Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1894-05-20
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 20 mai 1894 20 mai 1894
Description : 1894/05/20 (A24,N8161). 1894/05/20 (A24,N8161).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2013
VINGT-QUATRIEME ANNÉE* — N* 8,161
LE NUMÉRO CINQ GBîmilES
DIMANCHE 20 MAI 1894
■
REDACTIOI ET ÊBHtMSTMTMW
142, Rue MontmaPtFfl
pABJ8 i
IIIECTEI. POLITIQUE ; f
A.«EDOUARD PORTALIS
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LES MÉPRISES
M. le président du conseil, en re-
poussant l'assaut d'interpellateurs qui
se présentaient d'ailleurs en ordre dis-
persé, a prononcé un discours remar-
quable, étonnamment habile à force d'af-
fecter le mépris de l'habileté. Il a enfin
élargi son succès par la lecture d'une
dépêche diplomatique crânement tour-
née et qui a produit l'effet d'un bouquet
de feu d'artifice. Cette dépêche à effet a
précédé chronologiquement les faits sur
lesquels roulaient et l'interpellation et
les questions subsidiairement posées.
Elle a été écrite presque au lendemain
du jour où avait été lâchée à la tribune
cette parole si commentée depuis, mais
non encore réparée : « l'esprit nou-
veau ». Que prouve cette précaution
prise à une époque où ne s'était-pas
encore produite la tentative d'usurpa-
tion de pouvoirs du nonce ? Que le mi-
tère, que son chef en particulier, s'était
tout de suite rendu compte de l'aliment
imprudemment offert aux espérances et
aux prétentions ecclésiastiques. C'est
qu'il sentait la nécessité de se prémunir
contre un envahissement toujours mé-
dité et qui devait se croire encouragé.
On s'est trompé, paraît-il, sur la por-
tée d'une formule fâcheusement célè-
bre, et son auteur a indiqué avec dis-
crétion qu'elle n'avait pas été exacte-
ment comprise par quelques-uns de ses
plus vieux amis, des plus anciens confi-
dents de sa pensée. Personne plus que
moi n'aurait plaisir à se voir démontrer
qu'il y a eu méprise en effet, à recon-
naître et à confesser son erreur. Mais
quoi ! si des hommes qu'on ne pourrait
à aucun degré soupçonner d'hostilité
personnelle, si des hommes rompus aux
discussions politiques et à qui l'on vou-
dra bien concéder quelque teinture au
moins de philosophie, n'ont pas été ca-
pables de s'y reconnaître, de quel droit
pourrait-on s'étonner que le grand pu-
blic, voyant les choses et entendant les
mots de plus loin, s'y soit trompé com-
plètement 1
Dans nos provinces, tout le monde s'y
est trompé, puisque erreur il y a. Les
cléricaux ont compris qu'il n'y avait
plus de joie au ciel gouvernemental
que pour leur adhésion de la onzième
heure ; les républicains fidèles ont com-
pris qu'ils étaient sacrifiés, ou, pour
parler vulgairement, lâchés. Quant aux
agents de l'autorité, il semble bien
qu'un certain désarroi se soit mis parmi
eux, au moment même où l'on parlait
le plus de restaurer l'unité et l'homogé-
néité. Ceux qui sont des républicains
de conviction, il y en a plus qu'on ne
veut bien le dire, se sont sentis paraly-
sés et réduits à une sorte d'expectative;
ceux que tous leurs penchants attirent
à la réaction et qui préféreraient servir
tout autre régime, il y en a aussi, ont
compris qu'ils n'avaient plus à se con-
tenir ; les flottants, les sceptiques, ceux
qui n'ont que le souci de leur carrière,
ont jugé le moment venu de se surveil-
ler dans leurs relations avec les répu-
blicains et de risquer des avances pré-
voyantes à l'égard de gens universelle-
ment considérés jusque-là comme des
adversaires persévérants du régime.
Que ce changement d'aspect soit l'ef-
fet d'instructions supérieures, c'est une
supposition qui n'est point permise.
Nous connaissons dans leur texte au-
thentique les instructions adressées à
M. Lefebvre de Béhaine. Il est impossi-
ble que le même cabinet ait adressé à
ses agents à l'intérieur ou à une caté-
gorie quelconque de ses agents des ins-
tructions qui seraient le contre-pied de
celles-là. Ce ne serait vraiment pas la
peine d'avoir annoncé avec tant de fra-
cas l'inauguration de l'homogène.
Tout ce qui se passe ici ou là, tout
ce qui frappe nos amis d'étonnement,
ce qui démoralise les uns, désaffec-
tionne les autres, ne tient évidemment
qu'à une illusion, qu'à la fausse inter-
prétation d'un mot que les gloses ont
plutôt réussi à obscurcir qu'à préciser.
Soit. Mais les républicains épars sur le
territoire ne peuvent se former une opi-
nion sur les tendances officielles du
jour que d'après ce qu'ils ont sous les
yeux dans les limites de leur horizon ;
ils l'assoient sur des exemples et des
noms propres qui ont pour eux l'avan-
tage d'une clarté aveuglante.
Causez en ce moment avec des dépu-
tés républicains revenus depuis peu
de leurs circonscriptions, j'entends des
députés ministériels, de ceux qui ont
voté d'entrain l'ordre du jour Leygues,
et au bout d'un instant chacun dira la
sienne. L'un se plaint de la faveur sou-
daine et ostensible dont le rallié battu
par lui il y a quelques mois est l'objet
de la part des autorités du département;
l'autre admire la ferveur imprévue dont
tels et tels fonctionnaires ont été enflam-
més pour les pèlerinages et les prédica-
teurs de missions ; un troisième a eu
des démêlés en tournée de revision avec
le préfet qui, dans un département ar-
raché par vingt ans d'efforts à une
coterie réactionnaire puissante, professe
que ce beau département ifest déparé
que par l'existence des comités républi-
cains. Cela ne s'arrête point; mais ce
que l'on constate en choeur, par-dessus
toutes particularités locales, c'est que
les cléricaux ont repris un aplomb et
une arrogance qu'on ne leur avait plus
connus depuis la défaite du 16 Mai.
Après le discours de M. Casimir-Pe-
rier, on a demandé sur quelques bancs
l'affichage. Il est fâcheux que la propo-
sition n'ait pas pris de consistance. C'é-
tait une bonne idée, qui eût été excel-
lente si on eût pu prescrire cet affi-
chage, non aux portés des mairies,
mais à celles des presbytères. C'est là
surtout que le cabinet a besoin de rec-
tifier une vue erronée de ses tendances
politiques. C'est là qu'il faut qu'on sa-
che le gouvernement résolu à arrêter
les empiètements du clergé. C'est quel-
que chose, mais ce n'est pas tout de
l'envoyer dire à Rome.
Gustave Isambert.
LE NONCE DU PAPE
Est-ce une disgrâce? On nous annonce de source
certaine que M. Ferrata, nonce du pape à Paris
va être prochainement nommé cardinal et rappelé
à Rome, où il exercera une fonction obligeant sa
présence au Vatican.
LA POLITIQUE RELIGIEUSE
Une nouvelle interpellation
La question de la politique religieuse sui-
vie par le gouvernement n'est pas close par
le débat que nous avons rapporté hier. Les
groupes radicaux estiment, en effet, que le
discours du président du conseil appelle une
réponse qu'il a été impossible de faire au
cours de la séance de jeudi, les députés gou-
vernementaux ayant refusé d'entendre systé-
matiquement les orateurs de l'opposition ré-
publicaine.
Le groupe de l'extrême-gauche, qui vient de
se réunir, a décidé, sur la proposition de M.
Camille Pelletan, de provoquer une prochaine
interpellation qui porterait sur des faits pré-
cis et qui aurait pour objet de demander des
explications plus nettes au cabinet.
La gauche progressiste (gauche radicale)
dans la réunion qu'elle a tenue hier, a décidé
de se joindre aux radicaux socialistes pour
soumettre cette interpellation à la Chambre.
Les deux groupes radicaux doivent négo-
cier , à ce propos, avec les socailistes.
LA GREVE DES ALLUMETTES
De nouveau hier à deux heures de l'après-
midi, les ouvriers et ouvrières des manufac-
tures de Pantin, d'Aubervilliers et de la route
de Flandre se sont mis en grève.
La rentrée des ateliers s'était effectuée le
matin à six heures et demie comme d'habi-
tude, sans incident ; néanmoins, une grande
agitation se manifestait depuis quelques jours
dans le personnel.
En voici le motif :
Les ouvriers avaient demandé le renvoi de
M. le docteur Noirot, médecin-dentiste chargé
de la visite sanitaire de la bouche du person-
nel, visite qui a lieu, ainsi que le prescrit le
règlement, une fois par mois. Ils se plai-
gnaient, à tort ou à raison, de la brutalité du
docteur Noirot qui se servait plus souvent du
bistouri que de la pince ou de la clé pour les
extractions de dents les plus simples et ne
voyait dans la bouche des ouvriers et ou-
vrières qu'un moyen d'exercer ses talents de
chirurgien, sans nécessité.
La direction refusa.
Samedi dernier les ouvrières, au nombre
de 600 environ, refusèrent en corps de se ren-
dre à la visite du dentiste et la direction crut
devoir infliger aux révoltées une quarantaine
de jours de mise à pied. Les ouvriers et ou-
vrières refusèrent d'accepter cette punition et
à deux reprises une délégation se rendit au-
près du directeur pour demander qu'elle fût
levée. Le syndicat des allumettes déclara
alors la nécessité d'une grève si une ré-
ponse conforme aux desiderata des employés
n'était donnée, et hier, cette réponse n'étant
pas venue, les ateliers se vidèrent complète-
ment.
Nous ne croyons pas que cette grève doive
durer longtemps, car les grévistes ont reçu
d'ores et déjà une satisfaction morale : le doc-
teur Noirot vient de donner sa démission.
A LA RECHERCHE D'UN HOTEL
POUR LE PRÉFET DE LA SEINE
Par la volonté du gouvernement, le
préfet de la Seine, qui habite ordinairement
aux environs de Carcassonne, possède depuis
quelques semaines un pied-à-terre à l'Hôtel
de Ville. Quelles colères cette installation a
soulevées au conseil municipal, nous n'avons
pas à le rappeler.
Mais au même moment le département, re-
présenté par le conseil général de la Seine,
réclamait à cor et à cri son préfet. Nos con-
seillers généraux (dont quatre-vingts sur cent
appartiennent aussi à l'assemblée commu-
nale) demandèrent que le préfet fût logé dans
un hôtel qu'on édifierait exprès pour lui.
D'autres proposèrent d'aménager tout simple-
ment à cet effet le théâtre du Châtelet, qui
appartient à la ville. Une commission reçut
la mission d'étudier la question.
On aurait pu croire qu'elle l'enterrerait,
comme il advient quelquefois des projets
renvoyés aux commissions. Eh bien, la com-
mission continue d'examer cette affaire. Pas
plus tard qu'hier, elle s'est rendue à la suc-
cursale de la Banque de France installée
dans l'ancien théâtre Ventadour, afin de se
rendre compte des modifications qu'a dû su-
bir cette salle pour être transformée en mai-
son de banque.
Cette visite avait pour but d'établir, par
comparaison, les travaux et dépenses que
nécessiterait l'aménagement du théâtre du
Châtelet en hôtel de préfecture.
Dans le cas où le conseil général tranche-
rait la question de principe favorablement à
ce dernier projet, tous les services départe-
mentaux actuellement disséminés à Hîôtel
de Ville et à son annexe de la caserne Lo-
bau seraient réunis dans les bâtiment* du
Châtelet.
'L'ODYSsHH D'UR FAUI-IALADH
L'ATAXIE DE DELANOY
Le miracle de Lourdes. — La série des
supercheries. — L'assistance publique
et les piliers d'hôpitaux.
Si les bureaux de bienfaisance ont à se dé-
fendre contre les mendiants professionnels,
l'Assistance publique est exploitée par le pi-
lier d'hôpital, par le faux malade. On con-
naît des vagabonds qui passent leur vie à
courir les hôpitaux et qui prennent leurs
quartiers d'hiver à Laënnec ou à l'Hôtel-
Dieu, comme d'autres vont à Nice ou à Men-
ton.
Une des plus jolies histoires de ce genre est
celle d'un ancien jardinier du Nord, Pierre
Delanoy, dont M. Mamoz, le philanthrope
bien connu, a reconstitué les principaux
traits.
En 1884, notre homme était venu à Paris
pour consulter le docteur Charcot à la Salpê-
trière ; il s'y fait délivrer un certificat pour
ataxie locomotrice; il aura désormais son vi-
vre et son couvert dans les hôpitaux.
Successivement ce faux malade passe à
l'Hôtel-Dieu, à l'hôpital Necker, à Laënnec ;
il se laisse cautériser, il absorbe du nitrate
d'argent, de la belladone; il accepte tout
bénévolement ; il se fait ensuite traiter à
l'antipyrine et il va même jusqu'à subir à
l'hôpital Cochin le traitement de la pendai-
son.
A Lourdes
Dégoûté sans doute de prendre tant de po-
tions, fatigué d'être tantôt cautérisé et tantôt
pendu, Delanoy médite un grand coup. Muni
de deux certificats de médecins des plus célè-
bies de Paris, constatant avec une touchante
unanimité l'existence d'une ataxie locomo-
trice incurable, il part pour Lourdes avec le
pèlerinage national et y arrive le 19 août
1889. On le descend de wagon : il pousse des
cris affreux ; on le conduit à la grotte.
Là, Delanoy se met en prière. Tout à
coup il se lève, se tâte, pousse des cris de
joie, se met à marcher comme un facteur ru-
ral. Miracle 1
Le docteur Petit, professeur à l'Ecole de
médecine de Rennes, publia peu après, dans
les Annales de Lourdes, un article intitulé
les Impiétés de Renan, où la guérison mira-
culeuse est dûment constatée. Le fait n'est-il
pas écrasant pour les plus sceptiques ?
Personne ne peut mettre en doute la bonne
foi du docteur Petit et des bons Pères de
Lourdes, puisque la maladie de Delanoy a eu
les honneurs de l'examen scientifique le plus
complet: -----
Les braves Pères se prennent naturellement
d'amitié pour ce précieux témoin de la puis-
sance céleste; ils tiennent à le conserver
près d'eux et lui confient la garde d'un cha-
let, avec des appartements suffisants pour vi-
vre heureux.
Mais cet excellent Delanoy aime le change-
ment. Le 5 août 1891 il quitte Lourdes nui-
tamment, emportant une somme de 600 francs
environ que les Pères trop confiants avaient
laissée en sa possession. Quelle cruelle désil-
lusion pour ces dignes ecclésiastiques ! Ils
sont si attristés qu'ils n'ont même pas l'idée
d'avertir la police.
Delanoy aliéné
A peine 5e retour à Paris, Delanoy, qui
n'ose plus — le truo est trop usé — se faire
soigner pour une ataxie locomotrice imagi-
naire, trouve bientôt un autre moyen de vivre
sans travailler.
C'est un Delanoy aliéné que nous avons
maintenant devant nous.
Le 15 septembre 1891, il entre à l'asile
Sainte-Anne, envoyé par l'hôpital Broussais
avec un certificat attestant qu'il est atteint du
délire des persécutions. M. le docteur Du-
buisson, médecin en chef de Sainte-Anne, qui
avait surveillé le malade, le renvoie au bout
de trois semaines avec un certificat déclarant
qu'il n'était pas aliéné et qu'il était en état de
gagner sa vie.
- C'est le commencement de la lumière dans
les supercheries de Delanoy.
Mais celui-ci, bien décidé à être fou quand
même, ne se tient pas pour battu. Le 4 no-
vembre 1891, il rentre de nouveau à l'asile
Sainte-Anne, envoyé cette fois par l'hôpital
de la Pitié. Il reste six mois à l'asile, où on
l'emploie à des travaux de jardinage; il est
libéré le 4 mai 1892.
Onze jours après, il est pour la troisième
fois admis à Sainte-Anne avec un certificat
de l'hôpital Broussais le déclarant atteint
d'alcoolisme. On l'emploie à la buanderie. Il
quitte l'asile le 1er février 1893.
Pour la quatrième fois, le 21 février 1893,
Delanoy est renvoyé comme hypocondriaque
à l'asile Sainte-Anne par l'hôpital Broussais.
Plus que jamais, le médecin en chef Du-
buisson entretient des doutes sur l'aliénation
de Delanoy. Très adroitement, il l'interrogé
sur son passé. Delanoy raconte qu'il a été
« guéri » à Lourdes d'ataxie locomotrice.
Puis — fatale imprudence 1 — il prétend que
des gages lui étaient dus par les Pères quand
il a quitté Lourdes.
Le pot-aux-roses
M. le docteur Dubuisson l'engage alors,
pour rentrer dans son argent, à s'adresser à
l'administrateur du bien des aliénés. Delanoy
suit ce conseil. L'administrateur écrit à Lour-
des. Quelques jours plus tard, une lettre du
Père Ozon, économe à Lourdes, mettait le
docteur Dubuisson au courant des méfaits de
Delanoy.
Appelé à prendre connaissance de cette mis-
sive, Delanoy appela les révérends pères
« canailles ». La vraie canaille, c'était bien
lui ; car, le 24 décembre 1893, il quittait l'a-
sile Sainte-Anne, emportant une somme de
dix-huit cents francs et plusieurs objets sous-
traits à un fonctionnaire chez lequel il était
employé.
On ouvrit une enquête administrative. n
fut établi que Delanoy, avant d'exercer la
profession de jardinier, avait été infirmier
des hôpitaux de Paris de 1877 à 1881. Il
connaissait toutes les « ficelles du métier ».
Il avait pu simuler adroitement plusieurs
maladies incurables.
Enfin, après 4lx années d'exercice, ce pau-
vre Delanoy a été troublé dans sa profession
de faux malade et d'aliéné pour rire; il en est
quitte pour changer son fusil d'épaule et pour
recommencer ailleurs, sous une forme nou-
velle, sa lucrative industrie.
Est-ce que l'Assistance publique, malgré sa
routine, ne pourrait pas organiser une résis-
tance intelligente contre les piliers d'hôpi-
taux et tous ces malades professionnels ?
LE BOI DE SUÈDE A PARIS
Ainsi que nous l'avions annoncé, le roi de
Suède est arrivé hier matin à Paris.
Il est desoendu à l'hôtel Castiglione, autour
duquel un service de police a été aussitôt or-
ganisé.
< A dem, heure»,!* roi 8 rendu à l'Elysée
pour rendre visite au président de la Répu-
blique.
Il a été reçu au perron du palais par le ca-
pitaine de frégate Marin-Darhel, qui l'a con-
duit dans le salon du premier étage où M.
Carnot se trouvait.
L'entrevue du président et du roi n'a eu
aucun témoin.
Le roi a été reconduit à deux heures et de-
mie, avec le cérémonial habituel, jusqu'à sa
voiture ; les clairons et tambours du poste
ont salué son départ.
Quelques minutes après, le président de la
République, accompagné du général Borius,
est allé à la légation de Suède pour rendre sa
visite au roi Oscar.
AGRESSION CONTRE NOS MARINS
AU SIAM
Le ministère des affaires étrangères a reçu
du gérant du consulat général de France à
Bangkok le télégramme suivant :
« Bangkok, 18 mai 1894. — Il est exact que
des marins français ont été attaqués par des
Siamois. L'agression s'est produite au mo-
ment où les marins rentraient à bord; les
blessures qu'ils ont reçues ne présentent au-
cune gravité.
» J'ai immédiatement exigé et obtenu du
gouvernement siamois que les coupables fus-
sent poursuivis. Ils viennent d'être condamnés
à une forte amende. »
LA GRÈVE DES COCHERS DE LONDRES
Londres, 18 mai.
La grève des cockers de fiacre de Londres
suit son cours régulier ; il n'y a pas depuis
hier d'incident à signaler.
La majorité des propriétaires de cabs pa-
rait décidée à ne pas imiter l'initiative prise
par ceux, en petit nombre, qui ont accordé
en principe aux cochers une réduction de
3 fr. 75 sur la redevance quotidienne. Quel-
ques-uns des plut considérables, comme le
comte de Shrewsbury et Talbot, qui avait
déjà agi de la même façon il y a trois ou
quatre ans, vendent leurs chevaux et leur
matériel.
Ea attendant, le syndicat a reçu 9,000adhé-
sions nouvelles, de telle sorte qu'il comprend
aujourd'hui la presque totalité des cab men de
la métropole. Les trade-unions des omnibus
et des tramways subviennent en partie aux
frais de la grève.
LES ENTERREMENTS RELIGIEUX
A SAINT-DENIS
La préfecture de la Seine vient de trans-
mettre à la mairie de Saint-Denis, au conseil
de fabrique et au pasteur protestant la con-
sultation juridique rendue par le conseil
d'Etat, à la demande du ministre de l'inté-
rieur, à propos de la partie annulée par le
consul de l'arrêté du maire de Saint-Denis,
M. Walter. Cet arrêté interdisait les cérémo-
nies extérieures du culte sur la voie publique
à l'occasion des enterrements.
Le recours de M. l'abbé Iteney, curé de
Saint-Denis, ayant été admis par le conseil
d'Etat, le cardinal archevêque donna l'ordre
au curé de Saint-Denis d'accompagner les
corps de ses paroissiens au cimetière. Le mi-
nistre de l'intérieur s'y opposa et objecta aux
observations du cardinal Richard que l'arrêté
du maire de Saint-Denis, pris en conformité
des lois, devait être exécuté.
Le conseil d'Etat consulté vient de donner
raison au ministre. Le cortège religieux qui
accompagne les corps et l'exhibition d'em-
blèmes religieux à cette occasion constituent,
d'après le conseil, une procession que la loi
donne au maire le pouvoir d'interdire. L'ar-
chevêché de Paris a donné comme instruction
au clergé de Saint-Denis de s'incliner devant
les prescriptions de l'autorité civile.
MORT DU COLONEL BOISTEL
On annonce la mort de M. le lieutenant-
colonel d'infanterie de marine Boistel,de l'état-
major hors cadre au Bénin.
M. Boistel, qui revenait en convalescence
en France, est décédé avant d'arriver à Da-
kar, à bord de la Ville-de-Maranhao, sur la-
quelle il rentrait.
Le lieutenant-colonel Boistel était âgé de
cinquante ans; entré au service comme en-
gagé volontaire à dix-sept ans, il avait été
nommé sous-lieutenant en 1867.
Il était lieutenant-colonel depuis le 29 mars
1893. Il était officier de la Légion d'hon-
neur.
LE GÉNÉRAL DODDS
Le général Dodds sera reçu demain par M. Ca-
simir-Perier, avec lequel il doit s'entretenir de la
transmission des territoires du Dahomey du gou-
vernement militaire au gouvernement civil.
QUADRUPLE SUICIDE
Vienne, 18 mai.
Le peintre François Kollarz, bien connu dans le
monde artistique de Vienne, s'est rendu pendant
les fêtes de la Pentecôte, en compagnie de ses trois
sœurs, au pèlerinage de Mana Lanzendorf où
tous les quatre se sont empoisonnés dans l'hôtel
où ils étaient descendus, en absorbant une forte
dose de cyanure de potassium. Les quatre infor-
tunés étaient âgés de cinquante à soixante ans. Ce
qui les a pousses à cet acte de désespoir, c'était
le désir de mourir tous ensemble, afin de n'avoir
pas le chagrin de se survivre l'un à l'autre. Il y a
quelques semaines une de leurs sœurs était morte,
et cette perte les avait tellement affectés qu'ils fu-
ient obsédés par l'idée d'en finir avec la vie.
VENGEANCE DE FEMME
Une femme Marie-Anne Buat, âgée de qua-
rante-trois ans, d'origine belge, née Vael-
kens, habitant avec son mari, chauffeur à
l'usine de la Compagnie parisienne du gaz,
un logement, 152, rue du Landy, à Saint-
Ouen, avait juré de se venger de son mari
sous prétexte que celui-ci lui faisait subir de
mauvais traitements.
En réalité, la femme Buat, dont les habi-
tudes d'intempérance et la conduite scanda-
leuse sont la fable de Saint-Ouen, avait pro-
voqué rarement la colère de son mari, d'un
caractère doux et paisible.
Hier matin, elle se leva de meilleure heure
que de coutume et, profitant de ce que son
mari dormait, elle s'empara d'un bidon rem-
pli d'acide sulfurique, puis, jugeant que le
moment était venu de mettre à exécution ses
projets de vengeance, elle revint vers le lit et
versa le contenu du flacon sur le visage et la
poitrine de son mari qui fut horriblement
fcrûlé.
On accourut à ses cris, et tandis que les
uns lui prodiguaient les soins les plus empres-
sés, les autres s'emparaient de la mégère
qu'ils remettaient entre lea mains des agents.
M. Blondeau, commissaire de police, a.
voyil% teffifi&e.ftvwt au Dépôt.
! CHRONIQUE
i,";"rl:-4" al"
UN POINT D'HISTOIRE
Nous touchons à l'anniversaire de la Se-
maine sanglante. C'est le 21 mai 1871 que
l'armée de Versailles entra dans Paris. Y
entra-t-elle par surprise, à la suite d'un
de ces coups de théâtre auquel personne
n'était préparé, à commencer par ceux qui
l'accomplirent ? On l'a dit et on l'a cru.
On a célébré sur tous les tons le dévoue-
ment de ce Ducatel qui avait ouvert aux
troupes une des portes de l'enceinte. Il a
savouré pendant quelques jours toutes
les joies de la popularité. 11 a été il y a
vingt-trois ans presque aussi célèbre que
Lhérot après l'arrestation de Ravachol.
Nous venons de lire sur cette journée lë
récit d'un témoin oculaire et d'un acteur.
Le colonel du génie Garnier, mort il y a
quelques mois, était en 1871 capitainejchar-
gé de diriger les travaux près de la porte
de Saint-Cloud. C'est lui qui le premier
pénétra dans Paris avec ses hommes. Il
n'a rien voulu publier de son vivant. C'est
après sa mort que sa famille a trouvé
dans ses papiers une relation qui se re-
commande par sa précision et sa sincérité
aux futurs historiens de cette période.
Ce qui nous parait établi après cette lec-
ture, c'est qu'au moment où se produisit
l'intervention de Ducatel l'attaque était
prête et décidée. L'entrée dans Paris n'é-
tait plus qu'une question d'heures. Les
travaux d'approche, très vigoureusement
poussés, touchaient à leur terme. Le che-
minement et les tranchées arrivaient jus-
qu'au fossé et aux abords de la porte de
Saint-Cloud.
Le 21 mai 1871 était un dimanche et le
capitaine Garnier avait remarqué que le
service des remparts, assez mollement fait
du reste, se trouvait plus négligé encore
le dimanche que les autres jours. Les fé-
dérés, comme tous les Parisiens, n'ai-
maient guère à travailler ce jour-là et,
faute de pouvoir aller à la campagne
cueillir le muguet dans les bois de Viro-
flav, ils se répandaient dans les cabarets
et les bals du voisinage. Vers midi, le feu
de l'enceinte avait cessé. Garnier crut que
le moment de l'attaque était venu.
Il fait demander au général Blondeau
vingt-cinq échelles pour tenter l'escalade
et monte dans le grenier d'une maison de
Billancourt pour chercher le moyen de les
bien placer. -
C'est alors qu'il aperçoit, blotti contre
le talus du parapet intérieur, un homme
qui faisait des signaux avec son mouchoir
chaque fois que le feu des assiégeants lui
permettait de se montrer. Car si les fédé-
rés ne tiraient plue, le- batteries de Mnn-
tretout faisaient rage sur les remparts et,
plus encore, sur les maisons voisines du
rempart.
Profitant d'une accalmie, Garnier s'en-
gage sur le pont encombré de maté-
riaux et de débris de toute sorte, mais ce-
pendant accessible aux piétons. Il s'y ren-
contre avec Ducatel et le capitaine Trêve
qui, venu en amateur pour visiter les
tranchées, avait, lui aussi, aperçu les si-
gnaux.
Qu'était-ce -au juste que ce Ducatel ?
C'est ce qu'en homme prudent le capitaine
Garnier voulait savoir avant d'aller plus
loin. Ancien sous-officier d'infanterie de
marine, Ducatel était à ce moment attaché
au service du général Douay « auquel il
devait fournir e des renseignements sur
l'état de la place». Il donna immédiate-
ment à l'officier des preuves de sa « mis-
sion » en exhibant le croquis - des ouvrages
du Trocadéro qu'il avait levé pour le compte
de l'armée de Versailles.
Malgré l'avis du capitaine Trêve qui
voulait en référer au général en chef, Gar-
nier résolut de faire entrer sur-le-champ
ses hommes par la porte abandonnée et fit
apporter des bois pour rétablir le pont.
Mais le véritable obstacle ne venait pas
des assiégés. C'étaient les assiégeants qui
faisaient pleuvoir sur la porte et ses
abords une grêle de projectiles et retar-
daient en ce moment sans s'en douter
l'entrée des troupes dans Paris. On avait
beau envoyer dépêches sur dépêches. Une
avarie survenue au télégraphe du quartier
général de Villeneuve-l'Etang les empê-
chait d'arriver à destination.
Ce ne fut qu'à quatre heures vingt que
les batteries de Montretout cessèrent leur
feu d'enfer. A ce moment, les premiers
travailleurs franchirent le pont suivis par
le bataillon d'infanterie qui était de garde
aux tranchées. Les soldats parvinrent
ainsi sans résistance jusqu au rond-point
de la porte où l'on se hâta d'établir une
contre-barricade avec des matériaux et
des gabions. Il était près de six heures
quand les fédérés se rallièrent et cherchè-
rent à rejeter les « Versaillais » dans les
fossés. Mais ils tiraillaient à l'aventure et
perdirent un temps précieux en vaines
fusillades, ce qui permit à d'autres colon-
nes d'arriver avec les généraux Douay,
Berthaut et Blondeau.
Le rétablissement du pont fut achevé,
la porte de Saint-Cloud- et les bastions
voisins fortement occupés et mis à l'abri
de tout retour offensif. « C'est la fin », di-
saient les optimistes. Ce n'était,hélas !
qu'on commencement, le prologue anodin
du terrible drame qui allait ensanglanter
Paris pendant huit jours.
Cette occupation sans coup férir d'une
des portes de Paris avait eu sur le moral
des troupes une influence des plus heu-
reuses. Le soldat croyait que tout Paris
était miné. Il était convaincu qu'il saute-
rait en l'air en mettant le pied sur les
remparts. Tous les raisonnements des of-
ficiers échouaient, impuissants contre l'é-
pouvantail des fourneaux de mine.
« Plusieurs fois, dit le colonel Garnier,
pendant les journées qui précédèrent no-
tre entrée à Paris, j'ai posé cette question
à nos sapeurs : Si vous aviez devant vous
deux barricades, l'une garnie de cinquante
fusils, l'autre abandonnée, mais présumée
minée, contre laquelle aimeriez-vons
mieux marcher? — Invariablement on me
répondait : Contre celle qui ne serait pas
minée. »
Ces craintes instinctives étaient vaines.
L W , ■ - - • .:.,
De très actives recherches furent faites
par les sapeurs du génie aux abords des
remparts, puis dans les quartiers les plus
populeux, près de Notre-Dame-de-Lorette
et sous la galerie d'Orléans, plus particu-
lièrement signalés à l'autorité militaire.
On y trouva beaucoup de bouteiles cas-
sées, mais pas l'ombre d'un fourneau. A
cet égard, l'opinion des officiers du génie
était faite depuis longtemps. Pour eux,
les fédérés étaient incapables d'organiser
la défense par mines.
Mais dansles rangs des soldats, la moin-
dre explosion à cette heure décisive pou-
vait provoquer une panique. Rien de plus
humain, du reste, que l'instinct qunous
porte à craindre surtout le danger qu'on
ne voit pas. On veut bien risquer sa peau,
mais à armes égales et, si possible, en
échange de la peau d'autrui. Etre réduit
en puréeans avoir seulement le temps
d'étrenner sa cartouchière, c'est peut-être
la mort lalus douce pour le soldat, c'est
pourtant celle qu'il redoute le plus. Ajou-
tons que c'est aussi le sentiment de la
foule et qu'à lui seul il suffirait à Qpus,
expliquer aujourd'hui l'horreur soulevée
par les « gestes » de l'anarchie.
André Balz.
LE DOYEN DES CROQUE-MORTS
Le doyen de cette lugubre corporation, M.
Dubuisson, appelé familièrement « le père
Dubuisson » par ses collègues, vient de pren-
dre sa retraite après trente-huit ans de ser-
vice. Il se retire à Bagnolet pour y planter
ses choux.
Le père Dubuisson était une figure très
connue dans le monde des pompes funèbres.
Il y avait une réputation de philosophe, qu'il
justifiait par les aphorismes dont il émaillait
sa conversation.
« Les arbres, disait-il, sont des cercueils
qui poussent. » Du mariage il donnait cette
définition : « Un corbillard conduit par des
chemins raboteux. » Très grave toujours, très
correct, il en imposait à ses camarades. Au.
fond, ses allures solennelles n'étaient qu'un,
masque. Le père Dubuisson, ses clients por-
tés en terre, n'était pas l'ennemi d'une douce
rigolade, loin de là.
Il fut un des contemporains du « Cabaret
de la Girafe » tenu par la « mère aux chiens »,
une vieille femme qui avait la passion des
toutous et où se réunissaient les croque.
morts, surtout les jours de bons pourboires:
après un enterrement chic, pour y faire bom-
bance. Leur sport consistait, Iii, à manger
chacun un kilogramme de pain, un kilo-
gramme de fromage et à boire un litre de vin.
Le soir ont allait au « Bal des Chiens M, rue
des Filles-Dieu, ou au « Bal de l'Ardoise »,
rue Gambronne,.et dans ces deux endroits les
croque-morts n engendraient pas la mélan"
colie.
Le « Cabaret de la Giraie » a disparu. C'est lé
« Tombeau des Lapins », route de la Révolte,
qui le, remplace. Mais de l'avis du père Du-
buisson, ce n'est plus ça !
LUCIEN PEMJEAN A LONDRES
Londres, 18 mai.
L'anarchiste Lucien Pemjean et sa femme sorfc
arrivés à Londres.
Pemjean affirme que le motif de son évasion
était simplement son désir d'éviter une longue,
détention préventive ; mais il déclare formellement
que s'il est poursuivi devant un jury de France, il
comparaîtra en personne.
En attendant, il est allé s'installer dans un quar-
tier excentrique très éloigné des milieux anarchis-
tes.
Il habite dans le nord-ouest de Londres.
ARRESTATION
de deux Français en Allemagne
Berlin, 18 mai.
Deux Français ont été arrêtés par une patrouille
à Mayence.
L'un d'eux portait uu costume de bicycliste et sa
disait ingénieur ; l'autre était un caporal du génie.
Avec un appareil photographique d'amateur, ils
auraient pris des vues de divers points fortifiés.
Après interrogatoire des autorités militaires, ils
ont été déférés au parquet de Mayence.
La Compagnie Transatlantique
Nous avons dit qu'une instance en disso-
lution de la société de la Compagnie générale
transatlantique était pendante devant le tri-
bunal de commerce, voici le texte de l'assl»
gnation :
L'an mil huit cent quatra-vingt-quatorze, le
avril,
A la requête de.
J'ai.
Donné assignation à la Compagnie générale traa*
satlantique, en la personne de ses administratourg,
en son siège social, rue Auber na 6, où étant et
parlant à un employé ainsi déclaré,
A comparaître, mercredi prochain dix-huit COU.
rant, à l'audience et par-devant MM. les président
et juges composant le tribunal de commerce de 1*
Seine,
Pour
Attendu que mon requérant est propriétaire de
actions de la Compagnie générale transatlan-
tique portant les numéros.
Qu'il est donc recevable et intéressé aux fins ci.
après : 1'
Attendu qu'à l'assemblée générale du 29 juin
1893, les actionnaires ont approuvé les comptes dei
l'exercice 1892 présentés par le conseil ; que ces
comptes avaient été l'objet d'un rapport favorable
de la part des commissaires ;
Attendu que mon requérant estime que ces
comptes constituent un exposé inexact des res-
sources de la Société, et que par l'exagération des
éléments de l'actif ils présentent un mirage trom-
peur destiné à surprendre la bonne foi des actioit-
naires et à induire le public en erreur sur la «H
tuation réelle de la Société ;
Qu'à cet égard, une simple analyse du bilan dé-
montrera peremptoiremement que loin d'être en
bénéfice de 1,634,S27 fr. 40, la Société ont au con-
traire dans un état de déficit évident et péril-
leux ;
Qu'en effet, il suffit d'exsminer ce bilan et de
le comparer avec ceux des entreprises similaires
pour voir que les amortissements n'existent pas,
que le capital est aujourd'hui entièrement dispara.
et que les obligations ne jouissent plus que de ga.
ranties fort aléatoires ;
Atten 'u que l'on trouve au bilan présente ans
actionnaires le 29 juin 1893 le matériel naval à
flot, le matériel et le mobilier à bord des paquebots
volontairement confondus pour une somme cie
162,506,510 fr. 94 auxquels on ajou'e, contrairement
à toutes les règles de la comptabilité, la valeur ini-
tiale des paquebots sortis de la flotte, c'est-à-dtm
revendus, dépecés ou naufragés, pour la lomme,
do 23,186,394 fr. 32, ce qui permet de donner à ht*
flotte une valeur globale de 185,693,394 fr. 32 suBj
laquelle, d'après le même bilan, 69,151,786 fr. 0!~
auraient été amortis, et que, par conséquent, la
valeur actuelle de laflotte seraitde 116,541.607 fr. 63
Attendu que ces chiffre.. malgré leur obscurité:
voulue, démontrent que le conseil d'administration-
de la Compagnie générale transatlantique, au liW
d'appliquer un amortissement annuel de 5 0i0 lllw,
la valeur ioiiMde de sa flotte et de 10 0i0 sur cegaj
des traneforarations des navire* et du saawt*
LE NUMÉRO CINQ GBîmilES
DIMANCHE 20 MAI 1894
■
REDACTIOI ET ÊBHtMSTMTMW
142, Rue MontmaPtFfl
pABJ8 i
IIIECTEI. POLITIQUE ; f
A.«EDOUARD PORTALIS
Adresse ttiégnphlqne : XXX* 8lÈ0LlI- PAIIII
Téléphone : 30.2S9 bit.
aiMcii
- MM. LAGRANGE, CBRP et Ol
9, place abonnements
ftril. tmÊm^ÔL; ftli, lit; b 1* S9t
Départements — 7L; — i2T; — Mt
Union Postale — 9L; — 16(4 — Mi
ton Abonnements sont reçus sans trsii dlBI
tww las Bureaux de Poste.
LES MÉPRISES
M. le président du conseil, en re-
poussant l'assaut d'interpellateurs qui
se présentaient d'ailleurs en ordre dis-
persé, a prononcé un discours remar-
quable, étonnamment habile à force d'af-
fecter le mépris de l'habileté. Il a enfin
élargi son succès par la lecture d'une
dépêche diplomatique crânement tour-
née et qui a produit l'effet d'un bouquet
de feu d'artifice. Cette dépêche à effet a
précédé chronologiquement les faits sur
lesquels roulaient et l'interpellation et
les questions subsidiairement posées.
Elle a été écrite presque au lendemain
du jour où avait été lâchée à la tribune
cette parole si commentée depuis, mais
non encore réparée : « l'esprit nou-
veau ». Que prouve cette précaution
prise à une époque où ne s'était-pas
encore produite la tentative d'usurpa-
tion de pouvoirs du nonce ? Que le mi-
tère, que son chef en particulier, s'était
tout de suite rendu compte de l'aliment
imprudemment offert aux espérances et
aux prétentions ecclésiastiques. C'est
qu'il sentait la nécessité de se prémunir
contre un envahissement toujours mé-
dité et qui devait se croire encouragé.
On s'est trompé, paraît-il, sur la por-
tée d'une formule fâcheusement célè-
bre, et son auteur a indiqué avec dis-
crétion qu'elle n'avait pas été exacte-
ment comprise par quelques-uns de ses
plus vieux amis, des plus anciens confi-
dents de sa pensée. Personne plus que
moi n'aurait plaisir à se voir démontrer
qu'il y a eu méprise en effet, à recon-
naître et à confesser son erreur. Mais
quoi ! si des hommes qu'on ne pourrait
à aucun degré soupçonner d'hostilité
personnelle, si des hommes rompus aux
discussions politiques et à qui l'on vou-
dra bien concéder quelque teinture au
moins de philosophie, n'ont pas été ca-
pables de s'y reconnaître, de quel droit
pourrait-on s'étonner que le grand pu-
blic, voyant les choses et entendant les
mots de plus loin, s'y soit trompé com-
plètement 1
Dans nos provinces, tout le monde s'y
est trompé, puisque erreur il y a. Les
cléricaux ont compris qu'il n'y avait
plus de joie au ciel gouvernemental
que pour leur adhésion de la onzième
heure ; les républicains fidèles ont com-
pris qu'ils étaient sacrifiés, ou, pour
parler vulgairement, lâchés. Quant aux
agents de l'autorité, il semble bien
qu'un certain désarroi se soit mis parmi
eux, au moment même où l'on parlait
le plus de restaurer l'unité et l'homogé-
néité. Ceux qui sont des républicains
de conviction, il y en a plus qu'on ne
veut bien le dire, se sont sentis paraly-
sés et réduits à une sorte d'expectative;
ceux que tous leurs penchants attirent
à la réaction et qui préféreraient servir
tout autre régime, il y en a aussi, ont
compris qu'ils n'avaient plus à se con-
tenir ; les flottants, les sceptiques, ceux
qui n'ont que le souci de leur carrière,
ont jugé le moment venu de se surveil-
ler dans leurs relations avec les répu-
blicains et de risquer des avances pré-
voyantes à l'égard de gens universelle-
ment considérés jusque-là comme des
adversaires persévérants du régime.
Que ce changement d'aspect soit l'ef-
fet d'instructions supérieures, c'est une
supposition qui n'est point permise.
Nous connaissons dans leur texte au-
thentique les instructions adressées à
M. Lefebvre de Béhaine. Il est impossi-
ble que le même cabinet ait adressé à
ses agents à l'intérieur ou à une caté-
gorie quelconque de ses agents des ins-
tructions qui seraient le contre-pied de
celles-là. Ce ne serait vraiment pas la
peine d'avoir annoncé avec tant de fra-
cas l'inauguration de l'homogène.
Tout ce qui se passe ici ou là, tout
ce qui frappe nos amis d'étonnement,
ce qui démoralise les uns, désaffec-
tionne les autres, ne tient évidemment
qu'à une illusion, qu'à la fausse inter-
prétation d'un mot que les gloses ont
plutôt réussi à obscurcir qu'à préciser.
Soit. Mais les républicains épars sur le
territoire ne peuvent se former une opi-
nion sur les tendances officielles du
jour que d'après ce qu'ils ont sous les
yeux dans les limites de leur horizon ;
ils l'assoient sur des exemples et des
noms propres qui ont pour eux l'avan-
tage d'une clarté aveuglante.
Causez en ce moment avec des dépu-
tés républicains revenus depuis peu
de leurs circonscriptions, j'entends des
députés ministériels, de ceux qui ont
voté d'entrain l'ordre du jour Leygues,
et au bout d'un instant chacun dira la
sienne. L'un se plaint de la faveur sou-
daine et ostensible dont le rallié battu
par lui il y a quelques mois est l'objet
de la part des autorités du département;
l'autre admire la ferveur imprévue dont
tels et tels fonctionnaires ont été enflam-
més pour les pèlerinages et les prédica-
teurs de missions ; un troisième a eu
des démêlés en tournée de revision avec
le préfet qui, dans un département ar-
raché par vingt ans d'efforts à une
coterie réactionnaire puissante, professe
que ce beau département ifest déparé
que par l'existence des comités républi-
cains. Cela ne s'arrête point; mais ce
que l'on constate en choeur, par-dessus
toutes particularités locales, c'est que
les cléricaux ont repris un aplomb et
une arrogance qu'on ne leur avait plus
connus depuis la défaite du 16 Mai.
Après le discours de M. Casimir-Pe-
rier, on a demandé sur quelques bancs
l'affichage. Il est fâcheux que la propo-
sition n'ait pas pris de consistance. C'é-
tait une bonne idée, qui eût été excel-
lente si on eût pu prescrire cet affi-
chage, non aux portés des mairies,
mais à celles des presbytères. C'est là
surtout que le cabinet a besoin de rec-
tifier une vue erronée de ses tendances
politiques. C'est là qu'il faut qu'on sa-
che le gouvernement résolu à arrêter
les empiètements du clergé. C'est quel-
que chose, mais ce n'est pas tout de
l'envoyer dire à Rome.
Gustave Isambert.
LE NONCE DU PAPE
Est-ce une disgrâce? On nous annonce de source
certaine que M. Ferrata, nonce du pape à Paris
va être prochainement nommé cardinal et rappelé
à Rome, où il exercera une fonction obligeant sa
présence au Vatican.
LA POLITIQUE RELIGIEUSE
Une nouvelle interpellation
La question de la politique religieuse sui-
vie par le gouvernement n'est pas close par
le débat que nous avons rapporté hier. Les
groupes radicaux estiment, en effet, que le
discours du président du conseil appelle une
réponse qu'il a été impossible de faire au
cours de la séance de jeudi, les députés gou-
vernementaux ayant refusé d'entendre systé-
matiquement les orateurs de l'opposition ré-
publicaine.
Le groupe de l'extrême-gauche, qui vient de
se réunir, a décidé, sur la proposition de M.
Camille Pelletan, de provoquer une prochaine
interpellation qui porterait sur des faits pré-
cis et qui aurait pour objet de demander des
explications plus nettes au cabinet.
La gauche progressiste (gauche radicale)
dans la réunion qu'elle a tenue hier, a décidé
de se joindre aux radicaux socialistes pour
soumettre cette interpellation à la Chambre.
Les deux groupes radicaux doivent négo-
cier , à ce propos, avec les socailistes.
LA GREVE DES ALLUMETTES
De nouveau hier à deux heures de l'après-
midi, les ouvriers et ouvrières des manufac-
tures de Pantin, d'Aubervilliers et de la route
de Flandre se sont mis en grève.
La rentrée des ateliers s'était effectuée le
matin à six heures et demie comme d'habi-
tude, sans incident ; néanmoins, une grande
agitation se manifestait depuis quelques jours
dans le personnel.
En voici le motif :
Les ouvriers avaient demandé le renvoi de
M. le docteur Noirot, médecin-dentiste chargé
de la visite sanitaire de la bouche du person-
nel, visite qui a lieu, ainsi que le prescrit le
règlement, une fois par mois. Ils se plai-
gnaient, à tort ou à raison, de la brutalité du
docteur Noirot qui se servait plus souvent du
bistouri que de la pince ou de la clé pour les
extractions de dents les plus simples et ne
voyait dans la bouche des ouvriers et ou-
vrières qu'un moyen d'exercer ses talents de
chirurgien, sans nécessité.
La direction refusa.
Samedi dernier les ouvrières, au nombre
de 600 environ, refusèrent en corps de se ren-
dre à la visite du dentiste et la direction crut
devoir infliger aux révoltées une quarantaine
de jours de mise à pied. Les ouvriers et ou-
vrières refusèrent d'accepter cette punition et
à deux reprises une délégation se rendit au-
près du directeur pour demander qu'elle fût
levée. Le syndicat des allumettes déclara
alors la nécessité d'une grève si une ré-
ponse conforme aux desiderata des employés
n'était donnée, et hier, cette réponse n'étant
pas venue, les ateliers se vidèrent complète-
ment.
Nous ne croyons pas que cette grève doive
durer longtemps, car les grévistes ont reçu
d'ores et déjà une satisfaction morale : le doc-
teur Noirot vient de donner sa démission.
A LA RECHERCHE D'UN HOTEL
POUR LE PRÉFET DE LA SEINE
Par la volonté du gouvernement, le
préfet de la Seine, qui habite ordinairement
aux environs de Carcassonne, possède depuis
quelques semaines un pied-à-terre à l'Hôtel
de Ville. Quelles colères cette installation a
soulevées au conseil municipal, nous n'avons
pas à le rappeler.
Mais au même moment le département, re-
présenté par le conseil général de la Seine,
réclamait à cor et à cri son préfet. Nos con-
seillers généraux (dont quatre-vingts sur cent
appartiennent aussi à l'assemblée commu-
nale) demandèrent que le préfet fût logé dans
un hôtel qu'on édifierait exprès pour lui.
D'autres proposèrent d'aménager tout simple-
ment à cet effet le théâtre du Châtelet, qui
appartient à la ville. Une commission reçut
la mission d'étudier la question.
On aurait pu croire qu'elle l'enterrerait,
comme il advient quelquefois des projets
renvoyés aux commissions. Eh bien, la com-
mission continue d'examer cette affaire. Pas
plus tard qu'hier, elle s'est rendue à la suc-
cursale de la Banque de France installée
dans l'ancien théâtre Ventadour, afin de se
rendre compte des modifications qu'a dû su-
bir cette salle pour être transformée en mai-
son de banque.
Cette visite avait pour but d'établir, par
comparaison, les travaux et dépenses que
nécessiterait l'aménagement du théâtre du
Châtelet en hôtel de préfecture.
Dans le cas où le conseil général tranche-
rait la question de principe favorablement à
ce dernier projet, tous les services départe-
mentaux actuellement disséminés à Hîôtel
de Ville et à son annexe de la caserne Lo-
bau seraient réunis dans les bâtiment* du
Châtelet.
'L'ODYSsHH D'UR FAUI-IALADH
L'ATAXIE DE DELANOY
Le miracle de Lourdes. — La série des
supercheries. — L'assistance publique
et les piliers d'hôpitaux.
Si les bureaux de bienfaisance ont à se dé-
fendre contre les mendiants professionnels,
l'Assistance publique est exploitée par le pi-
lier d'hôpital, par le faux malade. On con-
naît des vagabonds qui passent leur vie à
courir les hôpitaux et qui prennent leurs
quartiers d'hiver à Laënnec ou à l'Hôtel-
Dieu, comme d'autres vont à Nice ou à Men-
ton.
Une des plus jolies histoires de ce genre est
celle d'un ancien jardinier du Nord, Pierre
Delanoy, dont M. Mamoz, le philanthrope
bien connu, a reconstitué les principaux
traits.
En 1884, notre homme était venu à Paris
pour consulter le docteur Charcot à la Salpê-
trière ; il s'y fait délivrer un certificat pour
ataxie locomotrice; il aura désormais son vi-
vre et son couvert dans les hôpitaux.
Successivement ce faux malade passe à
l'Hôtel-Dieu, à l'hôpital Necker, à Laënnec ;
il se laisse cautériser, il absorbe du nitrate
d'argent, de la belladone; il accepte tout
bénévolement ; il se fait ensuite traiter à
l'antipyrine et il va même jusqu'à subir à
l'hôpital Cochin le traitement de la pendai-
son.
A Lourdes
Dégoûté sans doute de prendre tant de po-
tions, fatigué d'être tantôt cautérisé et tantôt
pendu, Delanoy médite un grand coup. Muni
de deux certificats de médecins des plus célè-
bies de Paris, constatant avec une touchante
unanimité l'existence d'une ataxie locomo-
trice incurable, il part pour Lourdes avec le
pèlerinage national et y arrive le 19 août
1889. On le descend de wagon : il pousse des
cris affreux ; on le conduit à la grotte.
Là, Delanoy se met en prière. Tout à
coup il se lève, se tâte, pousse des cris de
joie, se met à marcher comme un facteur ru-
ral. Miracle 1
Le docteur Petit, professeur à l'Ecole de
médecine de Rennes, publia peu après, dans
les Annales de Lourdes, un article intitulé
les Impiétés de Renan, où la guérison mira-
culeuse est dûment constatée. Le fait n'est-il
pas écrasant pour les plus sceptiques ?
Personne ne peut mettre en doute la bonne
foi du docteur Petit et des bons Pères de
Lourdes, puisque la maladie de Delanoy a eu
les honneurs de l'examen scientifique le plus
complet: -----
Les braves Pères se prennent naturellement
d'amitié pour ce précieux témoin de la puis-
sance céleste; ils tiennent à le conserver
près d'eux et lui confient la garde d'un cha-
let, avec des appartements suffisants pour vi-
vre heureux.
Mais cet excellent Delanoy aime le change-
ment. Le 5 août 1891 il quitte Lourdes nui-
tamment, emportant une somme de 600 francs
environ que les Pères trop confiants avaient
laissée en sa possession. Quelle cruelle désil-
lusion pour ces dignes ecclésiastiques ! Ils
sont si attristés qu'ils n'ont même pas l'idée
d'avertir la police.
Delanoy aliéné
A peine 5e retour à Paris, Delanoy, qui
n'ose plus — le truo est trop usé — se faire
soigner pour une ataxie locomotrice imagi-
naire, trouve bientôt un autre moyen de vivre
sans travailler.
C'est un Delanoy aliéné que nous avons
maintenant devant nous.
Le 15 septembre 1891, il entre à l'asile
Sainte-Anne, envoyé par l'hôpital Broussais
avec un certificat attestant qu'il est atteint du
délire des persécutions. M. le docteur Du-
buisson, médecin en chef de Sainte-Anne, qui
avait surveillé le malade, le renvoie au bout
de trois semaines avec un certificat déclarant
qu'il n'était pas aliéné et qu'il était en état de
gagner sa vie.
- C'est le commencement de la lumière dans
les supercheries de Delanoy.
Mais celui-ci, bien décidé à être fou quand
même, ne se tient pas pour battu. Le 4 no-
vembre 1891, il rentre de nouveau à l'asile
Sainte-Anne, envoyé cette fois par l'hôpital
de la Pitié. Il reste six mois à l'asile, où on
l'emploie à des travaux de jardinage; il est
libéré le 4 mai 1892.
Onze jours après, il est pour la troisième
fois admis à Sainte-Anne avec un certificat
de l'hôpital Broussais le déclarant atteint
d'alcoolisme. On l'emploie à la buanderie. Il
quitte l'asile le 1er février 1893.
Pour la quatrième fois, le 21 février 1893,
Delanoy est renvoyé comme hypocondriaque
à l'asile Sainte-Anne par l'hôpital Broussais.
Plus que jamais, le médecin en chef Du-
buisson entretient des doutes sur l'aliénation
de Delanoy. Très adroitement, il l'interrogé
sur son passé. Delanoy raconte qu'il a été
« guéri » à Lourdes d'ataxie locomotrice.
Puis — fatale imprudence 1 — il prétend que
des gages lui étaient dus par les Pères quand
il a quitté Lourdes.
Le pot-aux-roses
M. le docteur Dubuisson l'engage alors,
pour rentrer dans son argent, à s'adresser à
l'administrateur du bien des aliénés. Delanoy
suit ce conseil. L'administrateur écrit à Lour-
des. Quelques jours plus tard, une lettre du
Père Ozon, économe à Lourdes, mettait le
docteur Dubuisson au courant des méfaits de
Delanoy.
Appelé à prendre connaissance de cette mis-
sive, Delanoy appela les révérends pères
« canailles ». La vraie canaille, c'était bien
lui ; car, le 24 décembre 1893, il quittait l'a-
sile Sainte-Anne, emportant une somme de
dix-huit cents francs et plusieurs objets sous-
traits à un fonctionnaire chez lequel il était
employé.
On ouvrit une enquête administrative. n
fut établi que Delanoy, avant d'exercer la
profession de jardinier, avait été infirmier
des hôpitaux de Paris de 1877 à 1881. Il
connaissait toutes les « ficelles du métier ».
Il avait pu simuler adroitement plusieurs
maladies incurables.
Enfin, après 4lx années d'exercice, ce pau-
vre Delanoy a été troublé dans sa profession
de faux malade et d'aliéné pour rire; il en est
quitte pour changer son fusil d'épaule et pour
recommencer ailleurs, sous une forme nou-
velle, sa lucrative industrie.
Est-ce que l'Assistance publique, malgré sa
routine, ne pourrait pas organiser une résis-
tance intelligente contre les piliers d'hôpi-
taux et tous ces malades professionnels ?
LE BOI DE SUÈDE A PARIS
Ainsi que nous l'avions annoncé, le roi de
Suède est arrivé hier matin à Paris.
Il est desoendu à l'hôtel Castiglione, autour
duquel un service de police a été aussitôt or-
ganisé.
< A dem, heure»,!* roi 8 rendu à l'Elysée
pour rendre visite au président de la Répu-
blique.
Il a été reçu au perron du palais par le ca-
pitaine de frégate Marin-Darhel, qui l'a con-
duit dans le salon du premier étage où M.
Carnot se trouvait.
L'entrevue du président et du roi n'a eu
aucun témoin.
Le roi a été reconduit à deux heures et de-
mie, avec le cérémonial habituel, jusqu'à sa
voiture ; les clairons et tambours du poste
ont salué son départ.
Quelques minutes après, le président de la
République, accompagné du général Borius,
est allé à la légation de Suède pour rendre sa
visite au roi Oscar.
AGRESSION CONTRE NOS MARINS
AU SIAM
Le ministère des affaires étrangères a reçu
du gérant du consulat général de France à
Bangkok le télégramme suivant :
« Bangkok, 18 mai 1894. — Il est exact que
des marins français ont été attaqués par des
Siamois. L'agression s'est produite au mo-
ment où les marins rentraient à bord; les
blessures qu'ils ont reçues ne présentent au-
cune gravité.
» J'ai immédiatement exigé et obtenu du
gouvernement siamois que les coupables fus-
sent poursuivis. Ils viennent d'être condamnés
à une forte amende. »
LA GRÈVE DES COCHERS DE LONDRES
Londres, 18 mai.
La grève des cockers de fiacre de Londres
suit son cours régulier ; il n'y a pas depuis
hier d'incident à signaler.
La majorité des propriétaires de cabs pa-
rait décidée à ne pas imiter l'initiative prise
par ceux, en petit nombre, qui ont accordé
en principe aux cochers une réduction de
3 fr. 75 sur la redevance quotidienne. Quel-
ques-uns des plut considérables, comme le
comte de Shrewsbury et Talbot, qui avait
déjà agi de la même façon il y a trois ou
quatre ans, vendent leurs chevaux et leur
matériel.
Ea attendant, le syndicat a reçu 9,000adhé-
sions nouvelles, de telle sorte qu'il comprend
aujourd'hui la presque totalité des cab men de
la métropole. Les trade-unions des omnibus
et des tramways subviennent en partie aux
frais de la grève.
LES ENTERREMENTS RELIGIEUX
A SAINT-DENIS
La préfecture de la Seine vient de trans-
mettre à la mairie de Saint-Denis, au conseil
de fabrique et au pasteur protestant la con-
sultation juridique rendue par le conseil
d'Etat, à la demande du ministre de l'inté-
rieur, à propos de la partie annulée par le
consul de l'arrêté du maire de Saint-Denis,
M. Walter. Cet arrêté interdisait les cérémo-
nies extérieures du culte sur la voie publique
à l'occasion des enterrements.
Le recours de M. l'abbé Iteney, curé de
Saint-Denis, ayant été admis par le conseil
d'Etat, le cardinal archevêque donna l'ordre
au curé de Saint-Denis d'accompagner les
corps de ses paroissiens au cimetière. Le mi-
nistre de l'intérieur s'y opposa et objecta aux
observations du cardinal Richard que l'arrêté
du maire de Saint-Denis, pris en conformité
des lois, devait être exécuté.
Le conseil d'Etat consulté vient de donner
raison au ministre. Le cortège religieux qui
accompagne les corps et l'exhibition d'em-
blèmes religieux à cette occasion constituent,
d'après le conseil, une procession que la loi
donne au maire le pouvoir d'interdire. L'ar-
chevêché de Paris a donné comme instruction
au clergé de Saint-Denis de s'incliner devant
les prescriptions de l'autorité civile.
MORT DU COLONEL BOISTEL
On annonce la mort de M. le lieutenant-
colonel d'infanterie de marine Boistel,de l'état-
major hors cadre au Bénin.
M. Boistel, qui revenait en convalescence
en France, est décédé avant d'arriver à Da-
kar, à bord de la Ville-de-Maranhao, sur la-
quelle il rentrait.
Le lieutenant-colonel Boistel était âgé de
cinquante ans; entré au service comme en-
gagé volontaire à dix-sept ans, il avait été
nommé sous-lieutenant en 1867.
Il était lieutenant-colonel depuis le 29 mars
1893. Il était officier de la Légion d'hon-
neur.
LE GÉNÉRAL DODDS
Le général Dodds sera reçu demain par M. Ca-
simir-Perier, avec lequel il doit s'entretenir de la
transmission des territoires du Dahomey du gou-
vernement militaire au gouvernement civil.
QUADRUPLE SUICIDE
Vienne, 18 mai.
Le peintre François Kollarz, bien connu dans le
monde artistique de Vienne, s'est rendu pendant
les fêtes de la Pentecôte, en compagnie de ses trois
sœurs, au pèlerinage de Mana Lanzendorf où
tous les quatre se sont empoisonnés dans l'hôtel
où ils étaient descendus, en absorbant une forte
dose de cyanure de potassium. Les quatre infor-
tunés étaient âgés de cinquante à soixante ans. Ce
qui les a pousses à cet acte de désespoir, c'était
le désir de mourir tous ensemble, afin de n'avoir
pas le chagrin de se survivre l'un à l'autre. Il y a
quelques semaines une de leurs sœurs était morte,
et cette perte les avait tellement affectés qu'ils fu-
ient obsédés par l'idée d'en finir avec la vie.
VENGEANCE DE FEMME
Une femme Marie-Anne Buat, âgée de qua-
rante-trois ans, d'origine belge, née Vael-
kens, habitant avec son mari, chauffeur à
l'usine de la Compagnie parisienne du gaz,
un logement, 152, rue du Landy, à Saint-
Ouen, avait juré de se venger de son mari
sous prétexte que celui-ci lui faisait subir de
mauvais traitements.
En réalité, la femme Buat, dont les habi-
tudes d'intempérance et la conduite scanda-
leuse sont la fable de Saint-Ouen, avait pro-
voqué rarement la colère de son mari, d'un
caractère doux et paisible.
Hier matin, elle se leva de meilleure heure
que de coutume et, profitant de ce que son
mari dormait, elle s'empara d'un bidon rem-
pli d'acide sulfurique, puis, jugeant que le
moment était venu de mettre à exécution ses
projets de vengeance, elle revint vers le lit et
versa le contenu du flacon sur le visage et la
poitrine de son mari qui fut horriblement
fcrûlé.
On accourut à ses cris, et tandis que les
uns lui prodiguaient les soins les plus empres-
sés, les autres s'emparaient de la mégère
qu'ils remettaient entre lea mains des agents.
M. Blondeau, commissaire de police, a.
voyil% teffifi&e.ftvwt au Dépôt.
! CHRONIQUE
i,";"rl:-4" al"
UN POINT D'HISTOIRE
Nous touchons à l'anniversaire de la Se-
maine sanglante. C'est le 21 mai 1871 que
l'armée de Versailles entra dans Paris. Y
entra-t-elle par surprise, à la suite d'un
de ces coups de théâtre auquel personne
n'était préparé, à commencer par ceux qui
l'accomplirent ? On l'a dit et on l'a cru.
On a célébré sur tous les tons le dévoue-
ment de ce Ducatel qui avait ouvert aux
troupes une des portes de l'enceinte. Il a
savouré pendant quelques jours toutes
les joies de la popularité. 11 a été il y a
vingt-trois ans presque aussi célèbre que
Lhérot après l'arrestation de Ravachol.
Nous venons de lire sur cette journée lë
récit d'un témoin oculaire et d'un acteur.
Le colonel du génie Garnier, mort il y a
quelques mois, était en 1871 capitainejchar-
gé de diriger les travaux près de la porte
de Saint-Cloud. C'est lui qui le premier
pénétra dans Paris avec ses hommes. Il
n'a rien voulu publier de son vivant. C'est
après sa mort que sa famille a trouvé
dans ses papiers une relation qui se re-
commande par sa précision et sa sincérité
aux futurs historiens de cette période.
Ce qui nous parait établi après cette lec-
ture, c'est qu'au moment où se produisit
l'intervention de Ducatel l'attaque était
prête et décidée. L'entrée dans Paris n'é-
tait plus qu'une question d'heures. Les
travaux d'approche, très vigoureusement
poussés, touchaient à leur terme. Le che-
minement et les tranchées arrivaient jus-
qu'au fossé et aux abords de la porte de
Saint-Cloud.
Le 21 mai 1871 était un dimanche et le
capitaine Garnier avait remarqué que le
service des remparts, assez mollement fait
du reste, se trouvait plus négligé encore
le dimanche que les autres jours. Les fé-
dérés, comme tous les Parisiens, n'ai-
maient guère à travailler ce jour-là et,
faute de pouvoir aller à la campagne
cueillir le muguet dans les bois de Viro-
flav, ils se répandaient dans les cabarets
et les bals du voisinage. Vers midi, le feu
de l'enceinte avait cessé. Garnier crut que
le moment de l'attaque était venu.
Il fait demander au général Blondeau
vingt-cinq échelles pour tenter l'escalade
et monte dans le grenier d'une maison de
Billancourt pour chercher le moyen de les
bien placer. -
C'est alors qu'il aperçoit, blotti contre
le talus du parapet intérieur, un homme
qui faisait des signaux avec son mouchoir
chaque fois que le feu des assiégeants lui
permettait de se montrer. Car si les fédé-
rés ne tiraient plue, le- batteries de Mnn-
tretout faisaient rage sur les remparts et,
plus encore, sur les maisons voisines du
rempart.
Profitant d'une accalmie, Garnier s'en-
gage sur le pont encombré de maté-
riaux et de débris de toute sorte, mais ce-
pendant accessible aux piétons. Il s'y ren-
contre avec Ducatel et le capitaine Trêve
qui, venu en amateur pour visiter les
tranchées, avait, lui aussi, aperçu les si-
gnaux.
Qu'était-ce -au juste que ce Ducatel ?
C'est ce qu'en homme prudent le capitaine
Garnier voulait savoir avant d'aller plus
loin. Ancien sous-officier d'infanterie de
marine, Ducatel était à ce moment attaché
au service du général Douay « auquel il
devait fournir e des renseignements sur
l'état de la place». Il donna immédiate-
ment à l'officier des preuves de sa « mis-
sion » en exhibant le croquis - des ouvrages
du Trocadéro qu'il avait levé pour le compte
de l'armée de Versailles.
Malgré l'avis du capitaine Trêve qui
voulait en référer au général en chef, Gar-
nier résolut de faire entrer sur-le-champ
ses hommes par la porte abandonnée et fit
apporter des bois pour rétablir le pont.
Mais le véritable obstacle ne venait pas
des assiégés. C'étaient les assiégeants qui
faisaient pleuvoir sur la porte et ses
abords une grêle de projectiles et retar-
daient en ce moment sans s'en douter
l'entrée des troupes dans Paris. On avait
beau envoyer dépêches sur dépêches. Une
avarie survenue au télégraphe du quartier
général de Villeneuve-l'Etang les empê-
chait d'arriver à destination.
Ce ne fut qu'à quatre heures vingt que
les batteries de Montretout cessèrent leur
feu d'enfer. A ce moment, les premiers
travailleurs franchirent le pont suivis par
le bataillon d'infanterie qui était de garde
aux tranchées. Les soldats parvinrent
ainsi sans résistance jusqu au rond-point
de la porte où l'on se hâta d'établir une
contre-barricade avec des matériaux et
des gabions. Il était près de six heures
quand les fédérés se rallièrent et cherchè-
rent à rejeter les « Versaillais » dans les
fossés. Mais ils tiraillaient à l'aventure et
perdirent un temps précieux en vaines
fusillades, ce qui permit à d'autres colon-
nes d'arriver avec les généraux Douay,
Berthaut et Blondeau.
Le rétablissement du pont fut achevé,
la porte de Saint-Cloud- et les bastions
voisins fortement occupés et mis à l'abri
de tout retour offensif. « C'est la fin », di-
saient les optimistes. Ce n'était,hélas !
qu'on commencement, le prologue anodin
du terrible drame qui allait ensanglanter
Paris pendant huit jours.
Cette occupation sans coup férir d'une
des portes de Paris avait eu sur le moral
des troupes une influence des plus heu-
reuses. Le soldat croyait que tout Paris
était miné. Il était convaincu qu'il saute-
rait en l'air en mettant le pied sur les
remparts. Tous les raisonnements des of-
ficiers échouaient, impuissants contre l'é-
pouvantail des fourneaux de mine.
« Plusieurs fois, dit le colonel Garnier,
pendant les journées qui précédèrent no-
tre entrée à Paris, j'ai posé cette question
à nos sapeurs : Si vous aviez devant vous
deux barricades, l'une garnie de cinquante
fusils, l'autre abandonnée, mais présumée
minée, contre laquelle aimeriez-vons
mieux marcher? — Invariablement on me
répondait : Contre celle qui ne serait pas
minée. »
Ces craintes instinctives étaient vaines.
L W , ■ - - • .:.,
De très actives recherches furent faites
par les sapeurs du génie aux abords des
remparts, puis dans les quartiers les plus
populeux, près de Notre-Dame-de-Lorette
et sous la galerie d'Orléans, plus particu-
lièrement signalés à l'autorité militaire.
On y trouva beaucoup de bouteiles cas-
sées, mais pas l'ombre d'un fourneau. A
cet égard, l'opinion des officiers du génie
était faite depuis longtemps. Pour eux,
les fédérés étaient incapables d'organiser
la défense par mines.
Mais dansles rangs des soldats, la moin-
dre explosion à cette heure décisive pou-
vait provoquer une panique. Rien de plus
humain, du reste, que l'instinct qunous
porte à craindre surtout le danger qu'on
ne voit pas. On veut bien risquer sa peau,
mais à armes égales et, si possible, en
échange de la peau d'autrui. Etre réduit
en puréeans avoir seulement le temps
d'étrenner sa cartouchière, c'est peut-être
la mort lalus douce pour le soldat, c'est
pourtant celle qu'il redoute le plus. Ajou-
tons que c'est aussi le sentiment de la
foule et qu'à lui seul il suffirait à Qpus,
expliquer aujourd'hui l'horreur soulevée
par les « gestes » de l'anarchie.
André Balz.
LE DOYEN DES CROQUE-MORTS
Le doyen de cette lugubre corporation, M.
Dubuisson, appelé familièrement « le père
Dubuisson » par ses collègues, vient de pren-
dre sa retraite après trente-huit ans de ser-
vice. Il se retire à Bagnolet pour y planter
ses choux.
Le père Dubuisson était une figure très
connue dans le monde des pompes funèbres.
Il y avait une réputation de philosophe, qu'il
justifiait par les aphorismes dont il émaillait
sa conversation.
« Les arbres, disait-il, sont des cercueils
qui poussent. » Du mariage il donnait cette
définition : « Un corbillard conduit par des
chemins raboteux. » Très grave toujours, très
correct, il en imposait à ses camarades. Au.
fond, ses allures solennelles n'étaient qu'un,
masque. Le père Dubuisson, ses clients por-
tés en terre, n'était pas l'ennemi d'une douce
rigolade, loin de là.
Il fut un des contemporains du « Cabaret
de la Girafe » tenu par la « mère aux chiens »,
une vieille femme qui avait la passion des
toutous et où se réunissaient les croque.
morts, surtout les jours de bons pourboires:
après un enterrement chic, pour y faire bom-
bance. Leur sport consistait, Iii, à manger
chacun un kilogramme de pain, un kilo-
gramme de fromage et à boire un litre de vin.
Le soir ont allait au « Bal des Chiens M, rue
des Filles-Dieu, ou au « Bal de l'Ardoise »,
rue Gambronne,.et dans ces deux endroits les
croque-morts n engendraient pas la mélan"
colie.
Le « Cabaret de la Giraie » a disparu. C'est lé
« Tombeau des Lapins », route de la Révolte,
qui le, remplace. Mais de l'avis du père Du-
buisson, ce n'est plus ça !
LUCIEN PEMJEAN A LONDRES
Londres, 18 mai.
L'anarchiste Lucien Pemjean et sa femme sorfc
arrivés à Londres.
Pemjean affirme que le motif de son évasion
était simplement son désir d'éviter une longue,
détention préventive ; mais il déclare formellement
que s'il est poursuivi devant un jury de France, il
comparaîtra en personne.
En attendant, il est allé s'installer dans un quar-
tier excentrique très éloigné des milieux anarchis-
tes.
Il habite dans le nord-ouest de Londres.
ARRESTATION
de deux Français en Allemagne
Berlin, 18 mai.
Deux Français ont été arrêtés par une patrouille
à Mayence.
L'un d'eux portait uu costume de bicycliste et sa
disait ingénieur ; l'autre était un caporal du génie.
Avec un appareil photographique d'amateur, ils
auraient pris des vues de divers points fortifiés.
Après interrogatoire des autorités militaires, ils
ont été déférés au parquet de Mayence.
La Compagnie Transatlantique
Nous avons dit qu'une instance en disso-
lution de la société de la Compagnie générale
transatlantique était pendante devant le tri-
bunal de commerce, voici le texte de l'assl»
gnation :
L'an mil huit cent quatra-vingt-quatorze, le
avril,
A la requête de.
J'ai.
Donné assignation à la Compagnie générale traa*
satlantique, en la personne de ses administratourg,
en son siège social, rue Auber na 6, où étant et
parlant à un employé ainsi déclaré,
A comparaître, mercredi prochain dix-huit COU.
rant, à l'audience et par-devant MM. les président
et juges composant le tribunal de commerce de 1*
Seine,
Pour
Attendu que mon requérant est propriétaire de
actions de la Compagnie générale transatlan-
tique portant les numéros.
Qu'il est donc recevable et intéressé aux fins ci.
après : 1'
Attendu qu'à l'assemblée générale du 29 juin
1893, les actionnaires ont approuvé les comptes dei
l'exercice 1892 présentés par le conseil ; que ces
comptes avaient été l'objet d'un rapport favorable
de la part des commissaires ;
Attendu que mon requérant estime que ces
comptes constituent un exposé inexact des res-
sources de la Société, et que par l'exagération des
éléments de l'actif ils présentent un mirage trom-
peur destiné à surprendre la bonne foi des actioit-
naires et à induire le public en erreur sur la «H
tuation réelle de la Société ;
Qu'à cet égard, une simple analyse du bilan dé-
montrera peremptoiremement que loin d'être en
bénéfice de 1,634,S27 fr. 40, la Société ont au con-
traire dans un état de déficit évident et péril-
leux ;
Qu'en effet, il suffit d'exsminer ce bilan et de
le comparer avec ceux des entreprises similaires
pour voir que les amortissements n'existent pas,
que le capital est aujourd'hui entièrement dispara.
et que les obligations ne jouissent plus que de ga.
ranties fort aléatoires ;
Atten 'u que l'on trouve au bilan présente ans
actionnaires le 29 juin 1893 le matériel naval à
flot, le matériel et le mobilier à bord des paquebots
volontairement confondus pour une somme cie
162,506,510 fr. 94 auxquels on ajou'e, contrairement
à toutes les règles de la comptabilité, la valeur ini-
tiale des paquebots sortis de la flotte, c'est-à-dtm
revendus, dépecés ou naufragés, pour la lomme,
do 23,186,394 fr. 32, ce qui permet de donner à ht*
flotte une valeur globale de 185,693,394 fr. 32 suBj
laquelle, d'après le même bilan, 69,151,786 fr. 0!~
auraient été amortis, et que, par conséquent, la
valeur actuelle de laflotte seraitde 116,541.607 fr. 63
Attendu que ces chiffre.. malgré leur obscurité:
voulue, démontrent que le conseil d'administration-
de la Compagnie générale transatlantique, au liW
d'appliquer un amortissement annuel de 5 0i0 lllw,
la valeur ioiiMde de sa flotte et de 10 0i0 sur cegaj
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