,
c'est un album à images 1
- Le centenaire de la fourchette :
Entre tous les centenaires @ qu'on pou-
vait célébrer en l'an 1895 où l'on en a cé-
lébré tant, on a oublié celui de l'introduc-
tion en Europe de la fourchette.
C'est en effet il y a neuf siècles, en 995,
qu'une princesse byzantine 1 a inauguré
l'usage de la fourchette, à l'occasion de
son mariage avec le lils du doge Pietro
Orseolo.
La fourchette ne sortit pas de Venise
très vite. Elle mit trois cents ans pour ga-
gner Florence, Ce n'est qu'en 1379 qu'elle
fit son entrée en France, et elle ne pénétra
en Angleterre qu'en 1608.
A L'ETRANGER
La commission chargée de réorga-
niser l'observatoire d'Athènes, réunie sous
la présidence du prince Georges, a discuté
les moyens d'acquisition d'un grand téles-
cope qui pourrait rendre des services con-
sidérables à l'astronomie à cause de la
clarté du ciel de Grèce.
M. Eginitis, directeur de l'observatoire,
compte commander ce télescope en
France.
Le Passant.
UN DISCOURS DE M. LÉON BOURGEOIS
M. Léon Bourgeois, président du conseil,
prononcera dimanche prochain, à Châlons-
sur-Marne, où il préside un banquet, un dis-
cours politique important et qui portera (né-
cessairement sur les évènements actuels.
LE THÉÂTRE AJTOOM
Le Projet Léger - Honnorat
Etes-vous partisan de l'Exposition étendue
à la rive droite de la Seine où êtes-vous
partisan de l'Exposition concentrée sur la
rive gauche ? Je l'ignore et il est à croire que
je l'ignorerai toujours.
Mais que vous soyez pour l' « emprise »
sur les Champs-Elysées, ou que vous soyez
pour-la «concentration » sur le quai d'Orsay,
11 est un fait certain, incontestable, c'est
que vous tenez au succès de l'Exposition,
c'est que vous voulez que 1900 soit digne de
1889,
Or, ne cr oyez-vous pas que ce soit surtout
à la tour Eiffel, à la galerie des Machines,
aux fontaines lumineuses, à la rue du Caire
et autres great attraction, que la dernière
Exposition a dû la plus grande partie de son
succès ? Et s'il en est ainsi, ne trouvez-vous
pas que nous ferions hien d'oublier un peu
la grande querelle Bergdr contre Picard et
Bouge contre Bouvard pour nous occuper
des différents projets qui peuvent le mieux
rehausser le caractère de l'entreprise et lui
servir de « clous ».
Oh! rassurez-vous! Je ne veux vous par-
ler ni du « trou à la terre » de M. Paschal
Grousset, ni de la « mappemonde de cent
mètres» de M. Reclus et de Mme Bressac, ni
de la « lune à un mètre « de M. François
Deloncle. Cela, c'est l'affaire de Georges Vi-
toux et je me garderai bien d'empiéter sur
ses Tablettes.
Mais à côté et en dehors de ces vastes
projets, il en est d'autres, plus modestes
peut-être, mais non moins intéressants, dont
Je puis prétendre sans vanité à dire un mot
en connaissance de cause. Ce sont les projets
qui se rapportent au théâtre, qui tendent,
sous une forme ou sous une autre, à accor-
der une place à l'art théâtral dans l'enceinte
de l'Exposition.
Je sais bien qu'il y a là une question pré-
judicielle qui n'est pas encore tranchée.
Mais qu'importe! le projet qui m'occupe
n'est pas de ceux qui peuvent constituer une
concurrence aux scènes parisiennes, et c'est
sur ce point seulement que porte le débat.
Je puis donc, sans plus tarder, aborder le
sujet et laisser aux auteurs du projet, qui
ne sont autres que mon collaborateur André
Honnorat et M. Charles Léger, le directeur
du Théâtre des Poèles, le soin de développer
eux-mêmes le plan de l'Exposition qu'ils
voudraient organiser en 1900.
« Ce serait une exposition rétrospective et
universelle, permettant au public de suivre,
pas à pas, révolution du théâtre dans tous
les pays et de pénétrer en même temps les
mystères des coulisses. On y trouverait
tour à tour les plans et les maquettes des
principaux théàtres de l'antiquité, ainsi que
la reproduction exacte des plus belles salles
de spectacle du seizième siècle jusqu'à nos
jours. A côté, des personnages montreraient
au public les procédés dont usaient les ac-
teurs, la façon dont ils se maquillaient,
quels étaient leurs costumes, les « trucs »
dont ils se servaient. Plus loin, des bustes,
des gravures, des tableaux, des manuscrits
compléteraient cet ensemble et donneraient
une idée exacte de ce qu'était l'art théâtral
à toutes les époques.
» Puis, dans des salles spéciales, se suc-
cédant les unes aux autres, on grouperait
tous les documents concernant les grands
auteurs : Corneille, Racine; Molière, Beau-
marchais, Shakespeare, Goethe, :Schiller,
Victor Hugo, Alexandre Dumas, Augier,
Auguste Vacquerie, etc., auraient ainsi cha-
cun leur exposition.
» Il en serait de même pour les grands ar-
tistes comme Talma, Mlle Clairon, Mlle
Mars, Rachel et tant d'autres qui ont illustre
la scène.
» La danse, qui a occupé dans l'antiquité
et qui occupe encore de nos jours une place
si importante, figurerait également à l'Ex-
position ainsi que le guignol, les marion-
nettes et ce théâtre de la foire si curieux et
si pittoresque dans sa simplicité primitive.
» Enfin, la Comédie-Française, l'Opéra
auraient leurs sections spéciales permettant
au public non seulement de connaître toutes
les richesses artistiques qu'ils possèdent,
mais encore de visiter l'intérieur des deux
maisons, leurs loges, leurs foyers, de savoir
exactement en un mot ce que sont nos
grands théâtres ».
Tout ceci, bien entendu, n'est qu'une
indication très sommaire du plan d'en-
semble que MM. Honnorat et Léger ont
dressé. Mais qui ne voit déjà l'intérêt que
présenterait le groupement de pareils élé-
ments, quelle multitude d'attractions il pour-
rait y avoir là?
On s'en rendra mieux compte encore
quand on saura que dans l'idée des auteurs
du projet, l'exposition d'art théâtral com-
prendrait également deux salles de spec-
tacle d'un caractère non moins particulier,
non moins original.
« L'une, construite d'une façon très sim-
ple , permettrait de représenter certains
chefs-d'œuvre du théâtre antique ou classi-
que, pris chacun comme prototype de leur
époque et interprétés exactement comme ils
l'étaient du vivant de leurs auteurs.
» En outre, pour augmenter l'attrait de
ces représentations, la décoration extérieure
de la scène serait complètement transformée
à chaque spectacle, et, grâce à des galeries
circulaires faisant le tour des coulisses, le
public pourrait, sans être le moins du monde
en contact avec les acteurs, assister aux ma-
nœuvres des machinistes, voir comment on
se sert de tous ces trucs, de tous ces acces-
soires compliqués qui font aujourd'hui partie
de l'art dramatique et qui seraient exposés à
part dans une salle particulière.
Enfin, des comités spéciaux, composés
d'écrivains, d'artistes, de professeurs, se-
raient chargés de choisir les pièces et de
veiller à leur interprétation, de façon à évi-
ter tout anachronisme. Ce serait ainsi une
véritable résurrection, où, tour à tour, la
Grèce, Rome, le Midi avec ses « Trouba-
dours » et ses « Jongleurs », le Moyen-Age
avec ses « Mystères », la Renaissance ita-
lienne avec ses pan, on-dmes passeraient sous
les yeux des spectateurs, qui pourraient en-
suite voir représenter du Corneille ou du,
Molière comme on les représentait au dix-
septième siècle, du Shakespeare mis à la
scène sans adaptation; entendre du Lully et
du Rameau joués par les mêmes orchestres
que ceux dont ils disposaient, apprécier
enfin les chefs-d'œuvre des classiques étran-
gers, allemands ou espagnols, et assister à
la représentation de quelques pièces de la
Révolution, données telles qu'on les donnait,
il y a un siècle ».
il J'ajoute que ce théâtre aurait POUI
pendant une autre salle construite d'une
laçon toute ditïërente, sorte de vaste pro-
menoir à deux ou trois étao'es oÙ la rlancc
serait, de son côté, reconstituée à toutes les
époques, avec la même exactitude, avec l £
même précision. J'ajoute. mais combien de
choses encore n'aurais-je pas à ajouter si je
voulais examiner en détail tout le pro-
gramme élaboré par M. Charles Léger et M.
André Honnorat?
Qu on m'excuse donc de m'en tenir à cef
exposé général. Il suffit à donner une idée
du projet, à en montrer l'intérêt ; et les au,
tours, comme moi-même, n'en demandent
certainement pas davan age.
Aux membres ue la commission d'examen
de 1 Exposition de faire connaître mainte-
nant leur avis, de dire si oui ou non ils
croient que l'art dramatique doit être bann
du grand concours international de 1900 U
GRENET-DANCOURT.
000 -
CHRONIQUE
Par ANDRÉ BALZ
LA RESPONSABILITE DES INSTITUTEURS
Souhaitons que les tribunaux mettent
à poursuivre les malandrins du Parle-
ment la moitié du zèle qu'ils déploient
contre les instituteurs. De ce côté les
« affaires » se suivent et souvent se
ressemblent, au moins par leurs con-
clusions. C'est toujours l'article 1384
qui est en vue, ce terrible article qui
établit la responsabilité des instituteurs
et des artisans « pour les dommages
causés par leurs élèves et leurs appren-
tis pendant le temps qu'ils sont sous
leur surveillance ».
C'est pour affirmer cette responsabi-
hté que le tribunal de la Seine a con-
damné jadis M. Leblanc, directeur dG
l'école de Fontenay-sous-Bois, et cela
tout en déclarant très haut, dans un
« considérant » vraiment extraordi-
naire, la vigilance habituelle de cet ins-
tituteur, « son honorabilité reconnue et
l'impossibilité où il paraissait s'être
trouvé d'empêcher les coups portés à la
victime ». Cette condamnation a con-
duit tout droit A4. Leuiauc dans un asile
d'aliénés.
A l'école de la Souterraine, dans la
Creuse, un enfant se casse la jambe
pendant une récréation. Des accidents
de ce genre arrivent a chaque instant
sous les yeux des parents qui n'en
peuvent mais. Mais le tribunal de
Guéret, soutenu par la cour d'appel de
Limoges, n'en condamna pas moins
M. uuiilot, l'instituteur, à payer à la
famille une somme de 2,500 fr. et à
l'enfant une rente via ? ère de 250 fr. Si
vous songez que le traitement moyen
d'un instituteur est de mille à douze
cents francs par an, vous voyez quelle
est la situation uu malheureux que
frappe un pareil coup de massue. Il n'y
a plus qu à mettre la clef sous la porte
et à s'en ailer meudier 'Son pain sur les
grandes routes.
Plus récemment, dans une école de
Paris, un instituteut -adjoint, pour ob-
tenir le silence. frappi1 avec une baguette
sur son pupitre La baguette se brise et
va blesser à 1 œil un des enfants. Le
tribunal condamne ie maître à huit
jours d'emprisonnement.
Toutes les feuilles pédagogiques re-
flètent l'émotion et les inquiétudes du
personnel enseignant à la suite de ces
condamnations successives. De tous
côtés on se remue, un s'organise, on
pétitionne. Un a été d abord au plus
pressé. On a souscrit pour tirer d'af-
faire l'instituteur de la Souterraine, puis
on a ébauché, ici et là, quelques « so-
ciétés d'assurance contre les acci-
dents a. -'L -"-u_--"
mais a la renexion on s est uemanae
si ce n'était pas là le meilleur moyen
de faire pulluler les procès au lieu d'en
réduire le nombre Qu'est-ce que ces
sociétés assurent eu détinitive? Le paic"
ment intégral — non des amendes, puis-
que la loi l'interdit — mais des dom-
mages et intérêts reclamés par les pa-
rents. Cest-à dire, en bon français,
qu'au lieu d'assurer l'instituteur contre
les réclamations des familles, elles as-
surent les familles contre l'insolvabilité
de l'instituteur. Telles qui se seraient
peut-être arrêtées à l'idée de poursuivre
un malheureux adjoint à neuf cents
francs par an n hésiteront plus quand
cet adjoint aura pour répondants les
cent mille instituteurs de France.
Et, comme la spéculation se fourre
partout, il se trouvera des agents d'af-
faires pour exploiter cette veine nou-
velle et mettre en commandite les acci-
dents survenus dans les écoles. « Pour-
quoi hésiter à poursuivre? diront-ils
aux familles en vue de lever les der-
niers scrupules, les tribunaux sont
avec nous. La caisse de l'assurance est
bien garnie. Laissez-nous agir, vous
n'aurez aucune allaDQ À fs~iM~jM~~
P A RI S§E Tf DÉPARYEM Ê N T S
Le Numéro, CINQ CENTIMES
ArONCES
AUX BDRKAUX DU JOURNAL
131, rue Montmartre, 131
Et chez MM. LAGRANGE, CERF & O
6, place de la Bourse, 6.
Adresse tôlégrfcpliiçrae : MX- SIÈCLE -. PARIS
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RÉDACTION s 131, me Montmartre, 131
De 4 b 8 heures du soir et de 10 Mures du soir à 1 heure du matin
Wo 9480. — Dimanche 23 Février 1886
5 VENTOSE AN 104
ADMINISTRATION s 131, rue Montmartre, 131
Adresser lettres et mandats h l'Admnistratew
NOS LEADERS
AU LUXEMBOURG
La capitulation est signée. Signée
par M. Demôle. Contresignée par le
Sénat. Signée et contresignée avec
cette condition spéciale : sans les hon-
neurs de la guerre.
Ah! ce Sénat! Cette assemblée in-
traitable ! Cette réunion de héros,
mûrs, mais farouches! Ce bataillon de
burgraves! Cet essaim de blanches in-
trépidités qui avaient sauvé le Capi-
tole! Cette troupe de vieillards invin-
cibles, qui, nous disait-on (je n'ai ja-
mais su pourquoi), avait détruit le
boulangisme (auquel la plupart au-
raient d'ailleurs été demander eux-
mêmes un fauteuil de pair de France,
s'il eût été le plus fort)! Ah ! le dernier
recours de l'ordre social, l'immortelle
* vieille garde ».
La garde, espoir suprême et suprême pensée!
Oui, il était bien vrai que l'hydre de
l'anarchie faisait des siennes, et que
le cabinet avait pour cet animal dan-
gereux de lâches complaisances. Mais
le Sénat était là ; un Sénat de marbre ;
un Sénat d'airain. On pouvait le mas-
sacrer sur ses chaises curules ; mais le
faire reculer, jamais ! Et qu'arriverait-
il? On s'interrogeait; on scrutait toutes
les hypothèses. Il se mettrait en grève,
lui qui ne veut pas que les autres s'y
mettent. Il tirerait ce qui lui reste de
tonnerre. Il serait inflexible. Il serait
terrible. On se jetait dans les crises les
plus graves. Et quelle était l'issue?
Comment sortir delà? Par quel moyen
résister au Sénat? Quelles tempetes
déchaînerait-il? Fort de ses droits
(ceux - du suffrage restreint), il allait
nous loudroyer !
Nous disions bien : « Assurément,
ces braves gens font grand tapage.
Mais est-ce de la colère ? Est-ce une
simple quinte de toux ? Nous con-
naissons ces braves. Ils n'ont jamais
eu d'autres convictionsque celles qu'ils
trahissent en ce moment. Chagrins et
hargneux, soit, ils le sont formidable-
ment. Ils n'ont que cela de formidable.
Au fond, ils ne demandent que le re-
pos. Ils en ont tant besoin ! S'ils se
fâchent, c'est qu'on a menacé la seule
institution à laquelle ils tiennent en-
core, le coussin de leur siège. Qu'on
marche sur eux et vous verrez une belle
panique! Juste celle que le boulan-
gisme aurait vue s'il l'avait emporté.
ils sont trop décatis pour se compro-
mettre. » Nous le disions : c'est fait.
**
Ce Sénat est vraiment prodigieux. 11
est entendu qu'il défend « ses droits ».
Il a renversé le ministère. Donc le mi-
nistère est tombé : la prérogative du
Sénat le voulait ainsi. Et après avoir
renversé le ministère, quel est son pre-
mier soin? C'est de dire à ses amis de
la Chambre : « Jetez-le donc un peu
par terre, pour qu'il y soit ! » Etil peut
si peu mettre un cabinet à bas, que
sitôt qu'il a procédé (en imagination)
- à - cette opération inoffensive, tous ses
amis de la Chambre essayent de la re-
commencer pour leur compte, à sa
prière, comme si rien ne s'était passé !
Ils obtiennent un four mémorable.
Le bouillant Barthou et le subtil Poin-
caré se compromettent en vain. La
jeunesse (hélas ! déjà bien vieillie)
n'ayant pas réussi, les anciens don-
nent. M. Ribot consacre à la cause
sainte les restes « d'une ardeur qui
tombe et d'une voix qui bafouille »,
comme disait feu Bossuet. On fait don-
ner les réserves; ceux qui, par peur
des électeurs, se disaient ministériels,
lèvent le masque et trahissent, ou leur
haine secrète, ou la rancune de leurs
ambitions déçues, ou leur répugnance
pour certaines recherches judiciaires.
A la voix du Sénat, tout ce qu'on peut
grouper contre le cabinet appuyé par
les radicaux renonce à ses hypocrisies
de la veille pour tenter un suprême
effort. Ils sont battus. Battus par qua-
rante-cinq voix. C'est un chiffre.
Et alors, on cherche le Sénat. Où
est-il? Il n'y en a plus. Il est intrépide,
assurément. Mais il est aussi réfléchi
qu'intrépide. Le moment est venu de
s'éclipser : il s'éclipse. Si au moins il
le faisait avec quelque habileté ! Mais
point : il souligne sa déroute. Et dans
une séance d'une incomparable bouf-
fonnerie, il déclare : primo, qu'il a
renversé le ministère, qu'en le faisant
il a usé d'un droit incontestable, que
par conséquent il n'y a plus de gou-
vernement qui ait le droit de fonc-
tionner, à moins de violer les règles de
la Constitution, et par suite d'accom-
plir un acte véritablement insurrec-
tionnel ; secundo, qu'il n'insiste pas
sur cette considération qui, paraît-il,
est secondaire, et qu'il continuera à
vivre avec le ministère actuel comme
si de rien n'était.
**#
Il eût mieux valu s'aplatir sans
phrases: C'eût été moins piteux. Et qui
onc lit cette belle déclaration 1. Qui
«ela?. M. Demôle lui-même. Oui, M.
Demôle en personne qui avait annoncé
les résolutions de venger les préroga-
tives de la Haute Assemblée !
Alors se produit une scène inénarra-
ble de comédie. Il se trouve sur les
bancs de la Chambre du Luxembourg,
pour refuser de capituler. combien de
gens? Trente? Vous plaisantez. Vingt?
Vous insultez le Sénat. Dix? Vous n'y
êtes pas. Cinq? Allons donc! à quoi
songez-vous? Deux? Voyons donc! Ce
serait invraisemblable 1 Il s'en trouve
un!
Il s'en trouve un, selon le mot du
poète : « S'il n'en reste qu'un, je serai
celui-là! » Il s'en trouve un qui a droit
à l'immortalité. Inscrivons-le dans les
fastes de l'histoire. Il s'appelle. atten-
dez un peu. Du diable si je puis me
souvenir de son nom! C'est quelque
chose comme Hasard ou comme Ti-
- - -.
rard, je ne sais plus au juste. Peut-ètre
bien Touzard, ou Trezard. Peu im-
porte. Il paraît qu'il y avait un séna-
teur de ce nom (ou à peu près), dont
on n'avait jamais entendu parler. Il se
lève; il veut défendre les droits sacrés
de la Haute Assemblée. Aussitôt, des
cris furieux couvrent sa voix : « Clô-
ture! clôture! Taisez-vous! » Et c'est
l'intraitable Demôle lui-même qui lui
lance ce cri du cœur :
« Mais descendez donc de la tri-
bune, et laissez donc voter ! »
Noble assemblée, qui dans ce jour
d'épreuve suprême, n'a éprouvé qu'un
sentiment : la peur bleue qu'un des
siens ne la mît en présence de la pré-
tention qu'elle désertait.
II. (par ce mot : il, j'entends le fa-
meux Touzart, ou Hasard, ou Trézard,
ou Tirard, voyez l'Officiel).,. Il ne se fit
pas prier. Et le Sénat capitula.
C'est bien : mais ce n'est pas fini. Il
a donné sa mesure ; il a donné au
pays un avertissement salutaire ; im-
puissant pour renverser le gouverne-
ment, il garde les moyens de faire
avorter toutes les réformes. On en re-
parlera en France.
CAMILLE PELLETAN.
Nous publierons demain un article
de M. Lueien Victor-Meunier
LA GAUCHE DÉMOCRATmUE DU SÉMAT
Le groupe de la gauche démocratique du
Sénat s'est réuni hier avant la séance.
Il a approuvé et applaudi :
1° La démarche faite par son bureau au-
près du président du conseil et après la
séance du 15 février courant pour engager
le ministère à conserver le pouvoir, malgré
les provocations des réactionnaires du Sé-
nat ;
2° La déclaration rédigée et signée par les
membres de son bureau, déclaration que
nous avons publiée et qui assurait M. Bour-
geois et ses collaborateurs qu'ils pouvaient
compter sur la gauche démocratique du
Luxembourg.
L'attitude républicaine prise par la gauche
démocratique au cours du conflit qui vient
de se terminer est restée la môme pendant
la séance d'hier. Tous les membres du
groupe ont, en effet, applaudi avec vigueur,
les quelques mots par lesquels M. Bourgeois
a répondu à la déclaration de M* Demôle.
.————————————
LES FÈTES D'ORANGE
La commission chargée d'organiser les
fêtes d'Orange s'est réunie hier au ministère
des beaux-arts, sous la présidence de M.
H. Roujon.
Après avoir décidé la périodicité des re-
présentations, qui tous les deux ans seront
aonnées alternativement par la Comédie-
Française et par l'Opéra, la commission a
chargé MM. Bertrand et Gailhard d'étudier
l'organisation d'une œuvre lyrique en rap-
port avec le caractère spécial du théâtre
d'Orange et dont les grandes lignes lui se-
ront soumises.
M. Mounet-Sully, pour conserver aux ma-
nifestations artistiques leur physionomie
antique, a demandé que, suivant l'usage
grec-romain, les représentations eussent lieu
avant le coucher du soleil.
M. Formigé, architecte des monuments
historiques, a été prié de présenter un pro-
jet de vélarium.
Sur les observations de MM. Capty, maire
d'Orange, et AbelTournier, M. Maurice Faure,
rapporteur du budget des beaux-arts et de
la commission du budget, a affirmé les in-
tentions du Parlement d'encourager les es-
sais de décentralisation artistique.
Dès maintenant, il a été décidé que les
représentations pour 1896 seront les sui-
vantes :
(Samedi 8 août) Horace, précédé d'un pro-
logue avec chœurs et musique.
(Dimanche 9 août) Antigone.
Le jeudi suivant, les félibres et les ciga-
liers offriront en représentation libre la Reine
Jeanne, de Mistral.
Aujourd'hui, le président de la Républiqus
recevra les membres de la commission qui
lui exposeront le programme des fêtes
d'Orange qu'il a promis de présider.
40
L'ILE DE LA FOLIE
Tandis que le Brésil et l'Angleterre se
préparent, peut-être, à recourir à l'arbitrage
ou au canon, cette ultima ratio, au sujet de
la souveraineté de l'ile de la Trinidad, un
conflit du même genre s'élève aux portes da
Paris.
La commune de Boulogne et la ville de
Paris sont, depuis quelques années, en litige
au sujet d'une île et le tribunal de première
instance sera prochainement appelé à tran-
cher cette question de suzeraineté territo-
riale.
Il s'agit de l'ile de la Folie, située à quel-
ques mètres en aval du pont de Suresnes.
Tant que l'île a été inoccupée, la commune
de Boulogne n'a élevé aucune revendication;
mais depuis que le navire de la ville de
Paris y a jeté l'ancre et y a planté son éten-
dard mi-parti bleu et rouge, la commune
s'est émue. Elle soutient que la cession du
bois de Boulogne à la ville de Paris ne com-
prenait que la rive droite de la rivière et que
l'île n'a pas été aliénée, pas plus que l'ile voi-
sine de Puteaux.
La ville de Paris a loué les deux tiers de
l'îlot à un restaurateur.
Le Cassenr de carreaux de I de Bari
Sitôt pris, sitôt. condamné.
M. Seurat, le casseur de carreaux ordi-
naire de M. le comte de Bari, comparaîtra
aujourd'hui, samedi, devant la 9e chambre
correctionnelle, sous l'inculpation de bris de
clôture.
M. Seurat sera expédié dans une fournée
de flagrants délits.
M. le comte de Bari ne sera pas entendu
comme témoin.
-
LES ON-DIT
CARNET QUOTIDIEN :
Obsèques d'Ambroise Thomas.
— Au Théâtre Mondain, première de Noblesse
du jour.
— Durée du jour : Il h. 41 m.
AU JOUR LE JOUR
J'avais bien raisonde l'annoncer hier :
Le Sénat a capitulé sans même com-
battre, car la déclaration de M. Demôle
n'a été qu'une précaution pour assurer
la retraite. Et M. Bourgeois n'a eu qu'à
dire un mot pour donner au débat sa
véritable signification : « On parle de
provocation, elle n'est ni dans nos in-
tentions ni dans les faits ». Après quoi
la déroute, que dis-je? la débandade a
commencé.
Voilà donc le terrain déblayé devant
le cabinet et le conflit terminé. Ce se-
rait, pourtant, une grosse faute politi-
que que commettraient le gouvernement
et le parti démocrate s'ils se conten-
taient de cette seule satisfaction, à sa-
voir que les provocateurs ont rengainé
leur provocation. Plus que jamais, il
faut préparer la revision, réclamer la
suppression du Sénat et revendiquer
une Chambre unique. Est-ce que la
preuve n'est pas faite de façon éclatante
de cette opinion, soutenue par tous les
républicains, que le Sénat est hostile,
absolument hostile, à la politique des
réformes ?
Mais la Chambre et le gouvernement,
avec lesquels le pays tout entier marche
maintenant, ont encore autre chose à
faire.
Puisque le Sénat boude et manifeste
quelques velléités de faire systémati-
quement de l'opposition au ministère,
la Chambre doit s'attendre à voir ses
décidions faire longtemps antichambre
au Luxembourg. Qu'elle s'ajourne donc
au mois de mai,après s'être prononcée
sur l'Exposition et la convention du
Siam, et ies projets de loi urgents de
manière que les élections municipales
se fassent normalement, sans secousses
sur cette plate-forme : la revision.
Quant au cabinet, qui est aujourd'hui
bien consolidé et peut aller de l'avant,
son premier devoir est de songer à ces
élections municipales auxquelles il pré-
sidera. De quoi, il résulte que le mo-
ment est venu pour lui de remplacer
partout, dans l'administration préfecto-
rale, dans la magistrature debout, dans
les finances, etc,, les fonctionnaires de
la réaction par de vrais républicains
sur lesquels il pourra compter. Est-ce
trop demander à des hommes qui ont
démontré qu'ils étaient animés du seul
amour de la démocratie ?
CHEZ NOUS
r- Les obsèques d'Ambroise Thomas :
Hier matin, le corps a été transporté au
Conservatoire, dans le grand vestibule de
la salle des Concerts transformée en cha-
pelle ardente, et le public a été admis à
défiler devant le cercueil à partir de onze
heures.
La décoration funèbre, toute en grandes
draperies noires constellées et frangées
d'argent était d'un grand effet. Partout des
couronnes et des palmes.
Le dais du catafalque était pavoisé de
drapeaux en deuil.
Voici la liste des discours qui seront pro-
noncés aujourd'hui, pendant la cérémonie.
M. Combes parlera au nom du gouverne-
ment ; M. Bonnat, au nom de l'Académie
des beaux-arts ; M. Massenet, au nom de
la Société des compositeurs ; M. Bour-
gault-Ducoudray, au nom du Conserva-
toire ; M. Gailhard, au nom de l'Opéra ;
M. Carvalho, au nom de l'Opéra-Comique;
M. Mézières, au nom des habitants de
Metz.
Si M. Combes ne peut assister aux obsè-
ques, il se fera représenter par M. Roujon.
- Le général Duchesne, qui a quitté
Marseille hier soir, arrive à Paris aujour-
d'hui, de huit à neuf heures du matin.
r-.r-.o. Le président de la République a
reçu hier, à cinq heures, le bureau de
l'Académie française.,
r--rvv Nous avons annoncé hier qu'à la
suite d'un incident de séance, M. Léon
Bourgeois avait envoyé deux de ses amis,
MM. Ca-vaignac et Doumer, à M. Poincaré
et que celui-ci avait désigné pour le repré-
senter MM. Henri Lavertujon et Georges
Cochery.
Après examen du compte-tendu sténo-
graphique du débat, les quatre témoins ont
reconnu d'un commun accord que l'affaire
ne comportait aucune suite.
- M. Mesureur, ministre du com-
merce, accompagné de M. Michel Lagrave,
chef de son cabinet, et de M. , Henri Qué-
roy, son secrétaire particulier, a visité
hier, à deux heures, l'Institut commercial.
Il a été reçu par MM. Jules Maumy,
président du conseil d'administration de
l'école; Bernardini, directeur, a la tête du
personnel enseignant.
• £ ,e ministre a visité en détail l'Institut.
Le ministre a remis les palmes d'officier
d'académie à MM. Jules Hollande, admi-
nistrateur trésorier de l'Institut, et Jacques
Bloch, professeur.
-' Le prince Henri d'Orléans et son
compagnon M. Roux sont arrivés hier
matin à Paris. Le bureau de la Société de
géographie s'était rendu à la gare de Lyon
pour recevoir les deux voyageurs.
M. Le Myre de Vilers, vice-président de
la société, et M. Levasseur, au nom de la
Société de géographie commerciale, ont
félicité les explorateurs de leur belle expé-
dition par qui se trouve close définitive-
ment la période des grandes découvertes
dans l'Asie méridionale.
Le prince Henri d'Orléans a remercié en
quelques mots.
-- L'Association des nouvellistes pari-
siens a, dans son assemblée générale tenue
hier, constitué ainsi son bureau :
MM. Georges Quatremain, président,
Félix Barbereau et Georges Grison, vice-
présidents; Maurice Delphin, secrétaire;
Henry Oriol, trésorier: Henri Vandon,
syndic.
Ont été nommés membres du comité :
MM. Lucien Bally, G. Viauld, F. Viauld,
Paul Fontaine, Thinet, Henri Bourgeois.
-- Le bal donné au profit de la caisse
de l'Association amicale des anciens élèves
de l'Ecole centrale aura lieu ce soir à
l'hôtel Continental.
Cette fête se terminera par un splendide
cotillon. Le président de la République a
promis d'honorer le bal de sa présence.
Plusieurs membres du corps diploma-
tique ont également accepté l'invitation
du comité.
-- Les artistes de l'Ame ouvrent à la
Bodiniere une exposition qui durera du
22 février au 13 mars.
Voici les noms de quelques exposants :
C. Schwabe, A. Point, Vollgren, James
Vibert, Gallé, Lévy Dhurmer, etc.
Spiritualistes, à vos lorgnettes!
- L'Union française pour le sauvetage
de l'enfance, dont le président est M. Jules
Simon, a sauvé, depuis sa fondation en
1888. plus de douze cent.; enfants maltrai-
tés et en danger moral. Elle en a actuelle-
ment six cent trois à sa charge, placés dans
des familles ou des établissements spé-
ciaux.
Afin de procurer les ressources néces-
saires à l'entretien et à l'éducation de ses
nombreux pupilles, elle organise une tom-
bola qui sera tirée, dans les salons du mi-
nistère de l'instruction publique, le 29
février prochain.
Le président de la République et les
ministres ont tenu à encourager l'œuvre
entreprise par l'Union française en faisant
don de lots d'une valeur et d'une beauté
exceptionnelles.
On peut se procurer des billets au siège
de la société, 10, rue Pasquier.
Le prix du billet est de 1 franc.
- Qui n'a lu le Train de huit heures
quarante-sept, par Georges Courteline, ce
chef-d'œuvre du roman militaire, ce trésor
de rire et de vérité ?
Le Train de huit heur-es quarante-sept
paraît en livraisons illustrées, et c'est le
bon dessinateur Guillaume qui s'est chargé
de croquer les silhouettes désormais lé-
gendaires du brigadier La Guillaumette et
du chasseur Croquebol.
V" La vache enragée ;
Le comité de la « vachalcade » a fait ap-
poser des affiches annonçant une grande
représentation au profit de son œuvre, au
Trianon-Concert, pour le 27 février.
Les principaux artistes des théàtres et
concerts ont promis leur concours.
Une affiche ultérieure donnera les dé-
tails du programme.
-- Vous vous rappelez la chanson de
la Femme tatouée que détaillait si drôlement
Bonnaire :
Sur Je cubitus
La tête à Paulus,
Et l'portrait d'ma nièce
Sur le gras des. joues!.
Parmi les forçats, dont nous relations
hier l'évasion du bagne de Cayenne, il
en est un dont le signalement se pour-
rait comparer à celui de l'héroïne célébrée
par Bonnaire.
C'est un certain Louis-Marie Jukaie, con-
damné à Poitiers le 18 novembre 1892. Ce
gaillard est tatoué des pieds à la tête. Sur
l'avant-bras gauche, il porte un tombeau
avec cette inscription : « Regrets à mes
parents »; un saule pleureurombrage cette
sépulture. Au poignet gauche il s'est fait
dessiner un bracelet orné d'une ancre, sou-
venir de ses traversées; aux mains des
bagues; à l'avant-bras droit une devise
galante : « Ma pensée à Marie », et comme
symbole und pensée ; au bras gauche une
ancre encore et trois bombes. Le poignet
gauche est décoré d'un bracelet comme le
droit. Sur la poitrine est figuré un couteau
fiché dans la chair en trompe-l'œil, rappe-
lant Inès de las Sierras dansant avec un
poignard dans le cœur. Le pied droit porte
une étoile, avec cette devise : « L'étoile du
malheur »; le pied gauche avec cette ins-
cription : « Marche ou meurs ! »
C'est-à-dire que cen'est plus un homme,
c'est un album à images 1
- Le centenaire de la fourchette :
Entre tous les centenaires @ qu'on pou-
vait célébrer en l'an 1895 où l'on en a cé-
lébré tant, on a oublié celui de l'introduc-
tion en Europe de la fourchette.
C'est en effet il y a neuf siècles, en 995,
qu'une princesse byzantine 1 a inauguré
l'usage de la fourchette, à l'occasion de
son mariage avec le lils du doge Pietro
Orseolo.
La fourchette ne sortit pas de Venise
très vite. Elle mit trois cents ans pour ga-
gner Florence, Ce n'est qu'en 1379 qu'elle
fit son entrée en France, et elle ne pénétra
en Angleterre qu'en 1608.
A L'ETRANGER
La commission chargée de réorga-
niser l'observatoire d'Athènes, réunie sous
la présidence du prince Georges, a discuté
les moyens d'acquisition d'un grand téles-
cope qui pourrait rendre des services con-
sidérables à l'astronomie à cause de la
clarté du ciel de Grèce.
M. Eginitis, directeur de l'observatoire,
compte commander ce télescope en
France.
Le Passant.
UN DISCOURS DE M. LÉON BOURGEOIS
M. Léon Bourgeois, président du conseil,
prononcera dimanche prochain, à Châlons-
sur-Marne, où il préside un banquet, un dis-
cours politique important et qui portera (né-
cessairement sur les évènements actuels.
LE THÉÂTRE AJTOOM
Le Projet Léger - Honnorat
Etes-vous partisan de l'Exposition étendue
à la rive droite de la Seine où êtes-vous
partisan de l'Exposition concentrée sur la
rive gauche ? Je l'ignore et il est à croire que
je l'ignorerai toujours.
Mais que vous soyez pour l' « emprise »
sur les Champs-Elysées, ou que vous soyez
pour-la «concentration » sur le quai d'Orsay,
11 est un fait certain, incontestable, c'est
que vous tenez au succès de l'Exposition,
c'est que vous voulez que 1900 soit digne de
1889,
Or, ne cr oyez-vous pas que ce soit surtout
à la tour Eiffel, à la galerie des Machines,
aux fontaines lumineuses, à la rue du Caire
et autres great attraction, que la dernière
Exposition a dû la plus grande partie de son
succès ? Et s'il en est ainsi, ne trouvez-vous
pas que nous ferions hien d'oublier un peu
la grande querelle Bergdr contre Picard et
Bouge contre Bouvard pour nous occuper
des différents projets qui peuvent le mieux
rehausser le caractère de l'entreprise et lui
servir de « clous ».
Oh! rassurez-vous! Je ne veux vous par-
ler ni du « trou à la terre » de M. Paschal
Grousset, ni de la « mappemonde de cent
mètres» de M. Reclus et de Mme Bressac, ni
de la « lune à un mètre « de M. François
Deloncle. Cela, c'est l'affaire de Georges Vi-
toux et je me garderai bien d'empiéter sur
ses Tablettes.
Mais à côté et en dehors de ces vastes
projets, il en est d'autres, plus modestes
peut-être, mais non moins intéressants, dont
Je puis prétendre sans vanité à dire un mot
en connaissance de cause. Ce sont les projets
qui se rapportent au théâtre, qui tendent,
sous une forme ou sous une autre, à accor-
der une place à l'art théâtral dans l'enceinte
de l'Exposition.
Je sais bien qu'il y a là une question pré-
judicielle qui n'est pas encore tranchée.
Mais qu'importe! le projet qui m'occupe
n'est pas de ceux qui peuvent constituer une
concurrence aux scènes parisiennes, et c'est
sur ce point seulement que porte le débat.
Je puis donc, sans plus tarder, aborder le
sujet et laisser aux auteurs du projet, qui
ne sont autres que mon collaborateur André
Honnorat et M. Charles Léger, le directeur
du Théâtre des Poèles, le soin de développer
eux-mêmes le plan de l'Exposition qu'ils
voudraient organiser en 1900.
« Ce serait une exposition rétrospective et
universelle, permettant au public de suivre,
pas à pas, révolution du théâtre dans tous
les pays et de pénétrer en même temps les
mystères des coulisses. On y trouverait
tour à tour les plans et les maquettes des
principaux théàtres de l'antiquité, ainsi que
la reproduction exacte des plus belles salles
de spectacle du seizième siècle jusqu'à nos
jours. A côté, des personnages montreraient
au public les procédés dont usaient les ac-
teurs, la façon dont ils se maquillaient,
quels étaient leurs costumes, les « trucs »
dont ils se servaient. Plus loin, des bustes,
des gravures, des tableaux, des manuscrits
compléteraient cet ensemble et donneraient
une idée exacte de ce qu'était l'art théâtral
à toutes les époques.
» Puis, dans des salles spéciales, se suc-
cédant les unes aux autres, on grouperait
tous les documents concernant les grands
auteurs : Corneille, Racine; Molière, Beau-
marchais, Shakespeare, Goethe, :Schiller,
Victor Hugo, Alexandre Dumas, Augier,
Auguste Vacquerie, etc., auraient ainsi cha-
cun leur exposition.
» Il en serait de même pour les grands ar-
tistes comme Talma, Mlle Clairon, Mlle
Mars, Rachel et tant d'autres qui ont illustre
la scène.
» La danse, qui a occupé dans l'antiquité
et qui occupe encore de nos jours une place
si importante, figurerait également à l'Ex-
position ainsi que le guignol, les marion-
nettes et ce théâtre de la foire si curieux et
si pittoresque dans sa simplicité primitive.
» Enfin, la Comédie-Française, l'Opéra
auraient leurs sections spéciales permettant
au public non seulement de connaître toutes
les richesses artistiques qu'ils possèdent,
mais encore de visiter l'intérieur des deux
maisons, leurs loges, leurs foyers, de savoir
exactement en un mot ce que sont nos
grands théâtres ».
Tout ceci, bien entendu, n'est qu'une
indication très sommaire du plan d'en-
semble que MM. Honnorat et Léger ont
dressé. Mais qui ne voit déjà l'intérêt que
présenterait le groupement de pareils élé-
ments, quelle multitude d'attractions il pour-
rait y avoir là?
On s'en rendra mieux compte encore
quand on saura que dans l'idée des auteurs
du projet, l'exposition d'art théâtral com-
prendrait également deux salles de spec-
tacle d'un caractère non moins particulier,
non moins original.
« L'une, construite d'une façon très sim-
ple , permettrait de représenter certains
chefs-d'œuvre du théâtre antique ou classi-
que, pris chacun comme prototype de leur
époque et interprétés exactement comme ils
l'étaient du vivant de leurs auteurs.
» En outre, pour augmenter l'attrait de
ces représentations, la décoration extérieure
de la scène serait complètement transformée
à chaque spectacle, et, grâce à des galeries
circulaires faisant le tour des coulisses, le
public pourrait, sans être le moins du monde
en contact avec les acteurs, assister aux ma-
nœuvres des machinistes, voir comment on
se sert de tous ces trucs, de tous ces acces-
soires compliqués qui font aujourd'hui partie
de l'art dramatique et qui seraient exposés à
part dans une salle particulière.
Enfin, des comités spéciaux, composés
d'écrivains, d'artistes, de professeurs, se-
raient chargés de choisir les pièces et de
veiller à leur interprétation, de façon à évi-
ter tout anachronisme. Ce serait ainsi une
véritable résurrection, où, tour à tour, la
Grèce, Rome, le Midi avec ses « Trouba-
dours » et ses « Jongleurs », le Moyen-Age
avec ses « Mystères », la Renaissance ita-
lienne avec ses pan, on-dmes passeraient sous
les yeux des spectateurs, qui pourraient en-
suite voir représenter du Corneille ou du,
Molière comme on les représentait au dix-
septième siècle, du Shakespeare mis à la
scène sans adaptation; entendre du Lully et
du Rameau joués par les mêmes orchestres
que ceux dont ils disposaient, apprécier
enfin les chefs-d'œuvre des classiques étran-
gers, allemands ou espagnols, et assister à
la représentation de quelques pièces de la
Révolution, données telles qu'on les donnait,
il y a un siècle ».
il J'ajoute que ce théâtre aurait POUI
pendant une autre salle construite d'une
laçon toute ditïërente, sorte de vaste pro-
menoir à deux ou trois étao'es oÙ la rlancc
serait, de son côté, reconstituée à toutes les
époques, avec la même exactitude, avec l £
même précision. J'ajoute. mais combien de
choses encore n'aurais-je pas à ajouter si je
voulais examiner en détail tout le pro-
gramme élaboré par M. Charles Léger et M.
André Honnorat?
Qu on m'excuse donc de m'en tenir à cef
exposé général. Il suffit à donner une idée
du projet, à en montrer l'intérêt ; et les au,
tours, comme moi-même, n'en demandent
certainement pas davan age.
Aux membres ue la commission d'examen
de 1 Exposition de faire connaître mainte-
nant leur avis, de dire si oui ou non ils
croient que l'art dramatique doit être bann
du grand concours international de 1900 U
GRENET-DANCOURT.
000 -
CHRONIQUE
Par ANDRÉ BALZ
LA RESPONSABILITE DES INSTITUTEURS
Souhaitons que les tribunaux mettent
à poursuivre les malandrins du Parle-
ment la moitié du zèle qu'ils déploient
contre les instituteurs. De ce côté les
« affaires » se suivent et souvent se
ressemblent, au moins par leurs con-
clusions. C'est toujours l'article 1384
qui est en vue, ce terrible article qui
établit la responsabilité des instituteurs
et des artisans « pour les dommages
causés par leurs élèves et leurs appren-
tis pendant le temps qu'ils sont sous
leur surveillance ».
C'est pour affirmer cette responsabi-
hté que le tribunal de la Seine a con-
damné jadis M. Leblanc, directeur dG
l'école de Fontenay-sous-Bois, et cela
tout en déclarant très haut, dans un
« considérant » vraiment extraordi-
naire, la vigilance habituelle de cet ins-
tituteur, « son honorabilité reconnue et
l'impossibilité où il paraissait s'être
trouvé d'empêcher les coups portés à la
victime ». Cette condamnation a con-
duit tout droit A4. Leuiauc dans un asile
d'aliénés.
A l'école de la Souterraine, dans la
Creuse, un enfant se casse la jambe
pendant une récréation. Des accidents
de ce genre arrivent a chaque instant
sous les yeux des parents qui n'en
peuvent mais. Mais le tribunal de
Guéret, soutenu par la cour d'appel de
Limoges, n'en condamna pas moins
M. uuiilot, l'instituteur, à payer à la
famille une somme de 2,500 fr. et à
l'enfant une rente via ? ère de 250 fr. Si
vous songez que le traitement moyen
d'un instituteur est de mille à douze
cents francs par an, vous voyez quelle
est la situation uu malheureux que
frappe un pareil coup de massue. Il n'y
a plus qu à mettre la clef sous la porte
et à s'en ailer meudier 'Son pain sur les
grandes routes.
Plus récemment, dans une école de
Paris, un instituteut -adjoint, pour ob-
tenir le silence. frappi1 avec une baguette
sur son pupitre La baguette se brise et
va blesser à 1 œil un des enfants. Le
tribunal condamne ie maître à huit
jours d'emprisonnement.
Toutes les feuilles pédagogiques re-
flètent l'émotion et les inquiétudes du
personnel enseignant à la suite de ces
condamnations successives. De tous
côtés on se remue, un s'organise, on
pétitionne. Un a été d abord au plus
pressé. On a souscrit pour tirer d'af-
faire l'instituteur de la Souterraine, puis
on a ébauché, ici et là, quelques « so-
ciétés d'assurance contre les acci-
dents a. -'L -"-u_--"
mais a la renexion on s est uemanae
si ce n'était pas là le meilleur moyen
de faire pulluler les procès au lieu d'en
réduire le nombre Qu'est-ce que ces
sociétés assurent eu détinitive? Le paic"
ment intégral — non des amendes, puis-
que la loi l'interdit — mais des dom-
mages et intérêts reclamés par les pa-
rents. Cest-à dire, en bon français,
qu'au lieu d'assurer l'instituteur contre
les réclamations des familles, elles as-
surent les familles contre l'insolvabilité
de l'instituteur. Telles qui se seraient
peut-être arrêtées à l'idée de poursuivre
un malheureux adjoint à neuf cents
francs par an n hésiteront plus quand
cet adjoint aura pour répondants les
cent mille instituteurs de France.
Et, comme la spéculation se fourre
partout, il se trouvera des agents d'af-
faires pour exploiter cette veine nou-
velle et mettre en commandite les acci-
dents survenus dans les écoles. « Pour-
quoi hésiter à poursuivre? diront-ils
aux familles en vue de lever les der-
niers scrupules, les tribunaux sont
avec nous. La caisse de l'assurance est
bien garnie. Laissez-nous agir, vous
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