Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1896-02-04
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 04 février 1896 04 février 1896
Description : 1896/02/04 (N9461). 1896/02/04 (N9461).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2013
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ANNONCES
AUX BUREAUX DU JOURNAL
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N° 9461. — Mardi 4 Février 1896
16 PLUVIOSE AN 104
ADMINISTRATION: 131, rue Montmartre^ 131
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NOS LEADERS
LETTRES LIBRES
UNE ANECDOTE
Le rapport de la commission du bud-
get de la Chambre sur l'emprunt du
Tonkin est une mine si riche en er-
, reurs et en affirmations risquées, qu'il
me serait difficile de l'épuiser et que
surtout je craindrais, le faisant, de fa-
tiguer l'attention des lecteurs de ces
Lettres. Je ne puis cependant résister
au désir de joindre à la liste déjà lon-
gue des erreurs que j'ai Relevées, une
petite anecdote particulièrement ins-
tructive et que je recommande d'une
façon toute spéciale aux méditations
de la commission présidée par M. Pey-
tral. Cela pourrait s'intituler « Cher-
chez Tirrégularité ».
En 1892, la nécessité de faire aux
pirates chinois une chasse vigoureuse,
afin de les éloignèr du delta du Tonkin
où ils exerçaient, depuis quelques an-
nées, librement leurs déprédations, me
contraignit d'autoriser un certain
nombre d'opérations militaires impor-
tantes. Il en résulta naturellement des
dépenses exceptionnelles et, malgré
tous mes efforts, le budget militaire se
trouvait, à la fin de l'exercice, en défi-
cit de deux millions.
Fort heureusement, le budget local
avait vu, pendant le même exercice,
ses recettes augmenter, par suite de la
pacification du delta, dans des pro-
portions considérables, tandis que les
dépenses avaient été réduites dans
toute la mesure du possible.
Le désir très vif que j'avais de ne
pas accroître les charges de la métro-
pole, m'inspira la pensée de prélever
sur les plus-values du budget local les
deux millions que le budget militaire
avait dépensés en trop. Le gouverne-
ment serait ainsi dispensé de deman-
der aux Chambres des crédits supplé-
mentaires, et je supposais qu'il en
éprouverait quelque satisfaction. Le
directeur du contrôle financier ayant
partagé mes vues au sujet de cette
opération, je pris un arrêté imputant
au budget local du Tonkin, les excé-
dents de dépenses du budget militaire.
Bien entendu, le ministre des colonies
n'eut garde de protester. Quand aux
inspecteurs coloniaux ils signalaient
cette mesure comme une preuve in-
discutable du relèvement des finances
du protectorat.
.**
- Cependant, au début de 1894, au
moment où j'arrivais en congé en
France, le ministre des finances adres-
sait à celui des colonies une missive
très officielle où la décision que j'avais
prise était vivement critiquée.
On appelait l'attention du ministre
des colonies sur « l'irrégularité » que
iavais commise en faisant payer par
le budget local du Tonkin des dé-
penses militaires qui, en vertu des
c règles de la comptabilité publique »,
incombaient à la métropole et de-
vaient être mises à sa charge, et l'on
invitait formellement le ministre des
colonies à demander aux Chambres
un crédit supplémentaire de deux
millions pour couvrir les excédents
des dépenses militaires de l'exercice
1892.
La France serait ainsi surchargée de
deux millions que le Tonkin avait été
assez généreux et riche pour payer à
sa place, mais les « règlements » et la
fooôrme seraient sauvegardés.
Comme bien on pense, le ministre
des colonies fit la sourde oreille ; je
pourrais même dire que loin de mani-
fester la moindre mauvaise humeur
pour la prétendue « irrégularité » dont
l'étais accusé par son collègue, il m'en
aurait plus volontiers été reconnais-
sant. Les ministres aiment peu à de-
mander de l'argent aux Chambres et
s'en dispensent volontiers quand ils
n'en ont pas un besoin absolu. Or,
grace à la mesure que j'avais prise, le
ministre des colonies n'avait besoin
d'aucun crédit supplémentaire, puis-
que les excédents de dépenses avaient
été déjà payés par le protectorat.
La lettre du ministre des finances
traîna donc sans réponse, ou, du
moins, sans qu'aucune suite lui' fût
donnée, dans les cartons du ministère
des colonies qui partageait ainsi avec
moi la responsabilité de « l'irrégula-
rité » commise en 1893. On va voir
qu'il n'eut pas lieu de se repentir de
Ion attitude.
***
A la fin de 1894, par suite de je ne
sais quelles circonstances, l'opinion
du ministère des finances sur l'affaire
que je viens d'exposer se modifie brus-
quement du tout au tout. Non seule-
ment l'attribution au budget du pro-
tectorat de l'excédent des dépenses
militaires de 1892 n'est plus considéré
comme une irrégularité ; non seule-
ment on ne l'envisage plus comme une
violation blàmable des règles de la
comptabilité publique, mais encore
ID prescrit au ministre des colonies et
au gouverneur général de régler défi-
nitivement l'affaire comme je l'avais
réglée provisoirement en 1893 et de
porter au compte du protectorat, pour
l'exercice 1894, lasomme restée en sus-
pens. Mon irrégularité de 1893 deve-
nait d'une absolue régularité.
Je dois dire que mon successeur prit
assez mal la chose ; il rappela les ar-
guments donnés, au début de 1894,
par le ministre des finances, contre
l'imputation au budget local de dé-
penses militaires qui incombent régle-
mentairement à la métropole, mais
on ferma l'oreille à ses doléances. Il
les porta jusqu'à la tribune de la Cham-
bre où il disait, dans la séance du 25
janvier : « Ce sont des dépenses qui
normalement m'auraient paru devoir
être mises au compte de la métropole. »
Et comme le ministre des finances
l'interrompait par ces mots « du tout! »
M. Rousseau ajoutait : « Nous n'enga-
gerons pas à nouveau la discussion
sur ce point, M. le ministre des colo-
nies pourrait vous dire que j'ai sou-
tenu cette doctrine et je la soutien-
drais encore avec une conviction com-
plète. Néanmoins je passe condamna-
tion ; ces dépenses resteront inscrites
au compte du protectorat. »
C'est donc, en résumé, mon arrêté
de 1893, considéré comme « irrégu-
lier » par le ministère des finances que
ce même ministère impose aujourd'hui
à mon successeur, malgré lui.
N'avais-je pas raison de dire que
cela pourrait faire, à l'instar du Krou-
mir et du Malgache, le sujet d'une de
ces amusettes de la foire de Noël qui
font la joie des enfants et la tranquil-
lité des familles: « Cherchez l'irrégu-
larité! »
#*#
Il y a malheureusement, dans cette
affaire, en regard du côté plaisant, un
autre côté qui l'est beaucoup moins.
Tant que ces petits incidents de la vie
gouvernementale restent à leur place,
ils n'ont point de gravité. Il n'en est
plus de même lorsqu'ils sont portés
devant le grand public par des mains
maladroites agissant pour le compte
d'esprits malveillants. Ce qui n'était
qu'une « irrégularité » administrative
très discutable, destinée, même sou-
vent, comme dans le cas ci-dessus, a
se transformer, un jour, en « régu-
larité » devient, grâce à la malignité
publique et aux aboyeurs profession-
nels, un véritable délit, pour lequel il
semble qu'aucun châtiment ne saurait
être assez sévère.
Voilà pourquoi j'estime que la com-
mission du budget a commis une
faute grave en autorisant la publica-
tion d'un rapport comme celui de M.
Krantz, véritable pamphlet dirigé
contre les actes de cinq ou six sous-
secrétaires d'Etat et ministres et d'au-
tant de résidents généraux ou gouver-
neurs généraux, sans que les person-
nes si violemment attaquées et livrées
à là manie de diffamation du Parle-
ment et du public, aient été appelées
à corriger les erreurs matérielles et
les interprétations vicieuses dont leurs
actes étaient l'objet. Il me semble qu'il
y a quelques années on n'aurait pas
osé rompre de la sorte avec les belles
traditions du caractère français.
J.-L. DE LANESSAN.
Nous publierons demain un article
de M. Charles Bos.
LES ON-DIT
CARNET QUOTIDIEN :
Fête des cardeurs et dévideurs de laine.
— Ouverture du concours général agricole de
Paris, au Palais de l'Industrie.
— Vernissage au Salon du cercle de l'Union
artistique.
— A la Bodinière, conférence de M. de Mitty,
sur les poésies de Catulle Mendès. Première
représentation de Automobile-Club.
- Durée du jour : io h. 39 m.
AU JOUR LE JOUR
En vérité, certains journaux nous la
bâillent belle. A qui feront-ils croire
que le gouvernement avait un intérêt à
acheter un journal agonisant et pris à
loyer par un libéré de Mazas ? Qui, no-
tamment, le Figaro — car le Figaro est
de cette petite, mais vilaine conspira-
tion — convaincra-t-il que M. Bour-
geois peut être encore soupçonné d'a-
voir payé 3,000 fr. à M. Lalou parce que
le sieur Loubaresse n'a pas été arrêté
pour faux témoignage? Est-ce à M.
Bourgeois à faire arrêter ce maitre es-
croc? Est-ce qu'il n'y a pas des juges
pour ordonner son incarcération.
Remarquez, d'ailleurs, que M. Lalou
a déclaré lui-même qu'il tenait ces
3,000 francs de son père et qu'après lui,
Henri Rochefort a écrit hier matin qu'il
avait lu une lettre de M. Lalou père
faisant allusion à cette somme, ainsi
qu'à l'emploi auquel elle était destinée.
Pourquoi le Figaro, qui reproduit tous
les matins l'article de Rochefort, n'a-
t-il pas publié le passage relatif à la
lettre de M. Lalou?-
Nous comprenons fort bien que le
Figaro fasse de l'opposition au gouver-
nement radical, mais nous ne compre-
nons pas qu'il combatte ce gouverne-
ment en altérant la vérité et en semant
des soupçons injurieux.
Accuser MM. Lockroy et Bourgeois
d'avoir essayé de déshonorer 104 de
leurs collègues, c'est tout bonnement
upe ridicule calomnie. Pourquoi ? Dans
quel but l'auraient-ils fait? Est-ce que M.
Bourgeois affecte des fonds secrets à
la presse ? Est-ce que M. Lockroy, qui
a été l'admirable journaliste que tout le
monde connaît, pourrait songer un seul
moment « à acheter la conscience d'un
de ses confrères » ?
L'un et l'autre, au surplus, n'ont eu
qu'à opposer un démenti indigné à ces
odieuses imputations pour être applau-
dis sur tous les bancs.
Mais le Figaro, lui, n'est pas con-
tent. Dame, personne n'ignore les mo-
tifs de sa colère. Pourtant, nous n'au-
rions jamais supposé que le Figaro
aurait un jour l'audace de se poser en
professeur de vertu.
CHEZ NOUS
- Le président de la République, ac-
compagné du général Tournier et du com-
mandant de la Garenne, a visité hier matin
l'exposition de peinture du Cercle de l'U-
nion artistique.
M. Félix Faure s'était rendu à pied rue
Boissy-d'Anglas.
- M. Gailleton, maire de Lyon, est
parti hier soir pour Paris, avec une délé-
gation du conseil municipal,
Il va inviter officiellement le président
de la République à venir à Lyon le 29 fé-
vrier.
La délégation sera reçue aujourd'hui à
l'Elysée.
- Le président de la République a
promis de s'arrêter à Tours, un jour ou
deux, lors de son voyage en Bretagne.
M. Félix Faure compte partir en Breta-
gne vers le 20 mai, et c'est soit en allant,
soit en revenant, qu'il fera la visite en
question.
- Hier soir, la société de secours mu-
tuels des maîtres d'armes de Paris a donné
au cirque d'Eté son assaut annuel, au profit
de sa caisse, devant une assistance consi-
dérable. - - --
La musique du 39° de ligne prêtait son
concours.
M. Mérignac présidait, ayant à ses côtés
MM. Bergès père, Vavasseur, Pouget, etc.
Le numéro sensationnel était la rencon-
tre longtemps différée (on se souvient à la
suite de quel contre-temps) entre Pi ni, le
maître italien, et Rue, le roi des gauchers.
La salle n'a pas ménagé ses applaudisse-
ments aux deux champions dès leur appa-
rition sur l'estrade.
L'assaut était divisé en deux parties et
une belle. -
Dans la première partie qui a duré un
quart d'heure, Pini a remporté l'avantage.
Dans la seconde parlie, l'avantage a été
repris sérieusement par Rue, qui a porté
trois coups droits à son adversaire. A la
belle, les deux adversaires ont réussi diffi-
cilement à se toucher.
Le dernier coup est revenu à Pini.
——- Hier a eu lieu, au ministère du
commerce, sous le haut patronage de Mme
Mesureur, une vente de charité qui a ob-
tenu le plus grand succès. Une foule d'élé-
gants visiteurs se pressait dans les magni-
fiques salons de la rue de Grenelle, trop
étroits pour contenir le flot des acheteurs.
Parmi les mille attractions de cette vente,
un comptoir arabe et un comptoir japonais,
organisés d'après les dessins de Félix Réga-
mey, attiraient particulièrement l'atten-
tion.
La vente continuera aujourd'hui lundi
et se terminera par un concert.
- Hier, les élèves de l'Ecole normale
supérieure ont été mis en congé à la suite
d'une épidémie d'oreillons qui s'est décla-
rée à l'Ecole.
- Le trésorier de la fête d'escrime
donnée le 18 décembre 189^, au profit des
rapatriés de Madagascar, a versé à la caisse
de l'Union des femmes de France, 29, rue
de la Chaussée-d'Antin, la somme de six
cent huit francs vingt centimes (608 fr. 20),
qui sera consacrée à secourir nos soldats à
leur rentrée en France.
- Un monument va être élevé à Eu-
gène Delacroix, sur un terre-plein situé le
long de la Marne, à proximité de la mairie
de Charenton-Saint-Maurice.
C'est, en effet, dans cette commune que
le peintre du Massacre de Chio naquit le
26 avril 1799.
Le buste sera copié sur celui qui, dans
le jardin du Luxembourg, couronne le mo-
nument de Dalou.
- Au musée de Versailles :
On vient d'aménager dans l'aile droite
du château de Versailles, une exposition
des œuvres du général Lejeune qui, on le
sait, avait un joli brin de pinceau à son
sabre.
M. Paul de Noîhac, conservateur du
musée, a réuni des tableaux du général au
nombre de cinquante. Parmi ceux-ci s'en
trouve un que l'on croyait perdu, le Bi-
vouac de Napoléon 7er à A usterlitz. Cette
toile avait obtenu la médaille impériale au
Salon de 1808.
—— Guéméné-sur-Scorft, à côté de Lo-
rient, vient de fêter le centenaire de la
naissance d'un citoyen dont la petite ville
a le droit d'être fière, l'enseigne de vais-
seau Hippolyte Bisson.
Après la bataille de Navarin, fen 1827,
une escadre commandée par le contre-
amiral de Rigny donnait la chasse aux pi-
rates. Un petit bâtiment enlevé à l'ennemi
le Panayoti, monté par quinze matelots
français, était commandé par l'enseigne
Bisson.
Le 4 novembre, le Panayoti fut attaqué
[ par deux embarcations montéespar soixan-
te-dix pirates.
Neuf de ses hommes ayant été tués, Bis-
son donna aux autres le conseil de se sau-
ver à la nage. Lui, descendit dans la soute
aux poudres et fit sauter le bâtiment avec
les pirates qui montaient à l'abordage.
M. Gravier, préfet du Morbihan, a pré-
sidé la cérémonie.
Une population considérable était ac-
courue des environs, en costume Ibreton.
Le maire a prononcé une allocution de-
vant la plaque inaugurée sur la maison na-
tale de Bisson.
Dans la soirée, la ville était complète-
ment pavoisée et illuminée.
- On me prie d'annoncer le mariage
de M. Gabriel Sauvage, sous-lieutenant
d'artillerie, avec Mlle Alice Guillaume.
M. Gabriel Sauvage est le petit-fils de
M. Doré, maire deVouziers.
- Les Bidards :
Le lot de 100,000 francs du dernier tirage
des obligations foncières, a été gagné par
M. Dangreville, débitant à Vacquemont.
A L'ETRANGER
—^ La femme de l'ex-capitaine Drey-
fus est, parait-il, en ce moment, avec ses
deux enfants, à Alicante. Et déjà le bruit
court en Espagne qu'elle n'a passé les
monts que pour préparer l'évasion de son
mari.
Rassurons les patriotes. L'ex-capitaine
est interné au centre d'un îlot soigneuse-
ment gardé. Latude, lui-même et Monte-
Cristo renonceraient, en cette occurence,
à prendre la clef des champs.
— Les journaux allemands annoncent
avec mélancolie que les officiers prussiens
qui ont pris du service dans l'armée chi-
noise ne sont pas du tout satisfaits de leur
situation, qui ne répondrait en aucune
façon à leur attente, tant au point de vue
de la position que sous le rapport de la
solde.
Allons ! tant mieux l
Le Passant.
LES JOURNALISTES RÉPUBLICAINS
L'Association des journalistes républicains
a tenu hier dimanche, au Grand-Hôtel, son
assemblée générale annuelle.
Le bureau é au ainsi composé : président,
M. Ranc; assesseurs, MM. Gustave Isam-
bert et Charles-Louis Chassin ; secrétaire,
M. Amédée Blondeau.
- Les rapports de M. Théodore Henry, tré-
sorier, et Lucien Victor-Meunier, secrétaire
général, sont adoptés à l'uuanimité.
Sur la proposition de M. Delabrousse,
l'assemblée a décidé de communiquer aux
journaux le passage suivant du rapport du
secrétaire général :
« J'ai terminé ma tâche, a dit M. Lucien
Victor-Meunier, mais je demande s'il ne
m'est pas permis de m'élever un peu au-
dessus du terre à terre des occupations de
chaque jour et d'exprimer en quelques mots
la pensée qui, j'en suis sûr, est au fond de
tous vos cœurs.
« Mes chers confrères, la presse, en ce
moment, traverse incontestablement une
crise. A coup sûr, la profession que nous
sommes fiers d'exercer, parce que nous
avons conscience de l'exercer en toute pro-
bité, ne saurait être salie par le fait de quel-
ques-uns ; mais que, dans les circonstances
présentes, il y a lieu plus que jamais, pour
les journalistes honnêtes, de s'unir étroite-
ment, fortement, cela est certain.
» Notre association est notre sauvegarde.
Sa bonne réputation fait noire honneur à
tous. Le comité ne faillira pas à son devoir.
Cette carte de sociétaire d nt je parlais tout
à l'heure, il faut qu'elle soit pour celui qui
la porte une pièce d'identité, oui, mais sur-
tout un certificat d'honnèieté. »
Ajoutons que ce passage du rapport de M.
Lucien Victor-Meunier a été couvert d'ap-
plaudissements unanimes.
Dans la soirée, a eu lieu, au Grand Hôtel,
le banquet annuel de l'Association.
M. Ranc, sénateur, qui présidait, avait à
sa droite MM. Léon Bourgeois, président
du conseil; Jules Claretie, administrateur de
la Comédie-Française; Montorgueil, repré-
sentant M. Mézières, président de l'Associa-
tion des journalistes parisiens ; Ratier, sé-
nateur; Alphonse Humbert, député; Adrien
Bernheim; Ferdinand Dreyfus, ancien dé-
puté; et Théodore Henry, trésorier de l'As-
sociation, etc., etc.
A la gauche de M. Ranc, se trouvaient :
MM. de Labeyrie, gouverneur du Crédit
foncier ; Paul Strauss, conseiller municipal ;
Lavertujon, député, représentant M. Léon
Brière, président de l'Association de la
presse républicaine départementale ; Lacan,
secrétaire adjoint de la Compagnie des che-
mins de fer du Nord; Méliodon, administra-
teur du Crédit foncier ; Charles Beauquier,
député; Lucien Victor-Meunier, secrétaire
général de l'association, ete., etc.
La plus grande cordialité n'a cessé de ré-
gner pendant toute la durée du repas.
Au dessert, M. Ranc, président de l'Asso-
ciation, a souhaité la bienvenue à M. Léon
Bourgeois, aux représentants des deux gran-
des associations, sœurs de l'association des
journalistes républicains ; à M. de Labeyrie,
gouverneur du Crédit foncier ; à M. Mélio-
don, administrateur du Crédit foncier, et à
M. Lacan, représentant de la compagnie des
chemins de fer du Nord, qu'il a remerciés
d'avoir bien voulu assister à cette fête, de
famille.
M. Léon Bourgeois a pris ensuite la parole.
Il a tout d'abord déclaré qu'il avait été d'au-
tant plus sensible à l'invitation de l'Associa
tion, que c'était la première fois qu'il avait
le plaisir de s'asseoir à sa table.
« Tout à l'heure, a-t-il ajouté avec une
éloquence précise, vigoureuse et brève qui
porte et qui frappe l'ennemi, et qui, au con-
traire réconforte l'ami, votre président a in-
diqué l'estime profonde où doivent vous te-
nir tous ceux qui savent votre labeur quoti-
dien, qui connaissent vos sentiments d'hon-
neur et qui apprécient les services que vous
rendez aux grandes et nobles causes. »
D'autres allocutions applaudies ont été
prononcées par MM. Montorgueil, au nom
de M. Mézières, président de l'Association
des journalistes parisiens ; Lavertujon, au
nom de M. Léon Brière, président du Syn-
dicat de la presse républicaine départemen-
tale; de Labeyrie, gouverneur du Crédit
foncier et Gaston Labat.
Un brillant concert a suivi.
Le programme, composé avec beaucoup de
goût par MM. Bertol-Graivil, Edmond Le-
pelletier, Victor Souchon et Adrien Ber-
nheim, a obtenu le plus vif succès.
De chaleureux applaudissements ont ré-
compensé le talent déployé par les artistes
qui ont pris part à cette belle fête.
Mlles du Minil et Moreno, de la Comédie-
Française, dans le Passant; M. Coquelin
cadet, de la Comédie-Française, et Mlle
Vanda de Boncza, de l'Odéon, dans la
Bourrasque ; Mlle Suzanne Berty et M. Gé-
mier, dans la Peur des coups, Mlles Char-
lotte Wyns et Nina Bonnefoy, de 1 Opéra-
Comique; Mme Bay, MM. Emile Boussagol
et Alfred Brun, de l'Opéra; M. Charles
Morel, des concerts Lamoureux; MM. Frag-
son, Villé, Florent, ont tour à tour charmé
l'assistance.
TABLETTES D0 PROGRÈS
-
L'Anthropométrie pour tous
Assurément, tout le monde aujour-
d'hui est d'accord pour reconnaître que
le service anthropométrique conçu et
institué par M. Bertillon, rend les plus
grands services pratiques à la justice.
Grâce à lui, en effet, tout malfaiteur,
quel soit-il, qui a une fois passé par le
Dépôt, se trouve pour jamais dans l'a-
venir empêché de falsifier son identité.
En vain il se fabrique ou vole des pa-
piers ; en vain il change la coupe de ses
cheveux ou de sa barbe, se maquille le
visage ou s'illustre de tatouages iné-
dits ; de par le fait même qu'il a été
mensuré une bonne fois, toujours l'on
peut déceler la fraude et établir en
toute exactitude son véritable état-civil.
Le système anthropométrique, en un
mot, c'est la certitude mathématique
apportée à l'artde reconnaître son sem-
blable, c'est la garantie de la parfaite et
rapide identification des gens, sans
erreur possible.
Et cela est si exact que, depuis la créa-
tion du service anthropométrique, en
présence des avantages extrêmes qu'il
assure, un certain nombre de gouver-
nements étrangers ont décidé de l'ap-
pliquer chez eux.
Devant un tel hommage rendu à la
méthode conçue par M. Bertillon, il
semblerait que celle ci doive désormais
apparaltre comme un véritable palla-
dium pour les braves gens et, à ce titre,
mériter les unanimes approbations.
Eh bien, par une fortune singulière,
c'est le contraire qui a lieu, si bien qu'en
ce moment même, en effet, il se pour-
suit, jusqu'au Parlement, une campa-
gne contre l'anthropométrie.
C'est le principe supérieur du respect
et do la liberté individuelle qui sert de
prétexte aux adversaires de la mensu-
ration. En soumettant aux formalités
de l'anthropométrie un individu arrêté,
mais contre lequel n'a pu encore inter-
venir la moindre condamnation, qui
pourra parfaitement sortir blanc comme
neige de la prison préventive, vous
commettez un abus de pouvoir, disent-
ils, car vous lui infligez gratuitement
l'infamie d'un traitement ne devant être
réservé, en principe absolu, qu'aux
seuls malfaiteurs avérés. Que la prati-
que soit avantageuse, cela est possible !
Mais elle est immorale comme atten-
tatoire aux droits les plus stricts de
chacun, et, à ce titre, elle est mauvaise
et doit être repoussée.
Tels sont les arguments vraiment
spécieux invoqués contre l'usage de
l'anthropométrie.
Et il en est bien ainsi parce que c'est
à tort que l'on attribue au fait de sou-
mettre un prévenu quelconque aux
mensurations, un caractère infamant et
dolosif,
Dans la pure sincérité des choses, il
n'en est absolument rien, et le passage
à l'anthropométrie devrait en réalité se
voir assimilé à un pur et simple acte
d'état-civil, infiniment avantageux, du
reste, pour les personnes qui en sont
l'objet.
Car, je vous le demande, pourquoi le
bénéfice d'un procédé d'identification
d'une exactitude et d'une sécurité mer-
veilleuse, serait-il réservé aux seuls
malfaiteurs ou présumés tels ?
Dans la pratique courante de la vie,
en effet, s'il est utile de pouvoir sans
erreur étiqueter les filous, il est aussi
fréquemment non moinéSndispensable
d'être en mesure de reconnaître les
vrais braves gens.
Demandez donc à ce commissaire de
police de Paris dont les gazettes, ces
jours derniers, nous racontaient la
piquante et désolante mésaventure, son
avis à cet égard.
Sur une plage sans prétention — un
véritable petit trou pas cher — l'été
dernier, en compagnie de sa femme et
de ses filles, notre magistrat passait
quelques jours de vacances.
A la table d'hôte, au bord du rivage,
le soir dans la salle du petit casino de
l'endroit, la colonie des baigneurs, fata-
lement, se retrouvait. Mais, en cette
intimité forcée, les liaisons se font vite,
bien qu'à la légère. Et c'est ainsi que
notre commissaire accueillit un jeune
homme, fort distingué du reste — il
était vicomte, le vicomte de Clercy — et
qui n'avait d'yeux que pour la plus
Jeune des deux filles du confiant ma-
gistrat.
,D'intentions honnêtes entre toutes,
M. de Clercy ne tarda pas à s'ouvrir au
père, qui, ébloui par les belles allures
du gentilhomme, n'eut rien de plus
pressé que de s'écrier : « Dans mes
bras, mon gendre ».
Le mariage eut lieu, et peu de temps
après le commissaire de police décou-
vrait qu'il avait été dupé, que son noble
gendre était un simple aventurier et un
filou dont le vicomté et le nom n'a-
vaient même jamais existés.
Et, à côté de ce cas Quelque peu ex-
traordinaire, tous les jours, ne voyons"
nous pas semblablement les journaux
nous raconter que tel malfaiteur habile
a réussi à se faire condamner sous un
faux nom, gratifiant ainsi d'un casieÉ
judiciaire de fort honnêtes citoyens qui
ne se doutent de rien, jusqu'au jour où
une circonstance accidentellô les appe-
lant à comparaître devant un magistrat
pour un acte quelconque de la vie ci-
vile, ils apprennent tout à coup qu'ils
sont incapables, que leur casier judi-
ciaire est souillé de condamnations in-
famantes et qu'ils ont mérité le bagne
ou la prison.
Evidemment, quand de tels accidentg
surviennent, les intéressés parviennent
à obtenir la justice qui leur est due ;
mais encore doivent-ils, pour cela?
faire des démarches, perdre du temps
et de l argent ; il leur faut enfin, eux lfeâ
innocents, démontrer péremptoirement
qu'il n'ont ni tué ni volé et qu'ils sont
les victimes de lamentables erreurs.
Eh bien, avec le service anthropomé-»
trique, de semblables mésaventures
deviendraient désormais impossibles.
La vérité vraie est donc que le pas-
sage à l'anthropométrie, bien loin d'être
réservé à une infime et peu* recom-
mandable catégorie de la population,
devrait au contraire être étendu à tout
le monde. La chose, en somme, ne se-
rait pas extrêmement difficile à réaliser'
Il faudrait, par exemple, que le législa-
teur édictât une loi spécifiant qu'à uri
âge déterminé tout citoyen, et aussi
toute citoyenne, devrait venir se faire
mensurer.
Cette simple pratique, beaucoup plus
facilement réalisable qu'on le pourrait
croire, et sans dépenses exagérées, du
reste, comporterait les plus grands
avantages et contribuerait efficacement
à diminuer le taux de la criminalité.
Grâce à l'anthropométrie généralisée,
en effet, le malfaiteur aurait infiniment
moins de chance que maintenant d'é-
chapper aux poursuites de la justice en
se créant une identité nouvelle.
Une telle considération, on en con-
viendra sans peine, mérite d'attirer
l'attention de tout le monde.
Au lieu de protester contre l'anthro-
pométrie, réclamons au contraire son
extension. Personne de nous, assuré;
ment, n'aura lieu de s'en plaindre !
GEORGES VITOUX.
Nous publierons demain la Chronique
de M. Paul Ginisty
LA CATASTROPHE DE MAULEVRIER
On télégraphie de Cholet qu'un terrible
accident est arrivé hier matin à Maulevrier.
Huit mètres de corniche se sont écroulés
pendant la grand'messe. Il y a eu trois morts,
trois blessés mort"II ment et quelques bles-
sés moins grièvement.
Les dernières nouvelles arrivées à Angers
dans la soirée disent qu'il y a eu cinq morts
et une soixantaine de blessés.
L'IMPOT SUR LE REVENU
Le projet du gouvernement et les
projets antérieurs
Une liste édifiante-Curieuse comparaison
Nous avons fait connaître déjà les grande
lignes du projet d'imp t sur le revenu que le
gouvernement se propose d'annexer au bud-
get de 1897.
Il ne nous paraît pas inutile de faire remar-
quer à ce sujet que le projet de M. Doumer
ne fait que reprendre sous une forme nou-
velle une question qui a éLé déjà quarante-
quatre fois — retenez bien ce chiffre! - sou-
mise sans succ 's aux délibérations des
Chambres françaises.
Voici, en effe , la liste de toutes les
propositions d'impôt sur le revenu qui ont
été présentées au Parlement depuis 1848 —
date où pour la première fois l'idée d'intro-
duire dans notre législation fiscale une sorte
d'income tax fut condensée en un texte de
loi :
1° Projet de Proudhon (Il juillet 1848) pré-
levant sur tous les revenus meubles et im-
meubles un droit égal au tiers de la somme
totale. Ne réunit que deux voix en sa faveur :
celles de Prudhon et de Greppo.
2° Projet de M. Goudchaux, ministre dos
finances 23 août 1848), ne visant que le
revenu mobilier, qui avait toujours joui do
l'immunité fiscale.
3° Projet de M. Joseph Lempereur (11 sep-
tembre 1848) tendant à établir « une taxa
sur le revenu pour arriver à la suppression
de l'impôt des patentes, de l'impôt des bois-
sons et de l'impôt sur le sel ».
4" Projet de M. Hippolyte Passy, ministre
des finances (9 août l I), établissant. « une
taxe proportionnelle à la fortune des contri-
buables et s'augmentant -d'un dixième par
chaque domestique attaché à la personne. >»
5° Projet de M. Laurent de l'Ardèche (8 dé-
cembre 1849), tendant à remplacer l'impôt
sur les boissons par une taxe sur le revenu
appelée « le don patriotique ».
6° Projet de M. Feborel (20 avril 1850),
frappant d'un impôt de 3 0/0 tous les revenus
mobiliers.
7° Projet de M. Sainte-Beuve (G janvier
1851), analogue au précédent.
8° Projet de M. Morin de la Drôme (10 mal
1851) frappant d'un impôt de 3 0i0 les reve-
nus mobiliers, y compris les hypothèques -
sur immeubles.
9° Projet de M. Laroche-Joubert (10 mars
1870) remplaçant tous les impôts existants
par un impôt unique sur le revenu.
10° Projet de M. Haentjens (28 mars 1870),
tendant à établir une taxe sur le revenu.
11° Projet de M. du Mirai (2 juin 1870\
ayant pour objet de soumettre tous les re-
venus à un impôt de quotité.
12° Projet de M. Flotaid (6 mars 1871),
établissant un impôt de 5 0/0 sur les reve-
venus de tout genre, à l'exception des rentes
françaises.
13° Projet de MM. Houssard et Louis
Passy (21 juin 1871), frappant tous les re-
venus, à l'exception du revenu commercial.
14° Projet de M. Pierre Lefranc (27 juillet
1871) frappant tous les revenus, à l'exception
des émoluments n'atteignant pas annuelle-
ment 1,000 fr., d'un taux allant de 2 1/2 à
5 0/0.
15° Projet de M. Rousseau (1er août 1871),
substituant une taxe sur tous Las rftvûuu*
IL 1 r- -" 1.11"
lm 1 114~ ~7. -
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« i misio l u
L.^ JVumèro, CINQ CENTIMES;
I
ANNONCES
AUX BUREAUX DU JOURNAL
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De 4 h 8 heures du soir et de 10 Mures du soir à 1 heure du matin
N° 9461. — Mardi 4 Février 1896
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ADMINISTRATION: 131, rue Montmartre^ 131
Adresser lettres et mandats 2k ldministmtew
NOS LEADERS
LETTRES LIBRES
UNE ANECDOTE
Le rapport de la commission du bud-
get de la Chambre sur l'emprunt du
Tonkin est une mine si riche en er-
, reurs et en affirmations risquées, qu'il
me serait difficile de l'épuiser et que
surtout je craindrais, le faisant, de fa-
tiguer l'attention des lecteurs de ces
Lettres. Je ne puis cependant résister
au désir de joindre à la liste déjà lon-
gue des erreurs que j'ai Relevées, une
petite anecdote particulièrement ins-
tructive et que je recommande d'une
façon toute spéciale aux méditations
de la commission présidée par M. Pey-
tral. Cela pourrait s'intituler « Cher-
chez Tirrégularité ».
En 1892, la nécessité de faire aux
pirates chinois une chasse vigoureuse,
afin de les éloignèr du delta du Tonkin
où ils exerçaient, depuis quelques an-
nées, librement leurs déprédations, me
contraignit d'autoriser un certain
nombre d'opérations militaires impor-
tantes. Il en résulta naturellement des
dépenses exceptionnelles et, malgré
tous mes efforts, le budget militaire se
trouvait, à la fin de l'exercice, en défi-
cit de deux millions.
Fort heureusement, le budget local
avait vu, pendant le même exercice,
ses recettes augmenter, par suite de la
pacification du delta, dans des pro-
portions considérables, tandis que les
dépenses avaient été réduites dans
toute la mesure du possible.
Le désir très vif que j'avais de ne
pas accroître les charges de la métro-
pole, m'inspira la pensée de prélever
sur les plus-values du budget local les
deux millions que le budget militaire
avait dépensés en trop. Le gouverne-
ment serait ainsi dispensé de deman-
der aux Chambres des crédits supplé-
mentaires, et je supposais qu'il en
éprouverait quelque satisfaction. Le
directeur du contrôle financier ayant
partagé mes vues au sujet de cette
opération, je pris un arrêté imputant
au budget local du Tonkin, les excé-
dents de dépenses du budget militaire.
Bien entendu, le ministre des colonies
n'eut garde de protester. Quand aux
inspecteurs coloniaux ils signalaient
cette mesure comme une preuve in-
discutable du relèvement des finances
du protectorat.
.**
- Cependant, au début de 1894, au
moment où j'arrivais en congé en
France, le ministre des finances adres-
sait à celui des colonies une missive
très officielle où la décision que j'avais
prise était vivement critiquée.
On appelait l'attention du ministre
des colonies sur « l'irrégularité » que
iavais commise en faisant payer par
le budget local du Tonkin des dé-
penses militaires qui, en vertu des
c règles de la comptabilité publique »,
incombaient à la métropole et de-
vaient être mises à sa charge, et l'on
invitait formellement le ministre des
colonies à demander aux Chambres
un crédit supplémentaire de deux
millions pour couvrir les excédents
des dépenses militaires de l'exercice
1892.
La France serait ainsi surchargée de
deux millions que le Tonkin avait été
assez généreux et riche pour payer à
sa place, mais les « règlements » et la
fooôrme seraient sauvegardés.
Comme bien on pense, le ministre
des colonies fit la sourde oreille ; je
pourrais même dire que loin de mani-
fester la moindre mauvaise humeur
pour la prétendue « irrégularité » dont
l'étais accusé par son collègue, il m'en
aurait plus volontiers été reconnais-
sant. Les ministres aiment peu à de-
mander de l'argent aux Chambres et
s'en dispensent volontiers quand ils
n'en ont pas un besoin absolu. Or,
grace à la mesure que j'avais prise, le
ministre des colonies n'avait besoin
d'aucun crédit supplémentaire, puis-
que les excédents de dépenses avaient
été déjà payés par le protectorat.
La lettre du ministre des finances
traîna donc sans réponse, ou, du
moins, sans qu'aucune suite lui' fût
donnée, dans les cartons du ministère
des colonies qui partageait ainsi avec
moi la responsabilité de « l'irrégula-
rité » commise en 1893. On va voir
qu'il n'eut pas lieu de se repentir de
Ion attitude.
***
A la fin de 1894, par suite de je ne
sais quelles circonstances, l'opinion
du ministère des finances sur l'affaire
que je viens d'exposer se modifie brus-
quement du tout au tout. Non seule-
ment l'attribution au budget du pro-
tectorat de l'excédent des dépenses
militaires de 1892 n'est plus considéré
comme une irrégularité ; non seule-
ment on ne l'envisage plus comme une
violation blàmable des règles de la
comptabilité publique, mais encore
ID prescrit au ministre des colonies et
au gouverneur général de régler défi-
nitivement l'affaire comme je l'avais
réglée provisoirement en 1893 et de
porter au compte du protectorat, pour
l'exercice 1894, lasomme restée en sus-
pens. Mon irrégularité de 1893 deve-
nait d'une absolue régularité.
Je dois dire que mon successeur prit
assez mal la chose ; il rappela les ar-
guments donnés, au début de 1894,
par le ministre des finances, contre
l'imputation au budget local de dé-
penses militaires qui incombent régle-
mentairement à la métropole, mais
on ferma l'oreille à ses doléances. Il
les porta jusqu'à la tribune de la Cham-
bre où il disait, dans la séance du 25
janvier : « Ce sont des dépenses qui
normalement m'auraient paru devoir
être mises au compte de la métropole. »
Et comme le ministre des finances
l'interrompait par ces mots « du tout! »
M. Rousseau ajoutait : « Nous n'enga-
gerons pas à nouveau la discussion
sur ce point, M. le ministre des colo-
nies pourrait vous dire que j'ai sou-
tenu cette doctrine et je la soutien-
drais encore avec une conviction com-
plète. Néanmoins je passe condamna-
tion ; ces dépenses resteront inscrites
au compte du protectorat. »
C'est donc, en résumé, mon arrêté
de 1893, considéré comme « irrégu-
lier » par le ministère des finances que
ce même ministère impose aujourd'hui
à mon successeur, malgré lui.
N'avais-je pas raison de dire que
cela pourrait faire, à l'instar du Krou-
mir et du Malgache, le sujet d'une de
ces amusettes de la foire de Noël qui
font la joie des enfants et la tranquil-
lité des familles: « Cherchez l'irrégu-
larité! »
#*#
Il y a malheureusement, dans cette
affaire, en regard du côté plaisant, un
autre côté qui l'est beaucoup moins.
Tant que ces petits incidents de la vie
gouvernementale restent à leur place,
ils n'ont point de gravité. Il n'en est
plus de même lorsqu'ils sont portés
devant le grand public par des mains
maladroites agissant pour le compte
d'esprits malveillants. Ce qui n'était
qu'une « irrégularité » administrative
très discutable, destinée, même sou-
vent, comme dans le cas ci-dessus, a
se transformer, un jour, en « régu-
larité » devient, grâce à la malignité
publique et aux aboyeurs profession-
nels, un véritable délit, pour lequel il
semble qu'aucun châtiment ne saurait
être assez sévère.
Voilà pourquoi j'estime que la com-
mission du budget a commis une
faute grave en autorisant la publica-
tion d'un rapport comme celui de M.
Krantz, véritable pamphlet dirigé
contre les actes de cinq ou six sous-
secrétaires d'Etat et ministres et d'au-
tant de résidents généraux ou gouver-
neurs généraux, sans que les person-
nes si violemment attaquées et livrées
à là manie de diffamation du Parle-
ment et du public, aient été appelées
à corriger les erreurs matérielles et
les interprétations vicieuses dont leurs
actes étaient l'objet. Il me semble qu'il
y a quelques années on n'aurait pas
osé rompre de la sorte avec les belles
traditions du caractère français.
J.-L. DE LANESSAN.
Nous publierons demain un article
de M. Charles Bos.
LES ON-DIT
CARNET QUOTIDIEN :
Fête des cardeurs et dévideurs de laine.
— Ouverture du concours général agricole de
Paris, au Palais de l'Industrie.
— Vernissage au Salon du cercle de l'Union
artistique.
— A la Bodinière, conférence de M. de Mitty,
sur les poésies de Catulle Mendès. Première
représentation de Automobile-Club.
- Durée du jour : io h. 39 m.
AU JOUR LE JOUR
En vérité, certains journaux nous la
bâillent belle. A qui feront-ils croire
que le gouvernement avait un intérêt à
acheter un journal agonisant et pris à
loyer par un libéré de Mazas ? Qui, no-
tamment, le Figaro — car le Figaro est
de cette petite, mais vilaine conspira-
tion — convaincra-t-il que M. Bour-
geois peut être encore soupçonné d'a-
voir payé 3,000 fr. à M. Lalou parce que
le sieur Loubaresse n'a pas été arrêté
pour faux témoignage? Est-ce à M.
Bourgeois à faire arrêter ce maitre es-
croc? Est-ce qu'il n'y a pas des juges
pour ordonner son incarcération.
Remarquez, d'ailleurs, que M. Lalou
a déclaré lui-même qu'il tenait ces
3,000 francs de son père et qu'après lui,
Henri Rochefort a écrit hier matin qu'il
avait lu une lettre de M. Lalou père
faisant allusion à cette somme, ainsi
qu'à l'emploi auquel elle était destinée.
Pourquoi le Figaro, qui reproduit tous
les matins l'article de Rochefort, n'a-
t-il pas publié le passage relatif à la
lettre de M. Lalou?-
Nous comprenons fort bien que le
Figaro fasse de l'opposition au gouver-
nement radical, mais nous ne compre-
nons pas qu'il combatte ce gouverne-
ment en altérant la vérité et en semant
des soupçons injurieux.
Accuser MM. Lockroy et Bourgeois
d'avoir essayé de déshonorer 104 de
leurs collègues, c'est tout bonnement
upe ridicule calomnie. Pourquoi ? Dans
quel but l'auraient-ils fait? Est-ce que M.
Bourgeois affecte des fonds secrets à
la presse ? Est-ce que M. Lockroy, qui
a été l'admirable journaliste que tout le
monde connaît, pourrait songer un seul
moment « à acheter la conscience d'un
de ses confrères » ?
L'un et l'autre, au surplus, n'ont eu
qu'à opposer un démenti indigné à ces
odieuses imputations pour être applau-
dis sur tous les bancs.
Mais le Figaro, lui, n'est pas con-
tent. Dame, personne n'ignore les mo-
tifs de sa colère. Pourtant, nous n'au-
rions jamais supposé que le Figaro
aurait un jour l'audace de se poser en
professeur de vertu.
CHEZ NOUS
- Le président de la République, ac-
compagné du général Tournier et du com-
mandant de la Garenne, a visité hier matin
l'exposition de peinture du Cercle de l'U-
nion artistique.
M. Félix Faure s'était rendu à pied rue
Boissy-d'Anglas.
- M. Gailleton, maire de Lyon, est
parti hier soir pour Paris, avec une délé-
gation du conseil municipal,
Il va inviter officiellement le président
de la République à venir à Lyon le 29 fé-
vrier.
La délégation sera reçue aujourd'hui à
l'Elysée.
- Le président de la République a
promis de s'arrêter à Tours, un jour ou
deux, lors de son voyage en Bretagne.
M. Félix Faure compte partir en Breta-
gne vers le 20 mai, et c'est soit en allant,
soit en revenant, qu'il fera la visite en
question.
- Hier soir, la société de secours mu-
tuels des maîtres d'armes de Paris a donné
au cirque d'Eté son assaut annuel, au profit
de sa caisse, devant une assistance consi-
dérable. - - --
La musique du 39° de ligne prêtait son
concours.
M. Mérignac présidait, ayant à ses côtés
MM. Bergès père, Vavasseur, Pouget, etc.
Le numéro sensationnel était la rencon-
tre longtemps différée (on se souvient à la
suite de quel contre-temps) entre Pi ni, le
maître italien, et Rue, le roi des gauchers.
La salle n'a pas ménagé ses applaudisse-
ments aux deux champions dès leur appa-
rition sur l'estrade.
L'assaut était divisé en deux parties et
une belle. -
Dans la première partie qui a duré un
quart d'heure, Pini a remporté l'avantage.
Dans la seconde parlie, l'avantage a été
repris sérieusement par Rue, qui a porté
trois coups droits à son adversaire. A la
belle, les deux adversaires ont réussi diffi-
cilement à se toucher.
Le dernier coup est revenu à Pini.
——- Hier a eu lieu, au ministère du
commerce, sous le haut patronage de Mme
Mesureur, une vente de charité qui a ob-
tenu le plus grand succès. Une foule d'élé-
gants visiteurs se pressait dans les magni-
fiques salons de la rue de Grenelle, trop
étroits pour contenir le flot des acheteurs.
Parmi les mille attractions de cette vente,
un comptoir arabe et un comptoir japonais,
organisés d'après les dessins de Félix Réga-
mey, attiraient particulièrement l'atten-
tion.
La vente continuera aujourd'hui lundi
et se terminera par un concert.
- Hier, les élèves de l'Ecole normale
supérieure ont été mis en congé à la suite
d'une épidémie d'oreillons qui s'est décla-
rée à l'Ecole.
- Le trésorier de la fête d'escrime
donnée le 18 décembre 189^, au profit des
rapatriés de Madagascar, a versé à la caisse
de l'Union des femmes de France, 29, rue
de la Chaussée-d'Antin, la somme de six
cent huit francs vingt centimes (608 fr. 20),
qui sera consacrée à secourir nos soldats à
leur rentrée en France.
- Un monument va être élevé à Eu-
gène Delacroix, sur un terre-plein situé le
long de la Marne, à proximité de la mairie
de Charenton-Saint-Maurice.
C'est, en effet, dans cette commune que
le peintre du Massacre de Chio naquit le
26 avril 1799.
Le buste sera copié sur celui qui, dans
le jardin du Luxembourg, couronne le mo-
nument de Dalou.
- Au musée de Versailles :
On vient d'aménager dans l'aile droite
du château de Versailles, une exposition
des œuvres du général Lejeune qui, on le
sait, avait un joli brin de pinceau à son
sabre.
M. Paul de Noîhac, conservateur du
musée, a réuni des tableaux du général au
nombre de cinquante. Parmi ceux-ci s'en
trouve un que l'on croyait perdu, le Bi-
vouac de Napoléon 7er à A usterlitz. Cette
toile avait obtenu la médaille impériale au
Salon de 1808.
—— Guéméné-sur-Scorft, à côté de Lo-
rient, vient de fêter le centenaire de la
naissance d'un citoyen dont la petite ville
a le droit d'être fière, l'enseigne de vais-
seau Hippolyte Bisson.
Après la bataille de Navarin, fen 1827,
une escadre commandée par le contre-
amiral de Rigny donnait la chasse aux pi-
rates. Un petit bâtiment enlevé à l'ennemi
le Panayoti, monté par quinze matelots
français, était commandé par l'enseigne
Bisson.
Le 4 novembre, le Panayoti fut attaqué
[ par deux embarcations montéespar soixan-
te-dix pirates.
Neuf de ses hommes ayant été tués, Bis-
son donna aux autres le conseil de se sau-
ver à la nage. Lui, descendit dans la soute
aux poudres et fit sauter le bâtiment avec
les pirates qui montaient à l'abordage.
M. Gravier, préfet du Morbihan, a pré-
sidé la cérémonie.
Une population considérable était ac-
courue des environs, en costume Ibreton.
Le maire a prononcé une allocution de-
vant la plaque inaugurée sur la maison na-
tale de Bisson.
Dans la soirée, la ville était complète-
ment pavoisée et illuminée.
- On me prie d'annoncer le mariage
de M. Gabriel Sauvage, sous-lieutenant
d'artillerie, avec Mlle Alice Guillaume.
M. Gabriel Sauvage est le petit-fils de
M. Doré, maire deVouziers.
- Les Bidards :
Le lot de 100,000 francs du dernier tirage
des obligations foncières, a été gagné par
M. Dangreville, débitant à Vacquemont.
A L'ETRANGER
—^ La femme de l'ex-capitaine Drey-
fus est, parait-il, en ce moment, avec ses
deux enfants, à Alicante. Et déjà le bruit
court en Espagne qu'elle n'a passé les
monts que pour préparer l'évasion de son
mari.
Rassurons les patriotes. L'ex-capitaine
est interné au centre d'un îlot soigneuse-
ment gardé. Latude, lui-même et Monte-
Cristo renonceraient, en cette occurence,
à prendre la clef des champs.
— Les journaux allemands annoncent
avec mélancolie que les officiers prussiens
qui ont pris du service dans l'armée chi-
noise ne sont pas du tout satisfaits de leur
situation, qui ne répondrait en aucune
façon à leur attente, tant au point de vue
de la position que sous le rapport de la
solde.
Allons ! tant mieux l
Le Passant.
LES JOURNALISTES RÉPUBLICAINS
L'Association des journalistes républicains
a tenu hier dimanche, au Grand-Hôtel, son
assemblée générale annuelle.
Le bureau é au ainsi composé : président,
M. Ranc; assesseurs, MM. Gustave Isam-
bert et Charles-Louis Chassin ; secrétaire,
M. Amédée Blondeau.
- Les rapports de M. Théodore Henry, tré-
sorier, et Lucien Victor-Meunier, secrétaire
général, sont adoptés à l'uuanimité.
Sur la proposition de M. Delabrousse,
l'assemblée a décidé de communiquer aux
journaux le passage suivant du rapport du
secrétaire général :
« J'ai terminé ma tâche, a dit M. Lucien
Victor-Meunier, mais je demande s'il ne
m'est pas permis de m'élever un peu au-
dessus du terre à terre des occupations de
chaque jour et d'exprimer en quelques mots
la pensée qui, j'en suis sûr, est au fond de
tous vos cœurs.
« Mes chers confrères, la presse, en ce
moment, traverse incontestablement une
crise. A coup sûr, la profession que nous
sommes fiers d'exercer, parce que nous
avons conscience de l'exercer en toute pro-
bité, ne saurait être salie par le fait de quel-
ques-uns ; mais que, dans les circonstances
présentes, il y a lieu plus que jamais, pour
les journalistes honnêtes, de s'unir étroite-
ment, fortement, cela est certain.
» Notre association est notre sauvegarde.
Sa bonne réputation fait noire honneur à
tous. Le comité ne faillira pas à son devoir.
Cette carte de sociétaire d nt je parlais tout
à l'heure, il faut qu'elle soit pour celui qui
la porte une pièce d'identité, oui, mais sur-
tout un certificat d'honnèieté. »
Ajoutons que ce passage du rapport de M.
Lucien Victor-Meunier a été couvert d'ap-
plaudissements unanimes.
Dans la soirée, a eu lieu, au Grand Hôtel,
le banquet annuel de l'Association.
M. Ranc, sénateur, qui présidait, avait à
sa droite MM. Léon Bourgeois, président
du conseil; Jules Claretie, administrateur de
la Comédie-Française; Montorgueil, repré-
sentant M. Mézières, président de l'Associa-
tion des journalistes parisiens ; Ratier, sé-
nateur; Alphonse Humbert, député; Adrien
Bernheim; Ferdinand Dreyfus, ancien dé-
puté; et Théodore Henry, trésorier de l'As-
sociation, etc., etc.
A la gauche de M. Ranc, se trouvaient :
MM. de Labeyrie, gouverneur du Crédit
foncier ; Paul Strauss, conseiller municipal ;
Lavertujon, député, représentant M. Léon
Brière, président de l'Association de la
presse républicaine départementale ; Lacan,
secrétaire adjoint de la Compagnie des che-
mins de fer du Nord; Méliodon, administra-
teur du Crédit foncier ; Charles Beauquier,
député; Lucien Victor-Meunier, secrétaire
général de l'association, ete., etc.
La plus grande cordialité n'a cessé de ré-
gner pendant toute la durée du repas.
Au dessert, M. Ranc, président de l'Asso-
ciation, a souhaité la bienvenue à M. Léon
Bourgeois, aux représentants des deux gran-
des associations, sœurs de l'association des
journalistes républicains ; à M. de Labeyrie,
gouverneur du Crédit foncier ; à M. Mélio-
don, administrateur du Crédit foncier, et à
M. Lacan, représentant de la compagnie des
chemins de fer du Nord, qu'il a remerciés
d'avoir bien voulu assister à cette fête, de
famille.
M. Léon Bourgeois a pris ensuite la parole.
Il a tout d'abord déclaré qu'il avait été d'au-
tant plus sensible à l'invitation de l'Associa
tion, que c'était la première fois qu'il avait
le plaisir de s'asseoir à sa table.
« Tout à l'heure, a-t-il ajouté avec une
éloquence précise, vigoureuse et brève qui
porte et qui frappe l'ennemi, et qui, au con-
traire réconforte l'ami, votre président a in-
diqué l'estime profonde où doivent vous te-
nir tous ceux qui savent votre labeur quoti-
dien, qui connaissent vos sentiments d'hon-
neur et qui apprécient les services que vous
rendez aux grandes et nobles causes. »
D'autres allocutions applaudies ont été
prononcées par MM. Montorgueil, au nom
de M. Mézières, président de l'Association
des journalistes parisiens ; Lavertujon, au
nom de M. Léon Brière, président du Syn-
dicat de la presse républicaine départemen-
tale; de Labeyrie, gouverneur du Crédit
foncier et Gaston Labat.
Un brillant concert a suivi.
Le programme, composé avec beaucoup de
goût par MM. Bertol-Graivil, Edmond Le-
pelletier, Victor Souchon et Adrien Ber-
nheim, a obtenu le plus vif succès.
De chaleureux applaudissements ont ré-
compensé le talent déployé par les artistes
qui ont pris part à cette belle fête.
Mlles du Minil et Moreno, de la Comédie-
Française, dans le Passant; M. Coquelin
cadet, de la Comédie-Française, et Mlle
Vanda de Boncza, de l'Odéon, dans la
Bourrasque ; Mlle Suzanne Berty et M. Gé-
mier, dans la Peur des coups, Mlles Char-
lotte Wyns et Nina Bonnefoy, de 1 Opéra-
Comique; Mme Bay, MM. Emile Boussagol
et Alfred Brun, de l'Opéra; M. Charles
Morel, des concerts Lamoureux; MM. Frag-
son, Villé, Florent, ont tour à tour charmé
l'assistance.
TABLETTES D0 PROGRÈS
-
L'Anthropométrie pour tous
Assurément, tout le monde aujour-
d'hui est d'accord pour reconnaître que
le service anthropométrique conçu et
institué par M. Bertillon, rend les plus
grands services pratiques à la justice.
Grâce à lui, en effet, tout malfaiteur,
quel soit-il, qui a une fois passé par le
Dépôt, se trouve pour jamais dans l'a-
venir empêché de falsifier son identité.
En vain il se fabrique ou vole des pa-
piers ; en vain il change la coupe de ses
cheveux ou de sa barbe, se maquille le
visage ou s'illustre de tatouages iné-
dits ; de par le fait même qu'il a été
mensuré une bonne fois, toujours l'on
peut déceler la fraude et établir en
toute exactitude son véritable état-civil.
Le système anthropométrique, en un
mot, c'est la certitude mathématique
apportée à l'artde reconnaître son sem-
blable, c'est la garantie de la parfaite et
rapide identification des gens, sans
erreur possible.
Et cela est si exact que, depuis la créa-
tion du service anthropométrique, en
présence des avantages extrêmes qu'il
assure, un certain nombre de gouver-
nements étrangers ont décidé de l'ap-
pliquer chez eux.
Devant un tel hommage rendu à la
méthode conçue par M. Bertillon, il
semblerait que celle ci doive désormais
apparaltre comme un véritable palla-
dium pour les braves gens et, à ce titre,
mériter les unanimes approbations.
Eh bien, par une fortune singulière,
c'est le contraire qui a lieu, si bien qu'en
ce moment même, en effet, il se pour-
suit, jusqu'au Parlement, une campa-
gne contre l'anthropométrie.
C'est le principe supérieur du respect
et do la liberté individuelle qui sert de
prétexte aux adversaires de la mensu-
ration. En soumettant aux formalités
de l'anthropométrie un individu arrêté,
mais contre lequel n'a pu encore inter-
venir la moindre condamnation, qui
pourra parfaitement sortir blanc comme
neige de la prison préventive, vous
commettez un abus de pouvoir, disent-
ils, car vous lui infligez gratuitement
l'infamie d'un traitement ne devant être
réservé, en principe absolu, qu'aux
seuls malfaiteurs avérés. Que la prati-
que soit avantageuse, cela est possible !
Mais elle est immorale comme atten-
tatoire aux droits les plus stricts de
chacun, et, à ce titre, elle est mauvaise
et doit être repoussée.
Tels sont les arguments vraiment
spécieux invoqués contre l'usage de
l'anthropométrie.
Et il en est bien ainsi parce que c'est
à tort que l'on attribue au fait de sou-
mettre un prévenu quelconque aux
mensurations, un caractère infamant et
dolosif,
Dans la pure sincérité des choses, il
n'en est absolument rien, et le passage
à l'anthropométrie devrait en réalité se
voir assimilé à un pur et simple acte
d'état-civil, infiniment avantageux, du
reste, pour les personnes qui en sont
l'objet.
Car, je vous le demande, pourquoi le
bénéfice d'un procédé d'identification
d'une exactitude et d'une sécurité mer-
veilleuse, serait-il réservé aux seuls
malfaiteurs ou présumés tels ?
Dans la pratique courante de la vie,
en effet, s'il est utile de pouvoir sans
erreur étiqueter les filous, il est aussi
fréquemment non moinéSndispensable
d'être en mesure de reconnaître les
vrais braves gens.
Demandez donc à ce commissaire de
police de Paris dont les gazettes, ces
jours derniers, nous racontaient la
piquante et désolante mésaventure, son
avis à cet égard.
Sur une plage sans prétention — un
véritable petit trou pas cher — l'été
dernier, en compagnie de sa femme et
de ses filles, notre magistrat passait
quelques jours de vacances.
A la table d'hôte, au bord du rivage,
le soir dans la salle du petit casino de
l'endroit, la colonie des baigneurs, fata-
lement, se retrouvait. Mais, en cette
intimité forcée, les liaisons se font vite,
bien qu'à la légère. Et c'est ainsi que
notre commissaire accueillit un jeune
homme, fort distingué du reste — il
était vicomte, le vicomte de Clercy — et
qui n'avait d'yeux que pour la plus
Jeune des deux filles du confiant ma-
gistrat.
,D'intentions honnêtes entre toutes,
M. de Clercy ne tarda pas à s'ouvrir au
père, qui, ébloui par les belles allures
du gentilhomme, n'eut rien de plus
pressé que de s'écrier : « Dans mes
bras, mon gendre ».
Le mariage eut lieu, et peu de temps
après le commissaire de police décou-
vrait qu'il avait été dupé, que son noble
gendre était un simple aventurier et un
filou dont le vicomté et le nom n'a-
vaient même jamais existés.
Et, à côté de ce cas Quelque peu ex-
traordinaire, tous les jours, ne voyons"
nous pas semblablement les journaux
nous raconter que tel malfaiteur habile
a réussi à se faire condamner sous un
faux nom, gratifiant ainsi d'un casieÉ
judiciaire de fort honnêtes citoyens qui
ne se doutent de rien, jusqu'au jour où
une circonstance accidentellô les appe-
lant à comparaître devant un magistrat
pour un acte quelconque de la vie ci-
vile, ils apprennent tout à coup qu'ils
sont incapables, que leur casier judi-
ciaire est souillé de condamnations in-
famantes et qu'ils ont mérité le bagne
ou la prison.
Evidemment, quand de tels accidentg
surviennent, les intéressés parviennent
à obtenir la justice qui leur est due ;
mais encore doivent-ils, pour cela?
faire des démarches, perdre du temps
et de l argent ; il leur faut enfin, eux lfeâ
innocents, démontrer péremptoirement
qu'il n'ont ni tué ni volé et qu'ils sont
les victimes de lamentables erreurs.
Eh bien, avec le service anthropomé-»
trique, de semblables mésaventures
deviendraient désormais impossibles.
La vérité vraie est donc que le pas-
sage à l'anthropométrie, bien loin d'être
réservé à une infime et peu* recom-
mandable catégorie de la population,
devrait au contraire être étendu à tout
le monde. La chose, en somme, ne se-
rait pas extrêmement difficile à réaliser'
Il faudrait, par exemple, que le législa-
teur édictât une loi spécifiant qu'à uri
âge déterminé tout citoyen, et aussi
toute citoyenne, devrait venir se faire
mensurer.
Cette simple pratique, beaucoup plus
facilement réalisable qu'on le pourrait
croire, et sans dépenses exagérées, du
reste, comporterait les plus grands
avantages et contribuerait efficacement
à diminuer le taux de la criminalité.
Grâce à l'anthropométrie généralisée,
en effet, le malfaiteur aurait infiniment
moins de chance que maintenant d'é-
chapper aux poursuites de la justice en
se créant une identité nouvelle.
Une telle considération, on en con-
viendra sans peine, mérite d'attirer
l'attention de tout le monde.
Au lieu de protester contre l'anthro-
pométrie, réclamons au contraire son
extension. Personne de nous, assuré;
ment, n'aura lieu de s'en plaindre !
GEORGES VITOUX.
Nous publierons demain la Chronique
de M. Paul Ginisty
LA CATASTROPHE DE MAULEVRIER
On télégraphie de Cholet qu'un terrible
accident est arrivé hier matin à Maulevrier.
Huit mètres de corniche se sont écroulés
pendant la grand'messe. Il y a eu trois morts,
trois blessés mort"II ment et quelques bles-
sés moins grièvement.
Les dernières nouvelles arrivées à Angers
dans la soirée disent qu'il y a eu cinq morts
et une soixantaine de blessés.
L'IMPOT SUR LE REVENU
Le projet du gouvernement et les
projets antérieurs
Une liste édifiante-Curieuse comparaison
Nous avons fait connaître déjà les grande
lignes du projet d'imp t sur le revenu que le
gouvernement se propose d'annexer au bud-
get de 1897.
Il ne nous paraît pas inutile de faire remar-
quer à ce sujet que le projet de M. Doumer
ne fait que reprendre sous une forme nou-
velle une question qui a éLé déjà quarante-
quatre fois — retenez bien ce chiffre! - sou-
mise sans succ 's aux délibérations des
Chambres françaises.
Voici, en effe , la liste de toutes les
propositions d'impôt sur le revenu qui ont
été présentées au Parlement depuis 1848 —
date où pour la première fois l'idée d'intro-
duire dans notre législation fiscale une sorte
d'income tax fut condensée en un texte de
loi :
1° Projet de Proudhon (Il juillet 1848) pré-
levant sur tous les revenus meubles et im-
meubles un droit égal au tiers de la somme
totale. Ne réunit que deux voix en sa faveur :
celles de Prudhon et de Greppo.
2° Projet de M. Goudchaux, ministre dos
finances 23 août 1848), ne visant que le
revenu mobilier, qui avait toujours joui do
l'immunité fiscale.
3° Projet de M. Joseph Lempereur (11 sep-
tembre 1848) tendant à établir « une taxa
sur le revenu pour arriver à la suppression
de l'impôt des patentes, de l'impôt des bois-
sons et de l'impôt sur le sel ».
4" Projet de M. Hippolyte Passy, ministre
des finances (9 août l I), établissant. « une
taxe proportionnelle à la fortune des contri-
buables et s'augmentant -d'un dixième par
chaque domestique attaché à la personne. >»
5° Projet de M. Laurent de l'Ardèche (8 dé-
cembre 1849), tendant à remplacer l'impôt
sur les boissons par une taxe sur le revenu
appelée « le don patriotique ».
6° Projet de M. Feborel (20 avril 1850),
frappant d'un impôt de 3 0/0 tous les revenus
mobiliers.
7° Projet de M. Sainte-Beuve (G janvier
1851), analogue au précédent.
8° Projet de M. Morin de la Drôme (10 mal
1851) frappant d'un impôt de 3 0i0 les reve-
nus mobiliers, y compris les hypothèques -
sur immeubles.
9° Projet de M. Laroche-Joubert (10 mars
1870) remplaçant tous les impôts existants
par un impôt unique sur le revenu.
10° Projet de M. Haentjens (28 mars 1870),
tendant à établir une taxe sur le revenu.
11° Projet de M. du Mirai (2 juin 1870\
ayant pour objet de soumettre tous les re-
venus à un impôt de quotité.
12° Projet de M. Flotaid (6 mars 1871),
établissant un impôt de 5 0/0 sur les reve-
venus de tout genre, à l'exception des rentes
françaises.
13° Projet de MM. Houssard et Louis
Passy (21 juin 1871), frappant tous les re-
venus, à l'exception du revenu commercial.
14° Projet de M. Pierre Lefranc (27 juillet
1871) frappant tous les revenus, à l'exception
des émoluments n'atteignant pas annuelle-
ment 1,000 fr., d'un taux allant de 2 1/2 à
5 0/0.
15° Projet de M. Rousseau (1er août 1871),
substituant une taxe sur tous Las rftvûuu*
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